Traitement des remblais
de l’autoroute A 22.
Imperméabilisation par une
géomembrane bitumineuse
Préambule
L'utilisation de géomembranes bitumineuses, en étan-
chéité de grande largeur (4 a 5 m) destinées au génie
vil et fabriquées en usine est bien connue et les géo-
membranes excellentes représentent le meilleur rapport
qualité/prix. Leur excellente résistance a de tres nom-
breux produits chimiques est également une qualité pri-
mordiale
Enfin, elles sont trés peu sensibles aux facteurs de
vieillissement que sont I’air, l'eau, l’ozone, les ultra-
violets et les micro-organismes.
Ces qualités essentielles jointes 4 une mise en ceuvre
facile en font des produits aptes 4 régler les problémes
« trés pointus »
L'imperméabilisation des remblais de Iautoroute
A 22 décrite ci-aprés est un exemple trés intéressant de
résolution d'un probléme difficile.
1. Historique
L’autoroute A 22 entre Marcq-en-Baroeul et la fron-
tigre belge a permis la continuité entre les réseaux auto-
routiers frangais et belges.
Longue de 18 km et construite entre 1969 et 1971
elle évite la traversée de nombreuses villes. Etant dans
une zone trés urbanisée et plate il a fallu la surélever
pour permettre la construction de nombreux passages
inférieurs. Cette surélévation a nécessité 1 500 000 m’
de remblai dont seulement 370 000 m} de déblais récu-
pérables sur place. Des matériaux de remblai de nature
trés_variée ont di étre utilisés dont en particulier
450.000 tonnes de charrées (fig. 1)
Les charrées sont des matériaux stériles provenant
une usine chimique frangaise située a 10 km du tracé
de lautoroute A 22. Les frais de transport et l'en-
combrement du réseau routier étaient ainsi réduits et de
plus les matériaux pour assises routiéres étaient diffi-
ciles a trouver dans la région.
Les charrées proviennent du traitement de la chromite
(55 % de Cr2 03) qui est broyée et mélangée a de la do-
lomie et du carbonate de sodium.
Ce mélange est calciné au four tournant et lavé pour
extraire le bichromate de sodium. Le résidu solide obte-
nu appelé « charrées » est mis en terril, mais ses bonnes
propriétés de portance l’ont fait utiliser pour la construc-
tion dassises routiéres
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BITUME ACTUALITES 95TRAITEMENT DES REMBLAIS DE L’AUTOROUTE A 22.
IMPERMEABILISATION PAR UNE
GEOMEMBRANE BITUMINEUSE
3. Pollution due aux charrées
En 1987 une société dont I'usine est limitrophe de
Vautoroute A 22 constatait que I’herbe ne poussait plus
en certains endroits des talus et qu’il se produisait des
efflorescences jaunatres (photo 1). Des études menées
par diverses administrations, dont le laboratoire régio-
nal des Ponts & Chaussées de Lille et l'APAVE, mon-
traient que ce phénoméne provenait de l’entrainement
par les eaux de pluies des traces de chromates encore
présentes dans les charrées.
La pollution était done limitée aux sections en rem-
blai et les fossés de pied de talus en captaient une partie
importante.
Des sondages ont montré que seule la nappe d'eau
superficielle contenait des chromates. La nape d'eau
exploitée pour l'eau potable étant située & une centaine
Photo 1. - Efflorescences jaunatres en pied d’un talus
de l'autoroute A 22.
Doe. Colas
BITUME ACTUALITES 95
de métres de profondeur et protégée par trois horizons
étanches n’ était pas polluée.
TI fallait done arréter la progression de la pollution
car les eaux de ruissellement chargées de chromates
pouvaient provoquer des troubles cutanés et polluer da-
vantage la nappe superficielle utilisée pour lirrigation
des potagers.
4. Technique de réparation
Le Directeur des Routes ayant demandé Ia création
d'un comité d’experts devant rapidement déposer ses
conclusions, la DDE a informé les communes rive-
raines, la presse et le mouvement écologique local dans
le cadre d’une large concertation
En trois mois le projet de traitement d'une section
test de 800 métres a été élaboré, approuvé et finance
par la Direction des Routes & concurrence de 9 MF. La
solution retenue consistait imperméabiliser par le des-
sus le terre-plein central, les chaussées et les talus, et
enfin a réaliser des fossés de pied plus importants.
Compte tenu du contexte sensible dans lequel se trou-
vait le projet, son adaptation a été menée en concerta-
tion pour tenir compte des contraintes de l’environne-
ment. La coopération entre le maitre d’@uvre et
Ventreprise retenue pour la mise en ceuvre de I’étan
chéité a été maintenue a tous les niveaux
Le service technique de I’entreprise qui n’a pas de re-
lations hiérarchiques avec la direction des travaux a as-
suré le contréle externe de la qualité des ouvrages exé-
cutés. Les services centraux de l'entreprise et de ses
principaux fournisseurs, en particulier la société pétro-
liére ayant fourni du bitume d'imperméabilisation, ont
également éé impliqués dans la conception détaillée
des ouvrages.
La tenue des travaux a fait objet d’une garantie dé-
cennale par l’entreprise.
5. Les travaux
Ceux-ci ayant pour but d’imperméabiliser trois types
différents de surfaces, le matériau principal utilisé fut
une membrane bitumineuse armée _ préfabriquée
(MBAP), en raison de la polyvalence de son efficacité.
5.1, Réalisation des travaux
Les travaux sur la section test comprise entre Roneq
et Tourcoing ont débuté en aoit 1990 par le remplace-
ment des glissigres en acier dont les supports percaient
le sol et permettaient le passage de l'eau. Elles ont été
remplacées par des glissiéres en béton armé (GBA) qui
reposent sur l'ancienne structure sans ancrage en pro-
25‘TRAITEMENT DES REMBLAIS DE L'AUTOROUTE A 22.
IMPERMEABILISATION PAR UNE
GEOMEMBRANE BITUMINEUSE
fondeur. On a pu ensuite réaliser I’étanchéité du terre-
plein central (TPC) et de la chaussée (photo 2)
L’@tanchement des talus et la construction d’un nou-
veau caniveau en béton armé ont fait objet d'une se-
conde tranche de travaux fin 1990.
5.1.1. Traitement du terre-plein central
Un travail identique a déja été réalisé sur la RN 20 en,
1986 pour la déviation de Cahors (voir BA n° 86
nov. 87). Sur ce site il fallait empécher que des eaux de
ruissellement chargées de traces d’huile, d’hydrocar-
bures et de débris de caoutchoue n’aillent polluer les
nappes phréatiques sous-jacentes.
Photo 2. - Soudage de la MBAP
sur la GBA.
Doe, Colas.
Pour le TPC de I’autoroute A 22, la terre végétale a
été enlevée et le sol nivelé et compacté. L’entreprise a
da déplacer les cables d’éclairage et de télécommunica-
tions, les incorporer dans la GBA. Puis elle a installé un
réseau de drainage des gaz susceptibles de se dégager
du talus. Sur le terrain compacté ont été placés depuis
le bas (fig. 2).
un géotextile antipoingonnement,
une MBAP soudée a chaud,
un autre géotextile antipoingonnement,
assées 20/40.
une protection en pierres
La membrane a été soudée a chaud a la glissiére en
béton préalablement recouverte sur 30 cm de hauteur
Enduit au bitume élastomere
Enrobé dense 6om
Glissiére béton armé
Terre-plein central
Géotextile |
Membrane
Géotextile |
Ballast
Ancienne chaussée conservée
Figure 2. —Etanchement du TPC
et des chaussées.
26
BITUME ACTUALITES 95Photo 3. - Contréle des joints par la cloche a vide.
dun enduit d’imprégnation a froid. En complément de
cette opération les évacuations d'eau pratiquées & tra-
vers la GBA ont également été étanchées par la mem-
brane.
L'intervention d'une durée de 28 jours a consisté &
recouvrir 8 000 m? de TPC et a remplacer les glissieres.
L’étanchéité des joints entre les lés de MBAP a été
vérifige par l’essai a la cloche a vide (photo 3).
5.1.2. Traitement de la chaussée
Les fissures de "ancien enrobé ont éé pontées avec
un mélange de bitume élastomére coulé a chaud. Les
chaussées larges de 10 metres ont été imperméabilisées
par un enduit a l'émulsion de bitume-élastomére sur le~
quel a été appliqué un enrobé dense fermé de 6 cm
d’épaisseur. Les chaussées d’autoroute, soit 16 000 m?
Photo 4. - Pose des matelas gabionnés
sur le complexe MBAP/film polymer
BITUME ACTUALITES 95
TRAITEMENT DES REMBLAIS DE L'AUTOROUTE A 22.
IMPERMEABILISATION PAR UNE
‘GEOMEMBRANE BITUMINEUSE
ont été revétues en deux nuits pour limiter la géne des
usagers,
$1.3. Les talus
Pour éviter la dispersion de chromates dans l'air les
talus n’ont été ni remaniés ni reprofilés.
Il faut souligner que la mise en ceuvre des produits
d'étanchéité s*est faite sur un support hétérogene et mé-
caniquement agressif comportant des traces importantes
de vegetation.
Aprés pulvérisation d'un herbicide remanent, les tra-
vaux dimperméabilisation du talus ont été menés
comme suit
= mise en ceuvre d’un géotextile drainant : celui-ci est
cloué dans le talus par des fiches plastiques. Ce géotex-
tile composite de 750 g/m? se comporte en nappe drai-
nante permettant |’écoulement de |’eau se trouvant dans
Je talus
~ pose d'une MBAP face sablée vers le haut, Sa sou-
dure 4 la GBA s‘effectue comme décrit ci-dessus. Un
réglet métallique en fer galvanisé chevillé dans la GBA
assure le serrage mécanique de la géomembrane soudée
au béton et sert d’ancrage en téte ;
- la mise en place d'un film en polyéthyléne ou en po-
lyester pour créer un plan glissant ;
‘ose dun revétement de surface en matelas gabion-
nés épais de 17 cm et remplis de terre végétale. Ce ma-
telas protége la MBAP et permet la pousse du gazon.
Le plan glissant a été prévu pour permettre aux gabions
de glisser dans le cas oi leur butée de pied lacherait. On
évite ainsi des détériorations de la membrane (photo 4).
Les travaux d’étanchéité sont complétés par un 5;
téme d”évacuation des eaux de ruissellement. Celles-ci
n’ayant jamais été en contact avec les terres du remblai
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IMPERMEABILISATION PAR UNE
GEOMEMBRANE BITUMINEUSE
ne sont pas polluées et retournent au réseau pluvial
existant,
5.1.4. Caractéristiques particuligres de la MBAP -
Résistance chimique
Nous rappelons que les caractéristiques ont été don-
nées dans Bitume Actualités n° 86. Dans ce cas précis
la résistance au bichromate a été étudiée et on constate
que le bitume résiste bien a une solution de bichromate
de potassium a 75 g/l, méme portée & 70 °C
Les mesures effectuées montrent que les eaux super-
ficielles les plus chargées de chrome ne contiennent pas
plus de 4 g de bichromate par litre et ne sont donc pas
en mesure d’attaquer le bitume
6. Enseignement de ce chantier
Avant la description du chantier de l'autoroute A 22
de nombreux exemples d'utilisation de MBAP avaient
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déja été donnés dans Bitume Actualités. II s’agissait
principalement de travaux neufs et relativement simples
tels que :
= bassins de retenue d'eau,
= éanchéités diverses dont en particulier un parking
sous-marin ;
= protection du dessus et des talus d’un terril ;
~ membranes posées sur le sol pour éviter la contami-
nation de la nappe phréatique exploitée sous un tracé
routier.
Pour cette autoroute i s'est agi de travaux de répara-
tion sous une circulation intense et concernant une pro-
tection délicate contre la pollution. Ils ont été rendus
possibles du fait de la résistance chimique des géomem-
branes bitumineuses. Les difficultés liées aux délais im-
partis et la variété des travaux distinets pour le TPC
les voies de circulation et les talus, ont été bien maitr
sées.
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