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WYXAIOZ ENINOHP Histoire d’une métaphore dans la tradition platonicienne jusqu’a Eckhart En 1952, un jeune chercheur suédois, Hans Hof, publiait sous le titre «Scintilla animae» une étude sur la philosophie de Mattre Eckhart, qui entendait réexaminer d'un point de vue critique la question de son rattachement A l’orthodoxie thomiste!. Avec perspicacité, auteur montrait que ensemble du systéme métaphysique du Maitre rhénan évacuait, dans Panalyse du rapport de Pétre fini A son principe premier, Panalogie, d'inspiration aristotélicienne, que les commentateurs de PEcole ont coutume de nommer « analogie de proportionnalité »*. Dés lors, seule 1'« analogie d’attribution », de provenance platonicienne, peut Les écrits guostiques coptes cités dans cet article seront abrégés de la fagon sui vante:4 = Allogéne; AJ = Apocryphon de Jean; An Br = Anonyme de Bruce; EsT = Levit sans titre ; PS = Pistis Sophia ; P Sem = Paraphrase de Sem ; TSS Trois Stéles de Seth; Zostr = Zostrianos. — PGM = Papyri Graccae Magicae, ed. K, Preisendanz, Leipzig-Berlin 1928-1931. — Pour le détail des sigles et abrévia tions, voir la table que j’ai dressée dans mon livre, Trois mythes gnostiques, Paris 1974) P. 9-17. 1. H, Hor, Scintilla animac. Eine Studie zu einem Grundbegriff in Meister Eckharts Philosophie, Lund 1952. ¢ Thése sensationnelle », déclare H, FRITSCH dans le Bulletin Thomislte 9 (1954-6), p. 975. « Livre d'une grande valeur», d’aprés un spécialiate apprécié des études eckhartiennes, R-L. Oxcustaw, daus la Vie Spirituelle, 93 (1955), p. 428. Parmi les comptes rendus de l’ouvrage, lire en particulier K. Werss dans la Theologische Literaturzeitung 79 (1954), col. 685-688 et C. FaBRo dans Divus Thomas 57 (1954), p. 324-5. 2. Voir la démonstration de H. Hor, 1. c., p. 80-112, ¢ Meister Eckhart kennt und wendet nur die eine Hilfte von Thomas’ Analogie, die analogia atiributionis, an, wihrend die andere, eine im eigentlichen Sinne metaphysische, die Proportiona- litétsanalogie, von Eckhart weder genannt noch in seiner Ontologie vetwertet wird. Analogia attributionis ist in den Eekhartschen Schriften eine analogia entis, eine metaphysische Analogie, d. h. die Attributionsanalogie ist Grundlage und Strukturschema der Eckhartschen Ontologie ¢ (J. c., p. rzo). Sur l’analogie, voir’état de la question et 1a bibliographie récente dans l'art. de W. Kluxen, in J, Ritter, His- torisches Wérterbuch der Philosophie, t. 1, Darmstadt 1971, col. 220-227, 226 MICHEL TARDIEU rendre compte de la participation de Ia réalité créée & son analogué principal®. Ia porte était donc ouverte sur la source néoplatonicienne @’Eckhart, et Hans Hof n’avait pas de peine a établir que le « concept fondamental » d'étincelle de Padme, & la fois lieu de la génération divine, intellectus inquantum intellectus et essentia animae, se référait, par-dela Augustin, 4 Plotin et a Platon’, Ce qui est exact. Mais le lecteur de Hans Hof reste sur sa faim, en constatant que pas une seule référence & Yexpression scintilla animae west apportée, en dehors des citations bien connues liées au traité médi¢val de la syndérése et qui ont leur point de départ dans une glose de saint Jéréme®. Méme surprise en lisant les analyses, & bien des égards neuves, de Endre von Ivanka, sur la notion d’apex mentis®, Le faisceau des synonymes de la formule a été parfaitement mis sur pied’, ainsi que la source stoi- cienne®. Ijauteur a été moins heureux dans le repérage des lieux pla- toniciens précis d’ot proviennent de telles images®. A retenir, pourtant, Pexégise de Padverbe 2€aigvng de Banquet 210 E, servant a décrire 3. «Das cinzig mogliche Verhiiltnis zwischen analogatum principale und inferius in Hekhartscher Metaphysik ist eine dynamische Beziehung. Und dieser Punkt in Eckharts ontologischer Konzeption bildet in seiner Philosophie eben den systema- tischen Ort, wo die ‘Tore fiir das neuplatonische Grundmotiv gedfinet werden » (4. Hor, 1. c., p. 111), Point de vue qui, la méme année oft paraissait !ouvrage de H. Hof, était corroboré par la thése de H. LwrtKens, The Analogy between God and the World. An Investigation of its Background and Interpretation of its Use by Thomas of Aquino, Uppsala, 1952. En effet, Lyttkens mettait parfaitement en lumiére le réle décisif joné par les commentateurs néoplatoniciens d’Aristote dans l’élaboration et V'évolution de Ja doctrine thomiste de ’analogie. « He (= S. Thomas) describes what is really a Neoplatonic analogy by the direct analogies he has found in Aristotle » (LwrrKEns, I. c., p. 352-3). Voir également le compte rendu de louvrage de Lyttkens par L.-B. Ge1crr dans le Bulletin Thomiste, 9 (1954-6), en particulier p. 417. 4. Cf. H. Hor, I.c., p, 188-220. 5. CE, Jundue, In Hiezechiclem, 1, 1, 6/8 (CCL 75, p. 11-12, 209-222 Glorie), 6. B. VON IvANKa, Apex montis. Wanderung und Wandlung eines stoischen Terminus, daus Zeitschrift jiir katholische Theologie, 72 (1950), p. 129-176. Les pages 147-176 sont reprises dans Plato Christianus. Ubernahme und Umgestaltung des Platonismus durch die Vater, Kinsiedeln, 1964, p. 315-351. 7. Voir en particulier Apex mentis, p. 152 = Plato Christianus, p. 321. Dans la liste qu'il donne des concepts synonymes rattachés & la psychologie stoicienne, Ivanka propose la rétroversion suivante : « scintilla animae = dndcnacpa. des komischen Feuers » (également chez Hof, p. 197). Pour établir une telle rétroversion, Ivanka semble s'appuyer sur SENEQUE, De atio, V, 5 (texte cité dans Plato Christianus, p- 318, n. 2, repris par Hof, p. 249, u. 2). Dans l’expression de Sénéque, « pattem ac ueluti scintillas quasdam sacrorum #, dndonaopa (partem) reléve bien de la ter- minologie stoicienne, mais pas les scintillae sacrorum, étincelles des astres divins, clest-A-dire les omvOfipes de 1a cosmologie grecque ancienue, qui se rattachent, ¥ compris dans le contexte de Sénéque, au vocabulaire technique de lorigine astraie des ames, cf. infra me partie : hypothése pour une source, Tes Oracles chaldaiques nous donnent donc la rétroversion correcte de scintilla animae : yoxutog omv0p {p. 26 Kroll). Sur dndonaopa, voir J, Monrav, L’dme du monde de Platon aux Stot- ciens, Paris 1930, p. 186, n. 21. 8 Cf. IVANKA, Plato Christianus, p. 317-321. 9. Ip., Apex mentis, p. 132-138, «SCINTILLA ANIMAE » 227 la soudaineté de Lirruption de 1a beauté transcendante au terme de la vision initiatique?®, Mais, 1 aussi, le lecteur, désireux d’tme lexicographie historique tigoureuse de la formule scintilla animae, reste insatistait. Crest cette histoire qui sera tentée ici, LE DOSSIER GNOSTIQUE Absente telle quelle de Platon, d’Aristote et des Stoiciens, comme des courants qui en dépendent dans lantiquité classique, c’est avec les Gnostiques que l’expression étincelle de l’dme entre massivement pour la premiére fois dans histoire de la penséel!, Ainsi la voit-on utilisée chez Satornil, le premier grand chef d’école du gnosticisme, et cela dans les premiéres années du 11° s., A Antioche de Syrie!2, Dans ce type de gnose encore trés proche de ses origines juives, V'étincelle apparait dans le cadre du mythe anthropogonique comme exégése du « souffle de vie » de Gn2, 7b, désignant de la sorte clairement la yoy Coa du récit iahviste (2, 7¢). TEXTE n° 1: Satornil apud Irbwix, Adv. Haer., I, 24, X (t. I, p, 196-7 Harvey) cité par Hirroiyrs, Elenchos, VII, 28, 2-4 (GCS 26, Pp. 208, 13-209, 4). To. Voir aussi l’8aigyng du mythe de la caverne, Rép. 515 C. Textes repris par Hor, Scintilla animae, p. 189, 193. 11. Le seul « scholar » & avoir souligné l'importance de ce théme dans le gnosti- cisme est, comme souvent, W. Bousset «ui lui consacre nue note d’une quinzaine de lignes dans Kyrios Christos’, Gottingen 1965 (ed. angl., New Vork 1970, p. 259, n. $3). Mais Bousset, qui ne voit dans la formule qu'une image liée au dualisme gég-okdt0¢ ct qui ne cite que quelques textes tirés des notices patristiques, ne soupgonne pas qu'il puisse s'agir d’une expression technique de philosophie platonicienne. 12, « Clest d’eux (= Simon et Ménandre, Samaritains, fondateurs mythiques de Je gnose) que proviennent Saturnin (Saturninus), originaire d’Autioche pres de Daphne et Basilide.... !'um en Syrie, autre A Alexandre » (Insimte, Adv Heer, 1 24 £3 t 1, p. 196 H.) Renseignement repris par tous, ainsi Pauteur de l’Elonchos, VIL 28, 1 (GCS 26, p. 208, 8-10) ; Eusknx, Hist. Eecl., TV, 7, 3-4, fait de Saturnin et de Basilide les dpynyot de deux hérésies différentes ; chez SrmrHANE, Panarion, XXUL 1, 1-2 (GCS 25, p. 247, 15-248, 1), ils deviennent condiseiples, avexooaordl | de parti-pris des auteurs ecclésiastiques est de montrer que les hérétiqnes forment, & Vinstar de la succession épiscopale et des écoles de philosophie, une chaine ininter- rompue de diadoques de l'erreur depuis les fondateuts supposés de Age apostolique. Done, chacun de leur c6té, Satornil et Basilide constituent Ia premitre generation historique de Gnostiques, 'un dans le premier quart du 1 s,, l'autre dans le deuxiéme quart. 228 MICHEL TARDIEU « I/homme est une créature des anges. C’est d’en haut, dela souveraineté se manifestant comme image Iumineuse, que n’ayant pu la retenir parce qu'elle était aussit6t remontée en haut, ils 5 les anges) s’exhor- férent mutnellement, disant ; Faisons homme A (son) image et ressem- blance (Gn x, 26). L’ouvrage ainsi fait mais ne pouvant se dresser par suite de la débilité des anges et se tortillant comme un ver, la puissance d’en haut, prise de compassion pour Ini, parce qu'il avait été créé & sa resemblance, envoya une étincelle de vie (omvOfipa Cafc — scintillam vitae) qui fit dresser l'homme" et le fit vivre. Aprés la mort, cette étincelle de vie remonte vers les étres de méme race, et Je reste se dissout dans ce & partir de quoi il a été fait. » Le résumé d’Irénée, fidale au schéma du mythe que Pon connait par ailleurs!4, fait ressortir les quatre points suivants : 1. Léincelle appartient au vocabulaire lié 4 Pinterprétation de Gu x, 26 et qui se constitue, dés I’époque de Philon, en systéme philosophico- théologique de Pimage de Dieu. 2, Daslors, Pélincelle désigne ce qui dans Phomme est image authentique de la transcendance, ou moi propre, échappant au temps et a la pesanteur du sensible, par sa capacité de conjoindre a son terme I'unité du principe. 3. Lrallusion A Gn 2, 7 permet @identifier Pétincelle comme étant également le nvetpa ou la yoy, c’est-a-dire le principe vital, qui fait de!’ Adam prostré un étre debout#® ; un tel principe, transcendant devenir et génération, provient «d’en haut », @une sphére au-dela des anges démiurges, et y retourne. 4. Par le blocage de Gn x, 26 et de Gn 2, 7, Satornil ou le systéme de gnose qwil représente a aube des temps gnostiques ne fait que re- prendre une exégése familitre aux interprétes juifs hellénisés, tel Pmon, Ofif. 146; Mutat. 223; Leg. III, 161; Deter. 90; Her. 283 ; toutefois, auteur gnostique n’utilise plus désormais le terme stoicien technique (&ndonacpa), mais celui de omw6ijp qui se rattache, pensons- nous, a la tradition platonicienne. Chez Epiphane, le texte d’Irénée sera repris et délayé sans originalité. Seul détail A noter : Phérésiologue précise ce qu’il faut entendre par étincelle : TEXTE n° 2 : Satornil apud Erirnane, Panarion, XXIII, 1, 8-9 (GCS 25 p. 249, 6-17). «Une fois homme créé, ils (= les anges) ne purent, par suite de leur débilité, le mener 4 son terme, mais l’homme était étendu et se tortillait par terre comme un ver qui se traine, ne pouvant ni se dresser ni faire quoi que ce soit d’autre, jusqu’a ce que ld puissance d’en haut, se pen- 13. Je considére comme une glose additionnelle du traducteur latin 1a formule : ¢ ctarticulauit ». TERTULLIEN, De anima, 23, 1: ¢scintillulam uitae consecutum, quae illud exsuscitarit et erexerit et constantins animarit et post decessum uitae ad matricem relatura sit » (CCL 2, p. 815, 8-10). 14. Voir mon livre, Trois mythes gnostiques, p. 125-129. 15. Tbid., p. 137-138. « SCINTILLA ANIMAE » 229 chant pour regarder et émue de voir sa propre image et forme, par compassion envoya une étincelle de sa puissance et, grace & cette étincelle, elle fit mettre I’homme debout et ainsi le fit tevivre : par dtincelle, Satornil veut dire l’Ame humaine. Voild pourquoi, l’étincelle est sanvée de toute facon, et le reste de "homme se perd. Ce qui est descendu d'en haut est ramené en haut an bout d’un certain temps, mais tout ce qui vient d’en bas et qui a été eréé par les anges est abandonné par eux ici-bas. » Les notices des autres hérésiologues n’apportent rien de plus que ce qui a été dit chez Irénée!®, A la fois image, pnewma et psyché, I’étincelle désigne le gnostique lui-méme, d’od I’affirmation suivante : TEXTE n° 3: Satornil apud Iriwim, Adv. Haer., I, 24, 2 (t. 1, p. 198) repris par Hiproryrn, Elenchos, VII, 28, § (p. 209, 9-10) : « Is prétendent étre ceux qui possédent I’étincelle de la vie en eux. » Chez EPIPHANE : ... « ceux qui possédent I’étincelle du Pére d’en haut » (Pan., XXII, 2, 2; p. 25012), Epiphane met sous la rubrique « Ophites » le résumé d’un ouvrage qui reprend les données anthropogoniques rencontrées dans la gnose de Satornil, et qui a son paralléle dans Intnie I, 30, 6-7 (t. 1, 232-4). L’ensemble de la notice d’Epiphane est fondé sur des renseignements fournis par Irénée, mais en raison des nombreux termes techniques utilisés et qui sont absents d’Irénée, force est d’admettre qu’Epiphane a ajouté des détails glanés au cours de ses propres lectures : TEXTE n° 4: Ophites apud Epruann, Panarion, XXXVI, 4, 1-3 (GCS 31, P. 55, 14-56, 5). «L‘homme rampait comme un ver, ne pouyant ni lever la téte ni se dresser. Contre la volonté de Jaldabaoth, la Mére d’en haut, celle que l’on appelle Prounicos, voulent’ vider Jaldabaoth de la puissance qu’il détenait grace 4 elle, agit sur Ini au profit de l’homme créé par les rejetons du démiurge, elle vida ce dernier de sa puissance et eftvoya A partir de lui une étincelle destinée & homme, voulant dire par 1a PAme. T/homme, alors, se tint sur ses pieds et ftanchit par la pensée les huit sem, Due il reconnut et célébra le Pére d’en haut, qui est au-dessus de oth, » Dans son commentaire de ce résumé du mythe (KXXVII, 6, 3-4; p. 58, 14-21), Epiphane s’étonne que «Phomme qui posstde 1a trés petite étincelle puisse reconnative au-dela des anges qui Pont créé». En effet, Ja fonction de cette étincelle ('humectatio luminis ou spiritus vitae de la notice d’Irénée, p. 233 H.), toujours dans la perspective de Pinter- prétation de Gn 1, 26 et Gn 2, 7, est de permettre a !’élu le franchissement des sphéres archontiques et Ja réalisation de la gnose par Ja reconnais- 16. Voir la liste donnée par R. Lamcranuan, art. Satornil, dans la Realencyklo- padie filr protestantische Theologie und Kirche, 3° éd., t. 17, Leipzig 1906, p. 49x. 230 MICHEL TARDIEU sance du principe originaire. Ce qui rejoint acquis du texte n° le Mais alors qu’Epiphane glose de fagon banale en indiquant que T'étincelle désigne Pame, lieu commun qui répéte le texte n° 2, Irénée fournit une acception plus technique en proposant Je couple votg - évd%unors (p. 233 H.). A noter également qu’a la dialectique arché-télos, qui précise le statut de l’étincelle dans les textes x et 2, interfére ici opposition hénbme-plérome : vide du démiurge aprés le départ de Pétincelle — carac- tére plénier du gnostique qui la recoit. Avec le systéme de 'Apophasis Mégald, attribué a Simon le Mage mais qui date de la seconde moitié du n° s., P’étincelle entre dans un réseau de correspondances symboliques nouvelles, fondées sur tne cosmologie allégorisante des éléments primordiaux. TEXTE n° 5: Apophasis Megalé apud Hirroiyre, Elenchos, VI, 17, 7 (GCS 26, p. 143, 28-144, 4). « Le fait que le sang se change en semence et en lait signifie que celui qui demeure en puissance dans ces éléments, aprés avoir renconiré la parole appropriée et le maitre du lieu od est engendrée la parole, commence comme & partir d'une étincelle tras petite, puis va en s’agrandissant et s'accroissant, jusqu’a étre une puissance sans limite, non différente de Téon immuable qui n'est plus soumis & la génération pour V'éternité sans in. » Ce texte forme Ja conclusion d'un développement sur I’« élément bien- heureux et incorruptible, caché en toute chose, en puissance, non en acte » (VI, 17, 1; p. 142, 26-27), autrement dit 1’ étincelle tras petite de VI, 17, 7 (p. 144, 1). Done, d’un bout @ Pautre du méme chapitre, on a affaire a un méme théme que l’'auteur guostique va déployer en tous ses aspects. Tout Pabord, létincelle est décrite comme 6 Sotdg, ods, otnodpevos (VI, 27, x; p. 142, 28). Une telle affirmation de la permanence ontologique de l’étincelle, tout en renvoyant @ la définition du principe premier courante dans le moyen-platonisme, s'inscrit A l'intériewr du systéme judéo-chrétien du temps triparti : «IL (= Pélément bienheureux et incorruptible) est stable en haut dans la puissance inengendrée, il a été stable en bas engendré en image dans l’écoulement des eaux, il sera stable en haut auprés de la bienheureuse puissance sans limite, une fois identifié a son image » (VI, 17, 1; p. 142, 28-143, 2). L’étincelle exprime donc bien le caractére immuable et transcendant du moi gnostique, ce que Porruyre, De abstinentia, I, 30 appelle ta Svtac oiketa et qui estinalié- nable. Permanence ontologique attestée également dans un fragment @hymne repris par Pauteur de lApophasis : « Moi et toi sommes un, avant moi il y a toi, aprés toi il y a moi» (VI, 17, 2; p. 143, 7). Et pour bien marquer cette ¢ puissance » (p. 143, 8. 23 W.) de rassemblement du tout, dont est douée la partie, auteur poursuit sa démonstration 4 l'aide «SCINTILLA ANIMAE » 231 d'un autre fragment d’hymne dans le style des arétalogies!”. Dés lors, lessentiel est dit. Il reste 4 auteur dillustrer son analyse a Taide de symboles connus. Le premier renvoie 4 Gn x, 2: « L/inengendré porté sur eau, recréé par ressemblance parfait et céleste, en aucune pensée inférieur A la puissance inengendrée » (VI, 17, 2; p. 143, 4-6). Us'agit d'une identification personnifiante de Pétincelle a esprit planant sur les eatx, comme on la retrouvera dans le systéme des Séthiens de PElenchos. Un tel renvoi au mythe cosmogonique implique que I’étincelle personnifiée occupe dans l’espace primordial fa position médiane, inter- médiaire entre le haut, sige de Vinengendré, et le bas, liew de Vincor- poration. De la sorte, lauteur de l'Apophasis est trés cohérent avec lui- méme, quand il met en rapport l'esprit-étincelle avec le monde sensible, lieu de la génération, of briile le feu a Lorigine du sang, tui-méme se tournant en semence chez I"homme, en lait chez la femme (cf. VI, 17, 4-5; Pp. 143, 12-20, qu'il importe de lire en paralltle avec Prutargun, De amore prolis, 3 = Movralia 495 D-F), La mention, étrange a cet endroit, de ’épée de feu tournoyante qui garde le chemin de Varbre de 1a vie (cf. V, 17, 5; p. 143, 20-21; également dans EsT raz, 10-13 et 126, 6 avec paralléles que je signale en note), au-dela de la relation artificielle indiquée par Pauteur de P Apophasis avec les métamorphoses du sang (VI, r7, 6; p. 143, 21-25), vient renforcer le statut intermédiaire de 1’étincelle personnifide comme esprit planant, 4 partir d'un blocage entre Gn x, 2 et Gn 2, 7. De la sorte, se trouve préservé, bien qu’au contact du monde sensible, le caractére inaltérable de I élément bienheureux et incorruptible » (VI, 17, 7 ; p. 142, 1) désigné symboliquement comme arbre de Ia vie. Avec la spéculation séthienne, I’étincelle devient partie intégrante du mythe cosmogonique : TEXTE n° 6 : Séthiens apud Hiepoiyrn, Elenchos, V, 19, 5-7 (GCS 26, p. II7, 11-24). «La ténébre est une cau redoutable, vers laquelle ont été attirés le souffle et la lumitre et cn la nature de laquelle ils ont été transmués. La ténébre n'est pas inintelligente, mais sage au plus haut point; elle sait que, sila Iumitre lui est enlevée, elle reste solitaire, cachée, obscure, impuissante, vaine, faible. Voila pourquoi, de toute sa sagesse et intelli. gece, elle use de violence pour retenir en elle la clarté et l'étincelle de la Iumiére avec 1a bonne odeur du souffle. De la nature de ces choses, le visage de l'homme offre une image par la pupille de ceil, tenébreuse par suite des liquides qui Tentourent, maid ihuminge comme par un ayid: Plenchos, VI, 17, 3 (p. 143, 7-11) ; sut Vanalyse de ce genre littéraire, ef, mon livre, Tvois mythes gnostiques, p. to7-112. 232 MICHEL TARDIEU souffle", De méme done que la ténébre revendique la clarté pour avoir Vétincelle & son service et voir, ainsi la lumiere ef le souffle revendiquent la puissance qui est Ja leur, 'et ils ont hate denlever et de ramener vers eux leurs puissances mélangées A l'eau d’en bas, ténébreuse et redoutable. » Ce texte a son paralléle quasi-littéral en X, 11, 4-5 (p. 271, 3-13), et en V, 20, 9 Vauteur de PElenchos, qui cherche a réfuter Phérésie par Pappel 4 une source grecque fantaisiste, parlera également de I’« eau ténébreuse placée en bas, dans laquelle 1a lumiére s’enfonce et d’oti il faut qu’elle retire et enlave l’étincelle qui y a été jetée d’en haut » (p. 122, 18-20). Dans ce type de cosmologie, basée sur une interprétation des premiers versets de la Genése, 1’étincelle représente 1a portion de feu céleste pri- sonniére de Peau ténébreuse, et tout le processus cosmogonique se résume @ une lutte des éléments supérieur et inférieur, qui aboutira 4 leur s¢pa- ration par la mise en place entre eux du pmewma, un monde triparti se substituant de la sorte au dualisme primordial. La chute de V’étincelle dans la ténébre, qui dans le mythe séthien comme dans le Poimandrés a son origine dans le reflet ou ’échange d’amour, implique en retour son sautvetage, cosmogonie qui porte déja en elle le systéme sotériologique de Ja Sophia valentinienne et de ‘Homme Primordial manichéen. Un tel schéma se lit de facon plus ample dans le texte suivant. TEXTE n° 7 : Séthiens apud Hirorytx, Elenchos, V, 19, 13-17 (GCS 26, Pp. 118, 25-120, 5). « De/’eau nait um principe, premier engendré, vent violent et impétuenx, et cause de toute génération. Car en provoquant un bouillonnement dans les eaux, il y souléve des vagues. La naissance des vagues, comme a Ja suife de quelque impulsion, (explique, & la fagon @) une femme enceinte, 1a naissance de l'homme ou de l'intellect, lorsque, poussée par 'impulsion du souifle, 1a femme est contrainte (8 enfanter). Lorsque cette vague, soulevée de lean par le vent, fécondée et en travail comme cela a lieu chez une femme, a congu en elle un rejeton, elle retient alors Ja lumiére disséminée d’en haut avec la bonne odeur du souffle, c’est-A- dire un intellect aux formes multiples, dien parfait, ven de la lumiére inengendrée d’en haut et du souffle, descendu dans la nature humaine comme dans un temple, puis par une inclination de la nature et un mouvement du vent, né de l'eau, mélangé et amalgamé aux corps comme étant sel des créatures et Inmidre de la téngbre, pressé de se libérer des corps mais incapable de trouver sa délivrance et sa sortie, Car clest une étincelle trés petite qui a été mélangée, par(celle détachée) 18. Méme théme, qui vient de hetmétisme, dans Lactancn, De opificio dei, 8, 16-17 : orbes autem ipsos umoris puri ac liquidi plenos esse uoluit, in quorum media parte scintillae Iuminum conclusae tenerentur, quas pupillas nuncupamus, in quibus puris atque subtilibus cernendi sensus ac ratio continetur. per eos igitur orbes se ipsam mens intendit ut uideat miraque ratione in unum miscetur et coniungi- tur amboram luminum uisus (CSEL 27, p. 31, 12-18 Brandt) ; voir également infra texte n° 10. La scintilla, ou pupille de V'ceil, figure ici le cernendi sensus ac ratio, clest-A-dire le vos, par quoi l'ame (mens, yozi) voit la lumitre (cf, Asclépins, 18). «SCINTILLA ANIMAE» 233 d'en haut a la maniére d'un ra(yon d’ast)res, dans le(s multiples enche- etrements (du, corps aux eats) innombrables, comme, dlsentils, i est dit dans le Psawme, Ul n’est done pour Ie Inmiére d’en haut qu'une pensée et qu'une préoccupation : comment et de quelle maniére I'intellect sera délivré de la mort du corps mauvais et iénébreux, de son pére dien bas, c'est-a-dire le vent qui dans le frémissement et Vagitation (des eaux) a soulevé des vagues et engendré un intellect parfait, son fils, qui n'est pas son propre fils par essence, C’est d’en haut, en effet, que Je rayon tire son origine, ven de cette Iumiére parfaite, pour étre enfermé dans I’eau ténébreuse, 1edoutable, amére et souillée, c’est-A-dire précisément le souffle lumineux porté au-dessus de l'eau. » Un doublet de ce texte est fourni par ’auteur de l’Elenchos au livre X. Bien que I’hérésiologue y embrouille 4 souhait les divers plans du mythe, quelques détails nouveaux non mentionnés dans V’extrait ci-dessus méritent @étre relevés, TEXTE n° 8: Séthiens afud Hirponyre, Elenchos, X, 11, 7-10 (GCS 26, P. 271, 22-272, 12). «De l'eau nait, disent-ils, un principe, premier engendré, vent violent et impétuenx, et cause de toute génération, qui occasionne dans Je monde un bouillonnement et un mouvement’ partir da mouvement des eaux (= V, 19, 13; p. 118, 25-119, 1). Tl (= le premier engendré né de l'eau) présente une forme ailée presque semblable & une ondulation de serpent (= V, 19, 183 p. 120, 89). Te monde se porte vers la géné ration, bouillonnant’ d’impulsion & la fagon d’ne matrice, et de 1a vient, selon eux, qu’est rassemblée la génération de toutes choses (= V, 19, 45 p. 119, 1-4). Test un soutfle de vent, disent-ils, dieu parfait, i provient des eaux et de la bonne odeur du souffle et de la clarté de Ja Iumiare (= V, 19, 15; p. 119, 8-10), il est un rejeton de la femelle (= V, 19, 14; p. 119, 5). Mais l'intellect, l’étincelle d’en haut!®, qui en bas a’ été mélangée avec les éléments enchevétrés du corps, ‘se hate de fuir et de s’en aller, sans toutefois trouver la délivratice & cause du lien qui est dans les eaux (= V, 19, 15-16; p. 119, 10-15). Voild Pourquoi elle pousse un cri & partir du mélange des eaux, conformément au Psaume, & ce qu'ils disent (= V, 19, 16 ; p. 119, 15-16). Toute la préoc- cupation de Ia Iumiére d’en hant est de faire s'écouler V'étincelle d’en bas & partir du péte d’en bas (= V, 19, 16; p. 119, 16-18), une fois que le vent a provoqué bouillonnement et agitation et qu'il s'est constitué un intellect (comme fils), mais qui n’est pas le sien propre, & ce qu’ils rétendent (= V, 19, 16; p. 120, 1-2). Ce que voyant, le logos parfait le la Iumigre d’en haut’ prend Ja forme d'un serpent et s’introduit dans la matrice (= V, 19, 20; p. 120, 16-17), afin de pouvoir reprendre cet intellect, Yétincelle provenant de la lumitre » (= V, 19, 7; p. 117, 22-23). Le propos fondamental du mythe est d'intercaler dans l’antagonisme lumiate /feu - téndbre/eau un élément médian, le pneuma de Gn 1, 2, toujours identifié au souffle de toute vie de Gn 2, 7. Et il n’est pas interdit de voir dans ce passage du dualisme cosmologique & un monde triparti 19. Jeponctue différemment que Wendland et rattache vobv & tov Gvobev omvef|oc, comme cela se lit quelques lignes plus loin en X, x1, 10 (p. 272, 11-12). 234 MICHEL TARDIEU un signe des préoccupations philosophiques des Séthiens, qui, aux dires d@’Hippolyte, persuadaient leurs disciples d’étudier la théorie de la com- binaison et du mélange, « laquelle est développée par beaucoup, mais en particulier par Andronicos le péripatéticien » (p. 123, 5-7 W.) : TEXTE n° g : Séthiens apud HiproiyteT, Elenchos, V, 21, 2 (GCS 26, p. 123, 7-12). «Les Séthiens disent que la théorie de la combinaison et du mélange consiste en ceci : le rayon Iumineux est venu d’en haut pour étre Vobjet d'une combinaison, et létincelle trés petite s’est subtilement mélangée en bas dans Jes eaux ténébreuses et ale a elles, de maniére & ne former qu'un seul et méme composé, de méme qu'ume seule et méme odenr se légage des multiples parfums de sacrifice mélangés sur le fen. » Quoi qu'il en soit de la référence A Andronicos le péripatdticien, trés vraisemblablement fantaisiste, la cosmogonie séthienne se présente bien en réalité comme un traité nepi xpicewg Kai plEews, tout comme la Paraphrase de Sem du codex VII. Ce qui rejoint une constante de Pépoque sur le statut de la physique, liew théologique par excellence. Dans le traité séthien fourni par l’Elenchos, le théme de l’étincelle réunit les terminologies stoicienne (@xdonacpa) et platonicienne (éiKtic). Diautre part, le lieu ténébreux et aquatique, dot surgissent les vents (les ames et les démons de P Sem), est décrit comme une matrice gardant dans ses replis (les « nuées » de P Sem) Tétincelle du votc. Ce dernier est retenu prisonnier de la «nature », synonyme de la matrice, comme cela se voit dans la langue des papyrus magiques, jusqu’a ce qu'un sauveur (le Logos du texte n° 8, Derdekeas dans P Sem) pén&tre 1a matrice pour y tetirer I’étincelle et de 18 1a ramener A son lieu d'origine. ‘Un paralléle aux textes n° 7 et 8 est fourni par P Sem, qui présente du mythe une version dont l’analyse montre qu’elle fut une source litté- tairement trés proche de celle utilisée dans la notice de !'Elenchos. Pour garder le voc a Pintérieur de la matrice et le protéger des eaux maléfiques, la nature ou matrice se divise en nuées (5, 22-6, 13). L’esprit cherche alors a délivrer le voOc mais s’alourdit au contact de la nature et se fait prendre dans Phymen, Pune des quatre nuées (6, 13-35). La lumiare @en haut décide de venir A son secours et envoie Derdekeas, « le fils de la lumigre », qui intervient pour obtenir la délivrance de esprit (7, 31-9, 7). L’esprit se détache de la matrice et remonte dans sa lumiére (9, 8-x2, 6). A la suite de quoi, a lieu le sauvetage du vot au terme @une longue série de péripéties, et ce n’est qu’d la deuxiame tentative que le vot, « ceil du cceur de la téndbre », recoit de Derdekeas la puissance de esprit inengendré et se détourne de la matrice humiliée et dépouillée (22, 16-23, 8). En relevant Yensemble des articulations cosmologiques séthiennes des textes n° 7 et 8, comparées aux données de la Mithrasliturgie du PGM LV 487-560 et aux trois racines de P Sem (2, 6-7) provenant de Gn 1, 2-3, on obtient le systéme triparti qui se met en place aprés la « SCINTILLA ANIMAE » 235 descente du vols : P Sem PCM Séthiens lumiére éther feu pneuma ait vent ténébre nature eau La remontée du vots vers la fumitre sopére par un logos sauveur (Séthiens de 1’Elenchos et P Sem), que Yon retrouve chez 'Théodote. TEXTE n° 10: Théodote apud Ciéiment v’ALHxXANDRIE, Excerpta ex Theodoto, 1, 3 et 3, 1 (GCS 17, p. 105, 12-14 et p. 106, 8-9). «La semence élue, nous (= Clément) l'appelons aussi étincelle ranimée par le Logos; pupille de Veeil, grain de sénevé, ferment qui unifie en vue de la foi les races qui apparaissent divisées. » « Btant venu, le Sauveur a tiré]'dme du sommeil et enflammé l’étincelle. » La liste de synonymes de «semence élue » mentionnés par Clément en I, 3 pourrait faire penser que lexpression «étincelle ranimée par le Logos » relave de !’Eicriture, mais le renvoi de Stahlin, repris par Sagnard, a Is 42, 3 ne donne rien. Force est done de conclure qu'il s’agit bien ici aussi de létincelle de Pdme clairement attestée en 3, 1, et utilisée par ‘Théodote pour désigner la « semence pneumatique » (x, 1), décrite mythi- quement comme «effluve de Pélément male et angélique » (2, 1-2) ou philosophiquement comme « Ame raisonnable et céleste » (53, 5), semence déposée par le Logos ou Sauveur (2, 1) dans 1’Ame élue momentanément lige A Pélément charnel (1, 1) qui provoque sommeil (2, 1) et oubli (2, 2). Ainsi se comprend trés bien la remarque de Théodote en 3, 1, qui est & rattacher a l’Extrait 2 : « Btant done venu, le Sauveur a tiré l'me du sommeil et enflammé 1’étincelle », EmwOnyp désigne donc clairement la partie raisonnable de l’'Ame, f) Aoyuct kai obpavia worn (53, 5), enfouie et comme endormie dans les passions du sensible, et qu’il importe de réveiller, de ranimer, thme commun & toute l’époque. En mentionnant en 2, 3 dans la liste des synonymesle omw6f\pa Caonototpevoy, Clément. renvoie A l'usage qui en est fait couramment chez Théodote et chez les Gnostiques, non pas, comme le croit Stahlin, en référence a Is 42, 3, mais au moyen-platonisme, ainsi Maxime DE Tyr, Philos, XXXI, 4, g, ot il est dit que la nature a enraciné dans l'homme ti COmvpov d@avés mpog sa@tnpiav Biov, 5 KaAodow of GvOpwxor vobv (p. 365, 14-366, © Hobein ; voir également V, 8, f-g, p. 64, 9-16 ; XXIX, 6, c, p. 346, 15-18). Cest dans cette perspective qu’il convient de placer les S¢thiens d’Hipi- phane. Lanalyse de la notice XX XIX du Panarion montre que le pour- fendeur de Salamine a une fois de plus catalogué sous une étiquette fantaisiste un traité gnostique qu'il a eu en mains mais dont le résumé quwil nous donne semble plus proche de 1a perspective du mythe valenti- 236 MICHEL TARDIEU nien et des écrits 4 et 5 du codex II que des traités proprement « séthiens » A la source de la notice de 1’Elenchos. TEXTE n° 11: Séthiens apud Eprnann, Panarion, XXXIX, 2, 4-5 (GCS 31, p. 73, 1-6). « Celle qui est appelé Mare et Femme effectua en elle-méme une enthymésis et fit naitre Seth. Elle placa en Iui sa puissance, ainsi qu'une semence de Ja puissance d'en haut, et l'étinceile envoyée d’en haut comme premier fondement de la semence et du rassemblement : c’est le rassemblement de la justice et I’élection de la semence et de Ja race. » Cet épisode du mythe intervient a la suite du meurtre d’Abel, conséquence de la révolte des anges (KXXIX, 2, 1-2) et aprés que la puissance d’en haut eut mis fin a cette révolte (XXXIX, 2, 3). A la suite d'une nouvelle insurrection des anges, cette méme puissance déclenche le déluge ; seule y échappe « la race pure et juste de Seth, restée dans le monde pour rassembler la race d’en haut et 1’étincelle de 1a justice » (KX XIX, 3,1; P. 74, 1-3). Cette derniére expression, omivOijp this Stcatoobvns, fonde- ment du rassemblement (kataPoAr ovotdcews), définit la vocation eschatologique des Gnostiques rassemblés en Figlise angélique?”. 1étincelle ici est YévO6pnorc de 1a puissance d’en haut, que dans un méme contexte la notice d’Irénée sur les Ophites associe au vots (p. 233 Harvey) et qui est la marque indélébile de l'appartenance du gnostique a I’élection, éxhoyh, autre abstrait désignant la communauté eschatologique des sauvés ou parfaits possesseurs de la gnose. Cette méme étincelle de justice de 1a notice des Séthiens d’Hpiphane se retrouve hypostasiée 4 Nag Hammadi, oft elle forme le fond de deux hymnes paralléles reproduits dans la Paraphrase de Sem. TEXTE n° 12: P Sem 31, 22-347. « Je rends témoignage A toi, diincelte inextin- guible, Osei, ’éiu de la 25 Tumidre, ceil du ciel et (a toi) Pistis, la premiare et la dernitre et & Sophia ainsi qu’ Saphaia et & Saphaina et A la juste dtincelle et 1a Io 30 miare souillée et & vous o- vient ct occident, 20, Sur le concept d’Bglise angélique, voir mon livre, Trots mythes gnostiques, P. 137, B. 326 et p. 225-226, Dans la Sagesse de Salomon, les « Ames des justes p, qui jouissent de 'immortalité bienhenreuse (transposition juive du théme grec de Vimmortalité astrale des ames), sont comparées & « des étincelles qui courent dans le chaume » (3, 7). La s juste étincelle » ou « étincelle dela justice » du mythe séthien se téfire ainsi au sort des justes selon I’eschatologie platonisante de Sagesse 3. 21, Tous les mots en italique sont conservés en grec dans le texte copte,

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