You are on page 1of 108
EXTRAITS : JAMES ELLROY UMBERTO ECO JAMES SALTER ENTRETIEN iG DELUCA FAUTAL BRULER VOLTAIRE ? Pourquoi Voltaire nous aide a comprendre notre temps F:650€-R0 ,, M 01974425: # 435 mat 2015 worwstroste FESTIVAL TERRES . >) PAROLES re ete DU 26 MAI AU 7 JUIN 2015 PTT NN ee a ee ea GREGGORY + PATRICK MODIANO + ANDRE WILMS + LEONOR DE RECONDO - CECILE COULON - OLIVIER ADAM - DENIS LAVANT-IMRE Seen eee ee td LEVI- BRUNO PUTZULU + JEROME KIRCHER « MARIA DE MEDEIROS « Ce ee ee nas OCR geet Le) deere Te ee oe 02 32 10 87 07 terres-de-paroles.com e s N° 435 MAI 2016 L'édito ‘par Francois Busnel 5 TTendance: Le génacide arménien, Le fesval Terres de paroles, le déserto Le témoin du mois, Le coup de oceur dos Koraies, Le festival ante do Nantes, La Plage aux Sritcns drcachon, De écrit & ran, Page aon LObeervatire gastronomique, Thbdre, Qu'avez-vous lu , Le festval tonnants Voyageurs, La Grande Lita, Le palmarés des meileures vertes UNIVER bn €cAWan Googe rin 28 i 31 ROMAN: NC Jean d'Ormesson 56 a lego ran Mare Dagon, Gerad Darn Jer Pare Darussin y ‘Marc Lavoine, Eric Chevillard, Saphia Azzeddine, Jean Anglade \ ROMANS ETI GERS Anthony Doerr 66 Erna Dero, Katana Sal Par Rock hn Yon May Consol ton, Pt From, Eads Halon BIOG \PHIE LHomme ata clé d'or et La Chose 84 pat Get Keth Chest, Le Din ett pu Fr ire PSY Vimre sans pourquoi par Alewandre Jolin 85 Cato we pr er Los Seen Sobor F SIRE De Revolution en République par Mona Ozout 86 Le Cus Un fe fy par ar Sy Le separ Nose atc bocu S La Vie malentendue par Gerald Shea 88 r p Faiyfand par Bsa Abbot, I 62 ‘p ‘Atlas dun homme inquiet par Christoph Ransmayr 89 Eat en ura Ta Stn La Nuit de Walenhammes 90 La Nuit ule 62 91 Ease ‘AVANT- PREMIERE 103 Perfidia nR EE aS Numéro zéro h a t La politique 92 rermesrern Prag iors 104 Pourlugore ao ‘Syuete rene et Cutan top hme pn ane wm on LIRE MAL 2015+3 Couture: Aa Lee aA PURDON ee) Julliard Un autre regard « Jacques A. Bertrand a toujours eu de I’humour, un humour de gentleman qu’il manie avec allégresse dans de courts ouvrages mariant surréalisme et culture, langage et poésie, histoire et littérature. Réjouissant. » Marianne Payot, L’Express Styles «Rien n’est plus réconfortant que ces chroniques qui sont autant de bonbons & consommer sans aucune moderation. » ‘Alexandre Fillon, Livres Hebdo « On rit aux éclats en lisant ce petit ouvrage si plein de génie, » Pierre Vavasseur, Le Parisien « Une promenade farfelue dans notre passé. Irrésistible. » Gilles Martin-Chautfier, Paris Matoh c/Torrn arate Berta DE FRANCOIS BUSNEL *EST LA SURPRISE DE CE DEBUT D’AN- NEE 2015. Dans les vitrines des libraries, sur les rayons des bibliothéques, un nom sinstalle enforce. ‘Un nom que on croyait tombé dans Foubi, Un nom souvent calomni. Un nom que on a pris habitude de ‘brandi plus que de lite. Votre! Ce sont les étudiants et les jeunes de France qui ont remis, ‘Voltaire sur le devant de la scene au lendemain des atentats de janvier contre Chale Hebdo et Hyper Cacher de Vincennes. On ‘av, ds la grande marche quia sive dimanche 1 janvier, des izanes c’exemplaires du Traité sur atolérance, de Mahomet ou de Candide brands bout de bras la fagon de oes pancartes qui accompagnent tout défilé,déposés parmi les gerbes de leurs au pied de la Marianne de la place de la République. Pus, les jours suivants les petits lives de Voltaire se sont mis fleuri en pile chez ls librares Passes gros traits, son théitre ou sa pose, non, parle pal 29, re de Choad, 76908 Pars (Cader > par courier lcniqs: accor EE ares Fon rage ‘tacbookcon/-reMagarne 6 +LIRE MAI 2015 Polar espagnol : la sélection des lecteurs "ai adoré Particle surle enouveau du po- lr espagnol. I faut absolument le le li- ‘rede Del Arbol! En plus du genre polar 4quil maitrise & la perfection, il peint une fresque historique passionnante, Cest un livre ‘qui prend auxtripes qui est magnifique, Quant Carlos Salem, jubilatoire comme toujours. par mall est toujours avec intérét que els Lire ( tpl particuiérement les rubriques ‘dédiées au roman policier (noir et énigme). Le dernier numéro, comme celui de 2012, ma aissé su ma faim en ce qui concerme le «noir espagnol», tout comme ailleurs les ‘numéros spéciaux d'autres revues qui ne re- tiennent que ls grands classiques (Montalbén, Francisco Gonzalez Ledesma, Andreu Martin, Alicia Giménez Bartlett et Lorenzo Siva) et, pparmiles nouveaux, Victor del Arbol, dont le premier roman est une réussite, le deuxitme, ‘moins (je n’ai pas encore Iu le troisiéme),et Dolores Redondo dontlatrilogie du Baztén re- [eve plus du bestseller. Or ily a toute une nou- velle génération qui mériterat d’tre décou- verte Je pense & des auteurs basques comme Arretxe, Abasolo, le truculent Juan Bas, au (Canarien Antonio Lozano..et quelques coups de ceur comme cet étonnant petit et unique roman de Lopez. Mengual (un épicier), Et ‘mapa de un crimen, « Cartographic d'un crime », Rodolphe Stembert ERRATUM Lespassionnants Mémoires de Beate ct Serge Klarsfeld est un livre coédité par les éditions Fayard et Flammarion, ‘Tontesnos excuses aux tions Fayard, LiRE: sean rer tenth ose ge tats oe er iene oe See ene Stowe oes Pao eel seme ‘Sou tan oa os, en Page poses ore = hruofrenesse FAUSSE ar bare ay aU) . Celle’. qui en savait trop PEM meel tye) CCCs de frissons Dico (mensuel) des citations ‘Chaque mois, Lire vous propose une sélection des citations les plus belles et les plus frappantes. Pour inviter a penser et & découvrir... {Maucrait que je me souvienne que reussiren «| @s relations entre les société est rarementle lt des provinciaus ls miviftanciabucaivinéndass SnIMAaLXetles tres Jeyaste champ de la Création, maisjenaipas MUMains peuvent étre Qu'éait done encore trouvé laquelle.» aussi complexes que devenue elle grande CAS ATOR St te iy nr celles qui unissent les nation qui avail pris tare, Pape individus. » assaut les plages de (GUADALUPE NETTEL, Le Ve de couple des pois- Normandie, faitla «Les 6trangers ECOUteENt sens rouges, Buchet-Chasto, p61 nique aux Soviets et volontiers le récit de vos inondé les marchés malheurs, clest comme — “WPeint toute alure. eur donne du norgents d'une aller fenterrement inégro on cage, de Vartiste sauvage, du aénération pine de . génie fulgurant, tout ce quills aiment, or 3 d'une vague il sait parfaitement ce qu’l fait: i méle aipeesit a connaissance.» le jailissement et son contraire. » tu recs, Neodioiz CRISTINA COMENCIN, Lucy, Grasset 98 PIERRE DUCROZET, Erica, Grasse p 43 Toussit Lowes, 2.7 “Je ne prie jamais. Pourquoi prierait-on ? Que fait-on ? On supple ? On marchande ? On marchande avec Dieu ?” KATHLEEN JAMIE, Dans Fenll du faucon, Hotbko, p42 « Lamour ne sapprend pas, il se donne, L’érotisme « Vivre tue. cestune science indienne initiée par les ferumes. Je Pai Vivre est dangereux pour la santé. lu dansles livres, je Tai découvert derriéreles portes.» Alors je me consume avec modération. » STEPHANIE DES HORTS, Le Bal du siécle, Abin Michel, p. 207 JEAN HANSMAENNEL, Les Prisons mobiles, Le Cherche Midi, p. 42 «Bien plus cutivé et curieux que la moyenne de ses condisciples, i ne doit pas son succés A ses références éitistes ‘uA la qualté de ses disques, mais a la virtuosité avec laquelle ila joué des médias de masse. » ‘BERTRAND DERMONCOURT, Bowie, Adios Sud/Rocks, 9.18 «Jeidescendulevenue du «William Shakespeare est mort aujourd'hui. “La lecture et la mas- ‘ile Vingt minutes de human aveou.Je au seul présen.» turbation ont toujours marche jusquiaimmeuble ——gavnago ots habitaient mes parents. HHAMIGORENA, Hes demier meP.O-F® 64 beaucoup en com= Le soleil commengait & Solitude, virtualité, Géciner. Lapremigrenuitdu _« L'avantage des rencontres mn Se monde sens Mathieut sans lendemain, c'est quills ne Proleetion un Lestaing. Et mon anniversaire, i de nous-méme. le suriendernain. laissent que de jolis regrets. » saucy tl opel JEAN-PHILIPPE BLONDEL, Un hiver & DIDIER VAN CAUWELAERT, Jules, Albin Michel, p. 36. ‘Voyage autour de mon sexe, Paris, Bucbet Castel 9.78 Grae, p80 B+ LIRE MAI 2015 AGi9461 UN NUMERO EXCEPTIONNEL ea Saami ry aN Hi i Wh ee ae te Sg ti ae) Ve Un hors-série de LIRE: En vente chez votre marchand de journaux eee 4 UN 2 Eee Devoir de mémoire cartes postales réunies par Yes Ternon et Jean-Claude Kebacfian dans album L’Ar- pménie d'antan (KC éditions) sont lameileuce entrée en mae titre pour retrace I destinge tragique du peuple arménien. Elles dsent une vie +« ment. Informer, expiquer, mais aussi té- mojgner, ces ce que cherche Pinar Selek aveeson bref réitintitulé Parce qu'il sont ‘arméniens (Liana Levi). Un livre d'indi- née, sillonnant Istanbul, la vill ouelle est née, od elle a souffer. Et pour permettre 4 de nouvelles géné- rations de comprendre, Roland Godel pro- pose Dans les yeux d’Anouch (Gallimard jeumesse, voir Lire n° 43, p. 87). A 13ans, ‘Anouch, Arménienne vivant en Turquie, subit Pexode de 1915, chassée avec sa fa- mille de sa maison au nord-ouest de 'Ana~ tolic. Le romancier décrit lesmuitsdansdes camps de fortune, les journées & marcher, la violence ct la déporation, Mais dersgre Je confit, il oublie pa le destin de deux adolescents, Anouch et Dikran, sépants par lesconflis puis réunis pour pouvoir recom- ‘mencer & vivre. Comme le dit Michel Marian dans le sous-titre de son essai Le Génocide arménien (Albin Michel), ‘Anouch et Dikran passeront un jour «de Ja mémoire outragée & la mémoire parta- 6c ‘Christine Femiot | ails feraVafaire: Réparer les Rencontres littéraires Du 26 mai au 7 juin, la Normandie accueille la quatriéme édition du festival Terres de paroles et essaime les rendez-vous sur son territoire. cour la quatritme année, a littérature prend ses quarters au cceur de la Normandie ! Du 26 mai ‘au 7juin et de Rouen & Cany- Bani, de Sant-Valeryen-Caunx 2 Louviers, le festival Terres de paroles entend mettre a ’hon- neur l'oralité& travers des lec tures et des rencontres entre plus d'une cinquantaine d'auteurs prestigicux. Deux thématiques bien différentes sont dévelop- pées au cours de ces deux se- ‘maines. D’un odté, un eycle his: torique en deux temps, 'un consaeré A Jeanne d'Are dans le cadre de l'ouverture de «son » “Historial &Varchevéché de Rouen ole tiendra une conférence exceptionnelle réunissant Robert Badinter, Miche! Picco et Jérdme Kircher -, Tau tre centré sur la Seconde Guerre mondiale pour ‘commémorer les soixante-dix ans de la fin du confit et de ouverture des camps de Ia mort. occasion de redécouvrir des textes d'une puis: mitt) a 4 Sur une ile sance rae signés Imre Kerés2, Vercors, Primo Levi ou Patrick Modiane. Mais la littérature contempo- rane n'est pas oublige | Fidele & ses habitudes, le festival Terres de paroles souhaite colle au plus prés de 'actualité, fort de la pré- sence d'une pléiade auteurs de talent: Lydie Salvayre, Olivier Adam, Léonor de Récondo, Marie Darrieussecq, Marie~ Helene Lafon ou encore Adrien Bose. Réunis en duo pour discu- ter de questions cruciales dans leur euvre—Ies vies anonymes,e triangle amou- eux, la mémoire des lieu... -,ilsseront accom- pagnés de leeteurschevronnés, dont Iréne Jacob, Pascal Gregory ou encore Denis Lavant. Le bo- ‘cage normand vous attend... eonard Desbriéres Pour plus informations, rendez-vous sur le site de Pévénement: https/201S.terres-de-paroles.com/ Dee eater ge em ee eect eu aa ken Cone e rice ‘Tout dépenddé l taille de ile ct du temps qu’on y passe. Si est pour une semaine, le der- ner des trbs Beaux romans que vivanes de Maylis de Kerangal. est un livre extraordinaire, dont I'ériture relove de la sen- sation pure, Son style est une nouveauté ‘totale, avec une langue qui sat etre la fois ex ‘rémement précise et particulit- rement évocatrice. Sicest pour un mois, on peut y outer trois romans itaiens : L'Amie prodi- giewse Elena Ferrante, qui nous plonge magistralement dans les faubourgs de Naples des années 1960; LaSoliude des nombres premiers de Paolo Giordano, qui déerit avec une finesse et une intelligence in- croyables la relation entre deux cenfants Kégerement anormaux qui se retrouvent dans. les ‘marges, sans jamais arriver & staimer;et puis D'acier de Sivia Avallone, Teuvre d'une ro- ‘mancibre de 25 ans & écriture puissante et torrentiell. $i le ‘jour est plus Jong encore, Sha- kespeare sera un ami fiddle, Vous pouver lire au hasard alimporte quelle sotne de Ri- chard II ou de La Tempéte, ce sera toujours dune richesse ing puisabl, jonglant entre 'éclat de tre et aphorisme inoublia- be. Enfin, si je dois me rendre sur cette ile pour toujours, le ‘miux est d'apporter un diction naire: il contient tous les mots de la littérature, donc tous les romans du mondo, toute la pos- sie et tout le théatre. Un dic- tionnaire est un étre vivant, un organisme sauvage, iln'y a qu’a ouvtir et se lasser porter. Ce serait pour moi le meilleur des compagnons.» Propos recuelis par LD. Palen Pes Goh Sargrd « LE JURY DU PRESTIGIEUX prix irate brtanniquo Man Intemational Bookor Prize 4 devo la liste des ervaine finalists pour son étion 2016. Pari los dx aurats potentels de cette rbeompense figurent deux romancirs francophones la Guadeloupéenne Maryse ‘Condé (afcto) et le Franco- ‘Congolas Alain Mabsnckou, tous deux dja sacrbe 4 de nombreuses reprices en France la premire ‘notamment obtenu le prt de Académie francaise ‘en 1988 pour La Vie eoskirate tle second a regule pri Renadot on 2008 pour Mémoires de porcéic. Verdict le 18 mai! UNE ROMANCIERE SUD- AFRICAINE a pay tr cher ‘on admiration pour Salman shale. Aprés avoir fait Téloge do autour des Versts sataniques lcs dun festival do liérature & Durban, Zainub Priya Daa a 6b agresabe le Tendemain par trois hommes ‘on rortrant chez oll, tratbe do ‘pute de Rushdie» avant {etre violemmentfappee au vieage avec une brique, ‘Aujourd'hui en convalescence, lea recu le soutien, via “Twit, de fauteur on personne, et un texte de protestation a été pubié par Tassociation orang intemationale du PEN club. LIRE MAL 2015644 MAGAZINE LE TEMOIN DU MOIS Sahar Delijani et les victimes de la Révolution en Iran Chaque mois, Lire donne la parole a un écrivain pour qu'il nous ouvre les portes de sa réalité. Ce mois-ci jahar Delijani, fille de dissidents iraniens, née dans la prison d’Evin & Téhéran. Une histoire qu’elle met en scéne dans son premier roman, Les Enfants du jacaranda, qui évoque les vies brisées des enfants de prisonniers politiques. Néo en 1983, Sahar Delian afi ran avec ‘528 parents pour les Elats-Unis en 1996, ‘Histoire a oubSé qui avait en ran dos révoluionnairos ui lutaent contre le chah, mas qui ne Tort pas emportb Loragu'on parle dela chute du chah, en 1979, on déct habitllement les actions ambos, Fanivbe au powit do homey, la mise en place du nouveau gouvernement, ‘mais on oublie do rappeler que les coposants sient purl. Orla pl pat des rvoonslissent a place A une nowile dicate, Eltous 06s Jouncs gens, qui raion pas islamitos mai sont descondus dans la rue pour manieste leur opposition au gowair en place, sort tomivés dans bli, Que leur est arrive ? Limmense majorite d'entre eux, ‘cornm mos parents, fut miso on prison ~ jesus mime no dans la prison «Evin en 1983, Ei oete violence poltique a durablemetafect® leur vie ole de leurs proches. (Coat co que voul montor dane Las Enfants du jacaranda, le dé- voiement de cette révolution, et le sort réservé aux dissidents. Mes parents ont fri pa re ibrés, apres plsiours années dlemprisonne- ment, mais beaucoup d'autres, come mon oncl, nfo pas survéc. Durand té 1988, al fn de a quer contre Pak de Saddam Hussein, le régime a ains extouté enre quate et douze mile opposants, princi- palement des intelectual —dficie tre plus précis, car leurs corps ‘ont &t8 ensevelis dans des charniers, & coups de bulldozer. Offciellement, is étsient accusés d'apostasie, d'insulle & Alah 42+ LIRE MAI 2015 e vse @ Foccasion du cinqudme anniverssire de la Révluton (1984) & la prison ei, ‘Teheran Les parents de auteur yfuentenfermes.. Officiousoment, erie vou simplomentsuprier tute ferme Rd «Unroman d'une €lvergure et dune Originalité ere Cem Dy «Un magnifique roman. » RL eI « Métaphore de noire monde Lene ed Renee) ris Ue ue ears ARCACHONA EM Us 2 mai 12h FRONTDE MER oes — Beem Arcachon 4) PALMARES PYG Ties gare sits on trai pour la chantouse, Aloe que le tirago inal d vis ‘on autos... prevoyat 30 00 exemplaces, plus de 70 000 ouvrages imprimés circulant Ele 4 bénéficib d'un large acovell dans los méxias, bien servi par le francparler dont lle a fat roure lors dee interviews auxquolles lle seat prt = Grand Jounal, Radio France, ‘On nest pas couche. Qvelque 60 000 lectours font 2 c2 jour au anv dachator son io. iso on avant par Le Figaro, Le Monde Jet Express, etude de Michel Cymes bénélcié de exposition médiatque de Vautour ‘et d'une promotion télévisuele (RTL, Cd vous.) La polémique autour de owrage (quilaissait & penser que des coupes analomiques de victimes jules aio conserves a Funiverste de Strasbourg) a contrbub & sa notortb Le aucoée est au rendez-vous avec 20.000 exemplares vendus par mos. 2 bmoignage poignant de la ve dans es camps dela mart mais aussi de Jareconerucion dune jeune file eprés cet ‘ragéci a 686 acclamé par ensomblo dela ‘etique. Son inteniw dane lo 79'de France Inter mais surtout '6ission spécale de La Grande Liao consacré& son histoire epliquent ‘on pata le asco du rbct de Marcaine Loridan ens Et tunes pas reve sestécoul plus de £50000 exemplaires ricit de cette mere detute parle suicide ce 2a file a ému toute la France, Un dame qui remonte au 13 fewier 2073 et dont Jes médias oe sort immédlatoment emparés, ‘Son interview dane la matinee d Europa 1 maie suroutlentrotion qu’ele a socordé au magazine de TF Sept d hut ont suscité un grand intrét de la part du public. On compte aujourd hu pres de 40 000 exemplares vendus ‘chaque partion d'une enquéte de ingpactour Hary Bosch, c'est un sucoés. Un Jong aricle ui a 6 corsacré dans les pages de Terma tancis que le magazine Lie part sa noone & Los Angels, la aussi init , Le tout BO+LIRE MAI 2015 ‘est encadné par une série de vitraux repré- sentant les blasons des différentes familes ‘de Wesicros—le loup des Star, le dragon ‘des Targaryen, le ion des Lannister! Lereste dela bbliothéque de auteur est Adécouvrird étage, apres avoir grimpé un ‘scaler le Tong duguel sont accroches des ‘oils de Justin Sweet représentant notam- ment Jon Snow et sonloup géant Fantéme. Cest quest soigneusement rangée la col- lection d ceaveslitéraires de Martin. Des romans de scence fiction, bien sr, &com- mencer par ceux de son ani Roger Zeta, ‘qu veut ui aus & Santa Fe, mais ass Jack Vance, Isaac Asimov, Robert A. Heinlein ou Dan Simmons. Des thrillers signés Stephen King, Gillian Flynn, Lawrence Block et Donald E. Westlake: Mais aussi des reais de poésic de Catule et de Cum- mings lethéatre de Tehekhov et de Shakes- peareet diamombrabls ouvrages histoire ‘médiévale, couvrant histoire des Planta _gonéts,héraldique ou art dela guerre au XV°sitcle. Sans oublicr un volume en an slais des Rois maudits de Maurice Druon, vanté par Martin comme «la version org nale du Trone defer». Et le bureau de I'écrivain alors? On sfaura qu'un bref apergu de cet pte mys- térieuse, oft George RR. Martin achéve ‘dans le pls grand seeet ls demierschapi- tres du trésattendu sixitme volume desa «chanson dela glace et du feu». Tout juste auraon le temps de deviner un fatras de papiers, de documents et de livres épars, dominé par un ordinateur du sice passé. Le ciéms Jean-Coctoau, stub ‘ay $18 Montezume Avenue, a quelques minutes de chez George RR. Matin, Racheté trove ila rourert Ses pores en 2019, La collection de figurines méciovales (ue Fautour a commence &réunir Ty @ une Vnglaine d'anndes. «Yai besoin de m'immerger completement cine peut «songer que cettehoroge existe et sit pas dhorioger». Voyons cela de plus pres. EBRANLER L'ORDRE EXISTANT Sift repérer,chezle jeune Arovet, le principe at et premier, Pune ébellin quienflammera toute save, on le trouvera danse rejet, que dire, dans 'ecration, de a soit ones de son temps. Non que Volare sindigne de inégalité des condi- tions que cette sac, aux origins endales perdes, suppose et impose. Maisilne congit Finégalt, ou lutte distinctions sociales que fonds sur les «vertis et, plussOrement enaote, sures «talents» pour reprendre les termes de Varticle6 de la éctaration des droits de Fhomme par quoi sac- compiront es Lumitres, onze ans apr amor de leur plus magnifique avocat Votare nest certaine- ‘ment pas un « déenoerate »—un des traits quileds- tinguent de sii qu deviendrason meilleur enneri, Jean-Jacques Rousseau. La société aristocratique Iu convient tout fit... pourvu quelle Pacucile Cestice pourvu quelle sot une aristocratic de intelligence ! Or, pour que este aristocratic ad- ‘Vienne il faut que de puissants principesébranlent Tordireexistant. Et oes principes autonomic de Tingividu, galt des dois, iberté expression et, surtout, iverté de conscience, sur quoi se fonde la tolérance sont ceux que promeuvent ses amis, Diderot, d'Alembert, mais aussi Grimm, Mme d'Epinay, Helvétis, Mme du Deffand, Marmontl... autrement cit les encyclopédises, ‘Voli es tout entir parte prenante de Taven- ture de Enyclopé en partage la saints Trinité: homme, la mati, laraison. Icllabore Pecuvre puisqu'lldonnera a ses deux éditeus, d'Alembert et Diderot, quelque trent articles. Dans le méme ‘temps i peu tre critique su la poriée« politique » de entreprise. Dans une lettre & d'Alembert, du S avril 1759, ia cette formule: «Je voudrais bien ‘avoir quel mal peut faire un ive qui codte cent ax. Jamais vingt volumes in-foto ne feront de 6- ‘olution. Ce sont es petits livres poratifs&trente sous qui sont &craindre. » Avec son Dictionnaire ‘Philosophique porta qullance en 1764, Voltaire ‘donnera exemple de sa conception propagandist. Pius largement, Voltaire mettra au service des Lamieresfrangaises sa gloire européenne, Sion ‘ose 'anachronisme en parantd'« engagement in- tellectuel »—le mot sinvente avec faire Dreyfus un siéce pus tard on dira que Voltaire aura été danse mouvement des Lumitres, a fois le Zola, pour a defense de ajustic, ele Jean-Paul Sartre, out Vintmidationintellectuelie ‘Combat philosophique,intellectuel et moral, done, conduit avec es puissants moyers une hire cxceptionnell, Voltaire ssi dans keméme mou- ‘vement,engagé dans une critique proprement po- Itique dela soceté de son temps ? Eh bien, non. Ses premier pas, dans ce regitre,auront été putt rmalhabiles Sous la Regence, bord, i fait le mau- vais choix I prend le parti du duc du Maine contre le duc d'Orléans. Or, est ce dernier qui emporte lamise. Sous Louis XV, outre le fait qu'il résde hors de France durant vingt-trois ans, Volsire ne stembarque pas dans la grande affare que sera la contestation du pouvoir monarchique, la fois, par aristocratic et par la bourgeoisie parlementaire. est vrai que la nature de V'enjeu politique est complexe. Ce qui est contesté par ces «frondes », est la construction de la monarchie absolue, pensée iN COUVERTURE Virtuose inégalé de la conversation, un homme de cour comme les autres. Silestun domaine od Voltaire set accommodé de son temps, sans concevoir d'en bouleverser les fondations,c’est bien celui de la création des ri- chesses. A défaut d'etre noble serait riche. «J'ai ‘tant de gens de lettres pauvres et méprisés que {Jai conclu dés longtemps que je ne devras pas en augmenter le nombre», sai, sans fad. I fut donc trés heureux en affsires. I tirerale meilleur parti d'un commerce colonial qui prend son essor ‘en son sitcie. I réalisera de fructueux profits sur Jes marchés de fournitures aux armées, engagées tout au long du sicle dans pas moins de trois conflts: cetengagée par Rieiet, Dans la plaidoirie in eee aoe ursuivie par Mazarinet oa ecomple pur LousXIV. inlassable pour la liberté —cesiond Autchec.eaore Ceaquiest en jeu, c'est rien -. la guerre de Sept Ans, Il de moins que Tétablisse absolue de conscience, prospérera, enfin, comme fi- ment de1'Etat moderne, Et ‘ce que représentent les «cfrondours », Ces retour, pour la haute noblesse, i son pouvoir antan e, pour la bourgeoisie parlementair, la consolidation de ses privléges. Rien qui ressemble & une évolution Hirale su leo dela monarchie britannique De toute facon, Voltaire ne manifste pas inter, ni dailleus de compétence, sur le suet n'est ni Locke, ni Montesquieu ni méme Rowseau qui, ui, <éveloppe une pensée politique aussi audacieuse ue consistante, Au fond, qui peut tenirliew de pensée politique chez Voltaire ce n'est, somme {oute, quel vulgate construe autour de a chimére dela monarchie dite « claire » Lexpérence que Voltaire en fera avec Frédéric IL ‘montre assez les limites du concept. Le Prussen «Ghar» se vt un despot ordnae et son men- tor «philosophe»,certes versifiateur hors pair et ildépasse son sivcle et annonce le suivant nancier en constituant ce que [on appellerait au- jourd’hui une banque d'af- fairs prétant a grand profit aux personnages importants ct aux prines européens. Finalement, et essentillement dans la lutte contre ls religions, saisies comme idologies do- rminantes et oppressive, ue Volare fut dans son siéce, absolument contre son siécle, C'est dans la défense de Calas et du chevalier de La Barre que, Jégitimement, sa gloire est acquse. Cest dans la Iutte acharnée pour a tolérance, dans la plaidoirie {nlassable pour la lberté absolue de conscience, au'ldépase son sigcle et annonce les libertés des suivants. Au fond lesiéle de Voltaire n'est pasce- Ii contemporain de Vottare. Ni méme celui des a obtenu de’ses adeptes une foi aveugle et dangereuse. La politique opportunist avance ainsi masqude sous les traits de la religion, Ces e eondl- tionnement mental et socal de ce fanatisme aqui intéesse Volare. Sesbuts: comprendce comment la croyance peut inspirer un assas- sinat poitique (ila esprit celui Henn ML par Jacques Clément ou d’Henti IV par Ravaillac) et donner les moyens dese pré- rmunir du fanatisme, ‘Cest peut tr ia Paspect le pus remar- quable des tragédies de Voltaire, pourtant tombées dans les oubliettes de Phistoire litre, Ele sont detibérément construites comme un moyen de corriger homme, en Pinstruisant des périls qui le menacent. Au fanatisme qui opprime et cloisonne, le 2616 . «Je i pas fait lecre, cet elle quia rééson rile, avail deja rit en 1750 de cette co- :édienne quand ell joua le re principal de son Oreste. Mais de Vactrce qui eréa Mérope en 1243, Voliaie avait it: « Ce s'est point moi qui ai fit la pidce, est “Mademoiselle Dumesnil » Que cog Outre des actrices dvouées et nspinées, dont cette Clairon qui ft admiration du grand ateur David Gatck en visite Pais, mais aus Adrienne Leoouvreur, morte un mystérieux empoisonnement en pleine eloire, en 1730, Voltaire ala chance tre servi parle plus révolutionnair des comé- diens de son temps: Lekaia. Ce plier de la CComédie-Frangise, replete courtand, mais doté d'une voix puisante et dun rezard cap tivant, impose de disteibuer des acteurs et des actrices ayant lage de leurs res lose Je ostume dépoque en sobne et ere lesan dale en paraissant togé pour jouer un Romain. Surtout, i débarrasse la scéne des sidges ob paradent des nobliaux poudrés, grice& un incident survenu dans Semiramis, de Volare: fantéme de Ninus,coiné par les banquettes, est sauvé par archer de garde en coulisses, qui lance un sonore «, « Ce La Beaumelle est un 6nergumene du Languedoc, un esprit in domptable qu'il a fall écraser’, » Pas glo- ricux, pas aimable du tout le seigneur de Ferney, quandil éeit:« Les La Beaumelle et les insectes de cette espece pourraient nous faire prendre le genre humain en hhaine.?» Observations critiques (Geneve, 171) furent trés mal tolérées parle sage de Femey qui menaga impudent. Ce dernier imprudent, ‘osa renchérir avec des Letires d M. de Voltaire dont a parution prouvait, selon n0- trehumanist, que « quelque petit fripon de ‘commis la douane [avait] été de concert avec Iuit>. Voltaire alerta le chancelier Maupeou en personne pour obtenir 'nter- diction du « petit serpent», Voltaire, -méme en butte ala censure, fut done aussi censeur, délateur, calomnia- teur, sous couvert anonym, par prospec- tus belles interpoxts, ou en olcitant in- tervention de ses puissints amis. L’pisode dd ses démélé avec Jean-Jacques Rousseat ot « Chiant-PotlaPerruque®», encore un jeume dont ke talent, indiscutable,Fagagait — culmine dans le lbelle du Sentiment des citoyens (1764, anonyme, bien sti!) 03 Fon peut lire un appl (pas pou de rire) aux {oyens de Genéve a « [punt] capitalement un il séitienx >. Cela Gant, Voltaire n’au- rat nullement é4égné de fire coup double et de en prendre ensuite aux pasteurs de ‘Gentve poure chtiment augue! avait ‘méme appelé. Il avait pourtan rit vingt ans plus Ot: « Il s‘estglissé dans la répu- blique des lettres une peste dangereuse est lacalomnie, qui vaefrontément, sous Jenom dejustice et de religion, soulever les puissances et le public contre des philo- sophes, contre ls plus paisiles des hommes, incapables de ne jamais nuire, par cela méme quis sont philesophes®.»Tolérant, Voltaire ? A vrai ire ie fut surtout envers ‘ceux qui pensaient comme lui, assez nom breux parmi les puissant. Sa . La maniére ddontl parte des femmes, des mahomtans, ‘Arabes et Tures mélés, des inverts et des antiphysiques (voir Varticle « amour sora tique >") fait se dresser le cheveux sur la tte... Céline nest passiloin, Son mépris du peuple nest pas moins bien attesté que sa ‘apacité en matiére argent. ‘Dans un homme, il faut tout prendre et, si'on pent, sefforcer de tout comprendre, ne pas trier pour se faire plaisir, quand bien _méme le gnie nous dépase toujours tan guile int pars’échapper. Henri Guillemin concluait sans appel son expérience de lec- teur attenif: «Tel est, em acts et dans le cconcret, homme du Traité sur latolérance, Je sanglotant du proces Cala. Les “crimes” ‘uimettent ime en feu, sauf sls s'accordent ses desseins.» T faut aussi apprendre & fréquenter ce « Voltaire méconnu ». Jean Montenot 1. Discous nvr sar Chane, VI, Mélange, Pld, es 2 Tin 2 bre 136, SAGNemben cual, AGACmert Bau es ‘SA Madame Dens imu 1753, A Dame, Bact 17 TAB Rea cbt EAGArenl S.A Mint Dfand tspenie 186 1a Memoir ae eso wn ele de abe ‘Deron come aa. 11. Dionne pnp . Dich pops aie as 13 ete Gols, Voting ack Spier 105. 1. Doma plop * IS Reet Ge ton, Fane ae ‘Aras t Za Vlaie Gala 98 16 Ted mrs eae Man Va ‘neo, Drie Mars Mai 208, LIRE MAL 2016249 Ie MRT eA «L'EUROPE SERA VOLTAIRIENNE OU NE SERA PAS» Misionnaire, André Glucksmann publiait & l'automne dernier Voltaire contre-attaque, un essai enlevé sur les traces de Candide et de l'esprit voltairien. Il en célébre aujourd'hui I'actualité, dans un Occident en quéte de sens et d’idéaux. Entretien. — ‘Avezwous &té surpris par lntért ports & Voltaire depuis les attentats de janvier ? André Ghieksmann, Aueunementsurpris. (Qui criminalse la iberté expression cri- rminalise Voltaire vivant ou mort. Une France, pas toute la France se retrouve vol ‘airenne ds qu’onataque son dit de pen- ser ede parler, 4 millions de personnes dans Ta rue, sans autre slogan que «je suis Charlie»... Plain état pas, ui, voltairien. (CestPadversté qui nous rappelle la pilo- sophie des Lumires ‘Comment expiquez-ous le dédeln dont i st habtvellement Fobjet ? > Depuisplus d'un site, en France, Voltaire est tenu pour un littrateur de génie mais un penseur secondaire. Il est enseigné en classe de premire pour ses contes («philo- sophiques » titre divertsant).Pasen classe de phil Son eure, 150 volumes, est éitée Orford, Pas’ Pars. Le phusdécist et nest penseur du XVIII sidele francais, eave ure mondial et séculaire, nest pas consi: déré chez nous comme un « philosophe». ‘Témoin la condamnation urbi et orbi de ‘mon ami Roland Barthes, lafin des années 1950: cet homme estréactonnaire,niscen- ique ni marxiste ni de gauche, il mérite tre voué aux gémonies par Vensemble ddesautoritésuiversitaires. En fit Voltaire L’humour | Voltaire est un contestaaire. ‘Pus que de gauche ou de droite, plus que ‘royant ou athée il est fondamentalement libre. Les feroristes islamistes qui ont perpéré ‘ces atentats relents alors de «nféme » ‘que Votaire voulit reser ? > Oui Deller leterte que Voltaire consa- ‘re ala prise du pouvoir par Mahomet et ses andes armées (Le Fanatisme ow “Mahomet le prophete)herisse le poildesis- lamistes actus, Voltaire est un contestataire. Plus que de gauche ou de droite, plus que croyant ou athée, il est fondamentalement libre Estce que pour autantVotaire était istamo- phobe ? > Oui. Bt judéophobe, Et catholicophobe. Et protestantophobe, Et idéologophote... Foncitrement antithéocratique,antidogma- fique tous arimuts. Le fanatisme,cestle ma- riage infime des armes ct des mes, du pou- voiret de laf, du trdneet de FautelDerrgre la figure de Mahomet se cache la foule des dictateurs théocratiques ou pilosophiques. ‘Dans Voltaire contre-attaque, vous prenez Candide comme fil rouge, jugeant que ce texte cruciala des airs de « manifest ». De ‘quoi Candide estlle manifeste selon vous ? > Ce sont les petit livres & deux sous qui fontiesrévolutions. Candide est e manifest. dela libre eroyance et dela libre non- croyance. Pus fort que celui de Marx et celui de Breton, Il faut garder & esprit qu’a PPépoqne deux autres péles contestataires coexistent. Rowssea, d'un bt, quisoutient Jachonnecroyance, et Diderot, de autre, quidéfend a «bonne non-croyance ». Pout Voltaire, ntolérance commence ds lors au’on se réclame d'un «Bien » général et incontestable. La force dela tolérance, dont Voltaire faitson ame premiére, est juste- ment de ne pas supposer de « Bien» obi galoire. Nous nous toléronsréciproguement non parce que nous avons découvertlacié d'un Bonheur universe mas, 'inverse,en résisant au mal qui sit ici et maintenant, enous autour denous.« Nows devons nous tolérer mutuellement parce que nous sommes ous fables, incoaséquents, sets Ala mutabilté,Pereurun roseau couche ‘pare vent dans la fange dir au roscau vwisin couch dans unsenscontraie,rampe ‘arma fagon misérable, ou je présemerai re- aque pou qu'on aracheet quionte brie? » Vol ce qui érit Particle «Tokkrance » «du Dictionnaire philosophique, Notre bese et note finitude nous contraignent, our peu que nous raisonnions, limiter no- tre intoérance et celle du voisin, Cendide traverse le monde avec 4 ses cétés deux autres figures de philosophes, Panalossloptimiste et Matin pessimist. Ces figures existentelles encore au- fourdthui ? > Non seulement elles existent, mais plus «que jamais elles dominent le débat public. Lachute dumurde Berlin avec dislocation de Vempire communiste et, avant cela, la chuted Hitler et du Il Reich garantsaient Ja promesse d'une paix termelle « Ps ja- maisca » Certainsse prirent méme a ever dune finde Histoire, Patatras, les opt mises regurent Pavalanche des mauvaises nouvelles... Une Providence naturellement bonne — «tout est pour le mieux» - avec Panglos, maitre en optimisme (Leibnizen réalité) ou une Providence inévitablement néfast— «tout vamal »~ avec Martin, pro- {esseurde déctn. Comme sil fallait dekéguer son bien ctson mala baguette dune toute- puissance quidirigerait le monde, en véité brillant parson absence. Candide pose selon vous cette question fondementale: comment apprendre étre ‘bre ? Foutil nécessairement comme hi traverser le monde et subir mile périls et hhumiletons ? > Les avanis arivent qu'on le veuille ou ‘non, qu'on apprenne a vivre libre ou qu'on Prana) peace seterreets'enterre faut faire face. Mieux ‘vaut tre lucide plutot que de se replier sur soi La connaissanoe des goufies bre. Etre Voltaren, est apprendre aétre autonome dans la conduit de son destin, De Candide, vous dites quill était avant ‘Theure un « voyageur au bout de la nuit» ‘Quelles lecons doiton tirer de ce person- nage ? n'y a aucune legon en trer, sinon r6= sister &intolérance, reser la soumission ct fuir'enracinement, Sans pari ni fron- titres, Candide voyage, ses risques et péil, travers les continents, comme tant 'autes aujourdhui par godt culture, ou surtout par nécessité, La modernté absolue du héros vollarienc’est sondéracinement. Lthomme, rappelle Salman Rushdie aprés lui, n'a pas dd racines mais des piods. ‘Done pour vous ls fameuse conclusion de (Candide ~ «faut cuttver nate jardin »~ 1’a rien d'une philosophie du retrait et du repli sur soi? Certainement pas. Le jardin de Candide, est jardin commun de gens qui viennent des quatre coins du monde, avec leurs his- tires diveses; ballottés par existence, finissent leur périple sur les bords de la ‘Turquie, Un peu frangais, un pew européens, un peu mondiaux, toutes racins brouilées, Ces un jardin tolérant mas rail, soumis aux vents da large, sans cesse mena qu'il leur faut culver pour mieux le préserver. Liinverse dune éterité garantie Condide serait donc un éioge avant Pheure de fhomme mondialisé ? Oui bien sir! (na phit6t le sentiment que notre socidts est auourdhul en demande didentté Voila pourquoi notre pari est malade i la France grimpe surson are généaogiqu, et chaque payseuropéen avec elle attention les dégits, Le XXesitle at, bie sr, e site des toualitames, mais aborde le des clotures outranciérs qui conduisent & ‘tuer le wisin tout ausiagressif,barrcadé sur son précaré, aographique ou mental Les confits n'ont jamais t¢ que luttes entre différents enracinements, tc est encore le rique que nous couroas au XV stl, Cest tun risque chino, islamique, ruse, et est trstement un risque frangas. Vous fates aussi de Votaire un dissident, un droitdethommiste avant Theure Pourquoi? Volare & postulé is droits de Vhomme, soit a défense des vitimes de Varbitrar Dioitsa conre-attaque fureuseetonstante contre 'autortarisme, ls malversations et les tortures. Rien dec quiestinhumain ne nous est ranger. Pou instant, la Frence respireenoote, masse pend a compterpas mal dimprécateursnéfasts, nationals, islamistes, pour préchere epi, Peu-étrene perd-on ren pour attende ? La petit troupe de Candide an confin du Bosphore ne vit pas dans un monde pai Sur sesrives pas- sent des gales remplies de tts coupées. Depuis Voltaire le mondes'es il amelioré? Comme los de Ftfaire Calas, il faut done reprendre le mot de Voie: rie et qu'on eriew ? Oui. Sans en faire apanage de quelque parti cest arme de toutes les dssidences de a fin du XX¢sibele, voyez Havel et la « solidarté des Gbranlés », is ont ébranlé empire communist. Voltaire apprend & nommer le mal ily ale rime des tortion- naires, la souffrance des torturés, voyez Damicns, voyez Calas et le chevalier de La Barre. Ily ala complicié des « ama teurs». Et fe silence des indifférents Rappelons que le crime d'inditférence est Jncondition nécessaire au traval des assas- sins, hier comme avjourdhu. Que cx qui se gaussent du « droitle-'hommisme > sTinterrogent, Le fameux regne du «roi Voltaire» ne dura que tris décenies. Apres Ja Révolution ce fut Empire, une Europe provisoirement franaise eta Bereina, Tout le vieux continent ses retrouvé en proie aux nationalsmes belliqueux pour sombrer dans deux gueres monciales. Voltaire était Join. Aujourd’hui, 8 nouveau, ls crises et les protestations ne sembent plus étoullées dans des ronitesanches. « Criezet qu'on cri.» « Dégage'» lcrdes jeunes Arabes conire a tyrannic, fate tour dea plane (Qui ee le France ? Imaginez une France quivivait de ses pro- pres rchesss, mais qui négigeait les res- Sourss mondialesoublant que sesriheses serventantruiet que les richesses aura Ini servent. Ele négligerait 'échange, 60 nomique mais aussi culture ou technolo- gique. Une France parille serait nauséa- Bonde et mourant... Le schéma voltarien préne justement le développement par la circulation ct la communication sans fron- titres. L'Europe doit tre voltairienne, non pas unc mosiigue de solitude, mais une r- gion oi 'échange este pls libre possible Nous nariverons pas fini san es pays alentour une paix, une démocratc, un berté uniquement nationales et frangaises. Que es Francasretrouvent en Voltaire une vision européenne de a iberté et nous pour rons sort indemnes do esi Proposrecuellis par Julien Bisson ‘lee: Votarecontreataque pax And Glucksmann (Rober Lond LIRE MAI 2015454 Crea rd Tn aod ey ore cert Eero ere ferearry etre ce Oy i fréquente crioad pee ed Co pars read ey cots es Dea rere) ree Deere) ra ot eg ee as Mérope, Ta od ed notamment) ery Pe RLS croc roy cor) can LE LIVRE Publié en janvier 1759 & Geneve, prétendument traduit de l'allemand par un certain «docteur Ralph », bref conte est connue : jeune gargon élevé dans un chateau de Westphalie, Candide en est chassé aprés un baiser échangé avec Cunégonde, Ia fille du baron local. ‘Accompagné de son maftre Pangloss, qui professe comme Leibniz que l'on vit « dans le meilleur des mondes », i va alors se lancer dans un long voyage initiatique, ou il enchainera les mal- heurs : boucherie guerriére, tremble- ment de terre a Lisbonne, naufrage, meurtres, vol, cannibalisme... Autant d’épreuves qui vont mettre & mal son optimisme premier et affiner son regard S2+LIRE MAI 2015 CANDIDE. Candide ou [’'Optimisme VOLTAIRE sur l'existence : la félicité ne peut in fine, se construire que contre la folie des hommes, les aléas du destin et la dé- Candide ou 'Optimisme reste Candieou raison générale. Petit chef- aujourd'hui 'ceuvre mattresse —parvotiae. --d'couvre dironie et de sa- de Voltaire, a la fois la plus lue, cies ron 90880, Candide livre sous la plus commentée et la plus rgraetr7ee)eec ouvert de nalveté une ré- influente de son corpus phi- ,azmmenss, flexion essentielle sur le Mal, losophique. L'histoire de ce "Volare. {e fanatisme et intolerance re- ligieuse. Jusqu’a cette conclu- sion, aussi fameuse qu'énigmatique : «Il faut cultiver son jardin. » Voltaire signifiait-il par la qu'il fallait se retirer d'une société par trop corrompue et lui préférer une vie domestique ? Ou qu'll fallait au contraire y contribuer avec in- ustrie, dans 'espoir de batir un monde meilleur ? Voici, quoi qu'il en soit, une sélection de passages clés de I'ceure, 04 transpire la pensée de Voltaire sur des sujets aussi pertinents que la guerre, la religion, le suicide, l'utopie, Vesclavage, le travail ou le bonheur. Jullen Bisson CHAPITREI (COMMENT CANDIDE FUT ELEVE DANSUN CHA- ‘TEAU, ET COMMENT IL FUT CHASSE DICELUL ll anglos enseignait la métaphysico-théologo- ‘cosmolo-nigologie. 1 prouvat admirable- ment quil'y a point effet sans cause, et aque, dans ce meilleur des mondes possbls, lechétcau de monscigneurle baron tite plus beau des ‘biteaux, et madame la melleure des baronnes posibles. «Test démonté, dst, que les choses ne peuvent (re autrement: ear tout état fat pour une fn tout est néeessairement pour lameileue fin. Remarquezbien que lesnezont été fats pour porter des lunettes; aussi avons- nous des lunettes. Les jambs sont vsblement instituées our éte chaussés, ct nous avons deschausses Lepirres cont été formées pour tre tails et pour en faire des chd- {eaux; aussi monsejgneur a un trés beau chateau: e plus grand baron dela province doit re le mieux log; les cochons état fits pour étre mangés,nous mangeons di pore toute Fannée. Par conséquent, ceux qui ont avancé que toutes bien ont dt une sotise il fall dre que tout estaumicux.» Candide écoutatattentivement, et croyaitinnocem- ‘ment: carl rouvait Mlle Cunégonde extrémement belle, quoi ne prt jamais a hardiesse de le hide. I eon- cluaitqu'aprése bonheur détre baron de Thunderten- tronckh, le second degré de bonheur était d'etre Mlle Cunégonde: le trositme, del voir tous les jours; et lequatitme,entendre maitre Panlos plus grand phi- losophe del province, et par onséquent de toute latere, CHAPITRE IIL COMMENT CANDIDE SE SAUVA D'ENTRE LES BULGARES, ET CE QU'IL DEVINT Lal Rien n‘iaitsibeau, si leste sibilant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, ls fies, les haut- bois, les tambours, les canons, formaient une harmonie tellequil n'y en eut jamais en enfer. Les canons renver- sérent d'abord 3 peu prés six mille hommes de chaque cBté; ensuite la mousqueterie Ota du meileur des mondes environ neuf & dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baionnett fut ausi a raison sufisante de la ‘mort de quelques mliersd"hommes. Le tout pouvait bien se monter & une trentaine de mille Ames. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux quil put pendant cette boucheric héroique. Enfin, tandis que les deux ros faisaient chanter des ‘TeDeum chacun dansson camp, il prite partial rai- sonner ailleurs des effets et des causes. pasa par-dessus des as de mort et de mourants et gagna d'abord un vil- lage voisin; il ait en cendres:c était un village abare que les Bulgares avaient bri, selon les lois du doit pubic. [cides veillards criblés de coups regardaient mourr leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants 2 leurs ma- elles sanglantes; i des filles éventrées aprés avoir as- souvilesbesoins natures de quelques hérosrendaicnt es pandues sur la terre & cOté de bras et de jambes coupés. ‘Candide senfuit au plus vite dans un autre village: il appartenait des Bulgares, et des héros abares avaient ‘taité de méme. Candide, tovjours marchant sur des mem- ‘bres palpitants ou & travers des runes, arriva enfin hors du thédtre de la guerre, portant quelques petites provi- sions dans son bissac etn ublint jamais Mlle Cunégonde. ‘Ses provisions ui manguérent quand il fut en Holland; ‘mais ayant entendu dite que tout le monde était riche dans ce pays, et qu'on y tat chrétien, ine douta pas ‘qu'on ne le trata aussi bien quill'avait été dans le cha- teau de monsieu le baron avant qu'il en edt été chassé ‘pour les beaux yeux de Mille Cunégonde, (CHAPITRE VI COMMENT ON FIT UN BEL AUTO-DA-FE POUR EMPECHER LES TREMBLEMENTS DE TERRE, ET COMMENT CANDIDE FUT FESSE Aprts le tremblement de terre qui avait détrut les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n’avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine ‘otale ue de donner au peuple un be auto-da-6;i était <écidé par université de Coimbre que le spectacle de quelques personnes brilées a petit feu, en grande ofré- ‘monie, es un secret ifailible pour empécher la terre de tremble, ‘Onavait en conséquence saisi un Biscayen convaincu Favor épousésa comme et deux Portas quien man- geant un poulet en avaientarraché le lard: on vint lier aprésle diner le docteur Pangoss et on disciple Candide, Tun pour avoir paré, et autre pour avoir écouté avec un air @ approbation: tous deux furent menés séparément dans des appartements d'une extreme fraicheur, dans les- quelson n'éait jamais incommodé du soleil; hut jours apres is furent tous deux revétus d'un san-benito, et on ‘orn leurs tétes de mitres de papier: la mitre et lesan Denito de Candide étaient peints de lammes renversées cet de diables qui n'avaient ni queues ni gritfes; mais les diables de Pangloss portaient grifes et queues, et les ‘lammes étaient droits. ls marchérenten procession ins ‘étus, et entendirent un sermon tr pathétique, Suivi LIRE MAI 2015+53 une belle musique en faux-bourdon, Candide fut fessé en cadence, pendant qu'on chantait; le Biscayen et les deux hommes qui aavaient point voulu manger de lard furentbrilés, et Pangloss fut pendu, quoigue ce ne soit pas a coutume, Le méme jour la terre trembla de nou- ‘eau avec un fracas épouvantable. (Candide, épouvanté interdt,éperdu, tout sanglant, tout palpitant, se disatlu-méme: « Sicesticile meil- Jeur des mondes posible, que sont doncles autres? Passe encore sie nétais que fess, j'ai été chezes Bulgares. “Mais, mon cher Pangoss! le ps grand des philosophes, faut vous avoir va pendre sans que je sache pourquoi © mon cher anabaptiste, le meilleur des hommes, fat que vous ayez été noyé danse port! O Mlle Cunégonde! la perle des filles, fautil qu’on vous ait fendu le ven- tre!» Ilstenretournat, se soutenant peine,préché essé, absous ete lorsqu'une veil 'aborda thi dit: « Mon fils, prenez courage, suiver-moi.» CHAPITREXIL SUITE DES MALHEURS DE LA VIEILLE Ld «Nous avions un iman tres peux et rs compatssant, qui leur ft un beau sermon par lequl il leur persuada de nenovs pastuer tout’ fait « Couper, dt, seulement une fesse &chacune deces dames, vous ferez trés bonne chtre;s'lfautyrevenr, vousen aurez encore aunt dans quelques jours;le Ciel vous sauragré d'une action si cha- Titable et vous sere Secours.» “

You might also like