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RÉSUMÉ SUMMARY
Les trichothécènes : nature des nous nous intéresserons aux niveaux de contamination et aux
moyens de luttes contre les toxines.
toxines, présence dans les ali-
ments et moyens de lutte. 1. Structure et propriétés
Les trichothécènes sont des mycotoxines très répandues
dans le monde. L’entrée des mycotoxines dans la chaîne ali-
mentaire de l’homme s’effectue soit par les denrées brutes
1.1. STRUCTURE
(céréales, farines...), soit par des produits élaborés (céréales Les trichothécènes sont composés exclusivement
de petits déjeuners, gâteaux...), mais aussi éventuellement d’atomes de carbone, d’oxygène et d’hydrogène [34]. Ces
par des produits d’origine animale, si ce dernier a consommé mycotoxines dérivent d’un système de trois cycles appelé tri-
une nourriture contaminée. Les trichothécènes sont toxiques chothécane [99]. A ce squelette trichothécane s’ajoutent une
pour l’homme et pour l’animal. Les risques résultant de l’ex- double liaison en position 9-10 ainsi qu’un groupement
position (essentiellement chronique) sont considérés comme époxyde en position 12-13. On obtient ainsi les 12-13 époxy-
un problème majeur en santé publique et en médecine vétéri- trichothécènes [36]. La structure, la stéréochimie et la numé-
naire. Dans ce premier article, nous étudierons tout d’abord rotation des atomes de carbone sont représentées sur la figure
leur nature et leurs propriétés physiques et chimiques, puis 1a.
Figure 1. — Structure générale des trichothécènes (a) et conformation spatiale du diacétoxyscirpénol (b).
Sur ce squelette peuvent figurer en position C3, C4, C7, sentent des doubles liaisons conjuguées et absorbent à 260
C8 et C15 des groupements hydroxyles, acyles ou époxydes. nm (groupe D) [36]. Tous les trichothécènes absorbent à 228
La position C8 peut également comporter une fonction cétone nm, et bien que non spécifique, cette propriété est utilisée
[99]. Les trichothécènes possèdent six centres de chiralité en pour leur dosage en chromatographie liquide à haute pression
C2, C4, C5, C6, C11 et C12. Pour élucider la configuration spa- (CLHP). Le spectre infrarouge est caractérisé par la présence
tiale des trichothécènes, le carbone numéro 14 a été pris de bandes d’absorption correspondant à la vibration de
comme centre de référence de manière arbitraire. Puis la valence des C = O, C - O des groupes acétyles, des groupe-
molécule a été analysée par cristallographie aux rayons X. La ments hydroxyles [35, 96]. Le spectre de résonance magné-
figure 1b représente la configuration spatiale du diacétoxys- tique nucléaire présente les pics caractéristiques de l’époxyde
cirpénol [99]. ; le spectre de masse n’offre aucune fragmentation caractéris-
La présence de la double liaison entre les atomes C9 et tique [35].
C10 impose aux six atomes membre du cycle A une confor- Les trichothécènes sont des composés neutres. Ils sont
mation plane [99]. Le cycle B est en conformation chaise et généralement solubles dans les solvants modérément polaires
provoque l’émergence du groupement époxyde hors de la tels que les alcools, les solvants chlorés, l’acétate d’éthyle ou
molécule [37]. Les cinq atomes membres du cycle C sont l’éther éthylique et parfois légèrement solubles dans l’eau
dans une configuration enveloppe [99]. [36, 99]. Les dérivés alcooliques ont une solubilité dans l’eau
supérieure à celle des dérivés estérifiés (nivalénol et diacétyl-
Dans les années soixante-dix, plus de quarante trichothé-
nivalénol) et sont plus difficiles à obtenir sous forme cristal-
cènes sont isolés et classés. Ils sont séparés en quatre groupes
line [36, 99].
en 1977, en fonction des substituants qui se trouvent sur la
molécule [99] : La toxicité des trichothécènes provient essentiellement
du groupe époxyde [69]. In vitro, l’insaturation de la double
* Le groupe A (figure 2) est constitué par les tricho-
liaison en C9 - C10 permet des réactions d’addition ainsi que
thécènes qui n’ont pas de fonction cétone en C8. Les plus
diverses substitutions des hydrogènes labiles (alkylation,
importants sont la toxine T-2, le diacétoxycirpénol et la
halogénation) [6]. L’hydrogénation catalytique donne des
toxine HT-2.
dérivés 9-10 dihydro, biologiquement moins actifs [99]. Le
* Le groupe B (figure 3) est constitué par les tricho- groupement OH est oxydable en aldéhyde ou cétone par
thécènes ayant une fonction cétone en C8. Les plus impor- CrO3/H2SO4 dans l’acétone, CrO3/pyridine et CrO3/acide
tants sont le nivalénol, le déoxynivalénol et la fusarénone-X. acétique [36]. Par ailleurs, les composés hydroxylés peuvent
* Le groupe C regroupe les trichothécènes ayant un également être acétylés [36]. Les trichothécènes acétylés sont
époxyde supplémentaire entre C7 et C8 tels que la crotocine. hydrolysables en milieu alcalin en leur alcool parent.
* Le groupe D regroupe les trichothécènes ayant un L’hydrolyse des esters s’effectue en milieu alcalin [99].
macrocycle entre C4 et C15 tels que les verrucarines, les rori- L’hydrolyse de la toxine T-2 donne deux molécules d’acide
dines et les satratoxines. acétique, une molécule d’acide isovalérique, et du T-2 tétraol.
Celle du diacétoxyscirpénol donne deux molécules d’acide
1.2. Propriétés physiques et chimiques acétique et du scirpentriol [36].
Les trichothécènes se présentent en général sous la forme Les trichothécènes sont remarquablement stables même
de poudres cristallines incolores [36, 99]. Leur poids molécu- lorsqu’ils sont conservés longtemps à température ambiante
laire varie de 154 à 697 daltons, mais le plus souvent se situe [36, 39]. Ils ne sont pas non plus détruits lors de la cuisson
entre 300 et 600 daltons [34]. Ils sont optiquement actifs des aliments ni dans les conditions de stérilisation comme
(lévogyres ou dextrogyres). Les trichothécènes ne présentent celles du lait (environ 15 minutes à 118°C) [102]. Le tricho-
pas de pics spécifiques d’absorption dans l’ultraviolet ou le thécane résiste à un traitement par les alcalis concentrés.
visible, excepté les trichothécènes macrocycliques qui pré- L’ouverture du cycle 12-13 époxyde conduit à la formation
Figure 2. — Structure des trichothécènes du groupe A (35, 36, 37, 99, 102).
de dérivés totalement inactifs. Elle peut se faire par deux rangement du cycle tricothécane.
voies différentes [99] : * La destruction de l’époxyde par les acides forts
* une réduction par l’hydrure de lithium et d’alumi- (acide chlorhydrique concentré, acide trifluoroacétique,
nium ; cette réaction donne un hydroxyle tertiaire sans réar- acide sulfurique) ; cette réaction s’accompagne d’un réarran-
avec détection par capture d’électron (CG/CED) ou par spec- aliments et les échantillons biologiques. Pour autant, les
trométrie de masse (CG/SM) et la chromatographie en phase méthodes ELISA sont développées pour leur plus grande
liquide couplée à la spectrométrie de masse (CL/SM) sont les facilité d’utilisation et leur plus faible coût d’investissement.
méthodes qui autorisent les détections les plus fines dans les
Tableau II : — Niveaux de contamination observés pour la toxine T-2 : matières premières, fréquence et concentrations retrouvées.
Tableau III : — Niveaux de contamination observés pour le DON et les toxines T-2 et HT-2 dans les aliments transformés :
aliments impliqués et concentrations retrouvées.
des méthodes d’analyse ont été développées (Tableau IV). La 2.3. LA TOXINE HT-2
limite de détection la plus basse pour le DAS est de 0,1µg/kg
d’aliments. Comme pour la toxine T2, les méthodes de détec- Propriétés
tion les plus sensibles sont la CG/CED, le CG/SM et la La toxine HT-2 ou 12,13-époxytrichothéc-9-ène-
CL/SM. Il existe de même une méthode ELISA, permettant 3α,4ß,8α,15-tétraol,15-acétate 8-isovalérate a pour formule
une détections plus aisée et plus rapide. brute C22H32O8. Son poids moléculaire est de 424,5 Da [38].
Contamination Elle est stable dans l’acétate d’éthyle et quelles que soient les
conditions de conservation, de -18 °C à +40 °C et ce pendant
Cette toxine est retrouvée sur tous les continents avec des 24 mois [108]. On a constaté la présence de cette toxine sur
niveaux de contamination extrêmement variables (Tableau de nombreuses matières premières. Elle est produite par de
V). Il n’existe pas de valeurs moyennes concernant les conta- nombreuses espèces de Fusarium, en particulier F. tricinctum
minations des céréales en Europe. (=F. sporotrichioides), F. poae, F. solani, F. equiseti.
L’espèce la plus fréquente est F . tricinctum. Il en résulte que
cette toxine sera retrouvée dans les mêmes situations que
celles permettant la synthèse de toxine T2. Sa DL 50 par voie
orale chez la souris est de 6 mg/kg poids vif [38].
Tableau V : — Niveaux de contamination observés pour le diacétoxyscirpénol : aliments impliqués, fréquence et concentrations.
Tableau VI : — Principales méthodes de dosage de la toxine HT-2 : extraction, dosage, limite de détection.
Tableau VII : — Niveaux de contamination observés pour la toxine HT-2 : matières premières, fréquence et concentrations retrouvées.
Tableau VIII : — Principales méthodes de dosage du déoxynivalénol : extraction, dosage, limite de détection.
32,40 % d’oxygène. Son point de fusion est de 151-153 °C. que pour les toxines précédentes.
Le DON est soluble dans l’éthanol, le méthanol, l’acétate
Dosage
d’éthyle, l’eau et le chloroforme [35]. Le DON est stable
dans l’acétate d’éthyle pendant 24 mois à -18 °C, mais on Le DON est vraisemblablement le trichothécène le plus
constate une décomposition significative de ce produit après recherché. Il existe de nombreuses données sur cette toxine
24 mois à 4 °C et après 12 mois à 25 °C. C’est pourquoi, pour (Tableau VIII). Les limites de détection les plus basses sont
la conservation à long terme, il est préférable d’utiliser voisines du µg/kg. On les obtient par CL/SM ou par CG/SM.
comme solvant l’acétonitrile [108]. Le déoxynivalénol est Les méthodes ELISA permettent des dosages plus faciles,
principalement produit par Fusarium roseum et Fusarium mais ils n’ont qu’une limite de détection de 10µg/kg. Il est à
graminearum [96], espèces polyphages présentant une très noter cependant que cette limite est largement suffisante pour
large distribution géographique. Il en résulte que le DON est un screening des aliments (cf. contamination moyenne des
une des toxines les plus répendues dans le monde [35]. La aliments). Comme pour l’ensemble des trichothécènes, en
contamination des aliments est donc très fréquente et pose de cas de résultat positif, il est recommandé de procéder à une
nombreux problèmes sanitaires [78]. Cette toxine peut être confirmation d’identité par une technique chromatogra-
trouvée en France sur des cultures céréalières variées. Une phique.
étude a montré que sur soixante prélèvements, trente cinq Contamination
étaient contaminés par des teneurs variant de 0,07 à 21,0
La plupart des céréales peuvent contenir du déoxynivalé-
mg/kg [8]. Sa DL 50 par voie orale chez la souris est de 46
nol (Tableau IX) [38, 39]. Le fourrage, de même que la paille,
mg/kg poids vif [39]. Cette valeur est nettement plus élevée
Tableau IX : — Aperçu général de la contamination des grains par le DON (compilation des données internationales sur plus de 23 000) (39).
peuvent aussi être contaminés [29]. En Europe le DON est nées. Le DON est probablement la plus connue et la plus
présent sur un très grand nombre d’échantillons même si les répandue des toxines présentes dans les aliments transfor-
valeurs ne sont pas forcément très élevées. Quatre vingt dix més, dérivés du blé et du maïs (tableau III) : la farine de blé,
pour cent des échantillons prélevés en Pologne en 2001 le pain, les céréales de petit déjeuner, les pâtes, les aliments
étaient contaminés par le DON et le nivalénol [43]. Certaines pour nourrissons et les gâteaux [39]. Pour les produits d’ori-
régions du globe sont particulièrement exposées, avec des gine animale, aucune trace de déoxynivalénol n’a été retrou-
degrés de contamination important, en particulier l’ouest de vée dans le lait de vache ou les œufs [14].
la Chine, l’Afrique du Sud et l’Amérique du Sud [35]. Des
valeurs moyennes ont pu être établies pour les différents
continents dans différentes matières premières (Tableau X).
L’orge semble ainsi être une des denrées les plus contami-
Tableau XII : — Contamination par le nivalénol : aliments impliqués, fréquence et concentrations retrouvées.
Tableau XIII : — Principales méthodes de dosage de la fusarénone X : extraction, dosage, limite de détection.
sensibles sont CG/CED, la CL/SM et la CG/SM. (Tableau pour animaux [5]. En Corée, elle a été trouvée sur un échan-
XI). Là encore, les techniques sont moins sensibles pour les tillon de céréales sur 36, à un taux de 138 µg/kg [51].
trichothécènes du groupe B que pour ceux du groupe A.
Contamination
Le nivalénol est courant en Asie mais reste un contaminant
mineur en Europe. Il a été rapporté quelques cas de contami-
4. Lutte contre les toxines
nation de grains en Afrique du Sud et en Australie. C’est une Comme de nombreuses matières premières sont contami-
toxine qui n’est que rarement recherchée en Amérique du nées par les trichothécènes et que les composés se retrouvent
Nord et du Sud, peut-être en raison de niveaux de contamina- dans les aliments élaborés, différentes procédures de décon-
tion assez bas comparés à ceux observés en Asie (Tableau tamination ont été explorées. On peut les diviser en méthodes
XII) [35]. En effet, les teneurs observées en Asie sont de physiques, chimiques et biologiques. Idéalement, ces
l’ordre de la dizaine de milliers de µg/kg alors que dans le méthodes doivent diminuer la concentration en toxine sans
reste du monde, le niveau de contamination ne dépasse pas produire des substances de dégradation encore plus toxiques
1000 µg/kg, voire dans la plupart des cas, est inférieur à 500 et sans diminuer les qualités organoleptiques et nutrition-
µg/kg. nelles des aliments.
3.3. LA FUSARÉNONE X
4.1. SÉPARATION PHYSIQUE
Propriétés
La fusarénone X, ou 12,13-époxy-3α,4ß,7ß,15-tétrahy- Les méthodes physiques comprennent le tri sélectif, la cha-
droxytrichothéc-9-en-8-one4-acétate est aussi connue sous le leur et les irradiations. Lorsque le grain est passé à la meune-
nom de fusarenon, fusarenon X, nivalénol monoacétate, rie, il n’est pas réellement décontaminé en DON. Le son est
nivalénol 4-O-acétate, 3,7,15-trihydroxy-4-acétoxy-8-oxo- plus concentré que la farine. Après moulage, il ne reste plus
12-13-époxy-trichothécène. Sa formule brute est C17H22O8. que 25% de toxines dans la farine, le reste étant dans le son
Son poids moléculaire est de 338 Da. Son point de fusion est [22, 71]. Certaines toxines peuvent être partiellement
de 91-92 °C. La fusarénone X est soluble dans le méthanol, détruites par la chaleur. Bien que relativement résistantes à
l’acétate d’éthyle, l’eau et le chloroforme ; elle est insoluble l’état pur, ces toxines, présentes dans les aliments, peuvent
dans le n-hexane et le n-pentane. Généralement stable, elle subir des dégradations lors de traitement thermique car elles
peut être hydrolysée en nivalénol par des bases [35]. La fusa- interagissent alors avec d’autres molécules. En particulier, le
rénone X est principalement produite par Fusarium crook- cycle époxyde des trichothécènes est hydraté après 6 heures
wellense et certaines souches de Fusarium graminearum dans de l’eau bouillante. Le site est alors inactivé et la toxine
[35]. Cependant, elle peut aussi être produite par d’autres perd de sa toxicité [80]. Lors de la cuisson de la farine de blé,
Fusarium (solani, sporotrichioides, tricinctum) [101]. Sa DL entre 90 et 120 °C, on peut obtenir une dégradation de l’ordre
50 par voie orale chez la souris est très inférieure à celle du de 16 à 69 % du déoxynivalénol. Il n’est pas encore bien éta-
DON et du NIV ; elle est de 3,5 mg/kg [35]. bli si la chaleur détruit la toxine ou si la molécule est simple-
ment inactivée [1]. Ainsi, pour les produits transformés
industriellement et les plats cuisinés, il est très difficile de
Dosage prévoir le taux de dégradation des trichothécènes même s’il
Cette toxine est relativement peu recherchée par rapport apparaît que le traitement puisse avoir un effet [80]. Par
aux autres toxines présentées. Les données ne concernent que exemple, les radiations ionisantes peuvent permettre de
des analyses sur les aliments (Tableau XIII). Les méthodes réduire le taux de contamination en certaines en myco-
employées sont les mêmes que pour les autres trichothé- toxines. Toutefois, peu d’études montrent une réelle applica-
cènes, en dehors du fait qu’il n’existe pas encore de méthode tion aux trichothécènes [80]. De même, les micro-ondes ne
ELISA. Les limites de quantification sont également du détruisent les trichothécènes qu’à très fortes doses, ce qui
même ordre de grandeur. rend leur utilisation impossible dans les conditions normales
de préparation des aliments [77]. Enfin, les radiations ultra-
Contamination violettes semblent n’avoir aucun effet sur les trichothécènes
La fusarénone X est retrouvée dans 10 à 20 % des prélève- des groupes A et B [18, 80].
ments où l’on détecte du nivalénol [35]. Peu fréquente en
Europe, elle a été signalée en France : 12 échantillons de
céréale sur soixante ont présenté des teneurs variant de 0,05 à
4.2. LUTTE CHIMIQUE
8,42 mg/kg [8]. En Allemagne, en 1999, sur 60 prélèvements
de blé analysés pour déterminer leur teneur en divers tricho- La lutte chimique contre les mycotoxines a principalement
thécènes (DON, NIV, T-2, HT-2), aucune trace de fusarénone été développée vis-à-vis des aflatoxines. Le nombre de réfé-
X n’a été détectée [83]. Un résultat similaire avait été déjà été rences concernant les trichothécènes est limité. Néanmoins,
rapporté sur plus de 250 échantillons de céréales analysés ces méthodes ne semblent pas présenter un intérêt majeur
entre 1987 et 1992 [61]. En Arabie Saoudite, elle a été détec- pour ces toxines. Le lavage des aliments avec de l’hy-
tée à des taux compris entre 3 et 500 µg/kg dans des aliments droxyde de calcium monométhylamine (2%), du bisulfite de
sodium et de l’ammoniaque (1,5%) entraîne une diminution
des teneurs en trichothécènes de 5 à 15 %. Ces produits n’ont tant l’inactivation de certaines toxines [44]. Les voies princi-
cependant été testés qu’en laboratoire et aucune application pales de recherche concernent la fermentation des aliments,
pratique n’en a encore découlé [22, 77]. Bien qu’il soit pos- l’ajout d’enzymes et la sélection génique. La fermentation
sible de décontaminer la peau du diacétoxyscirpénol par une peut permettre de réduire la concentration en toxines dans
application d’eau de Javel (hypochlorite de sodium), cette une denrée. En effet, une étude a montré que du maïs conta-
méthode semble difficilement applicable aux aliments. La miné par la toxine T-2, ayant subi une fermentation par
toxicité cutanée de ce composé est supprimée par une appli- Candida intermedia, perd 90% de sa toxicité ; toutes les
cation de 15 minutes avec de l’eau de Javel à 1% [102]. toxines étaient dans le liquide de fermentation, facilement
Certaines études ont montré que les mycotoxines pouvaient récupérable [9]. Rappelons que la fabrication de la bière n’est
s’inactiver par interaction avec des vitamines. Elles concer- en aucun cas un processus de décontamination de l’orge. On
nent surtout les aflatoxines mais très peu les trichothécènes retrouve les trichothécènes dans le produit fini.
[7, 32, 55, 82]. La vitamine E permet toutefois de diminuer En ce qui concerne les animaux, il a été remarqué que les
les effets nocifs de la toxine T-2 lorsqu’elle est distribuée hôtes de la panse des ruminants inactivaient certains tricho-
comme supplément alimentaire (200 mg/kg de nourriture). thécènes [29]. On est ainsi à la recherche d’enzymes qui inac-
On voit alors in vivo, une diminution des peroxydations lipi- tiveraient des mycotoxines de manière comparable aux
diques chez le poulet. La vitamine C n’apporte, quant à elle, microorganismes de la panse. Pour les enzymes elles-mêmes,
aucun effet tangible [22, 30]. il a été montré que l’époxyde hydrase ou la glutathion S-
époxide hydrase réduisent la toxicité de la toxine T-2 et du
déoxynivalénol. De même, la carboxyestérase du foie semble
4.3. ADSORPTION DES TOXINES détoxifier la toxine HT-2, la fusarénone X, le diacétoxyscir-
pénol [11]. Ces découvertes permettent d’envisager de nou-
Le charbon actif peut permettre la réduction des lésions de velles voies de décontamination, mais les recherches sur ce
la sphère buccale lors d’ingestion de grains contaminés par la sujet sont encore en cours.
toxine T-2, s’il est distribué en même temps que la ration
Une dernière piste est celle de la sélection génétique. Si on
contaminée [29, 55]. Ainsi, le charbon activé permet d’ad-
arrive à isoler et cloner les gènes de bactéries responsables de
sorber 9,9 mg de DON et de toxine T-2 par g de charbon car
la production d’enzymes détoxifiantes, il sera alors possible
c’est est un adsorbant non spécifique. Il peut en effet per-
d’incorporer ce gène au sein des plantes [11]. Des travaux
mettre de réduire le taux de nombreuses toxines, avec
sont en cours en ce qui concerne l’inhibition de synthèse ou
d’ailleurs un pouvoir adsorbant bien plus important pour cer-
la dégradation du DON [24]. D’autres recherches essaient
taines mycotoxines de stockage (aflatoxines : 120 mg/g ;
d’insérer le site actif d’un anticorps développé contre le DON
ochratoxine 124 mg/g) [12, 28, 33]. Les argiles (les alumino-
en espérant que cet anticorps sera produit par la plante et se
silicates, la bentonite, les zéolites...) sont aussi utilisées
liera au DON ce qui le rendra inactif [24].
comme adsorbants vis-à-vis des mycotoxines depuis une
vingtaine d’années. Malheureusement, la plupart des études Conclusion
concernent les aflatoxines ; très rares sont celles concernant Les trichothécènes sont des mycotoxines produites par des
les trichothécènes. Parmi elles, une étude a montré que la moisissures des genres Fusarium, Myrothecium,
terre de diatomée a une capacité d’adsorption des trichothé- Trichoderma et Trichothecium. Les trichothécènes peuvent
cènes de 0,5 à 1,5 mg/g [62]. Un autre exemple montre que être détectés et dosés par de nombreuses méthodes physico-
les bentonites adsorbent la toxine T-2 du fait de l’interchan- chimiques et immunologiques. Bien que la CL/SM permette
geabilité des cations positionnés sur les différentes couches des seuils de détection très bas (0,5 µg/kg), les méthodes
mais pas les autres trichothécènes [25, 110]. Les zéolites per- immunologiques sont de plus en plus développées, en raison
mettent aussi une adsorption partielle du DON, en revanche, de leur commodité de mise en œuvre. Les résultats positifs ou
d’autre argiles comme la kaolinite, la sépiolite et la montmo- limites doivent toutefois être confirmés par des méthodes de
rillonite ne fixent que très médiocrement les trichothécènes référence.
[110]. Pour d’autres encore, les aluminosilicates seraient
La lutte contre les toxines est complexe. Elle revêt une
totalement inefficaces contre les toxines telles que le DAS, le
importance considérable de par le danger et la fréquence de la
DON et la toxine T-2 [25].
contamination de nombreuses matières premières et produits
Ainsi, les adsorbants semblent de faible intérêt lors de de transformation. La remarquable stabilité des toxines
contamination des aliments par les trichothécènes. Il faut de implique que la meilleure lutte reste la prophylaxie. Les
plus être vigilant concernant certaines études. Les concentra- méthodes chimiques et biologiques demeurent peu évaluées
tions d’adsorbant sont parfois incompatibles avec des appli- et n’ont donc que peu d’applications en pratique. La géné-
cations pratiques. tique est une piste prometteuse pour l’avenir.
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