You are on page 1of 26

Annales de Bretagne

Un pays de Bocage du massif Armoricain : Le Bas-Maine, à


propos du récent ouvrage de M. Musset
Eugène Déprez

Citer ce document / Cite this document :

Déprez Eugène. Un pays de Bocage du massif Armoricain : Le Bas-Maine, à propos du récent ouvrage de M. Musset. In:
Annales de Bretagne. Tome 34, numéro 2, 1919. pp. 143-167;

doi : 10.3406/abpo.1919.1521

http://www.persee.fr/doc/abpo_0003-391x_1919_num_34_2_1521

Document généré le 28/05/2016


E DEPREZ

UN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN

LE BAS-MAINE

A propos du récent ouvrage de M. Musset W.

Un des maîtres de la géographie. contemporaine, feu Vidal


de la Blache, lorsqu'il entreprit de démêler et de décrire
la physionomie de l'Ouest de la France, montrait, avec cette
élégance de forme et cette lumineuse clarté de l'esprit qui
caractérisent son œuvre, que l'Ouest, bien que ce soit une
région fort caractérisée, ne présente pas à l'intérieur de
différences bien tranchées, qu'il n'a pour ainsi dire pas de parties
et nous offre l'image d'une série de transitions lentes. Pour
lui, le Massif armoricain forme plutôt un ensemble de
« pays » qu'un groupe de régions. Et il entendait sans doute
par « pays » ces petites unités géographiques qui semblent
dérivées des ensembles que les Gallo-Romains désignaient
sous le nom de civitates et les Gallo-Francs sous le nom de
pigi, c'est-à-dire des unités d'origine historique qui furent
au début des circonscriptions administratives. 11 n'y a pas,
en effet, de différences sensibles dans l'aspect physique et
dans la vie locale des diverses parties de l'Ouest et
notamment des départements de l'Ille-et-Vilaine et de la Mayenne :
les terres y sont séparées par des haies formant clôture et
plantées d'arbres, ce qui donne au pays un aspect demi-
forestier, de bocage, en un mot.

(1) René Musset, Le Bas-Maine, étude géographique (Thèse de doctorat


es lettres de l'Université de Paris). Paris, A. Colin, 1917, 496 pages, in-8°,
84 fig., 13 photogr., 1 pi. en couleurs hors texte; 15 francs,
3
144 UN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
Sur la marge du Massif armoricain, constitué par des
roches dures, couvert soit de landes et de bocages, soit de
bocages seulement, viennent se succéder en formant
ceinture pour le séparer du bassin de Paris, la Normandie, le
Maine, l'Anjou, le Poitou, quatre provinces de la vieille
France. La géographie du Maine, et plus spécialement du
Bas-Maine, c'est-à-dire ,de la partie de cette province qui est
constituée par des terrains anciens et correspond à peu de
chose près au département actuel de la Mayenne, vient d'être
étudiée de magistrale façon par M. Musset, actuellement
professeur de géographie à l'Université de Rennes. Ce travail,
conçu selon les dernières méthodes, présenté à la Faculté
des Lettres de l'Université de Paris .pour l'obtention du grade
de docteur, non seulement est riche d'informations, comme
en témoigne sa copieuse bibliographie, mais encore ouvre
des horizons inconnus. C'est un nouveau maillon qui s'ajoute
à la chaîne de ces belles études régionales, la Flandre, la
Picardie, le Berry, précédemment parues. En limitant ses
recherches au Bas-Maine et en nous donnant la synthèse de
ses minutieuses analyses et de ses patientes recherches,
M. Musset a produit une œuvre capitale, qui marque et qui
touche de si près à la Bretagne qu'elle mérite plus qu'un
simple compte rendu.

M. Musset a choisi le Bas-Maine comme sujet d'une étude


géographique, parce que cette région est un très bon exemple
d'une région de bocage. A bien le connaître, nous dit-il, oh
sera mieux préparé à comprendre les autres régions de
l'Ouest. Il débute donc par des considérations générales sur
l'Ouest de la France, qui intéresseront particulièrement les
lecteurs bretons.
Dans ses premières pages, il définit avec précision les
aspects caractéristiques de l'Ouest, qui sont dus aux
modifications qu'a apportées au paysage naturel l'occupation
humaine : le Bocage, la Plaine, le -Val, la Lande, le Marais.
LE BAS-MAINE. . 145
Le mot de Bocage dé.signe l'aspect semi-forestier d'une région
défrichée presque complètement, où les champs sont entourés de
haies et généralement plantés d'arbres, où la vaine pâture est
interdite en tout temps. Les Plaines ou Campagnes sont, non pas des
régions planes, mais des régions où les champs ne sont pas enclos,
où la vaine pâture est permise après la moisson, où les habitations
sont ordinairement groupées. La Lande est une surface qui n'est ni
enclose ni cultivée, sinon de loin en loin et pour pou de temps, qui
est abandonnée à la végétation naturelle, bruyères, ajoncs et autres
plantes spontanées. Le Val est une large plaine alluviale, avec des
cultures variées, champs, jardins, vignes quand le climat le permet,
où la propriété est très divisée. Le Marais, enfin, est une étendue
autrefois marécageuse, depuis à demi-desséchée, en bordure de la
mer, telle que le Marais de Dol en Bretagne.

L'étude précise de ces différents aspects régionaux n'avait


jamais été faite jusque-là, non plus que la limitation de leur
étendue : M. Musset donne, pour la première fois, la limite
orientale des bocages de la Manche à la Loire W en lendant
compte de ses causes et en montrant ses variations ; il est
à souhaiter que des études analogues soient entreprises pour
d'autres régions, qu'en particulier une carte soit dressée
donnant pour la Bretagne la répartition exacte des bocages
purs, des landes, des vais et des marais W.
Le nom lui-même du Bas-Maine mérite de retenir
l'attention. Le Bas-Maine est une portion de l'ancienne province du
Maine, celle qui, en 1789, lors de la division en départements,
a formé à peu près le département actuel de la -.Mayenne,
l'un des plus petits de France par son étendue. Le mot bas,
qui s'oppose au mot haut dans certains noms de provinces,
ne s'explique pas par des raisons d'altitude; il arrive en effet

(1) Voir la carte de la limite des bocages de la Manche à Ja Loire, flg. 4,


p. 11. (Au sud de la Loire, la limite des bocages coïncide avec celle des
terrains anciens.)
(2) Signalons qu'il faudra désormais rayer de la nomenclature
géographique la prétendue « Champagne mancelle » ou « Plaine de Conlie »
(traversée par la voie ferrée de Paris à Brest entre Le Mans et Sillé-le-
Guillaume), partout décrite comme une « plaine » et qui, en réalité, —
il suffit de la regarder de la portière du wagon, — est un « bocage ».
146 UN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
— et c'est le cas dans le Maine — que la partie dite basse
est plus accidentée et plus élevée que la partie dite haute :
le pays du Mans, c'est-à-dire le département de la Sarthe,
est moins haut, moins montueux que le pays de Laval, c'est-
à-dire le département de la Mayenne. M. xMusset a très bien
vu que l'épithete « bas » sert à désigner une partie déshéritée,
de moindre valeur, de moindre dignité. Il en est ainsi
également de la Basse-Normandie et de la Vendée, qu'on appelait
toujours Bas-Poitou avant les guerres de la Révolution.
Mais iV quelle époque remonte cette appellation ? L'auteur
ne nous le dit pas. Je crois qu'il eût été intéressant de
rapprocher cette épithète attribuée à une région de la môme
épithète donnée au moyen âge, aux féodaux les moins élevés
de la hiérarchie nobiliaire. Dans l'échelle féodale, la noblesse
avait .ses degrés : il y avait une haute féodalité et une basse
féodalité. Dans la haute féodalité sont rangés les comtes,
évêques, abbés qui jouissent de droits seigneuriaux et de
droits de justice. La basse féodalité comprend tous les
vassaux qui représentent la classe inférieure du monde
seigneurial et portent des noms divers, parce qu'ils ont des
origines diverses souvent mal définies : le vicomte, l'un de
ceux que les Carolingiens traitaient de junior es, fonctionnaire
du comte ; le châtelain, qui est ou un ancien fonctionnaire
du comte préposé à la garde du château ou un ancien immu-
niste qui a bâti lui-même son donjon ; l'avoué, procureur
permanent et- devenu héréditaire d'une église; le vidame
(vice do minus), lieutenant de l'évêque chargé de gérer le
temporel; enfin, tous les petits seigneurs vassaux désignés
en bloc sous le nom d'arrière-vassaux ou vavasseurs.
On les appelle quelquefois les bas sires, car ce sont les plus
modestes et les moins riches des féodaux, les moins élevés
en dignité parce qu'ils n'exercent que la basse justice dans
les limites bien définies de leur fief. Ce sont ceux que l'on
distinguait au moyen du symbole qui servait à
l'investissement ; tandis qu'aux hauts sires on passait au doigt un
LE BAS-MAINE. 147
anneau d'or, les bas sires devaient se contenter d'un bâton
ou d'un fétud).
Dans le pays manceau compris dans le pagus Cenoman-
nensis, une des circonscriptions administratives de l'Empire
carolingien, qui à la fin du Xe siècle est devenu un fief, le
comte du Mans, d'abord fonctionnaire, puis fonctionnaire
feudataire, enfin feudatairc, a recruté ses fidèles et ses
vassaux dans les possesseurs de terres à la fois les plus
éloignées du centre administratif du comté et les moins
riches, c'est-à-dire dans ces nobles de condition inférieure
qui habitaient les petites localités et les campagnes, Or, dans
le comté du Maine, il y avait bien une partie qui apparaissait
comme déshéritée à la fois par la nature qui l'avait faite plus
âpre et plus pauvre, et par les circonstances historiques qui
l'avaient par deux fois desservie : une première fois, vers
la fin de l'Empire romain, le christianisme, qui s'organisait
territorialement en Gaule et adoptait pour les diocèses les
divisions de l'ordre civil et les cadres de l'Etat, avait
abandonné Jublains, l'ancienne cité des Diablintes, pour faire de
la cité du Mans l'unique circonscription ecclésiastique; une
deuxième fois, lors du bouleversement social d'où était sorti
le régime féodal, les seigneurs du Mans, plus riches, par
suite plus forts, avaient su imposer leur suprématie à ceux
qui approchaient de la Normandie et de la Bretagne, voisins
moins fortunés, trop faibles pour pouvoir s'ériger en vassaux
directs de la couronne, obligés en raison même des
conditions imposées par la nature de se recommander à de plus
puissants.
L'expression « Bas-Maine » employée par opposition et
pour faire contraste avec le Haut-Maine, contraste qui
n'avait d'ailleurs pas échappé aux historiens locaux dès le
XVIIe siècle (2), est d'origine féodale.

(1) Guilhiermoz, Essai sur les origines de la noblesse en France au moyen


âge, p. 150.
(2) A. Le Corvaisier de Courteilles, Histoire des evesques du Mans...,
1G48, p. 6 (oité par M. Musset, p. 6, note i).
148 TJN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
Peut-être at-elle été employée dès le XIIe siècle, une fois que la
hiérarchie des titres féodaux s'est formée, hiérarchie qui est du
reste un fait postérieur et étranger à la constitution même de la
féodalité. Elle devaijt l'être au XIIIe siècle, car les compilations
judiciaires de l'époque de Saint-Louis, comme le Livre de Jostice et de
Plet, nous montrent l'échelle féodale constituée (*), au temps où le
jurisconsulte Pierre de Fontaine écrivait dans son « Conseil » :
« Tex sires qui tenist en baronnie, si com quens ou ducs ou aucuns
grant sires; et, se bas sire, einsi corne vavasseurs » (2).

Le Livre premier est consacré à la géographie physique,


terrains, relief, réseau hydrographique et cours d'eau,
végétation naturelle (3).
L'étude du relief est une des parties les plus neuves de cet
ouvrage : on n'avait jusqu'ici, sur le relief à première vue
peu différencié de l'Ouest de la France, que de pures
descriptions; on se trouve désormais en possession d'une explication
générale tant du relief que des formes du terrain du Bas-
Maine et des régions voisines. L'auteur, en effet, ne s'est-
pas enfermé dans le cadre étroit de sa région : il a fait appel
à l'étude des contrées voisines, notamment du Haut-Maine,
du Perche, du Bocage normand ; quiconque voudra examiner
le relief d'une partie quelconque de l'Ouest français devra
recourir à son exposé.
Cette étude du relief est faite selon les dernières méthodes
de la géomorphogénie, pratiquées surtout aux Etats-Unis et en
France, et que les travaux de M. de Martonne et du
Laboratoire de Géographie de l'Université de Rennes n'ont pas
peu contribué à faire connaître au public breton. Cette

(1) « Duc est la première dignité, et puis contes, et puis vicontes, et puis
baron, et puis chastelain, et puis vavasor ». (Livre de Jostîce et de Plet,
I, 15/1, édition Rapetti, p. 67.)
(2) Edition Marnier, p. 251.
(3) M. Musset a fréquemment utilisé, pour ses études du terrain et de la
végétation, les travaux des naturalistes de l'Université de Rennes, ceux
notamment de Daniel; pour les noms de lieux et la linguistique, il a eu
recours au Glossaire des parlers du Bas-Maine de G. Dottin.
LE BAS-MAINE. 149
méthode est appliquée par M. Musset avec un souci constant
des réalités : loin de faire un exposé purement théorique, il
a constamment le soin de partir des faits et procède par des
descriptions raisonnées dont il tire des déductions générales.
Nous ne pouvons que résumer ici les résultats obtenus.
Le Bas-Maine est une région de terrains anciens, fortement
plissés, avec des intrusions granitiques. Après le plissement
hercynien, datant de la fin du Primaire, ir a été presque
entièrement réduit par une érosion prolongée à l'état de
pénéplaine, cela dès les temps secondaires. M. Musset y
distingue trois plates-formes superposées ; la plus élevée et
la plus ancienne, qu'il appelle la « plate-forme de la forêt
de Multonne » n'est représentée que par des buttes au sommet
plat et des crêtes étroites de roches dures ; la seconde
plateforme, celle de « la forêt de Mayenne », est plus développée,
surtout au Nord-Est : elle forme des plateaux compris entre
200 et 30Ô mètres; la plus récente, désignée sous le nom de
« plate-forme de Jublains », comprend la plus grande partie
de la région : elle se présente comme une surface ondulée
qui s'étend non seulement sur les terrains anciens du Massif
armoricain, mais encore, plus à l'Est, sur une partie des
terrains secondaires de la bordure occidentale du bassin de
Paris : les hauts plateaux d'argile à silex du Perche
notamment en représentent la continuation. C'est une « pénéplaine
fossile » : cette plate-forme en effet est l'héritière d'une
pénéplaine antérieure, datant du début du Tertiaire (on remarque
en effet à sa surface, par places, des dépôts éocènes d'origine
continentale); cette pénéplaine a été déformée, vers le milieu
du Tertiaire, par un gauchissement d'ensemble (mouvements
épéirogéniques) accompagné dans le Haut-Maine et le Perche
d'effondrements et de failles : c'est ce gauchissement qui
explique les fortes altitudes de la partie Nord-Est du Bas-
Maine, où se rencontrent les points les plus élevés de l'Ouest
de la France (417 mètres au signal de la forêt d'Ecouves et
au signal des Avaloirs). Au Tertiaire et surtout au Pliocène,
cette ancienne pénéplaine a été empâtée largement par des
dépôts de surface que l'érosion depuis a dispersés presque
150 TJN TAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
partout. La surface qui résulte de la déformation d'ensemble
et du nettoyage de la pénéplaine est la plate-forme de Jublains.
Par là aussi s'explique le tracé des cours d'eau, qui
descendent de l'aire élevée au Nord-Est du Bas-Maine en
recoupant perpendiculairement ou obliquement les plis des
terrains anciens qu'ils parcourent ; ils sont évidemment
u surimposés » : ils ont établi leur cours sur les dépôts de
surface tertiaires, puis en s'enfonçant sur place ils se sont
pour ainsi dire gravés dans les terrains anciens en s'y
encaissant. Ils ont en effet creusé des vallées étroites et
profondes, qui sont la trace de l'attaque de la plate-forme de
Jublains par un cycle d'érosion plus récent, le cycle d'érosion
actuel. C'est ce que confirme une étude du réseau
hydrographique et des vallées, appuyée sur des documents précis,
notamment sur des profils en long inédits de la Mayenne et
de la Sarthe.
Les" plates-formes que M. Musset a reconnues dans le
Bas-Maine se retrouvent, notons-le, en Bretagne : sa
plateforme de Jublains est la pénéplaine étudiée par M. E. de
Martonne, que traverse notamment la Vilaine entre Pont-Réan
et Saint-Malo-de-Phily M ; sur elle apparaissent les restes de
plates-formes antérieures, qui constituent, par exemple les
monts du Mené, les monts d'Arrée, peut-être la Montagne-
Noire. Le cycle d'érosion actuel a creusé en Bretagne aussi
des vallées étroites et encaissées, comme celle de la Vilaine
en aval de Rennes, mais également des bassins étendus : le
bassin de Rennes est l'un d'eux.
L'étude du climat est faite avec le même souci des réalités
et des ensembles. Le climat du Bas-Maine est caractérisé
non seulement en lui-même, mais aussi par de fréquentes
comparaisons avec les contrées avoisinantes ; les cartes de
la répartition des pluies, par exemple, s'élendent de Redon

(1) Voir E. de Martonne, La pénéplaine et les côtes bretonnes {Annales


de Géographie, XV, 1906, p. 213-236 et 299-328), et le compte rendu de la
première excursion géographique inter-universitaire en Bretagne, par
J. Letaconnoux et R. Musset, dans les Annales de Bretagne, XXI, avril 1906,
p. 251-276.
LE BAS-MAINE. 151
et Rennes à Chartres et Chùteaudun, de Caen et Bayeux à
Savenay et Angers. Le climat du Bas-Maine apparaît comme
un climat où les influences maritimes prédominent, moins
cependant qu'en Bretagne, parce qu'il est déjà un peu plus
engagé dans la masse continentale de la France que la
péninsule bretonne. Lé Nord-Est du Bas-Maine et la partie voisine
du Bocage normand, ont, par suite du relèvement des
altitudes, un climat original, caractérisé par la rigueur des
hivers, « tendant presque vers le climat de montagne,
pourrait-on dire avec une forte exagération » ; M. Musset
signale, en Bretagne môme, une région comparable par son
climat déjà rigoureux, le petit massif du Huelgoat. Le climat
est caractérisé non seulement dans ses éléments (vents,
température, pluies), mais encore par sa physionomie d'ensemble,
dans un curieux chapitre où sont rappelés notamment les
dictons populaires sur le temps : nombre d'entre eux sont
communs au Bas-Maine et à la Bretagne française.
L'étude de la végétation donner/ait aussi lieu à des
rapprochements instructifs avec la Bretagne : que l'on compare les
développements que lui consacre M. Musset et les
Observations de Durocher sur les rapports qui existent en Bretagne
entre la nature des terrains et la production végétale W.

Les chapitres que M. Musset a consacrés à l'occupation du


sol et à la mise en cultures des origines aux temps modernes
ne le cèdent pas en intérêt à la partie qui traite de la
géographie physique. Ce n'est pas à proprement parler l'historique
du Bas-Maine, c'est, comme disent les géographes, de la
géographie humaine. Pour dessiner dans une fresque
d'ensemble la physionomie d'un pays à chaque époque successive,
période antéceltique, celtique, gallo-romaine, gallo-franque,
pour expliquer comment se sont faits le peuplement et le

(1) Congrès scientifique de France, XVIe session tenue à Rennes en 1849,


t. I. Rennes et Paris, 1850, in-8°, p. 240-248.
152 TTN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
défrichement; quelle était l'organisation de la propriété, le
système des voies de communication, comment de nouveaux
centres se sont créés, pour décrire en un mot la vie rurale
au moyen âge, il faut dépouiller beaucoup de textes et en
avoir déterminé la date, la provenance et la signification.
Cette enquête exige que le géographe se fasse historien
méticuleux et précis. C'est dans le champ des études
historique que le géographe doit travailler, aux travaux des
historiens qu'il doit emprunter les matériaux nécessaires à
l'élaboration de sa synthèse. A cet égard, les géographes sont
venus aux historiens beaucoup plus que les historiens ne sont
allés aux géographes. Il serait à souhaiter que l'association
fût plus intime et la pénétration plus directe!
Ainsi, pour prendre des exemples récents, l'étude de M. Waquet,
archivisie du Finistère, sur « Le bailliage du Vermandois aux XIIIe
et XIVe siècles. Etude d'histoire administrative »U), aurait
beaucoup gagné si l'auteur, qui s'est proposé d'expliquer le mécanisme
de ce rouage gouvernemental, institution capétienne de Philippe-
Auguste, et qui a choisi le bailliage du Vermandois parce qu'il avait
toujours passé depuis le XVe siècle pour le premier du royaume,
avait pensé à nous dire quelles régions naturelles embrassait cette
immense circonscription administrative qui s'étendait de Mont-
faucon en Argonne à Bapaume et dont le noyau initial était la région
délimitée par Péronne, Montdidier, Chauny, Saint-Quentin : car il
y a eu au moyen âge une région naturelle appelée Vermandois et
une unité historique appelée bailliage du Vermandois. Aussi bien
eût-il été nécessaire, pour éviter toute confusion, de faire précéder
l'étude des limites administratives d'une étude géographique.
M. Halphen, dans sa thèse remarquable sur « Le Comté d'Anjou au
XIe siècle » (2), s'il avait été mieux renseigné sur la vie économique
des pays manceaux confins de l'Anjou, aurait pu expliquer
pourquoi les riches abbayes angevines rayonnaient jusqu'au delà de
Château-Gontier et quels mobiles poussèrent les comtes h s'agrandir
du côté du Maine.
Pour nous en tenir au Maine lui-même, il a paru il y a dix ans

(1) Cet ouvrage forme le 213« fascicule de la Bibliothèque de l'Ecole des


Hautes Etudes, Paris, 1919.
(2) Paris, Picard, 1906.
LE BAS-MAINE. 153
une « Histoire du comté du Maine pendant le Xe et le XIe siècle » (i).
L'auteur, M. Robert Laiouche, comme on le faisait justement
remarquer lors de l'apparition du livre (2 , n'a pas exécuté le dessein
qu'il avait formé et dont il nous parle dans son Introduction,
examiner les origines et le développement du régime féodal dans une
région déterminée : il a réussi à nous montrer les origines et le
progrès non du régime féodal, mais d'une maison féodale, en l'espèce
des comtes héréditaires du Maine; il a surtout bien mis en lumière
le conflit de l'influence normande et de l'influence angevine dans le
Maine dans la seconde moitié du XIe siècle (1051-1092). Mais le
chapitre spécial qu'il consacre à ce conflit fait la part trop belle a
la pure narration ; nous voyons bien comment le fief du Maine se
trouve écrasé entre les deux puissantes maisons d'Anjou et de
Normandie ; mais les raisons qui motivent cette âpre dispute sont
passées sous silence. Un historien au fait de la géographie n'eût
pas manqué d'en chercher l'explication.

Gomment et dans quelle mesure la nature dans le Bas-


Maine s'est-elle imposée à l'homme ? Tel est est le problème,
essentiel de toute géographie, que M. Musset s'est posé et
a essayé de résoudre. Pour expliquer comment le Bas-Maine,
primitivement région forestière, est devenu bocage, pour
retracer les étapes de cette évolution, étapes auxquelles
correspondent des aspects particuliers de la vie rurale, des
procédés et des systèmes de culture différents, il était
nécessaire de puiser la documentation dans les faits historiques.
On ne peut reprocher à M. Musset d'avoir négligé les travaux
des historiens : il s'en est au contraire servi très largement
et les deux chapitres qu'il a consacrés à l'occupation du sol
des origines au XVIe siècle attestent une enquête minutieuse
où tous les faits, si minimes soient-ils, ont été passés au
crible d'une critique aussi pénétrante que judicieuse. Ce
faisant, il est arrivé à bien montrer comment dans le Bas-
Maine la nature a influé sur l'homme, l'homme réagi sur la
nature par son travail. Dans cette multitude de notions

(1) 83e fascicule de la Bibliothèque de l'Ecole des Hautes Etudes, Paris, 1910.
(Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1911).
(2) Rapport de M. Maurice Pbou sur le Concours des Antiquités nationales
154 UN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
disparates extraites de livres spéciaux, il a choisi l'essentiel,
trié les exemples, puis démêlé les actions combinées de
l'histoire générale, des événements locaux, des relations
économiques. Telle est la vraie et saine méthode, celle des
géographes d'aujourd'hui : « De tous les traits choisis avec
soin, exactement vérifiés, harmonieusement fondus, disait
un géographe trop souvent méconnu, mais qui fut un
précurseur, il faut composer un portrait W ».
Ce portrait, nous le possédons maintenant pour le Bas-
Maine. Il est non seulement composé, mais dessiné, de face,
de profil, au choix du lecteur. Rien de plus instructif à cet
égard que les cartes dressées pour les établissements
préhistoriques, les noms de lieux de l'époque préromaine, les
limites des peuplades gauloises, les voies romaines, les
anciennes forêts, les abbayes (2). Ce sont les portraits du
Bas-Maine aux différents âges de sa vie historique.
L'une des sciences auxiliaires de l'histoire dont M. Musset
a tiré le plus large profit, c'est à coup sûr la toponom astique
ou toponymie, une des plus difficiles et des moins connues,
dont était seul dépositaire l'un des plus grands érudits
contemporains, Auguste Longnon, directeur d'études pour
la géographie historique à l'Ecole des Hautes-Etudes (3>.
L'origine des noms de lieux habités du Maine avait du reste
été jusqu'ici par deux fois étudiée d'une manière très
satisfaisante M, ce qui a singulièrement facilité la tâche du
géographe. M. Musset, s'élevant au-dessus des résultats
philologiques et linguistiques, a ouvert grâce à eux des horizons

(1) Foncin, Introduction à l'étude des régions et pays de France {Revue


de synthèse historique, août 1900, n° 1, p. 16).
(2) Fig. 47 à 52, p. 210, 215, 216, 220, 229, 234.
(3) M. Longnon avait donné un aperçu de sa méthode dans l'Introduction
de son Dictionnaire topographique de la Marne. Le travail qu'il se proposait
de publier n'a jamais vu le jour; mais ses anciens élèves ont entrepris la
publication de son cours d'après leurs notes et celles du maître; le premier
volume est sous presse à la librairie Champion.
(4) Abbé A. Angot, Dictionnaire historique, topographique et biographique
de la Mayenne, Laval, 1900 et suiv., 4 vol. in-8°. — L. Beszard, Etude sur
V origine des noms de lieux habités du Maine (Thèse de doctorat es lettres,
Nancy), Paris, 1910, in-8°.
LE BAS-MAINE. 155
nouveaux et tiré d'intéressantes conclusions. x\vant l'arrivée
des Romains, — et ceci ressort de l'examen des noms de
lieux celtiques, — la région du Bas-Maine, située en dehors
des grandes voies de communication, n'était sans doute pas
fort peuplée; la répartition même des noms celtiques fait
ressortir que l'occupation celtique s'est faite d'abord dans
les vallées, puis sur les plateaux et que le peuplement a été
plus intense à l'Est, c'est-à-dire dans la région du Mans :
la vaste région à l'Ouest de Laval et de la Mayenne fut une
frontière, une marche entre les tribus gauloises. Et c'est
encore le nom de lieu Ingrande, dont la région offre trois
exemples, qui a permis à M. Musset, d'après les travaux de
de Longnon, de fixer les limites qui séparaient les Cénomans
des Diablintes et des Andecaves. Ingrande provient du celtique
Eœiranda, qui signifie frontière et est un synonyme du mot
latin fines.
Les Celtes s'étaient établis à Noviodunum, le Jublains actuel,
et avaient surtout défriché les plateaux plus fertiles, couverts
de dépôts tertiaires, que jalonne la ligne Ambrières-
Mayenne-Jublains-Evron-Sillé-le-Guillaume. Pendant
l'occupation romaine, la petite bourgade de Jublains, qui se trouvait
au débouché de l'Armorique et de l'Avranchin et où
convergeaient neuf routes, dut à sa position géographique son
importance. Mais, comme à l'époque celtique, l'occupation
gallo-romaine fut clairsemée à l'Ouest de Laval, c'est-à-dire
dans la région qui touchait à la civitas, c'est-à-dire au
territoire des Redones. Le Bas-Maine jusqu'aux invasions-jouà
le rôle d'une grande marche : les voies de passage alors
fréquentées passaient plus au Nord, par la région de
l'Avranchin, ou plus au Sud, par le val de Loire ; la portion
intermédiaire, par suite de la pauvreté du sol et de
l'immensité des forêts qui la recouvraient, était peu propice à une
pénétration, demeurait rebelle à une conquête.
C'est en effet sur ces plateaux couverts par un épais rideau
forestier à l'Ouest de la Mayenne que vint mourir l'invasion
germanique. Il est certain qu'elle ruina les centres de
peuplement existants, ravagea les campagnes et réduisit les centres
156 UN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
prospères comme Jublains à une condition inférieure. Il est
non moins certain que les nouveaux venus, mêlés aux Gallo-
Romains qui avaient survécu à la tourmente et devenus
Gallo-Francs, créèrent de nouveaux centres ou relevèrent de
leurs ruines ceux qui existaient précédemment. Il semble
bien d'ailleurs que l'occupation germanique ne dépassa guère
l'axe Nord-Sud de la rivière la Mayenne, de même que la
nouvelle pénétration celtique, consécutive à l'émigration de
Grande-Bretagne en Armorique au Ve siècle, ne dépassa pas
les sources de la Vilaine, de la Seiche, du Semnon, de la
Chère, du Don, de l'Erdre. Toute une bande de terrain de
près de 50 kilomètres de largeur, confins des départements
actuels de la Mayenne et de l'Ille-et- Vilaine, demeura
indisputée et comme neutralisée. Les vocables eux-mêmes, si
l'hypothèse ne paraît pas trop hardie, attestent encore
l'existence de ce tampon qui s'interposait. C'est du coté de
l'Armorique, Châteaugiron, dont le nom Giron appartient à
l'onomastique bretonne W, du côté Neustrien Château-Gantier,
dont le nom Gontier est d'origine germanique (i).
La reprise de possession du sol après les invasions
germaniques fut une œuvre difficile, sur laquelle nous sommes
évidemment mal renseignés, parce que les documents des
époques mérovingienne et carolingienne sont rares. Mais, en
dépit de la pénurie des textes, M. Musset n'aurait pas dû
bloquer dans un seul chapitre toute la période qui s'étend
du VIe au XVIe siècle •: ces dix siècles auraient pu être
subdivisés et les périodes carolingienne, féodale, monarchique
méritaient d'être traitées séparément au même titre que la
période antéceltique et préhistorique. C'est le seul reproche
que je me permettrai d'adresser à l'auteur. La partie
médiévale a été écourtée et nous ne pouvons que le regretter.
Ce n'est pas la difficulté, mais la dispersion des textes qui
a arrêté l'auteur. Il a préféré brosser un tableau d'ensemble
illustré par quelques exemples frappants. Les documents

(1) Ge nom désigne un chevalier du cycle arthurien, Giron le Courtois.


(2) Latinisé Gundacharius au VI» siècle, puis Guntharius.
LE BAS-MAINE. 157
pourtant ne manquent pas et les études sur l'histoire
carolingienne, entreprises avec tant d'ardeur, tant en Allemagne
qu'en France, permettaient d'établir comment le Bas-Maine
fut administré à l'époque carolingienne, quelle place il tint
dans cet immense empire centralisé dirigé par l'homme de
génie que fut Gharlemagne, et quelle était l'importance de
la Marche de Bretagne (J). — Tout le pays de la Mayenne est
dans une situation spéciale, qui n'a pas échappé aux
médiévistes formés à l'école de Giry et chargés d'écrire les Annales
de la France à l'époque carolingienne, notamment à partir
de Charles le Chauve : c'est une zone à cheval entre Bretons
et Gallo-Francs, un border (2).

« L'année 856 est signalée par un rapprochement de Charles le


Chauve et du roi breton Eispoë. Le 10 février 856, à Vieux-Maisons
en Roumois, eut lieu une entrevue importante. Jusqu'alors il semble
qu'à la faveur des guerres civiles l'Ouest de l'ancienne Neustrie et
plus particulièrement le Maine formait comme une sorte de
territoire contesté dont nul acte ne définissait exactement la situation
et qu'occupaient tantôt les Bretons, tantôt les fidèles du roi de
France, tantôt encore des grands plus ou moins indociles. L'anarchie
la plus complète y régnait depuis longtemps. Lambert, comte de
Nantes, et Gauzbert, comte du Maine, y avaient successivement
affecté de singulières allures d'indépendance. Le traité, de Vieux-
Maisons réglait le sort de ce pays. Il en faisait une dotation pour
Louis le Bègue, fils du roi de France, fiancé à la fille d'Erispoë. Un
tel arrangement, s'il conciliait les prétentions rivales des deux
princes, ne pouvait manquer de léser beaucoup d'intérêts, partant
de soulever de violents mécontentements. Aussi verrons-nous après
l'assassinat d'Erispoë et la rupture du mariage qui en fut la suite,
les grands de la région prendre les armes et au début de 858 chasser
le prince Louis. La région où dominent les rebelles francs était le

(1) Wustenfeld, Die Herzoge von Spoleto, aus dem Hause der Widonen
(Forschungen zu Deutschen Gesrfiichte, III, 1863, p. 383-432). — Kalkcstein,
Robert der Tapfere, nrarkgraf von Anjou, der Stammvater des Kapetin-
gischen Hauses, Berlin, 1871. — Poupardin, Les grandes familles comtales
à l'époque carolingienne {Revue historique, t. LXXII, 1900). — Merlet, Les
guerres d'indépendance de la Bretagne sous Charles le Chauve, Vannes, 1891.
l™(2)partie,
Ferdinand
1909 (Bibl.
Lot de
et l'Ecole
Louis Halphen,
des HautesLeEtudes,
règne fascicule
de Charles
173), lep. Chauve,
151.
158 UN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
ducaius Cenommanicus dont parle Prudence, cette vaste contrée
sans limites bien précises, visée par le traité de Vieux-Maisons,
limitrophe à la fois de l'Aquitaine et de la Bretagne. C'est là que
le souvenir de Gauzbert était le plus vivant. C'est là que les
dévastations normandes causaient les plus graves dommages. C'est là
qu'un désordre pour ainsi dire chronique entretenait depuis plusieurs
années un dangereux esprit d'indépendance. C'est là aussi que la
politique du roi à l'égard des Bretons et que le traité de 856 avaient
fait le plus de mécontents ».

Si j'ai fait cette longue citation empruntée au remarquable


ouvrage de M. Galmette d), c'est que j'estime que M. Musset
aurait pn mettre à profit de lumineuses conclusions, qui
confirment pleinement par l'histoire ce qu'il a entrevu
parla géographie.
Le Bas-Maine — et l'auteur l'a du reste bien marqué dans
son Introduction — était bien une grande marche tour à tour
piétinée par les Germains, par les Bretons, par les Normands.
La reprise de possession du- sol était chaque fois compromise;
chaque fois il fallait recommencer le repeuplement et le
défrichevment. Entre l'Armorique et le pagus Cenomannicus
s'étend une zone neutre où les voisins rivaux se rencontrent.
N'est-ce pas au monastère d'Entrammes, situé près du
confluent de la Jouanne et de la Mayenne, que se rencontrent
en 863 Charles le Chauve et le roi de Bretagne Salomon qui
venait jurer fidélité au roi des Francs (2) ?
Les quelques cénobites qui y avaient élu domicile dans
leurs ermitages et qui passaient leur temps à défricher ne
devaient être que médiocrement inquiétés. Le souvenir de
cette immense forêt qui tombait sous la hache de ces
infatigables pionniers a subsisté, même après qu'un travail
incessant de plusieurs siècles en fut venu à bout. Il y a un
village du département de la Mayenne qui s'appelle Saint-

(1) Calmette, La diplomatie carolingienne, du traité de Verdun à la mort


de Charles le Chauve, 843-877 (Bibl. de l'Ecole des Hautes Etudes, fasc. 135,
1901), p. 32 et 39.
(2) Annales de Saint-Bertin et de Saint-Vaast, édition C. Dehaisnes (Soc.
de l'Hist. de France, 1871), p. 118.
LE BAS-MAINE. 159
Gault W. Il ne m'appartient pas de décider si ce saint a
véritablement existé : peu importe. « Gau » est la forme
romane du germanique wald, latinisé waldus ; c'est le nom
d'une commune de la Marne, sise à l'orée d'une grande forêt,
Le Gault-la-Forêt (*). N'est-il pas curieux de constater qu'un
des saints, plus ou moins authentique, du Bas-Maine est
désigné par le nom même de la forêt qui aurait été le théâtre
de son activité ?
C'est bien la forêt qui, au moyen âge, a donné au Bas-
Maine son individualité ; c'est elle qui détenait tous les
germes de sa vie économique future. Région forestière, il
le demeura en dépit des changements de dynastie ou des
bouleversements sociaux, comme celui de la fin du Xe siècle
lors de l'établissement du régime féodal. Aux cénobites isolés,
heureux de vivre dans une nouvelle « Thébaïde », entre la
Bretagne et le Maine, succédèrent les grandes abbayes et les
comtes, féodalité laïque, féodalité ecclésiastique, moins
contemplative et à l'esprit plus pratique. A une époque où
la richesse était basée sur la terre, les ducs de Normandie au
Nord, les Comtes d'Anjou au Sud virent dans ces terres une
conquête proche et facile. Et ce ne furent pas seulement les
riches abbayes de la vallée de la Loire <-3\ désireuses d'étendre
leurs possessions territoriales, qui se lancèrent dans cette
conquête fructueuse au milieu du Xe siècle : en 956, les rois
carolingiens donnaient au monastère de Saint-Philibert-de-
Tournus le territoire de Saint-Jean-sur-Mayenne (alors appelé
Buxiolus, c'est-à-dire l'endroit où poussent les buis) dans le
comté du Mans (4). La Normandie et l'Anjou, les abbayes de
Saint-Michel et de Marmoutier (5), n'étaient pas les seules
intéressées au défrichement ou à l'élevage des porcs.

(2)- Arrondissement
(1) Canton de Montmirail.
et canton
A. de
Longnon,
Château-Gontier.
Dictionnaire topographique de la
Marné, comprenant les noms de lieux anciens et modernes, Paris, 1891,
p. 115.
(3) SaintrMartin et Saint-Julien de Tours, Saint-Aubin et Saint-Nicolas
d'Angers, Saint-Florent de Saumur.
(4) Poupardin, Manuscrit de l'histoire des abbayes de St-Philibert, p. 120.
(5) Recueil des actes de Lothaire et de Louis V (954-987), édition Halphen
et Lot, p. 19 (chartes et diplômes publiés par les soins de l'Acad. des
Inscr. et Belles-Lettres), — Recueil des actes de Louis IV, édition Lauer, p. 42.
4
160 XTS PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
Pendant que les essarteurs défrichaient pour le compte des
seigneurs ou des abbayes, les porcs allaient à la glandée dans la forêt.
Cet élevage remonte très haut et M. Musset aurait pu ajouter aux
textes qu'il cite des textes de l'époque féodale ou même
carolingienne (i). Nous savons en effet que le comte du Maine Hélie de La
Flèche, au XIe siècle, accorde aux curés du Passais le droit de faire
paître leurs porcs dans les forêts du Passais et d'Andaine (2). « Voilà
l'origine de l'élevage du porc dans le Bas-Maine : il est, si l'on peut
dire, né de la forêt. Aujourd'hui la forêt a presque entièrement
disparu, mais l'élevage du porc, adapté à une tout autre
organisation agricole, s'est maintenu, et c'est une des gloires et des richesses
du Bas-Maine (3). il en est en effet en agriculture comme dans
l'industrie : telle industrie, à l'heure qu'il est, paraît sans lien avec
le milieu, et l'on serait tenté de la qualifier d'artificielle ; à rémonter
dans le passé, cette illusion se dissipe, son lien avec les conditions
naturelles apparaît, et l'on s'aperçoit qu'une fois créée elle a continué
à vivre, en se transformant et en s'adaptant » (*).

Les transformations successives aux époques carolingienne


(IXe-Xe siècles), féodale (XP-XIIP siècles) et monarchique
(XIVe-XVe siècles), les adaptations diverses que nous révèlent
les textes du moyen âge auraient montré que la géographie
humaine est, comme l'histoire, un tissu sans fin, tissu dont
les trames compliquées sont -peut-être enchevêtrées, mais
toute coupure dans ce vaste ensemble est forcément
arbitraire : le Bas-Maine du moyen âge disparaît un peu dans
la brume. Etait-il impossible de faire revivre et de dessiner
son évolution économique en même temps que son évolution
politique ? Je ne le pense pas, en dépit de la pénurie des
documents qu'on peut invoquer. Les moines d'Evron, à la
fin du Xe siècle, ne demandaient-ils pas la création d'un
marché hebdomadaire et d'une foire anuuelle W ? Charles le

(1) -II eût suffi de feuilleter les recueils d'actes royaux ou seigneuriaux,
laïques et ecclésiastiques, voire même seulement les tables aux mots
pasnadium porcorum, pasnagium, pasnaticum, pastio porcorum.
(2) Latouche, ouvrage cité, p. 154; catalogues d'actes, n° 62.
(3) La race des porcs craonnais (de Craon, dans l'arrondissement de
Château-Gontier) est la plus belle de France; M. Musset a étudié en détail
cet élevage du porc, p. 247, 311-312, 317-318, 349, 369.
(4) Musset, Le Bas-Maine, p. 247.
(5) Latouche, ouvrage cité, p. 139,
, LE BAS-MAINE. 161
Chauve, devant le péril sans cesse renaissant des incursions
normandes, n'avait-il pas transformé de simples bourgades
en villes fermées très bien défendues et concédé des bénéfices
à des vassaux à charge d'élever des châteaux-forts W ? Pour
les géographes comme pour les historiens, ce sont là des
textes de premier ordre.

La majeure partie des pages que M. Musset a consacrées


à la géographie humaine du Bas-Maine concernent les
périodes moderne et contemporaine. Les transformations et
les adaptations successives de la yie économique du Bas-
Maine, depuis la forêt primitive jusqu'au pur bocage actuel,
voilà ce que M. Musset a montré en une série de tableaux
à la fois larges et précis. Nous ne pouvons qu'en donner ici
un résumé succinct.
Jusqu'au XVIe siècle, le travail acharné" des défricheurs
s'est employé à restreindre le domaine de la forêt primitive ;
au XVIe siècle, un système agricole paraît fixé, fondé sur
l'union du bocage, c'est-à-dire des champs cultivés et des
jachères, de la lande et de la forêt : dans les champs sont
cultivées les céréales, nécessaires à l'alimentation, auxquelles
viennent s'ajouter au XVIe siècle deux plantes nouvelles, le
sarrasin et le pommier, qui peu à peu remplace la vigne, à
laquelle le- climat est peu favorable <2) ; les jachères,
auxquelles les champs sont régulièrement soumis, les landes,
très étendues, et la forêt servent de pâtures pour les animaux.
Cette agriculture est pauvre, le sol étant médiocre, mais elle
suffît à elle seule, ou peu s'en faut, à faire vivre les habitants;
l'industrie en effet existe à peine.

(1) Liber de compositione castri Ambaziae et ipsius dominorum gesta,


édition Halphen et Poupardin, Chronique des comtes d'Anjou et des
seigneurs d'Amboise (Collection de textes pour servir à l'enseignement de
l'histoire), p. 20.
(2) M. Musset retrace en détail l'histoire du recul de la vigne dans la
région jusqu'à sa limite actuelle, qu'il avait fixée antérieurement pour tout
l'Ouest de la France [Annales de Géographie, XVII, 1908, p. 268-270).
162 TJN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
Les progrès de l'industrie bouleversent bientôt cette
organisation. Celle du fer se développe aux dépens de la forêt
et la supprime progressivement presque en entier : à la fin
du XVIIF siècle les étendues boisées sont insignifiantes, le
Bas-Maine devient un pays de bocages avec de vastes
étendues de jachères et de landes; des quatre formes d'utilisation
du sol que nous énumérions tout à l'heure, une a donc été
éliminée ou à peu près, la forêt. Mais cette agriculture est
misérable •:. les landes occupent plus de la moitié du pays,
les récoltes sont maigres, l'élevage médiocre. C'est que le
sol, privé de chaux, ne donne que de chétifs produits, c'est
que l'absence de routes et le mauvais état des chemins, sur
lequel l'auteur insiste avec raison, entrave le commerce des
denrées agricoles, c'est surtout que l'industrie des toiles,
produit léger, peu encombrant, par suite facile à transporter,
retient toute l'attention des habitants et leur fait négliger
l'agriculture. Une industrie nouvelle, en effet, s'est créée au
XVIe siècle et prend toute son extension aux XVIIe et
XVIIIe siècles, celle des toiles, liée au développement de la
culture du lin dans le Bas-Maine ; dès lors, « une ingénieuse
combinaison de l'agriculture et de l'industrie caractérise la
vie rurale ». Mais la seconde est de beaucoup la plus
importante; elle est née de l'ouverture dé larges débouchés,
auxquels le Bas-Maine vend ses produits : Ouest, France entière,
Espagne et surtout au delà des mers colonies espagnoles de
l'Amérique du sud (le premier voyage des Français aux Indes
occidentales, le célèbre voyage de Pyrard de .Laval, en 1601,
fut entrepris dans l'intérêt du commerce par une société de
marchands de Saint-Malo, Vitré et Laval). Au XVIIIe siècle,
époque de la floraison de cette industrie, on voit le lin
cultivé et filé dans toutes les exploitations rurales, tissé par
les tisserands des principaux bourgs, blanchi dans les villes,
où se fait le commerce des toiles. L'industrie textile du lin
n'est nulle part aussi importante dans l'Ouest, sinon autour
de Cholet : ailleurs on filait et on tissait aussi le chanvre
et la laine, et filature et tissage étaient moins prospères.
L'auteur compare avec précision, cette industrie rurale du
LE BAS-MAINE. 163
lin dans le Bas-Maine avec les autres industries textiles de
l'Ouest français à la même époque : deux cartes suggestives
(p. 261 et 263) montrent, l'une l'industrie et le commerce des
étoffes de laine dans le Maine, le Perche, une partie de la
Basse-Normandie et de la Bretagne française, l'autre la
culture du lin et du chanvre dans le Maine, le Perche,
l'Anjou, la Basse-Normandie et la Bretagne tout entière.
Dans la première moitié du XIXe siècle, l'industrie textile
du Bas-Maine est ruinée par les guerres de la Révolution et
de l'Empire, qui ferment les principaux débouchés, ceux de
l'Amérique du Sud ; à la paix, un textile nouveau, le coton,
fait au lin une concurrence victorieuse : l'industrie des toiles
disparaît dans les campagnes bas-mancelles ; elle subsiste
toutefois dans les villes, Château-Gontier, Mayenne, surtout
Laval, où de grandes usines modernes font encore la filature
et le tissage du lin et surtout du coton ou du lin et coton
mélangés, notamment sous forme de coutil. La ruine de
l'industrie rurale rompt l'équilibre de la vie agricole : le
paysan, privé de sa ressource essentielle, tombe dans une
misère aiguë W.
Il n'avait plus de ressource que dans la terre, cette terre
qu'il avait négligée, méprisée presque. Quand les rouets
eurent cessé de filer, les métiers de battre et qu'il se retourna
vers ses champs, il vit que la moitié de leur étendue était
encore couverte de landes ou en jachère, que l'autre moitié
ne donnait que de piètres moissons de froment, surtout de
seigle et de sarrasin, que ses prés étaient médiocres et
envahis par de mauvaises herbes, que ses bestiaux étaient

(1) M. Musset le montre en particulier par l'étude de l'alimentation du


paysan et par celle des habitations, basses, petites, avec un petit nombre
d'ouvertures. Il utilise les statistiques officielles du nombre des ouvertures
des maisons dans la première moitié du XIXe siècle, dont il donne
la bibliographie : c'est, dit-il, d'après M. de Foville, un des témoignages
les plus nets sur le bien-être des populations rurales; or, nulle part
le nombre des ouvertures n'est si petit que dans la Mayenne, la Bretagne
bretonnante exceptée (en 1831, par exemple, dans la Mayenne, 72 ouvertures
par 100 habitants; 5 départements seulement ont un chiffre inférieur, parmi
lesquels le Morbihan, 66, et les Côtes-du-Nord, 61).
164 TJN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
faibles et de petite taille. L'avenir semblait désespéré.
Pourtant, aujourd'hui, le Bas-Maine est plus riche qu'il n'a
jamais été et il doit sa prospérité à la seule agriculture. Ce
merveilleux résultat, si rapidement obtenu, est l'œuvre de
l'homme : il a défriché les landes, rendu la jachère
productive, il a amendé et pour ainsi dire recréé le sol par le
chaulage et les engrais, il a substitué le blé au seigle et au
sarrasin, introduit les plantes fourragères et les « racines »,
il a enfin amélioré la race des bestiaux par le croisement
et la sélection, substituant en particulier à l'ancienne race
bovine mancelle la race améliorée durham-mancelle.
L'agriculture renouvelée donne plus de bénéfices que l'ancienne
industrie associée à la culture. Cette transformation est un
très bel exemple de ce que peut accomplir dans des
conditions naturelles peu favorables l'initiative patiente et
persévérante de l'homme.
Le paysan du Bas-Maine, pourtant, n'a pas tout fait. Le
changement fut facilité par une série de circonstances qui
coïncidèrent dans le temps : la découverte des mines
d'anthracite qui permit de produire la chaux à bas prix ; le
développement des voies de communication, routes et chemins
ruraux, canalisation de la Mayenne et chemins de fer, qui
d'abord permirent de transporter la chaux loin de ses lieux de
production, ensuite ouvrirent des débouchés; enfin, des
circonstances politiques, la Révolution de 1830 et le coup d'Etat
de 1852, qui déterminèrent le retour aux champs et, si l'on
peut dire, à la résidence de nombreux propriétaires
légitimistes jusque-là absents. Telle est, dans son ensemble, la
révolution agricole que M. Musset décrit dans le détail :
nous ne pouvons le suivre ici dans ses développements, qui
constituent une véritable histoire agricole et économique du
Bas-Maine à l'époque contemporaine, dont la valeur a été
reconnue par les maîtres de la science agronomique <lL
Cette transformation générale, qui a porté si vite le Bas-

Ci) Henri HitieIi, Le Bas-Maine, par M. René Musset (Comptes rendus des
séances de l'Académie d'Agriculture, V, 1919, p. 893-901).
LE BAS-MAINE. 165
Maine de la misère à la prospérité, s'est produite — fait
original et remarquable — dans le domaine seul de
l'agriculture, sans modifier les conditions de la propriété et de
l'organisation sociale : le Bas-Maine, qui a montré une
hardiesse vraiment révolutionnaire en matière agricole, se
révèle très conservateur en matière sociale.
Cette organisation conservatrice de la propriété et de toute
la société est une des grandes originalités du Bas-Maine.
C'est le pays des châteaux, qui se dressent si nombreux au
milieu des champs qu'ils semblent presque inséparables du
paysage. C'est en France, avec l'Anjou septentrional, le pays
des grandes propriétés, où surtout les grands domaines de
300, 400, 500 hectares sont fréquents ; la petite propriété
n'existe guère : c'est la ploutocratie des grands propriétaires
qui domine économiquement et socialement le pays bas-
manceau. Mais la grande propriété n'y coïncide pas avec
la grande exploitation : les grands domaines sont toujours
divisés en exploitations moyennes de 10 à 20 hectares. Peu
de propriétaires du reste cultivent par eux-mêmes ; en 1892,
la Mayenne était même le département où il y avait le moins
d'exploitants directs. Le propriétaire partage son domaine
entre les fermiers et de préférence les métayers; il s'intéresse
à 'la culture pour la diriger, la surveiller sans trop s'en mêler.
L'importance du métayage est un trait essentiel et
caractéristique du Bas-Maine et l'auteur y insiste avec raison ; il
a dressé, pour son étude, une carte du métayage dans la
France entière : on y voit que le métayage, autrefois répandu
dans tout l'Ouest, a disparu partout au Nord de la Loire,
en Bretagne notamment, persistant seulement dans un îlot
4e métayage isolé, comprenant l'Anjou septentrional et le
Bas-Maine méridional et central, c'est-à-dire — et voilà la
cause jusqu'ici insoupçonnée de cette survivance — dans les
pays où l'industrie ancienne des toiles avait aux XVIF et
XVIIIe siècles enrichi les bourgeois des villes qui achetèrent
de grandes terres. Le métayage est d'autant plus important
dans le Bas-Maine qu'il y a sa forme la plus pure, une
coopération intime du propriétaire résidant sur ses terres et du
166 UN PAYS DE BOCAGE DU MASSIF ARMORICAIN.
métayer ; cette collaboration constante a fait le succès du
métayage bas-manceau : il n'est pas ici déconsidéré par les
abus, existence de fermiers-généraux et impôt colonique
dans le Bourbonnais, administration par des maîtres-valets
et indifférence du propriétaire dans les Landes (ce sont les
deux grands pays de métayage en France); aussi le métayage,
qui ailleurs a mauvaise réputation et coïncide avec une
extrême pauvreté rurale, a-t-il contribué pour une large part
à l'enrichissement de la Mayenne, et atténué les crises
agricoles, celle notamment qui a sévi dans toute la France de
'
1878 à-1900.
Une des conséquences de cette organisation sociale, c'est
que les domestiques sont nombreux, mais qu'il n'y a pas
de journaliers agricoles : le cultivateur fait tous ses travaux
lui-même avec l'aide des membres de sa famille ou de
domestiques étroitement associés à sa vie. En somme, « la société
agricole se maintient le plus possible dans le cadre de la
famille et garde sa physionomie patriarcale : l'absence des
journaliers, la situation faite aux domestiques en sont des
indices aussi nets que la persistance du métayage W ».
L'ouvrage se termine, et nous ne pouvons qu'y renvoyer
le lecteur, par l'étude des industries actuelles, de
l'établissement humain, maisons, villages, villes,' de la populatioh
et de ses mouvements. C'est une étude vraiment complète
qui nous est ainsi présentée.
Un de ses mérites, c'est la richesse de l'illustration, plus
abondante que dans les travaux analogues parus
antérieurement :/84 cartes, figures et diagrammes mettent pour ainsi
dire sous les yeux du lecteur les faits décrits dans l'ouvrage;
12 planches photographiques reproduisent des aspects
typiques de la région.

(1) Signalons une étude suggestive de la forme des villages et villes,


montrant ses relations avec le réseau des chemins ruraux et les
modifications des voies de communication, routes et chemins de fer, avec aussi
les centres anciens de groupements : église, château féodal, monastère,
ou les faits économiques : gué, pont, etc.; une série de huit cartes, extraites
de la carte d'état-major, habilement groupées en trois pages (p. 428-430)
illustrent les faits d'une manière frappante.
LE BAS-MAINE. 167
Le livre de M. Musset est un beau livre, que tous les amis
de la Bretagne liront avec intérêt et consulteront avec profit.
Des voix plus autorisées l'ont déjà apprécié W et des juges
compétents ont dit tout le bien qu'ils en pensaient (2). Car
de pareils livres font honneur à la science française et à
l'enseignement actuel de la géographie. Ils permettent de
juger quels résultats positifs peut fournir l'esprit de méthode
quand il s'affranchit des généralisations vagues, et s'impose
l'obligation de ne pas vivre de faits à demi connus. Ils
montrent surtout combien est vrai de la géographie aussi,
et d'une vérité profonde, ce que Fustel de Coulanges disait
de l'histoire : « Elle est proprement la science du devenir.
Elle étudie moins l'être en soi que la formation et la
modification de l'être. Elle est la science des origines, des
enchaînements, des développements et des transformations ».

(1) Comptes rendus de,L. Gallois (Annales de Géographie, XXVII, 1918,


p. 135-140), et d'Em. de Martonne {The Geographical Review, New-York,
avril 1919).
(2) Compte rendu d'E. Laurain, archiviste de la Mayenne, (Bull, de la
Commission histor. et archéol. de la Mayenne, XXXIV, 1918, p. 223-228). —
L'ouvrage de M. Musset a obtenu des prix de l'Académie des Sciences
morales et politiques, de l'Académie d'Agriculture, de la Société de
Géographie, de la Société de Géographie commerciale.

You might also like