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EURORGAN s.p.r.l.

- Éditions OUSIA

ÉTUDE DE LA « SUBSTANCE » DANS LE LIVRE Δ, 8 DE LA "MÉTAPHYSIQUE" D'ARISTOTE


Author(s): Karine Wurtz
Source: Revue de Philosophie Ancienne, Vol. 29, No. 1 (2011), pp. 29-45
Published by: EURORGAN s.p.r.l. - Éditions OUSIA
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/24358496
Accessed: 11-11-2017 20:45 UTC

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ETUDE DE LA « SUBSTANCE »

DANS LE LIVRE Δ, 8 DE LA MÉTAPHYSIQUE


D'ARISTOTE

Comme on le sait, le livre Δ se présente au sein de la Métaphysique


comme un texte relativement autonome pouvant être analysé en lui
même, nous épargnant des références répétées au reste de l'œuvre pour
en saisir toute la signification - même si ces références, nous le verrons,
sont parfois utiles pour éclairer son contenu. Dans ce contexte épisté
mique, le livre Δ, 8 concerne l'étude des sens multiples pouvant se
dire de Yousia - que nous traduisons par « substance », selon l'usage
consacré1.

1 De même, eil nous conformant à l'usage habituel, nous traduisons τό τι


ήν είναι par « quiddité » et τόδε τι par « individu » ou « individualité. En re
vanche, nous traduirons είδος par « espèce » ou « spécificité » et μορφή par
« forme » - plutôt que par « configuration », terme qui rend en fait le terme
σχήμα, le plus souvent utilisé par Aristote pour signifier une figure géomé
trique ou l'aspect extérieur d'une chose, en particulier, la « forme » des atomes
chez Démocrite. Certes, en Metaph. Z, 3, 1029a4-5, il est dit que la forme est
la configuration de l'idée (τήν μορφήν τό σχήμα της ιδέας) ; mais le passage
fait probablement allusion à une notion d'origine platonicienne, l'idée,
qu'Aristote évite d'utiliser pour son propre compte. Mais, en général, Aristote
distingue eidos et morphè ou, comme en A, 8, les situent l'un à côté de l'autre
sans autres précision. Il n'empêche que le passage cité de Z, 3 constitue bien un
indice qui atteste une différence entre, d'une part, είδος, qui recèle un carac
tère logique (relativement au genre) et métaphysique (comme ce qui spécifie
quelque chose dans différentes catégories, et non seulement dans la première
catégorie, la substance), et, d'autre part, μορφή qui témoigne d'une perspective
davantage phénoménale et sensible de la substance même, plus exactement
comme ce qui exprime la structure finale d'une substance en relation avec sa

REVUE DE PHILOSOPHIE ANCIENNE, XXIX(l), 2011

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30 Karine Wurtz

Nous présentons notre étud


analyse la structure du tex
penchons sur la première acc
de cette appellation. Dans une
mot substance. Enfin, nous r
du texte, qui traite des deux

1. Les étapes du texte

Partie 1 :

« Substance » se dit des co


l'eau et toutes les choses an
leurs composés, tant les an
parties de ces corps. Toute
parce qu'elles ne sont pas
autres choses sont affirmées d'elles ».

Partie 2 :

« Dans un autre sens, la substance est une cause de l'existence


des êtres, immanente pour tous ceux qui ne sont pas affirmés
d'un sujet, par exemple l'âme pour l'animal ».

Partie 3 :

« Ce sont aussi les parties immanentes de tels êtres, parties qui


les délimitent et qui signifient leur individualité, et dont la des
truction détruit le tout ; telle est, au dire de certains philosophes,
la surface pour le corps et la ligne, pour la surface. Plus généra
lement, le nombre est considéré, par certains, comme une sub
stance de cette nature (car, une fois anéanti, il n'y aurait plus
rien), et il délimite toutes choses ».

finalité. Voir à ce propos, Aristote, La physique, traduction A. Stevens, avec


une Introduction de L. Couloubaritsis, Vrin, Paris, 20082 (1999).

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ETUDE DE LA « SUBSTANCE » 31

Partie 4 :

« De plus, la quiddité, exprimée dans la définition, est dite aussi


la substance de chaque chose ».

Partie 5 :

« Il en résulte que la substance est prise en deux acceptions ;


c'est le sujet dernier, celui qui n'est plus affirmé d'aucun autre,
et c'est encore ce qui, étant un individu, est aussi séparable : de
cette nature est la forme la spécificité de chaque être ».

Nous avons donc cinq parties, qui dessinent un mouvement en trois


étapes :
- La première partie du texte forme un tout autonome : c'est le
premier sens du terme « substance ».
- Les parties 2,3 et 4 marquent une opposition avec ce qui précède,
rendue explicite par l'emploi de « άλλον δε τρόπον ». Y apparaît
un second sens du terme « substance ». L'unité de ces parties se
révèle non seulement par le sens, mais déjà formellement par
les liaisons « ετι » répétées entre les parties 2 et 3, puis entre les
parties 3 et 4.
- La partie 5 opère la synthèse de ce qui a été posé. Cette partie
confirme la distinction bi-partique proposée. Le terme « sub
stance » renvoie ainsi à deux acceptions : d'abord, le sujet demier
et, ensuite, l'individu sensible déterminé, envisagé par le biais
de sa spécificité et de sa forme.

2. Explications de la première acception de la substance

La première partie du texte est divisible en deux sous-parties :


2a. Ce qu'on appelle « substance ».
2b. Les raisons de cette appellation.

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32 Karine Wurtz

2a. Ce qu 'on appelle « substanc

Tous les exemples donnés ap


L'éventail ne pouvait pas être p
naturelles simples et constitut
analogues) en tant qu'elles devi
pour aller jusqu'aux astres, en
ontologique - δαιμόνια étant u
des astres. Cet éventail, par so
êtres sensibles sont dits substance

les parties, mais exclut les quali


catégories secondaires.
Comme on le sait, une liste c
de Δ, 8 se trouve en Métaphysi
repris. Cette fois, Aristote a
désignation explicite de : « uni
que c'est là ce qui se dit, l'exp
objets comme substances. L'enj
si c'est à bon droit que ces cor
si seulement certains le devraien
des choses qui devraient à bon
En A, 8, Aristote ne fait rien
« substance » pour désigner l
prononcer sur la justesse ou l'ex
la présence de tous ces élément
peut s'étonner notamment de la
générale des parties, au titre de
les corps est soi-même substan
est elle-même composée de sub
qui n'est pas admissible pour A
t-il ici ce qui se dit sans donner
car la suite de A, 8 montre que
Aristote n'adhère pas avec ce q
Marie Morel, quand Aristote ac
substance (ce qui n'est pas tou

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ETUDE DE LA « SUBSTANCE » 33

manière dialectique2. Cet interprète d'Aristote cons


ne peut être dite substance que de manière provisoi
où elle est elle-même sujet de propriétés. La phras
nous permet de comprendre le sens de cette consta

2b. Les raisons de cette appellation

En effet, Aristote y donne la raison pour laquelle


sont appelées « substances ». Selon une première f
dit que ces choses sont dites substances « parce
affirmées d'un sujet mais que les autres choses sont
La substance est donc d'abord le sujet de la prédica
dans un problème d'exégèse quant au statut respec
textes d'Aristote, on peut au moins rappeler que, d
de Δ, 8, nous rencontrons ce que le traité des C
comme substance première : « est substance (ουσί
plus fondamental, premier et principal, ce qui ne se
n'est dans un sujet »3.
En d'autres termes, est substance, ce qui ne se d
mais est soi-même sujet. C'est le sujet dernier, cel
ne peut remonter. Nous obtenons ainsi une répons
il faut concevoir la présence des corps simples
l'énumération des substances. Nous constatons que
et les parties des substances, puisqu'ils sont capabl
déterminations sans être eux-mêmes prédicats d'au
bien aux critères de définition de la substance. Par
une unité propre, des propriétés que le corps n'a pa
au corps sans jamais avoir de subsistance autonome

2 Sur cette question de savoir si les corps simples sont


Morel constate qu'Aristote n'accepte pas toujours ces c
substances. Il leur refuse le rang de substance en Métaph
les accepter à titre provisoire dans le traité Du Ciel, III
P.-M. Morel, Aristote, GF Flammarion, Paris, 2003, p.1
3 Aristote, Catégories, Éditions du Seuil, Paris, 2002,

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34 Karine Wurtz

a bien une forme de substan


partie a une substantialité au
corps a une existence autonom
Sachant que l'homonymie
tion, pouvons-nous parler d'h
que cela. Les parties et les co
substance : ils sont le sujet d
leur manque une donnée impo
telle qui est définie ici : la sép
et les parties comme subst
l'intérieur des substances, d'a
s'agit plutôt ici d'une distinc
cœur a une forme d'unité au
unité au sein de l'univers sen
unité et seule celle du corps p
En revenant au texte même
liée à la notion de « sujet ». E
de savoir quel est alors cet
dessous ») ou sujet dernier. S
sique, trois candidats semblen
dernier » : la matière, la spéc
Commençons par la « matièr
Dans le contexte des objets
successivement d'un objet tou
longueur, largeur, etc., ce qu
soit la matière brute, souven
matière brute apparaît bien
attributs. C'est dire que la ma
être le substrat premier ont
semble d'abord lui conférer Z
tous les attributs (catégories),
à la matière première, indéte
n'est par soi ni quelque chose
aucune autre des catégories q
quelque chose dont chacune

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ETUDE DE LA « SUBSTANCE » 35

l'être (τό είναι) est différent de chacune de ces


toutes les catégories autres que la substance sont
stance, et que la substance est elle-même affi
(1029a20-24).
Sans soulever ici les difficultés propres à Z, 3 (e
de savoir si la « matière première » ne constitue
dialectique), il apparaît bien que la matière y est
dernier sujet possible de la prédication. L'interp
le sujet dernier de Δ, 8 renvoie également à la m
sujet purement logique (c'est-à-dire Vousia co
toute prédication), devient ainsi une hypothèse p
Certes, on pourrait objecter à cette prise de po
ce est, pour Aristote, toujours déterminée, c'est
séparée (χωριστή), alors qu'ici elle est indétermi
lui-même les conséquences de cette indéterminat
qu'« il est impossible (αδύνατον) que la mati
(1029a27), pour conclure que c'est ce qui est sépa
στόν) et l'individu (τόδε τι) qui semblent apparte
stance, de sorte que la spécificité (τό είδος) et le
de forme (μορφή) semblent être substance p
(1029a27-31). Si je penche néanmoins en faveur d
meilleur candidat pouvant être dit sujet dernier o
Δ, 8 serait la matière, c'est à cause de l'usage de
« séparé » ou « séparable » à propos de la seconde
stance, à savoir Veidos et la morphè, qui met en œ
une opposition entre déterminé et indéterminé. D
sens, on peut supposer (c'est notre préférence) q
matière, même si l'option logique de l'expressi
chaton ne peut être écartée a priori, vu le caractè
lations de Δ, 8, dû, nous le verrons, au genre « le

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36 Karine Wurtz

3. Explications de la second

Ici, le vocabulaire change, A


à Γύποκείμενον, mais au τό
terminé (tl) et de montrable
qu'on pourrait traduire littéral
indiquer qu'Aristote se place
vidu, non nécessairement d'u
εν), comme dans le cas des as
l'est précisément Yeidos. En
c'est la spécificité qui est ind
sant ce qui est spécifiquemen
ment un, non en lui-même m
chair et des os particuliers, co
dualité correspondrait à la dé
qui s'applique à la substance p
partie, à la substance seconde
attribuée à une multitude de
culier, on peut supposer que l
soit d'une façon générale, soi
Le chapitre A, 8 nous semble
que définie en Catégories 5, t
qu'on trouve dans la Métaphy
En effet, « substance » se d
manente des substances ; (b)
(c) de la quiddité.

3a. « Substance » se dit de la cause immanente des substances

Dans ce passage (1017M4-16), l'exemple est éclairant, car c'est ce


qui permet de rapprocher la cause immanente de Yeidos. Un passage
du traité De l'âme définit l'âme ainsi : « l'âme est substance au sens de

spécificité (ώς είδος) d'un corps naturel qui a la vie en puissance. Or,
cette substance est entéléchie. Donc elle est entéléchie d'un tel corps.
Et celle-ci se dit de deux façons : l'une comme la science, l'autre comme

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ETUDE DE LA « SUB STANCE » 37

l'exercice de la science »4. Comme le révèle la suit


comprise est une entéléchie première, c'est-à-dire
est en même temps en puissance, c'est-à-dire capab
moyen de différentes fonctions5. Ueidos n'es
(μορφή), qui concerne l'état final d'une substance.
tel ou tel vivant depuis sa naissance, c'est-à-dir
essentiellement. Autrement dit, il est le principe
vivant et rend compte de son existence parce qu'i
génération via la cause efficiente grâce à laquelle il
passer la matière, en l'occurrence le corps organis
en puissance dans le corps, au corps vivant en
nente dont il est question ici est ce qui assure non
organique, mais également l'existence et le mai
dans le temps. A ce titre, l'âme est la cause de
« entéléchie » par la génération, mais qui demeure
ce dans l'exercice de la vie.

Mais n'y a-t-il pas une difficulté à admettre la spécificité (είδος)


comme substance alors que nous sommes dans la perspective d'un par
ticulier ? Les explications que nous avons données précédemment en
nous référant à Veidos en Métaph. Z, 8, ont déjà amorcé une réponse.
Mais observons aussi la suite du développement d'Aristote, pour com
pléter le tableau.

3b. « Substance » se dit des parties immanentes des substances

Le passage 1017al7-21 comprend deux sous-parties :

(bl) Les parties immanentes ; (b2) un dialogue avec d'autres


philosophes sur ce qu'il convient d'admettre sous cette notion.
Ce second point n'est pas facile à saisir, ce qui a été souvent
relevé par les commentateurs : Par exemple, Christopher

4 De anima, II, 1, 412 a 20-22.


5 Ibid., 412a27 ss.
6 Ibid., 412a20 et 412b5-6.

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38 Karine Wurtz

Kirwan7 le juge problématiq


exemple au même titre que 2

3b 1. Les parties immanentes

Peut-être la difficulté vient-e


cohérent dans deux dimensions
« parties qui les délimitent et
destruction détruit le tout », no
culier, d'abord aux parties des
de la définition. En effet, au sein
autant à une dimension objecti
gible (le τι).
La première dimension dési
substance (puisque les parties m
premier sens de la substance
immanentes seraient donc celle
substance de façon nécessaire.
à manquer, changent la déterm
26 et 27 de Δ sur le tout et le t
est tronquée si son anse est c
(1024al5). C'est dire que la co
l'eau, et, à ce titre, tant sa spécif
qui manifeste sa structure et s
contrario, il semblerait logique
manque, l'état accompli de la c
lors que la forme (μορφή) qui st
est ébranlée, la coupe perd sa s
de poterie. La coupe devient a
comme le cadavre n'est un hom

7 Ch. Kirwan, Aristotle Metaphys


Clarendon Press, Oxford,1971, p.
8 M. V. Wedin, Aristotle's Theory
physics Z, Oxford University Pres

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ETUDE DE LA « SUBSTANCE » 39

que parce qu'il perd sa spécificité comme viva


certes la configuration (σχήμα) de l'homme, co
mais manque la spécificité (είδος) propre à so
forme (μορφή) qui soutient sa fonctionnalité e
Nous voyons par cet exemple que la dime
dimension intelligible sont indissociables l'une
ajouter à ce que nous venons d'avancer qu'une c
plus répondre à la définition de la coupe. Les
l'individualité et la détermination peuvent ég
parties de la définition. Pour délimiter et déte
nition comprend nécessairement des éléments
renvoyant à ce qu'ils sont et ce qu'ils ne sont p
elle-même des parties qui doivent aussi être dé
Dans cette optique, seraient appelées subs
forme ou de la définition du τόδε τι. Nous som
de difficulté que dans le premier sens de sub
nous sommes amenés à dire qu'on peut appele
de la substance. Pouvons-nous dénouer cette difficulté dans le cas de la

spécificité ou / et de la forme ?
Dans leur travail sur le livre Δ, Marie-Paul Duminil et Annick Jaulin
renvoient ceci à une distinction entre puissance et acte, et entre forme
et matière9. Selon elles, les parties de la définition pourraient être
considérées comme la matière de la définition10. Ces substances ne
sont donc pas à proprement parler des substances, sauf dans le sens où
elles ne se disent pas d'un sujet. Elles en concluent que ce sens qui fait
état de parties constituantes peut être vu comme l'aspect matériel du
sens qui envisage la substance comme « être déterminé ». Mais il nous
semble que la distinction forme-matière (ou encore spécificité-matière)
n'est pas ici adéquate pour expliquer le rapport tout-parties. En effet,
pour avoir un tout déterminé, il faut que les parties soient également
déterminées. On voit donc mal comment les parties immanentes de la

9 M.P. Duminil et A. Jaulin, Aristote, Métaphysique, livre Delta, Universi


té de Toulouse-le-Mirail, Toulouse, 1991, pp. 190 ss.
10 Cf. Metaph., H, 2, 1043a5-7.

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40 Karine Wurtz

forme pourraient être considé


alors que, nous l'avons vu, la m
tion. Il ne semble pas y avoir d
rapport tout-parties dans le ca
résolvent de la même manièr
notions ou les termes qui comp
considérés comme des substance
à une définition les inscrit dan
tout : chaque partie ne fixe son
au tout de la définition. Par sui
pouvoir être dites substances e
dans la définition, mais elles ne s
elles sont subordonnées à la déf

3b2. Un dialogue avec d'autr


d'admettre sous cette notion

Pour certains philosophes, c'est-à-dire les Pythagoriciens et les


Platoniciens, « la surface pour le corps et la ligne pour la surface »
pourraient être vues comme des parties immanentes de la substance.
Ce passage semble désigner ce qui pourrait être considéré comme limites
géométriques des corps. Effectivement, sans limites, il n'y a pas de
volume déterminé et donc pas de corps, mais la limite n'est pas pour
autant une partie du corps. Pour comprendre pourquoi la limite n'est
pas une partie du corps, il faut nous tourner vers la Physique d'Aristote,
et notamment le livre IV. La surface est le point de coïncidence de
l'objet avec son lieu, mais elle n'est rien en soi : nous restons ici au niveau
de l'immanent. Or, prendre les lignes et les surfaces comme des parties,
cela reviendrait justement à en faire des universels et à les séparer.
Aristote considère que les platoniciens, en admettant la surface et la
ligne comme des substances, séparent ici ce qui ne devrait pas l'être.
Pour les Pythagoriciens, les nombres sont le principe de toute chose.
La présence de cet exemple au sein de la définition n'est pas étonnant,
les nombres étant des notions constitutives du réel. Dans cette logique,
le nombre peut bien être dit « substance » dans la mesure où sa dispa

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ETUDE DE LA « SUBSTANCE » 41

rition fait disparaître toute chose. Pour Aristote


est un objet mathématique qui ne peut être c
stances. Ce refus est à rapprocher du livre
10-11) et renvoie à la possibilité d'admettre c
une nature de substance qui serait « immobile
répondra par la négative. Nous obtenons ain
pour A, 8. En effet, nous obtenons par contra
plémentaire sur la substance : c'est quelque ch
périssable. Dans la mesure où Aristote a inclu
astres comme substances, nous pouvons comp
essentiel de la substance n'est pas d'être t
(puisque les astres ne le sont pas) mais d'ad
mouvement (comme mobilité ou changement
pour les astres, génération et corruption pou
intervention de la notion de mouvement rappr
d'une entéléchie. Chaque chose se meut vers s
qu'elle est en puissance. Ueidos est en ce sens
se transmet dans le mobile sous l'action de la cau

3c. La quiddité est substance de chaque chose

Le texte se situe dans la perspective de la déf


ensemble. La quiddité est la détermination qu
nition. La quiddité, dit Aristote, est la substan
(είδος δέ λέγω τό τι ήν είναι έκάστου)11. Et un
« je qualifie de substance sans matière la quid
άνευ ΰλης τό τι ήν είναι)12. Or, qu'est-ce qu'u
sinon ce qui spécifie quelque chose, c'est-à-dir
ce qui ressort, on l'a vu, du livre Z, 3, une fois
impliquant la substance. Dès lors, on peut cons
étant la spécificité dans l'ordre intelligible.
Mais, dans ce cas, n'y a-t-il pas une contradic

11 Métaph., Ζ, 7, 1032M-2. Cf. aussi Ζ, 10, 1035


12 Ibid., 7, 1032 b 11.

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42 Karine Wurtz

stance comme le tode ti et à n


qui est de la définition, cela n'
peut pas viser un particulier co
matière et de cette spécificité,
dans ce particulier. Aristote di
versel et la spécificité13. Mieux
sens de l'espèce d'un genre dont
sommes renvoyés à la spécificit

4. Explications du dernier p
substance

Nous l'avons vu, ces deux acceptions sont : (a) le sujet dernier et
(b) la spécificité séparable ou séparée. Plus littéralement : « Substance »
se dit donc de deux façons : le sujet ultime de la prédication
(ύποκείμενον) dont on a vu qu'il renvoyait en propre à la matière et
l'essence (τάδε τι) qui permet de dire ce qu'est l'existant, et qui, elle,
renvoie à Yeidos. En résumé, le terme « substance » s'applique à deux
réalités différentes : la matière et la spécificité. De plus, l'essence renvoie
à deux choses : la spécificité et la forme. L'eidos renvoie au contenu
qui spécifie la substance et qui, relativement à l'intellect, est l'intelligible
saisi par celui-ci, c'est-à-dire, finalement, il renvoie à un universel.
Quant à la forme (μορφή), elle est la forme concrète, ce qui permet au
composé de matière et de spécificité d'exprimer l'accomplissement du
passage de la puissance à l'acte15. Il s'agit donc ici non de la spécificité
saisie comme essence, mais de la forme incarnée dans le particulier qui
fait advenir Yeidos - celui-ci étant présent avant l'action de la cause
efficiente et pendant tout le processus de passage de la puissance
(matière) à l'acte (forme). Bref, είδος et μορφή sont deux versants
de la réalisation du couple puissance et acte. Par conséquent, quand

13 Ibid., 11, 1036a28-29.


14 Ibid., 14, 1039a26.
15 Voir Métaph. H.

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ETUDE DE LA « SUBSTANCE » 43

Aristote parle de « séparé », cela ne signif


manière des Idées platoniciennes. L'eidos peut
sens où il n'a intelligiblement rien de commu
que jamais la matière soit séparée de la spécif
spécificité séparée de la matière. Cette associa
du processus le composé de matière et de f
qu'Aristote lie, dans sa Physique, à la cause fi
Est-ce que l'un des sens de substance pren
Dans le texte de Δ, 8, il n'y a aucun indice nou
qu'Aristote reconnaît une plus grande valeu
qu'à l'autre. Cependant, plusieurs éléments
pencher la balance du côté de la spécificité et
matière et forme s'opposent comme puissanc
que la matière se dise de la forme. En effet, l'a
ontologique sur la puissance, la forme doit av
par rapport à la matière. Dès lors, si on peut d
est première, ce n'est qu'à titre d'indéterm
recevoir en puissance diverses déterminations
mination, séparable, qui serait principe de mou
la matière et qui lui imprimerait ce qu'elle est
Métaph. Z, 3, parmi les candidats possibles
écarte la matière, pour dire que ce qui est vrai
de sujet), c'est la spécificité (είδος), mais é
la matière et de la forme (μορφή) - lequel susc
aporie17. Quelle que soit la position finale d'A
tion, il ne faut pas s'étonner qu'il conserve en
aux lexiques.

16 Phys., II, 7, 198b3-4.


17 Métaph., Ζ, 3, 1029a27-33.

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44 Karine Wurtz

5. Conclusion

Finalement, qu'est-ce qui est vraiment substance dans la substance ?


Métaph. Z, 3, 1029 a 2-7 indique la substance comme pouvant être
dite de trois façons : la matière, la forme / spécificité ou le composé
des deux. Le composé des deux renvoie à une existence, forme et
matière. Pensées de façon séparées, elles ne renvoient qu'à une distinc
tion de raison. La notion de substance semble en réalité avoir deux
sens, au-delà de Δ, 8. D'abord, la substance peut être le composé de
forme et de matière, soit l'individu sensible. Ensuite, la substance est
ce qui, au sein de la substance, fait d'elle une substance. Ce peut alors
être ce qui relève de la matière ou ce qui relève de la forme ou, plus
exactement, de la spécificité (είδος). Métaph. Δ étant le livre des accep
tions multiples, il était attendu que ce soit sur les deux éléments de ce
second sens que nous nous concentrions. De plus Aristote n'était pas
obligé, en cet endroit, de distinguer nettement entre spécificité et forme
- ce qui peut, il est vrai, produire des confusions (cf. 1017b25-26). Il
est donc logique que nous n'ayons que deux entrées en Δ, 8 et non
trois. Cela fait qu'une substance est dite substance tantôt par sa matière,
tantôt par sa spécificité ou par sa forme, mais la substance renvoie
toujours à un individuel concret (τόδε τι). Ceci nous éclaire peut-être
sur les rapports des deux termes entre eux.
En effet, que la substance renvoie à la matière ou à la spécificité /
forme, nous avons deux points de vue : la matière est antérieure d'une
certaine façon (comme ce qui peut recevoir la détermination) et la
spécificité / forme est antérieure d'une autre façon (comme l'acte est
antérieur à la puissance). Les deux notions du mot « substance » étant
ainsi liées, ce ne sont sûrement pas des synonymes. Mais est-ce qu'il
s'agit d'homonymes ? Il semble difficile de soutenir qu'ils n'ont rien
d'autre que le nom en commun, puisqu'ils renvoient tous les deux à
une façon de désigner l'antériorité. L'antériorité pouvant être elle-même
ou temporelle ou logique, ces deux points de vue vont déterminer deux
sens différents de la substance. Considérer la substance par la matière
serait la définir par la puissance, et la considérer par la spécificité / forme
serait la définir par l'acte. L'une et l'autre sont complémentaires. Mais

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ETUDE DE LA « SUBSTANCE » 45

à ce moment-là, nous devrions avoir une autre déf


prenant en compte ce qu'il y a de commun dans
Nous devrions avoir une définition unique de la s
qui est premier dans l'individu sensible » ou
quand on a abstrait tout ce qui est accidentel ». L
substance comme matière ou comme spécificité /
être comme les deux espèces de cette définition c
le genre.
Or, il ne semble pas qu'Aristote propose quelque part ce type de
définition commune. Au contraire, il conserve une certaine homonymie
entre les deux termes. En fait, il semble qu'il faille sortir de Δ et remettre
ces deux sens de « substance » en perspective avec le premier sens. Ce
qui est substance est proprement l'individu sensible. Peut-être ne faut-il
pas chercher en A un rapport entre les deux sens de la substance mais
entre, d'une part, la substance - individu sensible et la substance -
matière, et, d'autre part, entre la substance - individu sensible et la
substance - spécificité / forme. Peut-être ce qu'il y a ici n'est pas tant
un rapport d'homonymie que la première disjonction d'un rapport
« πρός εν ». En effet, si seule la substance sensible a une existence
autonome, les deux sens de substance comme spécificité / forme ou
comme matière n'exprimeraient pas des substances en eux-mêmes
mais par rapport à cette substance sensible. La substance comme
matière ou la substance comme spécificité / forme se disent bien de la
substance comme individu sensible, tout en n'ayant chacune aucune
existence autonome. Dès lors on peut bien supposer que nous ayons ici
les caractéristiques d'une relation « πρός εν ».

Karine Wurtz
université ae Montreal et

Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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