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LE MANIFESTE DU FONDATEUR

Il a plu à Dieu de se faire aimer, et tandis que nous étions ses ennemis, il nous a tant aimés
qu'il nous a envoyé son Fils unique: il nous l'a donné pour être l'attrait qui nous gagne à l'amour
divin, le modèle qui nous montre les règles de l'amour, et le moyen de parvenir à l'amour divin:
le Fils de Dieu s'est fait chair.
Au moment qu'il entra dans le monde, animé de l'Esprit de son Père, il se livra à tous ses
desseins sur lui, il se mit à la place de toutes les victimes: Vous n'avez point voulu, dit-il,
d'hostie et d'oblation, mais vous m'avez formé un corps... les holocaustes et les victimes pour le
péché ne vous ont pas plu ; alors j'ai dit: Me voici, je viens pour accomplir votre volonté, 6 mon
Dieu!

Il entra dans la carrière par ce grand acte qu'il ne discontinua jamais. Dès ce moment, il
demeura toujours en état de victime, anéanti devant Dieu, ne faisant rien, par lui-même,
agissant toujours par l'Esprit de Dieu, constamment abandonné aux ordres de Dieu pour
souffrir et faire tout ce qu'il voudrait: il s’est anéanti en se faisant obéissant jusqu’à la mort, et la
mort sur la croix…
C'est ainsi que Dieu nous a aimés...
À la vue de ce spectacle prodigieux, les prêtres de Bétharram se sont sentis portés à se
dévouer pour imiter Jésus anéanti et obéissant, et pour s'employer tout entiers à procurer aux
autres le même bonheur, sous la protection de Marie toujours disposée à tout ce que Dieu
voudrait, et toujours soumise à tout ce que Dieu faisait.

(Préface des Constitutions de 1838)

Dès les premiers mots le ton est donné : « Il a plus à Dieu de se faire aimer ».

Cette révélation est faite dans un contexte dramatique, qui rejoint bien notre expérience humaine :
« Tandis que nous étions ses ennemis, Il nous a tant aimés qu’Il nous a envoyé son Fils unique. »
Voilà la grande lumière : Dieu ne répond pas à l’indifférence, au refus des hommes à notre manière, c’est-à-
dire par des sentiments d’indifférence ou d’agressivité, ou par des châtiments, puisqu’il est Créateur et Maître.
Non, Dieu, même lorsque nous sommes dans une attitude de rejet, de non-amour, va à l’extrême de l’Amour
en nous donnant son Fils bien-aimé.

Pourquoi nous l’a-t-il donné ? Saint Michel explique longuement le pourquoi de l’Incarnation du Fils unique : Il
nous l’a donné pour être :

 L’attrait qui nous gagne à l’amour divin… Jésus a mission de convertir notre attitude. Notre
éloignement de Dieu, notre refus, doivent se changer en accueil positif de Celui qui vient nous
entraîner, avec Lui, vers le Père… Il est l’attrait, il vient attirer l’homme à Dieu.
 Le modèle qui nous montre les règles de l’amour… est-il nécessaire d’insister ? Nous ne savons
pas aimer en vérité ; nous réduisons habituellement l’amour au sentiment que nous éprouvons d’être
avec la personne que nous aimons. Jésus vient nous apprendre que l’amour commence par le
décentrement de soi qui est la marque de tout amour authentique. Avec Jésus, nous allons découvrir
que l’amour rejoint spontanément l’obéissance et s’exprime par le service. Les règles de l’amour…
n’est-ce pas simplement l’accomplissement de la volonté de Dieu mais d’un Dieu qui ne sait que nous
aimer. En Dieu la Volonté et l’Amour sont inséparables.
 Le moyen de parvenir à l’amour divin… Laissé à ses seules forces, l’homme fait l’expérience qu’il
n’arrive pas à aimer Dieu. Alors que Dieu est fidèle par nature, l’homme éprouve sa fragilité, sa
constante infidélité. Jésus vient guérir notre cœur ; Il nous est donné comme Celui qui nous permettra
d’accueillir et de répondre à l’Amour de Dieu.

Voilà pourquoi le Fils de Dieu s’est fait chair ! Toute la démarche de l’Incarnation se situe du côté de Dieu,
comme la révélation de son Amour : « Il a plu à Dieu de se faire aimer. »
Le Fils de Dieu vient en ce monde « animé de l’esprit de son Père » : ils ne font qu’un dans la réalisation de
ce projet d’amour. Le Fils est et sera à chaque instant de sa vie l’expression de l’Amour du Père pour les
hommes, l’incarnation de l’Amour. Il vient d’abord pour révéler aux hommes un Dieu-Amour, et non comme on
l’a ordinairement présenté « prendre la place de toutes les victimes » et s’offrir » et s’offrir en réparation pour le
péché des hommes.

En disant à son Père : « Me voici, je viens pour accomplir votre volonté, ô mon Dieu », nous devons
comprendre que Dieu n’a pas voulu « de sacrifices, d’offrandes, d’holocaustes pour les péchés »… tout cela
relève de l’univers religieux où l’homme a le souci d’apaiser la justice de Dieu…

Ce qui est premier avec l’Incarnation du Fils unique, ce n’est pas la réparation de la faute, du péché, mais la
révélation de l’Amour qui pardonne et sauve la multitude des pécheurs. Si Jésus va jusqu’à l’extrême du
sacrifice, demeurant comme « anéanti devant Dieu », ce n’est pas pour satisfaire sa justice, mais plutôt pour
faire comprendre aux hommes qu’il n’existe aucune limite à l’Amour bienveillant du Père…

Quand on a dit à la suite de l’apôtre Jean : « Dieu est Amour » (1Jn 4,8), on a tout dit sur Dieu ; le reste est
commentaire humain.

Voilà ce qui est au cœur de l’expérience de saint Michel Garicoïts, voilà le cœur de sa spiritualité qu’il résumait
dans cette formule bien marquée par son style : « Me voici, sans retard, sans réserve, sans retour, par
amour pour la volonté de mon Dieu ! »

Le premier, saint Michel se laisse entraîner par l’exemple de Jésus-Christ et il veut entraîner tous ceux qui
veulent partager cette spiritualité de source : répondre à l’Amour par l’amour ; donner, se donner, pardonner ;
partager la joie de suivre Jésus sur le chemin des hommes pour les reconduire au Père. Et le faire dans
Église, à l’école de Celle qui a dit oui.

La Sainte Vierge est bien de cette famille du « Me voici », elle qui a répondu à l’annonce de l’Ange Gabriel: «
Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole ». Saint Michel Garicoïts ne séparera jamais la
Mère de son Fils, car c’est à Bétharram, dans ce sanctuaire marial, qu’il a reçu la grâce d’entrer pleinement au
cœur du Mystère de l’Incarnation, la révélation ineffable de ce Dieu-Amour !

Gaston Gabaix-Hialé,SCJ

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