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Dominique Maingueneau | Contre Saint Proust ou la fin de la Littérature Comer: © OpeCateion BsbDR © Eine Belin, 2008 Ison 270146402 AVANT-PROPOS ‘Au début d’Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche, le hétos rencontre un ermite et s'étonne: comment cet hhorame peut-ilignorer que Diew est mort? Cest d'un éton- nement quelque peu similaire quest né ce livre: la Literature est morte, mas immense foule de ses idles semble ignore Pour accéder a cette Litérature majuscule qui s'eface ainsi sous nos yeux, nous allons emprunter une voie qui peut sembler périphérique mais qui va nous mener au coeur de son dispositf: Contre Sainte-Beuve”, livre ot Proust énonce tune thse qui exclut de lesthétique les considérations ordre biographique: «Et pour ne pas avoir vo Vabime gui spare Fécrivain de Ithomme du monde, pour navoir pas compris que le moi de Fcrivain ne se montze que dans ses livres, et gil ne montre aux hommes du monde (ou méme a ces hommes dia monde que sont dans le monde les autres écivain, qu ein delve ng: Pros aa mbes OAD deni ‘hoe pur ele n cn ob pe exper sep el rare de ant Lele vat ps cre ese orstoma popeatsenc nan ren ashore datemps pd ie adie erga dete ote ‘eae En St de co de els far ex a vlre poi ce Gaps Jean eal ete donn a nae repen ‘Fang ric prego On eaten let ose qs ede Se Beov tb 16) Slaton tesa em Pr de fe eth ‘edna en our cer guste arcane, {Merideycopmerels Nowell cg eect deena nex Pare oe Icio de rere one Pn rae ne redeviennent érivains que seus) qu'un homme du monde ‘comme eux i inaugurera cue fameuse méthode, qui, selon Taine, Bourget, tant dares est sa glire et qui consi linctrogeravidement pour comyprendre un pete, un éerva ceux gui ont connu, qui le fréquentaient, qui pourront nous lire comment il se comportait se ari femmes ee, cst {die précisément sur tus les points ou le moi veritable da podte nest pas en jeu.» Le choix que nous avons fat de partir de Proust ne doit rien au hasard. A Vinstar d’un Van Gogh en peinture, i représente ~ par son euvre comme par sa vie ~ une des figures es plus emblématiques de la conception de Art qui a émergé avec le romantisme et qui égne encore dans les ‘esprit, Sa thise sur les deux moi a beau ne pas faire 'una- nimité elle condense un certain nombre de présupposés aujourd'hui largement admis qui, en réalité, nepermettent de comprendre ni es régimes antériurs de la production lt- ‘éraine ni celui dans lequel nous entrons ni méme celui qui Ya rendue possible. Le «tournant discursi» que commen- cent prendre les études litéraires nous en fait prendre de plas en plus nettement conscience. Mais, on le verra, ce dontil est ici question, ce nest pas seulement de théorie, mais de toute une machine lttéaire la mise en spectacle d’une eertaine conception des ceuvres ot des eréateurs, d'un certain partage des institutions de savoir d'un certain statut du livre I DE CONTRE SAINTE-BEUVE ALA NOUVELLE CRITIQUE j LA «METHODE» DE SAINTE-BEUVE Nous avons évoqué les quelques lignes de Contre Sainte-Beuve ot Proust énonce sa these sur «l‘Gerivain» et «homme du monde. en propose une autre formulation: «homme qui vit dans un méme comps avec tout grand génie a peu de rapport avec li, (que) c'est lui que ses intimes onnalssent, et (qu) ans ibestabsurde de juger comme Sainte-eave le potte par homme parle dite de ses ami. (Quant AV homme lu-méme, nest qu'un homme ex peut p fairement ignorerce que veut le poste qui viten I Ee cest peut-dte mieux ans. Cest notte ralszonnement qui, déga feant de Feeuvze do pottesa grandedr dit» estan rie le Noi oi et voudrait qu’ se conduisten ro,» Affirmation qui sinsri dans le mouvement ensemble de Contre Sainte-Beuve, dont la premiere esquisse resume Ie projet: «Cette error consist Eerer Stendhal. Les gens qui nous ‘nt comnts poste. En rat la pose est quelque chase de ‘cre Sainte-Beuve ne pas compris Das le dbut salon, Louis XIV, politique ps de poste, belle sison pozique de cela llons pls avant: neligence Lignes de prime abord obscures, dont Bernard de Fallos cxplcite ainsi a teneur: « Lasts djugement de Sainte-Beuve sur Stendhal monte Ferre de s méthode, qu consist interroge les émoins u les gens gui ont conn un érivain, Ca le mods pote est cache, celui que Sainte-Beuve saat ext parement extrieur. Plus supeficiel au début au temps des salons des femmes du monde auxquells il destine ses articles i n'a pase beaucoup plusloin dans es Lunds, ot toute une sxied expressions nous Te revi sensible 3 époque,ataché aux formes sociales de Inlittrature. Les dfullances de son style nes'expliquent pas ‘On notera dans ces deux extrait eglssement d’«éeri- vain» «podte», Cette restriction peut expliquer pare pri- vilgge romantique accordé& I «poiess, au moi créateur: Teposte se tient plus prs des forces créatrices, davantage que leromancier ou a fortiori essayist, Le poete apparait comme Vécrivain par excellence, & Yécart des vaines rameuts d'un «monde qui, comme dans le jansénisme, joue de équivogue centre emonde» de la mondanitéet « monde» pécheur Dans Contre Sainte-Beuve la conversation est une des manifestations les plus fortes de la corruption de V’Art. En Sainte-Beuve Proust dénonce un critique dont les érits ne sont que des conversations, les «Causeries» du lini pré- cisément:« productions destinées & Vintimité,c'est-i-ire rapetisées au godt de quelques personnes et qui ne sont guére que de la conversation écrite. Conversations elles _mmes congues pour en susciter d'autres, encore plus Files: «ll [Sainte-Beuve] voyait, dans son lit & autescolonnes, Mime de Boigne ouvrant Le Constitution ise dist qu’s deus heures le Chancelier vendita wort en parlrait avec elle, que peut-dtze, ce soit i alaitrecevoir un mot de Mime Allor ou de Mme d’Arboville lui disant ce qu'on en surat pens. Et ainsi ses ates ui apperassent comme une sorted arche dont le commencement eat bien das a pense et dans sa prose, mais dont laf plongeait dans esprit et 2 | DECONIRE Sane EUVEA LA NOUVELLE CRITIQUE admiration de ses lecteur oi elle accomplissit sa courbe ct recevait ses dermis couleurs. »° ui beuvienne n’est elle-méme qu’une forme de conversation: riture journalistique done roleve la critique sainte- ‘Et comme cet dela foule (cette fouleftelle ne élite) {uel [a beaut journalistque] espe son expression der hire cote expression est toujours un peu vulgaire. C'est aux silences de approbation imaginge de tel ot! lecteur quele journaliste pase ses mots et trouve leur éguilibre avec sa pense, Ans son auvre, ériteavectinonscienteeollabona- tion des autres est-lle moins peronnelle.»* ‘Quant ila «méthode de Sainte-Beuve » proprement dite elle n'est pas autre chose qu’une synthase de conver- sations avee les familiers de ’érivain étudié «Ses livres, Chateaubriand et son groupe itéraire plus que tous, ont ir de salons en enfilade oi auteur a invite divers interlocuteurs, qu'on inerroge su les pereonnes quis ont conn ql portent ers emgage destings en conte die autres Chez Proust, brillant causeur et mondain, cette disso- ciation entre moi «véritable et moi social est un geste cathartique de eréateut. Laces ala littérature passe par le rejet héroique d'une parole aignée, la conversation, et des spaces de socibilité restreints qui lui sont associé L’ri- vain veritable sadresse a 'universl, et non, comme Sainte- Beuve, Mme Allart ou Mme d’Arbourille. Un detail des brouillons de La Recherche montre Vambiguité de ce reet d'une identification & un Sainte-Beuve 8a fois 6crivain, journalist et mondain: Yépisode du Contre Sainte-Beuve, repris dans la Recherche, oii le narrateur Acouvre un matin que son article a éé publié dans le Figaro B se trouve recopié quasi ltéealement d'une fellevolante consereéeaujoud hui dans le volume Proust (45,25 ") au Cahier (P 5 1°). A une difference pris: Sainte-Beuve aureus des famous *lundis” dans Le Consttutonnl, del place 3 «e" da dormouréveiléa qui "maman” emetaticleenfin para dans e Figaro [..] Cela quia commencéagerire contre Sainte-Beuve, sidentifie en méme temps lui env atibuant 8 sngme un piso qu'il avi inilemene deine 8 En récusant une Geriture journalistique qu'il aime, Proust exécute une variation sur un topos esthétique bien illustré par Mallarmé: « ’emploi élémentaire du discours dessert luniversel reportage dont, la littérature exceptée, patticipe tout entre les genres d'écits contemporains ». (Ou par Oscar Wilde: «Pour ce qui est du journalisme ‘moderne, je ne me soucie pas de le défendre. Son existence se jusifie parle grand principe darwinien de la survivance des espices les plus vulgaires. Je ne m’accupe que de la litegratue...»! Mauvaise critique et mauvaise littérature pactisent avec le journalisme, cette conversation avec fa foule Alignée & tous les niveau par la superficilité de la conversation, Voeuvre de Sainte-Beuve n‘atteint quelque authenticité que dans sa posse, D’ois cette formule forte ‘«Apparence les Lunds, Réalité, ce peu de vers»! ‘Jeme demande, par moments, cequily encore de mieux dans Vaxure de Sainte-Beuve ne sont pas es vers. Tout jeu de esprit cess Les choses ne sont plus approchées de Diais avec mille adresses et prestges Le cxrcle infernal et ‘magique est rompu, Corame si le mensonge constant de la pensée renait chez lj Vhabileté factice de expression, en ‘cessant de parler en prose i esse de ment»! “ |. DECONTRE SAINTE-REUVE ALA NOUVELLE CRIMOQUE Lestatut de repoussoir conféréa la conversation va de pair avec un rejet des socigtés qu‘on pourrait dire ees- treintes». La premiére esquisse résumait la démarche de Sainte-Beuve par un lapidaire «méthode salons, Sainte- Beuve a en effet le tort de « croire que a vie des salons, qui Jui plaisait, était indispensable la littérature et la projetait A traverses sites, ii cour de Louis XIV, li cele choisi du Directoine[..] Lcongoit tute la litérature ausi comme des sorte de luns, que peut-re on pourra elie, mais qui doi- vent avoir été écrits leur heure avee souci de opinion des bons juges, pour plaire, et sans trop compter sur la postérité»” Les peux Mor Le discours de Proust est cimenté par une distinetion aqui, du moins dans tat ot est este Contre Sainte-Beuve, rest pas réellementargumentée celle entre deux moi: d'une part celui eque nous manifestons dans nos hebitudes, dans lans nos vices», « le moi extériewr »¥,« le moi les autres". d‘autre part cle moi qui produit les oeuvres”, « Je moi profond», «le seul réel»¥, le moi «inconscient, profond, personnel». Iles difficile ici de ne pas songer & Bergson, chez qui revient continucllement opposition entre '«extérieur », la «surface, le «social», le econventionnel», le «langage... et, d/autre par, «les profondeurss, «le moi intérieur», «le moi fondamental », «Vexistence intérieureetindividuelle.. ailleurs Proust ne récuse pas cette affinité 6 et CCONTRE SAINT PROUST «Acepoint de vue, continue M, Proust mon livre erat peut- dere comme un essai d'une suite de “Romans de rnconscient”: je nauras aucune honte a dive des "romans bergsoniens" je le croyas, car toute époque il arrive que lnlinérarute a iché dese atacher~ apres coup, naturelle rent i la philosophie éynante, Mais cone serait pas exact, car mon ceuvze est dominge par Is distinction entre la mémoire involontaite eta mémoire volontaie distinction qui non seu- lement ne figure pas dans la philosophie de M. Bergson, mais est méme contredit par elle» Cette incompatiilté que Proust pergoit entre se propre conception de la mémoire et celle de Bergson, on ne la retrouve pas quand il agit dela distinction entre les deux moi, la fois la clé de vosite du Conte Sainte-Beuve et leit- rmotiv de aphilosophie bergsonienne qui, fondamentalement, constiue une philosophie del création. En 1910, au moment cil édige Contre Sainte-Bewee, Proust écrit dans une lettre «Je suis content que vous ayer lu du Bergson et que vous Trayes aime. C’st comme snows avons éréenaemble ur une alitade Jee cons pas Uvolution réatrze [.]. Mai assce de Bergin, era paabole de a pense tant dj assez drivable daprés sa eule génration pour que quelque Evo lution eréatrice qu ait ui je ne puss, quand vous dies Bergson savoir e que vous voulez die» applique ic Bergson la démarche qu'il oppose ila eaméthode» de Sainte-Beuve et que Bergson lui-méme applique aux autres philosophes: la sympathie qui permet de coincider avec la «vision du monde» dune conscience cxéatrce. Nul besoin de déployer dans le temps Vceuvre de Bergson, elle se donne entiére dans chacune de ses cruvres (Chez Bergson comme chez Proust la conscience saliéne dans a vie sociale», le «dehors»; ce qui justife le rejt de 6 |. DE CONTAE SAINTE-AEUVE ALA NOUVELLE CRITIQUE la conversation. Dans La Penséeet le mowoant la conversa- tion est place du cté de ce qu est stable de «intelligence, du travail», de «la fonction industrielle, commerciale, mil- taire, toujours sociales ; a philosophie serait en revanche du cbté de «intuition» et del eration. Ce pouvoir deli ration que Proust atribue ala lieérature Bergson Vattribue done ala philosophie. Bien entendu, 'aruvre romanesque de Proust ne surait se réduire& 'accomplissement du programme bergsonien. La Recherche du temps perdu adailleur autorié des lectures philosophiques variges: hégélienne, nietzschéenne, néopla- tonicienne, néo-kantienne... Mais le Contre Sainte-Beuve, lui, nest pas un roman; est un essa desthétique. En tant que «philosophie régnante>, pour reprendre la formule de Proust, le bergsonisme, ramené.a un jeu d’oppositions puis- santes et simples, a sans doute permisa Proustd‘avancer ses concepts sans véritablement lesjustifer.Or dans les années 1960 les idées de Proust ont pu monter au firmament de Vesthétique itérare alors qu’a la méme époque le bergso- risme ne suscitait pls beaucoupdadhésion. Ilya lun déca- lage sur lequel nous serons amené & nous interroger. En posant ainsi existence de deux moi qui ne commu riquent pas, Proust adopte le point de vue des esthetes et des créateurs, qui par nature ont tendance & minimiser Veenvironnement> institutionnel ou biographique. Les esthétes parce quis rassemblent pour leur jouissance sin- gulitre un musée imaginaire dceuvres delectable; les eréa- teurs parce qu‘ils pergoivent Fart avant tout comme une activité qui le reple vers leur intériorté et les sépare des activités «profanes., Or Proust paticipe des deux mondes, v celui des esthétes et celui des créateurs, Double participation aqui prend une acuitépartculigreau moment dela rédaction du Contre Sainte-Bewoe, oi influence Oscar Wilde sur les milieux que fréquente Proust est pariculgrement fore Cette démarches'oppose a idéologie spontanée des profes- seurs, qui pergoivent eure comme un produit historique. Tout partiulitrement en ces premieres années du x¥*siécle, cites études littéraires sont domes parla pilologie, on rapporte Yeeuvre un «milieu, on suit les . L'callégorie», comme caté= gorie esthétique, permet en effet de désigner tout ce qui ne trouve passa fin en soi, tout ce qui se soumet a alls, & Vautee. Karl Moritz le disse ds la fin du xvn sil <5i une quvre dart ne devait dre Ia que pour indiquer ‘quelque chose extrieur del elle deviendrat pr laméme tine chose accesoire alors qui agit toujours das le cas Au bea, quil soit ui-méme la chose prinipale.SiVallegorie ‘pps elle dit ester toujours subordonnee, t venir omme pa hard lle ne consti amas essentil ou Te valeur Propre dune ceuvre dar.» On retrouve icien filigrane attitude proustienne: en conversant avec leur lecteur, Sainte-Beuve ou Balzac com ‘meitent la méme erreur que ceux qui fondent leur ceuvre sur Vallégore. Cette defiance égard dela conversation «allégorique» ‘peut ainsi étre rapportée au conflit entre romantiques et classiques,lui-méme surdéterminé par celui entre les pays » sgermaniques et a France. our leromantisme, la conversa~ tion mondaine est associge& toutes es catigories négatives le mécanique, le superfciel,'cesprit»,Vartifice, opposes & Vorganique, ax profond, au witz, au «naif». Alors que la conversation fait du groupe, du cercle chosi instance essen till, esthétique romantique organise autour dela géniale individualité d'un sujet céateur, singulier ou collectf Aussi Proust priviégie-t-il dans les écrivains qu'l admire ce qui les carte des eonnivences mondaines: «Sainte-Beuve para en termes charmans et brefs des Fleurs shumal, “ce petit pvillon que le poate se constuit a extré ‘mid Kachakta tar japelle ela a “Flie Baudelaire” (toujours des "mens" des masque les hommes esprit peawent citer en rianant pple cela a "Folie Baudelaire”. Seulement Tegente des causeurs qui tient cela diner le pouvaient quand le mot était sur Chatenubriand ou sur Royer-Colard, le ne savaient pos qui était Budeloire), Eel sermina par oes mors nous ce qui est certain est que M, Baudelaire “agne Gre ‘on, que ot Yon sattendaita voir entrer un homme ctange, cexcentrigue, on se trouve en présence d'un candidat poli, r= pectuex, exemplars un gent gacon fin de langage et tout 4 fait lasique dans les formes" s [Non seulement Sainte-Beuve confond "homme du ‘monde et le moi créateur (c'est pourquoi Proust souligne avec indignation le participe pasé cvs), mais encore pra- tique tne critique de bavardage sur une ceuvre qui excbde toute conversation. Significativement, cette charge contre Sainte-Beuve passe par a dénonciation de tout lien entre Baudelaire tla litératare du xvnt siele, apogée de art de la conversation Dans Contre Sainte-Beuve cette volonté de se détacher ” ‘Mais pour saisir comment sarticulent chez Proust théorieesthétique et méthode critique, le mieux est encore de considérer les la seule étude stylistique conséquente dont on dispose est son aiticle de 1920, « A propos du style de Flaubert». Le choix d'un écrivain qui passe pour le maitre du «réalisme> est lourd de sens: Foeuvre de Flaubert ne référe au «monde » 4u’@ travers une «vision», Flaubert trate fa langue comme ‘une matigre:ellea une masse, une couleur, une composition chimique ane vitesse... Son style nous permet de sas la ‘maniéze singuliére dont Fesprit de V’rivain traverse la matidre, le commentaire stylistique doit opérer le chemin en sens inverse: partant de ceuvre achevée il doitremonter vers la conscience qui s‘exprime en elle. Par Voriginalité de son style, Flaubert a «renouvelé presque autant notre vision des choses que Kant avec ses Catégories les théories de la Connaissance et dela Réalité du monde extérieut.»” Dans cette étude comme dans celles, plus fugaces, consacrées 4 Nerval, Boudelaire ou Balzac on ne peut qu’étre perplexe devant ’harmonie préétablie entre Ia critique et son alyses qui a Iui-méme effectus 2 objet, entre la méthode de Proust et ces auteurs qu’aurait ‘méconnus Sainte-Beuve et auxquels Proust sidentifie autantd’rivains qui participent de la méme esthétique que leur analyste. Pls précisément, les auteurs que valorise Contre Sainte-Beuve sont des podtes ou des romanciers du 10x, Pas de dramaturge ni d'essayiste, Le renvoi aux pro- fondeurs une subjecivté tranfigurant la matiée s'accom- mode mal de a prose didées ou de a polyphonic duthéatze. De fait, chez Proust la poésieromantique entretent un lien consituif avecle «style». Aisi propos de Baudelait: «Comme ciel del théologie catholique qui se compose de plusieurs ces superposés, notre personne, dont Fapparence ‘que lui donne notre corps avec 33 te qui circonserit une petite boule notre pensée, notre personne mori se compose de plusieurs personnes superposées, Cela est peut-dtre plas sensible encore pour les pottes qui ont wn ce de plus un ciel ntermésie entree cel de leur géne et esi dele intel- ligence, de leur bont; de leur finesse journalire, est leur prose, Quand Musser dri ses Contes on sent encore & ce je ‘esas quoi par moments le frémizsemen, le soyeus, le pret 2 sfenvoler des aile qui ne senvlerant pas.» Le egénie et la poésie se meuvent sur le cece le plus élevé, la prose sure cece intermédiaie ela conversation intelligentejournaliére(etjournalistque) sur lecielinfrieur. Dans cette hirarchie les carences des podtesprosateursrejo- agnent celles des prosateurs insuffisamment podtes,tels Balzac, qui raconte «sans se préoccuper de I'harmonie du tout», qui produit des images equi ne se subordonnent & aucun but de besuté et d’harmonie »!. Non que Proust juge Jes pottes supéricurs aux romanciers, mais la poésie, par nature, se tient au plus proche du moi eineanscient,profond, 4 1, DE CONTRE SAINTE-REUVEA LA NOUVELLE CRQUE personnels, elle suecombe moins aisément aux pidges de Inconversation. La méme logiqne on’ vu, conduisat Proust § préférer les vers de Sainte-Beuve sa critique littéraire. A Vépoque ott Proust travalle & son Contre Sainte- ewe, Léo Spitze, alors jeune étudiant, resent & ’égard de lhstoireliteérare des insatisfactions da méme ordre ae sentiment que es cours de litératurefrangaise oublient Vessentiel «Tout se passat comme cet examen dh conten nat que Vaunsice travail véritablement scientifique: éabli les dates e Tes données historique de es euvres assign les ‘ments autobiographiques et les sources rites que les podtes ” Comme Prous, Spitzer juge «faux que Mole ait ft, , il postule existence d’« une seule ‘etméme structure» pours deux onires de réalit iteéraire ‘et économique. Mais cette voieserévele vite une apori; t= ‘térature et société sont de natures si différentes que les «homologies» ne peuvent qu’étre vagues: par exemple le lien établi entre «une économie de cartels et de monopoles» ct «la disparition du personnage individuel» dans le roman contemporain®. Goldmann en est réduitétablir une dis- tinction entre les «structures» de ceuvre, qui résulteraient de la nécessité de conférer une coherence maximale 3 la conscience du groupe et ses «contenu, qui seraient lissés a la liberté de V'écrivain. Cette opposition qui prolonge 1a vieille distinction fond/forme, inerdie définitivement 2 1 DE CONTRE SAINTE-BELIVE ALA NOUVELLE CRITIQUE sprghender dans sa complestéVinseription historique des ceuvres, Malgré Vhabillage structuralise, on nest pas sort de Fespacetaitionnel Les aMpicurres DU STRUCTURALISME LITTERAIRE Lestructualisme aurait di s‘opposer aux démarches pré- «édentespuisqu'il prétendat au nom dun posulat imma rence», dénouer la sujétion du texte a la conscience. Mais comme le conflitaveet "histoire litéraire accupe le devant de Ja scéne, dans le camp de la Nouvelle critique on n'est gure incité& mettre en avant les points de dissension. Loin de consommner la rupture avec esthétque romantigue le struc- turasme litraire en dépit dela revenication cheitraled'un ‘procés sans sujet, va avoir tendance & sfappuyer sur un autre aspect de I'esthétique romantique, Vaffirmation que Veeuvre dart n'a pas d’autre finalité qu’elle-méme, On retrouve daileurs la méme ambiguité chez ses inspirateus, Jes Formalistes russes, comme le soulignera parla suite leur traducteur en francais, Tavetan Todorov. Pour lui, les Formalistes ont beau se dire «en rupture totale avec leur temps, en réalité, cependant (sc), leurs dées ne sont qu'une version radcale de la doctrine sthétique qui domine alors la pensée européenne depuis plus decent ans, doctrine élaborée dans lecadre del philosophie idliste allemand, pus par- ticulitrement par les romantiques d'Iéna.> Certes, le Formalisme russe ne peut se rduire cette filiation, mais dans Ja mesure ov ce sont surtout les formulations romantiques 3 aqui ont été mises en avant, on comprend que a compatibilité entre «formalise » et approches thématiques ait été rela- tivement facile dans les années 1960-1970. histoire littéraire constituai un tel repoussoir que ‘anion des tenants de la Nouvelle critique se ralisst sas dificult: il suis de promouvoir une approche «interme» des euvres et de récuser les dmarches atomisantes pour passer pour stractaaliste. On parlat sons cesse de ceuvre comme «structure», mais derrgre ce mor beaucoup prolon- sgeaient a conception romantique de I euvre comme ttalité organique. Ainsi chez Serge Doubrovski: « Unité, totalit cohérence: je ctois que C'est la devise commune & tous les nouveau critiques ou, ion veut, leur postulat commu Postulat qu'il rapporte... & Léo Spitzer: «Comme dst Lo Spitzer, “Vépoque es révlue ot a critique pouvat lie un chel-d euvre en prenant ses ais sans res eit Pablgation de elie ls pastes au rou, t&moignant i son approbation, 1b sa désapprobation, selon Vhumeur rmomentance des sensitlitéeudémonist... Rei les par- ties au tout: telle est bien la démarche fondamentale di pensée mexerne laquelle ne fat que continuer sor une lancée ‘ulaire[.] Disons que la ritigue moderne se veut sasie ‘Pune cobrence entire. Ele se proposera done en premier lieu la mise en evidence, dans Vabjetconsidéré de structures, est-dire d'un certain serangement, dune certaine artic Taton ingeres tle que ls parties ne secomprennent que par Intoralit qu'llesForment, et es dtl ne sigifient que par ensemble ob ils inserent.» Doubrovski invoque méme I'autorité de Proust pour asseoir cette notion de structure: «Crest encore Proust, té par Spitzer qui ale mieux défi Tamotion de strut”, quand i at observer que “les euvres u |. DE CONTRE SAINTE-BEUVE A LA NOUVELLE CRMOUE Var achevées" cont celles “od il ny a ps une seule touche ui sot isle, chaque pane rour a tour rego ds utes ss raison détre comme ell eur impose la sienne”»™ On le wit les cartes sont bien brouillées. On gomme les pints incompatibilités entre les approches qui se réla- ‘ment d'un programme structualiste et celles qui absorbent oeuvre dans le mouvement d’une conscience eréatrce. Le nom de Proust ¢ retrouve & tous les points stratégiques. I a radicalisé la mythologie romantique de V'atiste, construi- sant méticuleusement dans sa vie et dans son oeuvre cette mort de Vauteur que proclame'' pistémologie structuralise Ennemi de 'histoire littéraire, fndateur de la critique th matique et défenseur présumé des «structures, il vient tester le bien-fondé de son re prédominant parle caractére sénial de son czuvre romanesque, qui constitue prévisément tun objet d’snalyseprivlégié pour la Nouvelle critique Dans un texte de 1963, «Les deux critiques, Roland Barthes fait remarquer qu’au fond I'universté est préte & accepter celles des approches de la Nouvelle critique qui pos- tulent que leuvresexplique par des terminations exté- ricures;en effet, ln critique peychanalyrique est encore une paycholgte,lle poole un ailleurs de oeuvre (qui st Venfance de crivain), tn secret de auteur une marie déhiffer qui reste bien ame humaine, for-e au prix dun vocabulaire nouvea mieux vaut une psycho-pethologie de Fécrivain, plutét que pas de pychologiedu out |. ce quiest dass est analyse mmoanente: rout est acceptable, pourva que /eeuvre puisse {ere mse en rapport avec autre close quelle-méme, c'est 3 dire autre chose que la littérature: Phistoire (meme stelle devient marxiste, la psychologie, méme elle devient psy~ chanalytique »* 35 (Or curieusement, Barthes range les études thématiques aux cbtés des analyses structurales,parmi les approches immanentes: «ce qu est rejeté [par université,cest done en gros la critique phénoménologique (qui explicite Vocavre au liew de Fexpligquer), la critique thématique (qui tecons~ titue les métaphores intéricures de Vceuvre) et la critique structurale (qui tient Maeuvre pour un systéme de fonctions)». Le brevet d’cimmanence » accord tiques thématiques cimente I’€quivoque qui permet au Contre Sainte-Beuve de passer pour un texte «formaliste, ‘Proust ‘avoir defini la notion de «structure», awe courants dotninants de la Nouvelle critique de prolonger en fait la ddémarche romantique tout en dénongant une histoire lit- téraire qui sfappuie sur les mémes présupposés. Diun btéle strcturalisme raicalise certains principes de Festhétique romantique, d'un autre cbtél développe une théorie da texte «moderne» opposé au texte «classique, du Texte opposé au texte, de’ ilisible» opposé au lisible,. «Sous la poussée de quelques Srivains, des écritsréputés “ilibles" (Lautréamont, Rowsel) sont eneé, bon gre, mal .gré, dans la littérature; inclassables selon les normes tradi- tionnelles, subverisant méme les notions de posse ou de ci, es écits ne peuvent Etre pleinement, que des textes, des fats complets de discours, san référence posible des ‘contenu [peychologiqes ralstes) ou des formes lyrique, cethetiques). © accorde sins un statu prvilgié& une saint erinté 4écivains (Flaubert, Mallarmé, Proust) qui passent pour avoir opéré une réflexion, aux deux sens du mot, deet sur Ia literature, ane réflexion qui préfigurerait le structura~ lisme littérsire Par une remarquable circular ces éerivains 36 1 DE CONTRE SAINTE-BEUVE ALA NOUVELLE CRITIQUE apparaissent comme les théorciens précurseurs des critiques ‘qui font prévisément de leurs ceuvres leur objet dude pri vilégié. A travers eux se serait produite la rupture avec une conception «biographique » de !euvre litérare. Dans leur vieet dans leur ceuvre, chacun as fagon, Proust, Mallarmé ou Flaubert ont mis en scéne la mort de Fauteus, condition une approche structurale des textes. DU COTE DE La LINGUISTIOUE Les relations que Ia Nouvelle Critique entretient alors avecla inguistque sont également placées sous le signe de Téquivogue. jusqu’aux années 1960 ces relations étaient _gubre problématiques. Pour les travaux philologiques d'ta- Dlissement du texte, on fessit appl aux connaissances accu- mulées pr la grammaire historique, & qui les textes littéraires servaient aussi de corpus. En revanche, quand il s'agissait, par quelque approche stylistiqued'analyser les ceffets» pro- daits par tlle ou telle «figure» (une anacoluthe, une inver- sion, une antonomase, une anaphore..Jon se contentait de puiser dans la terminologie des grammaires desriptives élé- rmentaires, qui servaient en quelque sorte de bot & outils Quanta la stylistique de Léo Spitzer ellen’ était gubre plus exigeante: la métalangue grammatical sertessentellement a étiquoter les phénoménes. Le hagage qu'l utilise ~comme celui qu’ mobilsé Proust pour étude le style de Flaubert =, reléve d'une grammaire élémentare, Ce sont des eatégories descriptives dont usage semble aller de soi et auxquelles on recourt pour analyser des phénoménes qui ’excédent gure a7 le cadre de a phrase. Pour les unités plus vastes on mobilise la rhétorique, réduite 3 une nomenciature, Lirruption du structuralisme littraire aurait dd bou- leverser cet éat de choses: pour élaborer une science da texte litésaire, ses tenants entendaient en effet conférer ala lin- gistique un re véritablement heurstique. Des faculés de lettres montéxent immédiatement des protestations véhé- ‘mentes contre les meats d'un «impérilisme linguistque» ‘qui dénaturait l'étude de la littérature [A présent que Von dispose d’un peu de recul on est bien obligé de ramener les choses de plus raisonnables propor~ tions. Si Yon entend par «linguistique> une discipline qui Studie les propriétés des langues naturelles, on sera surpris de constater que dans la production qui se réclamait alors de lalinguistique structurale n tat guére question de groupes ‘nominawx, de détermination, d'aspect, de thématisation, etc, ni méme de dialece, de variation, d'imtonation, ete. On y rmanipulit essentiellement des notions comme «paadigme, ‘csyntagmes, «connotation», esignfiant», «actant impéralisme «linguistique » était en fait un impérilisme sémiologique. Comme le projet sémiologigue tel qui se for- ‘mult alors, incitait & utiliser des notions qui soient com- ‘mjunes la dversité des univers sémiotiques il ne pouvait tre ‘question de mettre Vaccent sur la spéificié des langues nata- relles, Dil situation quelque peu paradoxale d'une linguis- tique officiellement impérialiste et envahissante, mais dans Jes ats singuliévemene dsc. Un autre facreura di contribuer@appauvrit le recours 8 des concepts proprement linguistiques: la volonté de mettre en relation sructures textuelles et soiales. Lintéret porte 38 | DECONTRE SAINTE-REUVE A.A NOUVELLE CRITIQUE a des fits spécifiquement linguistiques risquait de rendre f= ficile la mise en correspondance des deux domaines, alors réme qu’en France le structualisme litérare s'est développé dans un contexte intellectuel dominé par le marxisme. Aussi sefforgait-on de développer des analyses de texte qui sient compatibles avec la mise en évidence dchomologies, dis rmorphismes >... avee des phénoménes sociaux. On a vu ee quillen était avec Lucien Goldmann. Le seul domaine proprement linguistique qui se soit développé, ce sont les étades du vocabulaire des ceuvres lit téraires. Que ce soit statistique lexicale®, ou, de mane plus massive, les analyses inspinées de la lexicologie struc turale: études distributionnelles, champs sémantiques, décompositions sémiques... La lingustique structurale, en tant que linguistique du signe, favorisait ce type de recherche, qui prolongeat, avec plus de rigueur toutefois, anciens gestes philologiques. Cette prédilection pour le vocabulaire sexplique également parla facilitéavec laquelle on pensait pouvoir en tirer des interprétatons. Pour prendre la mesure de la pauvreté des relations entre linguistque et texte litérare, on peut considérer le ‘numéro qu’en 1968 la revue de linguistique la plus presti- sieuse en France, Langages, a consacré au theme « Linguis- tique et litérature ® ; c'est ailleurs le seul numéro qui traite de ce sujet. Barthes, qui est au comité de direction, en est le responsable. ing artieles sue neuf portent sur Vanalyse dela posse. Deux relevent de la narratologie: directement (Tavetan Todorov: « La grammaire du réit) et indirectement (Steen Jansen: « Fsquisse d/une théorie dela forme dramatique 3» article qui analyse les situations dramatiques constitatives des intrigues). A cela s’ajoutent deux articles de théorielt- ‘trai le premier («Le texte clos» par Julia Kristeva) consti- ‘tue une réflexion d’ordre sémiotique sur le roman Jehare de Sainré (1456) a’ Antoine dela Sale et permet d'introduire des notions comme «idéologéme ,«productvité du texte», «intertextualité»; le second, trés cour, de Mikhail Bakhtine, «Lnoneé dans le roman »,évoque le «dialogisme » fonda- ‘mental du genre roranesque en s‘appuyant sur quelques cexemples de la littérature russe. Dans ce numéro on cher- cherait vainement des analyses de phénomenes linguis- tiques. Les auteurs ne convoquent Ia langue que de maniére périphérique. Dans son article, Gérard Genette («Le jour, Ta nuit») sen tient a étude dela valeur évocatoire du signi- fiant des substantifs «jour» et «nuit En fait, la vague structuraliste qui submerge la France se fonde sur une linguistique structurale qui appertient déja au passé. Das la fin des années 1960 la recherche li juistique sous ses formes dominantes s'est éloignée du structuralisme. La linguistique générative est deja erés iimplantée: le livre fondateur de Noam Chomsky, Structures syntaxiques, date de 1987 et la théorie dite «standard», celle d’Aspects de la théorie syntaxique, date de 1965, Les articles de Benveniste sur ’énonciation ont été publiés en 119580 et celui de Jakobson sur les embrayeurs en 1957" {i Gai disponible en francais depuis 1963 dans les Fssais de linguistique générale); le livre d’Austin How to do things with words a été publi en 1962. Quant naire de texte, elle se développe précisément & partir de Ia fin des années 1960, la gram- 0 1 DE CONTRE SANTE-BEUVE ALA NOUVELLE CRITIQUE est quela linguistiques suvi une orientation quia pro- sgressivement rendu caduc bord structuraiste du texte lit- téraire: recentrage sur les faits de langue, développement une linguistique du texte et dane linguistigue du discour Le recentragesurles fits delangue est opéré au dtr ment des perspectives sémiologigues, qui privilégiaient les concepts et les méthodes transverses ala diversté des sys- tomes de signes. Cela st eaduitimmeédiatement sure plan institutionnel: inguistes et spécialistes de littérature se sont séparés. Dans les années 1960 et 70, nombre de chercheues se réclamaient des deux appartenances; en mars 1966, Todoroy intoductear des Formalistes russes, dirgenit le pee- _mier numéro de Langages, consaeré aux «Recherches séman- tiques> en 1970 il assurait également la direction de celui consacré 4 «L'Enonciation » (n° 17}; en 1971 Julia Kristeva dirige encore len® 24, «Epstémologie dea linguistique. Ce passage de a littérature la inguistque ne se reproduia plus jure. Seue a podtiqu (entendue comme science del potsie) restera, par sa technicité et son enracinement dans la phoné- tique, un champ études privlégié pou les linguists. Ledéveloppement d'une inguistique dela cohésion et de lacohérencetextuelle ainsi que d'une linguistique du dis «ours, toutes deux inspirées par les courants pragmatiques «tes théories de 'énonciation, ont consdérablementfaclté effort de réflexion linguistique sur les énoneés litéraires. Les avaneées qui sont alors faites en matitre de genres de Aiscours de polyphonie énonciatve, de marqueutsd'nter- action orale, de processus argumentatifs, de ois du discours, de tropes, de présuppostions, d’anaphore, etc. ont pu étre immédiatement investi dans étude du discours itéraire a Cette évolution a tout naturellement amen€ poser en des termes différents les relations entre recherches sur Ta langue et recherches su a littérature. Le recours ala linguistique ‘Gti plus seulement recours un outillage émentaire ou, comme dans le structaralisme, & quelques principesd’orge- risation rts génraux, il constituait un vritable instrument investigation: Jao Yon se contentait de vader par des notions de grammaire descriptive usuelle des conclusions que intuition suffisait fonder, on pouvait dorénavant é borer des incerprétations que intuition n’aurait pas suffi a dégager.Lestylistcien utilisat la linguistique comme une sorte de boite outils rammaticaux qui devat lui permettre ayer ss intuitions de lecteur; la linguistique en tant que telle n'y jouait pas un ale vértablement heuristigue elle 1intervensit pas dans V'interprétation, Cela valat d'illeurs aussi bien dela stylistique «scolaire» celle de Vexplication de texte, que dela stylistique organique issue de I'ikalisme allemand. Avec e développement de disciplines qui prennent pour objetle dscours en tant que tel Cest cette distebution des res qui se trouve modifiée, Ce que I'n pensait n’@tre aqu’un simple auiiar intervient dans la construction méme des protocoles de recherche et des interprétations. Le succes du Contre Sainte-Beuve appara & présent dans toute son ambiguité, Dans la Nouvelle critique les approches qui prenaient la conscience eréatrice pour foyer zuraient dG étreincompatibles avec les approches « textua~ lists», seules réellement nouvelles; maisen éablissant une coupure entre moi profond/eréateur et moi supericiel/socal, le Contre Sainte-Bewee a assuré un consensus de facade: certs, Feeuvee doit te rapportée& In conscience créatrice, 2 | DE CONTRESAINTE-BEUIVE ALA NOUVELLE CRIFIQUE snais un niveau inacesibl cure supericille des xcir- constancescheres histoire ltéraire, Ds lorsque essen ticl de la création a liew au fond de la conscience, on pet continuer & confer a Phistire littéraire les ténébres exté- ricures du «contexte, Or, que demandaitelle autre? Au fildes années les polémiques se sont éteintes, les tenants de Pistore ltéraire ou de la stylistique les pus raitionnelles ‘ont pu prospérer 3 nouveau, au prix de quela sgements superficiels, Certains enrichissent d« élairages nouveaux» la compréhension de la littérature, mais ils sfempressent de dire qu'ls ne disqualifient pas les approches rraditonnells. Pour rompre avec cet état de choses, il faut contester cette coupure méme entre un «extérieur» et un intérieur> du texte qui fait elle-méme éeho celle entre un «moi social» tun «moi créateur», Platt que de se demander sila evraie» litraturea son les dans le for intérieur du créateur ou dans les salons dans individu ou dans le groupe dans I'ériture intransitive ou dans es échanges ordinares i faut dgjower ce réseau d oppositions qui fonde Vexistence de deux dis: plines, dont une prendrait en charge les oeuvres et autre les cizconstances de leur création. Dans Contre Sainte-Bewoe, la vie cextérieure» n'est qu’une gangue trompeuse qui détourne de la littérature; mais sil'on accord a Proust que Iaceéation est souvent vécue comme chose de solitude iln’en demeure pas moins que I’érivain na pas le pouvoir de sfengendrer comme tel ni, plus largement, de defini les conditions d’exercice de !énonciation lttéraire. u AU-DELA DE LA LITTERATURE EN SOL LA LIFTERATURE COMME DISCOURS Contester les présupposés de Wage du Style, c'est ne plus rapporter Ia littérature & cette origine esans comend- nication avec extéricur»lecréateur. Pour gil ait énon- ciation litérare il ne sufi pas de mettre en relation une Aime eréatrie avec me d’un lecteur: le statut mame de ces ‘cimes varie avec les institutions de parole historiquement defines dont ells partcipent. En raisonnant en termes de discour littéraire, on eforce de sortir du fantasme du texte en soi ~ dans sa double acception de texte autarcigue et de texte enfoui au fond de la conscience eréarice, soustrat & toute interaction ~, on sfforce de resttuer les euvres & Vespace qui les rend possibles, ot elles sant produits, 6va~ luge, diffasées, stockées,réemployées. Dans la conjoncture dont participe Proust, la conversa- tion est le epoussoir de toute bonne littérature. Mas ce dis- «rédit des formesdinteraction verbale est daté: a littérature ne soppose pas nécessairement a la conversation. Chague conjoncture, cheque genre, chaque courant s'insert de ‘maniére pécifique dans les multiples usages de a parole qui ont alors cours. Au xviF ou au xvi see, les érivains ‘appuient de manireprivikgise sur la conversation des ho nétes gens, dont les normes régissent toute parole de qualité dans ce cadre il ne saurat y avoir conflit entre mondanité ” et lieérature Lironie du narrateur voltairien de Candide ou de Zadig s‘inserit dans un monde ot la maftrise de Vironie, de esprit en général, est une composante essntille de la conversation, Ilen va de méme pour la relation méme entre écrit et oral, sans cesse renégociée, par chague genre etdans chaque conjoncture la rhétorique classique montre Te prestige que conserve la parole publique, I'loquence dans tun monde pourtant dominé par rit. Enonganisantsa démarche autour d’un rejet dela conver- sation, Proust engage une conception du langage fort éloignée des modes de pensée aujourd'hui dominants, pourlesquels le dispostifd’échange apparait comme la condition et espace de toute énoncation, Non qu'il fille pour aurant réduire énonciation litrair aux strates eaptatrices d'un sujet éor- vain éyard d'un publicibe:ils/agit seulement de contester quelapriseen compre dea communication itéraireinterdise appréhender le processus saccomplisse qu'en se soustrayant 8 toute interaction. Depuis plusieurs décennies, de nombreux travaux ont ‘enouvelé dans ce sens notre perception dela littérature, mais ‘on ne rompt pa aisément avec les cadres qu‘ontimposés deux siteles d’esthétique romantique: es novations sont trop sou- vent comprises comme des rectification locales alors méme que c'est ensemble du paysage qui est en train dese recon- figurer lest certes fail dironiser sur a vague de fond qui impose aujourd‘hui « discours littéraire», apres celle qui a mposé «texte» ou «structure» Effet de mode, se plit-on eur, que la liteérature ne Aadire,et'on attend, désabusé, que levent tourne. Hest vrai quelle contenu de «discours» est peu consistant, qu'il fonc- tionne bien souvent comme tn simple signe de rlliement. 8 TL AU-DELA DE LALITTERATUREEN SOL Mais Vesentiel est ailleurs: en parlant de «discours lité- rare» on mobilise une conception du langage qui differ de cele sur laquelle repose la stylistique de Proust ou de Spite. Activité singulidre, mais aussi activité parmi autres, Yénonciation linsrare partisipe du monde quelleestcensée «refléter>;idge qui peut sembler banal, mais qui modifi Jes moles tactes qui gouvernent encore notre abord des énoncés, Certainsgestesdeviennent soles en particulier celui qui consiste démonter les énoneés pour se demander ensuite quelle relation ils entretiennent avec le monde. Les noncés itéraires sont indissociables institutions de parole ‘on ne peut pas séparer le dispositifinsttationnel de la it ature et I énonciaton comme configuration d’un monde ‘travers un exe. Ilse produit ainsi un décentrement; dans Vespace esthétique ouvert par le romantisme, et usqaux années 1960, Vunique objet d’étude était Vauteur, directe- ment ou indizectement.Directement quand on étuiait sa vies indireetement quand on étuiit le «contexte de sa création. Et quand on prooédait& une analyse stylistique, éiat pour y lie la singularité de sa evision du monde», Avec le structuralisme, cst le texte qui est passé au centre. En parlant aujourd hui de discours littéraire, on renon définir un centre, oy, sy aun centre, est en un sens bien différent, puisque cest le dispositif de communication miéme, Les conditions du dire ytraversent le dit et le dit ren= voie a ses propres conditions d’nonciation (le statut de Vécrivain associé & son mode de positionnement dans le champ lttéraire, les bles attaché aux genres la relation at destinataire construite travers Vceuvre es supports maté- ricls et les modes de circulation des énoneés...). ” CCONTRE SAINT ROUST Le discours ne se replie pas dans Vintériorité d'une intention, ies force de consolidation, construction progres- sive d‘ane identitéénonciative travers un intertexte, mou vement de légitimation de Vespace méme de sa propre nonciation. Hlentretient ainsi une relation constitutive avec 1a légitimité. Qu’on invoque les «lois du discours , les ‘ccontrats de parole » les x menaces sur la face positive ou tive, Fénonciation littérare n’échappe pas a Vorbite du Devt, Parole et droit la parole se nouent. Doi peu égi- timement venirla parole & qui lle prétend s‘adresser, sous quelle modalité,& quel moment, en quel lew, voila & quoi nulleénonciation ne peut échapper. Et rvain lsat mieux que quiconque, lui dont le discoursn’ena jamais fini établir son droit & existence et Vntenable position de celui qui énonce. Enoneer et aménager espace de sa propre ciation ne font qu'un; 'ceuvre ne peut déployer son monde qu’en construisant dans ce monde méme la nécessité de ce ement. Toutes ces «dédicaces>, ces «épitres au due de X» ou «madame de Z» que Von se plait & considérer comme foncigzement étrangeres a la littérature ~ trstes ‘compromis que I érivain aurait dG accepter pour survivre ~ renvoient a une nécessité constitutive de toute littérature. Dés lors que ’on réfléchit en termes d'institution, de normes,d’autorit, la parole n’en a jamais fini de se mettre cen régle. Par lion ne se contente pas de réajuster nos modes 4approche des ceuvres, mais on donne une vsibilité et une Usibilieé a a plus grande part du corpus littéraire. Est ict engagé bien autre chose qu’une meilleure comprehension de tel ou tel genre, de tele ou telleépoque ou de elle ou tlle 50 calture: une modification du regard méme que nous portons sur la literature, la possbilitéd’accéder a des modalités de Ia figure de auteur qui ne ressortissent pas la conception romantique du style. Une réflexion conséquente sur le fait lieeéaire doit rendre compte aussi bien d'un univers ot Vérivain use de noms de plume codifiés que d’un univers itil se doit dre «lui-méme>. (On ne peut pas en eet continuer fare comme si des catégories comme cauteur , «sineérité », coriginalité» iaient intemporelles. En France, la litératare galante, la poésie pétrarquisante, voire la tragédie classique ne sont lisibles que si 'on se détache des cadres de pensée hérités du romantisme, Tel manuel de littérature en cela exemplaire dela doxa, voit dans Olive de Du Bellay «un defile vite fas- tidieux de figures de rhétorique: allegories, périphrases, hyperboles,antithéses, jeux de mots et métaphores le plus souvent incohérentes», dans lequel Vauteur «chante une rmaitresse iéale, en sinspirant, jusqu’ les traduire presque lieéralement, de Pétrarque et des pottes de son école»!. Cest Ja conception romantique de ndividualitéeréatrice qui se dessine li En disant que telles ou telles ceuvres n’ont pas arand intérétlitéraire parce qu'on y trouve «trop de cli cis , parce quis agit de poésie« officielle» ou de elitté- raturede salon», parce qu’elles « manquent doriginalté», ‘on montre seulement qu’on ne les appréhende pas avec la grille adéquate. On se comporte comme ces foules de visi- teurs de musées qui traversent grandes enjambséeslssalles consaerées& la peinture ancienne ou la peinture de genre, pours'arréter devant les toile impressionists pleinement 4 la mesure de la doxa contemporaine sur Ir 5 LA LETTRE De t/ceuVRE Mettre en cause les partages anciens, raisonner en termes de discours lttéraie, c'est done au premier chef prendre en compte les espaces& partir desquels peuvent se définicdes positions d'auteur: Mais “est aussi admettre que Jes modes de transmission, les médiations matérielles ne sont pas pour le texte une simple ecirconstances extérieure au message» proprement dit: «les coordonnées et le statut matériel de l'énoneé font partie de ses caractéres intrin- stques., écrivait Michel Foucault. Lénoneé est: «com abet pécifque et paradoxal, mais un objet tout de méme en ous ceux que les hommes produlsen, lisent, transforment,échangent, combinent, dc recompoen, éventullemene dra néme temps u'll surgi dans a matéralit appacat avec on start, ente dans des réseau, se lace dans des champs d’ut- Tato, sore a des transfers et des modifications posibes, singre a des opérations ct des stratgies ot son identite se maintient ous eface.») Pout le pur «littéraire», en revanche, le mode d’exis- tence matériel des textes est extérieur a l’essence dela lit- térature Attitude étroitement associge uncertain régime des énoncés: Vige du Style, est aussi la pointe extréme de age de Vimprimé. En disposant des signes invariants sur espace blanc dune page dentique aux autres, limprimerie rendu possible une litérature ot le texte peut se croire abs- trait de tout processus de communication. ‘Quelgues pages de Contre Sainte-Beuve en émoignent obliquement, celles oi Proust voit enfin imprimé l'article quiila envoyéau Figaro. Devenu lecteur de son propre texte, 2 I AUDELA DELALEFFERATUREEN SOL ils’émervelle des pouvoirs de Vimprimé: «Alors je prends cette feuille qui est la fois une et dix mille par une mul- tiplication mystérieuse, tout en la laissant identique et sans Yenleverd personne... »* Ce constat va de par avee celui que auteur est irrémédiablement coupé de ses lecteur «En relisant quelques phrases bien fies je me dis: Ou dans ces mors ya cete pens, cette image, e suis tranquil, mon role est fin, chacun n'a qu’a ove ces mots, ils Ty trouve: raient, le journal lear apport ce tésor d'images ct dds. CCommesiles ides étaient surle papier queles yeux neustent 4qu'ts‘owvtir pour les lire et es faire pénétrer en un esprit ot elles étaient pos d6j! Tout ce que ls miens peuvent fire, est den éveiller de semblables dans les esprits qui en pos sadentnaturellement de prclles. Pour ls autres, en qui mes mots nen trouveront point aéviller, quell de abrurde de moi évellentils? 3? Proust n’envisage ce leeteur qu’anonyme et lointain, tellement insaisissable qu'on ne peut méme pas étre sir quill lira le texte: «Je pense & tous les gens qui ne lisent pas le Figaro, qui peut-ére ne le litont pas aujourd hui, qui vont partir pour la chasse, ou ne V’ont pas ouvert. Et puis ceux ui lelisent liront-ils mon article 7», Lignes qui prennent tout leu relief son les confronte au début de Contre Sainte- Beuve, oi Proust montre Sainte-Beuve qui écrit son article pour Le Constitutionnel en pensant aux réactions de Mme Allartou de Mme d’Arbouville.Pour Proust, auteur des Lunds montre parla qu'il demeure en desi des exigences du Style dans la mesure oi, précisément, il nexpoite pas les pouvoirs de Vimprimé: c'est une conversation écrite 4uentretient Sainte-Beuve, au ew exprimer, dans la plus essentielle solitude, sa vision du monde pour des lecteurs 53 CConTRE SAINT ROUST sans visage. Insoucieux déaborer dans les profondeurs de son moi un texte autonome, Sainte-Beuve ne fait que converse parimprim€ interposé,réduisant le sujet crivant au sujet social, ce «cher monsieur euve» quidoit venir diner demain. et épisode de Vartcle dans Le Figaro est signiicaif d'une esthétique it la conscience créatrice se pose seule face 4 la foule des lecteursinconnus, d'une Littérature od Yon apprchende Iceuvre comme rotalté close dont les unités {ouent librement les unes par rapport aux autres. La réflexion sur Voralité ou l'imprimé touche ainsi a notre intelligence méme dela littérature. Sur ce point, le déferlement, depuis les années 19807, de travaux sur Foraité, écrture ou Vimprimerie est le symptome d'une transfor- ‘mation profonde. Les pratiques que nous croyions les plus intimement lies & notre conscience se révélent solidaires un outillage technologique qui & notre insu contraignait nos maniéres de dire et de penser. Conséquence naturelle: dde muleples formes de l'énonciation littéraire qui échap- paient & nos catégories modernes, modelées par plusieurs sicles de domination du texte imprimé, retrouvent ainsi une lisibilite: la réctation ds épopées, la poésie de salon la pré- ication... On aurait élaboré des théories bien di si, au lieu de prendre pour corpus de référence les oeuvres de Flaubert, de Joyce ou de Borges, on était tourné vers les sermons, les chansons de geste ou la commedia delat. Aral, en effet, nul besoin de procéder & une unifi- cation stylistique et thématique rigoureuse,d'intégrer des épisodes multiples dans une intrigue homogene et stable ‘Cest par rit, quand Iénonoé n'est pas mémorisé pour étre st 1. AU-DELA DE LALITFERATUREEN SO te peut accéder i une pleine autonome il susciter une adhésion immédiate, on peut récité, que le rest plus vou appréhender dans sa global Vunifir sous le foyer d'une conscience letrice miroir d'une conscience créatsice unifige qui peut s'abstraire de son nonce. Situation portée& son paroxysie par imprimerie, ui a imposé un texte uniforme, stable et clos, ui contient tout ce qui état nécessaire & son déchiffrement et dans lequel fest au lecteur qu'il revient de tracer ses chemins. Au lew ate constamment réactualisés parla mémorisation et la récitation, les textes, maintenus dans une distance essen- tielle, se congoivent comme fragments virtuelsd’un patri- :moine. Ains ses ouvert un espace pour le commentaire de rmédiateurs autorisés, seuls fondés mettre en relation les lecteurs avec les textes de mondes désormais disparus Le fancasme dela mort de auteur dont Proust est une des figures emblématiques, le fantasme de son effacement tviomphal derriére un Texte devenu tombeau suppose cet arrachement toute oralits immé s le confronter & lui-méme, «oeuvre pare implique la dsparitionGlocutore du poéee qui ‘tl nitive aux ms pa le heur de leurs ingalités mobi- lisées ils allament de reflets éiproques comme une vt- tuelle trainge de feux sur des pirreries,remplagant la respiration percepible en Tancien souffle lyrique aula diec- tion personnelle enthousiaste de In phrae, Une ordannance du lve de vers poind innéeou partour, i- mine le hasard; encore le faut pour ometere Vauteu.»* Cette idée d'une vise purementesthétique dela lit- térature, d'un livre qui tienne debout tout seul, pour reprendee Iexpression de Flaubert, s‘accommode diffcle- ment de lintimité de la littérature avec la voix, qui erée un 55 contact, qui éduque et conforteI'identité du groupe en réac- cwalisant un réseau mouvant de savoirs et de ligendes par- tagés. Le constant glissement dans la Recherche du temps perdu de Vcrituce la peineurereleve pleinement de cet ge ‘ypographique oi page se découpe comme un tableau dans son cadre et ot auteur souverain, autonome, se rassemble autour de lunité stable de son text, Dans les années 1960 encore la sientifcté d'une érude de la ltérature était lige & la condition radicalement scrip- turaire des oeuvres: «Nous possédons une histose de a itérature, mais non une Science dea linéraure, pace que sans doute, nous avons pu encore reconnattre peinement la nature de objet hiné= Faire qui est un objee eit. A partir du moment of on veut bien admetere que Veuvre est faite avec de crite (et en tirerles consequences), une certaine science del itérature st possible»? « Leriture» dont parle Barthes nese réduit sans doute pasa l'6riture» au sens usuel, elle s‘appuie sur la dénon-

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