UN JOURNAL POUR LA ROYA

Février 2018 - nº14 - Prix libre

Quand les objets décident pour nous
Linky et cyberjoies
- T'as vu ce qui vient de sortir : la brosse à dents qui, connec-
tée à ton Smartphone, te dit si tu as des caries et te conseille
d'aller chez le dentiste, c'est génial, non ?
- T'es niais ou quoi, tu peux pas les voir toi-même et surtout
les sentir !?
- Ben si ! Mais c'est fun ! Y a le frigo qui va te dire s'il man-
que quelque chose et qui pourra même passer les comman-
des avec ta carte bleue ; y a ta montre qui te dira combien
tu as couru, qui prend ta tension et le rendez-vous chez le
toubib ! Y a même des chaussures fun, tu peux changer la
couleur selon ta tenue !!!
- Stupide, une seule paire coûte plus cher que 10 paires de
couleurs différentes.
- Mais c'est chouette de pouvoir profiter de tous ces pro-
grès ! Ils sont vraiment faits pour nous enjoliver et nous faci-
liter la vie !
- T'y crois ? Tu penses pas plutôt que c'est une
bonne affaire ? Vu que tout le monde a déjà une brosse à
dents, maintenant il va pouvoir s'en vendre des connectées DANS CE NUMÉRO :
qui coûtent bien plus cher. Fabriquer et vendre tous ces
nouveaux objets, en s’appuyant sur ta flemme de regarder DOSSIER : Quand les objets décident pour nous. Linky et
dans ta bouche toi-même, c'est effectivement judicieux ! cyberjoies
C'est une manne inespérée. Parole de Marmotte nº14 : Une journée ordinaire /Marmotte
- Ben oui, c'est bien, ça va créer des emplois ! Et nous facili- au frais … 2-3
ter la vie... Quand les objets décident pour nous … 4
Bienvenue dans le cybersexe des objets connectés … 5
- Tu vas surtout ne plus être maître de ta vie, quand tu au-
Linky es-tu ? … 6
ras tout confié, la gestion et la sécurité de ta maison, ton
Linky-résistance … 8
habillement, tes performances sportives, ta santé, à tous ces
Linky-Quizz … 8
nouveaux gadgets. Tout de toi sera quantifié, numérisé et
[BIG DATA] / Grosse bête … 9
prêt à être espionné et virussé !
Les puces RFID sont des mouchards … 10
Et puis crois pas, déjà qu'on épuise la planète, tous ces ob-
Réponses au Linky-Quizz … 11
jets, c'est de la pollution en plus ! Ça marche pas avec l'air
Virus … 11
du temps. Y a ces ondes qui relient tout ça ensemble et qui
ne sont pas anodines. Chacun de ces objets contient un petit
FRONTIÈRE : Deux Martiens à terre /La frontière tue … 12-
ordinateur avec mémoire, batterie, capteurs, écran ! Chacun
13
de ces éléments nécessite beaucoup d’énergie pour sa fabri-
JOURNAL DE N’IMPORTE QUI : A l’ami Gérard … 13
cation et se compose de toutes sortes de métaux, particuliè-
PAROLE DES MONTAGNES : Par les soirs bleus d’été… 14
rement des métaux rares, dont l'extraction est extrêmement
COURRIER DES LECTEURS … 14
polluante et scandaleuse humainement. Sans parler de tout
PAROLE AUX USAGERS DU TRAIN … 15
ce qu'il y a derrière, des data center, des câbles, des satelli-
ACTU TRAIN … 15
tes… Et tout ça pour simplement tout faire à ta place ! Vrai-
ACTUALITÉS : Tunnel de Tende / Plaine du Var … 16
ment, tu crois que ça vaut le coup ?

Publication autogérée par des habitants de la vallée de la Roya - www.la-marmotte-deroutee.fr - contact@la-marmotte-deroutee.fr - 07 68 05 65 34

 PAROLE DE MARMOTTE Nº14 DOSSIER :
Déroutée par sa crainte des bouleversements irréversibles que lui annoncent les travaux au col de Tende, la
« petite reine des tunnels », une marmotte des alpages de la Haute Roya, quitte son terrier et part découvrir le
vaste monde à la recherche d’une solution. « Parole de Marmotte » est son journal de bord. Jusqu’il y a peu,
elle y retraçait sa quête et ses apprentissages du monde des Humains. Puis, on l’a fait tomber dans un som-
meil profond… Pour retrouver les précédents épisodes, lisez les pages 2 des anciens numéros.

UNE JOURNÉE ORDINAIRE

Ca frappe à la porte, derrière le rideau de pluie qui - Non, vous ne pouvez pas monter, nous ne sommes pas un
s’est mis à tomber sans prévenir et sans surprendre personne transport de passagers.
tant les tempêtes aux noms exotiques et féminins sont deve-
La stagiaire-psychologue, nº3 dans l’ordre des embauches, a
nues banales cet hiver. La silhouette détrempée qui tambou-
franchi d’un bond la moitié de l’habitacle pour appuyer de
rine à la portière du bus arrêté au feu fait plus d’effet aux
manière plus que décidée sur le bouton « fermeture » : « Non,
membres de l’équipage que le déluge qui s’abat sur la va-
mais vous êtes tarés ? Ce n’est pas parce qu’on est un labo mo-
llée.
bile installé dans un bus qui pourrait être de ligne qu’on va
« Je fais quoi ? Ça frappe ! » - « Ben ouvre ! » - « Tu es fou ? On ramasser tout ce qui bouge sur la route ! Vous le savez aussi
n’est pas un bus ! » - « Mais si, on est un bus. Bon, j’ouvre, il bien que moi, cette mission est de la plus haute importance et
pleut ! » on n’a pas à livrer son contenu au premier débris de la Ter-
re ! ». La colère, faisant rougir très légèrement les pointes de
- Bonjour, vous êtes le bus-rochers ?
ses joues en lame de couteau, adoucit de façon surprenante
- Euh ? son apparence pendant que, le souffle encore retenu, elle
- Ou le bus-train ? Le bus-train-rochers, de Nice à Breil, ou le dévisage ses deux co-équipiers :
bus-train-train de Breil à Tende qui vient de Menton ? Ou le - Pfiu, à le voir, je parie qu’il n’a même pas un Smartphone
905 ? C’est pas affiché. Désolé de vous arrêter là, c’est pas un pour consulter les changements d’horaires en direct, ça évite-
arrêt, mais en même temps vous êtes déjà arrêté, non ? Je n’y rait ce genre de scènes… Et ce feu qui passe pas au vert ! Dia-
comprends plus rien aux horaires avec ces tempêtes et ces tra- ble ! Avec ce trafic et la pluie, on a déjà plus de 40 minutes de
vaux, j’y suis allé en stop. La route de Breil est bien ouverte ? retard ! Mais qu’est-ce qu’ils font dans ce foutu tunnel ?
- Non Monsieur, nous sommes le bus-labo ! (« Mais qu’est-ce - Il paraît qu’ils le mettent aux normes européennes, ça peut
que tu dis, abruti ??? » - « C’est un fou, ferme, l’humidité va en- prendre des années !
dommager les machines! »)
- Des années ??????
- Je peux monter ? Vous allez à Breil ou à Tende ?
- Euh, des années en tout, je veux dire, pas d’un coup, là ça va
bientôt rouvrir (surpris
par l’effet dramatique de
son hypothèse, le stagiai-
re-conducteur, 4e d’em-
bauche et le seul à être
rémunéré, serre les dents
pour ne pas pouffer de
rire).
Drriiing. « Oui, Pr. Del-
porte. Non, nous sommes
bloqués à l’entrée du tun-
nel d’Airole. Les travaux.
Oui, on fait notre possible.
Vous avez perdu le con-
tact ? Il n’a plus de
batterie ? Vous ne savez
pas ? Bien. Ah, ça repart.
On fait notre possible.» Le
bus-labo mobile, avec, à
son bord, un bel assorti-
ment d’appareils sophis-
tiqués devant enregistrer
et traduire les rêves de la
Marmotte - au plus près
de son environnement
pour ne pas les dénaturer
- reprend sa marche, plu-
tôt au pas. « Je ne savais
pas que je signais pour le
poste de chef de mission
galère en acceptant ce
stage », lâche la nº3 à titre

Page 2 La Marmotte déroutée

 QUAND LES OBJETS DÉCIDENT POUR NOUS
de conclusion en fermant son portable : « Le nº1 n’est pas joig- Marmotte au frais
nable, il faut qu’on se grouille pour rejoindre le point de rendez
-vous. On aurait mieux fait de la faire ramener à Nice. Nº2, Pas- En ce moment, en hiver, le cœur de la marmotte bats environ
sons au test ! ». 30 à 40 fois par minute et la respiration s'établit vers 2 à 3
L’allure déconcertante de leur voyage, qui aurait dû durer inspirations-expirations par minute. Elle se lève environ une
une heure à peine selon le calculateur de trajets, a failli leur fois par mois pour faire ses besoins et éliminer les déchets
faire oublier le protocole. « Etape 1 : tester le fonctionnement accumulés pendant son jeûne, ou, s'il fait moins de 3°C sous
des appareils en conditions réelles ». Le stagiaire nº2, techni- terre, pour ne pas mourir de froid. Ces « réveils » hivernaux
cien, sourit, content de passer à l’action. Il ajuste les capteurs de 12 à 30 heures sont de grands consommateurs des
sur la tête du chien-test endormi, vérifie l’appareillage, tape réserves de graisse, et peuvent parfois être fatals lors de trop
ses commandes sur le clavier de l’ordinateur central, puis longues périodes froides. Environ 90 % de l'énergie
sourit de nouveau, et de plus belle: « On a de la chance ! Il ren- dépensée pendant l'hiver l'est apparemment pendant ces
tre justement en phase paradoxale. On va bientôt avoir une pre- courts moments de sortie de léthargie. La promiscuité des
mière retranscription ». La respiration de la bête, un spitz nain marmottes durant l'hibernation en groupes familiaux dans
croisé avec un husky que Pr. Delporte a sélectionné pour sa l’hibernaculum, avec des individus âgés plus expérimentés,
proximité morphologique avec la marmotte des Alpes, de- est un facteur de risque éco-épidémiologique, mais elle
vient irrégulière et le graphique d’activité onirique s’anime procure aussi des avantages pour la survie hivernale
sur l’écran. Les deux stagiaires, les yeux rivés dessus, épient (température plus supportable...). Avec l’hibernation, notre
l’affichage de la traduction lettre par lettre (Le troisième, nº4, petite reine des tunnels évite la quête perdue d'avance de
est obligé de regarder la route). « Cailloux mes pattes crottes nourriture et ne s'expose ni aux rigueurs hivernales, ni aux
… ? » « Ça marche ! C’est trop fort ! T’imagines qu’il suffit de prédateurs à la recherche de rares proies foulant la neige.
quelques secondes pour que l’activité captée dans le cerveau Connectée à l'extérieur par une sorte de thermomètre
de ce chien soit comparée à toutes les bases de données d’ex- interne, elle attend le réchauffement printanier pour
accélérer son métabolisme et sortir du terrier.
périences similaires conduites dans le monde et nous revienne
(Source : Wikipédia) AL
interprétée, grâce au réseau, en produisant du sens ! C’est sim-
plement fabuleux ! ». «… Hm, on dirait du Google translate, ils
devraient travailler sur la ponctuation », coupe son enthousias-
me la nº3, retrouvant son aridité habituelle : « nº4, accélère, on
****
est en retard !». « Mais qu’est-ce qui nous prouve que c’est ce
qu’il rêve, le chien ? », répond le nº4 en appuyant sur l’accélé- Pendant ce temps, sur un virage de la route de Berghe :
rateur avec une certaine mollesse opportunément dissimulée
« Fait chier ! Foutue voiture ! » - le stagiaire nº1, le nez dans le
à la nº3 par le pédalier: « Est-ce que ce bidule n’est pas en train
capot ouvert, fait semblant de trifouiller son contenu sous la
de nous ressortir un mix du top 10 des rêves de chiens imaginés
pluie battante quand une voiture s’arrête derrière la sienne,
par les humains ? Et on est là, comme des gamins, contents de
bloquant l’étroite chaussée. « Qu’est-ce que tu fous là avec le
s’être faits manipulés par nous-mêmes ! Moi je dis, c’est aussi
capot ouvert, il pleut à l’horizontale ! », hurle le conducteur
bidon que le marc de café, si ce n’est plus ! ». Son intervention
dont on distingue à peine le bas du visage sous la grande ca-
plonge l’assistance dans le silence durant quelques minutes,
puche qui lui couvre le chef : « Et puis, c’est dangereux de
le temps de dépasser les derniers villages italiens et la der-
rester au milieu de la route comme ça. Tu vas où ? On te dépo-
nière épicerie-tabac-bar de ce côté de la frontière que le nº4
se, t’auras du réseau et tu pourras appeler une dépanneuse ! ».
lorgne avec une convoitise nostalgique.
Le nº1 ne se fait pas prier . « Cool, merci », et le voilà assis sur
« Mais qu’est-ce qui se passe ? Encore des travaux ? » (nº3) -
la banquette arrière. L’acolyte du conducteur, tout aussi enca-
« Tu ne viens pas souvent dans la Roya! C’est le check-point de
puchonné que lui, ouvre le porte-gants pour en sortir une
la frontière, contrôle d’identité, fouille des véhicules. Enfin, nor-
bouteille sans étiquette contenant un liquide jaune. « Tiens,
malement, ces derniers temps, ils se sont un peu calmés » (nº4).
goute ça, ça va te réchauffer », dit-il en remplissant un petit
- B’jr M’dme, M’ssieurs, vos papiers, papiers du véhicule s’il verre à ras bord. « C’est quoi ? » - « Du génépi. C’est moi qui
vous plaît. (Chose promise, chose faite. Le bus, dévié, est l’ai fait, goûte » - « Gloup… Ha !…C’est sacrement bon, votre
arrêté par la gendarmerie. Un jeune gendarme monte à bord truc ! » « Ah, ben et encore tu sais pas ce que ça coûte en grim-
et écarquille les yeux en découvrant l’aménagement inhabi- pette d’en ramasser brin à brin ! Vas-y, reprends-en ! »
tuel, même si le nº2 a eu le temps de recouvrir le spitz-husky
****
d’un drap) Qu’est-ce que vous transportez ? Des appareils mé-
dicaux ? Vous avez des couchages à l’intérieur ? Dans un bus de Quelques heures et deux bouteilles de génépi plus tard, quel-
ligne ? Chef, venez voir ! Où se trouve le nouveau camp où vous que part à l’abri entre le mont Bego et Vintimille.
acheminez toutes ces affaires ? - C’est bon, il dort. Mieux qu’une marmotte.
- …. ???? - Bon, ajoute une bûche dans le poêle, qu’il n’ait pas froid. Je
- Qui a affrété le bus ? veux bien être accusé de séquestration, mais pas de traitement
inhumain. Il est où, le sac, qu’on voie la bête ?
- La faculté des sciences.
- Le sac ? … Mais… je croyais que c’était toi qui l’avais ?!
- Et moi, je suis le pape. Vous êtes en état d’immobilisation du
véhicule pour… heim, chef, je marque « pour association de
malfaiteurs en vue d’assistance à des personnes en danger » ?
- Non, « en vue de transport et d’hébergement de personnes en A suivre…
situation irrégulière ». FLRF

Février 2018, nº14 Page 3

DOSSIER
Quand les objets décident pour nous
Nos outils nous envahissent. Toujours plus sophistiqués et performants, toujours plus indispensables et plus nom-
breux, ils grignotent nos derniers espaces d’autonomie. D’outils, ils se font assistants, avant de devenir mouchards
et décideurs. Les objets communicants, connectés et « intelligents », dernier chaînon de cette « évolution », donnent
à la Marmotte la chair de poule – drôle d’expérience pour un rongeur !

Demain, tous informaticiens ? Et après-demain, des
extensions de nos ordinateurs ? Cela fait quelques temps dé-
jà que notre monde s’« outilise », faisant de nous, utilisateurs,
l’outil de nos outils. Au fur et à mesure qu’ils se perfection-
nent, nos chers outils, fruits de notre inventivité, délaissent
leur fonction initiale - nous seconder - pour nous soumettre à
leurs fonctions. Sous couvert de gain de confort, de temps et/
ou de performance, ils nous adaptent à « leurs » besoins, par-
mi lesquels celui de notre besoin d’eux.
Nous le savons, certains l’ont bien décrit, à partir d’un certain
seuil de généralisation (de monopole !), une technologie cen-
sée nous simplifier la vie devient contre-productive et dessert
l’objectif pour lequel elle a été créée (à part celui de se faire
acheter). Par exemple, la voiture doit nous faire gagner du
temps, mais au final, une société organisée autour de la voitu-
re nous en fait perdre : trajets allongés logement-travail, bou-
chons, besoin de travailler plus pour assurer les dépenses
liées à la voiture (carburant, assurance, réparations), etc. [1].
En parallèle, la profusion d’outils que le marché nous « offre »
avec toujours plus d’insistance, outils dont on comprend et on
maîtrise toujours moins le fonctionnement, dégrade notre
capacité à répondre nous-mêmes à nos besoins réels, avec
nos bras, nos jambes, nos muscles, nos cerveaux et notre
imagination. Et comme nos outils ne cessent de croître en
quantité, en puissance et en diversité, de moins en moins de
domaines de nos vies échappent à leur emprise. Les scéna-
ristes de science-fiction l’ont imaginé, la science, la technolo-
gie, le marché et nous sommes en train de l’accomplir : nous
serons bientôt incapables d’évoluer dans un milieu naturel
sans assistance, comme les cosmonautes, qui ne peuvent sur-
vivre dans l’espace sans leurs scaphandres.
Objets autonomes, utilisateurs dépendants
Les outils du dernier raz-de-marée technologique, inauguré
par le Smartphone, se veulent « communicants »,
« connectés » et même « intelligents » (terme anglo-saxon
pour les désigner). Ils collectent et stockent des informations
et déclenchent des actions en fonction d’elles, du contexte
(lui aussi fait d’informations repérées et analysées) et des
commandes programmées ou reçues à distance. On parle
aussi d’Internet des objets (Internet of Things ou IoT), car c’est
grâce à la connexion Internet qu’ils acquièrent des fonction-
nalités nouvelles. Connectés à la grande Toile via nos ordi-
nateurs, Smartphones ou tablettes, ils communiquent avec
d’autres objets et systèmes pour obtenir ou transmettre l’in-
formation. Internet rend également possible leur
« intelligence artificielle » - leur capacité d’analyse et de prise

Février 2018, nº14 Page 4

 LINKY ET CYBERJOIES
de décision débouchant sur des actions – en démulti-
pliant leur puissance de calcul et de stockage de
données grâce à des serveurs informatiques distants
auxquels il leur donne accès. Mais, en anglais, on ap-
pelle aussi ces objets « intelligents » en référence à
leur fonction de collecte de données personnelles.
Dans la langue de Shakespeare, « services d’intelli-
gence » est synonyme de nos « services de renseigne-
ment » !
Un store qui s’ouvre ou se baisse tout seul en fonction
de la lumière ou de la température intérieure progra-
mmée ; le pilulier qui fait clignoter une ampoule
quand vous avez oublié de prendre un médicament ;
le détecteur de chutes qui appelle le Samu ; les fa-
meux compteurs communicants (électricité, gaz,
eau…) qui stockent, analysent et transmettent au ges-
tionnaire les données détaillées de nos consomma-
tions (lire pp. 6-9 de ce numéro)… Non contente de
prolonger nos mains, nos sens et nos réflexes par des
appendices technologiques, cette nouvelle généra-
tion d’outils nous dépossède déjà de certains gestes
(éteindre la lumière, ouvrir un store, relever le com-
pteur….) et petites décisions (faut-il chauffer ? baisser
le store ?) – avant de s’attaquer aux grandes ? « Les
maisons vont désormais s’autogérer », affirme Bernard
Lassus, directeur du programme Linky de Enedis (ex-
ERDF) [2]. Et nous, en serons-nous encore capables ?
[1] voir La Marmotte nº5, p.3 et les travaux d’Ivan Illich sur la contre-productivité et
[2] Cité par Gabriel Siméon, « Linky, pilier de compteur », Libération, 30/11/2015.
Page 5
Dictature technocratique
La dictature, un gros mot ? Après tout, pourrait-on
dire, personne ne nous force à nous entourer
d’assistants électroniques bientôt plus
« intelligents » que nous ! Pas si sûr. Avec les com-
pteurs comme le Linky ou les puces RFID qui tra-
cent la voie de la robotisation de l’agriculture
(lire p. 10 de ce numéro), il ne s’agit plus seule-
ment d’une offre marchande, mais aussi des normes, instaurées par
des lois, qui ne nous laissent plus le choix. Guidées par certains in-
térêts (ceux des lobbies industriels ou d’un État qui cherche à maxi-
miser la gouvernabilité des êtres et des choses), ces normes impri-
ment déjà leur dictature sur les objets et sur les êtres vivants (sur
des bêtes pour l’instant, et bientôt sur l’homme ? [3]).
Portes ouvertes à toutes les dérives ?
Si nous regardons plus loin, l’autonomie de prise de décision et
d’action de ces nouveaux objets communicants, alliée à la possibili-
té (matérielle) de recevoir des commandes à distance, créent une
infrastructure idéale pour un pouvoir totalitaire. De même, la collec-
te de données personnelles, à priori inoffensive dans un régime
« bienveillant », du moins pour qui « n’a rien à se reprocher », peut
rapidement devenir un puissant moyen de contrôle, de manipula-
tion et de répression dans un régime dictatorial. On vous laisse ju-
ges du caractère bienveillant - ou pas - de notre régime politique
actuel. Rappelons-nous juste qu’avec la nouvelle loi de sécurité inté-
rieure, personne ne peut être sûr d’être irréprochable (cf. Marmotte
nº13, p. 16 et p. 9 de ce numéro) !
La technologie n’est jamais neutre. La limite est souvent ténue entre
ce qu’elle nous apporte et ce qu’elle nous enlève. Sur quoi baser
nos choix ? Une suggestion : les juger à l’aune de leurs impacts sur
notre autonomie et de notre capacité de garder sur elles un mini-
mum de maîtrise [4]. Que le premier qui pense pouvoir maîtriser
son compteur Linky lève la main…
Andrea
la vitesse généralisée.
[3] cf. la Marmotte nº13, « Nouveaux dieux ».
[3] Lire : Ivan Illich, La convivialité (Tools for conviviality, 1973).
Bienvenue dans le cybersexe des
objets connectés ! (histoires vraies)
Le Ring© permet à Monsieur de mesurer ses performances. C’est
un anneau qui se place autour du sexe masculin afin d’enregistrer
des données : nombre de mouvements ; quantité de calories
brûlées, etc. Il communique ensuite via bluetooth avec
l’application associée et permet de partager ses résultats avec ses
amis. C’est chic et convivial ! (Environ 100€)
Pour Madame, nous vous présentons un vibromasseur à placer
dans ses sous-vêtements. L’engin est ensuite contrôlé à distance
via une application pour Smartphone, qui permet de programmer
le déclenchement du sextoy, de régler l’intensité et la durée des
vibrations. (96€)
Et puis, le mélange des deux : un système de sextoys mutuels (un
masturbateur et un vibromasseur) connectés entre eux, qui
permet de se stimuler à deux à distance (pour les couples
hétérosexuels). L’application permet aussi aux amants de se voir,
de s'entendre et de s'écrire en temps réel, un peu comme
Skype©, mais en plus approfondi en terme d’options ! Qu’est-ce
qu’on se poile !!!
La belette
La Marmotte déroutée
 LINKY ET CYBERJOIES

Linky es-tu ?
Il paraitrait que le petit boitier vert nommé Linky, qu’Enedis (anciennement ErDF, filiale d’EDF) s’entête à nous
faire installer chez nous, nous fera faire des économies, n’est en rien nocif et respectera notre vie privée… C’est
ce que les dirigeants d’Enedis, ses communicants et les politiques chargés d’imposer ce projet voudraient nous
faire croire. Qu’en est-il en vrai ?

En résumé : Dates et chiffres

2005 : vote de la loi POPE, actant la généralisation des compteurs
A la différence des anciens compteurs électriques, Linky communicants.
est connecté à Internet et enregistre en temps réel des in- 2009 : une directive européenne prévoit d’équiper toute l’Europe
formations sur notre consommation électrique. Il manipu- pour 2022. Enedis se lance à la conquête du marché mondial.
le donc des données qui relèvent de notre vie privée. De 35 millions de compteurs Linky doivent être installés d’ici 2021.
plus, la technologie CPL (courant porteur en ligne) qu’il 7 millions l’ont déjà été (Le figaro.fr). 19 000 compteurs seraient
utilise fait qu’il peut y avoir un rayonnement électromag- installés chaque jour.
nétique au niveau des câbles, type d’émissions classé can- Emplois : 4 à 6 ans de travail pour 5 000 employés, puis 10 000
cérogène possible par l’OMS. Enfin, l’installation du nou- suppressions définitives de postes (Sexy Linky, l’Âge de faire).
veau compteur est imposée aux utilisateurs du réseau
électrique, sans aucune concertation ni prise en compte Le Linky est présenté comme une brique de la fameuse
des contraintes particulières (électro-sensibilité notam- « croissance verte » (un oxymore qui sous-entend qu’on peut
ment), sans parler de notre bon droit de le refuser (sur la continuer à faire croitre l’économie, et donc produire et con-
base du principe de précaution, ou par allergie à toute for- sommer de plus en plus, sans conséquences nocives pour l’en-
me de surveillance). Parlons maintenant de ces différents vironnement). Il doit favoriser la « transition énergétique », en
problèmes, et de quelques autres, en rentrant un peu plus poussant les consommateurs, effrayés par les montants de
dans les détails. leurs nouvelles factures et les détails de leur consommation
accessibles sur leur compte client sur Internet, à réduire leur
Opération gaspillage consommation d’énergie. Non seulement rien n’est moins sûr,
Le Linky est connecté à Internet par CPL (courant porteur en mais affirmer que cette opération aboutira à une baisse de
ligne), c’est-à-dire par réseau électrique. Chaque Linky est consommation totale d’électricité, c’est oublier, entre autres
ensuite relié à des concentrateurs, un par grappe d’immeu- dépenses en énergie et en matières liées au déploiement de
bles ou grands ensembles, ces derniers transmettant par on- cette nouvelle infrastructure, que les serveurs stockant les in-
des radio GSM nos informations aux Datas Centers d’Enedis. formations pompent une énergie phénoménale. En bref, on a
Outre l’installation des compteurs eux-mêmes, le déploiement là une opération de « green washing » (éco-blanchiment) de
du Linky implique donc d’équiper nos communes de matériels plus.
correspondants. Pour ce qui est des concentrateurs, il en Un dernier argument, pour finir : le déploiement du Linky est
faudra plus de 700 000 pour l’ensemble du territoire. censé être indispensable pour accompagner le développe-
Les compteurs actuels, conçus pour durer 60 ans (contre 15 à ment des énergies renouvelables. Pourtant, l’Allemagne, bien
20 ans pour le Linky), prendront la direction de la décharge. Il plus avancée que la France sur ce terrain, a renoncé, dès 2015,
faudra en jeter 35 millions – autant de matières (plastiques, au déploiement généralisé de ce type de compteurs (seuls les
donc hydrocarbures, métaux, etc.) qui auront été extraites foyers très fortement consommateurs y seront soumis), esti-
pour rien. mant qu’il n’était pas « dans l’intérêt du consommateur alle-
mand » ! [1]
Les réparations sur les compteurs Linky (numériques et élec-
troniques, donc potentiellement plus fragiles que nos vieux Les ondes sont sans danger ?
compteurs) se feront à distance, sans venue de techniciens. Si les concentrateurs sont émetteurs d’ondes GSM [2], avec le
Pour gérer vos appareils à distance, il vous faudra un CPL, ce sont aussi tous nos fils et appareils qui se transforment
« afficheur déporté », mais celui-ci ne sera pas compatible avec en antennes rayonnantes. Si Enedis argumente que le rayon-
tous vos équipements. Vous devrez donc vous rééquiper nement reste très faible, le caractère obligatoire (dans les
(autant de matières et d’énergie pour produire ces nouveaux faits : cf. Linky-résistance) de cet équipement pose de sérieux
équipements…). problèmes pour les personnes électro-sensibles. Pour ce qui
est des autres, il est reconnu (par l’OMS) que les rayonne-
La courbe de charge ments électromagnétiques peuvent être source de cancers.
Cette courbe est construite à partir de relevés réguliers de la Les tests effectués à ce jour (par le Centre de recherche et
consommation électrique d'un consommateur. Avec le compteur d’information indépendant sur le rayonnement électromagné-
Linky, le "pas de mesure" (c'est-à-dire la fréquence de relève) tique) font état de rayonnements « conformes à la règlementati-
est par défaut de 30 minutes. Ainsi, toutes les 30 minutes, le on en vigueur ». Mais cette réglementation suffit-elle à nous
compteur effectue et stocke un relevé de l'index de protéger ?
consommation du logement. Avec ces 48 relevés par jours, on
peut construire une courbe graphique qui permet de voir On sait que les seuils d’innocuité, souvent permissifs ou in-
facilement les périodes de forte consommation dans la journée, complets, suffisent rarement à garantir la sécurité sanitaire
dans le mois ou dans l'année. Le pas de mesure peut être plus [3]. L’exposition aux ondes GSM peut, dès 1 microTesla (ƴT )
élevé (par heures ou par jour par exemple) et descendre jusqu'à ou 0,4 ƴT pour un enfant, entrainer des leucémies, cancers du
10 minutes si le consommateur le souhaite. cerveau, etc. [4], alors que la norme est fixée à 100 ƴT. L’IC-
(Source : www.inc-conso.fr) NIRP (International Commission on Non-Ionizing Radiation
Protection, mandatée par l’OMS) fixe des normes très peu

Février 2018, nº14 Page 6


contraignantes pour notre compteur communiquant et pour
la téléphonie mobile, tout en collaborant étroitement avec
Enedis, Bouygues Telecom et d’autres sociétés qui ne dési-
rent pas voir les répercussions sanitaires de leurs produits
dévoilées au grand jour. Ainsi, seuls les effets immédiats
(brûlures…) sont pris en compte.
Comme pour le micro-onde, le téléphone portable, le nu-
cléaire, les OGM, le WIFI… aucune étude sérieuse des ré-
percutions sanitaires sur le long terme n’a été réalisée. Pour
notre compteur aussi, le principe de précaution, comme bien
d’autres principes de droit, reste du domaine du droit
théâtral, inscrit dans des textes de loi sans être suivi d’effets.
Linky fait faire des économies ?
Contrairement aux arguments utilisés pour nous le faire ac-
cepter, le compteur Linky sert à compter, pas à faire faire
des économies d’énergie, ni d’argent. Seuls le choix de nos
appareils, leur quantité et notre façon de les utiliser feront
varier la facture. Le nouveau compteur consomme même 10
W supplémentaires en permanence ! De plus, là aussi, con-
trairement à ce qu’affirment les communicants d’Enedis,
l’installation du compteur n’est pas gratuite, mais comprise
dans le Tarif d’utilisation des réseaux électriques
(TURPE) qui s’ajoute chaque mois à nos factures [5].
Vous avez dit confidentialité ?
Les données enregistrées par Linky et transmises à Enedis
(qu’on appelle « la courbe de charge » dans le jargon du méti-
er, cf. l’encadré p. 6) permettent de déduire beaucoup de cho-
ses nous concernant : notre présence ou absence du domicile,
Linky-anecdotes (lu dans la presse en ligne) :
Leur facture d’électricité est multipliée par 3,5 à la suite
de l’installation d’un compteur Linky… Alors, ils passent au
poêle pour faire des économies. Pire, le compteur disjoncte
lorsque l’ordinateur et la télé sont allumés les deux en
même temps. (lavoixdunord.fr, 15/03/2017). Malgré
l’isolation et le double vitrage, depuis Linky, leurs factures
augmentent. Selon EDF, c’est leur « ancien compteur qui
sous facturait ». Plus de 250 % d’augmentation en janvier
2017 (estrepublicain.fr, 01/05/2017).
Les compteurs Linky prennent feu : deux cas à Toulouse
(la Dépêche du midi, 27/11/2017), un cas à Louveciennes
dans les Yvelines (78actu, 28/11/2017), un cas proche de
Tours (lanouvellerupublique.fr, 26/12/2017).
Les installateurs Linky agressent leurs clients : une
mamie de 88 ans dans le Béarn (France Bleu Béarn,
29/12/2017), d'autres personnes en Bretagne et dans les
Cévennes. Les installateurs Linky violentent les
propriétaires (France 3, 07/04/2017), sur l’île de Ré aussi
(SudOuest.fr, 22/06/2017). Les compteurs sont installés « à
la sauvage » (France Bleu Limousin, 01/12/2016). Les
plaintes pour violations de propriété privée et brutalités de
la part d’Enedis se multiplient (Ligue des droits de
l’Homme).
Avec le Linky vos appareils électriques deviennent
fous : « Pourquoi le compteur Linky allume votre lampe de
chevet ou éteint votre télé ? » (figaro.fr, 24/09/2016),
« Arrageois : depuis qu’on leur a installé Linky, leurs
lampes de chevet s’allument toutes seules » (La voix du
nord), « son compteur électrique Linky disjoncte 22 fois en
trois jours » (Le Progrès, 19/11/2017).
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DOSSIER
CONSEILS DE LECTURE :
Sexy Linky, de Nicolas
Bérard, Hors-série de L’âge
de faire (avec des analyses
de Philippe Bihouix, Étienne
Cendrier des Robins des
toits, Pierre Le Ruz, Marc
Jedliczka de Négawatt,
Philippe Moulobou, Solange
Ghernaouti, Stéphane
Lhomme…). Ce livre a en
grande partie inspiré notre
dossier.
D’autres informations sur :
www.lepostillon.com
www.refus.linky.gazpar.free.fr
robindesbois.org/linkysition-2
www.piecesetmaindoeuvre.com
refuser-compteur-linky.fr
le type de machines utilisées, l’utilisation (exceptionnelle ou
pas) d’un appareil particulier à forte puissance, etc. Faites
confiance à Linky ! Ainsi, Enedis saura si (et quand) vous êtes
célibataire, vos horaires de travail, vos périodes d’insomnie,
etc. Soit, potentiellement, une mine d’informations pour qui
sait quoi en faire (nous vendre des produits « adaptés », in-
fluencer nos comportements d’achat et d’utilisation d’équipe-
ments électriques, ou encore utiliser ces données à des fins de
surveillance policière) [6]. A ceux qui trouvent cela un poil
trop intrusif, l’entreprise rétorque que les données sont
anonymisées, restent la propriété de l’usager et ne sont pas
transmises à des tiers sans son consentement, alors que les
données détaillées de la courbe de charge sont stockées en
local seulement. Pour l’instant, suite notamment aux inquiétu-
des de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des
libertés), un certain nombre de protections ont effectivement
été mises en place. Mais jusqu’à quand ? On sait à quel point il
est facile, dans des situations jugées « exceptionnelles », de
prendre des mesures d’exception, puis de les faire rentrer
dans la norme (lire La Marmotte nº10 et p. 9 de ce numéro).
Des liens qui dérangent
Alors que de plus en plus de personnes et de collectifs s’op-
posent à son déploiement, Linky jouit étrangement d’une ex-
cellente image médiatique. On sait que les quelques proprié-
taires de la majorité des grands médias ont fait fortune dans la
téléphonie mobile et le numérique (Patrick Drahi : SFR, Xavier
Niel, Mathieu Pigasse et Pierre Bergé : Free, Vincent Bolloré :
Bouygues). Rien d’étonnant de leur part que de faire un bon
accueil au petit boitier vert qui fait transiter nos données de
consommation énergétique via les réseaux de téléphonie mo-
bile ! Plusieurs Marmottes
[1] Stéphane Lhomme, « Les 7 raisons de refuser ….”, www.7x7.press, 14
mars 2016.
[2] Garanties sans danger par l’Agence nationale des fréquences, qui a
néanmoins oublié que ses résultats sous-entendaient des disfonctionne-
ments simultanés des réseaux de téléphone, radio et télévision…
[3] Voir par exemple les actions d’analyse indépendante de la qualité de
l’air (SLP).
[4] Dangerosité 2B, comparable à l’absorption régulière des tristement
célèbres bisphénol-A, plomb ou pesticide chlordécone.
[5] La quasi-totalité des revenus d’Enedis-ErDF (95 %) provient directe-
ment du Turpe, que nous payons tous. Le montant du Turpe est revu tous
les quatre ans. Le Turpe 5, élaboré en 2015, intègre les 5 milliards d’euros
destinés au Linky et ajusté le tarif final en fonction. Voir : refuser-
compteur-linky.fr/poignee-de-milliards
[6] Atteintes dénoncées par la Ligue des droits de l’Homme.
La Marmotte déroutée
DOSSIER
(* même chose pour Gaspar et autres avatars)
Linky-résistance*
Il est tout à fait possible et légal de refuser l’installation des compteurs communicants/intelligents, et
ceci à plusieurs niveaux. Voici quelques pistes et conseils à suivre :

Tout d’abord, chez vous, si vous êtes propriétaire, il « suffit »

simplement d’écrire une lettre de refus d’installation du
Linky (ou du Gaspar pour l'eau) à EDF, Enedis, votre mairie,
le syndicat d’énergie, votre communauté de communes, etc.
(voir le modèle sur Internet). Ne vous laissez pas impressionner
par les réponses. Vous êtes dans votre bon droit. N’hésitez pas
non plus à protéger l’accès à votre compteur, ce qui est lé-
gal, puisque vous êtes chez vous. Aucun installateur n’aura le
droit de détruire cette protection (cf., ci-contre, quelques exem-
ples de soudures qu’on trouve sur les anciens compteurs pour les
protéger du vol). Illégal ? Le jugement du 20/06/2017 du Tribu-
nal d’Instance (TI) de La Rochelle a débouté un technicien Linky
qui portait plainte contre un retraité qui l’avait bousculé alors
que l’installateur (le plaignant) étant en train de détruire le dis-
positif de protection de l’ancien compteur : « agression légiti-
mante à laquelle le prévenu a apporté une riposte strictement
proportionnée et nécessaire [… ;] les faits reprochés […] ont été
commis en état de légitime défense » a jugé le TI. Nous vous
conseillons tout de même de faire les deux : écrire et ver-
rouiller la possibilité de changer votre/vos compteur(s).

Si vous êtes une commune, une collectivité de communes,

etc., une délibération et deux arrêtés (voir les lien ci-dessous
pour les modèles) suffisent pour interdire le remplacement
des compteurs d'électricité, mais aussi des compteurs de gaz
et d'eau, par des compteurs communicants. Ne croyez pas ceux
qui vous disent que cela ne sert à rien. Certaines municipali-
tés ont déjà réussi à empêcher ainsi ces installations sur
leurs territoires (on peut citer Chauconin-Neufmontiers et Yer-
res) et presque 500 municipalités se sont prononcées con-
tre, dont Peille dans la vallée du Paillon. Si la commune a
transféré sa compétence AOD (Autorité organisatrice de la dis-
tribution de l'électricité), elle reste propriétaire des compteurs
EDF : « Le statut juridique des compteurs est la "mise à dispo-
sition"… or "la mise à disposition n’emporte pas transfert de
propriété" » (cf. le site Internet de l'AMF , Association des maires
de France).

Où trouver les modèles de lettres de refus ou d’arrêtés ?

refus.linky.gazpar.free.fr ou sur le site du Cabinet d’avocats
Artemisia : www.artemisia-lawyers.com/fran%C3%A7ais/
publications-et-interventions/compteurs-linky
Jidé

(source : www.refus.linky.gazpar.free.fr)
Linky-quizz Réponses p. 11
VRAI OU FAUX ? gé de prendre le Linky (ou, variante, un décret est en pré-
paration pour vous y obliger) ?
1. Si vous refusez le compteur Linky, vous allez payer une
6. Porter plainte contre le harcèlement téléphonique, voire
amende ?
physique des installateurs Linky auprès de la gendarmerie
2. Si vous refusez le compteur Linky aujourd’hui alors qu’il
ou du commissariat est légal ?
n’est pas facturé, on vous l’imposera plus tard et vous de-
7. Lorsqu'un compteur est posé, on ne peut plus rien faire ?
vrez alors le payer ?
8. En Allemagne, personne ne s’oppose aux compteurs Intel-
3. Si vous refusez le compteur Linky, vous devrez payer une
ligents ?
somme mensuelle supplémentaire ?
9. Une fois débarrassé du Linky, on sera tranquille ?
4. Si vous refusez le compteur Linky, on vous coupera l’élec-
10. Le compteur Linky possède une caméra ?
tricité ?
11. Question subsidiaire : qui a dit : « Enedis est un opérateur
5. Si vous avez des panneaux photovoltaïques, vous êtes obli-
big data qui gérera bientôt 35 millions de capteurs » ?

Page 8 La Marmotte déroutée

 LINKY ET CYBERJOIES
[BIG DATA]
Grosse bête questions. De nos réponses à ces questions
et des actions qui en suivront, dépendra le
sort prochain de l’humanité. Oui, oui, de
Combien de temps allons-nous la regarder faire, cet- l’humanité ! Car c’est bien notre humanité
te grosse bête numérique ? Elle aussi nous regarde, droit qui est en jeu. Mais qu’est-ce qui constitue
dans les yeux, un demi-sourire sur sa face pixellisée. Oui, elle notre humanité ? L’imprévisibilité, l’imagi-
nous observe et elle mange. Elle mange, avec une avidité fé- nation, le goût du risque et de la découverte, la sensibilité,
roce, des pans entiers de notre vie quotidienne : travail, vie l’intuition ? Notre organisation sociale sophistiquée, notre ca-
sociale, loisirs, santé, sécurité, logement … Elle ingurgite sans pacité d’analyse, la conscience de notre mortalité… ? Que
broncher, à grands renforts d’ouvriers, d’électricité et de mé- voulons-nous conserver ou, au contraire, confier aux machi-
taux rares, des quantités monstrueuses de données numéri- nes ?
sées (ingrédients : 0 et 1) sur… nous. Sur nous ?! Simple effet
Vite, vite, décidons-nous car la grosse bête mange, digère
collatéral de nos pratiques ou mesure délibérée de collecte ?
grâce à ses enzymes-algorithmes et fabrique un nouveau
Elle grandit tellement vite sous nos yeux que nous ne savons monde « sur-mesure ». Mais qu’a-t-elle en tête ? Le savez-
plus quoi penser. Que nous veut-elle ? « Votre confort », ré- vous ? Pour y voir plus clair (il fait sombre dans ce terrier !),
pond-elle entre deux gigantesques bouchées. Et l’on pense, j’ai ouvert un livre, court et bien écrit, et j’ai lu d’un trait, com-
après tout : « oui nos vies sont plus « simples », tout et tous à me on boit une grenadine au mois d’août : L’homme nu, ou
portée de clic ». « Votre sécurité », ajoute-t-elle d’un ton in- la dictature invisible du numérique de Marc Dugain et
quiétant. Alors, que penser ? Nous menace-t-elle, humbles Christophe Labbé. « Jamais l’homme n’avait été aussi nu,
citoyens que nous sommes ? Et si oui, que menace-t-elle ? Vie aussi traçable, aussi transparent. » On y parle des grandes
privée, liberté… en connaissant ma marque de lessive pré- firmes numériques, les big data, des dogmes de pensée qui
férée, la température de mon chauffage, le surnom de mon les guident, des liens qu’elles entretiennent avec les gouver-
meilleur ami ? Foi de Marmotte, que tout cela est alambiqué ! nements, des inventions actuelles, de leurs applications et
Et ces robots, ces intelligences artificielles, que sont-ils ? Dé- aussi… de la sagesse des Grecs anciens. Ce livre, qui fait ap-
jà, il existe des robots tueurs, des robots compositeurs, des pel à de nombreux travaux actuels réalisés par des cher-
robots recruteurs, des robots « autoapprenants », des robots cheurs, penseurs, ou professionnels de tous les domaines
affectifs qui font de gros câlins… Quelle place auront-ils dans (sciences dures, sciences sociales, philosophie, etc.) nous
nos vies ? Quelle place voulons-nous leur laisser ? Au nom de entraîne dans un monde, le nôtre, où l’avenir est d’ores et dé-
quoi ? Percluse de questionnements tout aussi pratiques que jà mis en équation… Aux armes (intellectuelles !)
philosophiques, je me débats intérieurement. Une chose est
claire : notre monde et nos modes de vie se métamorphosent
à une vitesse ahurissante et ces évolutions posent de nouvelles Lulutte Laturlutte

Vous pensez qu’il n’y a rien à crain-
dre de la collecte de nos données per-
sonnelles par Linky? Rappelez-vous
que les tests ADN, pratiqués aujour-
d’hui pour la moindre infraction, étaient
réservés à l’origine aux délinquants
sexuels, et qu’aujourd’hui, on peut vous
mettre sur écoute téléphonique sans
l’intervention d’un juge, puisque la plu-
part des dispositifs de l’état d’urgence
ont été transposées dans le droit com-
mun (loi de sécurité intérieure de 2017,
lire la Marmotte nº13, p.16) !
Des normes légales à essayer de fai- règles en matière de libre circulation
re valoir : des données personnelles au sein et en
Le GDPR, ou RGPD, Règlement général dehors de l'UE. Il demande aux entre-
sur la protection des données, est un prises de s’y conformer rapidement au
règlement européen qui rentrera en risque de subir
application en 2018. Il vise à créer un de lourdes sanc-
cadre juridique harmonisé sur la pro- tions. A suivre...
tection des données personnelles au
sein de l'UE, tout en imposant des
règles (promises comme strictes) à
ceux qui hébergent et traitent ces
données partout dans le monde. Ce
règlement introduit également des

Février 2018, nº14 Page 9

 " nos moutons ne sont pas des machines,
nous n'habitons pas dans les usines" QUAND LES OBJETS
« Les puces RFID sont des mouchards »
Contre l’électronisation des troupeaux
L’agriculture est le 2e marché de la robotique, après
l’industrie. Le travail avec les objets connectés est encouragé par les chambres d’agriculture, mais cer-
tains agriculteurs ne souhaitent pas piloter leur ferme depuis des drones et un Smartphone. Contre cette
dérive hi-tech, qui avance main dans la main avec la gestion par les normes imposées par l’administra-
tion, certains s’organisent. Et notamment depuis 2010, année où a été rendu obligatoire le puçage élec-
tronique des chèvres et brebis avec les fameuses puces RFID, qui permettent de stocker des données et
de les transmettre à distance. Entretien avec Pierre, éleveur de chèvres dans le Tarn, membre du collec-
tif Faut Pas Pucer (même dans les ordis).
« Jusqu’en 2010 les chèvres devaient avoir deux boucles plasti- participé, en organisant des concerts ou des soirées de soutien,
ques aux oreilles. Déjà nous on n’en mettait qu’une, parce que en cultivant quelques légumes et en les vendant pour alimenter
nos chèvres, on les connaît par leur nom, ça suffisait. Depuis, la caisse… On a pu récupérer 15 000 euros qu’on leur a reversé,
pour qu’une brebis ou une chèvre soit correctement identifiée c’est pas rien ! Et c’est aussi avec FPP qu’on a imaginé des
aux yeux de l’administration, il lui faut une boucle plastique et soutiens collectifs pendant les contrôles : l’idée c’est de ne pas
une boucle électronique. En pratique, dans les gestes, ça ne se retrouver seul face une administration qui nous donne tou-
change rien. Ce refus, c’est bien parce que l’électronisation des jours l’impression d’être fautif. Tu te fais décortiquer, ils cher-
troupeaux, l’utilisation de l’outil informatique pour s’occuper de chent la petite bête, quand bien même toi, il te semble traiter
nos bêtes, est pour nous une antithèse de ce pour quoi on est correctement tes bêtes. Du coup, on a commencé à appeler, en
venu à l’élevage ; c’est la notion même de l’informatisation, du 2013, à venir soutenir les éleveurs lors des contrôles agricoles,
traitement numérique de nos bêtes qui pose problème. comme ça s’est fait parfois sur des démarches administratives
Dès le début, ça ne me plaisait pas, sans avoir réfléchi au pour- comme avec les CAFards, à la CAF : ne pas être seul pour ren-
quoi du comment. La première réaction était que ça ne me con- verser un peu la donne. Il y en a eu 7 ou 8 dans le Tarn, 100 per-
cernait pas, tous ces engins qui déshumanisent le rapport aux sonnes qui se déplacent en semaine, prévenues deux jours à
bêtes, que c’était pour la gestion des gros troupeaux, pour auto- l’avance. On se sent un peu plus légitime. L’administration a
matiser les tris, etc. Donc on a fait comme avant. Et petit à petit, bien vu qu’on n’est pas isolés. Que cette problématique parle à
avec Faut Pas Pucer (FPP), je me suis intéressé à ces puces RFID, des gens, ça permet aussi d’échanger sur ces questions. On ne
on commençait à parler des passeports biométriques, des cartes peut pas continuer à baisser la tête dans notre coin, à louvoyer
sans contact. Ces puces RFID sont des mouchards, la finalité c’est pour passer tant bien que mal entre les notifications et les nor-
d’y stocker les informations exhaustives de la vie de la bête, de mes qui nous tombent dessus chaque année, alors essayer de
ses soins etc. à la Big Brother. Et, finalement ça ne sert pas pour s’organiser un peu, c’est déjà ça. »
la traçabilité de la viande, mais « Les troupeaux n’appartien-
pour les gestes et les actes de nent pas à l’Etat » pouvait-on
l’éleveur. C’est une traçabilité du lire sur l’une des banderoles
travail de l’éleveur. brandie le mardi 28 novembre
Les premières années, on n’a pas 2017 pendant le contrôle sur la
eu de contrôle PAC, la première ferme de Pierre. Et quand les
fois qu’ils sont venus voir c’était en contrôleurs leur ont dit que
2015. Il y a tout un paquet de con- « l’électronique, il faudra y ve-
ditions qu’on doit respecter pour nir », Nathalie, éleveuse elle
ne pas se faire sucrer les subven- aussi, a répondu : « les puces
tions agricoles, et on a eu précisé- RFID sont porteuses d’un mon-
ment un contrôle sur l’identifica- de dont je ne veux pas, j’appli-
tion du troupeau. Ils ont constaté que seulement les règles dont
une « anomalie », comme ils di- je comprends la logique et qui
sent, l’absence de boucle électro- peuvent me servir ».
nique. Suite à ça, très rapidement, Depuis cet été, les échanges et
on a reçu un courrier qui nous in- Image : Mouton 2.0. mouton-lefilm.fr les rencontres s’intensifient,
terdisait le mouvement du notamment avec le grou-
troupeau, c’est-à-dire d’ache- pe « Hors normes ». Créé
ter ou de vendre des bêtes. On La radio-identification, le plus souvent désignée par le sigle RFID à la suite de la mort de
(Radio Frequency Identification), est une méthode pour mémoriser et
a continué à faire comme récupérer des données à distance en utilisant des marqueurs appelés Jérôme Laronze - éleveur
avant. Ils sont revenus en 2017 « radio-étiquettes ». Il s’agit de petits objets, tels que des étiquettes de vaches en Saône-et-
et ont constaté la récidive dans autoadhésives, qui comprennent une antenne associée à une puce Loire, tué par les balles
l’anomalie d’identification de électronique qui leur permet de recevoir et de répondre aux requêtes de la police en mai der-
l’intégralité du troupeau. C’est radio émises depuis l’émetteur-récepteur. Ces puces contiennent un nier suite à un contrôle
tout récent, donc on attend les identifiant et éventuellement des données complémentaires et sont très tendu sur sa ferme–,
nouvelles conséquences. utilisées pour identifier : les objets, comme avec un code-barres (on parle ce groupe d’agriculteurs
Sur un autre élevage, quelques alors d’étiquette électronique) ; les personnes, en étant intégrée dans les de toute la France lutte
années plus tôt à Granquié passeports, carte de transport, carte de paiement (on parle alors de carte contre la prolifération
sans contact) ; les plantes (arbres de la ville de Paris !) ; les carnivores
[une autre ferme du Tarn], il y des normes en agricultu-
domestiques (chats, chiens et furets) dont l'identification RFID est
avait eu carrément suppression obligatoire en France depuis 2011, en étant implantée sous la peau ; les re. Le deuxième week-
de près de 20 000 euros d’ai- animaux d’élevage (depuis 2010, la France impose l'identification de end de rencontres natio-
des. Suite à ça, avec le collectif tous les ovins et caprins au moyen d'une puce RFID) ; les animaux nales s’est tenu les 20 et
FPP, on a organisé une caisse sauvages (manchots, cigognes, loups) ; etc. (Sources : Wikipédia et 21 janvier 2018.
de soutien. Plein de gens y ont agriculture.gouv.fr) Mottemar

Page 10 La Marmotte déroutée

DÉCIDENT POUR NOUS
RÉPONSES AU QUIZZ P.8
1. FAUX
2. FAUX : Vous paierez l’installation sur chacune de vos factu-
res pendant un an ou deux quoiqu’il arrive, à hauteur de
150/200€ en tout
3. FAUX (au contraire, voir question 2).
4. FAUX (il est illégal de couper l’électricité en France sauf
défaut de paiement).
5. FAUX
6. VRAI (Certaines personnes se font « contacter » jusqu’à 30
fois par jour. Il s’agir d’un véritable harcèlement).
7. FAUX (Dans la région d’Orléans, des communes ont réussi à
DOSSIER
faire réinstaller les anciens compteurs).
8. FAUX (L’Allemagne a renoncé depuis 2015 au déploiement
généralisé des compteurs de type Linky. Seuls les foyers
fortement consommateurs (plus de 6000 kWh par an) y se-
ront contraints. Le.moniteur.fr, 13/02/15)
9. FAUX (le Linky n’est qu’un modèle de compteur communi-
cant, il existe aussi le Gaspar, pour le gaz, et un équivalent
pour l’eau, soit 3 fois plus d’ondes et de surveillance).
10. FAUX (Il n’a pas besoin d’une caméra pour nous espion-
ner).
1. 11. M. Monloubou, directeur d’Enedis (Ex ERDF) qui parle
de capteurs plutôt que de compteurs (Journal du Dimanche).

VIRUS M. Borrengo était dans la salle de bain quand sa brosse

attaque vicieuse de sa tondeuse en se réfugiant sur le vieil
établi de chêne de son grand-père. Quand la tondeuse se
lassa de le menacer, M. Borengo rejoignit le petit local de
à dents se mit à l’injurier copieusement. Au même moment, son Linkyndustrie où la Gafbox© centrale contrôlait toute la
miroir lui renvoya l’image de Mme Kotta, sa voisine d’à côté, en maison. Dans le local, l’écran affichait un beau feu d’artifi-
train d’essayer de décoincer sa main de son dentier connecté. ces avec le fameux logo « NON AU 4EME TUNNEL ».
« Putain de machine, je n’aurais jamais dû signer avec Linkyndus- « Saloperies d’Ecoterroristes », pensa M. Borengo,
trie ! ». Il frappa du poing sur la Gafbox© de la salle de bain, le « heureusement que je suis bien assuré ! ». Le reste des
miroir s’obscurcit un instant et fit apparaître M. Lyper, son voi- voyants était au rouge, seule une lumière verte clignotait,
sin de derrière, en plein conflit avec sa cyberg-femme. Coincé celle du tiroir de sécurité, il l’ouvrit et un mince sourire lui
dans la fente, il essayait désespérément d’atteindre le bouton traversa le visage. Dans le tiroir, se trouvait une masse de
« reboot » situé derrière le crâne, mais sa cyberg-femme re- 5 kg avec un manche en bois, il n’eut pas besoin de lire le
muait la tête dans tous les sens en lui chantant la Marseillaise. mode d’emploi.
La scène paraissait à la fois drôle et surréaliste. Malheureuse- Zézé
ment, les cris de souffrance du voisin semblaient bien réels.
Sa brosse à dents s’était mise à rire et sa poubelle claquait fort
du couvercle. Si fort que M. Borengo compris que ce n’était pas
juste un léger bug qui déréglait ses machines ! Encore une atta-
que des Russes ou des Ecoterroristes ! Le système de fermetu-
re de sa porte s’affolait et il craignit de ne pouvoir sortir de sa
salle de bain. Heureusement, il réussit à coincer sa brosse à
dents dans la charnière, ce qui la fit taire un instant et il put sor-
tir en toute tranquillité sous de nouveaux hurlements d’injures
de sa brosse à dents maintenant coincée dans la porte. Il lui
fallait absolument atteindre le garage pour réinitialiser la cen-
trale de Linkyndustrie et arrêter ce cauchemar ! En traversant
le salon, il prit peur : son aspirateur tournait dans tous les sens
et, tuyau délié au maximum, essayait d’aspirer le chat qui, du
coup, courait au plafond. Profitant du fait que le chat avait réus-
si à grimper sur le lustre M. Borengo contourna l’aspirateur et
se réfugia dans sa cuisine. A son entrée, le frigidaire lui an-
nonça qu’il avait commandé 20 bouteilles de champagne et un
kilo de caviar ; l’évier rugissait des litres d’eau bouillante en lui
faisant remarquer qu’il venait de consommer l’équivalent de
deux années d’eau chaude et qu’il devait faire attention à la
planète. Depuis deux ans, suivant les conseils de Linkyndus-
trie, M. Borengo avait connecté toute sa plomberie et il n’y
avait plus un seul robinet manuel dans sa maison, impossible
de fermer l’eau. M. Borengo trouvait la situation de plus en plus
amère et sentait la rage monter en lui.
Il esquiva de justesse une attaque du lave-vaisselle qui, en ou-
vrant soudain sa porte, lui projeta toute la réserve de savon sur
le pantalón, et il passa sous la table pour éviter la proximité du
four incandescent qui essayait vraisemblablement de faire ex-
ploser sa vitre pour lui crever les yeux. La porte du garage re-
fusa de s’ouvrir, il dût casser la vitre pour passer. Dans le gara-
ge, sa voiture avait arraché le portail et s’était échappée pour
plonger dans la piscine du voisin ; il déjoua de justesse une

Février 2018, nº14 Page 11

DOSSIER
LA FRONTIÈRE
Deux Martiens à terre (Courte nouvelle)

Avertissement : toute ressemblance avec des personnes

martiennes ou pas et des faits terrestres ou fictifs est pos-
sible, toute erreur dans les temps ou la conjugaison n'est
peut-être pas fortuite ou l'est.

Ce sont des jeunes Martiens sur le sol. Je n'en ai jamais vu de

tels, ou plutôt je n'avais pas fait attention. Ici, ils sont proches
des camps qu'ils ont fui pour passer la frontière. Jeunes. Deux
d'entre eux espèrent passer inaperçus dans le train.
Je sais que peu de stations plus loin, il y a des contrôles.
Soixante militaires, quinze gendarmes (est-ce ceux qui ont
lâché les chiens il y a un mois ? La violence monte à chaque
fois d'un cran, dans le même temps, les libertés et le respect
des droits sont grignotés comme un petit biscuit par des
dents avides), des policiers. La plupart du temps, le chef de
gare est en retrait.

Dans ce village, une histoire d'histoire. L'armée française

vaincue par l'Italie. Mis à genoux et désarmé par les armées
de Mussolini puis réutilisé par Hitler, le XXIIème bataillon de
l'armée française de Pétain aux ordres de la Wehrmacht est
envoyé sur le front syrien. Certains désertent le désert et re-
viennent pour rejoindre la résistance. Ce fut le cas de Mo-
hammed, Henry et certains autres. Eux furent fusillés parmi
plus de trente personnes. 145 dans tout le département.

Il leur parle dans sa langue. Ils le regardent avec une curiosi-

té apeurée, intrigués. Ils ont encore l'énergie de la jeunesse,
du courage, un peu de bêtise. Beaucoup d'espoir, d'envie, de
jeunesse. Le plus volubile est le plus petit. Il a l'air si jeune. Le train roule. L'arrêt fatidique, surveillé « Uber kontroles »
Quinze ans peut-être? L'autre est plus grand physiquement, est proche. Il n'a pas vu les Marskistanais descendre. Pas de
plus terne et ne parle pas à l'étranger sur le quai, sauf quand résignation devant cette guerre absurde, ces déportations et
il s'adresse à lui directement. enfermements, éloignements quotidiens, violences journa-
Comment mettre des étrangers à cette terre en confiance en lières.
quelques mots ? « Vous devez éviter l'arrêt. C'est plein de mili- Le train est arrêté. Comme tous les autres Martiens malins,
taires ils vont vous arrêter, vous renvoyer au camp de l'autre comme tous ceux qui croyaient, ils se sont cachés dans les
côté de la zone libre. » Il se répète essayant de convaincre. toilettes. C'est le premier endroit que les gendarmes véri-
Puis recommence en anglais en détaillant un peu plus, insis- fient, quand la porte est fermée, le train à l'arrêt. Rituel in-
tant sur l'arrestation et le nombre de militaires qui les atten- digne, institution de la défiance et de l'incarcération arbi-
dent. traire, du délit de faciès. Tous les gens à la peau verte
Il en a vu tant. Saisis par les autorités arbitrairement et sans (Martiens ou pas) sont conduits aux portes et interpellés.
être considérés comme des personnes, parce qu'ils Avec les jeunes assis sur le côté, entourés de fusils automa-
sont Martiens. Discussion étrange, par la maladresse, l'incom- tiques tenus par des soldats en combinaison de camouflage
préhension des langages et l'insistance qu'il met à les avertir. du désert. Ou est-ce l'inverse : des fusils qui tiennent des
Tous les jours, sur la ligne de train, des petits groupes, des hommes liés à obéir ? Leur tenue de camouflage treillis paraît
gros groupes, sont arrêtés, ahuris et déçus dans leur périple déplacée dans ce village rural. Les visages des deux jeunes
indigent, hors de leur planète. « D'où venez-vous? » demande- Martiens du Markistan, Assis, entourés, résignés, apeurés,
t-il autant par respect que par curiosité. « Marskistan » répond sont défaits de leurs regard. Train arrêté au quai, un mélange
l'un, l'autre pressé, lui aussi, répond de même. triste. Deux jeunes gens incarcérés. Enfin, le train repart sous
Des écoliers en vacances défilent sur le quai. l'injonction d'un signe de bras.
Ce n'est pas la voie de la facilité. C'est le seul chemin qui leur
évitera d'être attrapés. Infos du soir:
...un attentat de l'E.I. fait plus de 80 morts au Pakistan (été
Un résistant saigne, allongé au sol. Il est rejoint par un villa- 2016…).
geois de la ferme où le franc-tireur s'est rendu. Il demande en
répétant deux fois sa question vivement :« Il y a les Alle- Les autorités répondent par la répression et la suspicion à
mands ? » Le local lui répond que non, il n'en a pas vu. Il sait leur seul espoir de demain, de leur vie de Martien, étranger
qu'il parle des patrouilles de l'occupant. par ignorance, négation de l'humain.
Et les résistants et les totalitaires, les délateurs, les maqui-
Les cordes des fusillés pleines de sang sont rendues raides et sards et les déportations redeviennent l'histoire de l'histoire.
difficiles à défaire. Les soldats menacent de leur arme, obli-
geant le jeune homme à les défaire sans les couper car les Et les larmes devront être ravalées pour les fins de nuit sans
cordes doivent resservir. Pour d'autres pelotons d'exécution. lune, et la colère le gagne.
J.

Page 12 La Marmotte déroutée


La frontière tue
Une vingtaine de sans-papiers sont morts ces deux
dernières années en tentant de franchir la frontière entre Men-
ton, Vintimille et la Roya. Le blocage des chemins aisés ne les
empêchent pas de passer, mais les incitent à prendre des che-
mins difficiles et dangereux. Voici quelques exemples :
06 septembre 2016 : un jeune homme chute du viaduc de Ste
Agnès en tentant d’échapper aux autorités.
07 octobre 2016 : Milet, 17 ans, est percutée par un camion sur
l’autoroute A8.
21 octobre 2016 : un jeune homme est percuté par une voiture sur
l’autoroute A8.
22 novembre 2016 : Alimonu Kingsley, 23 ans, est emporté par la
Roya.
23 décembre 2016 : un jeune d’environ 25 ans est percuté par un
train à Latte.
04 janvier 2017 : Mohammad Hani, 26 ans, est percuté par un
scooter à Vintimille.
05 février 2017 : un jeune homme est percuté par un train dans le
tunnel de Dogana.
17 février 2017 : un homme électrocuté sur le toit du train venant
de Vintimille est retrouvé à Cannes La Bocca.
19 mars 2016 : un homme tombe du Pas de la Mort.
19 mai 2017 : un homme de 30 ans est électrocuté dans le com-
partiment technique du train venant de Vintimille.
23 mai 2017 : un homme est électrocuté dans le compartiment
technique du train venant de Vintimille.
13 juin 2017 : un homme de 16 ans se noie à l’embouchure de la
Roya à Vintimille.
12 juillet 2017 : un homme de 23 ans, reconduit en Italie par la
Février 2018, nº14
Frontière (suite)
police française quelques jours auparavant,
est heurté par un camion sur la via Aurelia
entre Menton et Vintimille.
16 août 2017 : un homme de 36 ans est heurté
par un train dans le tunnel de Peglia.
26 août 2017 : un homme de 25 ans est retrou-
vé électrocuté dans le compartiment tech-
nique du train venant de Vintimille.
27 décembre 2017 : un homme d’une vingtaine d’années est re-
trouvé mort sur un talus de l’autoroute, après avoir chuté pendant
son sommeil depuis la cabane abandonnée où il dormait en sur-
plomb de l’A8.
14 janvier 2018: un jeune homme, est électrocuté en gare de Men-
ton, sur le toit de la locomotive d’un train en provenance de Vinti-
mille. Trois détonations avaient été entendues par les passagers
et le conducteur du train peu après le départ de Vintimille , et des
témoins apercevaient aussi des flammes, mais l’arrêt n’a été pos-
sible qu’en gare de Menton. Allongé au niveau du caténaire, il
est brûlé par un arc électrique.
De nombreux autres personnes ont été blessées, parfois très
gravement lors du passage de la frontière, parfois accueillies,
mais aussi parfois refusées, dans des hôpitaux français et ita-
liens.
Ce ne sont que quelques traits du visage inhumain de ce que
l’État appelle la « gestion migratoire ». Et un rappel pour nous
souvenir des valeurs essentielles comme la liberté, l'égalité et
la fraternité qui devraient nous conduire à nous intéresser à ce
qui pousse réellement des populations entières à risquer leur
vie pour venir connaitre ce qui fait notre quotidien.
Norbert Lecolvert. Source: Association pour la Démocratie à Nice
JOURNAL DE N’IMPORTE QUI
A l’ami Gérard,
La Marmotte a le cœur lourd d’un ami qu’est parti.
Gégé, Vieux-Niçois et amoureux de la Roya, on le ren-
contrait souvent, nombreux d’entre vous le connaissent
sûrement, déambulant parmi nous, le regard doux, la
répartie féroce et sa collection d’appareils photo pen-
dant au cou.
Toute sa vie, Gégé a été militant, Gégé poing levé
contre la précarité, les potes à ses côtés dans les gran-
des assemblées, la langue affûtée, l’humour cinglant et
la ténacité. Il leur faisait peur, Gégé, aux avocats du
malheur. Les années passant, le domaine de la lutte va
rapprochant : accueillir chez lui, sans cesse, un moulin
de cultures, défendre des droits malmenés, écorchés,
écouter chacun avec une patience sans fond. Et aussi,
il aimait… dessiner, peindre, étudier l’art et son histoi-
re, et photographier. Photographier la fête en son
cœur battant, crépiter avec les étincelles de la vie
niçoise, festive ou carnavalesque. Contempler, derriè-
re l’objectif, le réel se fissurer par l’entrechoc des
mondes de ces fêtards colorés et éclatants. Devant son
objectif, nous étions tous poètes et follement vivants.
Longue paix à l'âme de Gégé, qu'elle continue à nous
faire rire et nous regarder silencieusement, sans juge-
ment.
E viva lou pantai !
Page 13
 PAROLES DES MONTAGNES
Qu’est-ce la montagne pour vous? Ce mois-ci, nous inaugurons cette nouvelle rubrique, ouverte à tous les
amoureux de la montagne, à celles et ceux qui aiment arpenter ses sentiers ou « simplement » l’habiter.
Une montagne magnifique, mystérieuse, rude, vivante et vivifiante, lieu de vie, de souvenirs et d’avenir.
A vos plumes !
Par les soirs bleus d'été j'irai sur les sentiers (ou pas)
« Mais qu’est-ce que tu vas faire tout seul là-
haut, tu n’as pas peur ? » Lorsqu’on aime partir
marcher seul en montagne et qu’on ne dédaigne pas le hors-
sentier, ce genre de questions est extrêmement récurrent.
Elles peuvent être posées par des amis, une voisine de bus
pas trop incommodée par l’odeur laissée par cinq jours de
marche, la famille qui trouve facilement matière à s’inquiéter.
Les réponses tombent souvent à côté, leur longueur dépend
alors principalement du respect qu’on a pour son interlocu-
teur.
Vues de loin, toutes les activités se ressemblent. On peut être
également surpris de voir des gens passer des heures à taper
sur des balles avec leurs mains, leurs pieds ou des raquettes
aux formes variées. Les particularités de la montagne ne sont
souvent pas mieux appréciées, à un détail près : contraire-
ment aux balles, elle n’a pas été conçue pour nous, ce qui gé-
nère de nombreuses inquiétudes, voire même des angoisses.
C’est même précisément cela qui la rend si attirante. Sa masse
et ses formes impressionnent, on ne peut pas la parcourir dis-
traitement sans la regarder comme on peut se promener dans
les rues d’une grande ville la tête dans ses pensées. Qu’on s’y
sente à l’aise ou non, elle ne laisse pas indifférent. On sait
qu’on ne pourra jamais l’apprivoiser tout à fait, elle est trop ne regarder que les pierres sur lesquelles on va s’appuyer qui
grande, on a toujours tout à y apprendre. Elle était là bien deviendront alors la seule réalité pertinente pour ne pas déra-
avant nous et le sera probablement après, ce qu’on y dé- per, la capacité à rationaliser nos peurs (afin d’éviter la pa-
couvre semble éternel et l’est souvent à notre échelle. Cela nique qui peut à elle seule créer le danger), sa propre forme
rajoute encore au respect. et ses aptitudes, ce qu’on veut vraiment (il n’est pas recom-
La montagne nous remet souvent à notre place : on peut pas- mandé de s’engager dans un passage très aérien quand on n’y
ser des heures à rêver de sommets aux pointes acérées et, tient pas plus que ça). Et évidemment, tout cela en adéquation
une fois en face, de leurs parois, décider que… heum… euh… avec le terrain, ce qui suppose également la capacité de le
en fait, on va aller ailleurs ! Un jour, dans des dispositions regarder suffisamment en détail. En plus d’être intangibles,
d’esprit radicalement différentes, on pourra repasser devant toutes ces aptitudes peuvent varier considérablement d’un
les mêmes parois, envisager sereinement les passages pos- mois à l’autre chez un même individu !
sibles, s’y sentir bien d’avance et y aller alors qu’on avait pré- Les motifs peuvent être également vitaux. La concentration
vu tout autre chose. Dans les deux cas, ce n’est pas à un juge- totale que demandent certains passages impose une distance
ment qu’on obéit, mais davantage à une injonction forte, bien instantanée avec tout ce qu’on a pu amener avec soi dans le
que dictée par des dispositions intimes, qui elles restent sou- creux de sa tête. Une fois ce vide fait, on gagne une liberté
vent cachées. On apprend à se fier à cet instinct, à le recon- précieuse et parfois nécessaire. L’exercice de toutes ces apti-
naitre au milieu d’un bordel de pensées devenant rapidement tudes se retrouve également lorsqu’on s’oriente dans sa vie, le
chaotiques lorsque l’on doute. contact avec la roche crée un lien intime avec cette montagne
En supposant d’avance qu’un passage exposé peut être em- qu’on veut connaitre… On se vide et on se remplit, tout cela
prunté, on comprend pourquoi cela passe par l’instinct, en soigne et enrichit. Et en parlant de soins, ne pas oublier les
regardant les dispositions qu’il faudrait peser pour se décider cueillettes (un brin sur quatre, il faut penser à l’année pro-
rationnellement : la capacité de concentration pour se limiter à chaine) - la fête aussi, c’est important !
Bout de Ficelle

COURRIER DES LECTEURS

Quelques extraits des courriers que nous avons reçus - Merci!
La Roya, emblème de la pratique inverse :
J’ai lu dans Nice Matin du 1er janvier 2017 un article qui décrivait
les problèmes de la Roya, notamment les questions des trains, des
migrants et du tunnel de Tende. Outre le fait qu’il est toujours
agréable de constater que parfois la presse de la Côte d’Azur
évoque notre douce vallée en des termes aussi compréhensifs,
cette phrase, « la taille de la Roya est inversement proportionnelle
à l’importance des problèmes rencontrés » m’a interpellée pour
me ramener à ce constat : la vallée de la Roya est emblématique
de la pratique de l’inverse de ce qui est prôné par tous les sché-
mas de développement durable.
Dans la Roya, les fonds publics sont majoritairement investis sur le
projet du double tunnel routier de Tende, qui augmentera la pol-
lution, ceci au détriment du transport collectif ferroviaire existant,
qui, lui, est conforme à la politique de report modal de la route
vers le rail préconisée par les récents schémas d’infrastructures de
transport. Et ce n’est qu’un exemple. Bientôt, on nous proposera
de marcher sur la tête ?
Il faut aussi se rappeler du SCOT, préconisant le développement
immobilier pour accueillir les travailleurs monégasques (et les

Page 14 La Marmotte déroutée

 Courrier des lecteurs (suite)
royasques?), tout en divisant la vallée en deux zones distinctes venus en nombre pour exprimer leurs attentes vis-à-vis de l'organi-
Nord et Sud, et abandonnant les transports publics en amont de sation et l'aménagement du territoire? L'avenir nous le dira. D'ail-
Breil. Les envoyés de la CARF présents lors de la réunion publique leurs, maintenant, c'est aussi la gestion de l'eau, cette richesse
ont découvert ce jour-là qu'il y avait déjà des habitants dans la vitale, inestimable, qui nous échappe en étant transférée à la
Roya, ayant besoin du train, d'écoles, de services postaux, de lits CARF... Prenez garde à la loi NOTRE, car si on la laisse s’appliquer,
d'hôpitaux... Ont-ils transmis le message des habitants qui sont plus rien ne sera notre...
Suite à notre numéro sur le rêve (nº14) :
Suis-je en rêve errance devant de morbides attaches ou bien en rêve élévation vers l’insaisissable vérité ... ?

Est-il possible d’exister sans rêver... ? L’existence pourrait bien être
le propre du rêve !
Suis-je en train de rêver, ou bien suis-je rêvé… ? En même temps
que révélé. Rêver… C’est quoi ?
Rêver, c’est peut-être imaginer des situations, des scénarios qui
pourraient permettre au rêveur de faire s’emboiter les différentes
pièces d’un drôle et singulier puzzle.
Un puzzle, un casse-tête du monde personnel dans lequel il se dé-
bat.
Mais le rêveur ne serait-il pas l’expression d’un rêve qui le dépasse
tout en l’englobant ?
Accordons-nous à voir l’existence comme un cadeau, un présent,
une invitation à explorer un champ d’expériences infini.
Ce champ d’expériences semble pourtant conditionné à la repré-
sentation du monde que le protagoniste principal de ce jeu s’en fait.
En d’autres termes, le fameux présent pourrait être vu comme l’es-
pace dans lequel émergent des idées, des images, issues de souve-
nirs, d’associations, de comparaisons, de phantasmes, de peurs et
de désirs…
…Comme la scène sur laquelle se déroule ce rêve (soit disant éveil-
lé), ce drama dans lequel ce sentiment d’être incomplet provoque
la recherche d’une résolution de ce trouble, de ce qui semblerait
faire indubitablement défaut.
Le présent est aussi un inestimable Présent. Il est l’unique opportu-
nité de Voir le fonctionnement, le jeu de ce rêve.
Ce rêve qui invite au déploiement, à la mise en forme de cette po-
tentialité infinie qu’est la Vie, entrainant mystérieux rouages et ex-
ploration de causes et d’effets.
Le rêve révèle l’importance accordée au désir, qui lui-même est à
l’origine du rêve. Il justifie cette cause par l’expérience qui en dé-
coule et qui en est le produit conditionné.
L’individualité est l’expression d’un rêve merveilleux qui, confessant
le paradoxe de l’existence indivisée dans un monde de dualité offre
en même temps une sensation de toute puissance et le sentiment de
ne jamais être à sa place.
Se pourrait-il, qu’à partir des sensations éprouvées au cours des
nombreuses expériences d’une existence vécue dans le sentiment
de séparation, la souffrance, inhérente au sentiment d’être incom-
plet, attise l’aspiration à voir sans faux semblant.
Cette aspiration à voir serait sans doute un nouvel élément du rêve.
Une nouvelle forme que prendrait le désir à l’origine de la création
du monde… et du rêve.
Cet intérêt pour la vérité mobiliserait l’attention sur ce qui est. Non
pas sur une vérité qui pourrait être définie, saisie, commentée, mais
sur un mouvement, une danse qui se dévoilerait à elle-même en tant
qu’expression libre de toute expectative.
Alors, comment taire le commentaire ? Comment vivre la Vie ? La
Vie répond : en laissant la Vie se vivre.
Ce regard s’éclairant lui-même, abandonnant la tiédeur d’un som-
meil mouvementé, n’admettrait plus dès lors la complaisance face à
ces doux leurres qui tentent de rassurer le voyageur solitaire con-
fronté à la vertigineuse et insaisissable vérité.
Si elle se présente à lui, la lumière, dont il est une manifestation,
suffirait à ce que l’esprit, ravi par tant de duperies, ne trouve plus
de prises et s’autorise, pourquoi pas, à un réveil s’accompagnant
d’une joyeuse détente.
Rêver, pourrait bien être l’exploration d’un chemin jalonné de phé-
noménaux mirages, qui mène inexorablement vers un réveil sur
l’ineffable mystère de la joie d’Être.

PAROLE AUX USAGERS DU TRAIN

A l’occasion du numéro 11, la Marmotte a enquêté auprès
de des usagers de notre ligne de train Nice-Vintimille-
Cuneo (35 personnes de tout âge). Suite des réponses aux 10
questions posées.
Ce mois-ci, nous nous penchons sur la question de la mobilisa-
tion autour du maintien de notre ligne de train. A la question
« Pensez-vous qu'il faut se mobiliser pour défendre cette
ligne» ?, ce qui ressort, c’est un OUI massif et franc, accom-
pagné d’arguments: « Oui en effet, pour faire vivre la vallée et
encourager les gens à y aller travailler », travailler dans la vallée
en vivant sur la Côte, ou l’inverse. Avec le train, on respire,
cela devient envisageable. Se mobiliser est nécessaire, nous
sommes nombreux à en être conscients, mais que faire ?
A notre question « Avez-vous déjà agi pour la défendre ? Si
oui, comment ? », un tiers des répondants disent n’avoir jamais
participé à la mobilisation. Les autres ont trouvé des moyens
de faire entendre leurs voix, en participant aux manifestations,
aux réunions, en signant des pétitions, « en continuant à pren-
dre le train le plus souvent possible », ou encore « en remplissant
des questionnaires SNCF » (ne négligeons aucune ac-
tion possible !). Pour suivre sur les actualités, mais aussi les
actions possibles contactez le Comité franco-italien pour la dé-
fense et le développement de la ligne Cuneo-Nizza-Unisce
(nice-cuneo-ventimiglia.blogspot.fr, Facebook: La Cuneo-Nizza
Unisce, ou sauvons-la-roya.fr).
LR et Gelsomina (questionnaire)

ACTU TRAIN : Depuis le 1er janvier, si vous êtes abonné annuel ou mensuel TER, vous pouvez voyager à bord
des trains Thello sur certains trajets de la Côte d’Azur, moyennant un supplément de 3€/mois. Ouf !
Les travaux paraissent bien avancer entre Breil et Fontan. Mais hélas, les fonds débloqués par l'Italie (29 millions d'euros) ne
suffiront pas à faire monter la vitesse des trains au-delà de 40 km/h. Pour aller plus loin, la France doit mettre la main à la po-
che. Un État qui débloque 1,5 million journalier pour "sécuriser" la frontière devrait bien trouver quelques dizaines de millions
pour pérenniser une circulation à 80km/h - ou du moins à 60km/h - sur notre magnifique ligne ferroviaire.
Pour ce qui est des bus de remplacement, la qualité du service dissuade d'utiliser les transports en commun
(correspondances non respectées, très nombreuses suppressions de bus sans avertissement, quasiment aucune information
fiable sur les horaires...). La SNCF saboterait-elle son propre service pour préparer la privatisation totale des transports pu-
blics ?

Février 2018, nº14 Page 15

 ACTUALITÉS
Roya-Vermanagna :
unies face au doublement du TUNNEL DE TENDE
La saison 3 de la série « le double-
ment du tunnel de Tende aura-t-il
lieu ?» vient de commencer. On ne va
pas vous raconter la fin de l’histoire
pour ne pas vous gâcher le suspens,
mais le scénario nous semble intéres-
sant. Rappel des épisodes précédents : dans le but de
faire transiter des poids lourds (PL) au travers de la
sauvage et naturelle vallée de la Roya, les autorités
(italienne et française) décidèrent d’agrandir (plus
haut, plus large) le passage reliant les deux États - le
célébré « tunnel de Tende », en le doublant, prétex-
tant, entre autres, le besoin d’améliorer sa sécurité.
Dans la saison 1, on constate que les riverains du
projet n’entendent pas se laisser faire, mais les tra-
vaux semblent avancer malgré la vive contestation
des habitants. Oui mais voilà, dans la saison 2
(scandale XXL), nous apprenions que les travaux de
doublement étaient faits de bric et de broc, qu’ils
fragilisaient potentiellement l’ancien passage, ce qui
réconfortait très peu sur le niveau de sécurité attendu,
notamment puisqu’une partie des matériaux devant
être utilisés pour la construction du nouveau tube
avaient été volés par ceux qui étaient chargés des
travaux. Face à la destruction annoncée de la vallée de
ÉVÈNEMENTS EN ROYA-BEVERA
02 février à 19h, à Breil (A Ca de Brei) : Université
populaire de la Roya : Qu'es-ce qu'une révolution ? Du
cas de 1917 en URSS à Mai 1968 en France. Repas
partagé.
03 février, dès 14h à Breil-sur-Roya (place Brançion -
Ca d'Breil) : 3e Souperrr Fest'hiver, Fête de la Soupe
(à 9h, atelier langue des signes à la bibliothèque ; à
14h30, grande soupe collective ; à 15h30 et 16h30, atelier
marionnettes ; à 17h30 apéro et baleti ; à 18h30, grand
concours de soupe ; à 20h, soupe prix libre ; à 21h, la
détonante fanfare Ponney Pompier Club de Marseille.
14 février à 13h30 à Nice : mobilisation en soutien de
Martine Landry, membre de Amnesty international,
poursuivie pour avoir accompagné (à pieds!) deux
mineurs de la frontière italienne aux bureaux de la PAF
de Menton-Garavan.
16 février à 18h30 à Breil (Ca d' Breil): réunion publique,
à l'invitation de Roya citoyenne et de la Fondation de
France, en vue d'un projet artistique
(www.fondationdefrance.org/fr/nouveaux-
commanditaires)
20 février : La Loi Collomb sur la gestion migratoire
passe devant le Sénat.
02 mars à 19h, à Breil (A Ca de Brei) : Université
populaire de la Roya : Homosexualité et homophobie:
caractère sociologique, psychologique, historique.
Repas partagé.
L’association Uto’Pistes organise durant les prochaines
vacances des stages de 5 jours de cirque, théâtre et jeux
coopératifs, à la salle des fêtes de Saorge. Infos:
04.93.04.51.23.
Tous les samedi matin à Saorge : Atelier carnaval pour
petits et grands à l'école de Saorge, avec l'Association des
amis et parents d'élèves de Saorge
Page 16
la Roya, les habitants retrouvent l’espoir que le destin soit avec
eux… D’autant plus que les élus français des villages bordant la rou-
te d’accès au tunnel, bientôt rejoints par le conseil départemental du
06, barrent la route aux gros PL en limitant le passage aux moins
de 19 tonnes.
Dans la saison 3, nouveau décor. On introduit de nouveaux person-
nages : du côté du versant italien du projet, les Piémontais entrent en
scène. On s’y rend compte que la demande répétée de révision
du projet et de report du financement vers la voie ferrée, portée
pendant des années par les associations de la vallée de la Roya mais
aussi de la Vermenagna, est en train de faire son chemin dans
l'esprit des élus italiens. Le scandale XXL (saison 2) des détourne-
ments de matériaux par l'entreprise chargée de construction y est
pour beaucoup, ainsi que la décision d'interdiction des poids lourds
des maires de la vallée. Les responsables de la région Piémont
sont en train de comprendre que le double tunnel devient inutile
(puisque les plus de 19 tonnes ne pourront plus passer) et qu'un
projet revu à la baisse permettrait de financer la rénovation de
ligne de chemin de fer ! D’autant plus que l’entreprise accusée de
détournement de matériel, GL Fincosit, se porte mal. Au Danemark,
son chantier de construction d’un pont à 277 millions d’euros a été
suspendu. Actuellement, il n’y aurait plus que 23 ouvriers présents
sur le chantier, et l’ANAS, l’entreprise publique italienne pilotant
le projet, envisage de résilier le contrat de Fincosit. À suivre,
dans les prochains épisodes, l’entrée en action des élus de nos va-
llées pour appuyer les revendications des Piémontais ? (sources :
sauvons-la-roya.fr, Marmotte n° 9, presse italienne, notamment La
Stampa, Roya Expansion Nature)
Jidé
Eco-vallée Plaine du Var : nouvelle déconve-
nue pour l’Opération d’intérêt national (OIN) !
Nouvelle victoire pour le Collectif associatif des réalisations écologi-
ques (CAPRE 06) qui se bat pour la préservation des terres agricoles,
de la biodiversité et du cadre de vie des
habitants de la plaine du Var, menacés par
un projet d'urbanisation de 10 000 hectares.
C'est, entre autres, l'absence d'étude d'inci-
dences Natura 2000 qui a permis au tribunal
administratif de Nice d’annuler le 10 janvier
dernier l’arrêté préfectoral autorisant le
transfert du marché d’intérêt national (MIN)
de Nice, situé actuellement face à l’aéroport,
vers le lieu-dit de « La Baronne » (La Gaude).
Le CREAT (Centre de recherches économi-
ques et d’actions techniques de la Chambre d’agriculture), bâtiment
« éco-conçu » datant des années 1990, devait, entre autres, être dé-
truit dans le cadre du transfert du MIN. La préfecture fera certaine-
ment appel. La vigilance est de mise. Plus d’information sur
www.capre06.eu et www.ressourcesmagazine.fr. Jidé
La Marmotte déroutée
Nous cherchons toujours des illustrateurs-dessinateurs, des traducteurs du
français en italien et de nouveaux points de diffusion. Et bien sûr,
continuez à nous faire parvenir vos idées, vos réactions et réflexions, que
nous ne manquerons pas de publier dans la rubrique « Courriers des
lecteurs ». Cette vallée est la nôtre, ce journal aussi!
contact@la-marmotte-deroutee.fr
Tél. 07 68 05 65 34
www.la-marmotte-deroutee.fr
La Marmotte déroutée - Février 2018, nº14