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1. Introduction
La RN1 ou route littorale, entre Saint-Denis et le port de la Possession (fig. 1), est construite
au pied de falaises qui peuvent atteindre une hauteur de 120 à 200 m. Constituées de
coulées de basaltes séparées par des scories avec quelques paléosols, ces falaises sont le
siège de fréquentes chutes de blocs dont la masse varie de 10 kilogrammes à 10 tonnes,
d’éboulements en masse, voire de glissements plan.
RN1
La Possession
La sécurité courante est assurée par les mesures suivantes : basculement du trafic côté
mer quand pluie dépasse le seuil de 15 mm et pose de filets pendus sur certains secteurs. Si
la pose de ces filets, actuellement en cours, se révèlera efficace dans la prévention contre
les chutes de blocs, elle ne pourra prétendre résoudre le problème des éboulements
volumineux. En effet les chutes de masses de quelques centaines de mètres-cubes à
plusieurs milliers de mètres-cubes, non susceptibles d’être guidées par les filets, bien que
peu fréquentes, concernent la totalité de l’itinéraire et se trouvent à l‘origine d’une étude des
risques d’effondrements en grandes masses commandée par la DDE de la Réunion.
Les études menées jusqu’alors ont concerné le risque lié aux chutes de blocs (Pauly,
2003 et Pauly, Maurin, 2004 ) et l’évaluation, en termes de propagation, de l’influence de
grands éboulements sur la route de manière à quantifier la marge de reculement vers l’océan
pour mettre la chaussée hors d’atteinte (Rochet , Pauly, 2004 ).
L’identification puis la hiérarchisation des zones de départ potentiel sur l’ensemble de
l’itinéraire côtier, de Saint-Denis à La Possession, constitue le premier objectif du travail
confié au Centre d’Études Techniques de l’Équipement (CETE) de Lyon et effectué en
collaboration avec le CETE Méditerranée, sous l’égide du Laboratoire Central des Ponts et
Chaussées (LCPC). Le second objectif consistera à formuler des propositions relatives aux
techniques d’instrumentation des falaises rocheuses, en environnement agressif, afin de
mettre sur pied un programme expérimental d’étude de la dynamique et de la cinématique
des mouvements avant éboulement.
2. La méthodologie adoptée
Les principes de base de la méthodologie adoptée pour cette étude se sont appuyés sur une
recherche bibliographique, un examen systématique des photos aériennes à axe vertical,
oblique ou horizontal, sur des prises de vue de détail par hélicoptère et sur des visites de
terrain.
Les photographies aériennes, plus particulièrement les couples stéréoscopiques,
constituent un excellent outil de reconnaissance des événements anciens mais aussi des
zones potentiellement instables et caractérisées par des traits lithologiques et structuraux
particuliers. L’analyse de ces documents a fournit une vision de la lithologie et de la structure
des falaises ainsi que de l’évolution de leur morphologie avec le temps. Le croisement des
informations a permis d’accéder à la compréhension des liens entre lithologie, structure et
évolution morphologique, donc d’identifier des zones susceptibles d’évoluer
défavorablement.
.
Dans le cadre de cette étude ont été consultés les documents disponibles à la DDE 974, les
rapports du BRGM de 1969 à 2005 et les rapports du CETE Méditerranée de 1998 à 2004.
3.1.1 La lithologie
La falaise est constituée d’une succession de coulées basaltiques massives et de lits de
scories, scindées en trois unités:
l’unité inférieure, âgée d’environ 2Ma, qui comprend un empilement de coulées massives,
d’épaisseur métrique à plurimétrique, séparées par des lits de scories et recoupées par des
dykes très fréquents aux deux extrémité du linéaire étudié ;
l’unité intermédiaire, principalement détritique, est faite de lits de conglomérats épais, gros
pourvoyeurs de blocs isolés, en comblement des creux topographiques. Son âge est estimé
à 1,07 Ma à la ravine à Jacques;
l’unité supérieure, légèrement plus récente (1,02 Ma à la ravine à Malheur) est composée
d’une succession de coulées massives de puissance décamétrique et individualisées par des
horizons scoriacés.
3.1.2 La structure
Les données concernant la fracturation se résument à l’évocation des fractures de
décompression, du débit en prismes des coulées basaltiques et de la présence de nombreux
dykes. Aucune information relative à d’éventuels réseaux de fractures de type diaclases n’est
disponible.
3.1.3 La géomorphologie
Globalement, l’existence d’une falaise, haute de 120 à 200m sur près de 13 km de longueur,
traduit une prédominance de l’érosion marine sur cette partie de l’île. Son profil est très
variable et résulte de la conjugaison de plusieurs phénomènes :
le travail de sape de l’océan conduisant à des parois très verticales en pied de versant
avec parfois un cône de matériaux à la base ;
l’érosion forte des thalwegs qui recoupent plus ou moins profondément les fronts de
falaise avec des accumulations de matériaux au droit des débouchés vers la mer;
l’évolution propre des fronts, par sous-cavage des niveaux scoriacés et mise en surplomb
des coulées basaltiques, finit par provoquer des écroulements de pans de falaise après des
régressions successives.
Depuis 2 Ma, les phénomènes d’érosion ont pris le pas sur l’activité émissive. On en voit le
résultat sur les 12 km de côte. La présence de caps est due à des différences de résistance
(donc de nature) des matériaux (fig. 2).
Fractures obliques
Une douzaine d’éboulements mettant en jeu des masses de 250 à 200 000 m3 ont été
recensés depuis 1960. Outre l’événement exceptionnel de 1961 (200 000 m3) et la coulée
consécutive au cyclone Clothilda de 1981, les plus importants d’entre eux concernent des
volumes de 1000 à 35 000 m3 qui se sont produits de 1980 à 1993 entre les points
kilométriques 2,1 et 5,1.
4. La photo-interprétation
Les objectifs assignés à l’examen des photographies aériennes sont, d’une part la
détermination du schéma structural de la falaise et du plateau situé directement à l’arrière de
celle-ci, d’autre part la détection des événements passés.
Les documents utilisés dans le cadre de cette étude se rapportent à quatre missions IGN de
et cinq missions spéciales de 1955, 1980, 1996 et 1997 à axes horizontaux, obliques ou
verticaux aux échelles variant de 1/600 à 1/ 3 000 ;
S’ajoutent à ces documents deux séries de photographies prises d’hélicoptère lors des
missions de 2005. Au total plus de 2000 photographies ont été examinées.
Le rôle du champ de fractures et des dykes dans le régime hydraulique du massif situé à
l’arrière des falaises est supposé déterminant dans la dynamique des effondrements. A ce
titre ces discontinuités, sensées servir de drains pour les aquifères ou d’écrans
imperméables, ont fait l’objet d’une analyse fine et d’un report détaillé de ces structures.
Figure 4. Schéma structural du secteur est (d’après mission IGN de 1997 à 1/30 000).
A partir de la ravine de la petite Chaloupe (PK 9,6) jusqu’à l’extrémité ouest de la falaise,
les discontinuités décrites précédemment sont largement représentées.
Entre la ravine de la petite Chaloupe et la ravine à Malheur apparaît une seconde zone
désorganisée, aux caractéristiques structurales identiques à la précédente.
À l’ouest de la ravine à Malheur, une troisième zone est en voie de désorganisation sur un
réseau de fractures N 160 et N 20-30.
Les discontinuités N 20-30 sont difficilement attribuables à des fractures de
décompression du massif car leur direction est trop oblique par rapport à celle de la falaise.
Associées aux discontinuités N 100-110, elles seraient plutôt assimilées à un jeu de
diaclases conjuguées, générées par la poussée verticale du magma, accompagnant les
phases émissives, qu’à des fractures de retrait, contemporaines du refroidissement des
coulées. Le tracé, en baïonnettes, du lit des ravines est fortement influencé par ces deux
directions.
Les dykes, très fréquents du PK 2 au Pk 5 et du PK 10,8 au PK 12,5 (Cruchet M.,
Normand M., 2005) présentent des directions en éventail, N 0 à l’est et N 140 à l’ouest,
centrées sur le cirque de Salazie et probablement associées, comme les discontinuités N.20-
30 et N 100-110, au fonctionnement ancien du volcan.
Zone en voie de
déstructuration
Zone déstructurée
Zone déstructurée
Figure 5. Schéma structural du secteur ouest (d’après mission IGN de 1997 à 1/30 000)
Figure 6. Vue de l’éboulement de mars 1991 (PK 2,6 à 2,9). Noter la présence de dykes
associés à des zones altérées et humides. Photos à axe horizontal de 1996.
6 Conclusions
Le schéma structural, plus complexe que ne l’indiquaient les études antérieures, intervient
largement dans le contrôle des désordres en falaise. Dans certains secteurs le rôle des
dykes semble en particulier déterminant dans la genèse de ces désordres. Dans l’ensemble
l’évolution progressive, de l’est vers l’ouest, du niveau de désorganisation de la falaise est
remarquable. Deux vastes zones déstructurées et une troisième en voie de déstructuration
ainsi qu’une trentaine de secteurs potentiellement instables qu’il convient d’examiner en
détail ont été identifiés.
7. Références bibliographiques