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frontispice de la Turba, in Artis Auriferae quam chemiam vocant, antiquissimi authores, sive Turba
philosophorum. in-8° Basileae: apud Petrum Pernam 1572, p. 16
- [chaux métallique] - stella - flos - stibine - Sol - Luna - Taurus [Rebis]
- arc - Arès, Mars, vitriol - safran d'alun [chaux de la terre fixe de l'alun] - alkali fixe
- adversus- luna descrecens [in aurorae tempore] - Sol Ares - luna veneris - Sal
Amon - stella cum cruce - [chaux mercurielle] - aurea stibi - antimonium
Introduction : La Tourbe des philosophes [Turba philosophorum] est un traité arabe du IXe siècle ;
on le sous-titre l'assemblée des disciples de Pythagoras, appelée code de vérité. Il
apparaît dans plusieurs des collections alchimiques :
1)- Bibliothèque des Philosophes Chymiques, vol. II, pp. 1-56 [publié par G.
Salmon] dans une traduction arrangée et souvent fort éloignée de « l'original » ;
2)- Theatrum Chemicum, [Zetzner] vol. V
1. Turba Philosophorum. p. 1.
2. In turbam Philosophorum Sermo unus anonymi. p. 52.
3. Allegoria Sapientum, & Distinctiones XXIX. supra librum Turbæ. p. 57.
3)- Bibliotheca Chemica curiosa [Mangetus], vol. I
22. Turba Philosophorum ex antiquo Manuscripto Codice excerpta, qualis nulla
hactenus visa fuerat editio, p. 445.
23. In Turbam Philosophorum Sermo unus Anonymi, p. 465.
24. Allegoriæ Sapientum supra Librum Turbæ Philosophorum XXIX Distinctiones, p.
467.
25. Turbæ Philosophorum aliud exemplar, p. 480.
26. Allegoriæ super librum Turbæ, p. 494.
27. Ænygma ex visione Arislei Philosophi & Allegoriis Sapientum, p. 495.
28. Exercitationes in turbam Philosophorum, p. 497.
4)- Artis Auriferae, vol. I
2. Turba Philosophorum, p. 1.
3. Turbae Pliilosophorum alterum Exemplar, p. 43
4. Allegoriae super librum Turbae, p. 89.
5. Aenigmata ex Visione Arislei, p. 94. & Exercitationes in Turbam, p. 99.
5)- Divers Traitez de la Philosophie naturelle
1. la Turbe des Philosophes, p.1-97
E. Canseliet donne une autre référence dans l'Oeuvre alchimique [in : Etudes de symbolisme alchimique, Pauvert,
1964 : La turbe des Philosophes qui est appelé [sic] le code de Vérité en l'Art. Dans Trois Traitez de la Philosophie naturelle, non
encore imprimez. Paris, Iean Sara, 1618]. On trouve également ce renseignement sur le site The alchemic web
site : 2048. Paris, Bibliothèque Nationale MS. Français 2011. Paper. 17th Century. 2. Le Livre de la tourbe des philosophes qui est
appellé le Code de verité en l'art d'alkymie. [Turba Philosophorum]
Qui donc est l'auteur de la turba ? Eugène Chevreul nous dit dans sa critique de Cambriel :
"Du XIe au XIIIe siècle on peut citer comme alchimistes, chez les Grecs byzantins, Psellus, Blemmidas et Théotonicus. On croit
que Aristaeus, auteur d'un écrit alchimique, intitulé Turba philosophorum, et Rossinus, auteur de deux lettres alchimiques, vivaient à
cette époque."
« Prenez du vif-argent, coagulez-le avec le corps de la magnésie, ou avec du kuhul (lire kohol, ou sulfure d'antimoine), ou avec du
soufre non combustible, rendez-le tout blanc. Si vous projetez cela sur le cuivre, le cuivre blanchira »
« Prenez de l'Eau Vive et la congelez en son Corps et en son Soufre qui ne brûle point et faites nature blanche et ainsi tout deviendra
blanc.»
« Confisez (ce corps), traduit W. Salmon, en Urine d'enfant et en Eau de Mer, et en Eau nette et permanente » [le traducteur précise en
note : " Ces trois termes signifient la même chose, le Mercure des Philosophes "], avant qu'il soit teint, et le cuisez à petit feu jusqu'à ce
que la noirceur apparaisse: car lors il est certain que le Corps est dissous et pourri. Et puis, cuisez-le avec humeur jusqu'à ce qu'il vête
une robe rouge, et toujours cuisez plus jusqu'à ce que vous y voyez la couleur serpentine que vous demandez.»
Il ne peut être question de pierre philosophale dans l'Assemblée des Savants, pour la raison
que ce texte vient directement des alchimistes alexandrins qui ignorèrent tout du
mystérieux agent. Il existe de la Turba au moins trois versions latines, identiques dans
le fond, mais assez différentes de forme pour interdire de simples variantes de
copistes : il faut y voir des traductions différentes d'un même texte arabe, lui-même
traduit du grec, peut-être via un intermédiaire syriaque. L'intérêt de cet ouvrage
paraît ainsi très grand. Les alchimistes latins ne connurent l'héritage des alchimistes
alexandrins qu'à travers ses sentences.
« Un devient deux, et deux devient trois et au moyen du troisième, le quatrième accomplit l'unité. Ainsi deux ne font plus qu'un. »
Révérée par tous, abondamment citée, l'Assemblée des Savants influença fortement l'alchimie latine, mais
son obscurité engagea les lecteurs dans des spéculations insensées. Elle se proposait pourtant
d'élucider les énigmes des vieux philosophes rassemblés en séminaire pour confronter leurs opinions. La
séance inaugurale fait penser au Traité du Secret de la Création des Êtres: les philosophes discutent du
système du monde ; Anaximandre et Anaxagore exposent la théorie de base: celle des Eléments, des
Qualités et de leurs relations réciproques. Puis Pythagore aborde la description explicative de la
création du monde en se référant aux quatre Eléments. Les anges furent créés de feu ; le Soleil, la
Lune et les Etoiles, de feu et d'air ; le Ciel, d'eau et d'air. Il a fallu trois Eléments pour les êtres
animés : air, eau et terre. Seul, l'homme exigea la totalité des Quatre Eléments. Il est intéressant de
voir ramener à une sorte de théorie unitaire l'origine des trois règnes et même celle des anges. Toute
l'évolution du monde s'explique en termes de conjonction et de dissociation. Les philosophes assemblés
recherchent alors les conséquences de leurs théories et en viennent au problème de la transmutation.
Parménidès le résume dans le vieil adage alexandrin :
« Sachez que les chaux sulfureuses, les aluns et le kohol (sulfure d'antimoine) ne sont rien d'autre que des eaux sulfureuses (l'eau divine
de l'Alexandrin).»
Les lecteurs qui ont lu les sections se rapportant aux matières ne seront pas étonnées
de cette sentence de Pythagoras qui ne déguise que peu la vérité, puisque les chaux
sulfureuses sont effectivement nécessaires à l'oeuvre, de même que les aluns ; quant
à l'Eau divine de Zosime, nous avons vu dans la section sur la réincrudation, qu'elle
voilait probablement le secret de la voie humide. Puis le débat continue, animé,
chacun exposant à tour de rôle des recettes qui reposent toujours sur les
transformations des Qualités et des Eléments ; elles paraissent venir directement des
vieux auteurs alexandrins, car on les retrouve dans laCollection des Alchimistes grecs. Une fois
de plus, observons comment une traduction peut trahir totalement la pensée
originale. Dans la version non paragraphée de la Turba, Afflictès déclare:
« Sachez, Fils de Doctrine, que tout le travail de notre oeuvre n'est autre que mêler l'eau avec le corps de la magnésie, les enclore en
un vaisseau bien fermé que l'on chauffe jusqu'à ce que tout se liquéfie et se transforme en eau ».
« BONELLUS : Tous les Fils de Doctrine, ayant placé la magnésie dans un vaisseau approprié dont l'orifice a été soigneusement scellé et
qui cuit à feu doux jusqu'à ce que ce mélange se liquéfie, font ainsi que tout se transforme en liquide dans le vaisseau.»
Certes, ces expressions d'Homme rouge et de Femme blanche suscitent le rêve mieux
que les noms d'eau et de magnésie, mais ne confondons pas le rêve poétique avec
l'alchimie : la différence entre les deux s'avère grande. Au passage, on devine sous ces
noms d'Afllictès et de Bonnelius, les transcriptions déformées d'Apollonius et de
Belenous et le Traité du Secret de la Création des Etres de l'alchimie gréco-syriaque. Ajoutons
quelques détails : dans la Turba philosophorum se retrouve le nom de l'empereur Heraclius
sous la forme erronée de Hercules. A propos des noms des philosophes de la Turba : Les
noms et la tradition directe des Alchimistes grecs ne se retrouvent que peu ou point
chez les Alchimistes latins, lesquels se rattachent eux-mêmes directement aux
Arabes. Les noms de ces Grecs ne reparaissent pas d'une manière explicite et
détaillée avant le XVe siècle, époque où les manuscrits grecs se répandirent en
Occident. Il n'en est que plus intéressant de signaler les quelques réminiscences qui
s'y rapportent chez les Latins du Moyen Âge. Quant aux Arabes, on peut en signaler la
filiation immédiate avec les Grecs d'après le Kitab-al-Fihrist(z)
Dans la Bibliotheca Chemica de Manget, au tome Il, il existe des planches indiquant la figure
des divers philosophes alchimiques, d'après la tradition du Moyen Âge : chaque figure
est accompagnée par une sentence, à peu près comme dans la Turba philosophorum. On
peut y relever les noms suivants : Hermès, Cléopâtre, reine d'Égypte, Anaxagore,
Zamolxis, Michel Psellus, Marie l'Hébreuse, Démocrite le Grec, Pythagore, Platon,
Hercule (c'est-à-dire Héraclius), roi sage et philosophe, Stephanus le philosophe
chimique, Albert le Grand, une multitude d'Arabes,etc. La Turba philosophorum relate de
même la plupart de ces noms, mais à ce qu'il semble, à travers une transmission
arabe. Ces planches appartiennent au Jardinet hermético - spagyrique de Stolcius von
Stolzenberg qui a paru dans une version en cent six puis cent soixante médaillons, cf. gravures.
Quel est l'avis des alchimistes modernes sur la Tourbe ? Fulcanelli cite la Turba dans
lesDemeures philosophales [DM], d'abord t. I, p. 438 :
"L'un des manuels alchimiques les plus réputés au Moyen Âge, le code de Vérité [...] contient une allégorie où plusieurs artistes [...]
jouent le drame chimique du Grand Oeuvre"
C'est bien notre avis ; on verra que, même au travers de cette traduction infidèle, on
perçoit instinctivement que certains artistes parlent du Mercure ou du Soufre.
Fulcanelli revient sur la Tourbe, dans les DM, II, p. 203 :
"La mère [...] est toujours plus pitoyable à l'enfant que l'enfant à sa mère."
"C'est alors qu'est produite cette cendre, à propos de laquelle Anaxagoras déclara admirativement, dans la Tourbe latine [...] : Ô
combien cette cendre est précieuse aux fils de la doctrine, et combien est précieux ce qui se fait d'elle !..."
Dans ses Deux Logis alchimiques [Pauvert, 1979], p. 202, E. Canseliet nous parle d'un autre
exemplaire de la Tourbe en citant :
"Il est évident que la Nature se réjouit de la Nature, et que la Nature maintient la Nature, et que la Nature vainc la Nature, et qu'elle
domine. Par cette sentence, tout l'Oeuvre est pénétré."
Comme L. Gérardin le dit plus haut, de nombreux pseudo philosophes sont conviés à
cette folle assemblée dont voici la liste, établie par John Ferguson [Bibliotheca chemica, t.
II] sur la base du texte de la BCC , T2 [ne disposant que de la T1 en français, nous avons
procédé à des interpolationsindispensables pour l'ordre de présentation des acteurs]
Cadmon, p. 489.
Cerus, p. 453.
Chambar, p. 486,
Constans, pp. 461, 491.
Cranses, p. 488.
Custos, pp. 454. 486.
Echamisius, p. 495,
Eelihe, p. 471.
Effistus, p. 457. Epistes, p. 488.
Emiganus, p. 493.
Exemiganus, p. 463.
Eximundus, p. 480,
Eximeslas Admiri filius, p. 495.
Exundrus, p. 446. II -
Geber, p. 472.
Gregorius, p. 453.
Hercules Rex [leg. Heraclius Rex Stephano Alexandrino] Stephano Alexandro: cum tempore nostro
Philosophorum caput sis, p. 472.
Hermes, pp. 445, 456, 460, 467, 470, 478, 480, 488. Philosophorum caput, p. 488.
Hermiganus, p. 463.
Horfolcos, pp. 459, 463.
Iximidrus, p. 445. I -
Ixundrus, p. 460.
Largus, p. 488.
Locustor, pp. 446, 481, VII -
Lucas, pp. 446, 449, 463, 481. VI - XII -
Obsemeganus, p. 491.
Orfulus, p. 493.
Rarson, p. 493.
Salomon, filius David, p. 472. in libris [LXX. | meis quos sum expositurus ibid. Quidam Sapiens, p. 473.
Socrates, pp. 450, 483. ad Platoneni, pp.473, XVI -
Stephaout, p. 472. vide supra, Hercules,
Stephani dicta, p. 479,
Ysimidrus, p. 490.
Ysindrus, p. 480.
On connaît deux versions complètes de la Turba, l'une en soixante douze chapitres et l'autre en
soixante dix huit chapitres. Il semble que la seconde soit un peu moins corrompue que la première [ voir
infra, par exemple, sur le mot gadenbe de la sentence XII]. Certains chapitres sont complètement incompréhensibles
dans la première version de la Turba, donnée dans la BCC. Aussi, avons-nous été obligés de traduire
certains passages d'après la seconde version.
Thèmes abordés dans les 72 sermones : I Feu - II Air - III ronde des éléments - IV oeuf cosmique -
V Aurore - VI quatre natures - VII sens et raison - VIII clef de l'oeuvre - IX airain - X Ethelia -
XI albedo, kuhul [ ] - XII cuisson du soufre, anima - XIII cendres, blancheur - XIV pourpre - kenkel
- XV albedo, rubeus - XVI
L'ASSEMBLÉE DES
PHILOSOPHES
Voici l'épître d'Arisleus qui, suivant le but de ce livre, s'adresse à ceux qui
viendront dans l'avenir pour les instruire par les paroles des Sages.
Discours premier
Et si l'eau ne nourrissait les airs par le moyen de son humeur ténue, à coup
sûr le soleil vaincrait les airs. Donc le feu dégage l'humeur de l'eau grâce à
laquelle l'air surmonte le feu lui-même. Par conséquent, le feu et l'eau sont
des ennemis entre lesquels il n'existe aucune possibilité de conjonction. Car
le feu est chaud et sec, tandis que l'eau est froide et humide. Mais l'air pour
être chaud et humide les conjoint naturellement et les met d'accord par
l'humidité de l'eau et par la chaleur du feu. Et ainsi il a été fait entre eux
comme une sorte de moyen de concordance féconde. Vous tous, considérez
que l'esprit fut fait de la subtile vapeur de l'air, d'autant plus que la chaleur
jointe à l'humeur fait sortir la subtile substance dont est issu le vent ; il ne peut
en être autrement que la chaleur du soleil, ayant extrait de l'air cette subtilité,
n'en fasse l'esprit et la vie dans toutes les créatures. [l'AIR est envisagé comme
médiateur entre l'EAU et le FEU ou comme substance moyenne. C'est une variation sur le
thème du mercurius considéré comme agent de liaison entre les deux extrémités du vaisseau
de nature que sont le soleil et la lune . On doit voir dans la croix le vecteur qui permet cette
union et surtout, cette intervention de l'AIR comme tiers agent ]
Tout ceci est par la disposition divine ; il en est de même pour les éclairs
provoqués par la chaleur du soleil sortant du nuage. L'éclair apparaît quand le
nuage se lève ».
L'assemblée dit : « Tu as bien traité du feu selon ce que tu sais et, par ton
discours, tu as ouvert ton âme à ton frère ».
Discours deuxième
Discours troisième
Discours quatrième
Pandolfus dit alors : « J'annonce à ceux qui viendront que l'air est le subtil de
l'eau et qu'il n'est pas séparé de celle-ci, que si la terre n'était pas sur l'eau
humide, il ne resterait pas » [l'AIR est ce milieu intermédiaire où FEU et EAU conjuguent
leurs effets en y laissant la TERRE suspendue et en circulation. Comprenez que la TERRE est
ce qui reste de l'EAU quand le FEU y a imprimé son effet ]. Ils répondirent : « Tu as bien
parlé. Va au bout de ton discours ». Et lui : « J'ajoute que l'air caché dans
l'eau qui est sous la terre supporte cette dernière afin qu'elle ne soit
submergée dans l'eau qui est dessous, et il empêche que la terre ne soit
humectée par l'eau. L'air, dis-je, est liant et apte à séparer les opposés, c'est-
à-dire l'eau et la terre, en fin d'amener entre les adversaires, eau et feu,
l'accord et de les séparer, pour qu'ils ne se détruisent pas mutuellement ».
[l'AIR sert d'intercesseur : c'est le Vicaire ainsi qu'il sera dit plus tard, cf. Clef VI des Douze Clefs
de Basile Valentin] L'assemblée demanda : « Si tu nous en donnais un exemple,
tu rendrais la chose évidente pour ceux qui ne sont pas éclairés ». Il répondit :
« Je le ferai volontiers. L'exemple est l'Suf, en qui quatre choses sont
conjointes; la coquille est la terre, le blanc est l'eau, la membrane très fine
contre la coquille sépare la terre de l'eau et le jaune de l'Suf est le feu. La
membrane qui enveloppe le jaune est l'air qui, ici, sépare l'eau du feu. L'un et
l'autre sont un seul et même air. L'air qui sépare l'un de l'autre les éléments
froids, c'est-à-dire la terre et l'eau, est plus condensé que l'air noble. L'air
noble, en effet, est plus raréfié et plus subtil, car il est plus proche du feu que
ne l'est l'air inférieur. Donc, dans l'Suf, on rencontre quatre éléments : la terre,
l'eau, l'air et le feu. En outre, de ces quatre, au milieu du jaune est le point du
soleil qui est le poulet. C'est pourquoi tous les philosophes en cet art suprême
utilisèrent l'exemple de l'Suf lorsqu'ils exposèrent leur Suvre ». [allégorie
classique correspondant à l'oeuf philosophal, reprise par John Dee dans sa Monade
Hiéroglyphique. La coquille de l'oeuf est faite de calcaire dans lequel il faut voir la mérelle de
Compostelle, qu'il faut lire par cabale l'étoile du compost. Le blanc est équivalent au Mercure,
c'est-à-dire au milieu nutritif de l'hermaphrodite ; il s'agit du jaune, partie centrale et point fixe,
qualifié de poulet d'Hermogène dans les textes]
Jaroa Griemiller z Tøebska, Rosarium Philosophorum, f. 75v, Prague, 1578
Discours cinquième
Arisleus dit: « Sachez que la terre est courbe, et non pas plane, ce qui fait que
le soleil ne s'élève pas au-dessus des degrés de la surface de la terre en une
heure. Car si la terre était plane, il monterait en un moment au-dessus de
toute la terre ». Parmenides dit : « Arisleus, tu as parlé bien brièvement ». Il
répondit: « Jamais le Maître ne nous a envoyés pour enseigner autre chose.
Je dis pourtant que Dieu est un, jamais il n'engendre, ni n'a été engendré, et
que le commencement de toutes choses après lui est la terre et le feu. Parce
que le feu est raréfié et léger, il gouverne toutes choses sur la terre ; et,
d'autre part, la terre, étant lourde et épaisse, porte toutes les choses qui sont
gouvernées par le feu ». [inengendré et n'engendrant pas, idée gnostique par excellence,
image de la permanence : c'est l' de la Chrysopée de Cléopâtre. Arisleus explique en
substance pourquoi l'aurore existe : la terre est courbe.]
Discours sixième
Lucas dit: « Vous ne traitez que de ces quatre natures, et je vois que chacun
de vous en a parlé. Je vous dis, moi, que toutes les choses que Dieu a créées
proviennent de ces quatre natures et que tout ce qui en est créé retournera à
ces mêmes natures. En elles, les créatures prennent naissance et meurent, le
tout suivant la prédestination de Dieu ». Democritus, disciple de Lucas, dit : «
Maître, tu as bien parlé en traitant des quatre natures ». Mais Arisleus dit : «
Democritus, tu as reçu la science de Lucas. Pour cette raison, tu ne devrais
pas anticiper sur les savantes paroles de ton maître. ». Lucas répondit: « Bien
que Democritus ait eu de moi la science des natures, il l'a eue de même des
philosophes de l'Inde et des Babyloniens. J'estime qu'il surpasse ses
contemporains dans cette science ». L'assemblée répondit: « Etant donné son
âge, on l'approuvera tout à fait. Mais s'il était jeune, il n'aurait pas dû parler ».
[en disant qu'il ne traite que des quatre natures, Lucas anticipe sans doute sur le 5ème, la
quintessence]
Discours septième
Locustor dit: « De toutes les créatures dont Lucas a parlé, il en est deux
seulement dont l'une n'est ni connue ni décrite, sinon par la piété (ou par la
foi) car, en effet, elle n'est ni vue si sentie ». [il s'agit de l'AIR et du
FEU] Et Pythagoras : « Achève ce que tu as commencé à nous décrire
subtilement. Dis-nous donc ce qu'est cette chose qui n'est pas sentie, ni vue,
ni connue ». Il répondit: « Ce qui, dans ce monde, n'est pas connu est la
raison, sans ses vassaux qui sont la vue, l'ouïe, le goût, l'odorat et le toucher.
Ne voyez-vous pas, assemblée des philosophes, que, sans la vue, on ne
pourrait discerner le blanc du noir; que, sans l'ouïe, on ne distinguerait de
même la bonne de la mauvaise parole. De même pour la bonne odeur et la
fétide sans l'odorat, et le goût doux du goût amer sans le goût; et le léger du
rude sans le toucher. Sans eux, la raison ne pourrait distinguer » [l'idée est que
les sens sont trompeurs dans l'oeuvre, ainsi que Tollius le rappelle. La raison renvoie à la
Sagesse, chapitre premier du texte de l'Aurora consurgens]. Ils répondirent : « En traitant
de cette question, tu as bien parlé. Cependant, tu as omis de nous montrer ce
qui n'est pas connu ni décrit, si ce n'est par la raison et la piété » (la foi). Il dit:
« Vous êtes bien pressés. Sachez que la créature qui par aucun moyen n'est
connue par ces cinq sens est une créature sublime, qui n'est ni vue ni sentie,
mais qui est cependant perçue par la raison, laquelle raison laisse voir que sa
nature est participante de Dieu ». [la quintesssence] Ils répondirent : « Ce que tu
as dit est très bien dit ». Et lui : « Que je vous en explique davantage. Sachez,
au sujet de cette créature, qu'on voit de toute évidence que le monde contient
une lumière qui est le soleil. Cette lumière est plus subtile que toutes les
autres créatures. Il a produit cette lumière par laquelle les créatures
parviennent à la vue. Aussi, si elles étaient placées loin de cette lumière
subtile, elles seraient ténébreuses et on ne les verrait pas; et ni la lumière de
la lune, ni celle des étoiles, ni celle du feu, qui, pour eux tous, provient du
soleil, ne serait là pour rendre les créatures visibles. En ce monde donc, Dieu
constitua le soleil pour en être le flambeau en raison même de sa nature
déliée. Et sachez que cette noble créature n'a nul besoin de la lumière du
soleil, parce que le soleil est dépendant de cette créature, qui est plus subtile
et plus lumineuse que lui. Et sachez que le monde créé l'a été assurément de
deux choses denses et de deux choses déliées, et il n'existe pas de choses
denses dans la créature élevée. Pour cette raison, le soleil est plus raréfié
que toutes les créatures inférieures». [le est sous la dépendance du
Discours huitième
Pythagoras dit: « J'affirme que Dieu a été avant toute chose, et n'est venu de
rien d'autre. Et sachez, vous tous philosophes, que je dis ceci afin de fortifier
votre doctrine en ces quatre éléments et arcanes, ainsi que les
connaissances qui y sont contenues et auxquelles les argumentations ne
peuvent parvenir sans l'approbation de Dieu. Et comprenez que Dieu seul
engendra quatre éléments : le feu, l'air, l eau et la terre, dont il créa toutes les
choses créées, aussi bien les choses élevées que les choses inférieures; d'où
il détermina que toutes les créatures extraites de la racine de l'eau [l'humide
radical] multiplieraient et croîtraient afin d'habiter le monde ; et que ses
jugements seraient accomplis en elles. Pour cette raison, il créa avant tout
quatre éléments dont, par la suite, il créa ce qu'il voulut, à savoir diverses
créatures dont le Seigneur créa certaines de l'un d'eux
seulement». L'assemblée demanda: « Maître, qui sont ces créatures ? » II
dit : « Ce sont les anges qu'il créa du feu » [équivalent de larosée de mai ; voyez ce
qu'en dit Fulcanelli lorsqu'il rappelle les aventures de Savinien de Cyrano Bergerac, cf.
nos symboles]. L'assemblée dit: « De quoi ont été créées celles qui proviennent
des deux ? » II dit : « Du feu et de l'air, et ce sont le soleil, la lune et les
étoiles. Pour cette raison, le soleil, la lune et les étoiles sont ce qu'il y a de
plus lumineux; d'autant plus qu'ils ont été créés de celui en particulier qui est
le plus raréfié des quatre. En effet, le soleil et les étoiles ont été créés d'un
complexe de feu et d'air » [c'est nommer l'humide radical appliqué aux chaux métalliques
dissoutes. Les textes insistent sur le fait que les planètes et étoiles n'ont d'effet sur la matière que
lorsque celle-ci est vaincue par le feu et l'eau ; il y a là une indication]. L'assemblée
demanda : « Maître, et la création du ciel ? » II répondit : « Dieu créa le ciel
de l'eau et de l'air. Le ciel lui aussi est un composé de deux, de l'un, le plus
rare, c'est-à-dire l'air, et d'un autre plus dense, c'est-à-dire l'eau » [on ne peut
comprendre ceci qu'en faisant l'hypothèse que l'eau est un principe élémentaire tandis que
l'air est déjà un principe complexe formé de FEU ]. Ils dirent: «
et d'un reste d'EAU
Maître, poursuis tes dires et parle nous de ce qui vient de trois. Réjouis nos
cSurs par tes paroles qui sont comme la vie pour les morts ». Il dit: « Je vais
vous enseigner quelles créatures ont été créées par Dieu de trois éléments, et
aussi de quatre. Les créatures venues de trois, c'est-à-dire de l'air, de l'eau et
de la terre, sont donc les volatiles et les bêtes brutes, puis les végétaux;
certaines en vérité ont été créées du feu, de l'air et de la terre » [il y a sans doute
là un renvoi aux triangles du zodiaque décrivant les éléments, cf. zodiaque
alchimique]. L'assemblée alors dit: « Distingue ces diverses créatures les unes
des autres». Il répondit: « Les bêtes brutes viennent du feu, de l'air et de la
terre [renvoi au sulphur ]. Les oiseaux viennent du feu, de l'air et de l'eau [renvoi
au volatil, i.e. au mercurius ]. C'est pourquoi les êtres ailés et toutes les
exhalaisons qui résident dans les végétaux sont créés de l'eau, tandis que
toutes les bêtes brutes viennent de la terre, de l'air et du feu. Pourtant, dans
les végétaux, il n'y a aucun feu, car ils furent créés de la terre, de l'eau et de
l'air » [c'est pourtant dans les tendres arbrisseaux qu'est caché l'un des éléments du feu secret
ou dissolvant, cf. borith et neter]. L'assemblée dit: « Sauf votre révérence, nous
dirions que le feu est présent dans les végétaux » [ce que corrige aussitôt la Tourbe
des philosophes]. Il leur répondit : « Vous avez dit vrai. Je reconnais absolument
que le feu est en eux ». L'assemblée dit: « D'où provient ce feu-là ? » II
répondit : « De la chaleur de l'air cachée en celui-ci; ainsi que je l'ai signalé,
un feu subtil réside dans l'air, ce feu qui fait l'objet de vos doutes [ce feu est
analogue au fameux esprit universel ou dont nous parlent les textes]. Il ne se produit
que s'il repose dans l'esprit et dans l'âme [animus et anima ]. Quant à notre
père Adam et à ses fils, ils ont été créés de quatre éléments, c'est-à-dire du
feu, de l'air et de l'eau, et aussi de la terre [le problème du quatrième élément est au
centre des difficultés de la théorie d'Empédocle et ceci se retrouve jusque dans la trinité
chrétienne ; cf. Jung, Essais sur la symbolique de l'esprit, trad. Albin Michel et voir Aurora
consurgens]. Comprenez, vous tous savants, que tout ce que Dieu créa d'une
seule essence ne mourra pas avant le jour du Jugement. En effet, ce qui
détermine la mort est la séparation du composé. Dans l'incomposé, il n'y a
nulle séparation, puisqu'il est un. La mort est donc la séparation de l'âme du
corps. Une chose quelconque composée de deux ou de trois ou de quatre
doit nécessairement être séparée, ce qui est sa mort. Et sachez qu'aucun
composé dépourvu de feu ne mange, ni ne boit, ni ne dort. C'est pourquoi, en
toute chose, ce qui mange est l'esprit doué du feu » [la subtilité réside dans le fait
qu'on ne peut ôter nécessairement l'âme à une entité qui n'a jamais vécu ; aussi bien faut-il revoir
ici le commentaire que nous donnons à quatre des figures du Rosarium Philosophorum dont
parle Jung dans sa Psychologie du Transfert, trad. Albin Michel et où une erreur d'interprétation
s'est glissée dans la figure où l'âme s'évacue du corps, là où l'on ne peut voir qu'un spiritus
corruptus, cf. Aïonsur le sujet notamment chapitres III et IV]. L'assemblée : « Maître,
comment se fait-il que les anges, étant créés du feu, ne mangent pas,
puisque tu as avancé que ce qui mange est le feu ? » II dit : « Sur ce point,
vous êtes incertains, étant partagés entre toutes les opinions et soumis à des
idées opposées. Si vous connaissiez les éléments avec vérité, vous ne les
renieriez point. Je proclame entre toutes les conjectures que l'on avance que
ce n'est pas le feu simple qui mange, mais bien le feu dense. Or les anges ne
sont pas formés de feu épais, mais au contraire de la partie la plus ténue du
feu ténu. Donc, étant créés du feu extrêmement raréfié, ils ne mangent, ni ne
boivent, ni ne dorment ».L'assemblée : « Maître, nos intelligences sont-elles
en mesure de tout comprendre, avec l'aide de Dieu, grâce à la mise en
lumière des sentences ? Car nos facultés d'entendre et de voir ne sont pas
capables de tout supporter, tant il y a de choses à approcher. Que Dieu te
récompense pour tes disciples, parce que, dans l'intérêt des futurs étudiants,
tu as fait venir chacun de nous de son pays pour nous assembler, afin de
perpétuer la science pour ceux qui viendront après nous ». [le feu dont il est
question dissout sans brûler, ce qu'il faut entendre par sans détruire, quoique les parties du métal
et du minéral soient rompues]
Arisleus dit : « Puisque tu nous as réunis, Maître, pour le profit de ceux qui
nous suivront, j'estime qu'il ne peut rien y avoir de plus utile pour l'avenir que
de rendre explicites les définitions des éléments que tu nous enseignas afin
de nous les rendre compréhensibles». Il répondit: « Je suis persuadé
qu'aucun d'entre vous, bien certainement, n'ignore les définitions que tous les
savants en Dieu ont énoncées ». L'assemblée : « Si certains de nos disciples
dans l'avenir les passent sous silence, il faut que toi, Maître, tu consentes à
dévoiler aux survenants ce qu'ils ne connaîtront pas », II dit : « Si tel est votre
désir, je le ferai. Et parce que les envieux à travers leurs livres ont dispersé
cette science, au contraire la disposition de ce livre-ci sera parachevée ». Et
l'assemblée: « Décide suivant ce que tu juges être le plus clair pour la
postérité ». Et lui: « Je commencerai donc là où rien n'est connu des ignorants
et où rien n'est ignoré des enfants de la doctrine. Je présenterai ce qui est la
clef de la perfection et de la fin ».
Iohannis de Monte Raphaim Vorbothe der am Philosophischen Himmel hervor
brechenden Morgenröthe, in-8° Frankfurt & Leipzig: Johann Georg Esslinger, 1767 [on
remarque que cette gravure rappelle la Clef VII des Douze Clefs de Philosophie]
Discours neuvième
Eximenus dit: « Dieu créa toutes choses par la parole ; il dit : « Soyez » et
elles furent faites des quatre éléments, terre, eau, air, feu, qu'il coagula
ensemble; ainsi les contraires furent mêlés. Nous voyons que le feu est le
contraire de l'eau, l'eau est le contraire du feu, et il en est de même pour la
terre et l'air. Cependant, Dieu les assembla pour les mettre en paix jusqu'à ce
qu'ils se plaisent réciproquement. Le ciel, les trônes, les anges, le soleil, la
lune, les étoiles et la terre, la mer avec tout ce qui est en elle, sont tous des
choses différentes, et non pas semblables; Dieu en fit les diverses natures en
tant que créations; elles sont à ce point variées que je ne saurais assez vous
le montrer. N'importe laquelle parmi toutes ces natures est d'une nature
différente et est une variante particulière au sein des diversités de la
multitude. Cette diversité, en effet, se retrouve dans toutes les créatures,
parce qu'elles sont créées d'éléments différents. Car eussent-elles été créées
d'un seul élément, elles auraient des natures concordantes. Mais ces
éléments différents, lorsqu'ils sont mélangés, perdent leur nature puisque le
sec mélangé avec l'humide, ou le chaud mêlé avec le froid, ne sont plus ni
humide, ni sec, ou ni chaud ni froid. Quand donc les quatre éléments sont
mêlés ensemble, ils s'accouplent et engendrent ainsi des créatures qui jamais
ne viendront à terme s'ils n'ont été libérés pendant la nuit, putréfiés et
corrompus visiblement [allusion à la nécessité d'une dissolution initiale ou nigredo ].
Ensuite, Dieu parachève sa création par la croissance, la nourriture, la vie et
le gouvernement. Fils de la doctrine, ce n'est pas en vain que je vous ai
exposé la disposition de ces quatre éléments, car en eux est caché l'arcane
[Jung appelle « substance arcane » le mercurius , c'est-à-dire l'artifice qui permet la dissolution
puis la métamorphose]. Deux d'entre eux, dont l'action et les qualités sont
connues, s'offrent à la vue et au toucher. Ce sont la terre et l'eau. Tandis que
les deux autres éléments ne sont ni vus ni touchés, ne s'offrent à personne;
on ne voit dans l'espace ni leur action, ni leur vertu, si ce n'est dans les
premiers éléments, la terre et l'eau. Si les quatre éléments ne sont conjoints
par aucun artifice d'homme, on ne peut espérer les perfectionner. Au
contraire, s'ils sont mêlés et délivrés de leurs natures, ils deviennent autres.
Donc, méditez bien sur ce sujet ». L'assemblée : « Maître, si tu nous
instruisais de tes pensées, nous nous en inspirerions ». Et lui : « J'ai déjà dit
beaucoup de choses à perpétuer dans l'avenir. Mais je vais poursuivre, afin
que vous suiviez mes paroles. Sachez, vous tous qui êtes persévérants, qu'il
n'existe aucune teinture sûre autre que celle provenant de notre airain.
[rappelons que l'airain est l'une des formes que prend l'hermaphrodite ou substance double : elle
résulte de la mixion entre le mâle ou sulphur et la femelle qui est le corps du lapis, dans le
phénomène que les alchimistes appellent la conjonction et pour laquelle ils décrivent quatre
degrés] Evitez donc de perdre vos âmes et vos biens, éloignez la tristesse de
vos cSurs [autrement dit, dépurez vos chaux]. Et j'ajouterai pour vous que, si vous
ne changez pas le cuivre susdit en blanc, et ne le faites semblable à des
pièces de monnaie, puis le rendez rouge jusqu'à ce qu'il soit teinture, vous ne
ferez rien de bon. Brûlez donc ce cuivre. Brisez-le et le dépouillez de sa
noirceur en le cuisant, l'imbibant et le lavant, jusqu'à ce qu'il soit blanc ; après
quoi, vous pourrez en disposer ». [il ne s'agit pas du cuivre : le mot aes a ce sens, mais
aussi celui de laiton et d'airain. L'énigme n'est pas aisée à résoudre parce qu'il semble y avoir
deux conjonctions radicales dans l'oeuvre : la première, dans la dissolution ou nigredo, quand les
matières sont déposées au tombeau ; la seconde lorsque l'âme dépurée est réincrudée.]
Discours dixième
Arisleus dit : « Sachez que la clef de ce travail est l'art des monnaies. Prenez
donc le corps que je vous ai montré et réduisez-le en fines lamelles. Ensuite,
mettez-le dans l'eau de notre mer qui est une eau permanente [aqua permanens :
c'est un fondant qui doitt enir au feu un temps suffisant afin que se produise un phénomène de
cristallisation puis de croissance des cristaux]. Une fois qu'il est recouvert, placez-le
dans un feu doux jusqu'à ce que les lamelles soient détruites et réduites en
eau ouEthelia [terme signifiant cendres ou , cf. Livre secret d'Artephius.
Pernety, qui n'en est pas à une erreur près, a mêlé le faux et le vrai dans ses Fables Egyptiennes
et Grecques, t. I, Signes et principes démonstratifs où il confond Ethelia avec d'autres termes qui
apparaissent plus tard dans la Tourbe : cambar, duenech, etc. Le mot Ethelia correspond à
l' - venin - ou eau venimeuse, c'est-à-dire au vinaigre très aigre dont parle encore Artephius.
Berthelot en parle comme des vapeurs du mercure sublimé, cf. Chimie des Anciens, II. Il semble,
en effet, que Ethelia soit l'argent vif sublimé du cambar, cf.planches du Dictionnaire de Pernety,
cf. encore Tractatus aureus attribué à Grasseus où de nombreux extraits de la Turba sont
donnés], ce qui veut dire la même chose. Mélangez et cuisez de même façon
jusqu'à ce qu'il devienne bouillon gras. Remettez-le dans son eau Ethelia
jusqu'à ce qu'il soit coagulé et transformé en paillettes mouchetées que nous
appelons la fleur du soleil [il s'agit des couleurs de la queue de paon, moment où la matière
apparaît, disent les textes, comme avec des yeux de poissons, cf. Aurora consurgens, II].
Cuisez donc jusqu'à ce que vous le débarrassiez de sa noirceur et qu'il
apparaisse blanc. Gouvernez-le enfin et le mélangez à la colle de l'or [ou huile
rouge, encore appelée cire : ceratio] et le cuisez jusqu'à ce que l'Ethelia soit rouge
[c'est-à-dire jusqu'à la phase de rubigo ou rubification : oeuvre au rouge ou troisième couronne
de perfection]. Broyez cela avec patience et ne vous en fatiguez pas ; imbibez
l'Ethelia par une eau qui soit d'elle, et qui est l'eau permanente, jusqu'à ce
qu'elle soit rouge [image de la circulation ou serpent Ouroboros]. Vous obtiendrez alors
le cuivre brûlé [aes ustum, cf. Chimie des Anciens, VII : par cabale, l'hermaphordite ou laiton]
qui est le ferment de l'or [en principe le ferment de l'or est l'orpiment ou sandaraque
qu'Artephius nomme Zandarith ; en vérité il s'agit du sulphur . Pour Chevreul, le ferment de l'or
était assimilable à la levure du pain ; il semble que cette partie du texte soit empruntée à
l'Entretien de Calid à Morien. L'expression ferment de l'or se retrouve dans plusieurs
traités : Douze Clefs de Philosophie, Huginus à Barma, Composé du Composé,Douze portes.
Dans d'autres parties de la Tourbe, on a l'impression que le ferment de l'or correspond au
Mercure, qu'il faut comprendre alors comme le double Mercure] et sa fleur [or, ici, une
différence semble être faite entre le ferment de l'or et la fleur d'or - notons au passage que la Fleur
d'or est aussi le titre de ce traité chinois qui fut à l'origine de l'intérêt de Jung pour l'alchimie,
cf. Aurora consurgens, I : voir Commentaire au Mystère de la Fleur d'Or ou YI-KING] que vous
traiterez avec son eau, jusqu'à ce que l'eau se fixe dedans. Poursuivez
l'opération jusqu'à ce que tout soit privé d'eau et rendu en poudre ». [à ce
moment, la matière est comme du poussier de charbon, cf. Fulcanelli, Mystère des Cathédrales]
Discours onzième
Discours douzième
Lucas dit: « Je dirai qu'en cela, il faut suivre les traces laissées par les
Anciens. Sachez, investigateurs en cette science, que cette pratique n'a pas à
être menée dès le début. Prenez l'argent vif qui est extrait du mâle, et le
coagulez suivant l'usage habituel. Remarquez bien que je dis : "suivant
l'habitude". C'est parce qu'il est déjà coagulé avant. Il n'y a donc pas à le régir
dès le commencement [l'argent-vif du mâle est le sulphur dissous dans le Mercure ; il
]. Je vous
est logique de considérer que la coagulation exige la sublimation du mercurius
conseille cependant de prendre l'argent vif extrait du mâle et de le mettre sur
le fer ou sur l'étain ou sur le cuivre traité, et de le blanchir [là encore, passage peu
compréhensible si l'on ne fait l'hypothèse qu'il est question d' lorsque l'auteur entend parler
du fer, de l'étain ou du cuivre]. De même que la magnésie soit blanche, et le mâle
sera converti avec elle [la magnésie ou « aimant » est assimilé au Soufre blanc ou corps du
lapis : il s'agit de la salamandre, cf. Fontenay. Cela n'est pas indiqué aussi clairement dans
d'autres textes. Du coup, l'Acier des Sages correspond bien au , cf. Matière].
Car il existe
une certaine parenté entre le fer [l'Acier des Sages] et l'aimant. C'est de cette
façon que notre nature se réjouit. Prenez donc ce nuage [i.e. le sulphur, Soufre
rouge dissous dans le Mercurius] que nos Anciens vous ont conseillé de prendre et
le cuisez avec son corps [l'aimant, i.e. la partie mercurielle du Soufre ou Soufre blanc que
le pseudo Geber nomme Arsenic et dont Paracelse a fait son principe SEL - à noter que ce SEL
n'a rien à voir avec le sel dont l'idéogramme représente une partie du Mercure] jusqu'à ce
qu'il soit fait étain [jusqu'à ce qu'il soit blanchi, c'est-à-dire jusqu'à ce que la matière acquiert
une certaine consistance, sans doute pâteuse]. Puis, suivant la coutume, nettoyez-le
de sa noirceur, lavez-le et rôtissez-le [le terme exact est assation] par un feu égal
jusqu'à ce qu'il blanchisse. Tout corps est blanchi par l'argent vif qui lui est
administré, car la nature convertit la nature. [l'une des expressions les plus
importantes, de celles qui permettent de donner sens au processus alchimique par la voie sèche]
Prenez donc l'eau de la magnésie, et l'eau d'alun, et l'eau de nitre, et l'eau de
mer et l'eau de feu. [la magnésie est l'aimant des Sages, voir Ripley Scrowle ; l'alun et le
nitre participent du Mercure et, de l'eau de mer, on extrait le natron par l'intermèdiaire des
plantes - salicornia - des bords de mer] Blanchissez par la fumée [par la vapeur ou
sublimation]
parce que cette fumée est blanche et blanchit tout. Par cette
fumée, tout ce que vous désirez blanchir sera blanchi; que cette fumée soit
mélangée à son résidu [le sulphur ] jusqu'à ce qu'elle soit congelée et elle
sera d'une blancheur extrême. Rôtissez ce cuivre blanc jusqu'à ce qu'il se
fasse germer lui-même [or enté dans la terra alba foliata] et quand il sera blanchi
avec la magnésie, il ne laissera pas s'enfuir l'esprit, ni apparaître l'ombre de
cuivre, [voir les Leçons de Stephanus où le cuivre combats le mercure, cf. Berthelot] parce
que la nature contiendra la nature. Fils de la doctrine, prenez donc le soufre
blanc et le blanchissez par le sel et la rosée ou par la fleur de sel blanche [flos
alba salis qu'on peut considérer comme la rosée de mai; ce sel est congénère du nitre] jusqu'à
ce qu'il soit extrêmement blanc et sachez que la fleur de sel blanche est
l'Ethel de l'Ethelia [pour Ethelia, cf. supra]. Rôtissez-le donc pendant sept jours,
jusqu'à ce qu'il soit semblable à du marbre éclatant, car lorsqu'il sera ainsi, ce
sera le grand arcane, puisque le soufre est mêlé au soufre et de là l'Suvre
excellent est accompli en raison de la proximité qui les unit, parce que les
natures se réjouissent de rencontrer leurs natures. [il s'agit là de l'union de sopposés
ou hieros gamos de Jung, voir Mysterium conjunctionis, II] Prenez Mardeck [Marched ou
litharge, c'est-à-dire le plomb des Sages, cf. Pernety, Dictionnaire mytho-hermétique. Il est
possible qu'il y ait une liaison avec Marduk qui vainc un monstre marin babylonien ou Tiamat,
qu'on peut identifier à Typhon. Voir Pierre Dujols, Bibliographie générale des sciences occultes .]
et le blanchissez avecgadenbe [mot inconnu que l'on ne retrouve pas dans Rulandus; la
suite du texte montre que gadenbe se rapporte au Soufre blanc ou SEL. Gadenbe est une
corruption du verbe gaudeo : se réjouir. Il faut donc traduire par : « blanchissez avec celle qui
procure du plaisir. » A noter que la BCC donne bien ce mot (T1, p. 449 : Accipite ergo Mardeck, &
dealbate ipsem per gadenbe, id est, urinam, & acetum, & aquam permanentum.... Dans T2, XIII, p.
482, on trouve : Accipite igitur Martec, & dealbate ipsum fumo, aceto & aqua permanens. ], c'est-
à-dire avec l'urine et le vinaigre et l'eau permanente. Rôtissez-le et le
coagulez jusqu'à ce qu'il ne coule plus, dans un feu plus fort que n'était son
premier feu. Fermez bien l'ouverture du vaisseau pour que la fleur ne s'enfuie
et qu'elle se tienne avec son voisin [le sulphur] et fasse s'exciter la blancheur.
Prenez garde à l'embrasement du feu, parce que si le feu augmente, le tout
sera rouge avant son terme, ce qui ne vous sera d'aucun profit, puisque vous
le voulez blanc dès le commencement du régime. [les Artistes appellent cela brûler
les fleurs] Après, coagulez-le jusqu'à ce que vous le rendiez rouge. Et sachez
que lorsqu'il est coagulé, nous l'appelons âme ; il est alors plus vite converti
d'une nature en une autre. Vous possédez maintenant la règle à suivre pour
les différentes opérations de l'art, car ce qui permet d'opérer une chose peut
permettre d'en opérer plusieurs. Vous n'avez pas besoin de plusieurs choses,
mais d'une seule; et cette chose sera convertie en une autre nature à chacun
des degrés de vos travaux ». La Tourbe dit: « Maître, si les savants avaient
parlé comme toi et aussi brièvement, eux qui, nous le voyons bien, se
refusent à séparer les ténèbres de tout le reste, ils auraient marché dans tes
pas ».
Discours treizième
Pythagoras dit: « Examinons une autre façon de faire, qui n'est pas
essentiellement différente, mais qui porte un autre nom. Sachez, vous qui
recherchez la science, que tous les envieux ordonnèrent dans leurs livres de
prendre toutes sortes de compositions des natures qui diffèrent les unes des
autres par la saveur ou l'aspect visuel. Et sachez que la chose qu'ils décrivent
de tant de façons suit son compagnon, sans feu, comme la pierre d'aimant
suit le fer; [voir le discours précédent où ceci est amorcé] cette chose ne leur est pas
inutilement comparée ; non plus qu'au sperme et la vulve car elle leur est
semblable. Et cette chose qui, sans feu, suit son compagnon, sans aucun
artifice fait apparaître de nombreuses couleurs de-ci de-là. Du fait que cette
unique chose entre dans chaque régime, elle est trouvée partout, c'est une
pierre et ce n'est pas une pierre, elle est vile et précieuse, obscure et cachée
et connue de chacun. Elle n'a qu'un nom parmi un grand nombre de noms, et
c'est le crachat de lune. [appelé encore déjection de l'étoile polaire, suc de la Lunaire. Des
alchimistes ont orienté vers de fausses pistes comme celle du nostoc, voir Atalanta XXXVII et
Mystère des Cathédrales, p. 171. Certains l'appellent aqua permanens ou plomb des sages : son
vrai nom est la rosée de mai] Cette pierre n'est donc pas une pierre, parce qu'elle
est précieuse, sans elle la nature ne fait jamais rien. Son nom est unique,
mais nous lui avons donné beaucoup de noms en raison de l'excellence de sa
nature ». La Tourbe dit: « Maître, si tu la faisais connaître aux chercheurs par
quelques-uns de ses noms ? » Et lui : « Elle est appelée éthélie [cendre ou
Ethelia, voir supra] blanche et cuivre blanc, et fuyant au feu [voir Atalanta XIII, il s'agit
d'une substance volatile, d'un esprit - animus . Mylius en parle comme du Mercure,
cf. Philosophia Reformata] et qui seul blanchit le cuivre. [l'arsenic ou composé volatil de
l'arsenic : zandarith blanchit le laiton, voir Berthelot, Chimie des Anciens, III : notons que
babyloniens - comprenez - on est certain, d'après ce qu'en dit Berthollet, que ce Mixte ne sera
pas nuisible aux teintures noires - comprenez la perfection de la nigredo, solution de la
conjonction. De cet aes, l'Artiste tirera, à ce qu'en dit Marc AntoineGaudin, toutes les couleurs du
prisme solaire car c'est un véritable Protée - si l'on comprend bien, il nous faut donc conjoindre
un crachat de avec Ethelia. La question est de savoir à qui ou à quoi se rapporte Ethelia... On
dit que la nuit porte conseil. Aussi bien attendrons-nous une nuit de pleine , en avril ou en mai,
sereine et froide, calme, pour aviser sur ce point de science ] Broyez [il faut lire accipitare et non
accipe dans la T2, XIV] donc la pierre blanche, après que l'aurez coagulée par le
lait [& figite, ac lacte coagulate, hoc est, more lactis : cette pierre doit être fixée à la manière du
lait caillé]. Ensuite, broyez la chaux sur le marbre [deinde calcem, qui est sicuti
marmor : ensuite,la cendre, qui est comme du marbre] et prenez garde à ce que
l'humidité ne sorte du vaisseau jusqu'à ce qu'elle soit en cendre [...constringite,
ne humor a vase exeat : la cendre doit être enclose dans le vase et rien ne doit s'en échapper], et
cuisez le crachat de lune et la menez à bien [custodine ipsum quoque in suo vase...
congelate, donec fiat puluis, & coquite cum spum Lunae... : gardez (cette cendre) dans son vase...
jusqu'à ce qu'elle soit en forme de poussière, et cuisez-là avec le crachat de Lune]. Vous
trouverez la pierre brisée et déjà imbibée de son eau [& invenierris lapidem factum
quem aqua sua imbuite : vous trouverez la pierre acuée de son eau]. C'est là la pierre à
laquelle nous avons donné tous les noms, qui sauve [recipit : qui dirige] l'Suvre et
se boit elle-même, et qui paraît de toutes les couleurs. Prenez la gomme qui
sort de son écorce [Sumite ergo gumam scoriae : prenez à présent le suc visqueux des
scories - il faut lire scoriae et non scotiae, T2, p. 483], mêlez-la avec la cendre de la
chaux que vous avez travaillée et le résidu que vous savez [il n'est question
d'aucun résidu dans la T2], puis humectez-le avec l'eau permanente. Ensuite,
examinez s'il est réduit en poudre. Sinon, rôtissez-le dans un feu plus fort
jusqu'à ce qu'il soit pulvérisé. Après cela, imbibez-le avec l'eau permanente et
tant que les couleurs changeront, laissez-le à chauffer. Sachez que si vous
avez pris l'argent vif blanc ou crachat de lune, et si vous avez suivi mes
prescriptions, si vous l'avez détruit par un feu doux, il sera coagulé et réduit
en pierre. Plusieurs couleurs sortiront de cette pierre quand elle sera brisée
en petites parties. Et si mes paroles dans ce discours étaient pour vous
source d'un doute, faites comme je vous ai commandé jusqu'à ce que la
pierre devienne blanche éclatante, vous trouverez ainsi ce que vous vous
êtes proposé ». [la T2 indique : ... quod si cum rexeritis, ut dixi, donec albus fiat, & ut marmor
albe feat... : si comme je te l'ai indiqué, et dit, jusqu'à ce que la blancheur semblable au marbre
soit obtenue]
Figürliche alchimia, f. 6r
Discours quatorzième
Acsubofen [T2, XV = Assuberes] dit: « Maître, tu as dit, parlé vrai et sans envie,
que la grâce de Dieu soit sur toi ». Pythagoras dit : « Et toi, Acsubofen, que
Dieu t'affranchisse de l'envie ». Celui-ci dit: « Sachez, assemblée des sages,
que les soufres sont contenus dans les soufres, et les humidités dans
l'humidité ». [il faut entendre que le sulphur , c'est-à-dire la matière prochaine du Soufre est
contenue dans le Soufre tenant à la prima materia ; il est plus facile de concevoir que l'humide
radical métallique est contenu dans l'aqua permanens] L'assemblée répondit : «
Acsubofen, les envieux l'ont déjà dit; explique donc ce que c'est que cette
humidité». Il dit: « Lorsque la teinture pénètre le corps, elle le colore d'une
couleur qui ne change plus et ne laisse jamais plus le corps se séparer de l
âme, sa compagne. A ce sujet, les envieux dirent que le poursuivant
s'opposant au fuyant les garantit tous deux de la fuite et qu'il en résulte ce qui
convient, et que la nature saisit son compagnon comme son ennemi et qu'ils
se réunissent ensemble, car du sulfure mélangé au soufre se fait la très
précieuse couleur qui ne change pas, ni ne fuit au feu, quand l'âme est
introduite dans l'intime du corps et que le corps la retient et se colore. Je
répéterai ce que j'ai dit de la coloration en pourpre de Tyr. Prenez l'animal que
l'on appelle kenckel, [T2, Kenkel : Berthelot l'évoque : c'est évidemment le mot
grec , le coquillage qui fournissait la pourpre des Anciens. Il faut nous arrêter à une
activité caractéristique de Tyr : l'extraction de la pourpre. De toutes les cités phéniciennes, c'était
Tyr qui était la plus réputée en matière de production de cette substance colorante. Celle-ci était
obtenue à partir d'un coquillage marin, le murex. Ces coquillages, au début du printemps, durant
la période de reproduction et avant la ponte, étaient recueillis en mer et transportés sur la rive où
ils étaient disposés dans de grandes cuves. Là, les mollusques étaient écrasés pour qu'ils
libèrent les pigments colorés qu'ils contenaient. Le liquide obtenu était mélangé avec du sel marin
et, trois jours plus tard, transvasé dans des cuves de pierre ou de plomb. Au bout d'une dizaine
de jours, la teinture remontait à la surface et était facilement prélevée. On pouvait obtenir
différentes nuances de pourpre, du rouge au rose, en passant par le violet plus ou moins intense,
en diluant la teinture avec de l'eau de mer ou en l'exposant aux rayons du soleil. Au plan de la
cabale, la pourpre, en grec, se dit , ce qui nous rappelle bien sûr l'oiseau phénix qui renait
de ses cendres après avoir brûlé. C'est du reste, exactement, l'opération qui est décrite au sermon
précédent où la pierre est réduite en cendre poussiéreuse avant d'être acuée de l'eau divine pour
acquérir la blancheur] parce que toute son eau est de la couleur tyrienne, et
régissez-le par un feu léger selon la coutume jusqu'à ce qu'il soit changé en
terre, une terre qui ne sera que peu colorée. Si vous voulez parvenir à la
teinture tyrienne, prenez l'humidité qu'il a rejetée et mettez-la peu à peu avec
dans le vaisseau. Mettez-y ensuite cette teinture dont la couleur ne vous
satisfait pas [proposition absente dans T2], puis cuisez-le avec son eau de mer
jusqu'à ce qu'il se dessèche. Ensuite, imbibez-le de cette humeur et
desséchez peu à peu, sans cesser d'imbiber le cuivre [aes ne figure pas dans T2]
et de le dessécher jusqu'à ce qu'il ait bu toute son humeur. Après, laissez-le
dans son vaisseau pendant un certain nombre de jours [T2 indique : in suo vase per
dies septem : sept jours], jusqu'à ce que la très précieuse couleur tyrienne
apparaisse à la surface. Prenez bien garde à la façon dont je vous décrirai le
régime. Digérez-le dans l'urine des enfants, et dans l'eau de mer, et dans
l'eau pure permanente, avant qu'il soit teint, puis cuisez-le à feu léger, jusqu'à
ce que la noirceur disparaisse et qu'il se calme et soit facile à broyer. Cuisez-
le avec son humeur jusqu'à ce qu'il révèle une couleur rouge. Si vous voulez
l'amener à la couleur tyrienne, imbibez-le de son eau qui tient à lui et
mélangez-les jusqu'à ce que, par la vue, vous saurez lui suffire et mêlez-le à
l'eau permanente autant que cela suffise. Cuisez pour que la rouille [T2
indiquerubigo qu'on doit lire robigo] boive l'eau. Après cela, lavez-le avec l'eau de
mer que vous aurez préparée, qui est l'eau de chaux desséchée, et cuisez
jusqu'à ce qu'il boive son humeur. Faites cela jour après jour [T2 = per dies
septem feceritis... : sept jours]. Je vous dis que, par là, il vous apparaîtra une
couleur comme jamais les Tyriens n'en firent. Si vous voulez qu'il soit plus
noble et plus hardi qu'il n'est, mettez la gomme [scoria, voir XIII] dans l'eau
permanente par laquelle vous l'imbiberez une fois après l'autre, après quoi le
desséchez au soleil. Rendez-lui seulement son eau permanente susdite et la
couleur tyrienne deviendra plus foncée. Et sachez que vous ne teindrez pas
en couleur tyrienne sans le froid. Prenez donc l'eau qui est de nature froide
[voir l'Art de la verrerie de Loysel], et cuisez-y la laine jusqu'à ce qu'elle prenne de
l'eau la force de la teinture. Apprenez que les philosophes nommèrent fleur
cette force qui sort de l'eau [fleur de sel, voirsalpêtre. Les Adeptes la nomment encore
rosée de mai]. Que toute votre intention soit donc cette eau. Mettez-y ce qui est
dans le vaisseau pendant des jours et des nuits jusqu'à ce qu'il révèle la très
précieuse pourpre de Tyr». [on se reportera au papyrus de Leyde, in R.
Halleux, Alchimistes Grecs, tome I, 1981, p. 106. 94. Teinture en pourpre avec note p. 182 : la laine
est d'abord dégraissée à l'eau de chaux. Cette eau de chaux doit être bien filtrée pour éviter que
des parcelles de chaux n'attaquent la laine - sur la fabrication de cette eau, voir papyrus de
Stockholm, 85 - Ensuite, elle est teinte en pourpre]
Discours quinzième
Frictes dit : « Sachez, vous tous qui recherchez la science, que le fondement
de cet art [la materia prima] que nous honorons, source de tant de peine pour
beaucoup, est unique et plus fort que toutes les natures; il est tenu pour le
plus noble par tous les philosophes, mais pour la plus vile des choses par les
ignorants. Hélas, sur vous tous, ignorants en cet art pour lequel vous seriez
prêts à mourir si vous le saviez. Et je vous jure que si les rois le
connaissaient, aucun de vous n'y parviendrait jamais. Ô nature qui convertit le
corps en esprit ! Ô combien est admirable la nature qui surplombe et donne
toutes choses ». [c'est l'une de ces sentences qui a permis à Jung de comprendre que
l'alchimie était autre chose qu'une vaine spéculation pour faire de l'or. Voir Mysterium
conjunctionis, II] Pythagoras [T2 : Hic Turba : la tourbe]dit: « Frictes, nomme-la ». Il
dit alors : « C'est le vinaigre très aigre qui rend l'or en pur esprit. Sans le
vinaigre, ni blancheur, ni rouille [rubedo doit être compris comme rubeus ou rutilus. Il ne
'agit pas ici de rubigo qui correspond à la rouille mais à la rougeur. Autrement le texte serait
incompréhensible parce qu'on introduirait le signe du venin à une époque de l'oeuvre qui ne lui
correspond pas] ne pourraient être faites. Sachez que lorsqu'il est mélangé au
corps, et qu'il est retenu et qu'il est fait un avec lui, il le convertit en esprit et il
le teint d'une teinture spirituelle invariable [pour radicale] qui ne peut être
détruite. Sachez aussi que si vous mettez le corps sur le feu sans vinaigre, il
sera brûlé et corrompu. [ce vinaigre est l'argentum vivum, future aqua permanens,
voir Artephius] Et sachez encore que la première humeur est froide. Prenez
donc garde au feu, ennemi du froid. A ce sujet, les savants disent de régir
l'Suvre avec douceur jusqu'à ce que le soufre soit devenu incombustible. Le
sage démontre depuis longtemps la disposition de cet art à ceux qui en
possèdent la règle. Le meilleur de ce qui a été dit de leur art est qu'une petite
quantité de ce soufre brûle le corps robuste. [T2 : forte corpus que nous traduisons
par Acier; il s'agit probablement du SEL] C'est pourquoi ils l'honorent et décrivent au
commencement de leur livre ce que le fils d'Adam a décrit [ne figure pas dans la
T2, p. 483]. Parce que ce vinaigre brûle le corps et le convertit en cendre
[voir XIII]. En outre, il blanchit le corps qui, si vous le cuisez bien et le privez de
sa noirceur, sera changé en pierre et deviendra comme une pièce de
monnaie [nummus = drachme, cf. parabole de la drachme perdue, Cette expression tire sa
source d'un passage de Luc 15, 1-10 à propos de la parabole de la drachme perdue et de la
brebis égarée. Le mot dragme - drachme -, en grec qui est le cuivre, le bronze, l'airain en
un mot peut être aussi
- par l'usage de la cabale phonétique - être traduit comme : coquillage d'où l'on peut tirer
la pourpre, voir XIV ]
de très intense blancheur. Cuisez donc la pierre jusqu'à ce
qu'elle soit décomposée. Enfin, dissolvez-la dans l'eau de mer avec réserve.
Et sachez que le commencement de tout l'Suvre est le blanchiment, auquel
succède la rougeur ; alors seulement est la perfection de l'Suvre. Selon la
volonté de Dieu, c'est par le vinaigre que toute la perfection est faite. Je vous
ai maintenant montré, à vous disciples de l'assemblée, la disposition de cette
chose unique qui est la plus parfaite, la plus précieuse et la plus honorable
des natures, et je vous jure par Dieu que j'ai cherché longtemps dans les
livres afin de parvenir à cette science parfaite, et j'ai prié Dieu pour qu'il me
l'enseigne. Quand il eut entendu ma prière, il me montra une eau pure que je
reconnus être un pur vinaigre [T2 = acetum acerrimum : vinaigre très aigre. Il s'agit de
l'eau pontique]. Alors, plus je lisais les livres, plus j'étais éclairé ».
Discours seizième
Socrates dit : « Sachez, enfants de la doctrine [fils de science] qui siégez dans
cette assemblée, que sans la force du plomb [le plomb des sages] aucune
teinture ne peut se faire. Ne voyez-vous pas comment Hermès triple par
grâce quand il joint la grenade [, épithète du sulphur ] au corps, la change
en couleur invariable. [pas de grenade dans T2] Et sachez que la première vertu
est dans le vinaigre, mais que la seconde est dans le plomb, dont les savants
ont dit que, la grenade étant soumise dans le corps, il s'en fait une couleur
invariable. Prenez donc le plomb qui est fait de la pierre qu'on appelle kuhul,
[on lit kohol ou sulfure d'antimoine : il y a une relation qui s'établit entre ce sermon XVI et le début
du Livre secret d'Artephius où l'on peut lire : Antimonium est de parte saturni... T2 ne cite pas le
kohol : Accipite ergo plumbum, quod ex lapide fit, & coquire ipsum... voir XI et ce que pensait
Fulcanelli du sulfure d'antimoine in Currus Triumphali antimonii. Pour les Modernes, le kohol ne
se confond plus avec la stibine : il s'agit d'une substance noirâtre dont les Orientaux frottent leurs
sourcils et leurs paupières. Le kohol est une poudre onctueuse, provenant de la carbonisation
incomplète de diverses substances grasses, additionnées ou non d'essences parfumées. Les
Egyptiens l'utilisaient pour accentuer le regard, mais aussi pour protéger les yeux. Les pôts à
kohol (on peut également écrire koôl ou keul) se déclinaient sous les formes les plus diverses :
colonnes (papyriforme, lotiforme fermé ou ouvert, palmiforme, etc.), effigie d un dieu, etc. ] qu'il
soit le meilleur, et cuisez-le jusqu'à ce qu'il devienne noir. Ensuite, broyez-le
avec de l'eau de nitre [il est peu probable que cette aqua nitri soit ordinaire : l'eau de nitre
des alchimistes est une expression consacrée pour leur Mercure]
jusqu'à ce qu'il soit épais
comme de la graisse. Cuisez-le sur un feu très brillant tant que l'épaisseur du
corps soit détruite, sans tenir compte de l'eau. Cuisez sur ce feu pour que la
pierre soit pure, riche et très blanche. Broyez-la avec la rosée et le soleil et
l'eau de mer et l'eau de pluie vingt-et-un jours, dix jours à l'eau salée, dix jours
à l'eau douce, et vous la trouverez semblable à une pierre précieuse. Cuisez-
la avec l'eau de nitre jusqu'à ce qu'elle devienne étain. Cuisez jusqu'à ce
qu'elle soit débarrassée de l'humeur et soit sèche. Et sachez que quand elle
est devenue sèche, elle boit rapidement son humeur restante et qu'elle est le
plomb brûlé. Traitez-le donc de façon à ce qu'il ne soit pas brûlé. Nous
l'appelons en effet le soufre qui n'est pas brûlé. Broyez-le avec le vinaigre très
aigre et le cuisez jusqu'à ce qu'il soit épaissi, et prenez garde que le vinaigre
ne se trouve en fumée et disparaisse. Cuisez-le cent cinquante jours. Je vous
ai maintenant montré la disposition du plomb blanc.
Je vous fais observer que ce n'est que tra-vail de femme et jeu d'enfant.
Sachez encore que le secret du travail de For est fait de mâle et de femelle.
Le mâle, je vous l'ai déjà mon-tré dans le plomb. Quant à la femelle, je vous ai
dit qu'elle était dans l'orpiment. Connais-sez donc le plomb. Ce mâle, en effet,
se réjouit de la femelle qu'il reçoit. Elle est for-tifiée par le mâle. La femme
prend l'esprit tingent du mâle. Ceux-ci étant mêlés, met-tez-les dans un vase
de verre et triturez l'éthélie avec le vinaigre très aigre; cuisez sept jours et
prenez garde que l'arcane ne fume ; laissez-le plusieurs nuits. Si vous vou-lez
faire entrer ce limon, imbibez-le de vinaigre quand vous le verrez sec. Je vous
ai en effet déjà signalé que la vertu de l'orpi-ment, qui est la femme, amène
Farcane à la plus haute perfection. Evitez de leur causer du tort. Rauderit, en
effet, est l'éthélie du vinaigre qui est mis dans la confection. C'est avec ceci
que Dieu parfait l'Suvre et ce par quoi les corps reçoivent l'esprit et
deviennent spirituels ».
Discours dix-septième
Zimon dit : « Assemblée des philosophes et des disciples, je vous ai déjà dit
ce qui est à faire pour le blanc. Il reste à parler de ce qui est à faire pour le
rouge. Sachez vous tous, investigateurs de cet art, que vous ne pourrez faire
le rouge si vous n'avez pas blanchi, parce que les deux natures ne sont que le
blanc et le rouge. Blanchissez donc le rouge et le blanc. Vous saurez que
l'année est divi-sée en quatre saisons. La première saison est de complexion
froide, c'est l'hiver. La seconde est de la complexion du printemps. Vient
ensuite la troisième, qui est l'été. Après est l'automne, qui fait mûrir les fruits.
Il vous faut régir les natures de même façon par l'humidité de l'hiver, puis par
le temps du printemps, et par la sortie des fleurs en été par l'action de la
chaleur et de l'air; et de sorte que les fruits soient mûris et deviennent doux
afin qu'on puisse les cueillir sur les arbres. Régissez les natures tingentes par
l'exemple que je vous propose. Ainsi, si vous vous trompez, ne vous en
prenez qu'à vous-même ». L'assemblée répondit : « Tu as traité la question
pour le mieux, mais ajoute donc quelque chose pour ceux qui viendront». Et
lui : « Je dirai comment il faut faire le plomb rouge. Prenez ce plomb dont le
Maître vous a ordonné l'usage au commencement de son livre, et mettez le
cuivre avec ce plomb ; cui-sez ensuite jusqu'à ce qu'il soit épaissi. Congelez
et desséchez jusqu'à ce qu'il devienne rouge. C'est là le plomb rouge duquel
les sages dirent qu'ils faisaient leur pierre précieuse de cuivre et de plomb.
Mélangez-les par parties égales et rôtissez bien; l'esprit deviendra tingent
dans les esprits. Quand, en effet, le mâle et la femelle seront conjoints, la
femme deviendra non fuyante; ce sera un composé spirituel. Le
commencement du monde est fait du com-posé changé en esprit rouge ; voilà
donc ce plomb que nous avons appelé le plomb rouge de notre Suvre, sans
lequel rien ne se fait ».
Discours dix-huitième
Mundus dit à la Tourbe : « Investigateurs de cet art, il faut savoir que les
philosophes en leurs livres ont parlé de bien des façons de leur gomme, qui
n'est autre que l'eau perma-nente dont est engendrée la pierre très pré-
cieuse. Ô combien sont nombreux ceux qui recherchent cette gomme et
combien sont rares ceux qui la connaissent ! Sachez en effet que cette
gomme n'est améliorée que par l'or. Beaucoup ont fait des recherches dans le
but de faire des applications et ont trouvé quelque chose. Cependant, les
résul-tats de leurs travaux n'ont pu soutenir les épreuves et se sont altérés.
Tandis que pour ceux qui ont utilisé la gomme de l'honorable pierre
renfermant déjà la teinture, ce qu'ils ont accompli soutient l'épreuve et n'est
jamais diminué de qualité. Comprenez donc mes paroles qui vous éclairent
sur la disposi-tion de la gomme tout en vous la cachant, ainsi que l'arcane qui
est en elle. Vous saurez que notre gomme est plus forte que l'or; il faut que
les savants la tiennent pour plus honorable que lui. Cependant, nous hono-
rons l'or sans lequel la gomme n'est pas amé-liorée. Notre gomme est donc
plus précieuse et plus sublime que les perles, puisque par la gomme, avec un
peu d'or, nous en acqué-rons beaucoup. C'est pourquoi les philo-sophes, tout
en écrivant pour qu'elle ne soit pas perdue, ont veillé dans leurs livres à ne
pas exprimer la claire disposition de peur qu'elle ne soit connue de n'importe
qui. En effet, si les ignorants la savaient, ils ne la ven-draient pas à bas prix.
Prenez donc de la gomme blanche de très intense clarté, une partie, de l'urine
de veau blanc, une partie, du fiel de poisson, une partie, et du corps de la
gomme, sans lequel on ne peut rien amé-liorer, une partie. Mélangez le tout
et cuisez pendant quarante jours. Ceux-ci écoulés, congelez à la chaleur du
soleil jusqu'à ce que tout soit desséché. Ensuite, cuisez ce mélange avec le
lait du ferment jusqu'à ce que le lait vienne à manquer, puis sortez-le et
laissez-le à la chaleur jusqu'à la siccité. Après cela, mélangez ce sec avec le
lait et cuisez jusqu'à ce que l'humeur soit desséchée dans la composition,
laquelle vous mélangerez dans le lait avec la racine de l'herbe, et cuisez
jusqu'à dessication. Puis humectez-le d'eau de pluie, l'aspergez d'eau de
rosée et cuisez jusqu'à ce qu'il soit desséché. De même, imbibez-le d'eau
permanente et desséchez jusqu'à ce que la sécheresse soit très intense. Par
ces préparations, mélangez-le avec la gomme, qui acquerra toutes les
couleurs, et cuisez fortement jusqu'à ce que toute la force de l'eau disparaisse
et que le corps dessèche toute l'humidité, l'introduisant en cuisant jusqu'à ce
que sa sécheresse soit renforcée. Après, laissez-le pendant quarante jours
afin qu'il reste dans ce broyage ou décoction jusqu'à ce que l'esprit ait pénétré
le corps. En effet, par ce régime, l'esprit est incorporé et le corps est changé
en esprit. Surveillez le vaisseau pour que la composition ne fuie ni ne fume.
Tout cela étant terminé, ouvrez le vaisseau et vous trouverez ce que vous
vous étiez proposé. Ceci est en toute sûreté l'arcane de la gomme que les
philosophes ont dissimulé dans leurs livres ».
Discours dix-neuvième
Dardaris dit : « Ce que les maîtres ont dit de l'eau permanente est célèbre. Il
ne faut donc pas prétendre à commencer quoi que ce soit dans cet art avant
d'être en possession de la puissance de cette eau permanente. Il nous la faut
toujours utiliser dans la commixtion, dans la contrition et dans tout le
régime, cette eau permanente. Celui qui ignore l'eau permanente et le régime
qui lui convient n'entrera pas dans cet art, parce que sans l'eau permanente,
rien ne se fait. Sa force est le sang spirituel. C'est pourquoi les philosophes la
dénommèrent eau perma-nente. En effet, broyée avec le corps qu'avant moi
les maîtres vous ont montré, Dieu aidant, elle convertit le corps en esprit.
Mêlés ensemble et réduits en un, ils se convertissent mutuellement, le corps
incor-pore l'esprit, tandis que l'esprit change le corps en esprit teint comme le
sang. Et vous saurez que tout ce qui a un esprit a aussi un sang. Souvenez-
vous de ce secret ».
Discours vingtième
Discours vingt-et-unième
Discours vingt-deuxième
Theophilus dit: «Tu as bien parlé, de façon démonstrative et belle, et tu as été
exempt d'envie». L'assemblée dit: «Expli-que-nous donc à ta manière ce que
signifie l'énoncé de Pandolfus et veuille bien ne pas être envieux». Et lui:
«Chercheurs de cette science, l'arcane du travail de la pierre de monnaie et
de l'or est un vêtement téné-breux, et personne ne connaît ce que les phi-
losophes ont raconté dans leurs livres sans de fréquentes lectures et
expériences et recher-ches de la science. En effet, ce qu'ils ont annoncé est
plus sublime et plus obscur qu'on ne peut le penser, bien qu'ils en aient traité
pour le mieux et convenablement. Tous en ont traité obscurément, mais les
uns sont plus clairs que les autres ». L'assemblée répondit: «Tu as dit la
vérité». Et lui: «Je signifie aux survenants qu'il existe une proxi-mité entre
boritis et le cuivre, puisque le boritis des sages signifie le cuivre et le change
en flux liquide comme de l'eau. Divisez donc la teinture en deux parties
égales ; avec l'une liquéfiez le cuivre et conservez l'autre pour le broyer et
l'imbiber. Parce qu'il vous faut réduire le cuivre en feuillets ensuite le cuivre
avec la première partie de la teinture (deux à sept en deux. Cuisez dans sept
fois son eau pendant quarante-deux jours), puis ouvrez le vaisseau et vous
trouverez le cuivre changé en argent vif. Lavez-le en cuisant jusqu'à ce qu'il
soit débarrassé de la noirceur et devienne du cuivre sans ombre. Après, conti-
nuez à cuire jusqu'à ce qu'il soit congelé. Par sa congélation est accompli le
plus grand des arcanes. Les philosophes appelèrent cette pierre boritin.
Cuisez cette pierre congelée jusqu'à ce que sa matière soit semblable à une
saumure d'eau de mer. Alors, imbibez-la d'eau permanente, que je vous ai
prescrit de réserver, c'est-à-dire l'autre portion, et cuisez souvent jusqu'à ce
qu'apparaissent les cou-leurs. C'est par une putréfaction totale que l'arcane
est extrait complètement ». L'assem-blée dit : « Theophilus, recommence à
nous l'expliquer». Et lui: «On peut dire que la proximité entre l'aimant et le fer
est absolu-ment la même que celle qui existe entre le cuivre et l'eau
permanente. Si donc vous régissez comme je le prescris le cuivre et l'eau
permanente, vous ferez par ce moyen le plus grand des arcanes. Prenez la
magnésie blanche et l'argent vif; mélangez avec le mâle et broyez fortement
en cuisant, et non avec les mains, jusqu'à ce qu'en soit faite une eau ténue.
Cette eau est à diviser en deux parties. Cuisez l'une des parties modérément
onze jours, jusqu'à ce qu'il se fasse une fleur blanche comme la fleur de sol
dans sa splen-deur et son éclat. Fermez solidement l'ouver-ture du vaisseau
et cuisez quarante jours, et vous trouverez cette eau plus blanche que du lait.
En la cuisant encore, débarrassez-la de sa noirceur. Cuisez continuellement
jusqu'à ce que toute sa nature soit décomposée, que la souillure soit
anéantie ; que vous la voyiez pure et qu'elle soit broyée. Si vous voulez que
l'arcane que je vous ai donné soit entiè-rement parachevé, lavez-le avec l'eau
que je vous ai ordonné de conserver, c'est-à-dire avec l'autre partie, jusqu'à
ce que soit fait le safran, et laissez-le dans son vaisseau, parce que iksir se
broie lui-même. Imbibez d'eau les résidus jusqu'à ce qu'il soit truffé par la
décoction de l'eau et ressemble à du sirop de grenade. Imbibez et cuisez
jusqu'à ce que le poids d'humidité restante que vous aviez vienne à manquer
et que la couleur que les philosophes ont décrite en leurs livres appa-raisse ».
Discours vingt-troisième
Discours vingt-quatrième
Bacoscus dit: «Tu as très bien parlé, Belus, tes paroles suivent la tradition».
Et lui : « S'il te plaît, prends garde de ne pas être envieux, car l'envie n'est pas
le fait des sages, et parle avec vérité». Bacoscus: «Je vous prescris, fils de la
doctrine, de prendre le plomb et, comme les philosophes l'ont ordonné,
imbibez-le puis le liquéfiez ; ensuite le congelez jusqu'à en faire une pierre.
Après, régissez cette pierre avec la colle d'or et le sirop de grenade pour
qu'elle soit broyée. Vous avez auparavant divisé l'eau en deux parties, dont
l'une vous a servi à liqué-fier le plomb et à le rendre comme de l'eau. Cuisez-
le jusqu'à ce qu'il soit desséché et fait terre; ensuite, broyez-le avec l'eau
réservée jusqu'à ce qu'il révèle une couleur rouge, comme je vous l'ai si
souvent recommandé ». L'assemblée dit alors : « Tu n'as pas fait avancer la
question, car tu as rassemblé des paroles ambiguës. Recommence donc». Et
lui: «Si vous voulez coaguler l'argent vif, mêlez-le alors à son compagnon,
puis cuisez-le soigneusement jusqu'à ce que de l'un et de l'autre soit faite une
eau permanente. Ensuite, cuisez cette eau jusqu'à ce qu'elle soit coagulée.
Elle se dessèche en effet avec la vapeur de son compagnon ; c'est pourquoi
vous trouverez tout l'argent vif coagulé par lui-même. Si vous comprenez, et
que vous le mettez dans son vaisseau comme il le faut, cuisez-le jusqu'à ce
qu'il soit coagulé, puis le broyez jusqu'à ce qu'il en soit fait un safran d'une
couleur semblable à l'or ».
Discours vingt-cinquième
Menabdus dit : « Que Dieu te récompense pour avoir éclairé le régime par tes
paroles si véridiques». Et à ce dernier: «Ils sont d'accord avec ce que tu loues
dans tes précé-dentes paroles. Veuille bien ne pas lui être inférieur». Et lui :
«Je sais que je ne puis rien dire d'autre que ce qu'il a dit. Je conseille
cependant aux survenants de faire les corps non corps et ces incorporels, les
faire corps Le composé sera préparé par ce régime et la partie cachée de sa
nature sera extraite. Dans ces corps, joins l'argent vif au corps de la magnésie
et la femme à l'homme. Ainsi est extraite notre éthélie cachée, qui colore les
corps. Si tu comprends tout à fait le régime, les corps seront faits incorporels,
et les incor-porels seront faits corps. Si tu broies soigneusement les choses
avec le feu, et si tu poursuis jusqu'à obtenir l'éthélie, les choses deviendront
pures et non fuyantes. Et vous saurez que l'argent vif est un feu qui brûle les
corps, qui les mortifie, les brise par un seul régime, et que plus il est mélangé
au corps et broyé, plus le corps est décomposé. Triturez-le donc
soigneusement avec l'argent vif igné ; il faut en recueillir et posséder la
couleur et la nature non fuyante de l'éthélie, et l'apti-tude à supporter la
teinture et le feu qui la surmonte, la pulvérise et la contient. Parce que la
chose ne colore pas si elle n'est pas colorée, car ce qui est coloré colore.
Vous saurez que le corps ne peut pas se teindre lui-même, si ce n'est par son
propre extrait, caché dans son ventre, et il faut que le corps et l'âme aient été
dépouillés de leur esprit; sachez aussi ce qu'est la teinture spirituelle, d'où les
couleurs apparaîtront. Car le terreux épais ne teint pas, mais ce qui est de
nature ténue, et par quoi le corps est transpercé, colore. Quand vous aurez
régi le corps du cuivre, et que vous en aurez extrait la sub-stance très ténue,
alors il sera changé en tein-ture, par laquelle le corps sera coloré. C'est pour
cela que le sage dit que le cuivre ne teint pas s'il n'est pas teint d'abord. Vous
saurez également que ce cuivre que je vous ai ordonné de régir, ce sont ces
quatre corps, et que les teintures que je vous ai signifiées sont le compact et
l'humide. Le compact est la vapeur conjointe, tandis que l'humide est l'eau du
soufre, parce que les soufres sont contenus dans les soufres. Et ainsi,
légitime-ment, la nature se réjouit de la nature, la sur-monte et la contient ».
Discours vingt-sixième
Zenon dit : « Je vois, assemblée des sages, que vous avez conjoint deux
corps, ce que votre Maître ne vous a nullement com-mandé». L'assemblée
répondit: «Dis-nous ton opinion là-dessus, Zenon, et ne sois pas envieux ». Et
lui : « Vous saurez que les cou-leurs qui vous apparaîtront sont les sui-vantes.
Sachez, fils de la doctrine, qu'il vous faut pourrir le composé pendant
quarante jours. Ensuite, le sublimer dans le vaisseau cinq fois. Après,
continuez au feu de fiente et cuisez le premier jour la noire, le second noir
rouge, le troisième semblable au safran sec. Après, la couleur parfaite vous
apparaîtra. Le ferment et la pièce de monnaie vulgaire y seront unis. C'est
alors le composé iksir fait du sec et de l'humide qui teint d'une teinture qui ne
change plus. Et sachez que le corps est cela en quoi est l'or. Mais en vous
met-tant à iksir, prenez garde de ne pas l'extraire par hasard et à la hâte, car
cela sera long. Extrayez donc notre ixir selon le seul mode qui lui convienne.
C'est comme une teinture de naissance et de vie, c'est l'âme retirée de
plusieurs choses et de plus grande valeur que la monnaie. Sa teinture est la
vie pour ceux dont elle efface le malheur, en ôtant la mort de leur corps. C'est
pourquoi les maîtres ont dit qu'il existe entre eux un amour comme entre le
mari et la femme, et que celui qui se met à cet art, s'il ne connaît les natures,
sup-portera la longueur des cuissons jusqu'à ce qu'il arrive à ce qu'il s'est
proposé, avec la permission de Dieu ».
Discours vingt-septième
Gregorius dit : « Vous tous de l'assemblée, il est connu que les envieux
appelèrent la vénérable pierre antimoine, et ils prescrivi-rent de le régir
jusqu'à ce qu'il devienne d'un brillant éclatant, comme le marbre». Et à lui : «
Explique de quoi il s'agit pour ceux de l'avenir». Et lui: «Bien volontiers.
Sachez que c'est le cuivre mélangé au vinaigre et régi jusqu'à ce qu'il
devienne de l'eau. Qu'il soit ensuite congelé et demeure en pierre écla-tante,
ayant un brillant comme le marbre. Le voyant ainsi, recommencez à le cuire et
l'imbibez jusqu'à ce qu'il revête la couleur susdite, et qu'en soit fait l'or de la
couleur tyrienne. Il vous faut donc, investigateurs de l'art, quand vous verrez
cette pierre brillante s'effondrer et se changer en terre et montrer quelque
rougeur, que vous preniez de l'eau qui reste, que les envieux vous ont dit de
diviser en deux parties, et avec elle en imbi-ber le corps plusieurs fois jusqu'à
ce que les couleurs cachées dedans vous apparaissent. Et sachez que si
vous ne savez pas bien le régir, vous ne verrez pas les couleurs. J'ai vu
quelqu'un qui commença cet Suvre et tra-vailla avec les vraies natures, mais
la rougeur tardant quelque peu, il crut s'être trompé et abandonna l'Suvre.
Considérez comment vous avez fait s'embrasser le rouge avec son épouse ;
une fois embrassée, elle passe rapi-dement dans son corps, le liquéfie, le
congèle, le détruit et le pulvérise. Après cela, la rougeur ne tardera pas. Et si
vous avez fait votre confection sans poids, il arrivera du retardement. Si cela
arrive, attendez-vous au mal. Je vous conseille de donner un feu lent en
liquéfiant, mais de le faire plus intense quand l'Suvre sera changé en terre, et
de l'imbiber jusqu'à ce que Dieu nous extraie les couleurs et qu'elles nous
apparaissent ».
Discours vingt-huitième
Discours vingt-neuvième
Diamedes dit: «Tu as déjà dit à Moïse qu'il ne faut pas être envieux. Je
néglige donc en confirmant tes paroles la dureté des élé-ments que l'on passe
sous silence, et que les savants voulurent écarter, bien que ce soit une chose
très précieuse en soi que cette dis-position. Sachez tous, investigateurs de la
doctrine, que d'un homme il ne vient qu'un homme, d'un animal que son
semblable, d'un oiseau que son semblable. Je n'ai parlé de cela que
brièvement. Soyez attentifs, parce qu'en évitant la prolixité, je vous ai obligés
à l'attention. La nature n'est corrigée que dans sa nature, comme tu ne peux
être amélioré que dans ton fils, c'est-à-dire l'homme dans l'homme. Prenez
donc garde à ne pas négliger ce précepte. Nous nous ser-vons d'une nature
vénérable, de laquelle nous faisons l'art, et non pas d'une autre. Sachez que
si vous ne la prenez et ne la régis-sez, vous n'aurez rien. Conjoignez donc
l'enfant du serviteur rouge à sa femme odo-rante, ce qu'étant fait, ils
engendrent ensemble. N'y introduisez rien d'autre, ni poudre, ni aucune autre
chose. Il vous suffit de la conception et un fils légitime naîtra; ô que précieuse
est la nature de ce serviteur rouge, sans lequel le régime ne peut pas exis-
ter». Bacsen dit: «Cette disposition, Dia-medes, tu l'as découverte
clairement». Il répondit: «Je l'éclairerai encore mieux. Hélas sur vous, si vous
ne craignez pas Dieu, prenez garde qu'il ne vous retire cet art. Pourquoi êtes-
vous envieux envers vos frères ? » Ils répondirent : « Nous ne nous dérobons
que devant les ignorants. Dis donc ce que tu veux dire ». Et lui : « Après les
avoir mariés, mettez dans le bain le jaune avec son épouse et n'échauffez pas
trop le bain pour qu'ils ne soient pas privés de sens et de mou-vement.
Laissez-les dans le bain jusqu'à ce qu'ils n'aient plus qu'un corps et une cou-
leur. Rendez-leur leur sueur et donnez-leur à nouveau la mort. Arrangez-les
pour qu'ils soient en repos et prenez garde qu'ils ne brû-lent et ne fuient pas
trop de feu. Alors hono-rez le roi et son épouse. Cuisez-les jusqu'à ce qu'ils
deviennent noirs, puis blancs, puis rouges et enfin qu'ils deviennent d'une
tein-ture tingente. Si vous comprenez cela, cher-cheurs de la science, vous
êtes bienheureux. Si, au contraire, vous ignorez ce dont je me suis
brièvement acquitté, c'est que Dieu vous a caché la vérité. Ne le reprochez
donc pas aux savants, mais à vous-mêmes. En effet, si Dieu savait que vous
lui êtes fidèles en esprit, il vous inspirerait la vérité. Je vous ai édifiés et retirés
de l'erreur ».
Discours trentième
Bacsen dit : « Tu as bien parlé, Diamedes. Je vois que l'on n'a pas expliqué
aux surve-nants la disparition de corsufie. Les envieux ont en effet beaucoup
parlé de corsufie et l'ont rendu obscur par n'importe quels noms ». Et lui : «
Dis-nous donc, Bacsen, ton opinion là-dessus. Et je jure par ton père que cela
est la tête de l'Suvre, son vrai commen-cement, après son commencement».
Bacsen dit: «Je signifie aux chercheurs de l'art qui viendront plus tard que
corsufle est composé et qu'il faut le rôtir sept fois, et qu'une fois arrivé à la
perfection, il teint tous les corps ». L'assemblée répondit : « Bacsen, tu as dit
la vérité ».
Discours trente-et-unième
Pythagoras dit: «Vous avez vu comment Bacsen a parlé, qui n'a pas voulu le
nommer par ses noms mensongers». Et eux: « Nomme-le, Pythagoras ». Et
lui : « Quand la composition de corsufle est faite, ils la nom-mèrent du nom de
tous les corps du monde, comme monnaie, ou cuivre, ou étain, ou fer, ou
plomb, suivant les mouvements de sa couleur, jusqu'à ce que soit fait ixir».
L'assemblée répondit: «Pythagoras, tu as bien parlé ». Et lui : « J'ai bien
parlé. Que l'un de vous parle du reste ».
Discours trente-deuxième
Bonellus dit : « Nous savons de toi, Pytha-goras, que tout meurt et vit par le
vouloir de Dieu. Pour ce qui est de cette nature, quand son humidité lui est
enlevée, et qu'elle est abandonnée pendant des nuits, on la voit semblable à
un mort. Elle est alors changée et laissée dans la nuit, comme un homme
dans son tombeau est changé en poussière. Ceci fait, Dieu lui rend son âme
et son esprit, et cette chose dépouillée de son infir-mité est réconfortée et
améliorée après la corruption, comme l'homme devient plus fort après la
résurrection, et plus jeune que quand il était dans ce monde. C'est pour-quoi,
fils de doctrine, il vous faut brûler cette chose sans crainte jusqu'à en faire la
cendre. Sachez alors que vous avez bien mélangé. Parce que, quand cette
cendre reçoit l'esprit, elle boit cette humeur jusqu'à ce qu'elle soit changée en
une couleur plus belle que celle qu'elle avait. Considérez, fils de doctrine,
comment les peintres ne peuvent peindre avec leurs couleurs si elles ne sont
pas réduites en poudre, les unes en les cuisant, jusqu'à ce qu'elles soient en
cendres, les autres broyées à la main. Il en va de même pour les sujets plus
importants. Et si vous comprenez ce qui précède, vous saurez que j'ai dit la
vérité. Aussi je vous prescris de brû-ler le cuivre et le changer en cendre. Car
si vous le régissez subtilement, il en viendra beaucoup de choses et, de la
même manière, de la plus petite quantité de chacune, il en viendra beaucoup
aussi. Le cuivre, comme l'homme, a un corps et un esprit. Les hommes
reçoivent la vie après Dieu de l'air inspiré. De même le cuivre respire son
humeur, dont il prend la force par laquelle ce cuivre est multiplié et augmenté,
comme les autres choses. C'est pour cela que les philo-sophes disent que le
cuivre, étant brûlé un grand nombre de fois, devient meilleur qu'il n'était».
L'assemblée répondit: «Démontre donc, Bonellus, pour ceux qui viendront
après, la façon dont le cuivre devient meilleur qu'il n'était». Et lui: «Bien volon-
tiers. C'est parce qu'il est augmenté et multi-plié. Dieu a extrait plusieurs
choses d'une seule. Il n'a rien créé qui n'ait son régime et une propriété pour
le guérir. De même pour notre cuivre; avant qu'il ne soit cuit, il est réduit en
eau ; ensuite, plus il est cuit, plus il est épaissi. Et la pierre en est faite, que
les envieux appellent alors la pierre qui surmonte tout métal. Elle est ensuite
broyée, imbibée et rôtie par un feu plus intense qu'avant. Par la combustion,
elle devient comme du sang. On y met alors la monnaie, et elle teint le cuivre
en or, avec la permission de Dieu. Ne voyez-vous pas que le sang ne devient
sperme que s'il est diligemment cuit dans le foie jusqu'à ce qu'il ait une
intense rougeur, sinon il ne se changera pas en ce sperme ? Pareillement, si
notre Suvre n'est pas diligemment cuit jusqu'à ce qu'il soit réduit en poudre, et
que le sperme devienne spirituel par putréfaction, il n'en sortira pas la couleur
que vous cherchez. Mais si vous parvenez au terme du régime, vous aurez ce
que vous vous étiez proposé, et vous serez éminent entre vos contemporains
».
Discours trente-troisième
Bacsen dit : « II faut redire ce que tu as dit. Prenez corsufle, qui ressemble à
la rouille du cuivre, et cuisez-le avec l'urine de veau jusqu'à ce que la nature
du corsufle soit changée, car la véritable nature du corsufle est cachée dans
son ventre». L'assemblée dit: «Explique aux survenants quelle est cette
nature ». Et lui : « C'est l'esprit tingent qu'elle tient de l'eau permanente,
éclatante comme la monnaie». Et à lui: «Explique comment on l'extrait ». Et
lui : « Broyez-le et lui donnez sept fois de l'eau jusqu'à ce qu'il boive toute son
humeur et reçoive la force du feu en l'y approchant, et combatte contre lui. Il
est alors appelé rouille. Putréfiez-le donc jusqu'à ce qu'il devienne une poudre
spiri-tuelle de la couleur du sang brûlé, laquelle est introduite par le feu
surmontant dans le ventre de la nature, disposée à le recevoir, ce qui donne
une couleur qui ne change plus. Les rois l'ont cherchée, mais ne l'ont pas
trouvée, sauf si Dieu l'a permis ». L'assem-blée dit : « Alors, complète tes
dires, Bacsen ». Et lui : «Je leur conseille de blanchir le cuivre avec l'eau
claire et par elle, le rendre rouge. Et prenez garde de ne rien y introduire
d'autre ». Et l'assemblée : « Tu as bien parlé, Bacsen, et Dictimerus aussi».
Et lui: «Si j'ai bien parlé, que chacun de vous parle ».
Discours trente-cinquième
C'est là le broyage des philosophes, parce que ce qui n'est pas sublime
tombe au fond, tandis que ce qui devient une poudre spiri-tuelle monte dans
le haut du vaisseau; et c'est une trituration par décoction, et non une
opération manuelle. Sachez que si tout n'est pas changé en poudre, vous
n'avez pas assez broyé; cuisez-le alors, que cela soit converti et devenu
poudre. Car Agadimon dit: "Cuisez le cuivre jusqu'à ce qu'il devienne un corps
léger et impalpable, et mettez-le dans son vaisseau. Puis sublimez-le six ou
sept fois jusqu'à ce que l'eau le pénètre. Et vous saurez que quand il est
devenu poudre par l'eau, il est broyé". Si vous vous demandez comment il se
fait que la poudre soit faite par l'eau, il faut que vous sachiez que l'intention
des philosophes est que le corps qui n'était pas de l'eau avant qu'il se
rencontre avec l'eau devienne de l'eau et que l'eau soit mélangée avec l'autre
eau et que ce ne soit qu'une même eau. On peut donc être assuré que si tout
n'est pas devenu de l'eau, on ne parviendra pas à faire l'Suvre. Il faut que le
corps soit livré à la flamme du feu, afin qu'il soit décomposé et affaibli par
l'eau, dans laquelle il séjournera jusqu'à ce que tout soit eau. Les ignorants
entendant parler de l'eau, croient qu'il s'agit d'eau de pluie. Mais s'ils avaient
lu nos livres, ils sauraient que c'est l'eau perma-nente qui ne peut pas être
permanente sans son corps qu'ils dissolvent avec l'eau et font devenir une
seule chose. C'est l'eau que les philosophes ont appelée eau d'or, feu, bon
venin, et de beaucoup d'autres noms. C'est avec cette eau qu'Hermès
ordonna de laver souvent le sable afin d'ôter la noirceur du soleil que le sable
y avait introduite par son corps. Et sachez, chercheurs de cet art, que si vous
ne prenez ce corps pur, qui est notre cuivre dépourvu d'esprit, vous ne verrez
jamais ce que vous désirez, parce que rien d'autre n'entre dans l'Suvre.
Laissez tous les noms obscurs, la nature n'est qu'une eau ; si on s'y trompe,
on va à sa perte et on y laisse la vie. Ayez donc cette unique nature et lais-
sez le reste ».
Discours trente-septième
Bonellus dit: «Je parlerai un peu de la magnésie». L'assemblée répondit:
«Parle». Et lui : « En mélangeant la magnésie, mettez-la dans son vaisseau
dont vous fermerez soi-gneusement l'ouverture; cuisez-la à un feu doux
jusqu'à ce que tout se liquéfie et devienne de l'eau dans son vase. Car, le feu
survenant, il se fera de l'eau pour le vouloir de Dieu. Voyant la noirceur
paraître, sachez que le corps est liquéfié. Remettez-le dans son vaisseau et
cuisez quarante jours, jusqu'à ce qu'il boive l'humeur du vinaigre et du miel.
Certains ouvrent le vaisseau tous les sept jours, ou tous les dix jours ; on y
trouve une eau pure, mais la dernière perfection se fait au bout de quarante
jours. Il a bu alors toute l'humeur de la décoction. Lavez-le et débarrassez-le
de sa noirceur jusqu'à ce que la pierre devienne sèche au toucher.
Discours trente-huitième
Effistus dit : « Tu as très bien parlé, Bonellus, et je certifie toutes tes paroles
». L'assem-blée dit : « Dis-nous si elles peuvent être une aide aux dires de
Bonellus, celles qui nous feront pénétrer dans cette disposition; et qu'elles
soient plus audacieuses et plus cer-taines ». Effistus dit : « Considérez
comment a parlé Hermès, tête des philosophes, quand il a voulu enseigner le
mélange des natures. Il a dit: "Prenez la pierre d'or, et mêlez-la à l'humeur qui
est l'eau permanente". Mettez-le dans son vaisseau à une chaleur douce
jusqu'à ce qu'il se liquéfie. Puis laissez-le là jusqu'à ce que l'eau se dessèche
et qu'ils se combinent entre eux. Une fois imbibé de son eau, que le feu soit
plus intense qu'avant pour qu'il soit desséché et réduit en terre. Cela étant
terminé, sachez que c'est le pre-mier arcane. Faites cela plusieurs fois tant
que deux parties de l'eau disparaissent et que
vous voyiez les couleurs». L'assemblée répondit: «Tu as bien parlé,
Effistus. Dis brièvement la suite». Et lui: «Je dis pour les survenants que le
blanchiment ne se fait pas sans décoction. C'est pourquoi Agadimon a traité si
souvent de la cuisson de l'éthélie et du broyage et de l'imbibition. Je vous
conseille pourtant de ne pas verser toute l'eau en une fois pour ne pas noyer
l'ixir. Versez-la peu à peu, broyez et desséchez et faites cela très souvent,
jusqu'à ce que tout soit en eau. De ceci, les envieux dirent: "Une fois tourné
en eau, laissez-le jusqu'à ce qu'il soit figé en bas". Leur intention est de
dessécher l'humeur, de la changer en poudre et la laisser dans son vase de
verre quarante jours, jusqu'à ce que ses couleurs variées se transforment
comme les philosophes les ont décrites. En cuisant par ce moyen, les corps
couvrent d'un vêtement leurs esprits et les substances spirituelles tingentes,
et ils sont faits chauds». L'assemblée répondit: «Tu nous a éclairés, Effistus.
Que celui à qui il plaît de dire quelque chose parle ».
Discours trente-neuvième
Bacsen dit : « Chercheurs de cet art, vous n'arriverez à rien d'utile sans un
grand travail de la pensée et un régime continuel. Celui donc qui aimera la
patience prospérera dans cette disposition et pourra s'y adonner. Mais celui
qui désirera comprendre très vite, qu'il ne lise pas nos livres, parce qu'il n'en
retire-rait que du dommage s'il voulait comprendre les choses les plus élevées
en ne lisant qu'une seule fois, ou deux ou trois. Aussi, le Maître a-t-il dit:
"Celui qui courbera son dos sur nos livres pour les lire s'y adonnera, ne
s'embarrassera pas dans de vaines cogitations et priera Dieu, dominera sur la
terre jusqu'à sa mort". Car ce que vous cherchez n'est pas une chose de peu
de prix. Hélas sur vous, qui cherchez le plus grand trésor que Dieu donne en
récompense. Vous ne savez donc pas que pour le plus petit motif du monde,
les gens se tuent entre eux; ne feraient-ils pas l'impossible pour un si
excellent pré-sent ? Le régime dépasse ce qui peut être embrassé par notre
raison et n'est su que par l'inspiration divine. J'en ai vu autrefois qui
connaissaient les éléments aussi bien que moi. L'un, voulant se mettre à régir
cette dis-position, ne put parvenir à une fin heureuse à cause de son
mécontentement, de son défaut de science, du régime, de son impatience, de
sa grande cupidité et de sa hâte à travailler.
On n'espère pas avoir du fruit d'un arbre qu'on vient de planter avant que le
temps soit venu. Quand on sème du grain, on n'espère pas moissonner avant
le temps des moissons. Comment voulez-vous donc avoir ce don après une
seule lecture d'un livre, ou la première expérience d'un régime ? Les
philosophes ont dit qu'on ne peut pas trou-ver ce qui est vrai sans faire
d'erreur, et rien ne donne une si grande douleur au cSur que l'erreur dans cet
art, quand on croit presque avoir le monde à soi et qu'on se trouve ne rien
avoir dans les mains. Hélas, comprenez ce qu'a dit le philosophe et comment
il a dis-tingué l'Suvre en disant : "Broie, cuis, réitère et ne t'en fatigue pas". En
effet, en cela il a distingué l'Suvre, c'est-à-dire mêler, cuire, rendre semblable,
dessécher, chauffer, blan-chir, triturer, cuire Péthélie, faire la rouille et teindre.
Tout cela, ce sont plusieurs noms, mais ce n'est qu'un seul régime, et s'ils
savaient qu'une seule décoction et une seule trituration soient suffisantes, ils
n'auraient pas si souvent réitéré leurs dires comme ils l'ont fait, que le
composé devait être broyé et cuit sans interruption et que vous ne vous en
fatiguiez pas. Avec ces paroles, ils ont obs-curci votre entendement, et il me
suffirait de vous dire la même chose. Si vous voulez tra-vailler selon la vérité
de ce venin, ajustez sa complexion, ensuite cuisez souvent sans vous lasser
de la décoction. Imbibez jusqu'à ce que soit fait comme je vous l'ai prescrit un
esprit impalpable et que vous voyiez l'ixir revêtu d'un vêtement royal. Car
quand vous aurez vu l'ixir changé en couleur tyrienne, vous aurez trouvé ce
que les philosophes ont trouvé avant vous. Si vous comprenez mes paroles,
vous verrez que, bien que mon dis-cours soit mort, il contient cependant en lui
la vie pour ceux qui sont intelligents, et qu'il dévoile sur-le-champ les
ambiguïtés qui peu-vent se présenter. Recommencez donc sou-vent à lire et
relire, car le discours est mort, mais, énoncé par les livres, le discours est
vivant. Aussi vous conseillons-nous de lire souvent et, sur ce que nous avons
raconté, de méditer extrêmement ».
Discours quarantième
Iargus dit: «Par ce que tu as traité, Bacsen, tu as mis de l'ordre dans ce qui
était obscur ». Et lui : « Parle donc, Iargus, selon ta générosité ». Iargus dit
alors : « Le cuivre dont j'ai parlé n'est pas du cuivre ni de l'étain vulgaire, mais
c'est notre Suvre qu'il faut mélanger au corps de la magnésie afin qu'il soit cuit
et trituré sans ennui jusqu'à ce qu'il devienne pierre. Cette pierre est ensuite
tri-turée dans son vaisseau avec l'eau de nitre. Puis mettez-la à liquéfier
jusqu'à ce qu'elle soit décomposée. Il vous faut avoir de l'eau par laquelle plus
vous cuisez, plus vous divi-sez jusqu'à ce que le cuivre ait de la rouille, qui est
notre Suvre. Cuisez et triturez donc par le vinaigre d'Egypte ».
Discours quarante-et-unième
Zimon dit : « Tout ce que tu as dit, Iargus, est vrai. Je ne vois cependant pas
que, dans toute l'assemblée, on ait rien dit du cercle ». Et lui: «Parle donc de
cela selon ton opi-nion, Zimon». Il dit: «Je dis aux survenants que le cercle est
changé en quatre éléments et n'est que d'une seule chose ». L'assemblée
répondit : « Expose donc pour les survenants la manière de régir ce que tu as
dit ». Et lui : «Volontiers. Il faut prendre une partie de notre cuivre et trois
parties d'eau perma-nente, puis les mélanger et les cuire jusqu'à ce qu'ils
soient épaissis et fassent une pierre dont les envieux dirent: "Prends du corps
pur une partie et trois parties du cuivre de la magnésie. Ensuite, mélange au
vinaigre mas-culin royal mêlé à la terre. Ferme le vaisseau, observe ce qui est
dedans et cuis continuelle-ment jusqu'à ce que cela devienne terre"».
Discours quarante-deuxième
Astanius dit : « Les trop longs discours, fils de la doctrine, ne font
qu'augmenter les erreurs de la pensée. Quand nous lisons dans les livres des
philosophes que la nature n'est qu'une et qu'elle surmonte tout, sachez que
les choses sont composées d'un et d'une. Voyez comme la complexion de
l'homme est faite d'âme et de corps. Il vous faut de même conjoindre aussi.
Lorsque les philosophes préparèrent les choses, ils les conjoignirent et les
ajoutèrent comme des mariés. Il en sortit une eau dorée». L'assemblée
répondit: « Avant, tu parlais d'un travail, et maintenant tu passes à un autre.
Que tu construis donc ton livre de façon ambiguë ! Et que tes paroles sont
donc ténébreuses ! » Et lui : « Poussez à la guerre le cuivre et l'argent vif,
qu'ils s'efforcent de se faire mourir et qu'ils soient d'abord corrompus. Parce
que le cuivre, absorbant l'argent vif, le coagule, et
cet argent vif, absorbant le cuivre, est congelé. Pendant ce temps-là,
excitez le combat, décomposez le corps jusqu'à ce qu'il soit réduit en poudre.
Conjoignez le mâle à la femelle qui vient de la vapeur et de l'argent vif jusqu'à
ce que le mâle et la femelle deviennent Péthel. Celui qui les convertit en esprit
par l'éthel, qui ensuite les rend rouges, teint tout corps, parce que, lorsque
vous broyez soigneusement le corps en le cuisant, vous en extrayez son âme
spiri-tuelle et excellente qui teint tout corps». L'assemblée répondit: «Montre
donc aux survenants ce qu'est ce corps ». Et lui : « C'est le soufre naturel que
nous avons désigné par les noms de tous les corps ».
Discours quarante-troisième
Dardaris dit : « Vous avez souvent traité du régime et, à cette occasion, vous
avez traité de la conjonction. Je dis à ceux qui viendront qu'on ne peut pas
extraire l'âme cachée si les corps ne sont faits non-corps par l'ethélie, en
cuisant continuellement, et par la sublima-tion de l'ethélie. Et sachez que
l'argent vif est igné, qu'il brûle tous les corps plus que le feu et les mortifie,
que tout corps auquel il est mêlé est broyé et mis à mort. Il faut que la nature
de l'ethélie soit faite des corps soigneusement broyés et exaltés par le
mercure, et que la couleur ne soit pas fuyante, mais tingente, elle qui teint le
cuivre dont l'assem-blée a dit qu'il ne peut pas teindre avant d'être teint, mais
quand il est teint, il teint. Et sachez que le corps du cuivre est gouverné par la
magnésie, et que l'argent vif a quatre corps en lui, mais qu'il n'est qu'une
chose humide, que c'est une eau de soufre, car les soufres sont contenus
dans les soufres». L'assemblée dit : « Dardaris, montre aux sur-venants ce
que sont les soufres ». Et lui : « Les soufres sont les âmes qui furent cachées
dans les quatre corps, qui en sont chichement extraites, se sont embrassées
naturellement entre elles et ont teint. Si vous régissez par l'eau ce qui est
caché dans le ventre du soufre, si vous le nettoyez bien, il se réjouira de
rencontrer la nature et, pareillement, l'eau de retrouver son compagnon. Et
sachez que les quatre corps ne sont pas teints, mais qu'ils teignent ». Et
l'assemblée : « Pourquoi ne dis-tu pas, selon l'usage des Anciens, que
lorsqu'ils sont teints, ils teignent ? » Et lui : «Je dis que les quatre monnaies
vulgaires ne sont pas teintes, mais qu'elles teignent le cuivre, et que le cuivre
étant teint, il teint les monnaies vulgaires ».
Discours quarante-quatrième
Moïse dit : « Cet un dont tu nous a parlé, Dardaris, les philosophes l'ont
appelé de plu-sieurs noms, tantôt avec deux noms, tantôt avec trois ».
Dardaris répondit : « Nomme-les donc pour la postérité, Moïse, et sois sans
envie ». Et lui : « L'un est igné, le deux est le composé de celui-ci; le trois est
l'eau de soufre par laquelle le un est lavé et broyé jusqu'à son achèvement.
Voyez ce que dit le philosophe, que l'argent vif qui teint l'or est l'argent vif
cambar». Dardaris répondit: « Comment dis-tu ? Car le philosophe dit
quelquefois c'est cambar, quelquefois c'est l'orpiment. L'argent vif cambar est
la magné-sie, tandis que l'argent vif orpiment tardif est le soufre qui monte du
composé mélangé. Il vous faut donc unir cette chose épaisse avec le venin
igné, pourrir et broyer soigneuse-ment jusqu'à ce que l'esprit soit caché dans
un autre esprit. Il se fait alors une teinture qui teint tout ce que vous voulez ».
Discours quarante-cinquième
Platon dit: «Maîtres, quand ces corps seront dissouts, il vous faut prendre
garde à ce qu'ils ne soient brûlés. Il faut les laver avec l'eau de mer jusqu'à ce
que tout leur sel soit transformé en douceur, s'éclaircisse et teigne, que la
teinture du cuivre soit faite qui ne fuie plus. Il faut en faire un esprit tingent et
un autre à teindre, car l'esprit séparé du corps et caché dans un autre esprit
les rend fuyants, l'un et l'autre. C'est pourquoi les sages ont dit d'ouvrir la
porte de sortie à celui qui ne s'enfuit pas. Cette fuite cause la mort, car, en
changeant ce qui est sulfureux en esprit semblable à lui, l'un et l'autre
deviennent fuyants parce qu'ils sont devenus des esprits aériens qu'on fait
monter dans l'air soigneusement. Les philosophes, voyant que ce qui ne fuyait
pas, mis avec les fuyants, était rendu fuyant, réitérèrent, et ils devin-rent non-
fuyants, semblables au corps. Ils les introduisirent dans celui-ci pour qu'ils ne
puissent plus fuir. Ils recommencèrent en effet d'en faire un corps semblable à
ceux desquels ils avaient été extraits, et qui furent ainsi parachevés. C'est
pourquoi le philo-sophe dit que le tingent et celui qui est à teindre deviennent
une seule teinture. Cet esprit est humide et est caché dans un autre esprit. Et
sachez que l'un des humides est froid et l'autre chaud, et bien que le froid ne
convienne pas au chaud, ils deviennent cependant un seul. C'est pourquoi
nous apportons les incorporels dans les corps pour régir ces corps jusqu'à ce
que les incorporels soient devenus corps, ne fuyant pas un feu, ce qu'ils ne
peuvent pas devenir, si ce n'est dans ceux-là. Car les esprits de toutes sortes
fuient les corps ; ceux qui ne fuient pas sont meilleurs et plus précieux que
tous les corps. Prenez donc ceux qui ne fuient pas. Joignez en le lavant le
corporel avec l'incorporel. Donnez un corps à ce qui n'en a pas jusqu'à ce que
vous changiez cela en corps au moyen des corps non fuyants. Avec les non-
corps et le corporel par celui qui n'a pas de corps, jusqu'à ce que vous le
changiez en un corps ne fuyant pas des corps. Changez la terre en eau, l'eau
en feu, le feu en air, puis cachez le feu dans la profondeur de l'eau, et la terre
dans le ventre de l'air. Mettez le chaud avec l'humide, le sec avec le froid. Et
sachez que la nature surmonte la nature, nature se réjouit de nature et nature
contient nature ».
Discours quarante-sixième
Discours quarante-septième
Pythagoras dit : « Chercheurs de cet art, on sait que les philosophes ont traité
très diver-sement de la succession. Je vous prescris de resserrer l'argent vif
dans le corps de la magnésie, ou le corps de kuhul, ou le crachat de lune, ou
le soufre incombustible, ou la chaux desséchée, ou l'alun, qui vient des fruits,
comme vous le savez. Si, en effet, il y avait un régime pour chacun de ceux-
ci, le philosophe ne dirait pas ce que vous savez. Comprenez donc que le
soufre, et la chaux, et l'alun qui vient des fruits, et kuhul ne sont pas autre
chose que l'eau de soufre, et sachez que la magnésie se mélange avec
l'argent vif; ils se joignent l'un et l'autre et s'attachent au soufre ensemble. Il
ne vous faut donc pas laisser la magnésie sans argent vif avec qui elle est
mise en composition, laquelle est de une pour dix. Elle est appelée la très
forte composition, c'est d'elle que les philosophes ont parlé et sachez que la
magnésie est blanchie avec l'argent vif. Il vous faut la congeler quand elle est
blanche, car ce que les philo-sophes ont raconté dans leurs livres n'est pas un
seul régime. La première congélation est celle de l'étain et du cuivre par le
plomb. Par la seconde, l'eau de soufre est composée. Il faut savoir que
l'Suvre n'est pas achevé et que la science de cet art n'est qu'une vapeur et
une sublimation de l'eau, une conjonction de la magnésie à l'argent vif. C'est
pourquoi les philosophes ont démontré dans leurs livres que l'eau pure du
soufre vient du soufre seul, et qu'aucun soufre n'est fait sans sa chaux,
l'argent vif et l'eau du soufre ».
Discours quarante-neuvième
Discours cinquantième
Horfolcos dit: «Tu n'as rien expliqué d'autre, Pandolfus, que le dernier régime
de ce corps. Tu as donc fait une description ambiguë pour les lecteurs. Si son
régime était pris au commencement, tu en dissiperais les obscurités ».
L'assemblée dit : « Parle donc de cela aux survenants, autant qu'il te plaira ».
Et lui : « Chercheurs de cet art, il vous faut d'abord brûler le cuivre par un feu
léger comme celui qui couve les Sufs. Il faut brû-ler par l'humidité pour que
son esprit ne soit pas brûlé. Que le vase soit bien fermé afin que la couleur
augmente, que le corps du cuivre soit décomposé, que son esprit tingent soit
extrait, de quoi les envieux dirent : "Pre-nez l'argent vif tiré de la fleur du
cuivre". Ils l'ont appelé l'eau de notre cuivre, et venin igné extrait de toutes
choses, comme ils dirent que l'éthélie est extraite de plusieurs choses. De
plus, quelques-uns dirent qu'avec un qui a donné toutes choses, les corps
sont rendus non-corps et les incorporels sont faits corps. Et sachez que tout
corps est dissous avec l'esprit auquel il est mêlé, par qui, sans aucun doute, il
sera rendu semblablement spirituel, et que tout esprit est altéré et coloré par
les corps, en quoi consiste la couleur tingente, et il est rendu résistant au feu.
Béni soit donc le nom de celui qui inspira aux sages de changer le corps en
esprit, possé-dant la force et la couleur inaltérable et incorruptible, qui était
d'abord un soufre fuyant et qui est maintenant devenu un soufre qui n'est ni
fuyant ni combustible. Et sachez, fils de la doctrine, que celui qui peut rendre
rouge votre esprit fuyant mêlé à ce corps, puis extraire par un subtil régime la
nature ténue cachée dans le ventre de ce corps et de cet esprit, s'il est patient
pour supporter la longueur de l'opération, il peut teindre tout corps. Aussi les
envieux dirent : "Sachez que du cuivre, après qu'il est humecté par son
humidité et broyé avec son eau, et cuit avec le soufre, si vous en extrayez le
corps de Péthélie, vous trouverez qu'il s'adapte à toutes les teintures". Ils
dirent aussi que les choses soigneusement triturées par le feu et sublimées
par l'éthélie rendent les teintures fixes. Quand vous trouverez ces paroles
dans les livres, cela signifie l'argent vif que nous appelons l'eau de soufre.
Quel-quefois, ils dirent que la monnaie est du plomb, ou du cuivre, ou du
métal allié ».
Discours cinquante-deuxième
Et lui : « Complète donc ce que j'ai omis, Ixumdrus ». Et Ixumdrus : « Que l'on
sache que l'éthélie, dont on vous a parlé et qu'on vous a révélée, les envieux
l'ont appelée de beaucoup de noms. Quand elle est blanchie, elle blanchit et
teint. Alors les philosophes l'appellent la fleur de l'or, parce que cela est
naturel. Voyez comme les philosophes ont dit qu'avant de parvenir à ce
terme, le cuivre ne teint pas, mais qu'une fois teint, il teint parce que l'argent
vif, quand il est mélangé à sa teinture, teint. Lorsque ces dix choses sont
mélangées, que les philosophes ont appelées urines fermentées, alors tout
cela a été appelé multiplication. Par quelques-unes les corps de ceux-là étant
mêlés, sont dits corsufle, colle d'or. Il faut donc estimer tous ces noms qu'on
trouve dans les livres des philo-sophes comme vains et superflus. Il sont
vrais, mais cependant fictifs, puisqu'ils n'ont tous qu'une opinion et une voie. A
la vérité, c'est l'argent vif qui est extrait de tous, duquel toutes choses sont
faites, qui est une eau pure qui détruit l'ombre du cuivre. Et vous saurez que
cet argent vif, quand il est blanchi, devient soufre, et qu'il est contenu dans le
soufre, que c'est un venin qui res-semble au marbre par son brillant. Les
envieux l'appellent éthélie, orpiment, sanderichi teinture. Il en monte un pur
esprit par un feu léger, toute la pure fleur sublimera, qui deviendra toute de
l'argent vif. Cela est le grand secret que dirent les philosophes que seul le
soufre blanchit le cuivre. Il vous faut cependant, chercheurs de cet art, bien
vous mettre dans la pensée que ce soufre n'a pas pu blanchir le cuivre tant
qu'il n'a pas été blanchi par le travail. Et sachez que ce soufre a dans
l'habitude de s'enfuir, et il se fige avec ses corps épais. Il vous faut donc le
contenir avec un autre argent vif du même genre, afin qu'il ne s'enfuie plus.
C'est pour-quoi les philosophes ont dit que les soufres sont contenus dans les
soufres. Sachez de plus, que les soufres qui teignent s'enfuient ensuite, sans
aucun doute, s'ils ne sont joints à un argent vif de leur genre. Ne croyez donc
pas que ce qui teint et ensuite fuit soit la monnaie vulgaire. La véritable
intention des philosophes est la monnaie philosophique qui, si elle n'est pas
mélangée avec le blanc ou le rouge qui est l'argent vif de son genre,
s'enfuirait certainement. Je vous prescris donc de mélanger l'argent vif avec
l'argent vif jusqu'à ce qu'en soit faite une eau pure com-posée de deux. Cela
est le grand arcane, dont la confection est de joindre la gomme et ses fleurs
cuites par un feu doux et avec les terres ; et il devient une pointe d'épée
rouge, puis est changé en rouille par le vinaigre et le sel nitre et change en
rougeur toutes les excellentes teintures contenues dans notre monnaie ».
Discours cinquante-troisième
Exumenus dit: «Les envieux ont ravagé tout notre art par la multitude des
noms, mais il faut savoir que ton art est le travail des monnaies. Car les
philosophes et les doc-teurs de cet art ordonnèrent de rendre l'or riche; les
philosophes appelèrent ce travail de tous les noms». L'assemblée répondit: «
Enonce donc pour les survenants, Exume-nus, quelques-uns de ces noms
afin qu'ils s'en méfient ». Et lui : « Ils l'ont appelé s'éle-ver, sublimer, laver,
broyer l'éthélie, blanchir par le feu, cuire la vapeur à diverses reprises et
coaguler, changer en rouille, confectionner Péthel, le cuivre, les eaux de
soufre, le coagulum. Par tout cela, on désigne le travail qui triture le cuivre et
le blanchit. Et sachez que l'argent vif qui paraît blanc rougit quand la fumée du
soufre tombe dessus, et il devient cambar. Aussi, quand l'argent vif est cuit
avec ses compositions, il est changé en rouge. De cela, les philosophes ont
dit que le plomb est rapidement converti de la nature. Voyez comme les
philosophes ont dit sans envie : "La raison pour laquelle nous avons si
souvent traité de la trituration et de la réité-ration est qu'il vous faut extraire les
esprits qui sont dans le vaisseau, que le feu conti-nuel ne manquerait pas de
brûler". Mais l'eau mise avec ces choses empêche qu'elles soient brûlées par
le feu, et ces choses deviennent telles que, plus la flamme les envahit, plus
elles se cachent dans la profon-deur de l'eau pour ne pas être endommagées
par la chaleur du feu. L'eau les reçoit dans son ventre et en repousse la
flamme du feu ». L'assemblée répondit: «Si vous ne rendez pas les corps
incorporels, vous n'êtes pas dans l'affaire». «En effet, les philosophes n'ont
pas peu parlé de la sublimation de l'eau. Et sachez que si vous ne broyez soi-
gneusement les choses avec le feu, l'éthélie ne montera pas, et si elle ne
monte pas, vous ne ferez rien. Mais quand elle monte, expo-sée à la vue, elle
devient l'instrument de la teinture pour ce que vous teignez. Au sujet de cette
éthélie, Hermès dit: "Tamisez les choses". Un certain autre dit que si les
choses ne sont pas soigneusement broyées par le feu, l'éthélie ne montera
pas. Le maître a dit que je dise quelque chose à ceux qui raisonnent. Sachez
que le vent du sud fait naître beaucoup de nuages et les sublime, et qu'il
élève les vapeurs de la mer ». L'assemblée répondit : « Tu as parlé obscuré-
ment». Et lui : «Je vais parler du vaisseau de terre et du vase dans lequel est
le soufre incombustible. Je vous prescris de congeler l'argent vif coulant par
plusieurs choses, afin que deux deviennent trois, que quatre deviennent un, et
deux un ».
Discours cinquante-quatrième
Anaxagoras dit: «Prenez le fuyant brûlé qui n'a pas de corps, et incorporez-le.
Ensuite, prenez la fumée lourde pour la pré-senter à ce qui a soif».
L'assemblée répon-dit : « Qu'est-ce que cette obscurité, Anaxagore ?
Explique ce que tu dis et prends garde à ne pas être envieux ». Et lui : «Je
vous signi-fie que cet assoiffé est l'éthélie, qui est cuite en se reposant sur le
soufre. Mettez-le dans un vase de verre et cuisez jusqu'à ce que le cambar
soit fait. Alors Dieu vous donnera cet arcane que vous cherchez. Je vous
ordonne de cuire continuellement et de recommencer sans vous lasser.
Sachez que la perfection de cet Suvre est dans la composition de l'eau de
soufre avec les tablettes et ensuite la cuire jusqu'à en faire la rouille. Tous les
philo-sophes ont dit : "Celui qui peut changer l'or en rouille a déjà trouvé ce
qu'il s'est proposé pour la teinture. Celui qui ne peut pas n'a rien"».
Discours cinquante-cinquième
Zenon dit: «Pythagoras a déjà parlé de l'eau que les envieux ont désignée par
tous les noms. Il en a traité à la fin de son livre sur le ferment de l'or,
commandant de mettre la pure eau de soufre avec un peu de sa gomme. Je
m'étonne, assemblée, de voir comment les envieux, en traitant de la per-
fection de cet Suvre, en ont parlé avant de traiter du commencement».
L'assemblée répondit : « Pourquoi as-tu négligé la putré-faction ? » Et lui : «
Vous avez raison. La putréfaction ne se fait pas sans le sec et l'humide. En
effet, le vulgaire putréfie par l'humide, mais l'humide n'est coagulé que par le
sec. Cependant, c'est de l'un et de l'autre qu'est le commencement de l'Suvre,
bien que les envieux aient divisé l'Suvre en trois parties, tout en disant que
l'un fuit faci-lement et que l'autre est très fixe et immo-bile ».
Discours cinquante-sixième
Constans dit : « Qu'avez-vous besoin des traités des envieux ? Je dis qu'il est
nécessaire pour cet Suvre d'avoir quatre natures». Ils répondirent: «Montre-
nous donc ce que sont ces quatre ». Et lui : « La terre, l'eau, l'air et le feu.
Ayez ces quatre éléments, sans les-quels rien n'a jamais été engendré. Mêlez
le sec à l'humide, ce sont la terre et l'eau, et cuisez par le feu et l'air jusqu'à
ce que l'esprit et l'âme soient desséchés. Et sachez que le subtil tingent se
saisit de la force de la partie subtile de la terre, de la partie subtile du feu, de
l'air et de l'eau, et l'esprit subtil est desséché. Introduisez donc ces parties
subtiles dans cet esprit, parce que, par la force de notre Suvre, il est changé
en terre quand ces choses deviennent subtiles. Ce corps est alors devenu
aussi subtil que l'air et alors le corps mis sur les monnaies teint. Pre-nez
garde, investigateurs de l'art, à ne pas multiplier les choses, car les envieux
ont multiplié les régimes et vous ont ruinés ; ils ont décrit plusieurs régimes
pour vous trom-per. L'humide et tout ce qui est humide, le sec et tout ce qui
est sec, toutes les pierres et les métaux, le fiel des animaux, la mer, les
volatiles du ciel, les reptiles de la terre, ils ont invoqué tout cela. Il vous faut
noter, vous qui voulez la teinture, que les corps sont teints par les corps. Je
vous dis, cependant, que le philosophe a brièvement dit au commence-ment
de son livre que, dans l'art de l'or, il y a l'argent vif de cambar et que dans la
mon-naie est l'argent vif du mâle. Ne cherchez rien au-delà de ceci, parce
qu'il n'y a que des deux argents vifs qui, à la vérité, ne sont qu'un ».
Discours cinquante-septième
Puis imbibez avec le rouge jusqu'à ce qu'elle soit humide, et cuisez avec un
feu encore plus fort. Veillez à ce que la bouche du vais-seau soit
soigneusement close. Par ce régime, en effet, les corps fuyants deviennent
non-fuyants, les esprits sont changés en corps et les corps en esprits et sont
noués ensemble. Ensuite, ils deviennent tingents, ayant corps, esprit et âme.
Ils végètent mutuellement entre eux». L'assemblée répondit: «Tu as
maintenant déclaré aux survenants que la rouille du cuivre arrive après que la
noirceur est blanchie par l'eau permanente, qu'ensuite elle est congelée et
devient corps de la magnésie, puis que celui-ci est cuit jusqu'à ce que tout le
corps soit brisé, et que ce qui fait soit changé en cendre, et que le cuivre soit
sans ombre, et que cela soit encore fait en triturant par le travail des phi-
losophes. Mais qu'as-tu donc laissé à ceux qui viendront en ce qui concerne
les vrais noms propres des choses dont tu as parlé ? » Et lui : « En suivant
vos traces, j'ai traité la chose de la même façon que vous ». Bonellus
répondit: «Tu as dit vrai. Si tu avais fait autrement, tes paroles ne seraient pas
sanc-tionnées dans nos livres ».
Discours cinquante-huitième
Baîgus dit : « Acratus et toute l'assemblée, on a dit, et vous l'avez vu, que le
bienfaiteur trompe quelquefois. Cependant, cela n'empêche pas que son
bienfait soit profi-table». Et eux: «Tu dis vrai. Parle donc selon ta sentence, et
tâche de ne pas être envieux ». Et lui : « On saura que les envieux ont réparti
les symboles de cet arcane dans la physique et l'astronomie. Ils ont suivi les
constellations, les arbres, les métaux, les vapeurs, les reptiles, et les ont
multipliés de façon équivoque, autant qu'ils l'ont pu; ce que l'on aperçoit
d'ordinaire dans tout leur Suvre. Je vous prescris cependant, investiga-teurs
de la science, de prendre le fer, le mettre en lamelles, le mêler avec le venin
et le mettre dans son vaisseau en fermant soi-gneusement l'ouverture. Et
prenez garde d'y mettre trop d'humeur, ni de le laisser sec. Mais mélangez
fortement comme une masse. Sachez que si vous mettez un excès d'eau, il
ne restera pas dans le four ; mais si vous des-séchez la masse, elle ne sera
ni conjointe, ni cuite dans le four. Je vous conseille donc de le confectionner
avec soin. Mettez-le ensuite dans son vaisseau dont la bouche sera fermée
dedans et dehors avec du lut. Puis y mettez des charbons allumés pendant
quelques jours; après ouvrez-le et vous trouverez les lamelles liquéfiées.
Vous trouverez des nSuds dans le couvercle du vase ; en effet, le vinaigre
échauffé s'élève du fait de sa nature spirituelle et monte dans l'air. C'est pour-
quoi je vous prescris de retenir cette partie. Vous saurez aussi qu'il est
congelé par les décoctions et par les ablutions que vous ferez nombreuses, et
qu'il est coloré par le feu, et que sa nature est changée. Par cette décoc-tion
et cette liquéfaction, cambar n'est pas disjoint. Je vous apprends encore que
par cette large décoction, la tierce partie du poids de l'eau est consumée, le
reste devient vent qui reste dans les esprits d'un deuxième cambar. Et sachez
que rien n'est plus excel-lent que le sable rouge de la mer, qui est le crachat
de la lune rassemblé avec la lumière des rayons du soleil, car la rosée est
congelée par la chaleur du soleil, la nuit, avant que la lune soit pleine. Alors,
la rosée de l'assaillant est jointe à la victime et plus les jours passe-ront, plus
elle sera congelée, car ce qui cuit au soleil est congelé. Et par ce combat, où
le terrestre s'efforce de surmonter le feu, l'infir-mité disparaît». Bonites
répondit: «Ne sais-tu pas, Balgus, que le crachat de lune ne teint pas sans
notre cuivre ? » Et Balgus : « Tu dis vrai ». Et lui : « Pourquoi donc avez-vous
négligé de parler de l'arbre dont celui qui mange le fruit n'a jamais faim ? » Et
Balgus : «Quelqu'un m'a appris que celui qui s'est appliqué à la science
jusqu'à ce qu'il trouve cet arbre, et a travaillé convenablement, en extrait le
fruit et le mange. Je le questionnai et il me décrivit la pure blancheur et qu'il
est certain que celle-ci est trouvée sans travail de la disposition; à ce moment,
la perfection fait qu'elle est bonne à manger. Je lui deman-dai alors comment
elle est nourrie jusqu'à ce qu'elle fructifie. Il dit : "Prends cet arbre et bâtis-lui
une maison pour l'entourer, ronde, obscure, environnée de rosée et mets-y un
homme de grand âge de cent ans. Enferme-les, enchaîne-les et que la
poussière ni le vent n'y pénètrent. Puis laisse-les dans leur mai-son cent
jours. Je dis que ce vieillard ne cesse de manger du fruit de cet arbre tant que
n'est pas écoulé le nombre des jours". Ô que ces natures sont admirables qui
transforment l'âme de ce vieillard en un jeune corps et font que le père est
devenu le fils. Béni soit Dieu le créateur parfait ! »
Discours cinquante-neuvième
Discours soixantième
Bonellus dit: «Vous devez savoir, dis-ciples, que rien de ce que vous
choisissez ne devient utile sans conjonction et régime, parce que le sperme
est engendré du sang et du désir. Car l'homme s'approchant de la femme, le
sperme est nourri par l'humeur de la matrice et le sang qui l'humectent et par
la chaleur. Au bout de quarante nuits, le sperme prend forme. Et s'il n'y avait
l'humi-dité du sang et la chaleur de la matrice, le sperme ne pourrait pas
durer, ni le fStus être mené à terme. Dieu a constitué le sang et la chaleur en
vue de nourrir le sperme jusqu'à ce qu'il le fasse naître quand il le veut. Une
fois le fStus sorti, il n'est nourri par autre chose que par le lait et par le feu
avec réserve, peu à peu, aussi longtemps qu'il est en poudre. Et plus il
dessèche, plus ses os se renforcent. Il est ramené à la jeunesse, à laquelle,
arrivant, il se suffit à lui-même. C'est ainsi que tu dois faire en cet art. Sachez
que rien n'est jamais engendré sans chaleur et que le bain d'une chaleur
intense fait périr; mais il est anéanti par le froid. Mais s'il est tempéré, il est
convenable au corps et lui est doux, parce que cela allège ses veines et
augmente sa chair. Voici que j'ai tout montré aux disciples. Comprenez-le
donc et en tout ce que vous entreprenez, craignez Dieu ».
Discours soixante-deuxième
Mundus dit : « II vous faut savoir, investi-gateurs de cet art, que quelques
philosophes dirent et enseignèrent que kenckel ou les herbes geldum et
carmen ne sont qu'une chose. Ne vous souciez donc pas de la plura-lité des
choses. Car la couleur tyrienne est la teinture des philosophes, à laquelle ils
appli-quèrent des noms suivant leur bon plaisir, et, lui retirant son véritable
nom, l'appelèrent le noir parce qu'il est extrait de notre mer. Et sachez que les
anciens prêtres n'ont rien estimé de plus digne pour les vêtements d'autel que
cette couleur, parce que les autels sont purifiés et rien de malpropre ne doit y
être mis ; ils ont fait les teintures avec le kenckel tyrien, qui est
notre couleur tyrienne, qu'ils placèrent sur leurs autels et dans leurs trésors et
qui est plus suave et plus pur que je ne puis le décrire ; qui est extrait de notre
mer rouge très pure, qui est de très bonne odeur et, dans sa putréfaction,
n'est ni sordide, ni immonde. Sachez que nous lui avons donné plusieurs
noms, qui sont tous vrais; par exemple, pour ceux qui ont de l'intelligence, on
l'a appelé le blé qu'on a moulu, qui peut avoir un autre nom puisqu'on peut le
séparer en diverses sub-stances par des tamis variés dont viennent plusieurs
genres qui ont chacun leur nom propre et pourtant tout est froment, appelé
d'un seul nom dans lequel on comprend plu-sieurs noms distincts. De même
notre pourpre tyrienne, dans chaque régime, selon le degré de sa couleur,
reçoit de nous un nom ».
Discours soixante-troisième
Le philosophe dit: «Je fais savoir aux sur-venants que la nature est mâle et
femelle, parce que les envieux l'ont appelée le corps de la magnésie, et qu'en
elle est le grand arcane. Donc, chercheurs de cet art, mettez la magnésie
dans son vaisseau et cuisez-la soigneusement. Plusieurs jours après, ouvrez-
le et vous trouverez tout changé en eau. Cuisez de même jusqu'à ce qu'il soit
coagulé et se contienne lui-même. Dans les livres des envieux, quand vous
les entendez parler de la mer, sachez qu'ils signifient l'humeur et par le linge,
ils signifient le vais-seau des médecines. C'est ainsi qu'ils dési-gnent la nature
qui germe et fleurit. Quand les envieux disent : "Lave jusqu'à ce que la
noirceur du cuivre s'en aille", certains appel-lent cette noirceur monnaie.
Agadimon l'a clairement démontré quand il a expliqué ces paroles. Et il faut
noter, chercheurs de cet art, qu'une fois les choses mêlées et souvent cuites,
vous trouverez la noirceur susdite, c'est-à-dire que tout noircira; c'est alors le
plomb des sapients, dont ils ont si souvent traité dans leurs livres. Plusieurs
l'appellent notre monnaie noire ».
Discours soixante-quatrième
Pythagoras dit : « Que la diversité chez les philosophes est donc étonnante.
Dans tout ce qu'ils proposèrent pour commencer, de leur accord mutuel il y a
une petite chose très vile qui en recouvre une précieuse. Et si, chercheurs de
cet art, le vulgaire connaissait cette chose de peu de valeur et très vile, ils ne
voudraient pas le croire. Mais s'ils en savaient la puissance, ils ne la
mépriseraient pas. Dieu l'a cachée dans la mer afin que le monde ne soit pas
dévasté ».
Discours soixante-cinquième
Horfolcos dit : « Sachez, vous qui êtes atta-chés à la sagesse, que lorsque
Mundus a traité de cet art, il a formé les syllogismes les plus clairs. Celui qui
ne comprend pas ce qu'il a dit n'est qu'une bête brute.
J'expliquerai donc un peu le régime pour que celui qui entre dans cet art ait
plus d'assurance et considère les choses avec plus de certitude et, bien qu'il
soit peu savant, qu'il assemble cependant le vil au cher et le cher au vil.
Sachez que, pour commencer, il faut mélanger les éléments crus de bonne
qualité, honnêtes et non cuits, mais rectifiés, les mêler par un feu doux et
vous garder du feu intense, jusqu'à ce que les éléments soient conjoints et se
suivent l'un l'autre, qu'une fois la complexion embrassée, ils soient peu à peu
brûlés jusqu'à être dessé-chés par le feu doux. Et sachez qu'un seul esprit
brûle et détruit un seul, et qu'un seul corps comporte un seul esprit et le mène
à combattre contre le feu. Après la première combustion, il faut qu'il se lave,
se purifie et se blanchisse par le feu tant que toutes choses deviennent d'une
seule couleur. Il vous faut ensuite lui mélanger toute l'humeur, alors sa
couleur sera exaltée. En effet les éléments se réjouissent d'être soi-
gneusement cuits par le feu et changés en autres natures, car le liquéfié, qui
est le prin-cipal, devient non liquéfié, l'humide devient sec, le corps épais
devient esprit et l'esprit fugitif et fort combat contre le feu. Aussi le philosophe
dit-il : "Convertissez les éléments et vous trouverez ce que vous cherchez".
Convertir les éléments, c'est faire l'humide sec et le fuyant fixe. Cette
disposition étant effectuée, on la laisse au feu jusqu'à ce que l'épais soit
rendu atténué. Et sachez que la mort et la vie des éléments viennent du feu,
que le composé germe de lui-même et engendre ce que vous cherchez avec
la per-mission de Dieu. Vous verrez la sagesse de Dieu et ses miracles dans
les couleurs qui commenceront à se montrer, jusqu'à ce que la couleur
tyrienne soit accomplie. Ô nature admirable, qui teint les autres natures !
Discours soixante-sixième
Exemiganus dit : « Tu as déjà parlé, Lucas, de l'argent vif dans lequel est la
magnésie, ce qui te convient, et tu as conseillé aux surve-nants de faire des
essais et de lire les livres, en sachant que les philosophes ont dit: "Considérez
l'esprit latent et ne le méprisez pas, parce que quand il demeure jusqu'à la fin,
c'est le grand arcane et il en est fait beau-coup de bien"».
Discours soixante-septième
Lucas dit: «Je dis aux survenants que ce que tu as dit est plus clair que ce
qu'a dit le philosophe quand il énonce : "Brûlez le cuivre. Brûlez l'argent.
Brûlez l'or"». Hermi-ganus répondit: «Voici de ténébreuses paroles».
L'assemblée répondit: «Eclaire donc ce qui est ténébreux ». Et lui : « Ce que
l'on dit : "brûle, brûle, brûle", est divers par tant de noms, mais ce n'est qu'une
seule et même chose ». Et eux : « Hélas sur toi, qui as si brièvement parlé.
Pourquoi le gâter par l'envie ?» Et lui: «Vous plaît-il que je parle mieux?» Et
eux: «Oui». Et lui: «Je vous apprends que blanchir, c'est brûler, tandis que
rendre rouge, c'est la vie. Les envieux ont multiplié les noms afin de tromper
les survenants auxquels je fais savoir que la défi-nition de cet art est la
liquéfaction du corps et la séparation de l'âme du corps, car le cuivre, comme
l'homme, a une âme et un corps. Il vous faut donc, fils de la doctrine, détruire
le corps et en extraire l'âme. C'est pourquoi les philosophes ont dit que le
corps ne pénètre pas le corps, mais une subtile nature, qui est l'âme, le
pénètre et le teint. Dans la nature, il y a donc le corps et l'âme ». L'assemblée
répondit: «Tout en voulant expliquer, tu as avancé des paroles obs-cures». Et
lui: «Je vous apprendrai qu'en parlant, les envieux ont dit que la splendeur de
Saturne n'apparaît pas, si ce n'est sous un aspect obscur, quand il s'élève
dans les airs et que Mercure est caché dans les rayons du Soleil. Ensuite,
l'argent vif vivifie par sa force ignée et l'Suvre est parfait. Quand Vénus est
orientale, elle précède le Soleil ».
Discours soixante-huitième
Attamus dit: «Sachez, chercheurs de la science, que notre Suvre, dont vous
faites l'étude, est engendré par la mer après Dieu, et que c'est elle qui
l'accomplit. Prenez donc halfut, les vieilles pierres marines, et rôtissez-les sur
les charbons jusqu'à ce qu'elles soient blanches. Puis éteignez-les dans du
vinaigre blanc. S'il y en a eu vingt-quatre onces rôties, le tiers du vinaigre,
c'est-à-dire huit onces, vous servira à éteindre leur chaleur, et broyez dans le
vinaigre blanc et cuisez au soleil dans la terre noire pendant quarante-et-un
jours. Le second Suvre se fait du dixième jour du mois de septembre au
dixième degré de la Balance. Mais pour ce second Suvre, ne mettez pas de
vinaigre, laissez cuire jusqu'à ce qu'il ait desséché son vinaigre et devienne
une terre fixe comme la terre d'Egypte. Un Suvre peut être congelé plus vite
qu'un autre ; cela vient de la varia-tion dans la coction. Si, en effet, l'endroit où
l'on fait la cuisson est humide et qu'il y ait de la rosée, la congélation sera plus
rapide, tan-dis que, s'il est sec, elle sera plus tardive ».
Discours soixante-neuvième
Florus dit : «Je crois que je vais compléter, Mundus, ce dont tu as traité. Tu
n'as, en effet, pas tout dit de la disposition ». Et lui : «Parle, philosophe». Et
Florus: «Je vous apprends, fils de la doctrine, que le signe de la bonté de la
première décoction est l'extra-ction de sa rougeur ». Et lui : « Décris ce qu'est
la rougeur ». Et Florus : « Quand vous verrez qu'il est devenu tout noir,
sachez que la blancheur est cachée dans le ventre de cette noirceur. Il vous
faut donc l'extraire de cette noirceur très subtilement, vous savez les
distinguer. Dans la deuxième décoction, cette blancheur doit être mise dans
un vais-seau avec tout son dispositif, et la cuire dou-cement jusqu'à ce qu'elle
soit entièrement blanche. Quand vous la voyez apparente et qu'elle recouvre
tout, soyez assurés que la rougeur est cachée dans cette blancheur. Il vous
faut alors l'en extraire et, pour cela, cuire jusqu'à ce que tout soit rouge.
Sachez que cette noirceur était d'abord faite de la nature de mardeck, que la
rougeur est extraite de cette noirceur, parce que cette noirceur a été corrigée
en faisant la paix entre le fuyant et le non-fuyant, ce qui les réduit en un».
L'assemblée répondit: «Et pourquoi cela s'est-il fait ? » Et lui : « Parce que la
chose tourmentée, quand elle est sub-mergée, se change elle-même en
nature inal-térable et indélébile. Il vous faut donc connaître ce soufre qui
noircit le corps. Sachez que ce soufre ne peut pas être manié ni touché, mais
qu'il tourmente et teint, et que le soufre qui noircit est celui qui ouvre la porte
au non-fuyant et qui change le non-fuyant en fuyant. Ne voyez-vous pas qu'en
les tourmentant, on ne leur apporte ni préju-dice, ni corruption, mais que les
choses sont assemblées et avec utilité ? Si ce tourment, en effet, était nuisible
et ne convenait pas, il ne les ferait pas s'embrasser jusqu'à ce que les
couleurs en soient extraites, inaltérables et indélébiles, que nous appelons
l'eau de soufre, laquelle eau nous appliquons à la teinture rouge qui n'est plus
noircie par la suite. Et bien qu'elle ne noircisse pas après, elle n'est pas faite
sans noirceur. Je vous ai donné la clef de l'Suvre ».
Discours soixante-dixième
Mundus dit: «Sachez, investigateurs de cet art, que le principe est tout ; que si
on ne l'a pas, tout ce qui l'améliore ne sert à rien. Ce qu'ont dit les maîtres de
ce par quoi il est perfectionné est vrai; que cette chose n'est pas corrigée
avec des natures diverses, mais par une seule qui est convenable, qu'il vous
faut régir avec retenue, car plusieurs se sont trompés par l'ignorance en la
régissant. Ne vous souciez donc pas de ces nombreuses compositions que
les philosophes mirent dans leurs livres, car la vérité n'est que d'une nature
qui change naturellement parce que l'arcane est caché naturellement dans
son ventre. Il n'est vu et n'est connu que par le savant. Celui donc qui la régit
discrètement et connaît sa complexion en fait sortir cette nature qui surmonte
toutes les autres natures. C'est alors que seront accomplies les paroles des
maîtres, c'est-à-dire la nature est cachée dans la nature, la nature surmonte la
nature et la nature retient la nature. Cepen-dant, ce ne sont pas des natures
diverses ni nombreuses, mais une seule, ayant en soi les choses desquelles
sortent les autres choses. Voyez comment le magister commence par un et
finit par un. Ensuite, ces choses réduites en un, nous l'appelons eau qui vainc
toute nature ».
Discours soixante-et-onzième
Bracus dit: «Mundus a bellement décrit l'eau de soufre. Si, en effet, les corps
épais ne sont détruits par la nature qui n'a pas de corps, jusqu'à ce qu'ils
deviennent des corps incorporels semblables à un esprit très ténu, vous ne
pouvez pas avoir cette âme très ténue et tingente qui est cachée dans le
ventre naturel. Et sachez que si vous ne détruisez pas le corps jusqu'à ce qu'il
soit mort, et que vous n'en extrayez son âme qui est l'esprit tingent, vous ne
pourrez rien teindre avec ce corps ».
Discours soixante-douzième
La composition est double: l'une est humide, l'autre est sèche. Si elles sont
cuites, elles deviennent un, qui est appelé du nom de bon parmi un grand
nombre. Quand il est devenu rouge, il est dit la fleur de l'or, le fer-ment de l'or,
l'or corallin, l'or du bec. Il est encore appelé soufre rouge regorgeant, orpi-
ment rouge. Mais tant qu'il reste cru, le plomb de cuivre est dit baguette de
métal et lamelle. Voici. J'ai montré les noms des crus, que j'ai distingués en
même temps des noms des cuits. Soyez donc confirmés. Il me faut
maintenant montrer la quantité du feu et le nombre de jours, puis les diverses
intensités du feu à chacun de ses degrés, afin que celui qui aura ce livre soit
hors du besoin ; parmi les autres qui n'ont pas cet art très précieux, il
demeurera assuré. Vois les diverses façons du feu. L'un le fait de brindilles,
l'un de cendre de charbon de flamme, l'autre sans flamme. L'expérience fait
connaître com-ment se classent les qualités de chacun. Le plomb est le
plomb de cuivre, en quoi est tout l'arcane dans les délais ou leurs parties. La
perfection de l'arcane dépend des jours et des nuits dans son lieu propre. J'en
traiterai par la suite. Sachez avec assurance que si un peu d'or est mis dans
la composition, il en sortira une teinture pure et blanche. C'est pourquoi on
trouve mention dans les trésors des premiers philosophes d'un or à haut
degré ou or clair, ce qui s'explique par le fait qu'ils n'introduisent pas les
mêmes choses dans leurs compositions, bien que les élé-ments y soient
combinés et convertis en plomb de cuivre et, sortant de leurs natures
premières, soient amenés à une seule et même nature. Alors donc, ils sont
dits d'une seule nature et d'un genre unique. Après, le composé est mis dans
un vase de verre pour qu'il boive son eau et change de couleurs. A chacun de
ses degrés, que l'on surveille, quand il prendra la vénérable couleur de
rougeur. C'est donc dans l'élixir que les phi-losophes disent qu'il faut mettre
l'or, autant de fois que l'on voudra. Il ne faut cependant le mettre qu'une seule
fois. Si tu veux avoir la certitude, vois ce que dit Democritus. Car il commence
à parler du bas vers le haut, puis il recommence à rebours, du haut vers le
bas. "Mets le plomb, le fer et le cuivre blanc avec". Puis il dit à l'inverse notre
cuivre à l'égard de la monnaie, le plomb à l'égard de l'or et l'or à l'égard de l'or
coral-lin, et l'or corallin à l'égard du safran d'or.
Première parabole
Deuxième parabole
De la pierre
II existe dans notre mer un petit poisson rond, dépourvu d'os et d'écaillés. Il
contient une graisse d'admirable vertu. On le cuit à un feu doux jusqu'à ce
que son humeur et sa graisse soient rongées et détruites. Ensuite, il doit être
fortement trituré et imbibé d'eau de mer, jusqu'à ce qu'il soit ramolli. Puis on
doit l'ensevelir pendant une semaine, puis le rôtir jusqu'à blanchissement.
Lorsqu'il est brillant et assez blanchi, son eau lui est ren-due, puis il est imbibé
de sa propre humeur et alors seulement, après son imbibition par l'humeur, il
est rôti jusqu'à ce qu'il appa-raisse jaune. Il s'en fait le collyre des philo-
sophes. Ceux qui s'en frottent les yeux peu-vent facilement voir et
comprendre les arcanes des philosophes.
Troisième parabole
II y a une racine que l'on broie avec sa tige verte et juteuse et sa propre
humidité au soleil. Ensuite, on la met au bain où on la lave jusqu'à ce que son
esprit ou le sel de sa racine paraisse par le lavage pur liquide et comme
tingent qui doit être recueilli entière-ment. Le corps ou les fèces noires et les
écailles qui restent sont mises au bain pour les blanchir tout à fait, car ce qui
est coulant en elles est souillé et ne peut être arraché sans un procédé
laborieux et subtil. Le corps est donc pris et blanchi et broyé à une tiède
chaleur, puis peu à peu arrosé d'eau de mer jusqu'à blanchissement complet.
Etant blan-chi, on lui rend son esprit, c'est-à-dire un lavage. Il s'en fait un élixir
parfait, inchan-geable à travers le temps. Cette racine étant sublimée avec
une retorte refroidie se tourne en mercure.
Quatrième parabole
Prends la vipère, ôte sa tête et sa queue, car c'est dans ces deux endroits
que réside son venin : c'est de là qu'il sort. Sépare donc la tête et la queue
chacune à part et mets-les en vaisseau de verre. Prends le corps qui reste,
cuis-le à un feu lent jusqu'à ce que la chair soit séparée des os. Mets ensuite
sur une plaque et cuis aussi longtemps qu'il faut pour que le corps soit changé
en esprit et que la partie fluente ait été enlevée ; alors sa mol-lesse ne peut
plus diminuer. Joignez-le à sa tête et broyez-le jusqu'à ce que la fluabilité se
fige dedans. Dessèche le corps à la manière du soleil ou du feu, et tu verras
ce que tu cherches. Tout cela étant accompli de la sorte, sache que tu as un
corps qui pénètre les corps et une nature qui contient la nature. Cette
composition est appelée la Thériaque des philosophes.
Cinquième parabole
Ma mère m'a engendré et elle-même a été gestée par moi. Elle me dominait
une seconde fois ; le reste du temps, je la domine-rai, car je suis devenu le
persécuteur de ma mère. Cependant, elle, comme une mère dévouée, me
couve maintenant et nourrit son fils qu'elle a engendré jusqu'à ce qu'il atteigne
à son état de perfection. Mets-moi donc dans un feu humide pour me broyer
jusqu'à ce que la fin de l'Suvre se montre. Ensuite, quand l'Suvre est parfait,
pousse-moi jusqu'à la rougeur par un feu fort parce qu'en moi l'humeur
augmente par la chaleur et la destruction tue par la sécheresse.
Sixième parabole
Plonge l'esclave rouge dans la mère en gestation par parties égales; fais
mourir la mère. Coupe-lui les mains et les pieds. Quant à l'esclave, baigne-le
et marie-les l'un avec l'autre dans un linge de verre que l'on appelle sera et,
dessus, mets thonar. Bouche bien avec du lut de sapience. Prends alors le
verre avec l'époux et l'épouse ; place-les dans le fourneau, fais rôtir par trois
jours j ils seront alors deux en une seule chair. Après, retire cet homme blanc
du vaisseau, broie-le avec la meule, ajoute-lui la clef de l'art avec l'aigle. Broie
de nouveau avec l'huile d'olive, tellement qu'il se dessèche. Fais cela trois fois
et tu auras la perfection finale.
Septième parabole
L'homme
Le taureau
Prends un taureau avec sa chair et son sang. Chausse son pied avec ses
cornes. Change-le en eau, mélange avec son sang, extrais le tout. Ensuite
sèche jusqu'à ce qu'il rougisse. Après, tu peux changer le cuivre en teinture
autre.
Le coq
Prends un coq couronné d'une crête rouge. Fort tirant, plume-le. Mets ensuite
sa tête dans un vase de verre et l'y conserve un temps. Puis enterre-le; à
nouveau extrais pour qu'il soit dompté et purifié ; étends-le sur le marbre.
Après, à l'aide des plumes que tu lui as ôtées, dépouille-le et l'extrais et mets-
le dans le fumier de cheval jusqu'à ce qu'il se revête des plumes qu'il a
perdues. Quand vous entendrez un coq chanter comme les coqs, sachez que
vous avez suivi la bonne voie.
La vipère
Prends la vipère que l'on appelle de Rexa. Ote-lui la tête et la queue: c'est
dans ces deux parties que s'écoule le venin duquel procède l'esprit. Sépare
donc la tête et la queue et mets-les chacune à part dans un vaisseau de
verre. Prends le corps qui reste, cuis-le à un feu lent jusqu'à ce que les os se
séparent de la chair. Mets ensuite sur la plaque et conserve-les là aussi
longtemps qu'il faut pour que le corps soit changé en esprit et que tu en aies
fait disparaître sa fluxibilité. La malléabilité ne peut plus alors être diminuée.
Après cela, joins la tête et broie-la avec jusqu'à ce que le corps reprenne son
flux. Dessèche le corps à la manière du soleil ou du feu et tu verras ce que tu
cherches. Cela étant accompli, sache que tu as un corps qui pénètre tous les
corps, une nature qui contient la nature et une nature cachée dans la nature
qu'on appelle la perfection tyrienne des philosophes.
Le poisson
L'éponge
Dans une mer de la lune, il y a une éponge plantée, qui possède du sang et
ses sens. Elle est plantée dans la mer à la façon d'un arbre ; elle ne se
déplace pas de son lieu. Si tu veux la gouverner, aie avec toi une faux avec
quoi tu la faucheras. Prends garde à toi et tiens-toi éloigné pour que le sang
n'en coule pas, car c'est le venin des philosophes. Lorsque donc tu prendras
cette éponge, débarrasse-la de son sang. Ensuite, mets-la dans un vase de
verre et l'y laisse. Après quoi, prends son corps, lave-le dans l'eau de mer
jusqu'à ce qu'il soit purifié pour en faire un corps blanc sans trouble. Après,
rends-lui son sang, puis broie fortement, tant que par sa puissance elle soit
libérée de son odeur et devienne complètement sèche.
Les olives
Les hommes ont des olives dont ils extraient de l'huile et celle-ci est
incombus-tible. Mais l'huile des philosophes n'est pas extraite ainsi. A la
vérité, sa nature est incombustible, elle reste toujours telle qu'elle est. La
manière de la faire est la suivante :
Les olives que nous avons, nous les pre-nons propres et entières; nous les
broyons avec leur eau. Puis nous les cuisons. Après, nous les mettons dans
un lieu humide où nous les abandonnons jusqu'à ce qu'elles soient
entièrement dissoutes et que l'huile soit séparée de leur corps épais. Nous
faisons encore tomber la fèce au fond, l'eau se tient au milieu, tandis que
l'huile monte vers le haut. Puis nous séparons l'eau, nous mettons [le reste]
sur une plaque échauffée, nous l'imbibons avec son eau jusqu'à ce que la
fluxibilité qui est en lui devienne nettement visible et l'ensevelissons alors
dans du fumier de cheval. Ensuite, nous le séchons et rôtis-sons au soleil et
nous recommençons sept fois ou tant que nous y voyons quelque impureté et
qu'il apparaisse pur et très blanc. Puis nous lui rendons son eau, le rôtissons
jusqu'à ce qu'il soit devenu parfait, en l'excitant sans relâche. C'est l'onguent
des philo-sophes qui, sans aliment, brûle et n'est pas brûlé.
La cendre
Le safran
Le safran des philosophes est préparé comme suit. On prend sa racine avec
la tige. Après qu'elle sera humide, elle est broyée avec son humidité au soleil
Après cela, elle est laissé dans le bain jusqu'à ce que son esprit tingent pur et
liquide monte à la surface, qui est à recueillir en totalité. Le corps résiduel est
à laver parce qu'il reste une cer-taine impureté mêlée dans la fluxibilité, qu'on
ne peut extirper sans un laborieux et subtil procédé. Le corps sera donc pris
et lavé et sera blanchi à la manière de ceux qui rendent le lin blanc avec de la
cendre et de l'eau de chaux blanche. Cela se fera à une tiède et lente chaleur
de feu. Laissez-le ensuite pendant une nuit dans un endroit humide. Lavé
ensuite avec de l'eau de mer, il est arrosé peu à peu jusqu'à ce qu'il blan-
chisse tout à fait et, une fois blanchi, on lui rend son esprit tingent. Il s'en fait
l'élixir qui reste pour toujours ferme et parfait.
Le corail
Le corail est un certain végétal qui naît dans la mer. Il a des racines et des
rameaux. Il est engendré humide. Lorsque le vent du nord souffle, il le durcit
et en fait un corps rouge, comme peut le voir celui qui, navi-guant en mer, le
coupe sous l'eau. Et quand il en sort, il se change en pierre dont la cou-leur
est rouge, et il s'assimile à la classe des pierres. Le peuple des Indiens
l'utilise beau-coup. Notre corail des philosophes lui aussi est utilisé dans notre
art de pareille façon. Ils le prennent et le broient fortement, l'imbi-bent d'eau
de mer pendant vingt-et-un jours, le mettent au bain avec beaucoup d'humi-
dité, jusqu'à ce que son esprit tingent sur-nage. Ils en prennent cet esprit, le
mettent dans le vaisseau et laissent cette fèce comme morte. Elle n'est
cependant ni blanchie, ni rouge. Ensuite, ils la mettent dans une sphère que
nous appelons le tamis. Puis ils l'imbibent avec de l'eau de mer tiède, recom-
mençant sept fois, lavant et sublimant jusqu'à ce qu'il prenne la forme de sel
très blanc. Cela fait, ils lui rendent son esprit tin-gent. Et ensuite, ils le placent
dans un lieu humide jusqu'à ce qu'il rougisse et qu'il en fasse une semence.
Les philosophes en pro-jettent sur le verre et font de celui-ci un verre
incassable; et quand il est mis sur de l'argent, il le convertit en or abryzum.
La pierre borites
Les philosophes prennent la pierre qui est appelée borites, que l'on dit être de
couleur indienne et bigarrée. Ils la broient et l'imbi-bent d'eau de mer. Après,
ils la mettent dans un vase de verre et l'y laissent pendant de longs jours dans
un lieu humide, jusqu'à ce que le soufre qui est caché dedans en sorte.
L'herbe tinctoriale
Les teinturiers ont une herbe dont ils se servent pour teindre la laine. Ils en
prennent seulement la teinture et laissent la partie ligneuse. Nous en avons
une semblable dans notre art. Nous la broyons et la tamisons et l'imbibons
souvent avec l'urine des enfants, jusqu'à ce qu'elle se ramollisse. Nous
aurons de cette façon sa teinture en la mettant dans le fumier de cheval
jusqu'à ce qu'elle soit purifiée et que la teinture se montre sur le corps. Nous
prenons cette dernière et la met-tons dans un vase de verre, tandis que son
corps est broyé avec sa propre humeur et mis dans un endroit humide pour
être lavé sans cesse jusqu'à ce qu'il secrète la blancheur de la neige. Après,
nous lui joignons sa teinture purifiée que nous en avions extraite, nous l'en
imbibons à la chaleur du soleil et il reçoit ainsi une puissance admirable et
c'est là la description que les Anciens ont figurativement racontée dans leurs
écrits.
FIN