MONTRÉAL, QUÉBEC  // 16 MAI 2018
LE XYZ POST 
Lorsqu’on réunit deux femmes issues
du milieu de l’édition, il ne peut
qu’émaner une passion bien palpable
quand vient le temps de parler de
livres. C’est exactement ce qui est
arrivé lorsque Elsa et Myriam se sont
mises à discuter de leurs derniers
coups de cœur littéraires. Il fallait en
être témoin pour voir à quel point leur
amour de la littérature irradiait de
tout leur être.
Il nous semblait d’ailleurs primordial
de questionner ces nouvelles recrues
sur leurs goûts littéraires respectifs.
Qu’est-ce qui les fait vibrer dans les
mots des autres, quels auteur.e.s leur
donnent envie de corner toutes les
pages d’un récit? Leurs réponses nous
promettent de bien belles saisons à
venir… 
DANS CE NUMÉRO
Les coups de cœur
littéraires de Myriam
Caron Belzile
Les coups de coeur
littéraires  d'Elsa
Pépin
Parité, énergie
nouvelle et
dynamisme : Entretien
MYRIAM CARON BELZILE
avec Arnaud Foulon
DIRECTRICE LITTÉRAIRE Entre deux photos :
entretien avec Tristan
XYZ
Malavoy
Ducharme, un point tournant
Je suis encore dans mes boîtes, je viens de déménager alors je n’ai pas pu
fouiller dans mes vraies archives, où se trouvent mes livres les plus cornés,
ceux que j’ai le plus souvent consultés, mais c’est certain qu’un des livres qui
a été un déclencheur, pour moi, est Le nez qui voque de Réjean Ducharme,
que j’ai lu à l’adolescence et qui m’a fait flasher. Je lisais déjà beaucoup,
compulsivement même, mais ce livre-là m’a fait réaliser à quel point des
phrases peuvent ressortir d’un texte, te forcer à t’arrêter et à te dire :
“Attends, je ne suis pas sûre de comprendre les mots, mais il y a un sens qui
percole.” C’est ce livre qui m’a poussé à démarrer mon carnet, que j’ai
encore à ce jour, depuis mes 16 ans, dans lequel je note les phrases qui me
marquent. Ça m’a fait remarquer que, même dans un livre qui me fait
capoter, il ne va peut-être y avoir qu’une ou deux phrases que je vais vouloir
noter, et c’est parfait comme ça. Ça montre l’architecture de mes lectures,
comme des petits points d’orgue qui font monter l’émotion.
 De l’Écrou à Instagram Fille de personne – Sortir des sentiers battus

Ces temps-ci, je suis beaucoup dans la poésie. J’ai été
profondément bouleversée par le recueil La où fuit le monde
en lumière de Rose Eliceiry, paru à l’Écrou l’an passé, surtout
par cette phrase :
« Entends-tu toi aussi
Le fleurissement des étoiles
Le bruissement des pierres
Qui roule sous la neige nouvelle »
Ça m’a fait quelque chose, ça, puis c’est nouveau pour moi
que la poésie m’aborde comme elle m’aborde maintenant.
Dans mon côté un peu « transmédias », il y a aussi Rupi Kaur
que je respecte et qui a fait quelque chose d’extraordinaire
avec Milk and Honey. Je crois que, en partageant ses poèmes
et dessins sur Instagram, elle a fait émerger un éveil à la
poésie chez des gens qui n’en auraient pas lu autrement et
elle a bâti une communauté de gens qui ressentait la même
chose qu’elle. C’est un cas dans lequel le média rencontre
bien la forme et j’ai trouvé ça vraiment fort.
Le « Top 5 » de Myriam
Là où fuit le monde en lumière, Rose Eliceiry (Éditions de l’Écrou)
La vie d’artiste, Catherine Ocelot (Mécanique générale)
Os : la montagne blanche, Steve Gagnon (L’instant même)
Jeanne sur les routes, Jocelyne Saucier (Éditions XYZ)
Ligne brisée, Katherena Vermette; traduction de Mélissa Verreault (Québec Amérique)
Finalement, un peu dans la même veine que « Le cadre on
en sort, le cadre on le brûle », il y a Darlène, sur lequel j’ai
travaillé ce printemps, de Noémie D. Leclerc. C’est un
beau roman qui m’est arrivé comme une proposition
cadeau. Je rêvais de ça, un livre-projet issu d’une
rencontre entre deux artistes, avec une trame sonore
autour de cette idée, ce sentiment d’un spleen de la
vingtaine flottante, avec une part de magie, une bonne
part de féminisme et de poigne sur ce qu’on pense
insaisissable.
Il y a d’ailleurs une phrase d’Oscar Wilde que j’ai lu
dernièrement qui m’a fait penser à Hubert et Noémie : «
La nouvelle génération est insupportable, comme
j’aimerais en faire partie ».
Il y a quelque chose de ça dans le plaisir que j’ai eu à
travailler avec eux et à faire éclater les barrières. Je sais
que ce n’est plus moi, cette génération-là, ces 20 ans-là
qui poussent et qui veulent tout brûler en chemin, mais
en même temps on a tout ça en nous et on s’y reconnait
encore.

ELSA PÉPIN
ÉDITRICE
COLLECTION  « QUAI N° 5 »
Fragments et langage

C’est tellement une question difficile puisque ma bibliothèque regorge de livres écornés auxquels je reviens sans cesse. Il y a
Pascal Quignard qui est, pour moi, comme une bible. Surtout son livre Les désarçonnés. Il y a chez lui quelque chose de très
érudit, de très philosophique, mais en même temps il passe par sa propre expérience. Ce sont des livres entre l’essai, le récit
mythologique, le récit personnel, et il se promène dans l’histoire de l’humanité. Ça me parle beaucoup. Il y a aussi un côté
très irrévérencieux, mais en même temps très classique, qui me rejoint. C’est aussi un amoureux des mots, de la langue, de
l’étymologie.
Il prend un mot puis il te montre toutes les possibilités, l’histoire du mot, à travers des exemples de récits. Pour moi, c’est
comme si le pouvoir de la littérature était contenu dans ces petits récits-là, souvent sous forme de fragments.
J’aime beaucoup la littérature fragmentée, c’est une forme qui me parle de plus en plus. J’ai l’impression que c’est à l’image
de ce qu’on est aujourd’hui. Plus éclatés, prismatiques. Donc, pour moi, Pascal Quignard, c’est vraiment quelqu’un que je
respecte et que je relis.
Faire exploser le roman
Sinon, récemment, il y a eu Sophie Divry qui est une
auteure française qui me fait capoter. C’est
vraiment une fille inclassable. Elle a écrit Quand le
diable sortit de la salle de bains. C’est l’histoire
d’une fille au chômage qui raconte comment elle
essaie de se sortir de sa situation et d’écrire, mais
c’est complètement flyé, elle fait exploser le roman.
Il y a des morceaux de poèmes, des dialogues avec
le diable, avec son grille-pain et, en même temps,
elle est révoltée contre la société et cette révolte
passe par cette liberté de transformer le monde en
transformant la forme du roman. Elle passe par ce
pouvoir de tout reconstruire par le langage et ça,
c’est beau, ça parle encore une fois du pouvoir des
mots.
Inventer la langue
Chez nous, Hervé Bouchard et Sylvain Trudel, ce sont
comme mes auteurs fétiches. La mer de la tranquillité
est un livre qui a changé ma vie parce qu’on y trouve
une sensibilité magnifique, inouïe. Encore une fois,
c’est beaucoup dans les mythes, les mythes
québécois, sa propre enfance. J’aime beaucoup les
auteurs qui partent d’eux-mêmes pour justement
parler de choses plus universelles. Puis Hervé
Bouchard, c’est la langue, il invente la langue, c’est
magnifique.

Le « Top 5 » d’Elsa
À la recherche du temps perdu, Marcel Proust (Grasset et Gallimard)
Les Ombres errantes, Pascal Quignard (Grasset)
Le discours sur la tombe de l’idiot, Julie Mazzieri ( Boréal)
Parents et amis sont invités à y assister, Hervé Bouchard (Le Quartanier)
Pas pleurer, Lydie Salvayre (Seuil)

PARITÉ, ÉNERGIE NOUVELLE ET DYNAMISME : ENTRETIEN AVEC ARNAUD

FOULON, VICE-PRÉSIDENT ÉDITIONS ET OPÉRATIONS DU GROUPE HMH.

Jeudi matin aux bureaux de XYZ, un café à la main, je me dirige avec Geneviève dirige vers le deuxième étage,
prêtes à tout savoir sur l’imminente arrivée de Myriam au sein de l’équipe. C’est au bureau d’Arnaud, vice -
président, qu’on s’arrête. Il déborde de livres, comme la plupart des pièces ici, d’ailleurs. Il y règne un certain
désordre  typique qui fait tout le charme des lieux. 
Rapidement, on entre dans le vif du sujet,
c’est-à-dire l’arrivée de Myriam en tant que
directrice littéraire chez XYZ. Qu’est-ce qui a
motivé ce choix? Que pourra-t-elle apporter
à la maison? Comment Arnaud envisage-t-il
son arrivée? Aucun moment de réflexion
n’est nécessaire, on perçoit bien son
enthousiasme pour ce nouveau chapitre.
Un vent de renouveau chez XYZ
« Dans les derniers mois, on a décidé de réfléchir à
notre direction, à ce qu’on voulait vraiment faire.
XYZ, c’est la maison des auteur.e.s, ça a toujours
été la maison des auteur.e.s. Il fallait réussir à
améliorer la structure et trouver des gens qui
savent la mettre en valeur. L’arrivée de Myriam
s’inscrit justement dans cette vague de
changements.  Sarah comme adjointe à l’édition et d’Elsa qui se joint à
ELLE ARRIVE AVEC DE NOUVELLES IDÉES ET
UNE BELLE EXPÉRIENCE DANS LE MILIEU DE
L’ÉDITION AU QUÉBEC.  une parité des sexes.
 On compte sur ses connaissances, son dynamisme
et son énergie pour amener les auteur.e.s à
réfléchir sur des nouvelles structures d’édition
avec l’équipe en place, tout en maintenant les
actifs déjà établis chez XYZ depuis quelques
années. Je vois ça de manière très positive. Je
pense que c’est un défi qui est à la hauteur de ce
que Myriam peut nous apporter », explique Arnaud.
Mise en avant du « girl power »
Depuis l’annonce de l’arrivée de Myriam et d’Elsa dans le
groupe, le terme le plus fréquemment utilisé pour parler de
cette double embauche est « girl power ». On trouve qu’il y a
définitivement un message là-dedans, est-ce un choix
concret? On pose la question à Arnaud.
« C’est drôle d’aborder ce sujet en ce moment parce que,
pour moi, dès le début, c’était important qu’une femme
occupe ce poste », dit-il. « D’une part, le milieu du livre est
un milieu plus féminin, avec une majorité d’éditrices,
d’auteures et de lectrices. Je pense que c’est important d’en
être conscient et d’arriver avec une énergie nouvelle. Les
femmes qui sont dans le milieu depuis plusieurs années ont
une expérience, une manière différente de voir l’édition.Je
pense que ce brainstorm d’idées-là enrichit la maison »
Dans ce cas-ci, XYZ va être entièrement dirigé, au niveau
éditorial, par des femmes. On parle de Myriam comme
directrice littéraire, de Marie-Pierre comme éditrice, de
l’équipe chez Quai n° 5 avec Tristan.
En parlant de la place faite aux femmes au sein de l’équipe
de XYZ, on se rend compte qu’il existe, dans le groupe HMH,
« Je n’y avais pas vraiment réfléchi avant », dit Arnaud. « Ça
s’est fait un peu comme ça, sans le vouloir, mais deux de
nos quatre maisons d’édition sont dirigées par des femmes
et deux par des hommes. Le groupe HMH est, quant à lui,
dirigé de manière bicéphale par une femme et un homme.
Donc on arrive quand même bien à cet équilibre et ça
amène définitivement une énergie et un dynamisme qui est
le fun. »
On le sent, c’est dans l’air, il y a bel et bien un « girl power »
en branle chez XYZ et il n’est pas le fruit d’un hasard
quelconque. Est-ce d’ailleurs une simple coïncidence si, à la
sortie du bureau d’Arnaud, sur une petite table ronde, on
retrouve quelques livres qui mettent en avant des récits de
femmes qui ont marqué l’histoire ? Seul l’avenir nous le
dira.
Entre deux photos : entretien avec Tristan Malavoy,
directeur de la collection « Quai n° 5 » 
Même s’il pleut des cordes à l’extérieur au moment d’écrire ces lignes, cela ne mine en rien la joie qui plane dans nos
bureaux à la suite de l’annonce des nouvelles recrues au sein de la maison. Après l’entretien avec Arnaud, c’est au tour
de Tristan de se prêter au jeu et de répondre à nos questions.
Question de faire d’une pierre deux coups, on interroge Tristan sur l’arrivée d’Elsa comme coéditrice chez « Quai n° 5 » et
on lui tire le portrait, entre deux rendez-vous. 

Du Voir à « Quai n° 5 » Fraicheur et nouveauté

Ce qu’il faut savoir, c’est que les diverses collaborations
entre Elsa et Tristan ne datent pas d’hier. Ils ont déjà
travaillé ensemble à l’hebdo Voir et à Voir télé.
 « JE CONNAIS SA SENSIBILITÉ, SON EXIGENCE,
SON GOÛT DES TEXTES QUI FRAPPENT
L’IMAGINAIRE », DIT TRISTAN.
C’est d’ailleurs depuis le Voir qu’il suit Elsa à travers ses
diverses interventions en tant qu’animatrice de causeries
littéraires, à la télévision et dans les Salons du livre.
« Je me suis dit qu’elle avait tout pour devenir une précieuse
alliée », mentionne-t-il entre deux photos. « Je dirige la
collection seul depuis bientôt cinq ans, j’ai commencé à
installer une tonalité “Quai n° 5”, mais je ne demande pas
mieux que de frotter mes idées à celles de quelqu’un
d’autre. Elsa, qui est indépendante d’esprit et qui n’hésitera
pas à me contredire s’il le faut, incarne à merveille cette
personne-là ! »
Avec l’arrivée d’Elsa et Myriam, Tristan se retrouve seul
représentant de la gent masculine au sein de l’équipe XYZ. Il s’en
réjouit, lui qui a toujours défendu le « girl power ».
« Dans les maisons qui durent, il y a nécessairement des cycles,
et donc des nouveaux départs. Nous en connaissons un
actuellement et y prendre part auprès de ces deux femmes
intellectuellement décomplexées, auxquelles j’ajoute le nom de
l’éditrice Marie-Pierre Barathon, dont la réputation dans le
domaine n’est plus à faire, m’enthousiasme au plus haut point »,
conclut-il.
On prend donc un dernier cliché du grand sourire contagieux de
Tristan, avant qu’il agrippe son sac et nous quitte pour se rendre
à un autre rendez-vous, pour un autre de ses nombreux projets.
 MERCI 
À
MYRIAM CARON BELZILE 
ELSA PÉPIN
ARNAUD FOULON 
TRISTAN MALAVOY

Texte et mise en page : Marjorie Rhéaume

Correction: Sarah Jalbert
Photos: Geneviève Harvey et Julie Artachaud