Os Cangaceiros est un groupe autonome apparu en France en 1985. Il est issu des Fossoyeurs du vieux monde, groupe actif depuis le début des années 1970. Les Cangaceiros s'inspirent des situationnistes pour prôner le ''banditisme révolutionnaire''. Le groupe disparaît en 1992.
Os Cangaceiros est un groupe autonome apparu en France en 1985. Il est issu des Fossoyeurs du vieux monde, groupe actif depuis le début des années 1970. Les Cangaceiros s'inspirent des situationnistes pour prôner le ''banditisme révolutionnaire''. Le groupe disparaît en 1992.
Os Cangaceiros est un groupe autonome apparu en France en 1985. Il est issu des Fossoyeurs du vieux monde, groupe actif depuis le début des années 1970. Les Cangaceiros s'inspirent des situationnistes pour prôner le ''banditisme révolutionnaire''. Le groupe disparaît en 1992.
OS N°2
CANGACEIROSNOTES EDITORIALES
I, LARGUEZ LES AMARRES !
otre époque est marquée par un retour a la sauvagerie initiale des pauvres. Voila qui tranche
N gréablement avec la période antérieure. Le mouvement ouvrier, dominé par les idées
réformistes et staliniennes, encadré par des appareils bureaucratiques, avait presque partout
réussi a civiliser la protestation des pauyres. (Le Front populaire avait été le moment le plus impor-
tant de ce processus.) L’intégration de l’ancien mouvement ouvrier dans la société civile est désor-
mais totalement achev
Dans les 70” les travailleurs révoltés sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient dans les limites du
systéme existant. Leurs luttes débordaient sans cesse les consignes syndicales. Mais elles sont cepen-
dant presque toujours restées en porte--faux par rapport aux appareils syndicaux : et ceux-ci ont pu
concilier et manceuvrer avec assez de force pour finalement emporter cette guerre d’usure. Les exi-
gences démesurées qu’avancaient alors les travailleurs révoltés semblent avoir momentanément
refluées. La plupart des conflits importants de ces derniéres années, dans les entreprises, ont sé
principalement défensifs, et portaient contre les effets de la récente modernisation industrielle.
Dans les 70°, les syndicats ne pouvaient pas se permettre sans risque de désavouer ouvertement
les excés des travailleurs révoltés, Dans les 80”, ils ne peuvent plus se permettre de les cautionner. En
Pologne en 81, la direction de Solidarité a fini par dénoncer le mouvement des gréves sauvages et
désavouer les revendications sans fin des travailleurs, au nom de Vintérét national. En Grande-
Bretagne, le TUC a entravé par tous les moyens les ébauches de solidarité pratique envers les
mineurs en gréve, et en organisant ainsi leur isolement, a finalement assuré leur défaite. En France
en décembre 83/janvier 84 a I’usine Talbot, la CGT et la CSL ont combattu — l'une de Vintéricur ct
autre de Pextérieur — les OS immigrés en gréve, qui ont été vaineus dans la solitude. En Espagne,
de la meme répartition des fonctions policiéres reléve l'attitude de I" UGT et des CCOO qui ont du
combattre ces derniers temps les pratiques assembléistes subsistant dans les luttes récentes. La liqui-
dation de ces révoltes ouvrieres s’est faite partout au nom du méme principe. Avant, les syndicats
faisaient appel a l’intérét des travailleurs pour mettre fin a une gréve : maintenant, ils font appel a
Pintérét de entreprise. Dans cette période, les bureaucrates en arrivent 4 pouvoir discuter ce qui
pour les travailleurs était indiscutable dans les 70”. Ces appareils syndicaux se comportent a présent,
et de fagon systématique, en gestionnaires, se mélant des affaires de l’entreprise. Le concept réfor-
miste d’auto-gestion est entré dans la pratique syndicale désormais principalement consacrée a la co-
gestion. Ce qui n’était pas encore évident en 68, l’est devenu.
Le mouvement ouvrier se définissait ainsi : il s’agissait de faire de la masse des trav
sujet juridique collectif défendant ses intéréts dans le cadre de la société civile. Les luttes des 70’ ont
fait éclater tout cela. Les pauvres étant, alors, encore unis dans I’usine par des conditions de travail
identiques pouvaient constituer une force unique, qui s’exprimait dans les revendications de salaire
anti-higrarchiques et le méme rejet du travail — absentéisme, coulage des cadences, sabotage... —.
Contre cette force, le capitalisme a réagi de la sorte : il a réintroduit les forces du marché comme
seule référence, et il a entrepris également de ré-organiser toute l’exploitation du travail, en exacer-
bant la concurrence entre les pauvres. Les syndicats, fondés sur la hiérarchie salariale et I’identifica-
tion du travailleur & son entreprise, participent pleinement A l'organisation de cette concurrence. Ils
ont de méme largué les amarres avec le langage de 'ancien mouvement ouvrier, qu’ils remplacent
par le jargon plus empirique des gestionnaires. Comme le déclare récemment un expert «les entrep!
ses elles-mémes découvrent parfois qu’elles ont en face d’elles des interlocuteurs qui, 6 surprise, pat
lent le méme langage économique». La principale préoccupation des syndicats est seulement de rat
fier juridiquement avec les patrons et Etat, ce qui est depuis longtemps entré dans la pratique —
par ex. tout le baratin sur «la flexibilité du temps de travail» ou le SMIG —. Il est désormais admis
‘ouveriement que les syndicats, les hommes d’affaires et I’Etat parlent tous la méme langue (seules
3quelques minorités d’activistes syndicaux s*accrochent désespérément au langage de I'ex-mouvement
ouvrier dont ils continuent encore de réciter les cantiques). L’époque est finie ot les travailleurs pou.
vaient s’avancer trés loin dans leurs luttes en s‘abritant plus ou moins derriére la couverture syndi-
cale, obligeant leurs délégués a les suivre sous peine de débordement ouvert.
Pour la premiére fois dans ce pays, des grévistes ont été condamnés individuellement a verser
une indemnité & des jaunes, et non pas leur syndicat : cela s’est passé une premiére fois au début 85 a
Pusine Delsey, dans le Pas-de-Calais, puis dans une usine de transports ou, quinze chauffeurs licen-
ciés a la suite d’une gréve, ont été condamnés par le tribunal d’Arras a verser de leurs poches
52 600 F aux sept non grévistes constitués en «Association pour la liberté du travail» !
Les médiations ayant pour tache d’intégrer les travailleurs ont maintenant accompli un cycle
complet. Les travailleurs sont & présent supposés suivre la méme logique que leurs représentants
syndicaux, et s’identifier enti¢rement au fonctionnement de leur entreprise. En Grande-Bretagne par
exemple, des firmes américaines et japonaises qui reprennent certains secteurs comme l'automobile
ou [électronique imposent leurs conditions : les managers définissent en étroite collaboration avec
les syndicats les nouvelles régles de gestion du travail, et ces derniers sont chargés de les imposer eux-
mémes aux travailleurs (dans certains cas, il y a une clause selon laquelle ’employé s’interdit volon-
tairement le recours a la gréve !). Mais ce progrés dans l’exploitation du travail a dd s'accompagner
d'un conditionnement de la main-d’ccuvre, comme cela se fait au Japon et en Corée du Sud. Si la-
bas les usines sont de vraies casernes ou le travail est militarise, il faut encore y imposer un culte reli-
gicux aux travailleurs. La nécessité et la terreur ne suffisent pas, méme en Asie, a mobiliser l'ardeur
des salariés au travail. Les chefs d'entreprise nippons le savent bien, qui se comportent comme de
veritables chefs de secte. A 'impossibilité d’organiser les nouvelles formes d’exploitation du travail
par le seul régime de la caserne, l'ennemi répond en ajoutant un mensonge, religieux ou laic. C'est ce
qu’exprime aussi bien en France un entrepreneur dynamique qui déclare «qu'il manque un credo
commun dans ’entreprise» (il s'agit encore de l'inévitable Bernard Tapié).
Cette force unique des travailleurs révoltés ayant été brisée au début des 80” au nom de la crise,
les capitalistes peuvent imposer librement aux pauvres des conditions les plus draconniennes. On
retourne au fondement du capitalisme, au XIX® : prendre les gens & la faim, tout en organisant le
spectacle de la pénurie (comme le coup des prétendus «nouveaux pauvres»). Les gens se voient ainsi
imposer des conditions de travail et de salaire impensables il y a dix ans. La main dceuvre est enue &
la pleine et entiére disposition de |’employeur — c’est ce qu’on appelle par euphémisme syndical «la
flexibilité du travail», heures supplémentaires non payées, travail le dimanche, baisses de salaire
imposées par le chantage au licenciement. Il arrive méme a certaines entreprises en difficulté de faire
appel a la participation volontaire des travailleurs, pour qu’ils constituent un capital en versant tout
ou partie de leur salaire ! Le cas limite a été atteint & Lyon début 85 : un cadre nommé in extrémis &
la te dune boite en difficulté a posé comme condition au sauvetage de l’entreprise, que ses
employés lui avancent I’équivalent de deux mois de leur salaire. Bien inspirés les rarcs salariés qui
ont refusé : sitdt les versements opérés, le nouveau PDG s'enfuit a létranger avec la caisse.
Tout ce qui rampe sur la terre est gouverné par les coups !I. HISTOIRE UNIVERSELLE DU DESESPOIR
forme de la pure nécessité. Jamais les gens n’avaient éé aussi fermement rabaissés & leur état
de nécessiteux. II s'agit de remettre les pauvres leur place, [I faut les faire saliver devant la
toute-puissance de I’argent. En Pologne, par exemple, il n’est pas trop difficile de trouver de
Pargent, en magouillant au marché noir, ce que font beaucoup de gens. Mais il est trés dur de se pro-
curer des marchandises : les magasins sont vides. Ici, la rareté s’organise de facon inverse : les maga-
sins sont pleins, mais il est trés dur de se procurer de l’argent.
J amais, sous le régne du spectacle, le principe de I’argent ne s’était manifesté a ce point sous la
En France, nous avons rencontré des polonais qui se déclaraient effarés par le zéle des francais
au travail : 1a-bas rien de tel, au contraire ! C’est que dans notre maudit pays, le fait d’avoir un bou-
lot, méme le plus sale et le plus mal payé, passe pour bien des gens comme une faveur céleste. Mais il
se trouve quand méme des gens pour cracher sur 'offrande. L’accumulation désormais irréversible
de chémeurs-a-vie est bien sir une conséquence directe de organisation plus rationnelle de l’exploi-
tation, Mais bien plus qu’un résultat quantitatif, il s'agit de quelque chose de qualitatif. En grande
partie, ce sont des jeunes qui ne peuvent pas accepter de subir les nouvelles conditions faites aux tra-
vailleurs. Si beaucoup de jeunes n’ont pas de boulot, c’est qu’ils n’en veulent pas. Et en méme temps
que les conditions de travail salarié sont de plus en plus ignobles, les conditions d’existence des ché-
meurs deviennent de plus en plus irrespirables.
Au début 84, I’Etat frangais sétait attaqué au chémage volontaire en réduisant A presque rien le
systéme des allocations. II s’est ensuite appuyé sur ¢4 pour introduire le travail volontaire sous-payé,
les TUC. Pendant plus de 6 mois, on a vu des jeunes cons déclarer A la télé que méme mal payés,
c*était mieux que de rester a rien faire. Un coup double pour I’Etat : réussir a faire dire a des gens
qu’en dehors du travail (méme aussi mal payé qu’un TUC) ils n’auraient rien a faire de leur jeunesse.
Travailler, c'est n’avoir rien 4 faire ! Ensuite, ceux qui auront eu l’échine assez souple pour s’abais-
ser a ¢& pourront bien accepter n’importe quel job smicard avec joie. S’il est de plus en plus insup-
portable de travailler, vu les conditions de soumission accrue qui sévissent, il est aussi de plus en plus
difficile de ne pas travailler. I n’est méme plus possible d’aménager sa subsistance immeédiate en
bossant en turn-over ou en touchant les allocations chémage.
Au début des 70’, la délinquance avait pour nous un air de liberté, de virée sauvage, de jeu en
bande, La recherche de l’argent, bien qu’elle en faisait partie, ne constituait pas le principal but.
Dans les 80", cette atmosphére d’insouciance est épuisée. Le plus haut moment de cette liberté crimi-
nelle a été l’automne 81 des rodéos et incendies dans ’Est lyonnais. Depuis, Etat et les défenseurs
de la société existante ont fait en sorte de rendre impossible de tels excés : le régne de la nécessité a
fait le reste, Un jeune des Minguettes nous racontait qu’en 81, ils volaient des voitures pour s’amu-
ser. Maintenant, avant tout elles doivent avoir une fonction utilitaire et servir au moins & plusieurs
arrachés et plusieurs casses — aprés quoi seulement on peut s'amuser avec. Il est devenu si difficile
de voler de grosses cylindrées ! La fureur de la répression policiére et judiciaire, ponctuée d’une
vague d’exécutions sommaires sans précédent, a marqué nettement Ia fin d’une époque. Tous ces
chmeurs-A-vie remplissent alors les prisons, entrainant une surpopulation automatique. Les travail-
leurs ne sont pas épargnés et ont de plus en plus affaire a la police. Dettes, impossibilité de payer le
loyer et divers crédits, chéques sans provisions, vols dans les supermarchés, etc., en aménent de plus
en plus risquer la prison.
Ce retour au régne le plus sauvage de la nécessité a pour effet d’exacerber ’hostilité et la con-
currence qui réglent de toutes facons les rapports des pauvres entre eux dans la société. L’isolement
et atomisation dominent incontestablement tout, et il en résulte une ambiance d’angoisse et
d’oppression jamais atteinte jusque la — c'est au point qu’aux USA, dans certaines grandes villes,
des gens meurent subitement de solitude —. La propagation de la poudre, qui est en train de démolir
la colére de tant de jeunes, est évidemment une des conséquences les plus directes de ce processus,
qu'elle accentue en retour. I! n’y a désormais plus de médiation possible entre la misére des gens et la
société civile. Les révoltes qui ont suivi 68 auront contraint l’ennemi a moderniser oppression et &
5rendre ainsi le monde encore plus invivable, la misére encore plus visible. Le vieux principe de 1789
revient alors au premier plan des préoccupations ennemies : combler le vide entre la classe domi
nante et les pauvres, qui s’est dangereusement creusé ces derniéres années. C’est A quoi s'affairent
une génération de réformistes aux ordres de "Etat. Ils ne peuvent évidemment parler que le langage
de l’Btat et précher le mensonge démocratique a la masse des pauvres. C’est que la bourgeoisie se
trouve brutalement confrontée a ce qui la définit : absence de communauté, poussee a son
paroxysme par les conditions sociales modernisées..
La violence qui régne entre les pauvres et s’exerce parfois ouvertement entre eux est la mesure
dela violence des conditions qui leur sont faites. Au moment méme oti tous les pauvres subissent de
plein fouet les régles de la guerre de tous contre tous, ils ne peuvent plus prétendre a une existence
civile et deviennent alors absolument dangereux. Ce moment oi la séparation a tout envahi montre
aussi que les pauvres ne peuvent constituer un sujet juridique collectif comme a l’époque de I’ex-
mouvement ouvrier. Leur insatisfaction retourne alors a son fondement, c’est~a-dire a la sauvageri
qui caractérisait leur révolte avant que la société ne cherchat a les civiliser. La derniére gréve des
mineurs en Grande-Bretagne a ainsi vu les grévistes recourir a des formes d’actions criminelles, qui
rappellent les expéditions punitives auxquelles se livraient les ouvriers anglais au début du XIX, tel-
les qu’Engels nous les relate dans «La situation de la classe laborieuse en Angleterre», c’est-a-dire
avant que le trade-unionisme n’ait civilisé les pauvres et anéanti leur colére.
III. LES FANATIQUES DE L’ APOCALYPSE
d'insatisfaction ; au contraire, ils venaient ld en principe pour passer une bonne soirée. Les
organisateurs du spectacle n'imaginaient pas que la misére des foules puisse exploser ainsi en
plein caeur du stade. II n’y avait pas de motif la violence, s’étaient-ils dit, Au Heysel, le spectacle a
du montrer seconde apres seconde et en direct a des millions de gens sa fonction de manipulation des
foules solitaires au moment méme ot il n’y parvient pas ! Les dirigeants ont paniqué en direct. Et ce
qui a tant choque les spectateurs, ce ne sont pas les 38 morts mais le fait d’avoir été témoin en direct
d'une telle violence que le spectacle n’a pas su, cette fois, leur épargner. Ils sont génés davoir vu. Le
scandale était si fort qu’en RFA ils ont purement et simplement arrété le reportage. Un journaliste
du Monde se demande, catastrophé, dans un article sur cette affaire «quel effet cela a-t-il bien pu
produire chez ces peuples d’ Afrique noire (le reportage avait en effei été diffusé en direct dans plu-
sieurs pays africains), auxquels il fut un temps, nous avons essayé d’imposer notre civilisation 7...»
Depuis, on a vu un concert de reggae en Guinée tourner court devant I’excitation des spectateurs, qui
ont finalement saccagé toutes les installations du show. En Gréce vers la méme date, les organisa-
teurs ont au contraire donné l’ordre aux vedettes d’un concert de jouer dans te seu! but de calmer la
foule déchainée : et celle-ci a quand méme traité les chanteurs comme de mauvais larbins incapables,
de décharger I'insatisfaction, et a tout cassé. Les sauvages sont partout dans le monde.
A u Heysel, les gens venant voir un match de haute tenuc n’avaient pas de raisons particuliéres
Le simple fait que nous ayons pris la défense des hooligans contre la calomnie et la répression a
fait partout scandale, jusque chez des gens proches. Les arguments qu’on a tenté de nous opposer
relévent tous du méme jugement moral, qui ne voit li que violence irrationnelle et gratuite. I n’y a
pas d’actes gratuits dans ce monde : il y en a qui paient parfois trés cher pour le savoir. Ensuite, le
hooliganisme est une manifestation immédiate de linsatisfaction qui n’a rien d’étonnant ni de cho-
quant aprés une semaine d’ennui et de labeur. La misére a toujours quelque chose de honteux pour
les réformistes, de sacrilége. Ils ne comprennent pas davantage en quoi consiste la misére de tous les
jours, et donc la violence qu’elle engendre. Nous affirmons que les pauvres ne sont unis que dans la
rupture de tous les freins sociaux et le renversement de toutes les lois. Sinon, ils ne constituent en
rien une communauté. C'est seulement en exprimant leur insatisfaction que les pauvres peuvent se
reconnaitre. C’est par cela que s’opére le renversement de situation, et qu’ils se trouvent unis dans
Vaffrontement avec ennemi commun. Un commissaire anglais déplorait, au lendemain de la belle
émeute d’ Handsworth, le fait que les gens considérent ¢4 comme un amusement, au méme titre que
le hooliganisme du foot, En tout cas, l’affaire du Heysel aura créé des conditions nouvelles pour les
6hooligans, avec le quadrillage militaire des stades qui a suivi. Désormais, ceux qui vont au match
pour se défouler seront obligés de s‘attaquer aux flics présents en masse sur place, plutot que de se
battre contre les supporters adverses. C’est ce qui s'est déja produit a Leicester le 9 octobre.
Le moment of la bourgeoisie et I’Etat achévent d organiser la séparation qui définit les pauvres
et leur rendent I'existence absolument invivable, est aussi celui qui erée les conditions d’un renverse-
ment de situation. Ce qui sépare les gens, et qui en fait précisément des pauvres, est aussi ce qui les
identifie. Les pauvres ne se connaissent pas, ils se reconnaissent. Début septembre 4 Marseille, aprés
une course-poursuite succédant a un braquage raté, les flics abattent un des jeunes braqueurs devant
lacité La Paternelle : ils sont aussit6t attaqués par les habitants du lieu, révoltés, et doivent se replier
aprés un vigoureux échange de pierres et de grenades. Au grand éonnement des flics et des journa-
listes, puisque la malheureuse vietime n’était pas originaire de cette cité, ct n’était pas arabe non plus
(S'il avait été de la Paternelle, les flics auraient alors eu affaire 4 un soulévement aussi violent qu’a
Brixton ct A Tottenham). Les jeunes principalement arabes qui habitent la Paternelle se sont immé-
diatement reconnus dans le sort fait par les flics & ce jeune inconnu, eux qui subissent exactement les
mémes galéres. Jusque dans le quartier des Halles Paris, qui est pourtant psychogéographiquement
Popposé exact des Quartiers Nord de Marseille, od ’arrestation dun petit dealer provoque un ras-
semblement de 400 personnes qui s’attaquent aux flics et méme au décor (¢a s’est passé en septem-
bre). L'indifférence et la frime qui régnaient contradictoirement aux Halles ont trouvé la une ébau-
che de dépassement. Nous en sommes contents.
IV. NOUS, CANGACEIROS
n’y ait que la qu'il se passe quelque chose. Seulement, beaucoup de nos semblables y vivent,
¢t souvent nous-mémes, Nous ne faisons pas que parler de la violence : c'est notre élément,
et méme peut-on dire, notre lot quotidien. La violence est d?abord celle des conditions qui nous sont
faites, celle des gens qui les défendent et plus rarement, hélas, celle que nous leur renvoyons & la
gueule. Nous ne connaissons pas tous nos ennemis, mais on connait ce qu’ils défendent. Tous nos
alliés ne sont pas forcément nos complices. Il arrive qu’ils le soient. Nous ne sommes pas en rapport
avec tous nos alliés, Les chémeurs qui combattent l'indigence sont autant nos alliés que les travail-
leurs qui se révoltent contre le travail et échappent au contréle des syndicats. Nous ne pensons pas
détenir une vérité universelle, mais la communiquer. Les vérités universelles sont celles qui se com-
muniquent, pas celles que l’on détient. A ceux qui se demandent si nous sommes assembléistes, con-
seillistes, nous répondons que ce qui nous importe c’est de savoir comment les gens établissent et
organisent le dialogue. Nous ne sommes pas des terroristes parce que nous tenons a la clandestinité
creuse vieille taupe, disait-on jadis. A notre époque, les gens qui affirment des exigences révolution-
naires passent pour des réveurs. Mais l'homme est fait de la méme matire dont sont faits ses réves.
Nous sommes révolutionnaires. Os Cangaceiros veut dire : «Tout est possible», « Nous sommes en
guerre», «Rien n'est vrai tout est permis». Nous sommes nombreux, par rapport a l’atomisation
régnante, On a beaucoup dialliés de par le monde.
N ous parlons beaucoup de la violence dans les banlieues. Toutefois nous ne pensons pas qu’il
Notre programme est trés ancien : vivre sans temps morts. Nous comptons bien sir lui assurer
sa publicité par le scandale. II n’y a pas d’autres moyens dignes dun tel programme. Notre existence
en elle-méme est déja un scandale. Nous ne sommes évidemment pas indispensables : toutefois il se
trouve qu’en plusieurs occasions nous avons d@ I’étre. Dans la guerre sociale, nul ne peut étre dis-
pensé. Nous sommes aussi trés méfiants — l'expérience prouve qu’on ne Vest jamais assez. La
méfiance juge de la confiance qu’on accorde aux autres. Nous ne faisons pas vraiment partie de ce
qu’on appelle couramment «le monde du travail», encore que nous en sommes issus. Mais lorsque
des luttes dignes de ce nom sy déroulent, elles combattent elles aussi le monde du travail et s'en
prennent a ce qui contraint les pauvres au travail, la nécessité de argent.
Nous expliquons le fait qu'il n’existe a l'heure actuelle aucun autre groupe comme le nétre en
Europe par cet autre fait, que nous sommes tout simplement les premiers. Bien stir, notre revue a
?une diffusion dérisoire en regard de nos énormes ambitions, Mais |’on compte sur la force d’esprit
de nos lecteurs pour y pallier, ce qui ne remet pas en cause nos ambitions. La diffusion d’une telle
revue n’a évidemment rien A voir avec la diffusion massive et quotidienne des mensonges de la
presse. Si son audience est quantitativement limitée, elle s’adresse a de possibles interlocuteurs et
non @ une masse de spectateurs. Et micux vaut avoir avec soi gens d’élite et d’escarmouche que
masse informe. Cela favorise les énormes ambitions. Nous sommes contre toute hiérarchie, et notre
association se veut égalitaire dans la mesure ou chacun doit étre en mesure d’y décider. Le fait de
nous référer 4 des intellectuels comme Marx et Hegel ne nous géne pas : & leur époque, on pouvait
étre un intellectuel sans étre un pute intellectuelle. A présent c’est fini et méme impossible. De plus,
ils n’étaient pas que des intellectuels puisqu‘ils ont cu une action sur le monde. Nous considérons
comme possible des contacts suivis avec d’autres groupes sur cette condition élémentaire : le dépas-
sement de toute forme d’agitation/propagande dans son activité. Ce que nous critiquons dans la
politique, c’est I'Etat.
La question est d’apporter du sang neuf dans cette époque, et d’en avoir les moyens. A plu-
urs reprises, lorsque nous sommes allés rencontrer des grévistes mineurs en Grande-Bretagne, on
hous a pos¢ cette question éémentaire ; «Quelle force, constituez-vous réellement ? Qu’allez-vous
pouvoir faire des informations que nous vous donnons ?». A ces questions il faut étre en mesure de
répondre clairement, d’autant qu’un regroupement comme Ie notre n'est pas évident pour tous. On
nous a aussi demandé, en Pologne : «Mais qui done &tes-vous ? Quel est votre mouvement ?». Il
faut savoir manifester le caractére universel de notre existence. L’intérét que nous portons aux révol-
tes de nos semblables dépasse I’intérét qu’a Ie pauvre isolé pour le monde, qui est souvent sans
moyens. Cependant, il doit étre bien clair que nous ne parlons que de ce qui nous concerne. En
aucun cas nous entendons faire de I’assistance aux luttes d’autrui. Nous entendons simplement les
rencontrer, et prendre part aux réjouissances. La plupart des travailleurs révoltés que l’on est amené
@ rencontrer sont encore influencés par |’état d’esprit militant issu de I’ex-mouvement ouvrier. En
Pétat actuel, on ne peut miser que sur des rencontres avec des individus pris isolément, encore qu'il
nous arrive de passer par le biais de groupes organisés qui conservent encore quelques illusions sur le
8syndicalisme et oil se trouvent des travailleurs révoltés, Si activisme de ces groupes nous |
froids, on y connaiit des gens qui sont trés proches de nous par le refus du travail
Les jeunes kids de banlieues, ayant plutét 'habitude de rencontrer des gens isolés ou en bandes
locales, sont toujours un peu étonnés de voir, quand ils nous rencontrent, un groupe constitué et
organisé. A lopposé, les travailleurs en lutte, ayant plutét I’habitude de voir des gens qui agissent en
tant que membres d’une organisation officielle, sont étonnés, quand ils nous rencontrent, de voir
des individus qui semblent agir en Icur scul nom. En Grande-Bretagne ou en Espagne, nombre de
leurs révoltés ont été ainsi surpris de voir un groupe de chémeurs-a-vie, organisés, ayant des
contacts et des informations internationales, et disposant de certains moyens, alors qu'il existe indé-
pendamment de tout appareil politique et syndical. Finalement, nous intriguons par notre simple
existence.
Mais de toute facon, le seul risque sérieux que nous courons, c’est celui de mourir pauvres.
trav:
Notes établies par : Yves Delhoysie
Georges Lapierre
Louise Riviere10
ECOSSE
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Ravenscraig
NORTH YORKSHIRE
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SOUTH YORKSHIRE
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sanemaiee aBRICK KEEPS BRITAIN
BEAUTIEUL ! (1)
mineuts britanniques ont fait gréve. Ce fut
la plus longue en Grande-Bretagne depuis
celles du début du sicle, et une des plus achar-
nées, des plus violentes qu’ait entamé une caté-
gotie d’ouvriers. Les mineurs se référaient fré-
quemment i celle de 26 comme élément de com-
paraison, pour exprimer a quel point il était inha-
bituel de voir mobiliser autant de flies contre des
grévistes. Un tel déploiement de force n’aurait
pas &té concevable lors des décennies précédentes
— sauf évidemment en Irlande du nord. Les gré-
ves de 72 et 74 s’étaient développées dans un tout
autre contexte social et avaient été victorieuses.
P endant un an, de février 84 4 mats 85, les
La vie des mineurs et d'une grande partie de la
population des bassins miniers s'est trouvée trans-
formée en un an de gréve. Beaucoup de gens ont
pris des initiatives qui rompaient avec existence
routinige du travail. Constamment des mincuts
cx des femmes de mineuts ont voyagé 4 travers
toute |'Angleterre pour organiser des piquets,
pour collecter de I'argent... Tous ceux qui partici-
paient aux piquets du matin dormaient peu, seu-
Jement deux ou trois heures par nuit. Un gréviste
intervogé par un journaliste sur la fatigue causée
par la greve, répondait que, de toutes facons, ils
auraient bien wop de temps pour dormir apres,
quand ce serait fini ! Les welfares, normalement
ouverts aux sculs mineuts, étaient devenus des
centres d'activité dans les villages miniers. Ils res
taient ouverts route la nuit. Dans un pays of)
Mheure Iégale et incontournable de fermeture est
23 H, on pouvait enfin boire et bavarder toure la
nuit, Des jeunes non mineurs, nous ont présente
comme une conquéte de la gréve qu’ils puissent
s'y réunir, ce qu’ils voulaient préserver apres la
greve.
Sous différentes formes, une résistance collec-
tive a la force employée par I'Etat s'est dévelop-
pée, de la part de toute une population. L'orga-
nisation conte la penurie s‘est faite collective
meat, La participation aux piquets devant les
puits a été massive : des femmes et beaucoup de
gens qui n’étaicnt pas mineurs sont venus sc join-
dre & eux, notamment les chOmeurs habicant prés
des puits, et méme venant de grandes villes. Face
au quadcillage des fics et a leurs provocations, la
population s'est organisée : par exemple, & Hat-
field (Sud-Yorkshite), les flics ont tenté une fois
de pénévrer dans le welfare, mais ils n’ont pu y
réussir. Ceux qui s'y trouvaient séunis se sont
monttés assez menacants pour les en dissuader
(cela n’a malheureusement pas été possible tou-
jours et partout, les flics ont parfois arrété des
gens dans les welfares). Quand les flies ont investi
toutes les régions miniéres, la colére s'exprima
dans des émeutes et des attaques conte les com-
missatiats. Des actions commando ont détruit du
matériel de la mine appartenant au NCB, Les jau-
nes et ceux qui ont pris parti pour eux ont été mis
a I'index, bannis littéralement des villages
minicrs. Ils ont du souvent partir et se metire sous
Ia protection des flics. Certains commercants qui
refusaient de faire crédit (assez rares) ont écé pil-
és, ainsi que parfois des supermarchés.
Etat a liveé une bataille non seulement contre
les mineurs, mais aussi contre tous ceux qui se
sont reconnus pour résister & ce déploiement de
force. II ne s'agissait plus seulement d'un conflit
du travail pouvant prendre certaines formes vio-
lentes, mais d'un conflit social, qui a suscité
Vintérét_ non seulement en Grande-Bretagne,
mais dans le monde entier. La détermination de
toute une population 4 résister A une véritable
machine de guerre mise en ceuvre contre elle a éé
impressionnante
Les mineurs, dont la combativité est légendaire
en Grande-Bretagne, constituaient le dernier sec-
teur ouvrier que |’Etat britannique devait mettre
4 genoux pour parachever la contre-offensive
sociale qu'il m&ne depuis les 80". S'il réussissait &
abattre les mineurs, il réduisaic le dernier bastion
de la combativité ouvrigre des 70°
(Pa
due da vorflit, qui annonce que
FAngleterte»
Projectile fet
caffchée un peu parout en Grande Bretagne pendant la
la brigue fair le charme de
‘brigue sedis tellement les revises que ce fur ut
uL’Angleterre était malade de V’indis
ses ouvriers, ce que la bourgeoisie européenne a
appelé la «maladie anglaise». Elle bawtait le
record d'Europe du nombre d’heutes de gréve.
L'esprit général de refus du travail s‘exprimait
parfois en de véritables defis lancés a I'Etat,
comme la gréve des mineurs en 72. Les ouvriers
Gtaient en position de force.
Jusqu’en 78, les gouvernements qui vont se
suceéder s'évertiérent, sans succés, d’enrayer
cette offensive par des mesures législatives et poli-
tiques. Le gouvernement Heath tenta a plusieurs
reprises d’appliquer «the industrial relation act»
(2) et dut reculer chaque fois devant lz menace
d'une gréve générale sauvage. Il laissa la place en
74 aux travaillistes
De 74 4 78, ccux-ci s'efforcerent d’apporter
une solution politique en s'appuyant sur ce qui
restait d'influence aux trade-unions. Ils conclu-
rent un epacte social» qui visait & imposer un
régime d’austérité aux ouvriers (blocage des salai-
res, mesures anti-gréves). Mais ils ne parvinrent
pas faire cesser de facon durable I'agitation dans,
les usines. L’hiver du mécontentement, en 79,
précipita la chute du gouvernement
Dés le milieu des 70’, les capitaux ont entamé
un exode vers des zones plus dignes de confiance
(sud-est asiatique, Amérique du sud, Afrique).
Index det noms snglai,
Scab jaune, sigaife firemen ccoute sur re plaice
Welfare: maison des mineuts 00 ily 4 évidemmmens un pub sy eoare
galement le section lle syed
Picket : ce sont les gens qui patcipent2ux paquets de gréve
Picketine; c'est le piauct proprement dit
Mas: picket: piquet de masse. epreupant sur wn lie les mineuts dep
sieuts puts (de 300 & 6 00).
ying pickets: piquess voli, is allen pigueter un endroit pat sur
prie, Exirémement effcces, is ort 6 steeds pat la oie combats
ar une amée de flies
Branch. meeting
Women Suppor Group: reptouperment de feaines de miveuts
occupa des collectes et de Fomganiation collective des moyens de subss-
tance. Ces groupes jouerent un fle acif et dynamisan: dans la reve.
TUC : Tade Union Congres. Cenfédéation rationale de tous les ade-
unions (sya.
NUM: National Union of Mineworkers. Syniens desi
alent syndiques 100%. A le finde la gree ese
Derbyshire ont fait secession ce qui aes deveru que recemment officiel
‘TGWU : Syncicat des transports et de la métallugie. C'est le plas gros
teade-union. On y trouve notamment les docker: et Is conducteuss de
NCB ; National Coal Board, Organiame diet qui give kes
Gregor ea 4 €xé ke dicecteur pendane la give
Labour : parti des uavallistes, gauche anghise
io lca des
incurs enue sous égide du NUM.
3 Me
Tovies: comewateus, droite ange
ows : Nowinghanhite,
Yorks Yorkshire
Wales: Pays de Galles
2
Ce mouvement s'est effcetud alors discrétement,
a la seule connaissance des financiers. Cette
ouverture sur le marché mondial, qui caractérise
dailleurs ensemble des nations industrielles
avancées (Etats-Unis, Japon, URSS) a permis aux
capitalistes anglais de prendre leurs distances face
aux difficultés croissantes de l'industrie anglaise
L’apparcil industriel avait peu évolué, et devenait
de moins en moins compétitif : dans ce pays od
les ouvriers écaient aussi notoitement indiscipli:
nés, les entreprises étaient réticentes 2 investir
pour le moderniser. Ce que Thatcher traduit & sa
maniére en disant que «si on laissait faire les
syndicats, on transformerait I’Angleterre en
musée industriel»
Cet exode des capitaux fur évidemment encou-
ragé a partir de 79 par la venue au gouvernement
des tories, farouches partisans du libre échange et
de la libre concurrence, Grace une totale liberté
de circulation, les capitaux ont quiteé |’ Angle-
terre, et, subissant de plein fouet la loi du marché
mondial, des pans entiers du vieil apparcil indus-
triel se sont effondrés, entrainant la mise au ché-
mage d’une masse de gens (4 millions
aujourd'hui). La bourgeoisie anglaise, depuis
l'époque victorienne, a toujours été tentée de
trouver dans le libre éhange une solution a ses
problemes sociaux. Le capitalisme anglais a, par
le biais des pays du Commonwealth, étendu sa
puissance financiére au reste du monde, avec les
USA et leur soutien logistique
Crest partir de ces nouvelles bases que la
bourgeoisie britannique put mettre les ouvriers
face aux conséquences de leur révolte, L’ouver-
ture sur le marché mondial 2 permis de renforcer
avec méthode la concurrence sur le marché du tra-
vail et d'ageraver la séparation entre les gens. Les
ouvriers sont contraints de se défendre séparé.
(2) Lot sur les relations sociales qui visa &restreindse les posible
de préve, en vigueur au dabut des 70ment, secteur apres secteur, face @ une ‘contre-
offensive bien préparée et conduite unitairement
Le gouvernement Thatcher va mettte tous les
moyens de I’Etat dans cette entreprise de «net-
toyage> de I’Angleterre. Toutes les gréves qui se
sont déroulées depuis le début des 80", dans la
sidérurgie d’abord, automobile ensuite, les
chantiers navals enfin, n'ont pu empécher des
milliers de licenciements (80 000 dans la sidérur-
gie par exemple). C’est dans ce contexte défensif,
dans une Angleterre déja passablement newoyée
qu’a éclaté la gréve des mineurs, L’Etat s’est bien
gardé d’affronter les mineurs en 81 en méme
temps que les sidérurgistes et les ouvriers de
Fautomobile car une reconnaissance aurait pu
alors naitre d'une colére commune ct d'une con-
vergence d’intéréts
Cette gréve a du se dérouler dans les conditions
les plus hostiles. Dans les 70°, il aurait été impen-
sable pour un travailleur de traverser un piquet,
et a fortiori impensable qu’un sidérurgiste aille
availler i décharger du charbon scab. Ce conflit
s'est présenté d’emblée comme une épreuve de
force décisive : pour le gouvernement, venir &
bout des mineurs signifiait une victoire décisive
dans le processus de mise au pas des ouvriers, et
pour les mincurs, il s'agissait de résister sur la
position de force acquise dans les 70°
"est une stratégic mondiale qui a décidé
C de la fermerure des puits en Grande-
Bretagne. Plus «d’issue négociée avec les
partenaires sociaux», on introduit & la place les
forces du marché comme principe de référence et
seul reméde au mal britannique. Alors que
depuis la hausse des tarifs pétroliers, la consom-
mation du charbon est en constante progression
en Europe, les mineurs de ces pays cotitent trop
cher, Depuis 73, les multinationales (Exon, BP,
General Electric, etc.) investissent dans le char-
bon et se tounent avec intérét vers les pays of les
coats de main-d’ccuvre sont minimes (Afrique du
sud et centrale, Colombie, Indonésie, etc.) : la
concurrence entre les pauvtes y est extréme, ct les
mouvements de révoltes y sont réprimés sauvage-
ment, Par exemple, le charbon sud-africain vaut
deux fois moins cher que l'anglais. En consé-
quence, le NCB veut faire tomber la production
de 105 496 millions de tonnes par an, ct suppri-
mer & terme tous les puits périphériques (Ecosse,
Wales, Durham, Kent). L’argument du NCB
selon lequel les puits & fermer en priorité sont
<économiquement non rentables» est apparu
immédiatement comme un pur mensonge, Il
appartenait simplement aux responsables locaux
du NCB d’additionner les fermetures jusqu’a un
toral de 4 millions de tonnes par an, dans un pre-
miet temps.
En 80, afin de tester le degré de mobilisation
des mineurs, le NCB avait annoneé la fermeture
de quelques puits dans le South-Wales, pour
ajourner aussitdt son projet. En 82, il a réussi a
fermer 20 puits et A supprimer 20 000 emplois,
avec l'aide du NUM, dans le cadre dune procé-
dure obtenue en 74 par le syndicat qui lui don-
nait un droit de regard sur les restructurations
toute fermeture de puits devait ere soumise &
arbitrage d’une commission tripartite au sein de
laquelle le NUM pése autant que le NCB. Alors
que le Kent s’était spontanément mis en greve de
soutien au Pays de Galles, le NUM rejeta route
idée de mobilisation nationale. Cette prise de
position lui fut amérement teprochée en 84
Alors qu’en 82, les mineurs étaient encore en
position de force face 4 "Etat, en 84 il n’était
méme plus question pour I’Etat de faire semblant
de négocier. Le NCB voulait étre le seul maitre
des décisions. En mars 84, en court-circuitant la
procédure de 74, les Charbonnages entendaicnt
bien imposer I'épreuve de force. 1a, il n’y a
méme pas eu un semblant de plan de reconver-
sion jeté en pature aux syndicats, ce qui interdi
sait d’emblée le genre de manipulation qu'on a
pu voir en France dans la sidérurgie ou l'automo-
bile. A présent l'envoi des casqués, qui n'est
dhabitude que la face cachée des plans sociaux,
est employé d’emblée.
Pour remettre de l'ordre dans les charbonnages
britanniques, I’Etat a fait appel & un mercenaire
dont le pedigree !’a impressionné : lan McGregor
(depuis quelque temps apparait sur le marché
international une nouvelle race de mercenaites
13spécialistes de la guerre sociale). Cet écossais a
commenc€ sa cartitre et sa fortune aux USA 02 i
s'est signalé notamment par la rapidité avec
laquelle il a su nettoyer une grande société de
charbonnage, Amay. Le gouvernement anglais l’a
acheté pour 2,5 millions de dollats a la banque
Lazard fréres, Ila d’abord été chargé de mettre au
pas les sidérurgistes ; bilan de l'opération :
80 000 emplois supprimés au prix d'une longue
grive de trois mois, infructueuse, des sidérurgis-
tes soutenus par les mineurs
La décision du NCB a tout de suite été enten-
due pour ce qu'elle était, une déclaration de
guerre, sans téve ni compromis. Les mineurs
nont pas été dupes du pseudo-arrangement qui
Jeur était proposé : 10 000 F par année d’ancien-
neté, ce qui est encore une tentative de division
puisque beaucoup de mineurs sont jeunes et ont
peu d'ancienneté. Le but déclaré de I'Etat est
d’en finir une bonne fois pour toutes avec les
mineurs. Ceux-ci ne sont pas préts d’oublier le
discours de Thatcher les qualifiant d’ennemis
intérieurs
L'Etat s'est préparé de longue date a cette
guerre. Avant méme d'artiver au pouvoir, les
conservateurs avaient plusieurs reprises explici-
tement précisé leuss intentions : «face aux mena-
ces de conflits sociaux, la bataille éventuelle se
déroulera sur le tetrain choisi pat les tories, dans
un secteur od ils pourraient étre vainqueuts»
disait Ridley, aujourd'hui ministre des trans-
ports ; et Crozier, membre de la droite des
tories : «la tragédic ultime n'est pas d’avoir une
confrontation mais de la perdres.
Toutes les mesures que I'Etat devait prendre &
cette fin avaient été dévoilées a la veille des élec-
tions de 79 : il fallait accumuler des stocks de
charbon en Grande-Bretagne et & |’étranger,
reconvertir les centrales fonctionnant au charbon
en centrales mixtes charbon-fuel, encourager le
recrutement des camionneurs non syndiqués.
LE s'est aussi pourvu de toute une série de
moyens pour empécher les piquets et les rendre
inopérents : interdiction des piquets volants et
limitation du piquet & six personnes (loi de 80),
création des la fin des 70° d’unités de flics anti-
picketing. Il existe méme des tribunaux volants
qui jugent les gens sur place et & huis-clos. Sou-
vent les procés étaient reportés, et la mise en
liberté assortie de conditions extrémement restric-
tives (interdiction de sortir apres 21h, interdic-
tion d'aller sur les piquets, etc.). Beaucoup
4
furent jugés apres la gréve ; il y ena encore main-
tenant, Une autre loi a été vorée pour rendre
extrémement difficile une gréve légale : il faut
maintenant une majorité des deux tiets, obtenuc
lors d’un scrutin par courrier et au niveau natio-
nal de l'industrie concernée. C’est une belle salo-
petie, les gréves n'ont jamais été déclenchées par
tune majorité nationale.
Le processus de liquidation de cette force est
engagé depuis de nombreuses années, et a été
poursuivi tant par le Labour, que par les tories
Depuis longtemps de nombreux puits ont fermé,
contraignant un fort contingent de mineurs 4
devenir des nomades industtiels périodiquement
déporrés d'un puits Mautre. Dans le méme
temps, certaines régions comme le Notts. ont
connu un afflux massif de «green labour», petits
commercants en faillite, paysans et _méme
danciens flics (1), qui bénéficitrent des avantages
salariaux conquis par plusicurs générations de
mineurs, sans en partager la tradition combative.
Voulant faire du Notts. une région protégée (res-
sources de charbon durables et facilement exploi-
tables), le NCB préféra embaucher ces gens-li
plutét que des mineurs d'autres régions dont les
puits avaient fermé. La plupast de ces «green
labours devinrent des scabs.
La concurrence enue mineurs des différents
puits fut entretenue par l'octroi de primes au ren-
dement qui avantageaient certaines régions par
rapport & d'autres (le Notts. par exemple, od ces
ptimes sont quatre fois supérieures a celles du
Yorks., ce qui donne 3 travail égal un salaire deux
fois plus grand). En 66, le NCB avait trouvé avan-
tage & uniformiser les salaires afin de pouvoir
déplacer facilement les mineurs au gré des ferme-
tures de puits. Aprés la gréve de 72, il centa
diintroduire des primes au rendement comme
élément de division entre régions. Malgré I’ oppo-
sition des mineurs, le NUM essaya de les négo-
ciet. En décembre 77, passant outre un vote con-
traire des mineurs, il imposa l'accord.
Uy 2 done belle lurette que la vieille strategic
de diviser pour régner, en inscaurant hiécarchie ex
concurrence entre les mineurs, est effective. Ceci
pour donner la mesure de |"imbécilité réformiste
qui geint maintenant sur la estutilisé touteslessau-
ces en Grande-Bretagne (jusqu’a I'ilotage policier
en cours d’instauration qui se nomme «commu-
nity polices !). Mais c'est cependant dans un tout
auure esprit que les mincurs parlent de «commu-
nities». Ce qu’ils nomment ainsi, c'est le mode
d'existence collectif propre 4 chaque village
minier. Tous les mineurs que nous avons rencon-
trés ont insisté sur ce fait que I"Etat cherche a
détruire les communautés (ce qui est tout diffé-
rent que de parler d'une communauté abstraite
de tous les mineurs). Ces collectivités particuliéres
ont eu un poids décisif dans le déroulement de la
greve. Cette cohésion propre 4 de nombreux villa-
ges a permis aux mineurs dexercer une pression
soutenue sur la hiérarchie du NUM. Les puits les
plus battants ont éé ceux autour desquels existait
au préalable une telle collectivité (Sud Yorks.,
Ecosse, Pays de Galles). Ils ont pu ainsi s‘organi-
ser collectivement face a la pénurie, A Corton-
wood, il n'y avait debut f€vrier que 22 scabs,
parmi lesquels 21 avaient toujours habité hors du
village (Brampton). Le 22° fut vite contraint de
déménager cn catimini : on vit mal dans une
maison carbonisée ! Dans le West-Yorks., par
contre, 0 les travailleurs d'un méme_puits
étaient souvent disséminés sur plusieurs villages,
les scabs étaient plus nombreux. Les grévistes ne
se rettouvaient que sur les piquets
Il ne s'agit évidemment pas de magnifier ce
mode d'existence, dont les mineurs eux-mémes
connaissent bien Ix misére. La plupart des jeunes
avaient tout d’abord refusé l’existence lzborieuse
de leurs parents, et ce n'est souvent qu'aprés plu-
sicurs années de chémage et d’ indigence qu'ils se
retrouverent contraints d’aller au charbon. Mais,
stils n'aiment pas leur travail, ils se battent & la
fois contre la séparation accrue qu’ entrainera
nécessairement la fermeture des puits, ct contre
Varbitraite de I’Etat. Il va de soi que ces collectivi-
tés qui s'étaient formées autour d'une mistre
commune ont trouvé leur fondement réel en se
révoltant contre l’aggravation de cette misére.
Elles ont donné naissance 4 ce que des mineurs
appelaient des «communitics fights : des com-
munautés guerti
ent des actions contre les fermetures. Mc
Gahey (président du NUM Ecosse) refusa
lors d’un meeting d’appeler 3 la gréve totale. Ilse
fic frapper parles mineurs de Polmaise. Le 4 mars
84, des l'annonce de Ia fermeture de leur puit
les mineurs de Cortonwood vorérent la gréve 2
main levée. Le comité régional du NUM n’appe-
lait encore a la gréve que dans le Yorkshire.
L'otganisation fédérative du NUM permit aux
bureaucrates de tenter une division entre les
régions. En 82, quand le Wales se mit en gréve,
les tergiversations du NUM local empéchérent le
Yorkshire de bouger. Inversement, en mars 84, il
fallur que les pickets du Yorkshire descendent
pour convaincre les gars du Wales. Dés le début,
des piquets volants s'organiserent spontanément
afin d’étendre le mouvement aux autres régions,
Ces flying-pickets, qui joutrent un réle actif dans
extension de la gréve, ne furent reconnus que
fin mai par le NUM.
Les piquets avaient été jusque la la principale
arme des grévistes, Suivant l'excellent principe
que Ics pickets ont toujours une bonne raison
d’étre la, tres peu de gens acceptaient de passer la
ligne. Le picket-line est réellement la frontitre
qui sépare les deux camps : quiconque la franchit
est un scab, mineur ou non.
E n février 84, les mineurs Ecossais entame,
En entamant cette gréve, les mineurs pensaient
avoir affaice 4 un conflit traditionnel, od il suffi-
sait de monter une détermination générale et sans
faille pour empécher la fermeture des puits. Mais
cette détermination se trouva en butte 3 plusieurs
obstacles : aux scabs, les ennemis les plus immé-
diats de cette généralisation ; aux députies (3) ; 4
la mauvaise volonté des officiels du NUM, qui
(3) Depuriee + agents de séurité qui sot aus utilisé: comme conte
males A phaseurs reprise, leur podica, le NACODS, 2 menace de se
joimite A le give, ve qui aurie &é détceminans, puiaque cla aurait
‘hurané la puralysic de tous les puts. Mis ile ve garent bien de mere
fears memes 4 exécution; celles w’éainn decings qu't obser une
augmentation de valaite,«¢ 2 coninuer dete payés sans aller avail,
agumentant que les pickets les menacaent. Cortme disit un peket
‘ceut e cragnene pas la fermetute des puis. ib pourtont roujous
teouverun jb dans la police |», Ea aril 4, un vote national dena 7 600
pour la eve et 6600 contre, mais il fallait une majoreé des deux tes.
Ces lanes arruttent dane de son ilégalité pou ne ps faite gréve.
15efforcérent d’apaiser la situation ; et surtout a
Varsenal de pores envoyés pour contenir & cout
prix le mouvement
Il s’agissaie pour I'Etat de défendre le Notts.
par tous les moyens, comme élément essentiel de
division. Les cops y instaurérent l'état de sige. Ils
en bloquérent tous les accés, organistrent des
expéditions punitives chez ceux qui hébergeaient
des pickets, massacraient ceux qui avaient le mal-
heur de tomber dans leurs pattes, et bien d’autres
saloperies. Le Nous. était le terrain de I'Etat et
devait le rester. En continuant 2 produire, il affai-
bilissait la gréve ; ill était aussi un exemple et une
incitation pour tous les scabs a venir
Le 12 avril, le NUM appelait a voter par région
sur la poursuite de la gréve. Il ne faisait que rati-
fier un état de fait : 80% des mineurs éaient
déja en greve et le Notts., comme il fallait s'y
attendre, vorait contre la gréve a une forte majo-
rité. A partir de cette date, I'Etat allait encore
intensifier sa r€pression conucc les pickets qui se
pointaient sur le Notts. Certains jugérent qu'il
Etait vain d'uscr son énergie dans cette région,
alors que des piquets sur des points stratégiques
auraient été plus efficaces. Ainsi des mineurs de
Frikley utilisérent la somme que le NUM leur
avait allouée afin de se rendre dans le Notts.,
pour aller piquetter une centrale électrique. Deux
jours plus tard, le NUM leur coupa les vivres.
‘A partir d'avtil, le conflit gagna en violence
Des raids de sabotage furent menés contre cer-
tains puits et locaux du NCB ; les grévistes s‘atta-
quéxent systématiquement 2 Ia circulation du
chatbon, notamment a Ravenscraig (Ecosse).
Enfin, il s'agissaic de ceprendre Pinitiative face &
la violence des flies
Le NUM, jugé wop indécis et peu offensif,
commensait a se faire déborder. Son autorité par-
tant en lambeau, la direction nationale redressa la
barre et adopta une ligne plus dure. Des mass-
16
pickets furent alors organisés de fagon quasi mili-
taire — des troupes bien encadrées sont moins
dangereuses qu'une foule en colére —. Les
affrontements a la cookerie d’Orgreave marqué-
rent Ia fin de cette premitre période d’agitation
spontanée. Les grévistes voulaient en découdre et
le NUM organisa l’affrontement sur un terrain
qui leur était défavorable.
Pendant trois semaines, du 28 mai au 18 jui
a bataille fit rage avec une violence inoue,
laquelle I'Etat répondit avec une violence supé-
ricure, que lui permettaient les conditions de
Vaffrontement. Les milliets de flies présents ne se
cachaient méme plus pour massacrer des gens.
Par exemple, les brigades canines rabatcaicnt les
fayards sur des unités 4 cheval, ne leur laissant
aucune issue. II y eut de nombreux blessés.
Orgreave fut un moment de rencontte important
entre des milliers de gens : ils venaient de toute la
Grande-Bretagne, et purent ainsi établir des con-
tacts qui durérent par Ia suite. Toutefois, on ne
peut que déplorer toute cette belle énergie per-
due, puisque dépensée sur un terrain entiere-
ment contOlé par I'Etat, Les affrontements
d’Orgreave furent congus tant par le NUM que
par le gouvernement comme une bataille napo-
Kéonienne. Le NUM y gagna un prestige qui ne le
quitta plus jusqu’a la fin de la greve. Par cette
ruse, il n’apparut plus & contre-courant du mou-
vement, méme s'il était loin d’en controler tous
les exces.
Face & arrogance de I’Etat et 4 la violence des
flics, ce ne furent plus seulement les mineurs,
mais toute la population des régions concernées
par la gréve qui se souleva. A partir du mois de
juin et durant tout l'été, de nombreuses arcaques
de commissariats réunirent les mineurs, leurs pro:
ches et de nombreux chomeurs du coin, Les com-
mercants qui refusaient de faire crédit eurent
aussi quelques problémes. Le terrorisme policier a
engendré une haine des flics qui n'est pas préte
de's’éeindre, Eux qui étaient auparavant accep-
tés dans les villages comme de bons bobbies
appaturent aux habitants sous leur vrai visage
les pores, lennemi. De juin a novembre
Tampleur de l'offensive contre les fics s'appa-
renta visiblement aux émeutes de I'éé 81. Par
exemple, les nombreux jeunes qui s' étaient révol-
té5 3 Barnsley en 81 sont venus préter main forte
aux habitants de Brampron. Face & cette réaction
collective, qui prenait au mot ka guerre déclarée
par Etat, les flics instaurerent l'état de sige
dans certains bourgs ou villages et les investirentmaison par maison, comme a Armthorpe ou &
Murton,
Weoley Fiillam Som
Pan 2, 97 Hleall ‘Saalnforth (Hattie
‘sin (ely) .
BARNSLEY Raby s
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ROTHERHAM ‘Rossington
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b— q
¢
sibs
Gilenon
c
\ =
Au moment méme od les mineuts trouvaient
un soutien effectif aucour d’cux, des initiatives
locales vont étre prises par les dockets et les che-
minots afin d’empécher l'acheminement du
charbon jaune. A ce stade, !"extension du conflit
écait cruciale et aurait ouvert immédiatement une
crise sociale généralisée. Le 9 juillet, les dockers et
les marins de Grimbsby ct d’lmmingham se
mirent en gréve contre l’embauche d’un person-
nel jaune par la direction du port. Trés vite 78
ports furent paralysés, Thatcher-la-salope menaga
de la troupe. Le TGWU (syndicat des transports)
et le NUS (syndicat des marins) se sont alors
cempressés d’appeler a la gréve nationale sur des
fevendications purement corporatistes, ce qui
leur a permis de négocicr tout aussi rapidement
avec I'Etat, et d’appeler Ia reprise du cravail
avant méme que le détail de l'accord n’ait &€
révélé. Le 23 aod, les dockers d’Hunterstone
(Ecosse) refuserent de décharger du charbon en
provenance de Pologne et destiné aux acieries de
Ravenscraig. Le déchargement se fit par des sidé-
rurgistes (4). Le TGWU appela i une gréve natio-
nale le lendemain. Celle-ci s'étendit alors sur 25
ponts et la moitié du uafic maritime fut inter-
rompu. Le 18 septembre, alors que le mouve-
NoTrs.
cmsrRHELD
DERBY
ment était encore suivi A 60%, les délégués
vorérent Ia reprise du travail immédiate sans
négociation. Des lors, ke quantité de charbon
transitant par les ports ne fit qu’ augmenter (5)
De méme, contre les initiatives locales des che-
minots qui tefusaient de transporter charbon et
minerai, le NUR (syndicat du rail) appela a une
journée d’action & Londres et dans le sud-est sans
rapport avec le mouvement initial. Néanmoins,
les cheminots ont pratiqué un blocus efficacc, ct
ils one pris des risques importants. Des conduc-
teurs et des aiguilleurs furent menacés, et méme
parfois mis 4 pied, pour avoir refusé de faire cir-
culer des trains de charbon scab. A King-Cross
(Londres), les cheminots se mirent en gréve sau-
vage apres avoir assisté 2 un affrontement entre
flies et mineurs
été 84 marqua le tournant décisif de ce
Le Alors qu’en juillet-aodt, unc
extension avait semblé possible, 3 la fin de
été les grévistes prirent la mesure de leur isole-
ment. Depuis plusieurs années, I'Etat a accru sa
pression sociale sur les pauvres, les contraignant
souvent i une attitude défensive : la crainte de
venir grossir les rangs des 4 millions de chémeurs
agit de maniére cerroriste dans bien des tétcs
Maggie-salope a beau jeu de se targuer de lisole-
ment des mineurs, quand elle |’a organisé de con-
cert avec cous les rackets syndicaux et politiques.
La marche sur Brighton (on se tenait, début
septembre, le congrés national du TUC) vint &
point pour enterret les illusions que les mineurs
pouvaient encore se faire sur l'effectivité d'une
solidarité syndicale, Les grévistes comptaient l-
bas faire pression sur les directions syndicales
pour exiger la gréve générale. Ils n'y trouvérent
que de bonnes intentions protégées par un
déploiement massif de pores.
Les trade-unions prétextaient du caractére
«politique» de la giéve pour refuser tout soutien,
mais c'était bien évidemment leurs raisons qui -
étaient politiques. Si les mineurs espéraicnt ren-
verser Thatcher, ils ne songeaient pas spéciale-
ment a installer le Labour au pouvoir. Ils avaient
(4) UBxt anglais ex piée 3 silver aimporte quelle main d'erave pour
boise les gréves En 4, il uta Parmée pour déchargr les bareaux. En
72, 4 Liverpool, i ents d'wilser der tulards pour brser une gréve des
cher: lex problabie qu'il I's fie sunt cute année, secritement
(6) Pour fire fice a refs des dockets de décharrer le churbon, et pout
pater Aéventelles actions commando, Je NCB wtlsa de peelerence de
petit port avec dhs penonne sie. Certaine pons déaffeceée Ruent coms
fn service pa 'ecestion
7en téte leur belle victoire de 74 et cette évidence
toute simple : s'ils faisaient tomber le gouverne-
ment, le suivant ne pourrait revenir sur certaines
choses, et aurait été obligé d’endurer leurs exi-
gences. Les syndicats se contentaient de pleurni-
cher sur les violences, dod qu’elles venaient, de
se lamenter sur la fin de la «paix sociale», Mais on
sait bien, comme le dit Crozier : «Dans une
guerre, il peut malheureusement atriver que les
droits de l'homme ne soient pas tout 3 fait respec-
téso.
En novembre 84, dans un mecting, Wis, seertaze général du TUC,
ies violencss « indigaes du mouvement outer >. Aprds
‘Sette Fait copicusement insulté, vt une corde se balancer aucessus
dena iste.
Cette situation eut une double conséquence
entre septembre et octobre : dans un nombre
grandissant de puits, certains reprirent le travail,
principalement ceux qui, bien que ne franchi
sant pas le piquet, s'étaient tenus 4 I'écart de la
lucte ; ils ressassaient leurs problémes familiaux
et pécuniers, et furent évidemment les premiers 3
craquer,
Diautres, détermings 2 n’en pas finie ainsi,
exprimérent encore plus violemment leur haine
et leur rage. Comme ils se trouvaient désormais
contraints de piqueter leur propre puits, ils
purent momentanément reprendre I'avantage
tactique sur les cops. Cependant, fixés sur leur
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puits, ils circulaient beaucoup moins. Ils
n’allaient plus aux mass-pickets que dans leur
secteur, et la communication directe entre grévis-
tes se fit plus difficile. Le NUM renforca alors son
role d’intermédiaire dans la circulation des infor-
mations entre régions. Il accentua encore I'isole-
ment des grévistes en réduisant son aide en
moyens de transport et en argent
Neanmoins ils étaient sur leur terrain, chaque
maison était un refuge, et ils profitaient du sou
tien actif des familles et d’une bonne partie de la
population. Les flics regurent a cette période leurs
plus belles branlées. Par exemple, 3 Frickley
(Yorks.), ils furene accucillis comme ils le méri-
taient. Profitant de la topographie des lieux (an
enchevétrement de pavillons surplombant la
route d’acc’s a la mine), les gens du village
purent facilement les allumer 3 coups de briques
L’approvisionnement en munitions était assuré
par des gars qui circulaient dans ce labyrinthe
avec des brouettes de briques. Bilan des réjouis
sances : 42 flics & I’hopital, et pas de perte chez
les assaillants. A Cortonwood, durant cing jours
(du 8 au 12 novembre) 400 4 4000 personnes
affrontérent la police montée ; un mincur avait
osé reprendre le travail ! Il y cut plusieurs nuits
d’émeutes simultanément dans la plupart des vil
ages miniers et de nombreuses embuscades con-
tre les flies. Le 12 novembre fut une des plus bel:
les nuits d’émeute : une attaque concertée dans
vingt-cing puits du Yorks. laissa les flics comple
tement impuissants : des commissariats furent
atcaqués au cocktail molotov ; des barricades
furent construites avec des lampadaires ou du
matériel yolé a la mine ; des magasins furent pil-
lés.
Dans le south-Wales, le formidable disposicif
des flics déployé pour protéger les scabs, exacerba
la violence des pickets. Ainsi le 30 novembre, des
grévistes balancerent un poteau sur un taxi con-
duisant un seab au boulot, Le chauffeur fut cu
A part les bureaucrates du NUM, il ne s’est
trouvé personne pour le regeetter, lui-méme érant
du coup un scab. Le seul regret était plutdt qu’ils
ne fussent pas morts tous les deux (6). Quelques
jours plus tard, dans le south-Yorks., un rail de
chemin de fer fut balancé de Ia méme maniére
(6) Deux mineusinculpés du eure du chaueur de tas furent con
ddamnée 3 la prison ve, apes Lage. Seule, quelques puts du Pays de
Galles se mirent en gréve conte len sentences: Inge ne dats que qeel
_que jours ft évidemmentimpuisante 3 modifier en ten le cedars
ations ; les deus mincuss sont teujous en prion et sans doute pour long,
‘emps