Communication et langages

Théorie de l'information et perception esthétique d'Abraham Moles

Jean Feller

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Feller Jean. Théorie de l'information et perception esthétique d'Abraham Moles. In: Communication et langages, n°16, 1972. p.
119.

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Le lecteur de Communication et Langages
en aura un aperçu avec la couverture du
présent numéro de cette revue. F.R.
1. Consulter sur ce sujet Marcillayry Caroline H.
Symmetry : Aspects of M.C. Escher's periodic
drawings (Ûtrecht, A. Oosthoek's Vigeversmaatschap-
pij N.V., 1965).
2. Voir l'article : « L'œil intelligent », in revue
Psychologie (n° 34, nov. 1972).
Abraham Moles
THEORIE DE L'INFORMATION ET
PERCEPTION ESTHETIQUE
Denoël Gonthier, 45 F.
Abraham Moles est un spécialiste de la
théorie de l'information élargie aux sciences
humaines. Il est, dans une certaine mesure,
un des créateurs de cette science de la
communication qui s'est hissée aux premiers
rangs de la connaissance, sinon par sa
rigueur théorique et ses résultats pratiques,
du moins par l'intérêt justifié, bien que
désordonné, qu'elle suscite généralement.
L'ouvrage qu'il vient de publier a pour but
d'appliquer la théorie de l'information à la
perception esthétique : le titre du livre en
donne l'objet. Dans les premiers chapitres,
il présente la théorie de l'information,
l'explique, d'ailleurs avec une grande clarté.
Puis il en expose les développements
pratiques avant de passer aux cas particuliers
de l'art, de la musique, de la poésie, et ce
qu'il appelle les messages multiples, c'est-
à-dire ceux qui utilisent plusieurs canaux,
mettant en cause plusieurs dimensions de
la perception pour parvenir à l'individu-
(opéra, cinéma, télévision, dessin animé,
etc.). Il est impossible de résumer cet
ouvrage riche, touffu, plein de
prolongements, d'idées, de résonances s'éparpillant
dans toutes les directions. Schématique-
ment, ce travail qui, déclare l'auteur, se
présente comme une thèse, c'est-à-dire un
point de vue, repose sur deux idées
essentielles : d'abord, sur la constatation qu'il y
a une matérialité de la communication,
mesurable, répondant à des lois qu'on peut
étudier puis appliquer et qui devra être à
l'origine d'une esthétique nouvelle, par
opposition à l'étude idéelle à quoi se résumait
l'esthétique classique ; en second- lieu, la
perception esthétique engage deux notions
complémentaires qui se développent
Les livres 119
lèlement : le point de vue sémantique et le
point de vue esthétique : « Nous sommes
» conduits à mettre en évidence dans l'en-
» semble des messages l'existence de deux
» points de vue sur le message, correspon-
» dant à deux types d'information — point
» de vue sémantique, logique, structuré,
» énonçable, traduisible, préparant des
» actions — point de vue esthétique, intra-
» duisible préparant des états... La recon-
» naissance de ces deux aspects, leur carac-
» térisation et leur étude, est l'une des
» bases de la théorie informationnelle de la
» perception esthétique. »
Voilà qui serait très satisfaisant si
l'ensemble du livre ne donnait l'impression que
pour l'auteur, même s'il ne l'affirme pas
clairement, le second terme doit, en fin de
compte, être ramené au premier. On
pourrait établir une sorte de contrepoint entre
démonstrations et affirmations, contrepoint
qui n'est ni opposition ni contradiction,
mais l'origine d'une certaine perplexité pour
le lecteur. Abraham Moles déclare que
l'étude de la communication intersubjective
« rétablit l'oeuvre d'art à sa valeur de créa-
» trice des sensations, donc de moteur de
» la société et non d'épiphénomène social »
et aussi que la science de la
communication « veut retrouver sous l'émotion poé-
» tique les structures générales de la per-
» ception sensorielle ». Mais il parle en
même temps de la « tâche future des ingé-
» nieurs en émotion », ce qui, lié au contexte
de cet ouvrage, remarquable par ailleurs, ne
laisse pas d'être inquiétant, malgré
l'affirmation qui le clôt : « L'homme est la
condition même de connaissance de ce monde
au lieu de s'en éliminer asymptotique-
ment comme tendait à le faire croire la
science au xixe siècle, qui voyait dans une
immense thermodynamique, conçue par
un être omniscient, la description ultime
de l'univers. »
Mais que cet ouvrage soit inquiétant ou pas,
il n'en reste pas moins qu'en lisant
Abraham Moles chaque lecteur a l'impression
qu'il devient plus intelligent.
J.F.
Jean Cazeneuve
UNE SOCIETE DE L'UBIQUITE
Ed. Denoël, 1972, 35 F.
—
Le faut-il
livre que
le publie
rappelerJean
? —Cazeneuve,
le meilleurquipeut-
est
être des sociologues français intéressés au
problème de la communication de masse