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(Décembre 2014)
La Décentralisation des Politiques d’Emploi
Mongi Boughzala1
Introduction ......................................................................................................................3
1. La décentralisation : concepts et enjeux.......................................................................5
2. La décentralisation des PAMT .....................................................................................7
2.1. L’expérience des pays de l’OCDE .........................................................................7
2.2. Principal & Agent ..................................................................................................8
3. PAMT, stratégie de développement et décentralisation fiscale ...................................9
3.1. Décentralisation des politiques d’emploi et développement régional ...................9
3.2. Décentralisation administrative et décentralisation fiscale ................................12
Conclusion .......................................................................................................................13
Références .......................................................................................................................14
Annexes……………………………………………………………………………………15
1
Université de Tunis El Manar
Introduction
D’abord, la décentralisation n’est pas susceptible de porter sur tous les aspects des
politiques d’emploi. Il est peu vraisemblable, dans le contexte tunisien, que le code du travail,
la sécurité sociale, les négociations sociales ou les politiques macroéconomiques soient
décentralisés. La question de la décentralisation n’est réellement pertinente aujourd’hui que
pour la politique active du marché du travail (PAMT) dont les composantes peuvent être
regroupées sous les trois rubriques suivantes :
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Il y a aussi la politique passive du marché du travail qui porte principalement sur les indemnités pour les
chômeurs mais qui est encore à un stade peu avancé en Tunisie.
- Et l’aide à la création d'entreprises et la promotion de l’entreprenariat et de l’auto-
emploi3.
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Voir annexe B
4
Voir Annexe A pour plus de détails
et de précautions. Le premier chapitre de cette étude portera sur les concepts généraux relatifs
à la décentralisation et aux arbitrages à opérer, notamment entre flexibilité et redevabilité. Le
chapitre suivant portera sur la décentralisation des PAMT et sur l’option qui semble la plus
appropriée au cas Tunisien.
Par ailleurs, la décentralisation des politiques d’emploi n’a souvent de sens que si elle
est inscrite dans le cadre de programmes cohérents de développement régional et elle va de
pair avec la décentralisation budgétaire et fiscale. C’est le sujet du troisième chapitre.
Au cours des dernières décennies, beaucoup de pays, y compris la Tunisie, ont essayé
de décentraliser au moins partiellement et dans certains domaines. Ces expériences ont
montré que la décentralisation prend un sens plus clair quand elle est conçue dans le cadre de
la rationalisation du système de gouvernance ; c’est-à-dire quand elle est fondée sur les
principes de transparence, de participation, de représentativité et de redevabilité. Alors, elle
s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’un système d’institutions publiques et
d’incitations qui favorise plus d’efficacité et d’équité en matière de services publics. Dans ce
sens, la décentralisation permet de redistribuer d’une manière plus appropriée le pouvoir et les
responsabilités entre les diverses institutions publiques et d’attribuer à chaque institution les
responsabilités pour lesquelles elle est la mieux placée. La décentralisation permet ainsi
d’adapter les instruments de politique économique aux conditions et besoins spécifiques de
chaque région et/ou localité et d’assurer une meilleure utilisation des ressources nationales.
De ce point de vue, la décentralisation devient d’autant plus réalisable que les conditions des
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La déconcentration est en effet un cas particulier de décentralisation, et non un cas distinct.
régions sont hétérogènes, ce qui est le cas du marché du travail où les opportunités d’emploi
varient amplement à travers les régions.
En outre, à moins que les précautions nécessaires soient prises, même si la question de
l’efficacité est réglée, la décentralisation pourrait être plus profitables pour certaines régions,
généralement les mieux préparées et les mieux dotées et ainsi aggraver les disparités et
aboutir à un traitement plus inégal des citoyens du même pays selon la région où ils résident.
Les expériences mondiales le montrent.
Il est largement admis que la politique de l’emploi ne doit pas échapper au pouvoir
central et que la décentralisation doit être accompagnée d’une forte coordination entre le
pouvoir central, les régions et les communes. Même en Suède (Lundin, M & Per Skedinger
(2000)), qui consacre de très grands moyens à la PAMT, et en Suisse, deux pays où la
décentralisation est assez poussée, l’emploi est une préoccupation nationale majeure pour le
gouvernement central. La Suisse a plus récemment mis en place au niveau central un
dispositif de coordination et d’évaluation des programmes et des institutions régionales.
Autrement dit, la décentralisation de la politique d’emploi se pose en terme de degré et
d’équilibre entre les prérogatives du gouvernement central et celles laissées aux autorités
régionales même si certains pays demeurent plus centralisés que d’autres (exemple la France
et le Royaume Uni plus centralisé que l’Autriche, l’Italie et l’Allemagne). Evidemment le
degré de flexibilité et de décentralisation varie aussi selon le type d’instrument. On laisse
généralement par exemple plus de latitude aux régions au niveau de la conception des
programmes de formation et moins au niveau des services d’intermédiation et de placement
des sans-emplois. En Allemagne, la décentralisation du système fonctionne bien en harmonie
avec les objectifs nationaux grâce à la tradition de coopération entre les divers niveaux de
gouvernement et à la possibilité constitutionnelle d’intervention pour l’Etat fédéral en cas de
nécessité.
Au Royaume Uni, le pouvoir central semble plus prédominant qu’en Allemagne, ce qui
n’a pas empêché le partage des pouvoirs entre les divers niveaux. La France qui a le système
le plus centralisé en Europe a tout de même fait des pas importants dans le sens de la
décentralisation, notamment à travers une planification basée sur des contrats objectifs au lieu
du contrôle des inputs employés dans le cadre des programmes et des instances décentralisés.
En pratique, dans la plupart des pays, la planification (ou le management) par objectif
(MBO) s’avère le mode ou le compromis le plus fréquent, bien que sous diverses variantes. Et
c’est d’abord dans cette direction que la Tunisie pourrait avancer concernant la
décentralisation de sa PAMT. L’administration centrale de l’ANETI, sous la supervision du
ministère chargé de l’emploi (actuellement le MFPE), va alors déléguer aux instances
régionales le pouvoir de planification de leurs activités et d’affectation des moyens qui leur
sont impartis en fonction des demandes et des priorités des régions (ou communes). Ainsi,
chaque région pourra intégrer les interventions de l’instance régionale d’emploi dans le cadre
de projets de développement. Cette instance sera évaluée en fonction de critères de
performance définis en termes de réalisation des objectifs arrêtés et non des inputs employés.
Les objectifs retenus seront négociés dans la région par l’instance régionale de l’emploi, les
représentants des entreprises et les responsables au niveau de la région conformément aux
normes arrêtées au niveau central et aux objectifs nationaux. Autrement dit, il va y avoir en
fin de compte un contrat entre l’instance régionale et l’ANETI mais les objectifs ne seront pas
dictés par l’ANETI. C’est une démarche qui pourrait convenir à la réalisation des programmes
de développement régional et garantir le respect des règles et normes nationales.
Conformément à l’article 137 de la Constitution Tunisienne, cela n’empêcherait pas les
régions qui le souhaitent de mettre en place et de financer par leurs propres moyens des
programmes de PAMT complémentaires ou d’accorder des avantages supplémentaires aux
investisseurs qui choisissent de s’installer chez elles, par exemple sous forme de programmes
de formation ou d’incitation à l’emploi ou d’aide à la création d’entreprises.
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Qui intègrent tous les secteurs économiques
l’ambition d’axer leur développement futur sur la croissance consécutive de l’agriculture, de
l’industrie agro-alimentaire et du tourisme. Pour cela, elles ont besoin d’une infrastructure
appropriée, d’attirer les investisseurs, d’aménager les espaces urbains et industriels, de former
et d’attirer les compétences…La formation des compétences et la création d’emplois va donc
se concevoir dans le cadre de ce processus qui peut aboutir à l’émergence de pôles de
développement et qui implique un très grand nombre d’acteurs. La planification de ces pôles
serait en premier lieu du ressort des autorités régionales mais nécessairement en partenariat
avec le gouvernement central, le secteur privé et les représentants élus de la région et des
organisations régionales et nationales. Les plans proposés doivent être suffisamment
convaincants pour attirer les investisseurs (qui seront les principaux créateurs d’emplois) et
aussi pour retenir et attirer les compétences nécessaires.
Les principaux piliers d’un espace et d’un environnement attractif pour les investisseurs
sont bien connus : une infrastructure complète et satisfaisante, une qualité de vie conforme à
leurs attentes (qualité de l’espace urbain des établissements éducatifs des services de santé
disponibles, des activités culturelles et de loisir…), une administration efficace et une main
d’œuvre qualifiée. Les capacités de formation et de production de compétences disponibles au
sein de cet environnement constituent en effet un élément qui peut être décisif pour les
investisseurs. Le coût de la main d’œuvre est important mais il doit être rapporté au niveau
des compétences et de la productivité de la main d’œuvre. C’est pourquoi la subvention pure
et simple de l’emploi peut n’avoir qu’un effet mineur si les entreprises cherchent en premier
lieu les compétences. La subvention de l’emploi est efficace pour certaines catégories de
travailleurs qui s’adaptent difficilement aux évolutions du marché du travail.
La région aurait alors la latitude d’orienter les programmes de PAMT en fonction des
préoccupations effectives des employeurs, notamment les futurs employeurs qui s’engagent à
participer à la réalisation des nouveaux pôles. Il est possible que dans ce contexte la
formation et la mise à niveau de la main d’œuvre devienne l’instrument le plus important de
la PAMT et que les autres formes d’incitations jouent un rôle moins important.
Le problème n’est donc pas de savoir si les autorités centrales continueront ou non à
jouer un rôle en matière de développement régional, en particulier de développement des
compétences. Le problème est de savoir si les conditions de bonne gouvernance
(transparence, évaluation, redevabilité, participation et surtout existence des compétences
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Pour se conformer à la nouvelle constitution, ce coordinateur opèrera sous l’égide du conseil régional ou du
conseil municipal selon le cas
régionales suffisantes…) nécessaires à la réussite de la décentralisation peuvent être assez
rapidement réunies et à quel rythme il faudra démarrer le processus de décentralisation ?
Le contrôle budgétaire nous ramène aux institutions qui seront chargées de l’audit et la
surveillance des opérations budgétaires dans le cadre des régions dans des conditions
conformes aux règles de transparence, d’efficacité et de redevabilité. C’est toute une
architecture institutionnelle qui reste à concevoir et à mettre en place. Les solutions existent
mais elles prendront du temps.
Les réponses à la deuxième catégorie de questions sur les lois fiscales et les clés de
répartition des ressources seront encore plus difficiles et peut-être plus controversées. En
effet, cela va déterminer dans quelle mesure la décentralisation va contribuer à réduire ou à
aggraver les disparités régionales.
Les clés de répartition vont donner lieu à des fonds à redistribuer et à des formules de
répartition des ressources financières en fonction de paramètres à déterminer : population,
niveau de vie et de développement, ressources fiscales propres… La question de la clé de
répartition sera encore plus difficile quand il s’agira de s’entendre sur la part des revenus
provenant des ressources naturelles de la région qui devra lui être attribuée, sachant que le
principe de ce partage est retenu par la constitution. Il est clair que si les régions les plus
riches reçoivent plus que les régions pauvres, il y aura encore plus de disparités. Cela s’est
produit dans plusieurs pays.
Conclusion
Aghion, P & J Tirole (1997), ”Formal and Real Authority in Organizations”, Journal of
Political Economy, 105, 1-29
Lundin, M & Per Skedinger (2000) ; “Decentralisation of active labour market policy: The
case of Swedish local employment service committees”, Stockholm, Sweden.
Mosley, Hughes, “Decenralisation and accountability in labor market policy” , Social Science
Research Center Berlin (WZB), Germany, in OECD 2008 “Decentralisation and
coordination: the twin challenge of labour market policy;
Annexe A
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