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Institut Arabe des Chefs d’Entreprises

29ème Session des Journées de l’Entreprise

L’Entreprise et le capital humain : Productivité et partage

(Décembre 2014)
La Décentralisation des Politiques d’Emploi
Mongi Boughzala1

Table des matières

Introduction ......................................................................................................................3
1. La décentralisation : concepts et enjeux.......................................................................5
2. La décentralisation des PAMT .....................................................................................7
2.1. L’expérience des pays de l’OCDE .........................................................................7
2.2. Principal & Agent ..................................................................................................8
3. PAMT, stratégie de développement et décentralisation fiscale ...................................9
3.1. Décentralisation des politiques d’emploi et développement régional ...................9
3.2. Décentralisation administrative et décentralisation fiscale ................................12
Conclusion .......................................................................................................................13
Références .......................................................................................................................14
Annexes……………………………………………………………………………………15

1
Université de Tunis El Manar
Introduction

Les politiques d’emploi sont composées de plusieurs types d’interventions de l’Etat


directement au niveau du marché du travail ayant pour objectif l’encouragement de l’emploi
et la lutte contre le chômage. Cependant l’emploi ne dépend pas seulement de ces politiques ;
il est la résultante de toutes les politiques économiques et sociales mises en œuvre par l’Etat et
de tant d’autres facteurs. Les politiques d’emploi couvrent la législation et la règlementation
du marché du travail, la sécurité sociale, l’inspection du travail dont l’efficacité détermine le
niveau d’application de la législation sociale, les modalités des négociations salariales, les
politiques macroéconomiques (principalement la politique budgétaire et la politique
monétaire) ainsi que la politique active du marché du travail2. En Tunisie, toutes ces
interventions sont conçues et mises en œuvre dans un cadre très centralisé. La question de la
décentralisation de ces politiques est désormais posée, surtout depuis que le principe de la
décentralisation et du renforcement des autorités régionales et locales a été consacré par la
nouvelle constitution. Dans quel sens va-t-il falloir décentraliser les politiques d’emploi et
quelles sont les conséquences possibles de cette décentralisation ? C’est le sujet de cette
étude.

D’abord, la décentralisation n’est pas susceptible de porter sur tous les aspects des
politiques d’emploi. Il est peu vraisemblable, dans le contexte tunisien, que le code du travail,
la sécurité sociale, les négociations sociales ou les politiques macroéconomiques soient
décentralisés. La question de la décentralisation n’est réellement pertinente aujourd’hui que
pour la politique active du marché du travail (PAMT) dont les composantes peuvent être
regroupées sous les trois rubriques suivantes :

- L’aide à l’emploi tels que les services de placement et d’intermédiation entre


l’offre et la demande et les diverses formes de subvention et d’encouragement à
l’emploi,

- Le développement des capacités des travailleurs afin d’améliorer leur


employabilité à travers les programmes de formation professionnelle initiale et
continue, sachant que l’aide à l’emploi peut aussi prendre la forme d’une
formation professionnelle complémentaire,

2
Il y a aussi la politique passive du marché du travail qui porte principalement sur les indemnités pour les
chômeurs mais qui est encore à un stade peu avancé en Tunisie.
- Et l’aide à la création d'entreprises et la promotion de l’entreprenariat et de l’auto-
emploi3.

En particulier, la première rubrique, celle de l’aide à l’emploi, correspond à l’essentiel


des activités et des instruments de facilitation de l’emploi actuellement gérés et financées
dans le cadre de l’Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant (ANETI). Il s’agit
notamment des stages d’insertion dans la vie professionnelle (SIVP), du contrat formation
emploi (CFE), du programme de recherche active d’emploi (SYRAE), de la Prise en charge
par l’Etat de 50% des salaires versés PC50…4. Ces programmes sont en bonne partie ciblés
vers les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur qui représentent approximativement le
tiers des Chômeurs. Les deux autres tiers des chômeurs bénéficient de certains instruments
mais reçoivent beaucoup moins d’attention. Ces programmes ont fait l’objet de plusieurs
réformes et une nouvelle réforme a été annoncée mais la question de l’évaluation de leurs
performances, quoiqu’importante, nous éloigne de l’objet principal du présent travail. Nous
supposons qu’ils sont utiles même s’ils doivent être améliorés. L’important, c’est de savoir
dans quelle mesure et comment faudrait-il les décentraliser ?

Cela pose le problème de la conception et surtout de l’intérêt et des risques associés à la


décentralisation. C’est que la décentralisation, en général et concernant les politiques
d’emploi en particulier, pourrait conduire vers plus d’équité et d’efficacité mais ce n’est pas
certain. On s’attend à ce qu’elle permette plus de flexibilité et une meilleure adaptation des
actions de l’Etat aux conditions et aux besoins spécifiques des régions concernées et d’éviter
ainsi les inefficacités et la rigidité des programmes actuels conçus principalement par
l’administration centrale selon des formules standards pour toutes les régions. Néanmoins, on
sait aussi que ce n’est pas une panacée et que l’inefficacité et les disparités régionales risquent
de s’aggraver suite à la décentralisation si celle-ci n’est pas bien préparée et menée.
L’avantage de la décentralisation des PAMT provient de la possibilité de mieux tenir compte
des informations relatives à chaque région ou à chaque localité en permettant aux
responsables régionaux et locaux qui détiennent ces informations de participer à la prise de
décision mais, conformément à la théorie et au vue des expériences internationales de
décentralisation on voit que le succès n’est pas garanti et que les cas d’échec ne manquent
pas. C’est donc un processus complexe qui doit être conçu et piloté avec beaucoup d’attention

3
Voir annexe B
4
Voir Annexe A pour plus de détails
et de précautions. Le premier chapitre de cette étude portera sur les concepts généraux relatifs
à la décentralisation et aux arbitrages à opérer, notamment entre flexibilité et redevabilité. Le
chapitre suivant portera sur la décentralisation des PAMT et sur l’option qui semble la plus
appropriée au cas Tunisien.

Par ailleurs, la décentralisation des politiques d’emploi n’a souvent de sens que si elle
est inscrite dans le cadre de programmes cohérents de développement régional et elle va de
pair avec la décentralisation budgétaire et fiscale. C’est le sujet du troisième chapitre.

1. La décentralisation : concepts et enjeux

La décentralisation consiste à opérer un transfert partiel ou total du pouvoir de décision


et de contrôle des ressources du niveau central à un niveau plus bas dans la hiérarchie, le
niveau régional et/ou le niveau local. Dans le contexte qui nous intéresse, la décentralisation
signifie que les administrations centrales et le gouvernement cèdent plus de pouvoir aux
autorités régionales ou locales. La décentralisation peut prendre diverses formes ; elle peut se
limiter à la déconcentration5, qui est une forme essentiellement administrative de
décentralisation, ou être plus profonde quand elle est à la fois administrative, fiscale et
politique.

Au cours des dernières décennies, beaucoup de pays, y compris la Tunisie, ont essayé
de décentraliser au moins partiellement et dans certains domaines. Ces expériences ont
montré que la décentralisation prend un sens plus clair quand elle est conçue dans le cadre de
la rationalisation du système de gouvernance ; c’est-à-dire quand elle est fondée sur les
principes de transparence, de participation, de représentativité et de redevabilité. Alors, elle
s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’un système d’institutions publiques et
d’incitations qui favorise plus d’efficacité et d’équité en matière de services publics. Dans ce
sens, la décentralisation permet de redistribuer d’une manière plus appropriée le pouvoir et les
responsabilités entre les diverses institutions publiques et d’attribuer à chaque institution les
responsabilités pour lesquelles elle est la mieux placée. La décentralisation permet ainsi
d’adapter les instruments de politique économique aux conditions et besoins spécifiques de
chaque région et/ou localité et d’assurer une meilleure utilisation des ressources nationales.
De ce point de vue, la décentralisation devient d’autant plus réalisable que les conditions des

5
La déconcentration est en effet un cas particulier de décentralisation, et non un cas distinct.
régions sont hétérogènes, ce qui est le cas du marché du travail où les opportunités d’emploi
varient amplement à travers les régions.

Un des arguments en faveur de la décentralisation est qu’elle pourrait renforcer la


stabilité politique du pays en intégrant les aspirations de toutes les entités locales et des
multiples sensibilités locales et culturelles qui peuvent coexister au sein d’un même territoire.
Cependant, si elle n’est pas conduite dans un souci d’amélioration de la gouvernance et si les
conditions de bonne gouvernance ne sont pas remplies, elle risque au contraire de favoriser la
résurgence ou le développement de loyautés envers des entités locales dont les ambitions ne
sont pas plus légitimes que celles des autorités centrales (clans, tribus, groupe d’intérêt…) et
de causer plus de corruption. L’idée n’est pas d’exclure les diverses entités locales mais
d’éviter que certaines d’entre elles accaparent trop de pouvoir et dominent le système
conformément à leurs intérêts particuliers. Il y a là un équilibre à trouver et un défi important
à prendre en compte. Sinon, en cas de manque de cohésion et de faiblesse des institutions et
des mécanismes de pilotage et de coordination, on pourrait assister à la fragmentation du
pouvoir et/ou à la superposition d’administrations se disputant les mêmes prérogatives, et
donc à plus d’inefficacité.

En outre, à moins que les précautions nécessaires soient prises, même si la question de
l’efficacité est réglée, la décentralisation pourrait être plus profitables pour certaines régions,
généralement les mieux préparées et les mieux dotées et ainsi aggraver les disparités et
aboutir à un traitement plus inégal des citoyens du même pays selon la région où ils résident.
Les expériences mondiales le montrent.

En d’autres termes, dans le cadre de la recherche d’un niveau optimal de


décentralisation, on pourrait être amené à opérer un arbitrage entre plus de flexibilité, voire
même d’efficacité, (moyennant plus de décentralisation) et plus d’équité en imposant des
règles communes pour tous les citoyens (donc en allant vers moins de décentralisation).

En pratique, la décentralisation est inévitablement un concept relatif et elle sera toujours


partielle. La cession de certains pouvoirs à des autorités régionales ou locales ne signifie pas
le départ des autorités centrales ou même leur affaiblissement. Il s’agit plutôt d’un nouveau
partage du pouvoir entre les divers niveaux, ce qui n’exclut pas le renforcement de certains
pouvoirs au niveau central. Il y aura toujours des interactions complexes entre le pouvoir
central, plus ou moins déconcentré, et le pouvoir régional et local. En particulier, la
déconcentration et la cession de pouvoirs à des autorités locales politiquement plus autonomes
pose toujours un réel problème de cohérence et de cohésion. D’où l’importance de la
coordination selon des procédures bien définies entre tous ces niveaux.

2. La décentralisation des PAMT

La décentralisation des politiques active du marché du travail (PAMT) : entre flexibilité


et redevabilité, Quel compromis ? Comment organiser une gouvernance efficace et
suffisamment souple pour permettre une adéquation des PAMT aux territoires auxquels elle
s’applique tout en étant transparente et compatible avec les objectifs nationaux ?

2.1. L’expérience des pays de l’OCDE

Mondialement et notamment dans les pays de l’OCDE (OECD 2003), la tendance


depuis les années 1990 était vers la décentralisation des PAMT. Cependant, l’expérience
prouve que le processus n’est pas linéaire et qu’il comporte des cycles et des retours en arrière
à cause de sa complexité et des risques encourus. Le risque d’aggravation des inégalités
régionales et d’une concurrence déloyale entre les régions au détriment de la solidarité
nationale et du traitement égal pour tous les citoyens du même pays a poussé les divers Etats,
à des degrés variables, à imposer des normes communes et à maintenir les politiques d’emploi
dans le cadre national, surtout au stade de la législation.

Il est largement admis que la politique de l’emploi ne doit pas échapper au pouvoir
central et que la décentralisation doit être accompagnée d’une forte coordination entre le
pouvoir central, les régions et les communes. Même en Suède (Lundin, M & Per Skedinger
(2000)), qui consacre de très grands moyens à la PAMT, et en Suisse, deux pays où la
décentralisation est assez poussée, l’emploi est une préoccupation nationale majeure pour le
gouvernement central. La Suisse a plus récemment mis en place au niveau central un
dispositif de coordination et d’évaluation des programmes et des institutions régionales.
Autrement dit, la décentralisation de la politique d’emploi se pose en terme de degré et
d’équilibre entre les prérogatives du gouvernement central et celles laissées aux autorités
régionales même si certains pays demeurent plus centralisés que d’autres (exemple la France
et le Royaume Uni plus centralisé que l’Autriche, l’Italie et l’Allemagne). Evidemment le
degré de flexibilité et de décentralisation varie aussi selon le type d’instrument. On laisse
généralement par exemple plus de latitude aux régions au niveau de la conception des
programmes de formation et moins au niveau des services d’intermédiation et de placement
des sans-emplois. En Allemagne, la décentralisation du système fonctionne bien en harmonie
avec les objectifs nationaux grâce à la tradition de coopération entre les divers niveaux de
gouvernement et à la possibilité constitutionnelle d’intervention pour l’Etat fédéral en cas de
nécessité.

Au Royaume Uni, le pouvoir central semble plus prédominant qu’en Allemagne, ce qui
n’a pas empêché le partage des pouvoirs entre les divers niveaux. La France qui a le système
le plus centralisé en Europe a tout de même fait des pas importants dans le sens de la
décentralisation, notamment à travers une planification basée sur des contrats objectifs au lieu
du contrôle des inputs employés dans le cadre des programmes et des instances décentralisés.

2.2. Principal & Agent

La question de la décentralisation optimale a été traitée dans plusieurs cadres


théoriques, y compris celui du contrat optimal et des incitations (Aghion & Tirole 1987,
Tirole 1986) et du « principal et agent » (Martin Lundin & Per Skedinger 2000). La littérature
tend à confirmer la nécessité d’un équilibre entre centralisation et décentralisation. Etant
donné que le monde réel est toujours caractérisé par une importante incertitude et par une
asymétrie informationnelle [une différence significative entre les informations détenues par
les autorités centrales (le principal) et les organes régionaux (agents)], il est souhaitable de
permettre à ces organes régionaux d’exploiter au mieux les informations qu’ils maîtrisent
mieux et de prendre les initiatives qui en découlent. En revanche, afin de s’assurer que le
comportement de ces organes reste compatible avec les priorités du principal et que celui-ci
ne perde pas le contrôle du système il est nécessaire d’instaurer des mécanismes de
coordination. Ces mécanismes seront d’autant moins contraignants que les intérêts du
principal et des agents sont convergents et inversement. En Allemagne, il semble qu’il y a
moins de divergences entre ces intérêts mais il n y a nulle part de convergence totale. La
coordination centrale est donc indispensable. Si la divergence est très forte le gain de la
décentralisation peut devenir trop faible et il vaudrait mieux ne pas décentraliser. En général,
il y a un risque de divergence mais qui n’exclut pas la possibilité de coopération.

En pratique, dans la plupart des pays, la planification (ou le management) par objectif
(MBO) s’avère le mode ou le compromis le plus fréquent, bien que sous diverses variantes. Et
c’est d’abord dans cette direction que la Tunisie pourrait avancer concernant la
décentralisation de sa PAMT. L’administration centrale de l’ANETI, sous la supervision du
ministère chargé de l’emploi (actuellement le MFPE), va alors déléguer aux instances
régionales le pouvoir de planification de leurs activités et d’affectation des moyens qui leur
sont impartis en fonction des demandes et des priorités des régions (ou communes). Ainsi,
chaque région pourra intégrer les interventions de l’instance régionale d’emploi dans le cadre
de projets de développement. Cette instance sera évaluée en fonction de critères de
performance définis en termes de réalisation des objectifs arrêtés et non des inputs employés.
Les objectifs retenus seront négociés dans la région par l’instance régionale de l’emploi, les
représentants des entreprises et les responsables au niveau de la région conformément aux
normes arrêtées au niveau central et aux objectifs nationaux. Autrement dit, il va y avoir en
fin de compte un contrat entre l’instance régionale et l’ANETI mais les objectifs ne seront pas
dictés par l’ANETI. C’est une démarche qui pourrait convenir à la réalisation des programmes
de développement régional et garantir le respect des règles et normes nationales.
Conformément à l’article 137 de la Constitution Tunisienne, cela n’empêcherait pas les
régions qui le souhaitent de mettre en place et de financer par leurs propres moyens des
programmes de PAMT complémentaires ou d’accorder des avantages supplémentaires aux
investisseurs qui choisissent de s’installer chez elles, par exemple sous forme de programmes
de formation ou d’incitation à l’emploi ou d’aide à la création d’entreprises.

3. PAMT, stratégie de développement et décentralisation fiscale

L’emploi, c’est d’abord le résultat de toutes les politiques de développement. Seule,


la PAMT aurait un effet limité sur l’emploi et l’employabilité. Il est établi que les flux
d’investissements nationaux et étrangers sont très influencés non seulement par le climat
économique général du pays mais aussi par la qualité et les avantages offerts par des espaces
territoriaux spécifiques. Le développement de tels espaces pourrait être soutenu par des
autorités régionales ou locales engagées et dotées des moyens nécessaires. Il en découle que la
décentralisation, notamment de la PAMT, doit s’inscrire dans le cadre de la stratégie de
développement régional.

3.1. Décentralisation des politiques d’emploi et développement régional

Le développement dans les régions et la réduction des disparités régionales passe en


Tunisie par la création de pôles de développement ambitieux6 et compatibles avec les
possibilités et les atouts des régions. Nous savons, par exemple, que certaines régions ont

6
Qui intègrent tous les secteurs économiques
l’ambition d’axer leur développement futur sur la croissance consécutive de l’agriculture, de
l’industrie agro-alimentaire et du tourisme. Pour cela, elles ont besoin d’une infrastructure
appropriée, d’attirer les investisseurs, d’aménager les espaces urbains et industriels, de former
et d’attirer les compétences…La formation des compétences et la création d’emplois va donc
se concevoir dans le cadre de ce processus qui peut aboutir à l’émergence de pôles de
développement et qui implique un très grand nombre d’acteurs. La planification de ces pôles
serait en premier lieu du ressort des autorités régionales mais nécessairement en partenariat
avec le gouvernement central, le secteur privé et les représentants élus de la région et des
organisations régionales et nationales. Les plans proposés doivent être suffisamment
convaincants pour attirer les investisseurs (qui seront les principaux créateurs d’emplois) et
aussi pour retenir et attirer les compétences nécessaires.

Les principaux piliers d’un espace et d’un environnement attractif pour les investisseurs
sont bien connus : une infrastructure complète et satisfaisante, une qualité de vie conforme à
leurs attentes (qualité de l’espace urbain des établissements éducatifs des services de santé
disponibles, des activités culturelles et de loisir…), une administration efficace et une main
d’œuvre qualifiée. Les capacités de formation et de production de compétences disponibles au
sein de cet environnement constituent en effet un élément qui peut être décisif pour les
investisseurs. Le coût de la main d’œuvre est important mais il doit être rapporté au niveau
des compétences et de la productivité de la main d’œuvre. C’est pourquoi la subvention pure
et simple de l’emploi peut n’avoir qu’un effet mineur si les entreprises cherchent en premier
lieu les compétences. La subvention de l’emploi est efficace pour certaines catégories de
travailleurs qui s’adaptent difficilement aux évolutions du marché du travail.

La région aurait alors la latitude d’orienter les programmes de PAMT en fonction des
préoccupations effectives des employeurs, notamment les futurs employeurs qui s’engagent à
participer à la réalisation des nouveaux pôles. Il est possible que dans ce contexte la
formation et la mise à niveau de la main d’œuvre devienne l’instrument le plus important de
la PAMT et que les autres formes d’incitations jouent un rôle moins important.

Comment Concilier entre décentralisation et coordination centrale pour le


développement régional et quelles sont les conditions préalables ?
Dans ce schéma, l’instance régionale de l’emploi (actuellement la direction régionale de
l’emploi) fait partie des administrations régionales.

Ce schéma donne une représentation simplifiée d’un modèle de gouvernance qui


soutient le projet de décentralisation, y compris de la politique de l’emploi (PAMT). L’idée
fondamentale est que pour une région donnée, des pôles de développement, ou au moins plus
modestement des programmes de développement, seront planifiés dans le cadre d’une
stratégie de développement régional et d’un processus auquel participent toutes les
administrations régionales, le secteur privé, les représentants élus et les organisations
concernées par la région. La conception et la mise en œuvre de la stratégie doivent être
pilotées par un coordinateur régional7 sous le contrôle interne et externe d’auditeurs
compétents et sous la surveillance des autorités régionales élues et surtout des autorités
centrales. Les administrations centrales, en l’occurrence la direction générale de l’ANETI
concernant la PAMT, et le gouvernement sont systématiquement impliquées dans ce
processus à travers divers canaux, notamment en tant que contrôleurs externes et partie
principale dans le management par objectif (MBO). Le niveau central demeure aussi le
principal fournisseur de ressources pour la réalisation des projets de développement.

Le problème n’est donc pas de savoir si les autorités centrales continueront ou non à
jouer un rôle en matière de développement régional, en particulier de développement des
compétences. Le problème est de savoir si les conditions de bonne gouvernance
(transparence, évaluation, redevabilité, participation et surtout existence des compétences

7
Pour se conformer à la nouvelle constitution, ce coordinateur opèrera sous l’égide du conseil régional ou du
conseil municipal selon le cas
régionales suffisantes…) nécessaires à la réussite de la décentralisation peuvent être assez
rapidement réunies et à quel rythme il faudra démarrer le processus de décentralisation ?

Dans le contexte tunisien et compte tenu de la modestie des moyens humains et


matériels disponibles dans les régions, notamment au niveau des capacités de contrôle et
d’audit (en particulier le contrôle judiciaire) il est évident que le processus de développement
des institutions et des compétences indispensables va prendre du temps. Par conséquent, la
décentralisation, d’une manière générale et de la politique d’emploi en particulier, ne se fera
que progressivement. Cependant le passage à la gestion par objectif (MBO) pourrait démarrer,
plus rapidement. De même, la création et la consolidation du coordinateur régional est
décisive et devrait avoir lieu dès la première étape. Elle est indispensable pour éviter la
fragmentation et les contradictions entre les multiples agences et partenaires concernés par le
développement (équipements, éducation et formation, santé, transport, communication,
propriété foncière, financement, investisseurs, commerce et distribution, bureaux d’études…).

3.2. Décentralisation administrative et décentralisation fiscale

Dans une première étape, celle du démarrage du processus de décentralisation, l’audit et


le contrôle financier pourront continuer à se faire dans le cadre des dispositifs centralisés
existants, mais à terme la décentralisation restera inachevée et peu effective sans
décentralisation fiscale et budgétaire. D’ailleurs, la constitution (article 137) prévoit que les
autorités régionales et municipales auront la liberté de gérer les ressources approuvées dans le
cadre de leur budget. Evidemment, les défis associés à la décentralisation budgétaire sont les
plus difficiles. Deux catégories de questions vont inévitablement se poser à ce propos, des
questions relatives au contrôle et gouvernance fiscale et budgétaire et des questions relatives
aux lois sur la collecte, la répartition et la redistribution des ressources fiscales.

Le contrôle budgétaire nous ramène aux institutions qui seront chargées de l’audit et la
surveillance des opérations budgétaires dans le cadre des régions dans des conditions
conformes aux règles de transparence, d’efficacité et de redevabilité. C’est toute une
architecture institutionnelle qui reste à concevoir et à mettre en place. Les solutions existent
mais elles prendront du temps.

Les réponses à la deuxième catégorie de questions sur les lois fiscales et les clés de
répartition des ressources seront encore plus difficiles et peut-être plus controversées. En
effet, cela va déterminer dans quelle mesure la décentralisation va contribuer à réduire ou à
aggraver les disparités régionales.

Les clés de répartition vont donner lieu à des fonds à redistribuer et à des formules de
répartition des ressources financières en fonction de paramètres à déterminer : population,
niveau de vie et de développement, ressources fiscales propres… La question de la clé de
répartition sera encore plus difficile quand il s’agira de s’entendre sur la part des revenus
provenant des ressources naturelles de la région qui devra lui être attribuée, sachant que le
principe de ce partage est retenu par la constitution. Il est clair que si les régions les plus
riches reçoivent plus que les régions pauvres, il y aura encore plus de disparités. Cela s’est
produit dans plusieurs pays.

La décentralisation fiscale et budgétaire pose donc des problèmes techniques et


politiques délicats qui dépassent le cadre de cette étude et qui méritent plusieurs études
approfondies. On peut toutefois déduire des simples constatations précédentes que la
décentralisation des politiques d’emplois, le principal objet de cette étude (et plus
généralement de n’importe quel secteur) doit avancer progressivement en veillant à ce que les
institutions nécessaires à la bonne gouvernance soient concomitamment instaurées. Il faudra
établir pour cela une séquence logique et prudente.

Conclusion

En conclusion, on peut affirmer, comme nous avons essayé de le montrer, que la


décentralisation pourrait contribuer à un développement régional plus juste et plus équilibré, à
l’accélération de la croissance et à la création d’emplois à travers les régions mais ce n’est pas
une panacée et ce n’est pas certain. La réussite dépend de la qualité des institutions mises en
place pour piloter et surveiller le fonctionnement des administrations décentralisées et de la
capacité des autorités territoriales de préparer et de mettre en œuvre selon une approche
participative une bonne stratégie de développement. Dans ce cadre, le rôle du gouvernement
central demeurera primordial.
Références

Aghion, P & J Tirole (1997), ”Formal and Real Authority in Organizations”, Journal of
Political Economy, 105, 1-29

Lundin, M & Per Skedinger (2000) ; “Decentralisation of active labour market policy: The
case of Swedish local employment service committees”, Stockholm, Sweden.

OECD (2003), Employment Outlook. Organisation for Economic Co-operation and


Development, Paris.

OECD (2003) “DECENTRALISATION OF EMPLOYMENT POLICIES AND NEW


FORMS OF GOVERNANCE: TACKLING THE CHALLENGE OF
ACCOUNTABILITY“ ; Poland Ministry of Economy, Labour and Social Policy;
http://www.oecd.org/employment/leed/2494258.pdf

Shabbir cheema and dennis a. rondinelli (Eds) (2007), “DecentralizingGovernance: Emerging


concepts and practice, Washington DC. Brookings Inst. Press 2007.

Tirole, J (1986), ”Hierarchies and Bureaucracies: On the Role of Collusion in Organizations”,


Journal of Law, Economics, and Organization, 2, 181-214.

Mosley, Hughes, “Decenralisation and accountability in labor market policy” , Social Science
Research Center Berlin (WZB), Germany, in OECD 2008 “Decentralisation and
coordination: the twin challenge of labour market policy;
Annexe A

Principaux instruments de politiques actives du marché du travail en cours

Intitulé Nature et avantages Cibles et durée

AMAL (ou SYRAE) Aide pour la recherche active - Diplômés de

programme de recherche d’emploi par une prime et par l’enseignement


active d’emploi l’accompagnement : supérieur ou de FP
homologué-
-Information
-Suivi personnalisé
- Durée : 12 mois
-Stage 3 mois
Allocation de 200 dinars par mois
et couverture médicale

Stage dans une entreprise privée-


SIVP Stage d’Insertion- Diplômés de

dans la Vie l’enseignement


ou dans le secteur public
supérieur
Professionnelle - 150 dinars par mois
- 1 an renouvelable
- .
une fois

CIDES Contrat -Alternance entre une entreprise diplômés de


d’Insertion des privée et une structure de formation l’enseignement
Diplômés du Supérieur publique ou privée supérieur en chômage
de longue durée
-150 dinars par mois
Durée : 12 mois

CAIP Contrat -Une formation conforme à une diplômés de


d’Adaptation et offre d’emploi présentée par une l’enseignement
d’Insertion entreprise privée supérieur
Professionnelle - Stage de 12 mois

100 dinars par mois


SCV – Service civil -Stages volontaire et à mi-temps diplômés du supérieur.
volontaire dans des travaux d’intérêt général Durée : 12 mois
pour acquérir de l’employabilité et
faciliter l’insertion dans la vie
active.

-200 dinars par mois plus


couverture sociale

CRVA Contrat de -Formation travailleurs (avec 3 ans


réinsertion dans la vie -200 dinars par mois au moins dans la même
active entreprise) ayant perdu
leur emploi pour des
motifs économiques ou
techniques,

PC50 Prise en charge Encourager les entreprises privées à Primo-demandeurs


par l’Etat de 50% des recruter des diplômés de d’emploi diplômé du
salaires versés l’enseignement supérieur en supérieur et entreprises
prenant en charge la moitié du de création récente
salaire pendant 12 mois installées dans les zones
d’encouragement au
développement
régional, dans les
activités à haute valeur
ajoutée et à fort contenu
de savoir, durant les 3
première années après
entrée en activité
Annexe B
Programmes visant la création d’emplois indépendants

Institutions Programmes d’emploi Population ciblée

Banque Crédits destinés à la création de Diplômés du supérieur et de la FP


tunisienne de micro-entreprises et la
solidarité (BTS) promotion du travail
indépendant

jusqu’à 50000 dinars

Banque centrale Fonds national pour la Personnes qualifiées, travailleurs


de Tunisie (BCT) promotion de l’artisanat et des indépendants, artisans et chefs de
(à travers petits métiers (FONAPRAM) micro entreprises désirant créer ou
certaines étendre leurs entreprises ou
banques) activités.

Agence de la Fonds spécial pour le Petits exploitants agricoles et


vulgarisation et développement de l’agriculture pêcheurs
de la formation (FOSDA)
agricole

Conseils Chantiers régionaux et Sans emploi et populations les


régionaux nationaux plus vulnérables

Programmes PRD (1973), et Personnes qualifiées sans emploi


PDRI (1984), PCRD (1987), ou petits métiers dans les régions
PDU (1993) rurales et les zones urbaines
défavorisées

FRONA Artisans

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