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Construction durable : le retour en force du béton

28 mars 2017 par Laure Roussel R&D 373 visites

Ultra-résistant, naturel, local, non polluant, 100% recyclable, doté d’une forte inertie thermique… Après analyse et
contrairement aux idées reçues, le béton cultive ses qualités et gomme ses défauts pour relever le défi de la
construction durable. Grâce à de nombreuses innovations technologiques, le matériau le plus utilisé dans le
monde devient de plus en plus écologique.

« Le béton, c’est du solide. C’est un critère important », notait récemment l’astrophysicien Hubert Reeves dans un
e-book consacré à la ville de demain. Résistant à la compression, au feu, à l’eau et à l’humidité, aux intempéries,
aux chocs et aux séismes, aux UV, aux micro-organismes et aux insectes, le béton est en effet, depuis l’Antiquité,
synonyme de grande durabilité… A tel point que certains ouvrages réalisés avec ce matériau sont garantis sur
plus de cent ans. Un point fort plus que jamais d’actualité à l’heure où les exigences européennes et
internationales sur la durabilité des constructions se font de plus en plus élevées. Mais aujourd’hui, il s’agit aussi
de minimiser les impacts sur l’environnement pour relever le défi climatique.

Des atouts écologiques

Pour cela, ce matériau bénéficie de quelques avantages. Le ciment est produit à partir de matières premières
naturelles abondantes, le calcaire et l’argile. Sa principale application, le béton, est ensuite formé à partir du
ciment et d’autres matières naturelles : eau, sable et gravillons. Comme la pierre, le béton est un matériau inerte
et chimiquement stable, il n’engendre aucune pollution et ne présente aucun risque sanitaire pour la qualité de
l’air.

C’est également un piège à C02 : le gaz présent dans l’air pénètre dans le béton par le réseau poreux et, en
présence d’eau, est fixé en carbonate de calcium. Un phénomène continu tout au long de la vie du matériau qui
contribue à réduire son empreinte carbone. Ne présentant aucun risque pour l’environnement et recyclable à
100%, le béton peut être broyé après la déconstruction des bâtiments pour constituer une source de granulats,
utilisés pour la fabrication de nouveaux bétons, de sous-couches de routes, ou pour remblayer des tranchées. Il
existe déjà des bétons recyclés bénéficiant des mêmes performances que les matériaux d’origine comme en
attestent les résultats du programme de recherche national Recybéton.

Matériau local de surcroît, il est produit et mis en œuvre par une main-d’œuvre non délocalisable, et obéit ainsi à
un marché de proximité. Le béton prêt à l’emploi est produit en France dans des centrales situées en moyenne à
une demi-heure de transport des lieux de consommation. Les matériaux effectuent une distance moyenne de
cinquante kilomètres, ce qui limite les émissions de CO2.

Grâce à sa forte densité, le béton possède enfin une grande inertie thermique : il peut accumuler de la chaleur en
hiver et de la fraîcheur en été, puis les restituer lentement. Il permet ainsi de valoriser les apports solaires gratuits
et contribue au maintien d’un très bon confort d’été sans climatisation. Le béton est aussi étanche à l’air, ce qui
facilite l’optimisation de la ventilation. Autant de qualités qui font que ce matériau s’adapte très bien aux
réglementations thermiques les plus contraignantes.

Diminuer l’empreinte carbone

L’industrie cimentière ne produit pas de déchets, à rebours d’une autre idée reçue. La totalité des matières
premières nécessaires à sa fabrication sont transformées par cuisson en « clinker », constituant de base du
ciment. Quant au béton, qu’il soit produit sur chantier, prêt à l’emploi ou préfabriqué, il ne génère quasiment pas
de résidus… Et sur le plan énergétique, son process de fabrication à froid n’engendre pas d’émissions directes de
CO2.

Toutefois, aucun matériau n’étant parfait, la production du ciment consomme de l’énergie, puisqu’elle repose sur
la cuisson à très haute température (1 450 °C) des deux matières premières, bien qu’il ne représente que 5 à
10% de la composition du béton. De plus, cette transformation inclut une décarbonatation du calcaire, qui
contribue à hauteur de 60% aux émissions de CO2 des cimenteries, la consommation de combustibles
représentant 40%. Pour diminuer son empreinte carbone et sa consommation d’énergies non renouvelables,
l’industrie cimentière travaille activement, depuis les années 1990, dans plusieurs directions. Elle cherche
d’abord à améliorer l’efficacité énergétique de ses procédés, pour qu’ils nécessitent moins de combustibles, l’une
des stratégies prometteuses consistant à baisser les températures de cuisson en modifiant la composition du
mélange.

Valorisation des déchets et ciments bas carbone

Les industriels de la filière remplacent également aujourd’hui une partie du clinker par des coproduits industriels
comme les cendres volantes des centrales thermiques au charbon ou les résidus dits « laitiers » des hauts-
fourneaux de la sidérurgie. Une substitution qui permet de diminuer la quantité de combustible nécessaire mais
aussi les émissions liées à la décarbonatation du calcaire. Les cimenteries remplacent aussi une partie des
combustibles fossiles par des déchets d’origine industrielle, ménagère ou végétale. Aujourd’hui, plus du tiers de
l’énergie utilisée pour la fabrication du ciment provient ainsi de la combustion de déchets.

En actionnant tous ces leviers, l’industrie cimentière a réduit sa consommation d’énergie de 40% environ au
cours des 25 dernières années. Aujourd’hui, de nouvelles pistes vers des ciments à basse empreinte carbone
sont explorées. Il s’agit par exemple d’augmenter les apports de l’écologie industrielle ou de remplacer une partie
de l’eau utilisée dans la composition du béton par des grains très fins. La start-up américaine Solidia
Technologies, aujourd’hui partenaire de Lafarge, a même développé un ciment innovant qui permettrait de
diminuer jusqu’à 70% le bilan carbone global de la chaîne de fabrication. Produit à une température inférieure et
via une réaction chimique différente, ce nouveau ciment génère moins d’émissions... Mais possède surtout la
propriété de durcir en absorbant du CO2 : celui-ci peut être ainsi utilisé, à la place de l’eau, pour fabriquer le
béton.

Autoplaçants, ultra-performants ou dépolluants : les nouveaux bétons

Après avoir permis, ces dernières années d’améliorer la durabilité et la résistance du béton, sa facilité de mise en
œuvre ou la qualité des parements, la plupart des innovations de la filière viennent répondre aujourd’hui aux
nouveaux défis de la construction durable. Obtenus grâce à une formulation adaptée et à l’incorporation
d’adjuvants, les bétons autoplaçants, par exemple, sont mis en œuvre sans vibration et permettent notamment
de réduire les impacts sonores et vibratoires sur les chantiers. Apparus plus récemment, les bétons fibrés à ultra-
hautes performances contiennent une très faible quantité d’eau grâce à l’optimisation de l’empilement granulaire
et au renforcement par des fibres particulières. Leurs performances mécaniques exceptionnelles et leur forte
capacité à se déformer sans se rompre permettent, entre autres, de diminuer le volume des structures.

Parmi les dernières innovations, figurent également les bétons autonettoyants et dépolluants. Ceux-ci contiennent
du dioxyde de titane, un « photocatalyseur » qui, sous l’action de la lumière, initie des réactions chimiques
d’oxydo-réduction. Ce phénomène naturel permet aux bétons autonettoyants de détruire les salissures
organiques se déposant à la surface du béton, mousses, lichens, moisissures, algues, bactéries... Et aux bétons
dépolluants de décomposer les composés gazeux contenus dans l’air ambiant, en particulier les oxydes d’azote
et les composés organiques volatils (COV). Les premiers permettent ainsi aux façades de conserver leur couleur
d’origine sans nécessiter d’entretien tandis que les seconds contribuent à améliorer la qualité de l’air.

Blocs isolants et bétons végétaux

Pour réduire les consommations énergétiques des bâtiments, l’innovation s’oriente également vers des bétons
aux performances thermiques renforcées : béton isolant et structurel, bloc de béton cellulaire (contenant des
millions de bulles d’air), « blocs isolants » d’ardoise expansée, de chanvre ou de pierre ponce...

Les bétons végétaux, en particulier, représentent une technologie séduisante. La matière végétale se substitue ici
aux granulats ou aux fibres de renforcement. Capables de stocker du CO2 grâce aux propriétés «
emprisonnantes » du ciment, ces bétons « biosourcés » sont plus légers et plus isolants que les bétons
traditionnels. Après le béton de chanvre et le béton de bois, on attend le béton de lin, de colza, de tournesol, de
lavande, de bambou ou même de riz, sur lesquels travaillent déjà aujourd’hui plusieurs laboratoires !

Licence : CC by-sa

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