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critiques
sur
internet
La pensée critique est considérée par l’UNESCO (2006) comme une compétence
nécessaire afin de faire face avec efficacité aux défis du 21e siècle. Dans son rapport à l’UNESCO,
Delors (2006: 47) souligne clairement que le développement de la pensée critique est essentiel pour
favoriser «une véritable compréhension des évènements», principalement dans le monde moderne
où ceux-ci gagnent en complexité.
quatre
sections.
Nous puiserons ensuite dans les écrits traitant de l’esprit critique pour
2 expliquer précisément en quoi consiste l’exercice du jugement critique en
regard de l’information.
En France
En France, l’enquête « Moi et les écrans » réalisée dans un collège Français en 2010 visait
« à mettre en lumière le rapport qu’ont les jeunes aux écrans » (Association Ic@re, 2010: 4). Parmi
les 614 participants, 99% ont confirmé qu’il y a au moins un ordinateur relié à Internet à la maison
(p. 13). Dans tous les « écrans » visés par cette enquête (ordinateur, Internet, télévision, console de
jeux vidéos, téléphones portables multifonctions), le Web arrive clairement premier avec une
consommation hebdomadaire moyenne de 8h15 et le temps passé à naviguer augmente
continuellement entre 11 et 15 ans (p. 12). Association Ic@re concluent que ces « écrans », Internet
en tête, deviennent « le support de la vie sociale des jeunes » (p. 5) et proposent que :
Si nous voulons que les « digitals natives » (lire la note plus bas) s’approprient le contenu, les
savoirs et les outils des médias , ils ne pourront le faire que si les adultes participent à leur
valorisation. Accompagner les jeunes afin de leur permettre de saisir les ressorts des industries
médiatiques, leur apprendre à s’exprimer en ligne, c’est en effet leur montrer que les médias et
Internet sont non seulement un lieu permettant l’expression personnelle, mais également un
espace en perpétuelle évolution où cohabitent enjeux éducatifs et professionnels. (p. 26)
Aux États-Unis
Plus près de nous, aux États-Unis, la Kaiser serait quotidiennement à 7h38 de médias
Family Foundation mène depuis 1999 le projet (télévision, musique, ordinateur, jeux vidéo,
« Generation M: Media in the Lives of 8-to 18- mprimés, films). Si l’on considère le multitâche,
Year-Olds » qui a la particularité de prévoir la moyenne des adolescents américains
une collecte massive de données tous les 5 s’exposerait chaque jour à l’équivalent de 10 h
ans (Rideout, Foehr & Roberts, 2010). Ce projet 45 de médias. Le fait que cette recherche ait
est aussi particulier parce qu’il s’intéresse à déjà procédé à trois collectes de données
permet aussi de constater que l’exposition est
l’usage simultané de plusieurs médias
en constante augmentation depuis 1999.
(le « multitâche »). Pour la Kaiser Family Foun-
L’explosion de cette utilisation médiatique
dation, l’étude et la compréhension du rôle
s’expliquerait principalement par l’augmentation
ainsi que l’importance des médias dans la vie
de la consommation en ligne via l’ordinateur et
des jeunes sont essentielles, car ces derniers
les appareils mobiles. Ainsi, si les jeunes
véhiculent un ensemble de valeurs à
écoutent de plus en plus d’émissions de télé, ils
propos de la santé, des rôles de l’homme et de ne le font pas devant le téléviseur du salon, mais
la femme, de la sexualité, de la violence, de la plutôt sur Internet. Il en est de même pour la
nutrition, des relations avec les pairs, etc. musique et pour les revues. Selon cette étude, la
Dans son ensemble, cette recherche permet plus forte consommation de médias serait chez
elle aussi de constater l’importance d’Internet les 11-14 ans, alors que les jeunes tombent à
et des médias numériques dans la vie des deux pieds dans l’adolescence, changent très
jeunes. Selon les données présentées, la rapidement et construisent leur identité à la fois
moyenne des adolescents américains s’expo- personnelle, sociale et professionnelle.
50% des jeunes américains auraient maintenant accès à un cellulaire entre 11 et 13 ans.
Le PEW Internet & American Life Ainsi, 50% des jeunes américains auraient
Project étudie aussi l’usage des médias et maintenant accès à un celulaire entre 11 et 13
des technologies chez nos voisins américains ans (source), 93% des adolescents navigueraient
depuis plusieurs années. Leurs enquêtes régulièrement sur Internet (source) et 73%
confirment la nette augmentation de l’impor- utiliseraient fréquemment des réseaux sociaux
tance des médias technologiques dans la vie tels que Facebook ou MySpace (source). Un
des jeunes. Les multiples études de ce projet rapport présenté plus récemment confirme
démontrent, par exemple, que les jeunes également des différences importantes entre les
adolescents ont accès de plus en plus tôt à générations en ce qui a trait à la possession et à
des appareils mobiles, qu’ils utilisent presque l’usage des gadgets technologiques qui
tous Internet régulièrement et qu’ils sont très permettent la consommation médiatique
nombreux à utiliser les réseaux sociaux. (source).
2. L’exercice de la pensée critique
Bien que nous nous réjouissons de l’intérêt lui de pensée critique, tandis que le
de plus en plus marqué envers le développe- Programme de formation de l’école
ment de la pensée critique, nous relevons québécoise (PFEQ) s’articulait autour de la
assez rapidement la diversité des appella- notion de jugement critique comme compé-
tions dont elle fait l’objet. En effet, il est tantôt tence transversale. En ce sens, notons que
question de pensée critique, tantôt de plus récemment, le terme «compétence
jugement critique ou d’esprit critique. transversale» a été rayé du PFEQ par le décret
712-2010 du 20 août 2010. Néanmoins, le
D’autres font aussi référence aux compé-
jugement critique demeure central, puisqu’il
tences, aux pratiques ou aux conduites
figure toujours au rayon des éléments
critiques que l’on peut adopter ou développer.
d’évaluation. Mais au-delà de ces
Cette diversité n’est pas sans jeter, parfois,
modifications terminologiques (qui ne sont
un flou conceptuel dans les écrits. Aussi, les
pas vides de sens, mais sur lesquelles nous
moyens pédagogiques dont nous disposons
ne pouvons nous attarder attentivement dans
pour développer la pensée critique sont le cadre du présent document), il en ressort
variés et dépendent en quelque sorte tant du une intention éducative marquée de la part du
contexte — notamment disciplinaire — dans Ministère, une intention qui s’arrime
lequel nous œuvrons, que de notre propre directement aux volontés de l’UNESCO en
conception de la pensée critique. matière de compétences nécessaires à la vie
courante (2005). Partant, tous les ensei-
Le Québec ne fait pas exception face aux
gnants sont investis de la responsabilité de
mouvements des concepts à partir desquels
favoriser le développement de la pensée cri-
nous avons tenté de désigner et de
tique des élèves à l’intérieur des différents
comprendre la pensée critique. De fait, alors
domaines.
qu’au moment des États généraux de 1995 le
terme utilisé était celui d’esprit critique, le
Programme des programmes parlait quant à
Note 1 : Nous préciserons plus bas les distinctions entre pensée critique et jugement critique.
Au Canada
Au Québec
Au Québec, le CEFRIO a aussi mené une Elle a révélé plusieurs différences entre les
étude centrée sur les jeunes de 12-24 ans. Le générations québécoises et a permis de
CEFRIO a surnommé le groupe des 12-24 ans conclure que les jeunes québécois ne sont pas
la « génération C », parce qu’ils utilisent In- différents des jeunes d’ailleurs. Ils sont, par
ternet pour « communiquer, collaborer et exemple, intéressés par les réseaux sociaux et
créer ». Cette étude a mis en valeur l’impor- Internet est leur principale source d’information
tance des technologies de l’information et de pour les travaux scolaires. Cependant, il ressort
la communication (TIC) pour les jeunes qué- de cette recherche que les jeunes utilisent
bécois et les impacts de ces dernières sur davantage Internet et les technologies à la mai-
leurs modes de vie. Réalisée en 2008, elle a son qu’ils ne le font à l’école. Plus du tiers (36%)
confirmé que plusieurs d’entre eux possé- des répondants aimeraient que l’école leur
daient alors un ordinateur de bureau (64%) apprenne comment mieux distinguer une source
ou un ordinateur portable (19% des 12 à 17 d’information fiable d’une source moins crédible,
ans et 58% des 18-24 ans) et qu’ils ont sou- et environ le tiers (32%) souhaitent mieux
vent accès à un téléphone cellulaire (39% des maîtriser Google. Surtout, cette recherche
12 à 17 ans et 73% des 18-24 ans). L’objectif indique que les jeunes eux-mêmes doutent des
principal de cette étude était de vérifier si compétences de leurs enseignants dans ce
l’usage des technologies variait d’une géné- domaine…
ration à l’autre et si les jeunes québécois
étaient différents des jeunes d’ailleurs.
*** Note des auteurs de ce dossier: L’expression « digital natives » fait référence à la génération née après l’arrivée d’Internet et a été
popularisée par Prensky. Vous trouverez des articles à ce sujet ici, ici et là.
Une définition
de la pensée critique
Nous ne pourrons malheureusement pas examiner en
profondeur les différentes définitions de la pensée critique
proposées dans la littérature. Précisons cependant qu’à
l’instar de Lipman (2003), nous préférons le terme « pen-
sée critique » (critical thinking) à celui de jugement cri-
tique comme le propose le MELS, puisque le premier ren-
voie à l’idée de processus alors que le second se rapporte
davantage à l’idée de résultat. En ce sens, notre concep-
tion s’inspire de la perspective de Brookfield (1997) selon
qui la pensée critique constitue d’abord et avant tout une
action en situation; c’est pourquoi, entre autres, nous en parlerons en termes de pratiques cri-
tiques. La définition sur laquelle nous nous appuyons, issue d’une recension des écrits (Gagnon
2008, 2009, 2010), est la suivante :
La pensée critique est une pratique évaluative fondée sur une démarche réflexive,
autocritique et autocorrectrice impliquant le recours à différentes ressources
(connaissances, habiletés de pensée, attitudes, personnes, informations, matériel) dans le
but de déterminer ce qu’il y a raisonnablement lieu de croire (au sens épistémologique) ou
de faire (aux sens méthodologique et éthique) en considérant attentivement les critères de
choix et les diversités contextuelles.
En fait, nous sommes d’avis que des composantes d’une pensée critique ne
le développement de la pensée critique passe suffisent pas à en assurer le développement et
d’abord et avant tout par la mise en route de la mobilisation en situation complexe et authen-
situations complexes dans lesquelles les tique. Compte tenu des dispositions auxquelles
élèves pourront s’engager à l’intérieur de les pratiques critiques se rapportent et des mul-
pratiques sociales et évaluatives. Bref, il ne tiples dimensions qu’elles convoquent (sociales,
s’agit pas tant de leur «enseigner» ce qu’est la affectives, intellectuelles), celles-ci gagnent à se
pensée critique, mais de les conduire à mobiliser et à se développer en contexte
mobiliser leur pensée critique, en contexte, authentique. Située dans le cadre des préoccu-
ainsi qu’à réfléchir sur cette mobilisation. pations qui guident le présent texte, cette
Cette perspective correspond d’ailleurs aux conception signifie qu’il serait précieux, si nous
tendances actuelles découlant des différents souhaitons aider les élèves à développer leur
travaux menés depuis plus de 40 ans dans le pensée critique face à l’information disponible
domaine (Gagnon, accepté). En effet, il sur Internet, de leur proposer des situations
apparaît de plus en plus que la maîtrise isolée dans lesquelles ils seront appelés à chercher,
d’habiletés et que l’enseignement théorique évaluer et sélectionner de l’information.
La pensée critique et l’information
Il ne suffit pas de nommer sa source, encore faut-il expliquer en quoi elle est
crédible, fiable et appropriée au contexte.
Dans les écrits, les relations entre l’exercice nous retrouvons «la propension à fournir un
d’une pensée critique et l’information trouvent effort constant pour être bien informé». Quant
principalement leur ancrage dans les travaux aux capacités, elles comprennent, entre
de Ennis (1985), de Halonen (1986) et de Paul autres, «mentionner ses sources», de même
(1990). Depuis, ces relations font partie inté- que juger et évaluer leur crédibilité. Sembla-
grante des différentes définitions de la pensée blement, Halonen (1986) parlera de
critique (Ku, 2009). Nous pourrions même «recherche d’informations », alors que Paul
soutenir sans craindre de nous tromper que (1990) réfère, lui aussi, à l’évaluation de la
les relations entre pensée critique et crédibilité. Ainsi, nous en comprenons qu’il ne
information se posent avec de plus en plus s’agit pas simplement de présenter nos
d’insistance compte tenu de la réalité à sources, mais également et surtout de les re-
laquelle nous convoquent la présence d’Inter- pérer à la lumière d’un processus évaluatif
net et l’utilisation qu’en font les jeunes. Ennis fondé sur des critères visant à déterminer leur
fut l’un des premiers à articuler sa conception crédibilité, leur fiabilité, leur perti-
autour d’une distinction entre des attitudes et nence… Autrement dit, encore faut-il, notam-
des capacités propres à la pensée critique qui ment, identifier les raisons sur lesquelles nous
agissent de manière complémentaire. Parmi nous appuyons pour attribuer de la crédibilité
les attitudes identifiées par Ennis (1985, 1993), à une information.
Ainsi, nous voyons que les composantes liées à la recherche, à l’identification et à l’évaluation des
sources, bien que nécessaires à l’exercice d’une pensée critique, ne sont pas suffisantes en
elles-mêmes. De sorte que ces éléments doivent être articulés par le truchement d’autres éléments
constitutifs des pratiques critiques, une articulation qui ne peut s’effectuer par le recours à une
«recette», ou encore à une démarche prédéterminée. Encore ici, la situation servira de guide à
l’articulation ainsi qu’à la construction des pratiques qui pourront être qualifiées, ou non, de
critiques. Examinons de plus près, quoique fort brièvement, ce qu’il en est.
Dire qu’il est précieux, voire essentiel, d’évaluer les informations est une chose, mais il en est une
autre d’exposer sur la base de quels éléments ces processus évaluatifs se construisent. Parmi ces
éléments, différentes habiletés et dispositions servent de guide à l’action évaluative (note 2). Voici
une liste de celles qui semblent se rapporter plus précisément à l’évaluation de l’information :
Comme nous le voyons, il ne s’agit pas simplement d’identifier la provenance, l’auteur, la date ou le
lieu pour en conclure que l’évaluation des informations s’inscrit à l’intérieur d’une démarche cri-
tique. Il faut aller «au fond des choses» en quelque sorte en dépassant l’appel à l’autorité par un
examen approfondi des cadres de références, des contextes théoriques et discursifs, de la cohé-
rence du propos et de la qualité des raisonnements et démonstrations qui y sont déployés. Bref, il
ne suffit pas de nommer sa source, encore faut-il expliquer en quoi elle est crédible, fiable et ap-
propriée au contexte. En ce sens, les éléments identifiés précédemment constituent des res-
sources qu’il s’agit de mobiliser et de combiner entre elles afin d’évaluer avec davantage de rigueur
les sources ainsi que les informations. Celles-ci peuvent prendre forme à l’intérieur des différentes
phases d’un processus, et leur recours ne peut être défini a priori. Il s’agit donc d’une dynamique
complexe, au sens de Morin (1986), portée vers la construction de relations multiples et dyna-
miques — à certains moments chercher des précisions, à d’autres juger des conclusions…
Nous terminerons cette présentation sommaire des éléments se rapportant à l’exercice d’une
pensée critique face à l’information, en attirant l’attention sur deux aspects qui nous apparaissent
fondamentaux : les rapports aux savoirs et l’autocorrection.
Note 2 : (Bailin, 1999 ; Brell, 1990 ; Brookfield, 1987 ; Ennis, 1985, 1993 ; Facione et Facione, 1996; Ku, 2009 ; Lipman, 2003 ; Mc Peck,
1981 ; Siegel, 1988)
À cet égard, mentionnons que le rapport aux que de considérer que tout est relatif revient à
informations et à leurs sources nous dire que tout est vrai d’une certaine manière,
reconduit invariablement à la question des et qu’en ce sens, il n’est pas nécessaire
rapports aux savoirs (Gagnon, accepté). Ces d’évaluer, de démontrer ou de justifier outre
rapports touchent, notamment, à notre mesure un propos — ce qui, du coup, freine
conception de la valeur de vérité des savoirs pratiquement tout exercice de pensée
(qu’ils soient scientifiques ou non), à leurs critique. À cet égard, une position médiane
limites ainsi qu’à l’importance accordée à selon laquelle nos savoirs, issus d’échanges
l’expertise dans un domaine. Il est de plus en entre des êtres humains, ne sont ni vrais
plus admis et fondé empiriquement (note 3) absolument, ni entièrement relatifs, favorise-
que les manières dont nous concevons les rait davantage cet exercice.
savoirs, notamment savants et scientifiques,
ont une incidence sur le caractère critique de En ce sens, œuvrer au développement de la
nos pratiques. En effet, il semble que plus pensée critique des élèves face à l’infor-
nous considérons que les méthodes de mation diffusée sur la toile, c’est
recherche conduisent à la découverte de également prévoir des espaces dans
vérité et à la connaissance de la réalité «en lesquels ils seront invités à réfléchir aux
elle-même», ou encore que plus nous processus d’élaboration, à la valeur, à la
sommes d’avis que les experts sont porteurs portée et aux limites des informations,
de vérités, moins nous manifestions de qu’elles soient scientifiques ou non.
pensée critique. À l’autre extrémité, il semble
Finalement, dans la mesure où la pensée propres manières de voir les choses, afin de
critique ne se rapporte pas uniquement à une les examiner et de les évaluer. Dans le cadre
série d’habiletés intellectuelles, soulignons des relations face à l’information, cela
que les processus d’évaluation de l’informa- pourrait vouloir dire d’effectuer des retours
tion devront également être teintés de réflexifs sur les stratégies employées pour
certaines attitudes. Parmi celles-ci, nous chercher, évaluer et sélectionner de l’informa-
retrouvons l’autocorrection qui apparaît tion ; cela pourrait vouloir dire aussi, de
fondamentale (Lipman, 2003 ; Daniel, 2005). modifier ces stratégies au besoin. Ainsi, si
Sommairement, nous pourrions dire de l’auto- nous souhaitons favoriser le développement
correction qu’elle correspond à cette de la pensée critique des élèves dans ce
propension que nous pouvons avoir de contexte, il apparaît précieux de proposer des
modifier nos conceptions et/ou conduites à la situations dans lesquelles ils seront invités à
lumière de raisons déterminantes. Elle réfléchir, à discuter, à évaluer et à modifier
présuppose donc une ouverture d’esprit, une leurs stratégies. En ce sens, le Web semble
humilité intellectuelle, de même que des tout désigné pour servir de contexte
processus métacognitifs et autocritiques. Il d’apprentissage, puisqu’il peut fournir un très
s’agit en quelque sorte de prendre un temps grand nombre de situations toutes très
pour revenir sur nos propres démarches et nos différentes les unes des autres.
Note 3 : (Daniel et al., 2005 ; Gagnon, accepté ; Golding, 2009 ; Kitchener, 1983 ; Kuhn, 2003)
3. Et parmi les futurs enseignants québécois?
Internet occupe donc une place de choix dans la vie des jeunes. Selon leur point de vue, Internet
est un lieu privilégié pour communiquer, échanger, lire, partager… Les jeunes reconnaissent avoir
besoin de formation dans ce domaine. Or, c’est sur les enseignants que repose le fardeau de créer
des conditions qui permettront aux jeunes d’exercer leur pensée critique en regard d’Internet. Pour
y arriver, les enseignants doivent eux-mêmes disposer des outils leur permettant d’adopter des
conduites critiques et, comme on l’a présenté à la section précédente, ce n’est pas un processus
simple.
Une méthode prévoyant trois grandes étapes a été utilisée pour y arriver. D’abord, un groupe de
futurs enseignants a été soumis à une tâche pratique de recherche et d’évaluation d’informations
sur Internet. Le sujet de cette recherche (Barrières et facilitateurs de l’intégration des TIC à l’école)
était imposé et il était fort peu probable qu’un des étudiants le maîtrise déjà. Des entrevues
semi-dirigées ont ensuite été conduites afin d’identifier les principaux critères utilisés par les
futurs enseignants pour juger l’information. Un questionnaire a finalement été élaboré à partir des
résultats des entrevues. Il a été utilisé afin de recueillir rapidement de l’information concernant un
grand nombre d’étudiants en éducation.
Ce que les participants ont fait
En moyenne, les étudiants ont justifié leurs évaluations par 1,34 critères ou arguments seulement.
La figure suivante montre assez clairement que la majorité des participants a fait référence à un
seul critère pour justifier ou expliquer son jugement.
(4) le type d’informations qu’on trouve sur le (10) la date de publication ou de mise à jour et
site (ex.: opinion, résultats de recherche),
(11) la qualité de la langue.
(5) la quantité d’informations disponibles,
Ce résumé des résultats de notre étude, bien qu’expéditif, suffit tout de même à mettre en valeur
certaines situations soulevant des questions.
Le premier questionnement important concerne la diversité déclarée des arguments et la
fréquence d’utilisation de ces derniers lors d’une tâche réelle de recherche et d’évaluation.
Selon les données du questionnaire, les futurs enseignants utilisent assez fréquemment 8 des 11
critères que nous leur avons suggérés.
Dans ce contexte, l’exercice de la pensée critique n’aurait pas requis l’application du critère « Ins-
titution » puisque le contexte ne s’y prêtait pas. Dans le questionnaire, plusieurs items avaient été
formulés pour chaque critère. Plusieurs items ont donc été regroupés lors du calcul des
moyennes. Une analyse plus fine a permis de constater que ces moyennes cachent peut-être cer-
tains éléments de la vérité. Les étudiants ne sont peut-être pas aussi à l’aise avec les critères que
les moyennes semblent l’indiquer. Par exemple, les futurs enseignants disent faire très confiance
aux sites produits par le gouvernement ou des entités officielles, mais presque la moitié des ré-
pondants déclarent prendre peu ou pas en compte les objectifs et les fonctions de l’institution. Le
recours à une moyenne cache cet élément ou en diminue l’importance. Doit-on comprendre que
les participants croient que ces critères sont importants, mais ne savent pas les mettre en pra-
tique? Peut-être n’ont-ils pas toutes les connaissances nécessaires pour appliquer des critères
permettant un jugement critique? Cela expliquerait l’apparente disparité entre les résultats de
l’exercice pratique et les données issues du questionnaire.
Il serait mal avisé d’émettre des conclusions sur la base de cette étude exploratoire ou de cette
présentation sommaire des résultats. Une réalité semble néanmoins se dessiner qui nécessitera
plus d’attention du point de vue de la recherche comme de la formation initiale. Les futurs
enseignants ont besoin d’être mieux outillés en ce qui a trait à l’exercice de leur pensée critique.
S’ils reconnaissent l’importance de plusieurs critères lorsque vient le temps de juger de la
pertinence d’une information provenant d’Internet, ils ne semblent pas en mesure de mettre ces
critères en pratique. À ce stade de réflexion, il apparaît plausible que les futurs enseignants ne
disposent pas des outils leur permettant d’adopter des conduites critiques face à l’information
disponible sur Internet. Qu’en est-il des enseignants établis qui exercent dans le milieu? Est-ce
pareil partout au pays et dans la province? Et comment faire pour mieux former les futurs
enseignants? Quelles approches pédagogiques sont les plus adéquates pour s’exercer à mettre
sa pensée critique en pratique?
4. La recherche ailleurs et dans d’autres contextes
Voici quelques textes que nous considérons intéressants en lien avec ce dossier. Notez que vous
trouverez une webographie de liens vers des sites sur l’évaluation de la crédibilité de l’information
dans cet autre dossier proposé par les mêmes auteurs sur le site Carrefour Éducation.
Baildon, M. & Damico, J. S. (2009). How Do We Know?: Students Examine Issues of Credibility With
a Complicated Multimodal Web-Based Text, Curriculum Inquiry, 39(2), pp.265-285. Disponible en
ligne: http://dx.doi.org/DOI:10.1111/j.1467-873X.2009.00443.x
Ces chercheurs ont présenté et soumis à la critique de 32 étudiants de 9e année (Asie de l’est) le
documentaire Loose Change. Il s’agit d’une production indépendante tentant d’incriminer les États-Unis
pour l’attaque du 11 septembre. Cette vidéo fait des allégations convaincantes et amène un
questionnement sur la crédibilité des faits. Les chercheurs attendaient des jeunes qu’ils évaluent les
allégations et la crédibilité des textes multimodaux (sonore+visuel) en effectuant des analyses critiques et
prudentes des composantes spécifiques de la vidéo ainsi qu’en observant comment ces composantes sont
combinées pour créer du sens. Ils souhaitaient aussi que cette analyse soit réalisée au sein d’une
communauté où les différents sens et perspectives peuvent être partagés et développés.
Ces résultats attendus ont mené à l’élaboration de quatre « questions essentielles » utilisées pour guider le
travail des jeunes : 1) Qu’est-ce qui est crédible par rapport à cette vidéo?; 2) Qu’est-ce qui ne l’est pas?;
3) Comment le sais-tu?; 4) Qu’est-ce qui fait que le texte est plus ou moins crédible? Les éléments suivants
durant cette mise en situation, les jeunes ont accédé à leurs connaissances antérieures et
identifié les manques ;
les jeunes ont pu déterminer la crédibilité de la preuve et se sont reconnus dépassés ;
le Web est un réseau d’éléments et l’établissement de la crédibilité d’un document fait souvent appel à
des éléments internes et externes au document évalué ; le visuel a beaucoup
d’importance
Brand-Gruwel, S. & Stadtler, M. (2010). Solving information-based problems: Evaluating sources
and information, Learning and Instruction, 21(2), pp.175-179. Accessible en ligne: http://
linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0959475210000228
Cet éditorial traite des processus impliqués dans la résolution de problèmes informationnels. Les
auteurs expliquent que les individus doivent être capables de définir le problème informationnel, de
chercher et de sélectionner des sources utiles et crédibles et de synthétiser l’information en un
ensemble cohérent de savoirs. Ils identifient l’évaluation critique des sources et des informations
comme une habileté essentielle et précisent que le processus d’évaluation est d’une importance
particulière lors de la recherche d’informations sur Internet, dû aux masses d’informations et au
principe de publication ouverte souvent adopté sur le Web. Les différentes perspectives
influençant l’approche des étudiants tels les savoirs antérieurs spécifiques au domaine, le savoir
métatextuel et les croyances épistémologiques des étudiants sont prises en compte (surtout par
rapport à la nature du savoir et comment quelqu’un en vient à savoir). Les auteurs précisent aussi
que l’apprentissage provenant de sources d’informations multiples n’est pas linéaire. Rendre les
sources d’information disponibles n’est pas suffisant pour garantir l’apprentissage ou pour
résoudre des problèmes basés sur l’information. Pour réussir, les apprenants ont besoin
d’appliquer de nombreuses habiletés cognitives, comme chercher et évaluer et intégrer
l’information.
Burton, V. (2000). Investigating the practices of student researchers: patterns of use and criteria
for use of internet and library sources, Computers and Composition, 17(3), pp. 309-328. Accessible
en ligne: http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S8755461500000372
Cette étude sonde 543 étudiants de niveau collégial (moyenne: 21,13 ans) pour identifier les
critères qu’ils utilisent pour évaluer des sources informationnelles sur Internet et à la bibliothèque
ainsi que le type de formation qui leur a été offert en lien avec l’évaluation de l’information. Plus
précisément, l’auteur répond à 5 questions:
1. Est-ce que les étudiants doivent faire des recherches en dehors des cours? Quels sont les
genres de travaux qui sont demandés le plus fréquemment?
2. Est-ce qu’ils ont eu des formations pour la recherche sur Internet ou en bibliothèque?
3. Les étudiants du collège qui ont eu à réaliser des travaux longs utilisent-ils davantage
Internet que la bibliothèque?
Cette recherche avait comme objectif général de découvrir les rôles que les différentes sources
jouent à différents niveaux de la recherche pour des étudiants universitaires. Les auteurs se sont
attardés à la perception des sources et aux savoirs relatifs à chaque type de source. Les
chercheurs ont trouvé que l’accroissement de la compréhension et de la connaissance des types
de source contribuent au développement de l’expertise des étudiants par rapport à la recherche
d’informations.
Davis, P. M, & Cohen, S. A. (2001). The effect of the Web on undergraduate citation behavior 1996–
1999, Journal of the American Society for Information Science and Technology, 2001, 52(4),
pp.309-314. Disponible en ligne: http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/1532-2890(2000)
9999:9999%3C::AID-ASI1069%3E3.0.CO;2-P/full.
Les chercheurs ont étudié les travaux d’étudiants en microéconomie produits entre 1996 et 1999.
L’analyse a porté sur les bibliographies. Ils ont catégorisé les types de source et leur utilisation. Il
en ressort que les livres sont de moins en moins cités par les étudiants (diminution de 30% à 19%).
À l’opposé, les ressources Web (augmentation de 9% à 21%) et les journaux (augmentation de 7% à
16%) sont plus souvent utilisés par les étudiants.
Julien, H., & Barker, S. (2009). How high-school students find and evaluate scientific information:
A basis for information literacy skills development, Library & Information Science Research, 31(1),
pp. 12-17. Accessible en ligne:http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0740818808001382.
Ces chercheurs étudient la relation entre le curriculum des cours de sciences et l’actuel niveau
d’habileté des étudiants. Cette recherche a été menée en Alberta où le curriculum en sciences sup-
porte le développement d’habiletés en recherche d’information. Les participants sont 1300 élèves
de 11e et 12e année. Les chercheurs concluent que plusieurs élèves sont incapables de démontrer
des habiletés sophistiquées en recherche d’information et en évaluation critique. Pour leur part, les
élèves semblent avoir confiance dans leurs habiletés à évaluer les sources et Google est l’outil le
plus utilisé pour la recherche.
Kolstø, S. D., Bungum, B., & coll. (2006). Science students’ critical examination of scientific infor-
mation related to socioscientific issues, Science Education, 90(4), pp.632-655. Disponible en
ligne: http://doi.wiley.com/10.1002/sce.20133.
Les auteurs proposent que pour être « scientifiquement instruit », un individu doit maîtriser
certaines habiletés liées à la prise de décisions par rapport à des problèmes socioscientifiques.
Ces habiletés incluent l’évaluation critique des affirmations scientifiques et des arguments
impliqués. 89 étudiants en sciences de l’éducation avec des qualifications substantielles en
sciences ont travaillé en équipe pour évaluer la fiabilité des affirmations scientifiques d’articles de
leur choix, mais reliés à des problèmes socioscientifiques. À partir des rapports écrits soumis par
les équipes, les chercheurs ont identifié 13 critères permettant de juger de la fiabilité de
l’information scientifique.
Lee, H. (2008). Information Structures and Undergraduate Students, The Journal of Academic Li-
brarianship, 34 (3), pp.211-219. Accessible en ligne: http://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/
S0099133308000359.
Les chercheurs ont interviewé 15 étudiants à l’université afin d’identifier ce qu’ils connaissent des
structures informationnelles disponibles dans leur environnement, comment ces étudiants utilisent
ces structures et quelles structures additionnelles seraient utiles aux étudiants. Les chercheurs ont
aussi vérifié si les structures disponibles convenaient aux étudiants. L’article présente, en plus des
réponses à ces questions, les raisons qui motivent les étudiants à préférer la bibliothèque ou
Internet.
Dossier complémentaire
Le chercheur Patrick Giroux et son équipe ont publié un dossier complémentaire en collaboration
avec le Carrefour-Éducation et l’Infobourg.
Bailin, S. (1999). Conceptualizing critical thinking. Journal of Curriculum Studies, 31(3), 285-302.
Brell, C. (1990). Critical thinking as transfer: the reconstructive integration of otherwise discrete interpretations of expe-
rience. Educational Theory, 40(1), 53-68.
Brookfield, S. (1987). Developing Critical Thinkers Challenging adults to explore alternative ways of thinking and acting.
San Francisco: Jossey-Bass Publishers.
Brookfield, S. (1997). Assessing critical thinking. New Directions for Adult and Continuing Education, 75, 17-29.
Daniel, M. F. et coll. (2005). Pour l’apprentissage d’une pensée critique au primaire. Montréal: Presses de l’Université du
Québec.
Dean, D., & Kuhn, D. (2003). Metacognition and Critical Thinking. ED477930.
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Ennis, R. (1993). Critical thinking assessment. Theory into practice, 32(3), 179-186.
Facione, N., et Facione, P. (1996). Externalizing the critical thinking in knowledge development and critical thinking.
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Gagnon, M. (accepté). «Proposition d’une grille d’analyse des pratiques critiques d’élèves en situation de résolution de
problèmes dits complexes». Revue Recherches Qualitatives.
Gagnon, M. (2008). Étude sur la transversalité de la pensée critique comme compétence en éducation : entre «science
et technologie», histoire et philosophie au secondaire. Thèse de doctorat. Québec : Université Laval.
Gagnon, M. (2009). «Conceptions d’enseignants et d’élèves du secondaire québécois sur la nature, le rôle et la place de
la pensée critique dans les cours de sciences, d’histoire et de philosophie». In Actes du colloque de l’Association Fran-
cophone Internationale de Recherche en Science de l’Éducation (AFIRSE) 2009, 416 – 430.
Gagnon, M. (2010). «Regards sur les pratiques critiques manifestées par des élèves de quatrième année du secondaire
dans le cadre de deux activités d’apprentissage par problèmes menées en classe d’histoire au Québec.» In M.-A. Éthier
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