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Amin Maalouf : Les idetités meurtirères

Amin Maalouf a beaucoup de mérite à avoir défini en 1998 un problème qui
n’allait pas tarder à bouleverser le monde occidental. Ila également 
beaucoup de mérite à donner une analyse de l’évolution culturel du monde, 
particulièrement dans sa dimension religieuse,  dans sa marche vers la 
mondialisation, et les raisons qui empêchent certains groupes d’accepter la 
modernité : autant d’analyses extrêmement utiles pour l’étude de la 
littérature des diverses « minorités françaises ».

Maalouf ne cherche pas à contester la légitimité des religions, ni de 
l’identité religieuse, mais il estime que tout comme les identités, les 
religions peuvent évoluer, et qu’aujourd’hui les croyances religieuses ne 
sont plus ce qu’elles étaient du temps de nos ancêtres ; il est attaché, en 
particulier, à une conception très moderne du respect des droits individuels 
qui est très exactement celle de la société laïque.

S’il insiste sur l’importance du droit à la reconnaissance et du respect de 
toutes les cultures, et s’il reconnaît que la démocratie ne suffit pas à 
garantir les droits des minorités, en fin de compte, il ne débouche sur 
aucune solution sinon l’acceptation de la pluralité des appartenances et un 
vague principe de « réciprocité ».

Ainsi, la première partie du livre est infiniment plus satisfaisant que la 
conclusion.

Intro

Arabe chrétien devenu français, Maalouf prétend que les identités se 
combinent, mais qu’il n’est pas question de choisir : il faut assumer toutes 
ses identités à la fois.

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I

Mon identité, mes appartenances

Les identités sont diversement perçues et vécues selon le contexte politique, 
et sont donc sujettes à variation avec le temps ; les persécutions peuvent 
avoir l’effet de donner plus d’importance à un aspect de l’identité qu’à un 
autre.

Si les divers aspects de l’identité de Maalouf le relient à beaucoup de 
personnes, il ne doit pas y en avoir beaucoup qui sont exactement comme 
lui. Ceux qui ont une double identité ne peuvent pas percevoir les éventuels 
conflits entre les divers éléments de leur culture d’une façon conflictuelle, de
sorte que les « métissés » ne sont sans doute pas responsables de problèmes 
identitaires qui se produisent de temps à autre. %ais nous avons 
fâcheusement tendance à parler en termes de groupes identitaires (« les 
Arabes » &c).

Un élément identitaire (sexe, religion) peut avoir une signification différente 
selon les lieux et les contextes politiques. Les « blessures » subies par 
l’individu à cause de sa différence tendent à renforcer l’identité. Il est 
difficile de savoir au juste ce qui poussent certains vers la violence pour 
affirmer leur identité.

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Il ne faut pas acculer les gens à un choix entre la perte pure et simple de leur 
identité ou l’affirmation de cette identité par la violence. Il existe beaucoup 
de conflits identitaires= blancs et noirs,catholiques et protestants, juifs et 
arabes, hindouistes et sikhs, lithuaniens et russes, serbes et albanais, grecs 
et turcs, anglophones et québécois,  flamands et wallons, chinois et malais 
p45.

Nous vivons à une époque où le migrant a acquis une valeur exemplaire. 
L’immigré commence par être un émigré dont on peut supposer que quelque
chose l’avait pousser à quitter son pays d’origine. Entre les deux 
populations, la sédentaire et celles des immigrés, il doit y avoir réciprocité.

II

Quand la modernité vient de chez l’autre

On peut légitimement se demander si les choses qu’on est porter à déplorer 
en islam en font réellement partie intégrante : L’islam est­il incompatible 
avec la liberté, avec la démocratie, avec les droits de l’homme et de la 
femme, avec la modernité ? p57. Il est inutile de s’interroger sur la 
signification « véritable » des textes, ceux­ci se prêtant à des interprétations 
très diverses.

Deux civilisations issues de deux monothéismes se font face des deux côtés 
de la Méditerranée, brisant l’unité du monde gréco­romain. Les musulmans 
sont rapidement parvenus à se rendre maîtres d’un territoire s’étendant de 
l’Inde à l’Espagne. Toutes les religions ont une part d’intolérance dans leur 

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passé (ou leur présent), mais on ne peut pas arguer de cela pour les prétendre
intolérantes par leur nature. Aujourd’hui, la tolérance ne suffit pas : il faut 
accorder à tous un respect plein et entier.

Si l’église en Europe est devenue relativement tolérante, c’est en partie 
qu’elle a subi l’influence de la tradition européenne : La société occidentale 
a inventé l’Église et la religion dont elle avait besoin p73. L’islam a 
également connu ses heures de gloire, et a su pratiquer l’ouverture quand il 
se sentait en confiance. On ne peut pas nécessairement mettre tous les abus 
se produisant dans les pays « musulmans » sur le compte de l’islam.

[O]n donne souvent trop de place à l’influence des religions sur les peuples 
et leur histoire, et pas assez à l’influence des peuples et de leur histoire 
sur les religion p79. Maalouf pense que l’islam finira par se moderniser. 
L’Europe s’est­elle modernisée grâce au christianisme ou en dépit du 
christianisme ? Les prodigieux progrès réalisés par la civilisation 
européenne font que l’Occident est partout p83. Cette réalité n’est pas 
vécue de la même manière par ceux qui sont nés au sein de la 
civilisation dominante etpar ceux qui sont nés en dehors p84.

Quand la modernité est perçue comme l’apanage d’une culture, il arrive que 
les autres cultures la refusent pour affirmer leur différence. Même en 
Europe, certains sont hostiles à la mondialisation parce qu’ils la considèrent 
comme synonyme d’américanisation. Le monde musulman a commencé à se
rendre compte de son « retard » par rapport à l’Europe à la fin du XVIIIe 
siècle, et sous Mohmmed­Ali l’Égypte s’est efforcée de rattraper l’Europe en

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l’imitant. D’ailleurs,  les Britanniques ne tenaient pas à ce que l’empire 
ottoman ou l’Égypte deviennent des pays dynamiques.

L’Égypte et plus généralement le monde arabe ont été coincés entre un 
besoin de modernisation par le rattrapage de l’Europe d’une part, et d’autre 
part par le besoin de se protéger par rapport à cette Europe en expansion. 
Beaucoup de culture perçoivent la modernisation comme susceptible de 
conduire à la perte de l’identité. L’Europe du XIXe siècle assista à la montée
des nationalismes, et les pays arabes eurent aussi leur période nationaliste, 
quoique avec un peu de retard, ce qui a conduit Nasser — un anti­islamiste 
notoire — au pouvoir en Égypte. La montée de l’islamisme en Égypte est en 
grande partie une réaction contre le nassérisme.

III

Le temps des tribus planétaires

À divers moment de l’histoire, on privilégie plutôt un aspect de son identité, 
et à l’heure actuelle, les gens ont tendance à attacher plus d’importance à 
leur appartenance religieuse.  L’effondrement des régimes communistes y 
est sans doute pour quelque chose.Mais prenant le cas d’un jeune Arabe, on 
voit qu’il ne peut se rallier au marxisme (discrédité) ni au nationalisme 
(désormais accaparé par des régimes autoritaires). Si Maalouf ressent un 
certain malaise devant l’islamisme, il n’en ressent pas moins devant les 
régimes despotiques qui combattent l’islamisme. Il emprunte à Toynbee une 
analyse historique qui divise l’histoire en 3 époques :

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a) Les nouvelles se propagent lentement, mais les progrès 
technologiques sont encore plus lents, de sorte que tout le 
monde est au courant des découvertes les plus récentes ;
b) Les progrès technologiques s’accélèrent et la nouvelle de ces 
découvertes se propage plus lentement, ce qui conduit à une 
grande distinction entre les sociétés ;
c) Les progrès technologiques se multiplient, mais les moyens de 
communications sont extrêmement rapides, de sorte que tout le 
monde est au courant de tout.

Nous ne sommes pas à l’aube de l’ère des nationalités, mais à son 
crépuscule pp107. 

Si on estime que le critère de l’appartenance religieuse est dépassé, il faut 
savoir par quoi il pourrait être remplacé.

Maalouf précise que son argument n’est pas « anti­religieux ». Il constate 
que la religion paraît être une valeur immuable faces à tous les doutes et à 
toutes les méfiances dans le monde moderne. Pour lui, le « destin » de 
l’homme est comme un vent ; le marin ne peut rien y changer, mais il peut 
en revanche orienter la voile de son bateau pour en tirer profit. La 
mondialisation est comme le vent qui souffle ; impossible de l’arrêter, mais 
qu’est­ce qu’on compte en faire ? Pour Maalouf, la mondialisation peut nous
conduire au meilleur ou au pire — au pire si, par un mouvement de rejet 
inconsidéré, chacun s’enferme dans ses particularismes. En revanche, la 
mondialisation pourrait conduire à un nouveau type d’identité qui serait un 
amalgame de toutes les appartenances identitaires.

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[N]ous sommes tous infiniment plus proches de nos contemporains que de 
nos ancêtres p117. Cela fait, que par delà l’identité religieuse dont on se 
réclame, nous avons plus de choses en commun avec notre époque qu’avec 
les gens de la même religion d’il y a 500 ans. À vrai dire, si nous affirmons 
avec de plus en plus de rage nos différences, c’est justement parce que nous 
sommes de moins en moins différents p119.

Le principe de l’universalité implique le respect de certains droits 
« universels » (impossible de faire des exceptions pour certains groupes 
religieux : le droit de choisir librement sa vie, ses amours, ses croyances, 
dans le respect de la liberté d’autrui p124. Il faut concilier la notion de 
l’universalité des droits avec le respect de la diversité des civilisations. 
Maalouf cite l’exemple des diverses traditions culinaires1.

La mondialisation favorise la reconnaissance des droits élémentaires 
(universalité). Elle n’en comporte pas moins des dangers. D’abord, la 
multiplication des moyens de communication qui pourrait conduire à un 
enrichissement culturel produit paradoxalement l’effet contraire : nous ne 
sommes pas à l’ère des masses, mais à l’ère des individus p131. La 
population de la planète a quadruplé en 100 ans, mais les gens ont une 
conscience accrue de leur individualité. Mais est­ce que la mondialisation est
synonyme d’américanisation ? 

IV

Apprivoiser la panthère

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1
    Exemple trivial : il faudrait en trouver de plus probants.

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Maalouf se propose de comprendre comment la mondialisation exacerbe  
les comportements identitaires p139. Les sociétés qui perçoivent la 
modernité comme un phénomène étranger ont tendance à la rejeter, il pour 
prévenir ce danger, il faudrait qu’il y ait réciprocité entre les cultures. On a 
besoin de passerelles vers l’autre p140. Dans certaines sociétés, on est 
sensible au problème au point d’équilibrer la représentation des groupes 
ethniques dans les médias. Tout le monde a le sentiment d’être le minoritaire
de quelqu’un, d’être en quelque sorte dominé. La mondialisation représente 
un danger pour la diversité culturelle, mais les moyens de communication, 
tels qu’internet, permettent aussi de propager les cultures

Jusqu’à un certain point, le monde moderne fournit les moyens de lutter 
contre les dangers que la mondialisation nous fait courir,  mais le fait est que
beaucoup de langues et de cultures sont effectivement menacées : Pourquoi 
serions­nous moins attentifs à la diversité des cultures humaines qu’à la 
diversité des espèces animales ou végétales ? p151.  L’exemple des langues 
est cité, mais la langue n’est qu’un vecteur parmi beaucoup d’autres. À 
certains égards, la langue est un signe d’appartenance plus fort que la 
religion, mais la religion a la particularité d’être exclusive, à la différence de 
la langue.

Les réticences des Français par rapport à certains progrès technologique 
tiennent souvent au sentiment que c’est l’anglais qui est la langue 
véhiculaire de ces progrès, alors que les Français ont longtemps eu 
l’ambition de voir leur langue jouer un rôle mondial hégémonique. toutefois,
comme l’exemple islandais le prouve, il est possible de protéger la langue 
identitaire tout en parlant anglais. Maalouf estime que l’anglais est un outil 

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incontournable dans les instances internationales ou supranationales comme 
l’Union européenne. Toutefois, il cherche à limiter son rôle.

Le problème identitaire est comme la panthère réputée dangereuse si on la 
blesse, mais pourtant possible à apprivoiser. Jusqu’à quel point faut­il 
reconnaître les diverses cultures dont une société se compose ? L’exemple 
libanais est intéressant, car il consiste à donner une reconnaissance formelle 
à chacun des groupes, mais à un point tel que la cohésion du pays s’en 
trouve menacée. La « démocratie » (donner le pouvoir au plus grand 
nombre) n’est pas la solution à tous les maux. Il faut un système qui respecte
et reconnaisse l’existence des minorités, mais si on formalise la répartition 
des pouvoir de façon trop marquée, on a le Liban ou la Belgique. Toute 
pratique discriminatoire est dangereuse, même lorsqu’elle s’exerce en 
faveur d’une communauté qui a souffert p172.

Les dérapages du système des quotas et du « communautarisme » ont 
provoqué tant de drames dans diverses régions de monde p175. Mais le 
système démocratique en a provoqué aussi, comme en Allemagne avant la 
guerre. Lorsqu’une minorité est opprimée, le vote livre ne la libère par 
forcément p176. Ce qui est sacré dans la démocratie, ce sont les valeurs et 
pas les mécanismes p178. Ainsi, en Irlande du nord, il a fallu prévoir un 
mode de scrutin différent pour tenir compte de la situation locale. Dans les 
démocraties, les origines ethniques ou religieuses des candidats continuent à 
influer sur la décision des électeurs.

Épilogue

Chacun d’entre nous devrait être encouragé à assumer sa propre diversité 
p183. Pour tous ceux, notamment, dont la culture originelle ne coïncide pas 

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avec celle de la société où ils vivent, il faut qu’ils puissent assumer sans 
trop de déchirements cette double appartenance p183. Les sociétés doivent 
rester ouvertes à leur propre diversité. L’Europe est devenue une terre 
d’immigration sans que cette vocation soit universellement acceptée.

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