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TRAGEDIE de SOPHOCLE,

Ἀντιγόνη

reprise par JEAN ANOUILH

Comme Esope a inspiré des fables à Jean de la Fontaine, Sophocle, l'un des
grands dramaturges grecs, offre à Jean Anouilh, l'idée d'une réécriture de sa
tragédie : Antigone. La pièce du dramaturge moderne est cependant replacée
dans le contexte de la Résistance à l'ennemi nazi pendant la 2eguerre mondiale.
Cocteau et Brecht ont entre autres écrit eux aussi leur version d'Antigone.

Antigone est la fille d'Œdipe, celui qui, comme l'avait prédit le devin Tirésias, a
épousé sa mère et tué son père.

Les deux frères d'Antigone, Etéocle et Polynice règnent un an tour à tour


sur Thèbes : Polynice qui veut rester roi se bat contre son frère et tous deux
meurent. Etéocle a droit à une sépulture mais le cadavre de Polynice doit rester
la proie des vautours et des chiens, son âme condamnée à errer éternellement.
Antigone refuse ce sort. Créon, son oncle, devenu roi de Thèbes, a menacé de
mort quiconque s'aventurera à enfreindre son ordre d'interdire l'inhumation du
corps de Polynice.
Alors qu'il fait nuit, Antigone rentre sans faire de bruit au palais mais
sa Nourrice la surprend, avec des traces de terre : le drame se joue.

EXTRAITS

Antigone Nounou, tu ne devrais pas trop crier. Tu ne devrais pas être trop méchante ce
matin.

La nourrice Pas crier ! Je ne dois pas crier par-dessus le marché ! Moi qui avais promis à ta
mère ... Qu'est-ce qu'elle me dirait ta mère si elle était là ? ' Vieille bête, oui, vieille bête, qui
n'as pas su me la garder pure, ma petite. Toujours à crier, à faire le chien de garde, à leur
tourner autour avec des lainages pour qu'elles ne prennent pas froid ou des laits de poule
pour les rendre fortes ; mais à quatre heures du matin, tu dors vieille bête, tu dors, toi qui ne
peux pas fermer l'œil, et tu les laisses filer, marmotte, et quand tu arrives le lit est froid ! '
Voilà ce qu'elle me dirait ta mère, là-haut quand j'y monterai, et moi j'aurai honte, honte à en
mourir si je n'étais pas déjà morte, et je ne pourrai que baisser la tête et répondre : ' Madame
Jocaste, c'est vrai.'

Antigone Non, nourrice. Ne pleure plus. Tu pourras regarder maman bien en face, quand tu
iras la retrouver. Elle te dira : ' Bonjour, nourrice, merci pour la petite Antigone. Tu as bien
pris soin d'elle. ' Elle sait pourquoi je suis sortie ce matin.

Sa sœur, belle et coquette, Ismène, la rappelle aussi à la raison. Mais Antigone va faire une
ultime demande à son fiancé Hémon pour qu'il lui promette qu'il ne la jugera pas.

Une deuxième nuit, elle n'a même plus la petite pelle pour recouvrir le corps de son frère et
c'est avec les ongles qu'elle tente désespérément d'accomplir le rituel qui satisfait les dieux.

Transposée dans le cadre de la période de la 2e guerre mondiale, la jeune fille, Antigone,


représente la Résistance à l'obéissance incarnée par le roi, Créon. Les gardes du cadavre
agissent aveuglément au service du pouvoir, déshumanisés, dans la considération sommaire
de leurs titres et de leur avancement de carrière.

Prisonnière, elle est conduite devant son oncle, le roi Créon qui tergiverse.

EXTRAIT

Antigone Ne vous attendrissez pas sur moi. Faites comme moi. Faites ce que vous avez à
faire. Mais si vous êtes un être humain, faites-le vite. Voilà tout ce que je vous demande. Je
n'aurai pas du courage éternellement, c'est vrai.

Poussé par les cris de la foule, le roi finit par ordonner qu'elle soit murée en guise de
châtiment. Hémon qui découvre le fatal cachot, met fin à ses jours.

Antigone avait dit à Créon : « Oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon dur et jeune ; un Hémon
exigeant et fidèle, comme moi. Mais si notre vie, notre bonheur doivent passer sur lui avec
leur usure, si Hémon ne doit plus pâlir quand je pâlis, s'il ne doit plus me croire morte quand
je suis en retard de cinq minutes, s'il ne doit plus se sentir seul au monde et me détester quand
je ris sans qu'il sache pourquoi, s'il doit devenir près de moi le monsieur Hémon, s'il doit
apprendre à dire ' Oui ' lui aussi, alors je n'aime plus Hémon ! »

Le coryphée, le chef de chœur du théâtre antique, est présent dans la pièce


d'Anouilh dès le début, au paroxysme et à l'issue fatale : pour rappeler que la
tragédie est un drame, que de toute façon, le destin est impitoyable aux héros
condamnés à mourir.

« Voilà, tout est joué. »

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