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La politique monétaire : de l’analyse classique aux préceptes keynésiens

La monnaie se définit comme un moyen de paiement directement utilisable pour


effectuer les règlements sur le marché des biens et services ou pour régler définitivement une
dette au sein d’un espace monétaire donné. Cela signifie que la monnaie a un pouvoir
libératoire immédiat et général. La monnaie a d’abord fait l’objet d’une analyse économique
séparée de la sphère réelle. La théorie keynésienne a établi les liens qui relient la sphère
monétaire à l’économie réelle.

Les préceptes de politique monétaire keynésiens ont cependant été remis en question à
la fois sur un plan théorique avec un renouveau de l’analyse classique et du point de vue
pratique, l’inflation ayant entraîné des effets pervers sur l’économie et la croissance. Les
politiques monétaires ont alors renouvelé leurs instruments et placé l’objectif de la stabilité
des prix au sommet de la hiérarchie, afin de réduire l’inflation. La stabilité de la monnaie
semble aujourd’hui acquise, sans que le débat sur la politique monétaire soit clos, opposant
ceux qui souhaitent un assouplissement aux partisans d’une politique rigoureuse.

Si les fonctions de la monnaie ont été identifiées dès l’Antiquité, l’analyse de l’impact
de la politique monétaire sur l’économie s’est développée tardivement, la théorie étant
largement dominée par l’analyse classique.

A. L’analyse classique de la monnaie

i. La monnaie peut être analysée par de multiples approches

Elle peut d’abord être définie par ses fonctions classiques. Elle fait aussi l’objet d’une
approche comptable à travers la notion d’agrégats monétaires ou de contrepartie de la masse
monétaire, ce dernier concept mettant en évidence le mécanisme de création de la masse
monétaire.

Les trois fonctions de la masse monétaire. Unité de mesure des prix ; moyen
d’échange ; réserve de valeur. Cette dernière fonction n’est possible que s’il n’y a aucune
suspicion à l’égard de la valeur future de la monnaie, notamment du fait des anticipations
d’inflation. Selon la loi de Gresham (16 e siècle), les agents économiques tenteront de se
défaire le plus rapidement possible de la monnaie dont la valeur se déprécie (la mauvaise
monnaie), la bonne monnaie se définissant comme celle dont la fonction de réserve de valeur
est mieux assurée étant thésaurisée. « La mauvaise monnaie chasse la bonne ». Toutefois, la
défiance dans certains PED à l’égard de la monnaie officiellement en circulation peut être
telle que les agents économiques recourent plus facilement au dollar pour le paiement des
transactions, ce qui contredit la loi de Gresham.

Le mécanisme de création monétaire. Selon la définition de la BdF, « un acte de


création monétaire consiste à transformer des créances en moyen de paiement ». Ce pouvoir
de création monétaire est exclusivement détenu par les institutions financières et
principalement les banques. Celles-ci créent de la monnaie lorsqu’elles accordent des crédits.

La création monétaire par les banques : à l’origine, les banques ne prêtaient qu’à
hauteur du montant de monnaie métallique détenu à leur actif. Toutefois, les stocks de
monnaie métallique ne diminuant pas en dessous d’un certain seuil, puisqu’une partie des
prêts reviennent en banque sous forme de dépôts, les banques peuvent décider de prêter une
nouvelle fois cette encaisse. Elles accordent donc de nouveaux crédits sans prendre de risques
excessifs, puisque les dépôts se reconstituent dans les comptes des nouveaux emprunteurs.

Ses limites : le pouvoir de création monétaire détenu par les banques commerciales est
cependant limité par la nécessité de se refinancer auprès de l’organisme d’émission en
monnaie banque centrale :
- les banques ont en effet besoin de billets pour faire face aux besoins de leurs clients ;
- elles doivent effectuer les règlements de leurs créances interbancaires en monnaie
banque centrale ;
- leurs opérations en devises sont réglées par crédit ou débit des comptes des banques
commerciales à la banque centrale ;
- les réserves obligatoires contraignent les banques commerciales à maintenir une
encaisse non rémunérée dans les comptes de la banque centrale.
Ces contraintes de refinancement en monnaie banque centrale sont appelées fuites
dans le circuit de la monnaie car elles correspondent à une part de monnaie immobilisée à la
banque centrale que les banques commerciales ne peuvent pas utiliser pour accorder des
crédits.

Le multiplicateur de crédit : une banque commerciale est ainsi tenue de conserver un


solde créditeur de son compte dans les livres de la banque centrale. Ces réserves de la banque
dépendent du ratio marginal d’encaisses qui est le rapport entre l’accroissement des réserves
en monnaie banque centrale et l’augmentation des dépôts bancaires. Ainsi, lorsqu’une banque
commerciale dispose d’un solde créditeur positif, elle peut prêter une partie de cet argent pour
accorder un crédit. L’utilisation de ce crédit engendre une augmentation des dépôts, qui se
retrouveront pour une part bloqués par les fuites en monnaie banque centrale pour l’autre
partie sous forme de dépôts. Ces nouveaux dépôts pourront à leur tour être utilisés pour
accorder des nouveaux crédits, le processus pouvant se reproduire jusqu’à ce que les fuites en
monnaie banque centrale aient épuisé le crédit initial. « Les crédits sont à l’origine des
dépôts ». La quantité supplémentaire de monnaie créée est ainsi égale au crédit initial
multiplié par l’inverse du ratio marginal d’encaisse. Selon ce mécanisme, la banque centrale
dispose d’un pouvoir considérable. En baissant le coefficient de réserves obligatoires, elle
augmente la quantité de monnaie en circulation. En ce sens, la base monétaire, qui représente
la monnaie banque centrale, détermine le montant de la masse monétaire.
Mais la relation peut être inversée dans des circonstances où la banque centrale est
un prêteur de dernier ressort contraint. Après avoir accordé des crédits, une banque
commerciale peut en effet avoir besoin de se refinancer à la banque centrale et contraindre
celle-ci à lui assurer son refinancement (par le réescompte de ses créances). La banque
centrale peut accepter cette position contraignante de façon temporaire pour soutenir le
système bancaire ou les entreprises en général. Dans ce cas, le mécanisme est celui d’un
diviseur de crédits puisque c’est la masse monétaire qui détermine la base monétaire et les
crédits le montant du refinancement en monnaie banque centrale. Cette situation n’est
cependant tenable qu’en cas de crise qui justifierait une telle intervention de la banque
centrale. A LT toutefois, les banques commerciales sont contraintes en pratique de suivre une
politique de crédits conforme aux orientations de la banque centrale.

La mesure des agrégats. L’extension des moyens de paiement et l’apparition de


nouveaux moyens de transaction (chèques, virements, CB) ont rendu nécessaire de dépasser le
seul décompte de la monnaie divisionnaire (pièces et billets) pour comptabiliser la masse
monétaire. Classement des composantes les plus liquides au moins liquides reflétant le
caractère plus ou moins immédiat du pourvoir libératoire. Dépôts transférables, dépôts à
terme et placements à vue, OPCVM monétaires.

Les contreparties de la masse monétaire. Les agrégats mesurent la masse monétaire


en fonction d’un critère de liquidité, mais ils ne rendent pas compte de l’origine de la création
monétaire, conséquence de la monétisation des créances.
- Les créances sur l’extérieur : cette contrepartie répercute l’impact du solde
commercial. Un pays en excédent commercial connaît une expansion monétaire et vice versa.
Ces mouvements monétaires influencent théoriquement le taux d’inflation du pays considéré,
ce qui affecte sa compétitivité et devrait ainsi conduire automatiquement à un rééquilibrage de
sa balance commerciale. Les résultats des échanges ne sont pas les seuls à influer sur la
contrepartie extérieure. Les mouvements de capitaux ont un impact sur la création monétaire :
ainsi des émissions de certificat de dépôts par les banques sur le marché extérieur
correspondent à une réduction de la masse monétaire en réduisant les créances sur l’étranger.
- Les créances sur le Trésor mesurent la contrepartie sur l’Etat. S’il émet des
obligations de LT, pas de création monétaire mais simplement affectation particulière de
l’épargne. Mais l’Etat peut faire appel au système bancaire pour financer son déficit à CT.
Possibilité auprès de la BdF proscrite par le traité de Maastricht. L’Etat peut faire appel aux
banques commerciales en plaçant auprès d’elles des titres courts.
- Les créances sur l’économie correspondent à l’essentiel des contreparties de la masse
monétaire. Elles représentent l’ensemble des crédits accordés aux entreprises, que ce soit pour
leurs besoins de trésorerie ou pour financer des investissements, et l’ensemble des prêts
accordés aux ménages.

ii. Du voile monétaire à la théorie quantitative

a. L’approche classique isole la sphère monétaire de la sphère


réelle

Pour les classiques, la monnaie est un voile, dans la mesure où elle ne peut modifier
les conditions de l’échange des biens et services. La monnaie ne peut pas être désirée pour
elle-même, elle n’a pas d’influence sur les échanges comme elle est indépendante de la valeur
intrinsèque du bien acquis ou vendu. Son prix d’équilibre, le taux d’intérêt, est alors la
résultante de la confrontation entre l’offre et la demande de monnaie. Toutefois, pour
construire la courbe d’offre de monnaie, il est nécessaire d’apprécier l’effort que le détenteur
de monnaie est disposé à effectuer pour épargner et prêter ses disponibilités en reportant sa
propre consommation : de la monnaie voile, l’analyse classique passa ainsi à la monnaie
marchandise. Walras (1834-1910) et Pareto (1848-1929) montrent ainsi qu’il existe un marché
de la monnaie dont la fonction spécifique est de servir d’étalon de référence pour fixer la
valeur des autres biens et accroître l’efficacité du circuit économique.

b. La référence quantitative néglige la demande de monnaie

Le développement des échanges économiques va accroître très rapidement les moyens


de paiement et la liaison avec l’étalon-or se distend progressivement jusqu’à la rupture
complète en 1971 avec la fin de la convertibilité du dollar en or.
Face à cette évolution qui voit le lien entre la monnaie et son étalon perdre
progressivement sa pertinence, l’analyse classique développe la théorie quantitative de la
monnaie à travers l’équation de Fischer : MV= PT soit stock de monnaie par vitesse de
circulation de la monnaie = niveau général des prix par volume de la production.
Selon la théorie quantitative, la vitesse de circulation est constante, ce qui revient à
supposer que le comportement de détention d’encaisse est stable et indépendant du niveau des
taux d’intérêts. « Le besoin de monnaie que l’on éprouve n’est pas autre chose que le besoin
de biens que l’on achètera avec cette monnaie » (Walras). Le niveau de production est une
donnée purement dépendante des facteurs réels, la quantité de facteurs de production
disponibles dans l’économie et leur productivité. Ceci confirme les théories quantitativistes
dans l’analyse dichotomique séparant la sphère réelle de la sphère monétaire : un
accroissement de la quantité de monnaie en circulation plus rapide que l’augmentation de
l’activité économique provoque une augmentation du niveau des prix. Par conséquent, la
variable niveau général des prix est déterminée par le stock de monnaie.
Cette relation entre masse monétaire et prix exprime donc une conception de
l’inflation : celle-ci n’est due qu’à un excès de monnaie et l’émission de monnaie n’a
d’influence que sur le niveau des prix. Dès lors, la régulation de la masse monétaire permet de
juguler l’inflation sans conséquences sur les grandeurs réelles de l’économie. Cette approche
est radicalement remise en question par l’analyse keynésienne, ce qui donnera une
justification aux politiques monétaires accommodantes.

B. Les politiques monétaires accommodantes : le cadre d’analyse keynésien

i. La remise en cause keynésienne de la dichotomie

L’approche keynésienne prend pour hypothèse la fixité des prix et arrive à la


conclusion qu’une politique monétaire active peut avoir pour effet d’améliorer les niveaux de
production et l’emploi. La remise en cause par Keynes de la dichotomie classique sert de
fondement à la construction ISLM, élaboré à l’origine par Hicks en 1937 et par Hansen en
1953.
Deux hypothèses de l’analyse classique sont ainsi remises en cause. D’une part,
l’économie peut ne pas être au plein emploi et le niveau de production, fonction de la
demande anticipée, n’est pas une donnée exclusivement définie dans la sphère réelle. D’autre
part, l’hypothèse de vitesse de circulation de la monnaie constante est abandonnée. La
demande de monnaie peut se justifier par elle-même.
Keynes met en évidence trois motifs spécifiques pour cette demande :
- un motif de transaction (besoin d’encaisses nécessaires à la réalisation des échanges) ;
- un motif de précaution (souci de disposer des réserves permettant de faire face à un
événement imprévu) ;
- un motif de spéculation qui est une fonction décroissante du taux d’intérêt : les agents
constituent des encaisses liquides d’autant plus importantes que les taux d’intérêts sont
faibles. En effet, la propension des agents à placer leur épargne dans des titres plutôt que de
détenir des liquidités est faible, car le risque qu’ils prennent serait peu rémunéré. Plus
fondamentalement, le cours des titres est directement corrélé au taux d’intérêt : lorsqu’ils sont
élevés, les cours des obligations sont bas et les agents anticipent une hausse des cours et donc
des plus values. Les agents préfèrent les titres à la monnaie. Inversement, si les taux d’intérêts
sont faibles, les agents appréhendent des moins values et préfèrent s’en prémunir en détenant
des liquidités plutôt que des titres.
Pour Keynes, la demande de monnaie est donc instable, ce qui remet en question la
formule de Fischer, et le taux d’intérêt affecte la demande de monnaie.

ii. La représentation ISLM


L’hypothèse fondamentale réside dans la rigidité des prix à CT : l’ajustement entre
offre et demande globale ne s’opère pas par les prix mais par les quantités. Par ailleurs, on
suppose que l’économie n’est pas au plein emploi. La politique conjoncturelle, maniant les
instruments budgétaires ou monétaires, peut augmenter le niveau de la demande et donc de la
production et de l’emploi.

La première courbe IS correspond à la sphère réelle, lieu de l’équilibre entre


épargne et investissement. Elle est décroissante et repose sur trois relations :
- l’investissement est une fonction décroissante du taux d’intérêt ;
- l’épargne est une fonction croissante du revenu ;
- l’épargne et l’investissement sont égaux.

La deuxième courbe LM correspond à la sphère monétaire, lieu de l’équilibre


entre l’offre et la demande de monnaie. Elle est croissante et repose aussi sur trois relations :
- la demande de monnaie de transaction est de précaution est une fonction croissante
du revenu ;
- la demande de monnaie de spéculation est une fonction décroissante du taux
d’intérêt ;
- la demande de monnaie est une donnée égale à l’offre exogène.

Lorsque la politique monétaire est expansive, la courbe LM se déplace vers la droite


avec les enchaînements suivants : la politique monétaire expansionniste fait baisser le taux
d’intérêt, ce qui entraîne une hausse de l’investissement et par voie de conséquence un
accroissement du niveau de production.

Cet effet bénéfique comporte cependant deux limites :


- d’une part, l’augmentation de la masse monétaire doit se traduire par une baisse
effective du taux d’intérêt. Or si le taux d’intérêt est très bas, la demande d’encaisses
spéculatives est forte car le coût d’opportunité est faible par rapport à un placement et en
revanche le risque de perte en capital est grand (en raison d’une probabilité forte de remontée
ultérieure des taux d’intérêts). Il s’agit du phénomène de trappe à liquidités. La politique
monétaire est alors inefficace.
- d’autre part, l’investissement doit être sensible à une variation du taux d’intérêt. Or,
il dépend aussi de la demande effective dans la théorie keynésienne et de nombreux autres
facteurs tels que l’endettement ou la rentabilité des entreprises.

La courbe ISLM est une grille de lecture des politiques économiques et


particulièrement de la cohérence du policy-mix, id est de la combinaison de la politique
monétaire et budgétaire. Ainsi, la critique keynésienne de la politique économique menée en
France de 1992 à 1995 a prétendu que la relance budgétaire, plus subie que volontaire, n’a pu
avoir d’effet sur l’économie car la politique monétaire était trop restrictive.

L’analyse ISLM a fait cependant l’objet de contestations reposant notamment sur le


fait que la courbe IS renvoie à un équilibre de flux qui s’opère sur une période assez longue,
alors que la courbe LM correspond à un équilibre de stock permanent.

iii. La remise en cause des canaux traditionnels de transmission


de la politique monétaire
Des études récentes (Bernanke et Gertler, 1995) ont analysé les conséquences de la
libéralisation financière sur les canaux de transmission de la politique monétaire. A côté des
mécanismes de transmission traditionnels par le taux d’intérêt synthétisé par la courbe ISLM,
ces études ont montré l’importance du canal du crédit. En cas de resserrement monétaire, ce
ne serait plus seulement la baisse de la quantité de monnaie et la hausse des taux d’intérêt qui
produiraient des effets sur l’économie mais aussi le rôle des banques en matière de
distribution de crédits.

Ainsi, les banques peuvent ne pas vouloir répercuter la hausse des taux d’intérêt et
préférer réduire leur offre de crédit en sélectionnant leurs clients de façon plus sévère, en cas
de durcissement monétaire. Dans ce cas, une partie des emprunteurs se trouve évincée et la
demande finale baisse sans que les taux d’intérêt bancaire n’aient répercuté la hausse des taux
de marché. Cette demande est particulièrement importante puisqu’il s’agit de celle des
ménages et des PME qui n’ont pas accès à d’autres formes de financement que le crédit
bancaire.

La mise en évidence de la transmission de la politique monétaire par le canal du crédit


donne un nouveau soutien aux partisans de la politique de relance par la monnaie. En effet,
dans une économie proche de la déflation et où les taux d’intérêt CT sont proches de zéro, les
banques centrales peuvent encore mener une politique monétaire expansionniste pour relancer
une économie déprimée, car l’accroissement des liquidités contribuera à augmenter les
réserves et les dépôts bancaires et favorisera le développement du crédit (Mishkin, 1996).

Toutefois, cette vision se heurte à la notion de point mort des banques. En cas de
baisse des taux, celles-ci peuvent ne pas en faire bénéficier leurs clients afin de couvrir leurs
frais généraux et reconstituer leurs marges. Ce raisonnement peut aussi s’appliquer à la
Banque centrale qui a besoin d’un certain niveau de taux d’intérêt pour couvrir ses coûts de
fonctionnement.

iv. La stagflation, limite des politiques accommodantes

Durant les années 70, la pratique des politiques monétaires accommodantes s’est
largement répandue. Pourtant, le mécanisme s’est profondément déréglé avec l’apparition de
la stagflation. Malgré l’inflation, la croissance restait faible, en tout cas insuffisante pour
enrayer la progression du chômage, d’où une stagflation : coexistence de l’inflation et de la
stagnation.

a. Les problèmes liés à l’inflation

L’inflation se définit comme une hausse généralisée des prix auto-entretenue. Elle
a caractérisé l’économie française des 40 années suivant la fin de la seconde guerre mondiale.
Elle a été tolérée durant la période de forte croissance (1945-1975) mais elle est devenue une
source grave de dysfonctionnements de l’économie lorsque la croissance s’est ralentie.

- L’inflation brouille les calculs des agents économiques.


Les investisseurs voient leur calcul de rentabilité perturbé par l’inflation. Ceux-ci sont en effet
conduit à anticiper une hausse des coûts de production, sans qu’ils puissent forcément la
répercuter sur leur prix. La chargé liée aux frais financiers peut être réduite s’il ont emprunté à
taux fixe, mais elle est fortement accrue s’il s’agit d’un prêt à taux variable, le taux étant
indexé sur l’inflation.
Elle brouille aussi la visibilité des agents en modifiant la hiérarchie des prix relatifs, car
certains prix n’évoluent pas au même rythme que les autres. Elle conduit ainsi fréquemment à
des mesures de contrôle des prix pour des raisons sociales (blocage des loyers, des tarifs des
services publics, des produits alimentaires) qui soumettent le marché à des processus
administratifs aussi tatillons qu’inutiles (du fait des pressions de rattrapage lorsque ce prix
sont réajustés).

- L’inflation conduit aussi à un transfert de richesse des créanciers vers les débiteurs.
Elle provoque une érosion de l’épargne et du pouvoir d’achat des revenus non indexés sur les
prix. Elle a ainsi permis à une partie de la population d’accéder à la propriété car les frais
financiers ont été progressivement réduits par l’augmentation des salaires. Mais elle a
fortement dissuadé l’épargne car ses revenus étaient très érodés par l’inflation. Selon Kolm, la
perte de patrimoine financier des ménages due à l’inflation dans les années 70 a été
équivalente à leur flux d’épargne financière ce qui revient à une taxe d’inflation et l’a orienté
vers des placements peu favorables à la croissance (immobilier notamment, or ou devises
réputées fortes au détriment des investissements dans l’entreprise).

- L’inflation est un phénomène qui menace de s’emballer


A partir d’un certain niveau (au-delà de 5 à 10 %), l’inflation peut dégénérer en hyperinflation
et déséquilibrer gravement l’économie. Aglietta et Orléan soulignent ainsi « ce qui est
fondamental dans le processus inflationniste, c’est l’incapacité des autorités centrales à le
maîtriser ». Après une phase d’inflation rampante, le comportements d’indexation (des prix,
des salaires, des pensions de retraite, des prestations sociales) se généralisent et accélèrent
encore le processus.
A cet égard, le rôle des anticipations est fondamental : par leur simple existence, elles
conduisent les salariés à prévenir une perte de pouvoir d’achat et les entreprises à élever leur
prix afin de se prémunir contre une réduction de leur marges. La « boucle prix salaire »
conduit alors à une spirale inflationniste qu’il est très difficile de freiner : à la suite des
accords de Grenelle en 1968 prévoyant une revalorisation salariale, l’inflation avait triplé en
un an passant de 2 à 6 %.
Ce risque d’accélération est encore accru par le mécanisme « d’inflation importée ». Le
différentiel d’inflation provoque une dépréciation de la monnaie par rapport aux devises
étrangères, ce qui renchérit les importations, phénomène générateur d’inflation. La premier
choc pétrolier avait ainsi doublé le taux d’inflation de 7 à 14 %.
En conclusion, l’inflation est à la fois un symptôme et une source de crise. Ainsi pour Aglietta
et Brender : « l’inflation est le dérèglement du langage monétaire, à la fois produit et mode de
transmission des tensions sociales ».

b. Le renouveau de l’analyse quantitative : le monétarisme

A l’opposé des recommandations keynésiennes de politique monétaire discrétionnaire,


les monétaristes (Friedman, Hayek) relayés par la nouvelle économie classique (Sargent,
Wallace, Lucas) vont proposer à partir des années 60 d’encadrer la politique monétaire dans
des règles strictes.

- Des hypothèses différentes des keynésiens.


Pour les monétaristes, la demande de monnaie est en effet une fonction stable et
l’inflation trouve sa source dans la création de monnaie. Les variations de la quantité de
monnaie n’ont d’effets que sur la hausse générale des prix sans modifier le niveau de
production, d’emploi et les taux d’intérêt réels, qui par définition à l’équilibre, sont
déterminés par le jeu du marché. Les politiques monétaires n’ont d’influence que sur le taux
d’inflation. Dès lors, la politique monétaire n’a pas pour objet de fixer ni le niveau d’emploi
ni le niveau des taux d’intérêt réels mais elle contribue à stabiliser le système économique. La
politique monétaire doit engendrer un niveau des prix stable ou croissant à un rythme faible
connu à l’avance.
Pour les théoriciens de la nouvelle économie classique, les agents économiques sont capables
d’anticiper les effets des décisions de politique économique. Ces anticipations rationnelles (au
sens où elles utilisent toute l’information disponible et l’intègrent dans un modèle
économique cohérent) rendent vaines les décisions de politique économique. Ainsi, une
politique monétaire accommodante n’aura aucun effet sur la consommation car les ménages
augmenteront leur épargne en prévision d’une augmentation de l’inflation. Par conséquent, il
n’y a plus à proprement parler de politique monétaire mais la simple gestion d’un agrégat
déterminé par l’environnement économique.

- Des recommandations de politique monétaire totalement divergentes.


Concernant les modes d’action, les monétaristes préconisent l’adoption de la masse monétaire
comme cible et l’indépendance de la banque centrale par rapport aux prescriptions des
autorités politiques. L’existence de délais de réaction nombreux et mal connus justifie le
recours à une politique monétaire automatique plutôt que discrétionnaire. Les effets d’une
politique discrétionnaire perturbent la réalisation du retour naturel de l’économie à l’équilibre.
La masse monétaire doit croître d’un taux fixé à l’avance et proche du taux de croissance de
l’économie. Les orientations doivent être définies à MT et ne doivent pas varier en fonction de
la conjoncture. La politique monétaire doit être neutre.
Les recommandations de Friedman pour une politique monétaire neutre consistent en :
- la fixation d’un objectif de croissance d’un agrégat monétaire qui soit compatible avec les
objectifs de croissance de LT et qui garantisse la stabilité des prix.
- la nécessité d’annoncer systématiquement longtemps à l’avance et de façon progressive les
modifications du taux de croissance de la masse monétaire.
- la simplicité et la lisibilité des mesures adoptées par les autorités monétaires.
- la souci de ne pas manipuler les taux d’intérêt et les taux de change.

- Agrégats et objectifs monétaires dans les pays développés.


Dans le milieu des années 70, les banques centrales confrontées à de fortes tensions
inflationnistes se fixèrent un objectif de retour à la stabilité des prix. Cet objectif, qualifié de
final, pouvait être atteint grâce à un objectif intermédiaire portant sur les agrégats dont
l’encadrement de la croissance permettrait d’influencer les anticipations des agents
économiques. L’affichage d’un objectif spécifique dont les liens avec l’inflation étaient
stables et dont l’évolution pouvait être en partie contrôlée par la mise en œuvre des
instruments dont disposent les banques centrales contribuait à fonder la crédibilité de ces
dernières.
Certaines banques centrales ont privilégié un agrégat étroit. Ainsi la Banque d’Angleterre a
assigné à partir de 1987 une norme de progression au seul agrégat M0 devant la multiplication
des innovations financières qui perturbait l’interprétation de l’évolution des agrégats plus
larges. Au contraire, aux USA, l’accent a été mis sur M2 et M3 à partir de 1987 et en
Allemagne sur M3 à partir de 1988. En France, l’agrégat M3 est devenu la référence en 1991
à la place de M2 après la réforme de la définition des agrégats intervenue en octobre 1990, qui
intégrait notamment les titres d’OPCVM dans M3. au Japon, la banque centrale a retenu
depuis 1979 un agrégat M2 étendu aux certificats de dépôts en raison du développement
rapide de ce titre. Les normes de progression sont le plus souvent définies sous forme de
fourchettes et concernent parfois une tendance de moyen terme comme c’est le cas en France
depuis 1994.
Dans la période la plus récente, les autorités monétaires de certains pays ont abandonné la
distinction entre objectif final et objectif intermédiaire pour fixer directement une norme
d’inflation. La Nouvelle Zélande puis 1990, le Canada depuis 1991, suivi par la Finlande et la
Suède en 1992 et le Ru à sa sortie du SME en septembre 1992. Cette option implique de
suivre une multitude d’indicateurs (indice des prix hors alimentation, hors énergie, hors tarifs
publics, hors taxes additionnelles) pour détecter suffisamment tôt les tensions inflationnistes.
Les autres banques centrales (USA, Allemagne, France) refusaient d’adopter une cible directe
d’inflation qui par la multiplicité des références à surveiller pourrait brouiller la lisibilité du
seul objectif de croissance de l’agrégat défini.

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