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le 2 octobre 2010

FÊTE DE SAINT REMI DE REIMS

Dimanche 3 octobre 2010

Frères et sœurs de Reims, chers amis,

Vous avez de la chance ! Alors que les saints fondateurs et patrons de bien
des diocèses (notamment celui de Strasbourg) sont de parfaits inconnus dès lors
qu’on franchit leurs frontières, saint Remi de Reims est une des très grandes
figures de la sainteté de notre pays. Sa fête est inscrite au Calendrier Propre de
France car il a joué, comme chacun le sait, un rôle essentiel dans la
christianisation de notre pays en baptisant le roi Clovis. Le pape Jean-Paul II a
tenu à rappeler ce moment fondateur en venant à Reims à l’occasion du mille-
cinq-centième anniversaire de l’événement. Cependant, comme un livre récent
l’a très bien montré 1, avant d’être célébré comme un héros national, Remi a
d’abord été vénéré comme un saint évêque. Et il a rempli cette charge pendant
une durée exceptionnelle : plus de soixante-dix ans. Ni votre archevêque, ni moi
ne pouvons un instant envisager une aussi exceptionnelle longévité
épiscopale…

En nous réunissant ce matin, nous voulons donc surtout rendre grâce pour
celui qui a mené les destinées de votre communauté diocésaine en y exerçant le
ministère apostolique, reçu de ses prédécesseurs par l’imposition des mains.
Voilà pourquoi il est beau de méditer sur le splendide passage de la seconde
lettre de l’apôtre Paul à Timothée que la liturgie nous propose.

Nous allons, si vous le voulez bien, reprendre en les méditant trois extraits
de ce passage, trois exhortations de saint Paul :

- Réveille en toi le don de Dieu : Même si nous avons spontanément


tendance à nous attribuer le mérite de telle ou telle action, de telle ou telle
qualité humaine, il faut nous rappeler que tout est don de Dieu, à
commencer par la vie qui nous a été transmise, mais aussi les appels que
nous avons reçus et auxquels nous avons cru bon de répondre. Accueillir
1
Marie-Céline ISAÏA, Remi de Reims, Mémoire d’un saint. Histoire d’une Église, collection « Histoire
religieuse de la France », Paris, Cerf, 2010, 919 p.

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toute chose en notre vie comme un don ne nous conduit pas à la


démobilisation, mais au contraire à la responsabilité : comment faire
fructifier au mieux ce don qui nous a été fait, sans l’enfouir comme le
talent de la parabole, mais en lui donnant les meilleurs conditions de
croissance ? Timothée est appelé par l’apôtre à « réveiller » ce don. Il faut
croire qu’il est assez naturel de le laisser sommeiller en nous. La tâche
apostolique, avant d’être une mission à réaliser, se présente comme un
don à accueillir. Faute de vivre cette étape de l’accueil, nous risquons
rapidement de nous épuiser dans un activisme stérile ou de nous établir
dans une satisfaction narcissique. Rémi a visiblement su recevoir le don
de Dieu et lui faire porter du fruit. C’est en ce sens qu’il demeure pour
nous un exemple.

- N’aie pas honte : Un certain nombre d’événements récents, affectant la


communauté catholique à travers certains prêtres coupables, ont pu nous
conduire à la honte, nous pousser à faire profil bas et nous décourager
d’exposer publiquement notre foi. En effet, nous avons été choqués par de
tels contre-témoignages, profondément attristés pour les victimes et
blessés dans notre propre humanité : un seul fruit avarié pouvant abimer
tout un panier, comment, dès lors, pouvons-nous surmonter l’épreuve et
continuer d’attester de la beauté libératrice de l’Évangile du Christ ? Il est
d’abord essentiel de redire notre condamnation sans réserve de tout abus
sur mineurs, d’où qu’ils viennent, de la famille, de l’école ou de l’Église,
condamnation renforcée lorsqu’il s’agit d’une personne en qui les parents
ont mis leur confiance. Le pape Benoît XVI, lors de la grande rencontre
internationale des prêtres qui s’est tenu à Rome au mois de juin, a médité
sur ce terrible paradoxe de la mise en avant du péché de quelques
membres au moment même où l’année sacerdotale était censée raviver
leur sainteté. Il en a tiré un très riche enseignement spirituel, reprenant la
belle image de saint Paul sur le trésor enfermé dans des vases d’argile, et
cette image vaut pour chacun de nous. Oui, qui que nous soyons, prêtres
ou laïcs, nous pouvons parfois avoir honte de notre indigence et de notre
faiblesse à porter le message du Christ, mais nous ne pourrons jamais
avoir honte du message lui-même, trésor très précieux de la Parole de
Dieu répandue en nos cœurs. N’ayons pas honte de dire Dieu, ni de
rappeler son amour et sa justice. N’ayons pas honte de servir comme
baptisé et comme prêtre dans l’Église et la société : plus que jamais, le
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généreux sacerdoce est nécessaire ! Ne confondons pas le précieux


message et les faibles messagers. L’expérience de la vie se charge bien de
nous rendre humbles et de nous maintenir en vigilance pour progresser en
justice et en sainteté. Saint Remi, comme tous les saints, s’est situé
humblement devant Dieu. C’est à cette seule condition qu’il a pu rayonner
quelque chose de la sainteté de Dieu. Nous aussi, tenons-nous avec
droiture et humilité devant Dieu et devant les hommes et témoignons sans
honte, et même avec joie, du bonheur de notre foi !

- Garde le dépôt de l’Évangile dans toute sa pureté : C’est une


préoccupation permanente pour tous ceux qui se disent chrétiens, disciples
du Christ, que de se demander s’ils sont fidèles au message tel qu’il leur a
été laissé par le Christ et transmis par les apôtres, ou s’ils l’ont dévié,
amoindri sur certains points, exagéré sur d’autres, oublié sur des aspects
essentiels. Tout au long de nos vies, au fur et à mesure du déroulement de
l’actualité, nous sommes interpellés dans notre foi. Nous réagissons d’une
certaine manière à partir de nos sentiments spontanés, de nos intérêts, de
nos conditionnements….mais comment convient-il de réagir si nous
prenons notre foi au sérieux ? Le cœur du message évangélique, chacun
doit pouvoir l’accueillir et le partager comme une précieuse source de vie.
Il tient en quelques mots : Dieu aime tous les hommes comme ses enfants,
et c’est pourquoi chacun aimera son Dieu de toutes ses forces, et son
prochain comme lui-même ! Les évêques, en tant que pasteurs de la
communauté, sont les premiers à s’interroger sur le regard et la parole à
porter sur certains événements, mais tous les chrétiens sont appelés à leur
manière et dans leurs lieux de vie à faire de même. Nous sommes
préoccupés de qualité et de pureté dans bien des domaines : ici, à Reims,
vous êtes légitimement fiers de la pureté de l’architecture de votre
cathédrale et de cette basilique, vous êtes fiers aussi de la pureté du fruit
de la vigne et de la qualité de votre savoir faire, et vous avez bien
raison… Mais avez-vous comme votre saint patron Remi, avons-nous
suffisamment le souci de la pureté et de la qualité de notre foi ?

***

Alors que la vie de saint Remi nous plonge dans un passé très
ancien, voici que le lointain successeur de Remi, votre archevêque, mon
frère Thierry Jordan, vient de publier une lettre pastorale. Permettez-moi
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de vous en lire quelques extraits, en vis-à-vis des exhortations de saint


Paul.

Paul disait : Réveille en toi le don de Dieu !

Votre évêque, dans cette lettre, réveille en vous le don de Dieu, vous
invite à prendre des initiatives, à vous laisser conduire par l’Esprit, dans la
mouvance du grand rassemblement de Pentecôte 2010.

Paul poursuivait : N’aie pas honte !

Votre évêque vous exhorte à « oser l’annonce explicite de la foi » et


demande aux prêtres de « continuer à témoigner » de ce qu’ils sont et de
ce qu’ils vivent, dans la continuation de l’Année Saint-Jean-Marie
Vianney.

Paul concluait : Garde le dépôt de l’Évangile dans toute sa pureté !

Votre évêque invite les jeunes à rejoindre les Journées Mondiales de la


Jeunesse, qui auront lieu à Madrid en 2011, et les familles à entrer dans le
grand mouvement de l’opération « Famille 2011 ». Cette même année
2011, il appelle tous les diocésains à vivre dans l’action de grâce le huit-
centième anniversaire de la construction de la cathédrale actuelle,
« enracinés dans l’histoire de la foi », « témoins » et « bâtisseurs »
d’aujourd’hui et de toujours de l’Église du Christ.

Et comme le conclut Saint Paul dans sa lettre à Timothée, tout cela se fera
« grâce à l’Esprit Saint qui habite en nous ».

Frères et Sœurs du Diocèse de Reims, quels que soient votre fonction,


votre histoire ou vos talents, en ce jour de fête, je vous souhaite un vrai
bonheur à être chrétien, l’audace du témoignage, la joie du service,
l’accomplissement de l’amour !

+ Jean-Pierre GRALLET

Archevêque de Strasbourg

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