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Français II : Histoire littéraire : synthèse

Pourquoi étudier la littérature ?


➢ Elle fait partie du patrimoine, de la culture d'un pays
➢ C'est un témoignage du passé (cf : autodafé1)
➢ Pour s'opposer à toute forme de censure
➢ Pour exercer son sens critique
➢ C'est le reflet des mentalités
➢ C'est un des composants de la culture générale
➢ Étudier des textes et leur fonctionnement
➢ La littérature permet de guérir des souffrances (pour l'auteur, mais aussi pour le lecteur)
➢ C'est une expression de soi
➢ Fonction d'identification par les lecteurs (homosexualité, maltraitance, maladies,...) moyen de trouver
des réponses aux questions qu'on se pose
➢ Permet de voyager (faire étudier des littératures étrangères)
Le charme2 de la littérature
Depuis longtemps, beaucoup d'hommes et de femmes s'intéressent à la littérature, lui consacrent du temps,
voire leur vie, soit en la lisant soit en l'écrivant.
La littérature suscite des passions, des plaisirs, des satisfactions psychologiques et affectives multiples ; elle
peut aussi susciter l'envie de se livrer à des supercheries, à des plagiats. Elle possède donc des enjeux
passionnels.
Elle aide également l'homme à se sentir plus lucide, plus riche intérieurement, plus sensible au monde, aux
autres, à réfléchir, à défendre des causes. La littérature possède donc aussi des enjeux rationnels.
Mais beaucoup de personnes ne ressentent pas ces enjeux parce qu'elles n'ont pas été assez familiarisées
avec la lecture et le livres dans leur enfance ou parce que leur expérience des livres a été décevante et leur
a fait percevoir la lecture comme une activité difficile, voire rebutante.
Entre lecture gloutonne et lecture gourmette
• La lecture gloutonne : la personne dévore tous les livres qui lui passent sous la main. Et se
souviennent bien de ce qu'ils ont lu.
• La lecture gourmande : les jeunes enfants nourris régulièrement d'histoires lues à voix haute la
pratiquent. Ils mémorisent certains fragments du récits.
• La lecture gourmette : les lectures dispensées dans la prime enfance devraient préparer à cette
lecture. Elle est comparable à un repas raffiné, le lecteur savoure chaque chapitre de son livre. Il
tisse des liens entre ses diverses lectures comme le gourmet compare avec d'autres plats en faisant
appel à la mémoire de ses papilles.

 Et la lecture devient plaisir, elle fait partie de la vie. 


Des enjeux passionnels
Lire des textes littéraires peut provoquer deux sortes de plaisirs psychologiques ou affectifs : une expérience
de décentrement et une expérience de centrement.

1 Le fait de brûler des livres, par décision politique, pour opprimer les écrivains (acte symbolique de « purification »)
Hitler a fait brûler des monceaux de livres sur la place publique car ils avaient été écrits par des juifs ou qu'ils allaient à l'encontre de
ses idées (ce qu'il considérait comme de l'art dégénéré)
2 Le mot est à prendre au sens premier : ce qui est supposé exercer une action magique (enchantement, envoûtement, sortilège)

PIRLET Elise Session de juin


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Français II : Histoire littéraire : synthèse

➢ Le décentrement : Lire divertit, permet de s'évader, notamment par le biais de l'identification aux
personnages ou aux situations du texte, ce qui ressemble à la fois à une fuite par rapport au
quotidien et à une expérience psychologique fondamentale. En effet, le lecteur voit le monde
autrement, à travers le regard d'un autre ; il vit des expériences nouvelles, pose un regard nouveau
sur le monde, sur autrui et sur lui-même ; il éprouve des désirs et des émotions qui lui seraient
restés étrangers sans les livres.
=> accepter de ne plus être le nombril du monde.
➢ Le centrement : Lire permet également au lecteur de retrouver dans ses lectures des éléments de
son univers familier, d'être confronté dans son identité, de trouver un écho à ses expériences
personnelles. En découvrant le monde intérieur des personnages ou de l'écrivain, le lecteur a
l'impression de revivre des sensations, des impressions, des souvenirs qu'il a déjà éprouvés, mais
qui restaient enfouis au fond de lui. La lecture est alors un moyen de mieux se connaître et de
s'analyser soi-même.
=> mon centre d'intérêt : c'est moi. Le lecteur s'identifie au héros
Il est toutefois bon de souligner que le décentrement et le centrement ne sont pas des garanties absolues de
plaisir.
Des enjeux rationnels (ce qui relève de la raison)
A côté de sa dimension psychologique et affective, la littérature possède une dimension intellectuelle dans la
mesure où elle permet de développer un certain nombre de connaissances, de compétences et de
réflexions.
1. Connaissances et réflexions sur le monde
Cet aspect de la littérature va de pair avec l'expérience de décentrement : par les savoirs nouveaux qu'elle
apporte, la littérature permet de sortir de soi, de s'enrichir intérieurement et de se transformer.
2. Connaissances et compétences langagières
La plupart des textes qualifiés de littéraires se distinguent par la richesse de leur vocabulaire, la rigueur de
leur syntaxe, la finesse de leur style et la variété de leurs registres. Le lecteur de tels textes a beaucoup plus
de chances d'acquérir une bonne maîtrise de la langue écrite que celui qui ne lit jamais ou qui ne lit que des
textes utilitaires.
=> plus on a des élèves de milieux défavorisés, plus il faut leur faire lire des textes d'auteurs et de qualité
3. Connaissances sur la littérature elle-même
La littérature nous familiarise aussi avec des scénarios, des situations, des personnages, des mythes, des
stéréotypes qui reviennent régulièrement dans les textes, et dont la connaissance sera utile pour reconnaître
les citations, les allusions, les imitations, les transformations qui en sont faites par d'autres écrivains.
=> travailler sur les stéréotypes MAIS bien les décortiquer et les expliquer
=> travailler la parodie
4. Réflexion
La littérature développe la réflexion, la conscience critique à propos du monde et du langage.
Elle rend les lecteurs plus compréhensifs et plus tolérants à l'égard des autres hommes et de leurs actions.
La littérature apprend également la tolérance envers les cultures qui diffèrent de la nôtre.
=> apprendre aux jeunes la tolérance
=> travail important sur les différences de goûts

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Conclusion
Parce qu'elle se prête à des enjeux à la fois passionnels et rationnels, la littérature suscite constamment
chez ses lecteurs deux sortes de lectures complémentaires : une lecture affective 3, participative, centrée sur
la matière traitée, et surtout sur les personnages et les émotions qui leur sont associées ; et une lecture plus
analytique4, plus distante, centrée sur la manière dont le texte est écrit, sur les différentes significations qu'on
peut lui donner.
Par ailleurs, il est évident que la lecture de distanciation 5 nécessite un effort plus grand que la lecture de
participation, qui suscite des satisfactions plus immédiates.
S'ajoute à cela le plaisir physique que peut procurer un livre, par ses qualités matérielles ou par son odeur.
=> faire l'expérience avec eux : visite d'une bibliothèque, d'une librairie
Qu'est-ce que la littérature ?
La première mention du terme de « littérature » revient à l'abbé Charles Batteux (XVIIIe siècle) qui l'employa
pour distinguer les œuvres des écrivains au sein de ce que l'on appelait alors les « Belles-Lettres », mot qui
désignait la culture lettrée au sens large.
La littérature était un ensemble stable de textes qui illustraient de manière exemplaire des valeurs relevant
du Beau, du Vrai et du Bien (opinion philosophique).
Le doute s'insinua lorsque des poètes comme Rimbaud et Lautréamont, puis les surréalistes dans les
années 20, contestèrent les valeurs traditionnelles associées à la littérature. Cette remise en cause est allée
de pair avec les essais de description scientifique dont la littérature a fait l'objet de la part des chercheurs
appartenant à divers champs des sciences humaines. Désormais, deux problèmes liés, mais néanmoins
distincts sont débattus :
– Celui de l'extension du corpus littéraire : quels sont les auteurs, les œuvres et les genres qu'on
peut qualifier de littéraire ?
– Celui de la spécificité de la littérature : existe-t-il des caractéristiques propres aux œuvres dites
littéraires ou un mode de lecture spécifiquement littéraire ?
Interrogation sur l'étendue du corpus dit « littéraire »
Au cours du 2e siècle, les amateurs de littérature se sont séparés entre deux perspectives.
D'un côté, une perspective de type « ségrégationniste », qui considère la littérature comme un ensemble
homogène, limité et relativement stable d'œuvres bien identifiées, correspondant en gros au corpus des
œuvres « reconnues ». Cette perspective, qui a prévalu de la fin du 18e siècle jusqu'aux années 1960,
préconise la perpétuation d'une culture « classique », qui est surtout familière à la classe sociale privilégiée.
D'un autre côté, une perspective de type « intégrationniste », qui se développe pendant le dernier tiers du
20e siècle et défend l'idée d'un corpus littéraire hétérogène, qui intègre les genres dits mineurs (écrits
journalistiques, romans policiers, science-fiction...), voire des genres non proprement textuels (chansons,
BD, cinéma...). Les défenseurs de cette perspective, souvent gênés par la hiérarchie qu'implique le mot
même de littérature, préfèrent parler de « textes » ou de « discours ».
Interrogation sur la spécificité de la littérature
Une autre manière de cerner le phénomène littéraire consiste à s'interroger sur les qualités des œuvres
littéraires, c'est-à-dire sur les traits qui paraissent distinguer la littérature des œuvres non littéraire.

3 J'aime, j'aime pas => centrée sur les émotions


4 pourquoi je n'ai pas aimé, pourquoi j'ai aimé ?
5 Prendre de la distance, se détacher de ses émotions

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Au cours du 20e siècle, le phénomène littéraire a ainsi fait l'objet de deux approches opposées, l'une que l'on
peut qualifier d'interne, centrée sur l'écriture et sur la recherche d'une « littérarité » immanente aux textes ;
l'autre, qu'on peut qualifier d'externe, centrée sur l'utilisation qui est faite des textes par leurs lecteurs.
Les approches internes
 L'approche formelle : la littérature comme travail sur la langue et les textes 
La première approche de la littérature qui s'est voulue scientifique affirmait que la caractéristique la plus
importante des textes littéraires était leur structure formelle. Développée dans les années 1920 et 30 par des
linguistes qui travaillaient à Moscou (les Formalistes russes), elle a été relayée en France dans les années
1960 par le Bulgare T. Todorov, le Lituanien A. J. Greimas, les Français R. Barthes et G. Genette,
notamment.
Pour ces théoriciens, la littérature se caractérise par un usage particulier du langage, que l'on peut résumer
en trois traits fondamentaux :
1. La mise en évidence du langage pour lui-même
Par le traitement particulier qu'elle réserve au lexique, à la syntaxe, aux rythmes, aux structures narratives,
la littérature ferait perdre au langage son caractère familier et automatique.
R. Jackobson a appelé « fonction poétique » ce traitement du langage par lequel un message attire
l'attention sur lui-même (sa forme, sa matière) plutôt que sur les choses qu'il désigne. Par exemple dans le
vers de Victor Hugo « Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèles6 », l'attention est irrésistiblement
attirée par la répétition proche des sons « f » (on parle alors d'allitération) et cette mise en évidence d'un
élément formel vient en quelque sorte court-circuiter le sens ordinaire. Il en va de même pour tout texte en
vers ou dont le lexique ou la syntaxe sortent du commun.
2. Le rapport étroit avec d'autres textes littéraires
Les textes littéraires se distingueraient aussi par les nombreuses relations qu'ils entretiennent avec la
tradition littéraire qui les précède : souvent un même texte cite, actualise, imite, transforme des éléments de
plusieurs types de textes (narratifs, poétiques, argumentatifs, dramatique,...), de plusieurs genres (réalisme,
fantastique, lyrisme...) et de différents textes antérieurs. Le critique russe M. Bakhtine a appelé cela la
« polyphonie ». pour lui, c'est dans le roman que ce phénomène est le plus accentué, car chaque
personnage y parle avec son point de vue, son style, sa culture et même parfois sa langue propre.
Le roman se caractériserait ainsi par son fonctionnement dialogique que J. Kristeva appelle
« intertextualité », par rapport aux œuvres antérieures. Par exemple, le récit de Voltaire, Candide, reprend à
la fois des éléments aux contes de fées, aux romans picaresques et aux écrits du philosophe Leibniz, qu'il
parodie allègrement.
3. L'intégration compositionnelle des éléments et des matériaux du texte
Selon les Formalistes, rien dans un texte littéraire n'est insignifiant ni gratuit. Tout fait sens et contribue à une
composition d'ensemble. Au-delà de leur apparente hétérogénéité, les éléments formels (choix lexicaux,
structure du texte, des phrases, des vers, figures de style...) comme les éléments thématiques pourraient
toujours être reliés par un principe compositionnel dominant.
Ainsi dans un poème comme Correspondances de Baudelaire, les jeux sonores et rythmiques ne feraient
qu'illustrer le propos du texte, qui est de célébrer l'unité reliant les sons et les sens, et les diverses sortes de
sensations entre elles. [cf. p. 12 du syllabus]

6 Dans le poème Booz endormi des Contemplations

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Pour les Formalistes, c'est la combinaison de ces trois caractéristiques qui définit la littérarité d'un texte.
Autrement dit, plus un texte active la fonction poétique, manipule d'autres textes littéraires et crée des
correspondances internes entre ses propres éléments, plus il peut être qualifié de littéraire.
Si elle a eu beaucoup de succès pendant les années 60, l'approche formaliste a fait l'objet durant les années
70 de sérieuses remises en cause, y compris par ceux qui avaient contribué à sa diffusion comme Barthes et
Todorov. On lui a reproché de sous-estimer l'importance des éléments thématiques et sémantiques et
d'attribuer à la littérature des traits qui ne lui sont pas propres : les procédés de la fonction poétique, les jeux
transtextuels et les corrélations entre les éléments textuels de différents niveaux se retrouvent, parfois
massivement, dans beaucoup de textes qui ne sont pas pour autant perçus comme littéraires.
 L'approche référentielle : la littérature comme exploration de mondes possibles 
Au 3e siècle avant Jésus-Christ, Aristote avait développé dans sa Poétique une approche qui se fondait sur
l'analyse du rapport particulier que la littérature entretient avec le réel. Dans cette approche, reprise au 20 e
siècle, la littérature se distingue des autres actes de langage par son pouvoir de présenter un monde : elle
propose des expériences de réalité fictive, ou plutôt de réalité possible, dans la mesure où ses fictions
présentent une dimension historique et/ou psychologique
Dans son ouvrage Temps et récit, le philosophe P. Ricoeur décrit les récits, et en particulier les récits
littéraires, comme la mise en œuvre d'une mimesis à plusieurs niveaux : les éléments de l'histoire (actions,
personnages, temps, lieu) « figurent » ceux du monde réel ; ils sont ensuite interprétés dans le cadre d'une
« configuration » temporelle fictive, et le lecteur peut enfin les « refigurer » dans sa propre lecture.
Pour Ricoeur, les récits ont dès lors un grand pouvoir d'influence sur les choix éthiques de leurs lecteurs : on
peut généraliser le propos en disant que, selon cette conception, il n'y a qu'un pas du texte littéraire à
l'action.
Cette approche de la littérature est fondamentale, mais elle présente le défaut inverse de la précédente dans
la mesure où elle sous-estime l'importance du travail formel et stylistique. On peut se demander si les vertus
qu'elle attribue aux fictions littéraires ne concernent pas tout autant les fictions non littéraires.
Les approches externes
 L'approche lecturale : la littérature comme construction du lecteur 
Cette approche étudie la manière dont les textes sont lus, et, en particulier, la manière dont ils sont
« littéralisés » par la lecture. La littérature n'est plus perçue ici comme un objet ou un produit fini, mais
comme une représentation qui se construit dans la tête de celui qui lit.
Deux tendances sont alors possibles.
Certains critiques s'intéressent à la diversité des interprétations et des évaluations qui sont faites des textes
littéraires à différentes époques de l'Histoire ou dans différents groupes sociaux ou culturels.
D'autres, comme l'Américain M. Riffaterre, tentent plutôt d'analyser les opérations communes qui peuvent
faire de la lecture une activité littéraire. Ainsi, la lecture « littéraire » consisterait à passer d'une lecture
ordinaire, centrée sur le contenu et l'anecdote, à une lecture plus analytique, centrée sur la forme et les sens
seconds. On peut reprocher à cette approche de concevoir la lecture littéraire comme une activité purement
intellectuelle sans aucune place pour les opérations psychologiques et affectives.
 L'approche institutionnelle : la littérature comme « effet du champ » lié au contexte 
L'approche centrée sur la lecture laisse souvent dans l'ombre le cadre socio-économique de la littérature, les
valeurs symboliques liées au nom de l'auteur, à l'éditeur, à la collection, au type de couverture, au prix du
livre, au discours critique le concernant, bref, un ensemble de phénomènes qui relèvent de ce que les

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sociologues P. Bourdieu et J. Dubois ont appelé le « champ » ou « l'institution littéraire ».


Or, lorsqu'on étudie les rapports que la littérature entretient avec ces éléments institutionnels, elle n'apparaît
plus comme un effet de lecture individuel, mais comme un « effet de champ », une valeur collective qui
évolue en fonction des « instances de légitimation », c'est-à-dire des « agents » occupant une place
dominante dans l'institution littéraire : les critiques, les éditeurs, les membres des académies et des jurys
littéraires et les auteurs reconnus, mais ce sont aussi les professeurs et les auteurs de manuels et de
programmes scolaires.
Les instances de légitimation n'ont cependant pas toutes les mêmes buts et n'exercent pas toujours un
pouvoir égal. On oppose ainsi le capital (ou la valeur) « symbolique » qui intéresse le réseau de production
restreinte (textes novateurs et difficiles, d'avant-garde), et le capital économique ou commercial, qui
concerne le réseau de production élargie (textes de série, conformes à des canons établis et faciles à
consommer). Comme la valeur littéraire est censée relever de la première de ces sphères, on qualifie celle-ci
de « légitime », et l'autre d'« illégitime ». Mais ces deux sphères ne sont pas étanches : certaines œuvres
occupent une position intermédiaire, notamment quand elles sont valorisées à la fois par la critique et par le
grand public.
La sociologie du champ littéraire considère donc la littérature comme un espace de luttes où s'affrontent des
défenseurs de diverses valeurs, et où l'on observe, à chaque époque, la domination provisoire de certaines
conceptions sur les autres. Le concept de stéréotype joue une place essentielle dans ce processus, car il
sert aux dominants à dénoncer les contre-valeurs dont se nourrissent les dominés.
 En guise de conclusion... 
Il est évident que toutes ces approches, malgré leurs oppositions apparentes, ne sont pas du tout
incompatibles. Toutefois, il est indéniablement difficile aujourd'hui de concevoir la littérature comme un fait ou
un corpus stable, aisément objectivable. Il semble plus adéquat d'en parler comme d'une fonction mobile,
car on peut lire de manière littéraire des œuvres très variées, comme d'un mythe fécondant car en tant
qu'idéal à atteindre, elle exerce une forte attraction sur les lecteurs et sur les auteurs, ou encore comme
d'une force transformatrice, car, quel que soit son contenu, elle fait penser, rêver et agir.
La littérature comme institution
1. Le champ culturel
Pour le sociologue P. Bourdieu, le monde social est compartimenté en un certain nombre de « champs »,
secteurs d'activités qui représentent autant de domaines identifiables dotés d'une certaine autonomie, c'est-
à-dire qui ont leurs codes, leurs valeurs et leurs règles propres : le champ journalistique, le champ de la
haute couture, etc.
Ces champs sont des espaces de solidarité, mais aussi de concurrence et de conflits, dans lesquels les
individus agissent en fonction de leurs positions et de leurs intérêts respectifs. Le champ journalistique, par
exemple, est dominé par les grands médias et par les quelques journalistes qui font « l'actualité », les
journalistes de base et les pigistes font plutôt figure de dominés.
Il existe ainsi un champ culturel (ou intellectuel), à l'intérieur duquel gravitent tous les « agents » en rapport
avec les « biens culturels » (œuvres d'art et produits de la pensée en général) : artistes, écrivains, éditeurs,
critiques, professeurs, libraires, etc.
La littérature, quant à elle, est produite au sein du « champ littéraire », sous-espace du champ culturel, dans
lequel les écrivains ne cessent de déployer des stratégies de concurrence pour la conquête du pouvoir
symbolique. Ces luttent se traduisent par des œuvres littéraires, des manifestes, des valeurs, des idées...

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qui construisent l'identité du champ littéraire, la spécificité de ses rituels, de ses frontières et de ses
hiérarchies.
La spécificité du champ culturel tient à celle de ses produits : les œuvres d'art. Celles-ci ne sont pas des
biens de consommation comme les autres car, en plus de leur valeur commerciale ou marchande, elles ont
une valeur symbolique ou esthétique. Ces valeurs sont relativement indépendantes. Ainsi, les tableau de
Van Gogh jugés trop originaux ne trouvaient, au début, aucun acheteur.
Il en va de même pour les œuvres littéraires : elles ont une double face, à la fois marchandises et
significations. Chacune de ces deux faces est relativement autonome : un best-seller n'a pas
nécessairement une grande valeur littéraire. Mais elles peuvent tendre aussi à s'ajuster, comme c'est le cas
pour les « classiques », qui cumulent valeur littéraire et valeur symbolique.
[confer schéma page 17]
Le champ littéraire se structure selon cette opposition « commercial vs esthétique/symbolique ».
Il se partage en deux réseaux qui répondent chacun à une logistique propre :
✔ le réseau de diffusion élargie privilégie la valeur économique au détriment de la valeur symbolique.
Les œuvres les plus typiques de ce réseau ont une diffusion très large parce que fondée sur
l'ajustement à la demande du public et sur les techniques du marché.
✔ le réseau de diffusion restreinte privilégie la valeur symbolique ou esthétique (en l'occurrence
littéraire) au détriment de la valeur économique (recherche du profit). Les œuvres les plus typiques
de ce réseau ont une diffusion assez confidentielle parce qu'elles rompent avec la tradition, parce
qu'elles transgressent les normes thématiques, voire idéologiques et que leur appréciation nécessite
une initiation.
L'opposition commercial vs esthétique/symbolique structure toutes les composantes du champ littéraire,
comme le montre le tableau suivant :

Diffusion restreinte Diffusion élargie


1. Dénigration de l'économie, recherche d'un capital Soumission à l'économie, recherche d'un capital
symbolique économique
2. Refus de toute promotion tapageuse (relations Techniques de promotion, publicité, marketing,
publiques, confidences, colloques) pressions, jaquettes tapageuses
Cycle de production court, minimalisation des
3. Cycle de production long, pas de marché présent,
risques, rentrée rapide des profits et obsolescence
acceptation du risque
rapide des produits
Cible visée : le « public », les fractions non
4. Cible visée : les producteurs, les pairs, les
intellectuelles de la classe dominante (« public
fractions intellectuelles de la classe dominante
cultivé ») et les autres couches sociales
5. Espoirs : reconnaissances des pairs , succès Espoirs : succès immédiat et temporaires => best-
différé et durable => classique seller
Ajustement à une demande préexistante, soumission
6. Produit sa demande, conteste et détruit les aux normes dominantes : thèmes, stéréotypes,
normes en vigueur, recherche formelle modes d'écriture : produit socialement quelconque,
gommage des clivages
7. Recherche d'une prise de pouvoir, de la légitimité Soumission aux instances en place ; ou refus de s'y

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culturelle soumettre. Assurance de sa propre légitimité


Auteur subordonné aux détenteurs des moyens de
8. Auteur se voulant libre, inspiré et novateur
production et de diffusion et aux attentes du public
9. Éditeur se voulant libre, inspiré et novateur Éditeur se présentant comme un homme d'affaire
10. Critique suspectant le succès Critique faisant du succès sa valeur.

Une autre caractéristique remarquable du champ littéraire contemporain est son autonomie. Celle-ci n'a pas
toujours existé : au Moyen Age, toutes les activités culturelles dépendaient de l'Église, qui dominait tous les
rouages de la vie sociale.
Au fil du temps, le champ littéraire s'est affranchi de la tutelle des autorités : Église, pouvoir politique,
aristocratie..., qui prétendaient légiférer dans les domaines artistiques et intellectuel. Il est devenu
indépendant économiquement et socialement (cf. Fin du mécénat, des « pensions » accordées par le roi...)
Ce processus d'autonomisation s'est timidement amorcé au 16 e siècle, comme le prouvent la création de
l'Académie française en 1635 ou l'apparition des salons au 18e siècle. Il ne s'est vraiment réalisé, en France
et en Belgique, que vers 1850, à la suite de changements décisifs : l'apparition d'un véritable marché
littéraire, lui-même effet de la constitution d'un public plus nombreux et plus diversifié, de la scolarité
obligatoire, de la multiplication des livres, du rôle grandissant des journaux... On assiste à la naissance d'une
nouvelle catégorie de professions intellectuelles, - les écrivains -, à l'apparition d'instances de sélection et de
consécration spécifiquement littéraires, comme la critique, par exemple.

2. Les institutions du champ littéraire


Le champ littéraire est constitué de et traversé par des institutions : l'édition, la critique, les prix littéraires, les
médias, les librairies, l'école.., qui ne sont qu'en partie intégrées au champ littéraire. En effet, certains
secteurs de l'édition dépendant des aides de l'Etat ; les médias ne sont pas totalement indépendants ; quant
à l'école, elle n'est pas neutre idéologiquement ni politiquement. Le champ littéraire est donc travaillé par
une tension entre sa volonté d'autonomie et des forces d'hétéronomie.
 L'édition
En France, l'empire Lagardère est une entreprise leader dans les domaines des médias et des hautes
technologies. Ses activités sont aussi nombreuses que variées. Possédant des chaînes de télévision, des
radios, Lagardère est aussi le premier éditeur et distributeur de presse magazine, au travers de ses filiales
Hachettes Filipacchi Medias, qui édite 222 titres dont Elles et Paris-Mach, et Hachette Distribution Services
qui possède les enseignes Relay et Virgin Megastore.
En 2002, en absorbant Vivendi Universal Publishing, filial du secteur d'édition de Vivendi Universal, le
groupe Lagardère a créé le plus gros monstre de l'édition française, dix fois plus gros que n'importe lequel
des éditeurs français, dont Gallimard, deuxième groupe d'éditions.
Déjà propriétaire de Hatier, Fayard, Grasset, Livre de Poche et J'ai lu, Lagardère s'est offert, pour 1,25
milliards d'euros, les maisons d'édition française Bordas, Larousse, Le Robert, Nathan, Colin, Plon-Perrin,
Lafont Pocket et la collection 10/18.
Cette concentration pose un certain nombre de problèmes : les éditeurs doivent se conformer aux règles
imposées par le système de distribution Lagardère ; ils n'ont plus les moyens de discuter et de marchander
les conditions de distribution des livres ni d'imposer certains livres et auteurs dont les succès ne sont pas
certains. C'est la qualité et la diversité littéraire qui sont en jeu.

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Pour les éditeurs belges, il n'existe que deux politiques : soit se faire reconnaître sur la scène parisienne,
considérée comme la seule légitime ; soit se faire reconnaître privilégiée par le public belge, ce qui implique
la revendication d'une spécificité du champ littéraire belge, mais aussi l'acceptation d'un marché moins
vaste.
 Les prix littéraires
Ils constituent l'une des rares occasions d'intéresser le grand public à la littérature. Chaque saison littéraire
(octobre et novembre) est dominée par six grands prix, tous fondés au 20 e siècle, et qui attestent la

suprématie acquise aujourd'hui par le roman : le prix Goncourt (créé en 1903), le prix Fémina (créé en 1904 et dont

le jury est exclusivement féminin), le Grand Prix de l'Académie française (créé en 1914), le prix Théophraste

Renaudot (créé en 1926), le prix Interallié (créé en 1930 et destiné à un auteur journaliste de profession) et le prix Médicis

(créé en 1958).

En Belgique, le prix Rossel est le plus important de tous.


Les prix littéraires ont été et restent très controversés. En cause, les intérêts avant tout commerciaux des
prix, leurs intrigues. De plus, les chances que le lauréat soit choisi en dehors de Gallimard, du Seuil ou de
Grasset sont pratiquement nulles.
Par ailleurs, les jurés entretiennent souvent des liens étroits avec des maisons d'édition, ce qui fausse le
choix. Enfin, le bilan des prix littéraires est très discutable, car à côté des navets couronnés, on peut évoquer
les occasions manquées de couronner des auteurs exceptionnels ou les choix idéologiques contestables
(aucun surréaliste, par exemple, n'a reçu le prix Goncourt !)
 Les médias
Force est de constater que le monopole de la légitimité culturelle est désormais passé aux mains des
médias, après l'université et les maisons d'édition. Les médias en sont venus véritablement à créer
l'évènement, qu'il soit politique ou culturel. A la limite, un livre vaut moins que l'article du journal qu'on fait sur
lui ou l'interview à laquelle il donne lieu. Il convient de se souvenir de l' « effet Pivot7 » dont l'émission
« Apostrophes » était la première vitrine des livres en France. Les ventes des auteurs qui y passaient
augmentaient en moyenne de 20%. Cela explique pourquoi les écrivains s'efforçaient à tout prix d'être sur le
plateau de l'émission du vendredi soir.
3. Les « mauvais genres »
Il y a la « Littérature » avec un L majuscule, la seule qui compte vraiment, à laquelle il est de bon ton de se
référer, qu'il faut lire absolument... et l'autre, la littérature de masse, la littérature à succès, les best-sellers, la
paralittérature, très en dessous de la « grande » littérature, méprisée par l'intelligentsia.
Il y a de « bons » genres et de « mauvais » genres. (cf. Page sur les pistes didactiques)
Selon le manuel Littérature Référentiel (De Boeck, 2003), quelques caractéristiques permettraient de
reconnaître un modèle d'écriture paralittéraire :
– un prétexte éditorial établissant sans équivoque, par le biais de signaux matériels (présentation,
couverture illustrée, appartenance à une collection, etc) et textuels (titres), un véritable contrat de
lecture dans le cadre d'un sous-genre romanesque immédiatement repérable (roman d'aventure,
polar, roman sentimental,etc) ;

7 Apostrophes était une émission de télévision littéraire française créée et animée par Bernard Pivot chaque vendredi soir à 21h30
(de 1975 à 1985) puis à 22h20 sur Antenne 2 entre le 10 janvier 1975 et le 22 juin 1990.
L'émission consistait en la présentation de romans et d'essais par leurs auteurs et par l’animateur ainsi qu'en un débat. Quelques
Grands Entretiens introduisent un peu de variété dans la formule.

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

– une tendance à la reprise des mêmes procédés (types de lieux, de décors, de situations
dramatiques, de personnages, etc) sans aucune mise à distance ironique ou parodique susceptible
d'amorcer la réflexion critique du lecteur ;
– un maximum de procédés textuels tendant à produire l'illusion référentielle, donc à abolir la
conscience de l'acte de lecture, notamment l'espace accordé au discours des personnages et le
recours systématique aux clichés ;
– un système de significations marqué par la polarisation idéologique ;
– la domination du narratif et des effets de suspens ;
– des personnages réduits à des rôles facilitant la lecture identificatoire et les effets de pathétique.
Pour R. Bozzetto, la paralittérature est une notion récente et peu claire. Récente, puisque le Tome III de
l'histoire des Littératures, dans l'édition de la Pléiade (1953) emploie le vocabulaire de « littérature
marginale » ; puisque le Petit Robert dans son édition de 1973 n'en fait pas mention.
Peu claire, parce que, lors du colloque de Cerisy qui lui était consacré en 1967, la notion semble avoir été
créée dans le but de rassembler des domaines épars : celui de la littérature populaire, et ceux de la
littérature marginale, ou encore de consommation.
Pour Bozzetto, il s'agissait d'échapper à la condamnation véhiculée par un autre terme, celui d'
« infralittérature », qui, appliqué à des œuvres, semble signifier qu'il ne serait pas digne de s'y intéresser.
Au-delà de ces querelles de préfixe, employer le mot « paralittérature » signifie qu'il est devenu possible de
rendre compte de ce que l'on aime à lire, même si l'objet de cette lecture ne relève pas d'une culture
légitimée.
La littérature comme jeu avec les codes8 et les normes9
L'écrivain ne crée pas ses œuvres au départ de rien. La littérature, comme tout langage, s'écrit
nécessairement au départ de codes existants qui lui permettent de se faire comprendre et elle est amenée à
se situer par rapport à un certain nombre de normes, c'est-à-dire de règles et d'usages.
Ces codes et ces normes sont de diverses natures :
– les codes et normes du langage : mots, expressions, phrases conventionnelles, règles syntaxiques,
règles régissant la cohérence d'un texte, procédés stylistiques et théoriques ;
– les codes et normes liés aux différents types et genres littéraires ainsi qu'aux textes déjà écrits :
types de personnages, de décors, d'actions, de scènes, scénario typique du roman sentimental, du
théâtre tragique, de la poésie lyrique, etc.
– les codes et les normes sociaux : règles de la vie en société, opinions qui circulent dans la société,
etc.
Souvent les écrivains réinventent ces différents éléments, les détournent, les transforment, ce qui nécessite
de connaître les plus importants de ces codes pour identifier ensuite les jeux dont ils font l'objet.
1. A quels codes et normes la littérature a-t-elle affaire ? Trois manières de classer ces codes et ces
normes
a) Les références concrètes et les stéréotypes

Une première opposition peut être faite entre

8 Dérivé du latin juridique « codex », planchette, recueil, notamment de lois


9 Dérivé du latin « norma », règle, équerre

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 
Les codes particuliers et concrets et Les codes généraux et abstraits

 
Liés à une situation, un personnage, un Qui émanent d'un ensemble de textes ou de
texte spécifique situations
Qui ont une origine repérable avec Qui n'ont pas d'origine précise
précision
Ex : Le scénario des Trois Mousquetaires Ex : Le schéma narratif du récit fantastique

 
= Systèmes de références = Systèmes de stéréotypes

D'après les chercheurs, le terme « stéréotype » désigne une structure, une association d'éléments, qui peut
se situer :
– sur le plan proprement linguistique : syntagme10, phrase ;
– sur le plan thématico-narratif : scénarios, schémas argumentatifs, actions, personnages, décors ;
– sur le plan idéologique : valeurs, représentations mentales.
Pour éviter toute confusion, certains auteurs ont proposé de désigner chacun de ces niveaux par des
thèmes distincts :
• « clichés » pour les stéréotypes langagiers (ex : « l'aurore aux doigts de rose »)
• « poncif » pour les thèmes littéraires (ex : le retour du méchant qu'on croyait mort)
• « lieu commun » pour les stéréotypes idéologiques (ex : « les hommes politiques sont tous
corrompus »)
Le mot « stéréotype » garde, quant à lui, une valeur générale et peut désigner chacune de ces espèces.
Cinq critères permettent d'identifier un stéréotype :
➔ La fréquence : un stéréotype est une structure souvent répétée, largement diffusée au discours
social
➔ Le figement : à force d'être employée, l'association des termes du stéréotype a fini par former un
bloc monolithique
➔ L'absence d'origine précisément repérable, ce qui le distingue de la citation
➔ La permanence dans la mémoire collective : un stéréotype se signale par son caractère durable (sa
durée de vie peut s'étaler sur plusieurs générations, voire sur des siècles) et son inscription dans la
mémoire socioculturelle (une structure répétée dans un groupe restreint ne constitue pas vraiment
un stéréotype)
➔ Le caractère abstrait et synthétique : lorsqu'il consiste en une représentation thématique ou
idéologique, le stéréotype apparaît comme un formule simplifiée, comme la condensation d'un
ensemble plus complexe.
La valeur du stéréotype pose aussi quelques problèmes car le stéréotype suscite des jugements opposés de
la part de ses utilisateurs et de ses observateurs. Pour les uns, c'est une parole légitime ; pour les autres, un
signe qui trahit l'incompétence et la sottise de ses utilisateurs.

10 Désigne un groupe de mots qui se suivent avec un sens

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Trois griefs lui sont faits :


• du point de vue référentiel, on lui reproche son caractère simpliste ou erroné ;
• sur le plan éthique, on lui reproche son injustice et son caractère socio ou ethnocentriste (le fait qu'il
exprime le seul point de vue et les seuls intérêts du groupe ou du peuple qui le véhicule) ;
• sur le plan esthétique, on lui reproche sa banalité, sa trivialité.
Par ailleurs, il s'agit d'un concept spécifiquement moderne : ce que nous rejetons aujourd'hui sous le label
« stéréotype », c'est ce que nos ancêtres vénéraient jadis comme les emblèmes de la Tradition, de la
Communauté et de l'Unité.
Ce clivage historique est aussi socioculturel : le stéréotype, de nos jours, s'attire les foudres des
intellectuels, tandis qu'il continue d'enchanter les masses.
Clivage ethnique et national enfin : chaque peuple a ses stéréotypes.
On peut donc affirmer que le stéréotype est le lieu privilégié des malentendus entre les générations, les
classes socioculturelles et les peuples. Pour la classe intellectuelle contemporaine, la tentation est grande
de ne retenir que sa seule acceptation péjorative. Or rien n'empêche que le stéréotype fasse l'objet d'une
science et d'un enseignement et qu'il soit soumis, comme tout autre phénomène à une observation neutre et
sereine.
b) Les codes socioculturels et littéraires
Les systèmes de référence et les stéréotypies peuvent concerner deux types de savoirs :
• Des situations ou des textes proprement littéraires (ou « paralittéraires »), c'est-à-dire qui se
manifestent, prioritairement, dans les genres qualifiés comme tels.
Ex : des expressions comme « l'aurore aux doigts de rose » ; des personnages comme le prince
charmant ; des scénarios comme celui du récit de vie ; des théories comme celles du vraisemblable
textuel.
• Des situations ou des textes relatifs à la vie ordinaire, qui circulent dans la société sans être liés à un
genre précis : les conversations sur la pluie et le beau temps ; les personnages historiques ; des
évènements de l'actualité ; .. ce second ensemble est appelé celui des codes socioculturels
c) Elocutio, dispositio, inventio
Le troisième classement se fonde sur la distinction établie par la rhétorique ancienne entre les niveaux de
l'elocutio, de la dispositio et de l'inventio, c'est-à-dire entre les niveaux verbal, thématique et idéel du
discours. Or, chacun de ces ensemble est constitué en grande partie de stéréotypies.
• Les codes d'elocutio ou les normes langagières
Ce sont les connaissances formelles, linguistiques et rhétoriques qui permettent de construire le sens des
phrases isolées.
Parmi ces codes, on distingue
 ceux qui relèvent de la langue proprement dite, dont le pouvoir explicatif est limité aux significations
littérales des énoncés
et
 les codes stylistiques et rhétoriques qui permettent de conférer des sens sous-jacents aux énoncés.
La langue naturelle dans laquelle le texte est écrit se compose :
➢ d'un système de conventions (ortho)graphiques ;
➢ d'un code typographique, qui comprend les divers types de caractères, les signes et les règles de

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ponctuation ;
➢ d'un dictionnaire de base (code lexical) ;
➢ d'une grammaire (système de contraintes morphologiques et syntaxiques) ;
➢ des règles de cohésion qui servent à relier deux phrases (substitution, ellipses, renvois
anaphoriques...) et à assurer la progression thématique des discours ; ensemble appelé grammaire
de texte.
Le code rhétorique et stylistique est le système de connaissances qui permet de saisir tout ce qu'une phrase
peut comporter comme charge connotative (esthétique ou argumentative) :
➢ des figures de rhétorique ;
➢ des règles d'écriture régissant l'ensemble des discours (ex. Règle selon laquelle le titre d'un texte
annonce son contenu) ;
➢ des conventions langagières propres aux différents genres discursifs (ex. Le « il était une fois » du
conte de fées) ;
➢ des stéréotypes langagiers, des clichés, des lieux communs.
• Les codes de dispositio ou les normes génériques
Ils comprennent les diverses structures formelles et sémantiques qui permettent d'identifier un texte en
terme de « genre » ou de scénario type. Ils comportent deux sortes d'éléments :
➢ des référents et des intertextes qui proviennent de textes ou d'expériences particuliers (souvenirs
relatifs à certains faits ou situations du monde réel, scénarios d'œuvres littéraires ou mythiques,
personnages et détails descriptifs retenus dans certains textes...)
➢ des stéréotypies qui composent les différents modes, genres et sous-genres du discours.
On classe parmi les codes de la dispositio les éléments suivants :
➢ les systèmes de conventions formelles qui régissent la présentation et la disposition du texte dans
l'espace du livre et de la page. Ex : le texte poétique traditionnel s'identifie grâce à son découpage
en strophes et à l'emploi de vers et de rimes
➢ les structures syntagmatiques qui permettent au lecteur de rattacher un texte à un type de
progression connu. Le plus étudié jusqu'à aujourd'hui est le type narratif.
Par exemple, selon R. Barthes, un récit d'aventures classique intègre simultanément des stéréotypes de
détail : la nervosité des deux adversaires avant un duel ; des séquences stéréotypées comme celle qui régit
le récit d'un duel classique (provocation, convocation, rencontre, combat, dénouement) et une
macrostructure stéréotypée, c'est-à-dire un scénario général du type : crise initiale, rétablissement progressif
du bon droit par le héros, victoire finale du bon droit.
➢ les structures thématiques, c'est-à-dire les systèmes de motifs, de thèmes, de topoi qui entretiennent
entre eux des rapports de ressemblances ou d'oppositions. Par opposition au thème qui est une
unité sémantique très générale et abstraite (« l'amour », « l'aventure »...), le motif est un signe doté
d'un référent concret (« le baiser », « le cheval »,...).
Thème et motif peuvent se combiner dans des ensembles figés (par exemple le thème stéréotypé de l'amour
platonicien ou le motif stéréotypé de l'anneau magique), que l'on appelle des topoi. Par exemple « le bon
sauvage », « le paradis perdu »

➢ les scénarios et les genres : un genre11 peut être défini comme un ensemble plus ou moins organisé
11 Lire Karl KANVAT, Enseigner la littérature par les genres, De Boeck, 1999

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de séquences stéréotypées et de topoi qui permet de structurer une série illimitée de discours.
Par exemple, le genre fantastique est caractérisé à la fois par une séquence narrative type (calme et
normalité initiaux ; émergence des signes précurseurs d'étrangeté ; irruption de l'insolite ; angoisse du (des)
personnage(s) ; bouleversement des repères rationnels) et par un ensemble de topoi plus ou moins obligés
(la nuit sans lune, le brouillard, la lande déserte, la demeure hantée...).
• Les codes de l'inventio ou les normes idéologiques
Ce sont les divers systèmes axiologiques12 et idéologiques qui aident à dégager les valeurs véhiculées par le
texte.
Parmi les schémas axiologiques, on peut distinguer :
➢ les schémas actantiels, relatifs aux rôles thématiques, aux positions stratégiques occupées par les
personnages dans le texte, que celui-ci soit narratif ou non ;
➢ les schémas idéologiques, c'est-à-dire les systèmes de lieux communs et de valeurs philosophiques,
politiques, religieux, symboliques, esthétiques que le lecteur peut associer aux attitudes des
différents actants, y compris celles du narrateur et de l'auteur.
2. Quels rapports les textes littéraires entretiennent-ils avec les codes et les normes ?
L'analyse du sort que la littérature réserve aux stéréotypes permet de distinguer trois sortes fondamentales
de textes, trois degrés d'énonciation.
• Le premier degré ou l'écriture « classique »
L'écriture du premier degré innocente ou faussement innocente, emploie les stéréotypes sans distance, afin
de servir au mieux la lisibilité du texte, sa vraisemblance, sa force persuasive, son appartenance générique
et sa (pseudo) valeur esthétique. [exemple cf. texte p. 28 du syllabus]
Simplicité des personnages, caractère caricatural de leur psychologie, rapidité de l'action, omniprésence des
dialogues, banalité des métaphores, tout facilite la lecture et rassure le lecteur. Même s'il existe une énorme
différence entre les romans populaires de ce genre et les textes classiques du 17 e siècle, ils fonctionnent
tous deux selon le même schéma : celui de la conformité aux stéréotypes, aux modèles reconnus de leur
époque. Ce premier régime d'écriture peut donc être qualifié de classique si l'on admet que le classicisme
dont il est ici question n'est pas limité à une époque donnée, mais définit une attitude générale d'adhésion
aux stéréotypes. Cette manière d'écrire relève clairement des caractéristiques de la paralittérature.
• Le deuxième degré ou l'écriture « moderne »
Ce régime d'écriture s'oppose au précédent en ceci qu'il caractérise par un mode d'énonciation distant,
critique, ironique ou parodique. Le début de Candide de Voltaire en est l'illustration [cf. Texte page 29-30 du
syllabus]
Par divers procédés (parodie de l'univers des contes, simplification du décor et des personnages,
raisonnements absurdes, fausse naïveté de la narration...), l'écriture dénonce ici l'usure des stéréotypes
narratifs ou philosophiques, leur caractère simpliste ou mensonger.
Ce mode d'écriture axé sur l'écart était déjà très présent chez les philosophes du 18 e siècle et les romanciers
réalistes du 19e siècle ; il est particulièrement mis à l'honneur chez les poètes symbolistes et plus tard, les
nouveaux romanciers.
D'une manière générale, être moderne, quelle que soit l'époque, c'est se vouloir original, en rupture avec les
stéréotypes et les conventions. Rabelais est un bon exemple d'auteur moderne du 16 e siècle.

12 Axiologie désigne la science et théorie des valeurs morales

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• Le troisième degré ou l'écriture « postmoderne »


Ce troisième registre est celui de l'écriture ambivalente, qui table sur les deux faces du stéréotype, le rend à
son caractère double comme bon nombre de poèmes de Charles Baudelaire où le spleen, le mal de vivre se
heurte constamment à l'idéal.
En conclusion...
On peut dire que le rapport aux stéréotypes donne lieu à trois conceptions distinctes de l'écriture littéraire :
– la conception classique, fondée sur la fidélité aux canons (normes, règles) ;
– la conception moderne, axée sur la différence
– la conception postmoderne, centrée sur le va-et-vient
Cette analyse permet aussi de comprendre que plusieurs modes d'écriture peuvent coexister au sein d'une
même époque, voire au sein de l'œuvre d'un même auteur.
3. La transtextualité
Une autre manière d'analyser la littérature en tant que jeu avec les codes et les normes est l'étude des
différents types de relations qui peuvent exister entre deux textes.
Ce domaine d'étude, que G. Genette a appelé la « transtextualité », comporte cinq types de relations
possibles :

✔ L'intertextualité => la citation ou l'évocation plus ou moins explicite d'un texte par un autre. Il arrive
qu'un auteur cite ses propres œuvres : on parle alors d'autocitation. Par contre, lorsqu'un auteur
reprend le propos d'un autre sans le dire, on parle de plagiat, acte assimilé à une usurpation du bien
d'autrui et passible de condamnation pénale. Notons enfin la diversité des fonctions exercées par les
citations ou les évocations explicites : citer pour révérer quelqu'un ou se mettre sous son autorité,
mais aussi pour le disqualifier ou s'en moquer...

✔ La paratextualité => elle englobe tous les éléments textuels et iconiques qui encadrent
physiquement le texte que nous lisons : couverture, titre, intertitres, nom d'auteur, mention du genre,
préfaces et postfaces, avant-propos, exergues, illustration, quatrième de couverture... Tous ces
éléments, qui constituent un ensemble assez hétérogène, exercent souvent une influence
déterminante sur la lecture : d'une part, ils aiguillent le lecteur vers le choix de lire ou de ne pas lire ;
d'autre part, ils proposent de nombreuses pistes interprétatives qui, à la fois, limitent et orientent le
lecteur.

✔ La métatextualité => c'est la relation de commentaire. Constitutifs des écrits critiques, très présents
dans le paratexte, les commentaires sur les autres textes sont également présents de manière
diffuse dans beaucoup d'œuvres littéraires.

✔ L'hypertextualité => c'est la relation d'imitation ou de transformation d'un texte (appelé l'hypotexte)
par un autre (appelé hypertexte). Trois régimes d'imitation ou de transformation sont à distinguer
* le régime sérieux où le sens de l'hypotexte est traité avec respect
* le régime satirique où le sens de l'hypotexte fait l'objet d'une critique ou d'une moquerie
* le régime ludique où l'hypotexte est imité ou transformé par jeu, sans qu'il y ait d'autre intention
repérable.

✔ L'architextualité => c'est la relation qui unit un texte à un ou plusieurs types ou genres. Par
exemple, on peut dire que l'architextualité du récit Candide de Voltaire est subversive car ce texte
parodie le genre (l'architexte) du conte merveilleux.

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Attardons-nous sur l'hypertextualité


En croisant les deux relations (imitation et transformation), avec les trois régimes (sérieux, satirique et
ludique), on distingue 6 types d'hypertextualité :

Régimes 
Relations SERIEUX SATIRIQUE LUDIQUE

Forgerie Charge ou caricature Pastiche
Ex. Le roman de Barjavel Ex. Chronique du règne de Ex. Les imitations de Flaubert
L'enchanteur par rapport Nicolas Ier dans lesquelles par Proust dans L'affaire
Imitation aux romans de Chrétien Patrick Rambaud s'inspire Lemoine
de Troyes de Saint-Simon pour
caricaturer le président
Sarkozy
Transposition Travestissement Parodie
Ex. La pièce de J. Anouilh Ex. Les propos du docteur Ex. Le conte de Dumas et
Transformation Antigone par rapport à la Pangloss dans le Candide Moisard Le Petit Chaperon
pièce du même titre de de Voltaire par rapport à la Bleu Marine par rapport au
Sophocle philosophie de Voltaire conte de Perrault

La publicité recourt souvent à la parodie dont l'intention satirique la sert lorsqu'il s'agit de suggérer un effet
de discrimination entre les utilisateurs d'un produit et ceux qui ne l'utilisent pas. La publicité fait évidemment
rire aux dépens des non-utilisateurs.
La littérature comme système de formes
Qu'appelle-t-on genre littéraire ?
C'est une catégorie qui permet de réunir des textes qui présentent des ressemblances structurelles,
thématiques, énonciatives.. on distingue généralement trois genres littéraires :

• les genres narratifs (ou genre du récit) : roman, nouvelle, conte, mythe...

• les genres poétiques (ou genre de la poésie) : sonnet, ballade, rondeau...

• les genres dramatiques (ou genres du théâtre) : comédie, drame, tragédie, mélodrame...
Une 4e catégorie concerne l'essai et regroupe des genres comme les mémoires, le journal intime, le récit de
voyage.
1. Le récit
On définit généralement le récit comme « la relation orale ou écrite de faits vrais ou imaginaires » (Petit Robert)
Dans le langage courant, récit, histoire et narrations sont des termes à peu près équivalents pour désigner
une activité identique : raconter. Pourtant il faut opérer une distinction entre l'histoire (ou contenu narratif) :
ce qui est raconté, la série des évènements qui composent la matière du récit, les circonstances dans
lesquelles ils sont survenus, les personnages qui les ont accomplis.
Le récit, l'ensemble formé par l'histoire et la narration, c'est un(e) :
• épopée • fable • mythe
• légende • conte etc
• roman • nouvelle
Le récit n'est pas un genre, mais un type particulier d'organisation des énoncés (écrits, oraux, mixtes [la BD,
le film...]) ; il se caractérise par les traits suivants :
• un acteur humain ou anthropomorphe qui présente un certain nombre de qualifications

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• une succession temporelle


• une transformation des qualifications
• une logique particulière (cause/conséquence)
• une fin-finalité sous forme d'évaluation finale (« morale ») explicite ou implicite
a) Notions clés

 Auteur / narrateur
L'auteur est la personne réelle, qui existe ou a existé, et qui inscrit généralement son nom sur la couverture
du roman (un auteur peut aussi utiliser un pseudonyme)
Le narrateur est celui qui semble raconter l'histoire à l'intérieur du roman, la « voix de papier ».
Plusieurs cas de figure sont possibles : (le schéma est très utile pour expliquer aux élèves, ça leur permet de bien visualiser !)

L'auteur se confond L'auteur se confond +/- avec le L'auteur et le narrateur sont tout à
TOTALEMENT avec le narrateur narrateur fait distincts

Auteur Auteur Narrateur Auteur Narrateur


Narrateur

Je n'ai pas réussi non plus à faire l'intersection..


enfin vous avez compris ^^
(Voir cours de Mme Raty)
Remarque : le lecteur est la personne réelle qui lit un texte ; le narrataire est le lecteur auquel le narrateur
s'adresse, explicitement ou implicitement. On perçoit le narrataire que par les signes linguistiques
employés : le « tu » et le « vous » par exemple.

 Narration
 La voix narrative : la voix qui raconte le récit n'est pas celle de l'auteur, mais celle du narrateur, la « voix
de papier ».
NARRATEUR > PERSONNAGE :

✔ Le narrateur peut être absent et ne pas participer à l'action : c'est le narrateur témoin (ou
hétérodiégétique)13, le plus souvent omniscient (le « narrateur-dieu »).
NARRATEUR = PERSONNAGE :
✔ Le narrateur peut être présent et participer à l'action : c'est le narrateur personnage (ou
homodiégétique).
NARRATEUR < PERSONNAGE :
✔ Le narrateur présente l'univers, les actions, les personnages de façon neutre, comme s'il en savait
moins que les personnages et ne pouvait donc délivrer que peu d'informations : c'est le cas de récits
dits « behavioristes, c'est-à-dire qui se bornent à décrire un comportement appréhendé de
l'extérieur.
Le narrateur peut s'impliquer plus ou moins dans l'histoire qu'il raconte. Il peut choisir la proximité ou la
distance avec les faits racontés. S'il choisit la proximité, il propose un récit précis et détaillé, donnant
l'impression d'une très grande objectivité comme dans les romans de Zola. S'il choisit l'éloignement, il
propose un récit donnant l'impression d'une grande subjectivité comme dans l'Etranger de Camus.

13 La diégèse désigne l'histoire, la fiction, ce qui est raconté

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 La représentation narrative: jusqu'à la fin du 19 e siècle, le récit cherche à donner l'illusion de la réalité, et
donc de faire oublier la voix narrative. Dans le récit contemporain, la voix narrative se fait plus présente,
notamment grâce à l'utilisation de diverses techniques narratives : le monologue intérieur qui restitue la
complexité de la vie intérieure du personnage ; la focalisation interne qui provoque une identification au
personnage.

 La focalisation (ou vision, ou point de vue) :


L'étude de la voix narrative répond à la question « qui raconte ? ».
L'étude de la focalisation répond à la question « qui voit/perçoit ? ».
On distingue trois types de focalisation :
✔ focalisation zéro : le récit n'est focalisé sur aucun personnage. Le point de vue est celui d'un
narrateur omniscient, c'est-à-dire qui en sait plus que les personnages.
✔ focalisation interne : le récit est focalisé sur un ou plusieurs personnages. On ne sait que ce que
sait/savent le/les personnage(s) focalisateur(s).
✔ focalisation externe : le récit n'est focalisé par aucune instance. On a l'impression d'un récit objectif,
dans lequel le narrateur en sait moins que les autres personnages.
Comparons avec un spectacle de marionnettes :
la focalisation zéro, c'est le point de vue du marionnettiste, il sait quelle marionnette il doit faire bouger à tel ou tel
moment
la focalisation interne, c'est le point de vue de l'une des marionnettes
la focalisation externe, c'est le point de vue de quelqu'un du public.

 Fiction
 L'intrigue
L'intrigue est la suite d'actions qui constituent la charpente de la fiction (ou histoire racontée). Cette suite
d'actions est structurée (un début, un milieu et une fin) et logique (ce qui vient après est provoqué par ce qui
se passe avant), selon un schéma invariant appelé le schéma quinaire (ou schéma narratif)

Etat initial Complication Dynamique d'actions Résolutions Etat final


Ce modèle est celui du récit, défini comme la transformation d'un état (initial) en un autre état (final). Cette
transformation est constituée par :
• un élément qui enclenche l'histoire (complication, perturbation)
• l'enchaînement des actions (dynamique d'actions, péripéties)
• un élément qui conclut le processus des actions en instaurant un nouvel état (résolution,
dénouement
Ce schéma a été construit sur le modèle des contes.
 Les personnages
Lire un récit, c'est se demander ce qui va arriver à un personnage, comment vont s'organiser les relations
entre le personnage principal (héros) et les autres (amis, adversaires, comparses, ennemis,...)
Si l'on s'attache aux actions des personnages, considérées comme des fonctions définies du point de vue de
leur signification dans le cours de l'histoire, on constate que toutes les histoires, en dépit de la diversité des
rôles, présentent des participants à l'intrigue (des actants), en nombre limité : un SUJET veut s'emparer d'un

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OBJET, sous l'impulsion d'un DESTINATEUR14 pour le remettre à un DESTINATAIRE avec l'aide d'un ou
plusieurs ADJUVANT(S) et en se heurtant à un ou plusieurs OPPOSANT(S).
Il s'agit du fameux schéma ACTANCIEL, que Greimas, son inventeur, appliquait à l'origine aux récits
mythiques.
Adjuvants Destinateur

Sujet Objet

Opposant Destinataire

[Remarque : ces deux schémas sont des OUTILS, ils aident à comprendre le texte/roman. ]
Très abstrait et censé être universel, ce modèle est transformé dans beaucoup de textes où plusieurs cas de
figure sont possibles :
• un rôle peut être tenu par un seul acteur / personnage
• un rôle peut être tenu par plusieurs acteurs / personnages
• un acteur / personnage peut jouer plusieurs rôles à la fois
Tout personnage de roman est avant tout un acteur de l'intrigue à laquelle il participe et son rôle dépend de
la place qu'il occupe par rapport aux autres personnages. Le « héros » désigne la figure centrale de
l'histoire. Depuis sa naissance dans l'Antiquité, ce héros s'est totalement métamorphosé : il a perdu son aura
sacrée pour devenir un homme dont on raconte toute la vie, ou une tranche de vie. La survivance du héros
antique se manifeste cependant sous des formes nouvelles, dans la paralittérature notamment.
 L'espace
Tout récit s'ancre dans un espace, réel ou imaginaire. Cet espace a essentiellement deux fonctions : donner
l'illusion de la réalité et caractériser un personnage ou une situation sociale. [cf. Textes p41 à 43 du syllabus]
Textes : la description de la pension Vauquer dans Le Père Goriot de Balzac / la Cour des Miracles dans Notre-Dame de
Paris de Victor Hugo

 La description
La description peut être considérée comme un type de séquence textuelle, ordinairement insérée dans une
séquence narrative. Très souvent, elle correspond à un arrêt dans le récit, elle suspend le déroulement du
temps et donne à voir des lieux, des objets, des personnages.
Elle sert à faire percevoir au lecteur le cadre ou des éléments du cadre dans lequel se déroule une action.
Elle peut faire comprendre une situation historique, un milieu social, un paysage ou une atmosphère. Elle
peut contenir un jugement implicite sur ce qui est décrit ou des indices de l'état d'esprit du narrateur.
[cf. Textes « Claudine à l'école », Colette ; « La bête à Maît' Belhomme », Maupassant ; « L'Education
sentimentale », G. Flaubert p. 44 à 46 du syllabus]

Pour en finir avec le récit


– Trois significations15 pour un même terme :
a) énoncé narratif : le récit est un type de discours, totalement ou partiellement confondu avec
l'œuvre, qui se fixe pour but de raconter en écartant tout ce qui ne relève pas du narratif ;

14 Ce qui pousse le héros à agir


15 Référence : G. Genette, « Discours du récit », dans Figures III, Paris, Seuil, 1972

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b) une série d'évènements, d'épisodes réels ou fictifs considérés indépendamment de toute


référence esthétique : le récit d'un fait divers dans la presse, ou un récit de voyage entrent dans
cette catégorie ;
c) un acte, celui d'un narrateur qui raconte un ou plusieurs évènements.
Selon Genette, récit désigne l'énoncé, histoire le contenu narratif et narration l'acte narratif producteur.
– Trois composantes fondamentales :
a) une histoire : un ou des évènements sont restitués et représentés ; cette représentation concerne
des êtres vivants (les personnages) qui évoluent dans un espace et un temps particuliers (cadre
spatio-temporel), en fonction de modes d'être et de pensée (les mœurs) ;
b) une forme : les évènements narrés le sont au moyen d'un code, le langage écrit ou oral (la
littérature se limite à la prise en compte de l'écrit) grâce auquel l'énoncé narratif se transforme en
texte soumis lui-même aux exigences et aux lois de la stylistique ;
c) un sens : derrière les faits racontés se cache une intention de l'auteur, une volonté de donner à
comprendre, à interpréter. Des indices porteurs d'une charge sémantique et donc indépendants du
contenu narratif ou des modes de narration tissent un réseau signifiant : ce ont les motifs, les
thèmes, les topoi, plus ou moins apparents selon l'œuvre, parfois explicitement signalés par l'auteur
(par la teneur du paratexte : titre, préface, notes, intrusion dans le récit), parfois dissimulés dans la
trame du texte sous forme symbolique ou métaphorique.
– Etudié par les travaux de la narratologie qui dégage quelques notions clés :
* l'énonciation : de l'auteur, dont le nom est écrit sur la couverture du livre, on distingue le narrateur,
instance chargée de raconter l'histoire, sauf dans le cas de l'autobiographie où auteur et narrateur
sont confondus ;
* la nature du récit : on distingue la fiction (monde inventé du récit) de la narration (code choisi pour
traduire cette fiction)
* le rôle des personnages dont on a isolé un certain nombre de fonctions : ces forces agissantes
sont appelées actants et réparties en trois couples (objet/sujet, destinateur/destinataire,
adjuvant/opposant) dans l'analyse actancielle de Greimas (dans Sémantique structurale, 1966)
* le système narratif : les fonctions des personnages dénombrées par Propp (dans Morphologie du
conte)
* les modes du récit : trois possibilités = la focalisation zéro quand le narrateur est omniscient ; la
focalisation interne quand le narrateur raconte à travers ce que voit et ce que sait le personnage ; la
focalisation externe quand le récit est fait par un narrateur qui en sait moins que ses personnages.
Le roman
1. Origines et évolution
Le roman, forme littéraire dominante aujourd'hui, est un genre récent. Son origine est à rechercher du côté
de l'épopée, qui désigne un long poème où le merveilleux se mêle au vrai, la légende à l'histoire dans le but
de célébrer un héros ou un grand fait. L'Iliade et l'Odyssée d'Homère sont des épopées antiques.
Au Moyen Age, en France, les épopées sont désignées par le terme chansons de geste, poèmes narratifs
chantés, écrits en langue romane, transmise oralement par les poètes et racontant les exploits guerriers (la
geste vient du latin gesta, les exploits) de héros des temps passés, ou les croisades et la vie des grands
barrons. La plus célèbre est la Chanson de Roland (vers 1098) qui conte le retour de Charlemagne
victorieux après une expédition militaire de sept ans contre les Sarrazins et l'attaque de son arrière-garde,

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commandée par son neveu Roland, à Roncevaux suite à la trahison de Ganelon, un proche de l'empereur.

Le mot « roman » apparaît au Moyen Age pour désigner un choix linguistique : la lingua romana (le roman)
désigne la langue parlée, « vulgaire » (du latin vulgus, le peuple), par opposition à la lingua latina, langue
savante et recherchée dans laquelle sont écrites les œuvres sacrées. Le roman est d'abord un mode
d'expression, un « parler » (qui se retrouve dans les langues dites « romanes) avant d'être un type d'œuvre.
Et ce mode d'expression est d'un registre inférieur, populaire, comme l'œuvre qu'il désigne, elle-même d'un
niveau subalterne, car soit traduite ou adaptée du latin, soit écrite dans une langue non noble, héritage
dévalorisant dont le roman souffrira jusqu'à l'époque des Lumières.

L'apparition de la prose au 12e siècle dans le roman dit courtois, parce qu'il est lié à la courtoisie, un art de
vivre fondé sur la politesse, le raffinement, la loyauté et associé à la vie de cour autour de grands seigneurs,
dans le Sud d'abord, en île de France et en Normandie ensuite. Parmi les romans courtois les plus célèbres
figurent le Tristan et Yseut de Thomas (v. 1172) et de Béroul (v. 1181), les œuvres de Chrétien de Troyes
(Lancelot ou le chevalier à la charrette (v. 1179), Yvain ou le chevalier au lion (v. 1179), Perceval ou le roman
du Graal (v.1181)) et le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (v. 1200), terminé par Jean de Meung (v.
1275).

A la même époque apparaît une littérature satirique, qui parodie la chanson de geste comme le roman
courtois et contient de violentes attaques contre les autorités religieuses et politiques. Le Roman de renard
(anonyme v. 1170) illustre cette tendance, tout comme les fabliaux, brefs contes dont la grossièreté produit
des effets comiques.
Le roman en prose fonde progressivement une rhétorique nouvelle d'où procédera le roman moderne :
recours à des situations quotidiennes, souci de la vraisemblance, priorité de l'individuel sur le collectif,
rapidité de la narration, goût de l'amplification. Ce glissement vers un mode de représentation plus
contemporain et plus intime amorce la construction d'une forme autonome.
L'apparition, vers le début du 17e siècle, de constructions romanesques comme L'Astrée (1607 – 1627)
d'Honoré d'Urfé, le Roman comique (1651) de Scarron, Clélie (1664) de Mlle de Scudéry et La Princesse de
Clèves (1678) de Mme de La Fayette, marque l'élargissement du genre qui connaîtra son plein
épanouissement au siècle suivant, avant son développement hégémonique au 19 e siècle.

2. Définition
Il est presque impossible de donner une définition du roman dans la variété de ses formes est infinie. Il
convient de s'en tenir à quelques grands principes qui font office de définition : le roman est un texte de
prose narrative littéraire, plutôt long et qui met en scène des personnages assez complexes et présente des
évènements fictifs.
On peut, en effet, admettre que le roman se reconnaît à cinq points précis :
– une écriture en prose ;
– le lieu de la fiction, même si de nombreux romans mêlent le réel et le fictif ;
– l'illusion de la réalité, puisque le roman, depuis le 18 e siècle, souhaite reproduire le monde réel et
des évènements plausibles, même si la fantasy, par exemple, ne respecte pas ce critère ;
– l'introduction de personnages, même si le nouveau roman (années 50) souhaite proclamer la « mort
du personnage » ;

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– la description qui s'est progressivement imposée comme moyen d'authentifier le récit et de l'embellir.
Force est de constater que le roman est un genre hétérogène dont la plasticité pourrait expliquer son
succès.
Si l'on veut étudier la variété des romans et esquisser une typologie romanesque, il est préférable de
regrouper les romans autour de trois critères :
➢ le contexte de l'intrigue (cadre géographique et historique) : roman pastoral, régionaliste, exotique...
➢ l'action (sujet de l'action, nature des évènements, condition sociale des personnages) : roman
d'aventures, policier, d'espionnage, noir...
➢ la technique narrative (principes d'écriture ou de composition, esthétique d'école ou de
mouvement) : roman autobiographique, épistolaire...
Il apparaît que les cloisons entre les catégories sont fragiles, ce qui explique la difficulté de détailler chacun
de ces sous-genres romanesques. Voici les plus importants.
• Roman picaresque : venu d'Espagne, ce roman met en scène un picaro, jeune homme pauvre et
rusé, lancé dans des aventures aux nombreux rebondissements.
(Ex : Gil Blas de Santilane de Lesage (1724))

• Roman par lettres (ou épistolaire) : des lettres, partiellement ou entièrement fictives, sont utilisées
comme véhicule de narration. Ce genre connaît un grand succès entre la fin du 18 e siècle et le
romantisme.
(Ex : La Nouvelle Héloïse de Rousseau (1761) – Les liaisons dangereuses de Ch. de Laclos (1782))

• Roman de formation (ou d'éducation) : récit de l'apprentissage, de la transformation d'un jeune


homme. Modèle qui domine au 19e siècle avec par exemple, les Illusions perdues de Balzac ou
l'Education sentimentale de Flaubert.

• Roman historique : il s'inspire de faits historiques auxquels il greffe des évènements fictifs. Le 19e
siècle se fait une spécialité du genre : Walter Scott avec Ivanhoé, Quentin Durward – Alexandre
Dumas avec Les trois mousquetaires – Victor Hugo avec Notre-Dame de Paris...
L'époque contemporaine exploite beaucoup ce modèle, dans une perspective ambitieuse (Ex.
Marguerite Duras – l'Oeuvre au noir) ou populaire (ex. Christian Jacq et ses romans situés dans
l'Egypte antique).

• Roman-fleuve (ou cyclique) : sur le modèle de la grande construction de Zola, les Rougon-Macquart,
apparaît au 20e siècle un roman en plusieurs volumes, qui embrasse plusieurs générations, réunit
de nombreux évènements centrés souvent autour d'une famille, et qui se poursuit de livre en livre.
(Ex. Les Thibault de Roger-Martin du Gard ; La Chronique des Pasquier de Georges Duhamel)
• Roman autobiographique : à la différence de l'autobiographie, le roman autobiographique ne
confond pas auteur et personnage ; le narrateur puise dans sa propre vie des éléments pour nourrir
son récit.
(Ex. Colette dans la série des Claudine)
• Nouveau roman : il s'agit autant d'une école que d'un modèle narratif né vers la fin des années 50. le
nouveau roman, en rupture avec le réalisme et l'humanisme littéraires, fait du récit une recherche et
de l'écriture « une aventure ». Les noms importants sont Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet,
Claude Simon.
On pourrait multiplier à l'infini les listes des sous-genres créés à partir de parentés thématiques et qui

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évoluent au fil des modes : roman érotique, roman-feuilleton, roman sentimental, roman noir, roman de
mœurs, roman policier, etc.
3. Le roman des origines
Les différences entre chanson et geste et roman tiennent essentiellement aux fonctions sociales que ces
genres remplissent : la chanson de geste raconte une histoire collective, le roman, une aventure
individuelle ; la chanson de geste procède de la mémoire, le roman, de la fiction ; la chanson de geste est
chantée devant un public mélangé, le roman, « conté » devant un public plus limité.
L'évolution de la chanson de geste au roman résulterait d'une crise dans l'histoire des sociétés
européennes : le passage d'un monde clos (la société féodale) à un monde ouvert à la pluralité des langues
et des cultures.
Les romans du Moyen Age qui nous sont parvenus ne sont le plus souvent que des reconstitutions faites au
19e ou au 20e siècle, ce qui explique que l'on trouve souvent plusieurs éditions d'un même roman. Les titres
sont aussi des ajouts contemporains, le Moyen Age, où dominait la culture orale, les ignorait, comme il
ignorait les notions d'« auteur », de « propriété littéraire », d'« originalité ». En outre, les textes que nous
lisons aujourd'hui sont des reconstitutions faites à partir de manuscrits différents des 12 e et 13e siècles, le
plus souvent fragmentaires. Il a fallu reconstruire ces parties en s'aidant d'autres romans de l'époque.
A la manière des romanciers du Moyen Age, qui reprenaient des motifs narratifs, le Gargantua de François
Rabelais s'inspire de légendes populaires. Les cinq livres constituent, en quelque sorte, une série où l'on
retrouve le même héros.
Le prologue de ce livre indique que la « révolution du livre » a eu lieu :
« Amis lecteurs, qui ce livre lisez,
Dépouillez-vous de toute affection,
Et, le lisant, ne vous scandalisez (...) »
Désormais, le livre est destiné à une lecture silencieuse et non plus à une récitation publique.
Le titre du premier chapitre (« De la généalogie et antiquité de Gargantua ») fait remonter l'histoire « au
commencement du monde », ce qui prouve qu'à la Renaissance comme au Moyen Age, le roman est encore
proche de la légende.
4. De la légende à l'histoire
Un des romans qui, pour la première fois, s'ancre dans l'histoire, est La Princesse de Clèves écrit par Mme
de La Fayette et est publié sans nom d'auteur en 1678. Son originalité réside dans l'époque à laquelle se
déroule l'histoire : le règne d'Henri II (1547-1559), soit cent vingt ans plus tôt. De nombreux personnages
sont d'ailleurs des personnages historiques : Henri II, sa maîtresse Diane de Poitiers, la reine Catherine de
Médicis, Marie Stuart, reine d'Ecosse, ainsi que des grands seigneurs. A ces personnages bien réels, s'en
ajoutent d'autres, fictifs : le prince de Clèves, mademoiselle de Chartres, le duc de Nemours...
En dépit de cette caractéristique, le roman de Mme de La Fayette comporte encore quelques aspects
« merveilleux » perceptibles notamment dans la description d'une époque présentée comme une sorte d'âge
d'or.
5. Roman et réalisme
La fin du 18e siècle voit naître le roman réaliste moderne en Angleterre. Les traits généraux des romans de
Daniel Defoe, Robinson Crusoë, de Samuel Richardson, Clarisse Harlowe, de Henri Fielding, Histoire de
Tom Jones, enfant retrouvé, imitent la réalité. Ce nouveau réalisme résulte d'un changement de point de vue
sur cette réalité : ces auteurs s'efforcent de rendre fidèlement l'expérience humaine en refusant tout modèle

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antérieur, toute convention formelle, toute intrigue traditionnelle tirée de la mythologie ou de la légende. Les
protagonistes sont de ce fait des personnages particuliers, placé dans des circonstances particulières, et
non des types humains. Ils possèdent des noms propres, et non emblématiques (comme Gargantua, par
exemple).
Les romans épistolaires recourent à l'artifice de la lettre pour fournir aux lecteurs une garantie d'authenticité
et traduire leur défiance à l'égard de l'invraisemblable et du « romanesque ». c'est le cas pour Julie ou la
Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau.
Le roman de Benjamin Constant, Adolphe, marque, quant à lui un tournant dans l'histoire du genre
romanesque par l'usage de la première personne et le dépouillement extrême de l'intrigue (deux
personnages, peu de péripéties, concentration sur la crise).
6. Le triomphe du roman
Le 19e siècle peut-être considéré comme l'âge d'or du roman. C'est en 1855 qu'on peut situer la naissance
d'un courant réaliste en art. Ce courant a pour but de reproduire la réalité le plus fidèlement possible.
Mais Stendhal (pseudonyme d'Henri Beyle) et Honoré de Balzac avaient déjà engagé le roman sur une voie
identique en privilégiant l'observation des faits.
Le Rouge et le Noir, qui porte un sous-titre éloquent : Chronique de 1830, manifeste une volonté d'objectivité
historique. Conformément à l'esthétique réaliste, les débuts de romans de ces deux écrivains donnent
souvent des indications chronologiques précises sur l'ancrage fictionnel.
Les prétentions du roman réaliste s'affirment avec les frères Jules et Edmond de Goncourt dont le roman
Germinie Lacerteux constitue un tournant puisque le peuple des quartiers populaires et des banlieues
sordides entrent dans le roman. A la différence des Misérables de V. Hugo où l'évocation des faubourgs de
Paris se limitait à la relation des agissements de criminels, les frères Goncourt mettent en scène des
ouvriers, emploient le parler parisien et analysent cliniquement la maladie de l'héroïne atteinte d'hystérie. [cf
syllabus p. 53 à 60 : textes à analyser pour l'examen : Stendhal, Balzac, Zola]

La poésie
1. Aux origines
Le mot « poésie » vient du grec poiein, « faire », « créer » au sens le plus large du thème.
Étymologiquement, la poésie est donc la création par excellence.
Dans l'Antiquité, la poésie était liée aux Muses, filles de Zeus et de Mnémosyne (la Mémoire), et le poète
cherchait auprès d'elles la grâce divine de l'inspiration. Au nombre de neuf, chacune des Muses avait une
attribution précise :
• Calliope, la poésie épique ;
• Clio, l'histoire ;

• Polymnie, la pantomime16 et la poésie lyrique ;

• Euterpe, le dithyrambe17 ;

16 La pantomime est un spectacle généralement accompagné de musique, basé sur le moyen d'expression de l'art du mime.
Contrairement au ballet qui peut être abstrait et ne faire appel qu'aux figures de la danse pure, la pantomime est obligatoirement
narrative.
17 Le dithyrambe est un hymne religieux chanté par un chœur d’hommes accompagné d'un aulos (hautbois double) et d'une danse
représentant à l'origine l'emprise de Dionysos sur les hommes. Même si des dithyrambes ont été adressés à d'autres divinités
grecques, il s'agit avant tout d'un chant à Dionysos, dont l'une des épiclèses est Dithyrambos.

Par extension, un dithyrambe désigne aujourd'hui une louange enthousiaste, et le plus souvent excessive.

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• Terpsychore, la poésie légère et la danse ;


• Erato, la lyrique chorale ;
• Melpomène, la tragédie ;
• Thalie, la comédie ;
• Uranie, l'astronomie.
La tradition prêtait aux Muses deux domiciles distincts. Pour les uns, elles résidaient au Nord, en Thrace, et
étaient liées à Dionysos, dieu du vin et du délire créateur. Placée sous son signe, la poésie est possession,
délire mystique.
Pour d'autres, les muses séjournaient en Béotie, au sommet du mont Hélicon, puis sur le mont Parnasse,
au-dessus de Delphes, et dépendaient d'Apollon, dieu du soleil, de la lumière, de la beauté, de la musique et
de la divination. Placées sous son signe, la poésie ambitionne de percer le secret des choses.
La poésie antique se plaçait également sous le signe d'Orphée, poète et musicien, fils de la muse Calliope et
d'Apollon. Il savait si bien chanter en s'accompagnant de la lyre ou de la cithare, que les bêtes fauves
l'écoutaient et que les arbres s'inclinaient vers lui pour mieux l'entendre.
Orphée aimait Eurydice, mais un serpent la piqua et elle mourut. Désespéré, Orphée descendit aux Enfers,
charma de son chant le dieu Hadès, et obtint de lui le pouvoir de ramener Eurydice à la vie, à condition de
ne pas se retourner pour la voir avant d'être sorti des Enfers. Hélas, Orphée ne put résister et perdit
Eurydice à tout jamais. Éperdu de chagrin, il erra dans les bois, jouant pour les rochers, les arbres et les
rivières. Enfin, une bande de femmes qui accompagnaient le dieu Dionysos, croisèrent le musicien et le
tuèrent. Après qu'elles eurent jeté sa tête dans le fleuve Hébros, celle-ci continua à appeler Eurydice et
arriva sur les côtes de Lesbos où les Muses l'enterrèrent. Sa lyre fut transformée par les dieux en
constellation. Placée sous le signe d'Orphée, la poésie est essentiellement lyrique, liée à l'expression
personnelle et aux chagrins.
2. Le Moyen Age
Au Moyen Age, l'opposition entre poésie et prose n'existe pas. Essentiellement orale, la littérature médiévale
a longtemps privilégié les formes versifiées, notamment pour des raisons mnémotechniques. Elle tend donc
à se confondre avec la poésie qui se subdivise en différents genres.
Avec la diffusion de l'écrit, la prose enlève à la poésie des pans entiers de la littérature (textes narratifs,
théâtraux...), l'obligeant à se spécialiser, notamment dans l'expression des sentiments personnels (le
« lyrisme »).
Nous distinguerons trois grandes étapes : aux 11e et 12e siècles, la poésie est surtout narrative (les
chansons de geste) si l'on excepte la civilisation du Midi et ses troubadours ; au 13e siècle, les différents
genres coexistent (poésie lyrique et courtoisie, tendance plus réaliste avec Rutebeuf et allégorie avec le
Roman de la Rose) ; aux 14e et 15e siècles, la production poétique souffre des graves difficultés politiques,
sociales et économiques (guerre de Cent Ans (1337-1453), grande peste de 1348,etc.).

 La chanson de geste
Dès le 11e siècle, les chansons de geste (« gesta », en latin, signifie « acte accompli ») racontent les exploits
devenus légendaires de personnages pour la plupart historiques. L'idéal de la société féodale
contemporaine est mis en scène : respect des engagements féodaux entre suzerain et vassal, morale
chevaleresque, qualités guerrières au service de la foi. Le chevalier obéit à un code d'honneur très exigeant,
il est toujours fidèle à son seigneur. L'Eglise essaie de détourner vers la Croisade l'énergie violente de ces

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hommes passionnés de combats et les chansons de geste racontent ces guerres saintes contre les infidèles
(Voir La Chanson de Roland).

 La courtoisie
Dans le sud de la France, à partir du 11e siècle, la société féodale ajoute une nouvelle valeur à l'idéal
chevaleresque : le service d'amour, qui met les préoccupations amoureuses au centre de la vie. Pour plaire
à sa dame, le chevalier doit maîtriser son désir, mériter son amour à travers une dure discipline. Cet idéal est
celui des gens de cour, d'où le mot « courtoisie ».
Les troubadours, qui sont d'origine et de statut social très divers, répandent cette nouvelle conception qui
gagne progressivement le Nord de la France où les poètes s'appellent les trouvères.
L'idéal courtois a marqué durablement notre conception de la femme et des relations que l'homme entretient
avec elle. (Lire Denis de Rougemont, L'amour et l'Occident).
Au nord, la poésie lyrique prend aussi la forme particulière de la « chanson de toile », dont le nom provient
sûrement de l'activité principale de ses personnages féminins ou de celle à laquelle se livraient les femmes
en la chantant. L'amour dont on y parle est plus proche de l'élan spontané des jeunes filles que de la
fin'amor des troubadours avec laquelle la chanson de toile n'a aucun lien. Se développe aussi la chanson
d'aube qui traduit le regret de la séparation des amants lorsque le jour se lève.
La thématique courtoise imprègne peu à peu le roman, notamment Tristan et Yseult et le Roman de la Rose.
 La poésie lyrique du 13e au 15e siècle
Le lyrisme courtois et aristocratique ne convient pas à la bourgeoisie qui s'intéresse davantage à un
nouveau courant poétique, caractérisé par la verve satirique et réaliste. Parmi les « jongleurs » de la société
bourgeoise, les plus connus sont Jean Bodel, Adam de la Halle et surtout Rutebeuf dont les poèmes
ressemblent à une autobiographie poétique.
Le 14e siècle est une période de crise politique, économique et sociale qu'accentuent les catastrophes
naturelles, les famines et les épidémies. À cette époque, la poésie marque la rupture entre le texte et la
musique comme le montre l'œuvre de Guillaume de Machaut. Pour compenser peut-être ce déficit musical,
les poèmes à forme fixe qui apparaissent présentent souvent un refrain et donnent un vers d'une certaine
musicalité : rondeau, ballade, lai et virelai. François Villon illustre notamment ce nouvel art poétique.
À la fin du 15e siècle, certains poètes de cour se laissent tenter par la virtuosité formelle en travaillant les
jeux de mots et les figures poétiques. La poésie ressemble à un jeu formel mis au service de la louange des
princes ou des protecteurs.
3. La Renaissance
Vers 1550, la poésie connaît un essor considérable en France. Savante, coulée dans des formes complexes
parmi lesquelles le sonnet, elle manifeste aussi la volonté de défendre et d'illustrer la langue française,
devenue langue officielle en 1539 par l'Ordonnance de Villers-Cotterêts, qui impose le français dans tous les
actes administratifs et juridiques à la place du latin. C'est une poésie légère qui appelle à l'amour et à ses
plaisirs.
En 1549, paraît la Défense et illustration de la langue française de Joachim Du Bellay qui expose les idées
essentielles de la nouvelle école poétique, appelée la Pléiade. La défense de la langue française passe par
la démonstration qu'elle permet d'exprimer les idées et les sentiments aussi bien que le latin, qui reste à
l'époque la langue des savants et est considérée comme universelle. L'illustration de la langue française
consiste notamment à l'enrichir par l'accroissement du nombre de mots, soit par des emprunts aux dialectes

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provinciaux, aux langages techniques de l'agriculture, de la marine, etc ; soit en forgeant des mots nouveaux
(mots composés, mots formés par dérivation, mots empruntés au grec et au latin). Il faut également
démarquer le langage poétique de la langue courante, notamment en utilisant des figures de rhétorique
(comparaison, métaphore, hyperbole, allégorie...), en recourant à la mythologie et à l'histoire.
Du Bellay recommande l'imitation des auteurs de l'Antiquité afin de donner à la langue française une grande
littérature. Il renie les formes poétiques médiévales et privilégie les formes antiques (ode, élégie, hymne...)
ou des formes nouvelles comme le sonnet.
Pierre de Ronsard illustre cette nouvelle conception de la poésie dans ses Odes (1550).
4. Baroque et classicisme
De la fin du 16e siècle au milieu du 17e, se développe un courant de sensibilité nouvelle qui connaît son
apogée entre 1620 et 1640 : le baroque.
La poésie baroque se caractérise par quelques thématiques : la métamorphose (images d'eaux qui coulent,
de miroirs, de vents, de nuages...) ; l'illusion, d'où le goût de l'époque pour le théâtre où se déploient les
mirages du faux-semblant, du trompe-l'œil, du déguisement et l'outrance, la profusion (d'où l'emploi récurrent
de figures de style comme l'hyperbole, l'oxymore, l'accumulation, etc.). En France, ce courant est représenté
par des poètes comme Théophile de Viau, Saint-Amant, Jean de Sponde.
Mais dès le début du 17e siècle, des poètes réunis autour de François Malherbe travaillent à discipliner.
Refusant le lyrisme et les transes de l'inspiration, Malherbe estime qu'écrire est une question de technique,
un métier et que le poète a besoin d'une langue impeccable pour y parvenir. Malherbe va donc s'employer à
réformer la langue française, notamment en la débarrassant des provincialismes, des archaïsmes et en la
rendant d'une clarté totale. Son influence s'exercera sur Nicolas Boileau lorsqu'il écrira son Art Poétique en
1674, dont une des maximes les plus célèbres est : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. »
5. Le siècle des Lumières
Ce siècle s'intéresse peu à la poésie, même si un certain renouveau se manifeste à travers l'œuvre d'André
Chenier (1762-1794) par exemple, dont la sensibilité privilégie l'imagination, le rêve, le sentiment de la
nature, la nostalgie du passé, annonçant par là le romantisme.
6. Le 19e siècle
Ce siècle a profondément transformé le langage poétique.
Victor Hugo bouscule toutes les traditions classiques : il recommande l'enjambement, l'atténuation de la
césure médiane de l'alexandrin, la souplesse dans le choix des rimes et la liberté pour le choix du
vocabulaire. Charles Baudelaire s'en prend à l'opposition vers/prose et invente le poème en prose, ouvrant
ainsi l'ère de la poésie moderne.
Les recherches des symbolistes les conduisent à assouplir le vers traditionnel : le règne de l'alexandrin
prend fin avec l'apparition du vers libre.
La plupart des poètes du 19e siècle se réfèrent à cette nouvelle esthétique, qui va dans le sens d'une
libération maximale des contraintes. Ils remettent en question les dogmes classiques.
7. La poésie contemporaine
La singularité des itinéraires des poètes contemporains est telle qu'elle rend très difficile toute tentative de
classification ou de regroupement. Désormais, la poésie adopte une grande variété de formes et de
démarches, qui témoignent de son souci de ne pas se laisser enfermer dans des cadres préétablis.
Ce pendant, elle est peu lue et se vend mal. Peut-être à cause de l'évolution du monde et des mentalités qui
amène les gens à se tourner vers des genres plus accessibles, plus pragmatiques. Peut-être en raison

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même de sa diversité qui la rend difficile à cerner.


8. Le poète
Dans l'Antiquité, le poète (ou aède) communique avec le monde divin : il reçoit son inspiration des Muses,
son langage est celui des dieux, sa parole est sacrée. Cette conception se retrouve à la Renaissance, chez
Du Bellay et Ronsard qui parlent de l'« enthousiasme » poétique, en calquant le mot français sur un mot
grec « enthousiasmos » qui désigne le délire sacré saisissant l'interprète de la divinité. L'enthousiasme
poétique suggère la présence du dieu dans le poème et entretient le sentiment d'une proximité entre le
poète et le prophète, entre la poésie et le sacré. Ces idées sont à l'origine de la conception élitiste qui fait de
la poésie une activité réservée à une aristocratie de l'esprit, et du poète, un être supérieur, doué de pouvoirs
quasi surnaturels.
Au 19e siècle, les figures du poète se diversifient.
Chez les romantiques, il est un être voué à la souffrance et au malheur (cf. Musset) ou un mage, un
prophète, voire l'interprète et l'inspirateur du monde moderne (cf. Hugo).
Dans la seconde moitié du siècle, le poète revendique sa différence, avant de se retourner contre la société,
les hommes et Dieu. Ce changement de perception s'explique par l'échec de la révolution de 1848 et les
désillusions qu'elle a engendrées parmi les écrivains. Déçus par l'action politique, ceux-ci se coupent du
peuple et de la bourgeoisie et se replient sur eux-mêmes pour se consacrer exclusivement à leur art.
Cette réaction se produit au moment où s'achève le processus d'institutionnalisation de la littérature, amorcé
à l'époque romantique.
Le champ littéraire acquiert une relative autonomie dans le champ social et se clive en deux sphères de
production aux logiques de fonctionnement et aux valeurs inverses : la sphère de grande production
obéissant à une logique essentiellement économique et une sphère de production restreinte où domine la
dénégation de l'économique et la recherche d'un capital symbolique.
La poésie traverse une crise grave, encore aggravée par le développement de la presse écrite. Pour éviter la
contamination, les poètes se replient sur eux-mêmes, la poésie cesse de porter un message sur l'homme et
le monde, et devient une activité gratuite, mais difficile et ingrate. C'est la conception de l' « art pour l'art »
chère aux Parnassiens, ces poètes à la recherche d'une poésie à la perfection formelle absolue et réservée
à une élite.
Avec Baudelaire et, à sa suite, les poètes « maudits » (Verlaine, Lautréamont..), le poète devient un révolté,
un rebelle. Le dandysme, l'alcool, la drogue, la débauche peuvent se comprendre comme les signes d'une
marginalité vécue douloureusement mais revendiquée bien haut.
Rimbaud impose la figure du poète « voyant ». [cf. Texte p66 du syllabus]
Avec Mallarmé, l'écriture elle-même devient un objet d'interrogation : qu'est-ce qu'écrire ? La poésie cesse
d'être un moyen d'action sociale ou d'expression lyrique pour devenir une expérimentation sur le langage. La
langue se fait opaque, la syntaxe alambiquée, les mots précieux. À une poésie fondée sur l'expression du
moi, lisible, succède une poésie « pure », qui cherche à se démarquer du discours social et de rend
hermétique.
Au 20e siècle, la figure du poète-voyant est reprise par les Surréalistes, notamment par André Breton.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux poètes entrent en clandestinité et utilisent l'arme
poétique au service de la résistance. Parmi eux, Louis Aragon, Paul Eluard, Francis Ponge ou René Char.
Certains le paieront de leur vie comme Robert Desnos mort dans un camp de concentration en
Tchécoslovaquie.

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Français II : Histoire littéraire : synthèse

La littérature et l'auteur
1. Auteur et/ou écrivain
L'auteur d'un texte est celui qui l'a écrit. Cette notion d' « auteur » a une valeur juridique et concerne les
rapports de propriété et les droits d'auteur. Etymologiquement, le mot vient du latin « auctor », issu du verbe
« augeo » (accroître, augmenter), ou d' « auctoritas » (droit de possession, garantie, autorité). L'auteur
est donc quelqu'un qui prolonge une tradition qu'il contribue à enrichir, qui apporte quelque chose de plus
dans la culture.
Le terme « écrivain » vient du latin « scribanus » (celui qui écrit) et il a, au départ, une acceptation large
puisqu'il désigne quiconque écrit, y compris le scribe et l'écrivain public. Ce n'est qu'à partir du 17 e siècle
qu'il désigne l'auteur d'une œuvre littéraire.
Notons que l'auteur n'est pas indispensable à la littérature. Les contes populaires sont des œuvres sans
auteur qui ont été transcrites (cf. Perrault ou les frères Grimm). En dehors de l'aire occidentale, les
gigantesques épopées du Mahâbhârata et du Râmâyana, qui sont à l'origine des traditions indiennes et
sanskrites, n'ont pas un auteur mais « des » auteurs multiples.
2. Quelques mots sur l'histoire de la notion d' « auteur »
La problématique de l'auteur apparaît comme un phénomène distinctif de l'Occident européen. Ses
premières mentions, visibles dans l'Antiquité grecque et romaine, sont liées à une ébauche de
professionnalisation rendue possible par le mécénat des nobles et les concours théâtraux en Grèce.
Cependant, même les plus illustres créateurs individualisés, d'Eschyle à Virgile, de Socrate à Séneque
restent tributaire des instances politico-religieuses.
Cette situation persiste, pour l'essentiel, jusqu'au Moyen Age : la notion d' « auteur » n'existe pas.
L'anonymat est la règle et, lorsqu'un nom apparaît, soit il ne renvoie pas à un individu que l'on peut
reconnaître avec certitude (par exemple, on ne sait pas qui était réellement Chrétien de Troyes), soit on
hésite entre auteur, récitant et copiste (par exemple, on ignore qui est « Thuroldus » qui signe le manuscrit
d'Oxford de la Chanson de Roland).
L'apparition de l'imprimerie contribue à fixer une nouvelle définition de la notion d' « auteur ». Le nom de
l'auteur commence à figurer sur la page de garde à proximité du titre. Ronsard est le premier à voir l'édition
complète de son œuvre ornée de son portrait qui garantit l'authenticité de l'œuvre.
L'entrée dans l'ère du livre imprimé a des effets importants.
Des formes de contrôle social apparaissent : si le nom de l'auteur garantit l'œuvre qu'il donne, la loi doit
garantir ce rapport du nom et de l'œuvre. Au départ, il s'agit moins de protéger l'auteur et ses droits, que de
le responsabiliser en lui imputant la responsabilité juridique de ses écrits. La pratique fréquente de
l'anonymat ou du pseudonymat ne s'explique pas autrement : les Provinciales de Pascal paraissent en
feuillets anonymes en 1656, puis sous un pseudonyme.
La figure moderne de l'auteur émerge progressivement au cours du 17 e siècle, qui voit la naissance de
l'écrivain. En quelques décennies, le terme « écrivain » rejoint celui d' « auteur » dans l'ordre des titres de
dignité, puis le dépasse. « Ecrivain » désigne celui qui écrit avec art, et se distingue ainsi d' « auteur », plus
général. Si la plupart des écrivains vivent difficilement de leur plume, certains touchent des pensions dans le
cadre du mécénat ou profitent des avantages du clientélisme. Leur prestige est lié au fait qu'ils fournissent
des spectacles aux Grands tout en diffusant des idées pour le grand public. Ils sont aussi ceux qui
établissent les normes de la langue : l'Académie française, fondée en 1634, est une assemblée de gens qui
« écrivent bien ».

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Au 18e siècle, avec le développement du marché du livre, se met en place un statut juridique des auteurs.
Une règlementation des conditions d'acquisition de la quantité d'auteur et des droits qui en découlent se
développe. Les auteurs obtiennent des droits moraux, une certaine protection contre le plagiat et le droit de
modifier un texte déjà publié.
La propriété des auteurs sur leurs écrits est reconnue, et devient foi à la fin du 18 e siècle. Pour défendre
leurs droits financiers, ils s'organisent en associations professionnelles, dont la plus ancienne est la Société
des Auteurs et Compositeurs dramatiques, fondée en 1777 à l'instigation de Pierre de Beaumarchais. Cette
reconnaissance du droit d'auteur (qui rétribue l'auteur à proportion des ventes de ses œuvres) change
profondément le rapport de l'auteur à la société. Après la Révolution, le déclin de l'autorité religieuse induit
un transfert sur l'art littéraire du rôle de référence idéologique collective, annonçant le mythe de l'auteur-
génie, du poète-créateur cher aux Romantiques.
Le 19e siècle valorise la singularité de l'auteur qui n'est pas celui qui écrit mieux que les autres, mais celui
qui écrit d'une manière radicalement autre. Son « style » ne tire plus sa valeur de sa conformité à l'idéal
classique, mais de son caractère unique. La notion d' « auteur » se double alors de celle de « style ».
Les développements technologiques de la fin du 20 e siècle et début du 21e siècle ont profondément remis en
cause la notion d' « auteur » et l'autorité qui l'entourait. Ainsi, les écrivains qui présentent leur œuvres sur
leur site web sont-ils encore des auteurs ?
Par ailleurs, l'immédiateté de l'édition électronique, qui permet la publication de livres numériques à une
vitesse accélérée, accroît le risque d'erreurs de toutes natures (erreurs de ponctuation, d'orthographe,
coquilles, vers omis...), tout en rendant inutiles la philologie et l'édition critique.
Les formes d'écriture aussi changent avec l'électronique qui permet aux auteurs de créer des livres
numériques jamais achevés, que ce soient les leurs ou ceux des auteurs du passé, de les réviser
indéfiniment en y incluant des notes, des commentaires...
Enfin, le droit d'auteur lui-même devient vulnérable face aux nouvelles technologies qui rendent très facile le
plagiat en toute impunité.

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