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MÉDIATHÈQUE de CHÂTEAUNEUF

Journal
des lecteurs

Mai 2018 N° 37
Sommaire

Summer, de Monica Sabolo .............................................................

Une longue impatience, de Gaëlle Josse ........................................

Un artiste du monde flottant, de Kazuo Ishiguro ..........................

La belle n’a pas sommeil, d’Éric Holder.........................................

Les loyautés, de Delphine de Vigan ................................................

My absolute Darling, de Gabriel Tallent.........................................

Cette lumière que je vois, de Sophie Laguna .................................

Treize façons de voir, de Colum Mc Cann......................................

Patricia, de Geneviève Damas ........................................................

Mécanique du chaos, de Daniel Rondeau.......................................

Mélancolie du déluge, de Patrick Breton ........................................

Sapiens, de Yuval Noah Harari ........................................................

Un océan, deux mers, trois continents, de Wilfried N’Sondé ........

BD : 14-18, par Corbeyran – Le Roux .............................................

Coups de cœur ..............................................................................


Le facteur émotif, de Denis Thériaut
La fiancée du facteur, de Denis Thériaut
Une ardente patience, d’Antonio Skármeta
Les âmes errantes, de Tobie Nathan
Les huit montagnes, de Paolo Cognetti
Le poids de la neige, de Christian Guay-Poliquin
Le massacre des Innocents, de Marc Biancarelli
Édito

“ Pourquoi les écrivains sont-ils ainsi hantés par les tour-


ments du monde ?
Si l’on puise dans l’histoire, on trouve toutes les racines
du mal actuel : Wilfried N’Sondé en revenant sur l’esclavage et l’inquisi-
tion semble nous préparer à démonter les mécaniques du chaos dans
l’actuelle France des banlieues.
Les enfances abîmées par la lâcheté ou la perversion des adultes
comme les décrivent si bien Delphine de Vigan ou Gabriel Tallent dans
son premier roman My absolute Darling nous renvoient le reflet d’une
société aux valeurs qui vacillent.
Mais comment Sapiens est-il devenu ce dangereux prédateur ? Quel
risque pour l’humanité ? Plongez dans le livre de Yuval Noah Harari pour
comprendre cette dérive.
Heureusement, nous vous offrons aussi, à travers ce numéro,
quelques jolis coups de cœur pour vous faire sourire ou vous
émouvoir Le facteur émotif et la fiancée du facteur, La belle n’a pas
sommeil…


Et puis un peu d’espoir parce que tout n’est pas perdu, et il faut s’en
persuader pour offrir un monde meilleur aux enfants de demain, ceux
d’ici et ceux qui viennent d’ailleurs. Lisez les huit montagnes ou Patricia
pour retrouver le chemin de la solidarité et de l’amitié.
Enfin laissez vous emporter par des voix singulières, à la fois contem-
poraines et intemporelles comme celles de Patrick Breton ou de Gaëlle
Josse, vous ne le regretterez pas.

Marie-Claude
Summer
Monica Sabolo
J.-C. Lattès

Pour entrevoir l'incandescence de ce roman, il suffit d'évoquer un chapitre, le


premier. Il n’y aura sans doute, dans quelques années, qu'à le rouvrir au même
endroit, pour ressentir, dans une sorte de déchirure, le cœur vibrer à nouveau.
Au centre, « le lac ». Autour, les rêves obsessionnels d'un frère que la beauté
éblouissante de sa sœur a toujours éclipsé, jusqu'à ce qu'elle disparaisse l'été de ses
19 ans. Que s'est-il passé ?
« La nuit, Summer me parle sous l'eau. Sa bouche est ouverte, palpitante
comme celle des poissons noirs ».
Curieusement, il n’effectue le recours à un psychologue, qu'au moment où il
écrit, 25 ans plus tard, afin de chercher à apaiser ses « sensations de suffocation,
d'étouffement ».
« Dans mes rêves, la surface luit comme un miroir coupant, ou une dalle de
verre. L'eau semble glacée et chaude à la fois. J'ai envie de plonger, d'aller voir ».
Inutile d'en dire plus. On est prêt à accompagner le narrateur vers ce « monde
parallèle » où le mystère de la disparition de sa sœur l'aspire.
Quête poétique, onirique, palpitante, bouleversante…

Nicole

Monica Sabolo : écrivaine francaise, elle a fait ses études en Suisse, lieu d'inspiration de Crans
Montana qui a reçu en 2016 le prix de la SGDL (Société des gens de lettres). Pour Summer, elle a
été en finale du Prix Goncourt des lycéens, et du Prix du roman des étudiants France Culture -
Télérama.

4
Une longue impatience
Gaëlle Josse
Notabilia

En Bretagne, dans les années 1950. Une histoire toute simple : Anne a
perdu son mari en mer. Veuve et mère d’un garçon, Louis, elle travaille pour
subsister. Quelques années plus tard, elle épouse Étienne, un ami d’enfance,
pharmacien du village, dont elle a deux enfants. Il a promis de s’occuper de
Louis.
Louis fait une fugue. Une longue impatience raconte l’attente, chaque
minute, heure, jour… année, qui devient la seconde nature d’Anne. Elle n’est
plus qu’attente, à peine distraite par la charmante énergie de ses deux jeunes
enfants, par l’amour intense et sensuel de son époux, par le quotidien
confortablement routinier réservé aux notables dont elle fait désormais (si
peu) partie.
« Pendant de longues semaines, après cet éprouvant Noël, Étienne n’a plus
entendu ma voix. Les repas étaient prêts, la maison propre, les enfants
semblaient s’accommoder d’une mère silencieuse qui les choyait… »
Un livre bouleversant de tendresse, d’amour, d’attente !
À lire absolument pour l’écriture de Gaëlle Josse.

Marie-Anne

5
Un artiste du monde flottant
Kazuo Ishiguro
Belfond

M. est un peintre dont la renommée a été grande avant la seconde guerre mon-
diale, dans la représentation traditionnelle d'un monde flottant, celui des quartiers
de plaisir japonais, pas forcément sexuel d'ailleurs, dont il a la nostalgie.
À travers une introspection tourmentée, M. dévoile peu à peu les diverses
étapes de sa carrière, en particulier l'inflexion de son inspiration pendant la guerre ;
un patriotisme teinté de nationalisme était alors de mise dans le Japon impérialis-
te.
Dans un Japon dévasté par la guerre, M. flotte entre la culpabilité et le sursaut
pour assumer ses positions passées.
La défaite militaire et morale du Japon est le sujet sous-jacent du roman. Mais
ce qui lui donne vie et sert de révélateur, c'est le deuxième projet de mariage de la
cadette, arrangé comme il se doit ; le vieil homme craint de ne pas le voir aboutir,
au cas où la famille du fiancé aurait vent de son passé.
Retrouver ceux à qui il a fait du tort pendant la guerre, en particulier ses élèves,
pour mendier au moins leur silence devient une obsession. N'attendrait-on pas plu-
tôt de lui qu'il s'excuse en disparaissant comme d'autres ont eu le « courage » de le
faire ?
L'introspection de M. est menée par un écrivain qui sait toujours subtilement
accompagner son lecteur avec un grand art de la suggestion.

Nicole

Kazuo Ishiguro, d'origine japonaise, né en 1954, vit en Grande-Bretagne depuis l'âge de 4 ans ; il
écrit ses romans en langue anglaise, certains adaptés au cinéma comme Les vestiges du jour. La 2e
guerre mondiale est au cœur de son œuvre. Il a reçu le prix Nobel en 2017.

6
La belle n’a pas sommeil
Éric Holder
Seuil

C’est l’histoire d’Antoine, la soixantaine, qui a ouvert une « bouquinerie » dans


une forêt aux multiples chemins, sans adresse connue, où les rares visiteurs
arrivent presque par hasard. C’est une fermette basse qui se croit isolée, mais dès
septembre « les arbres ébouriffés perdent leur plumage les fougères s’affaissent
comme on meurt sur une scène, au théâtre. D’autres maisons apparaissent par
bribes, par pans de feuilles disparues. On se rend compte de l’existence des voisins
dans le hameau qui se dessine. »
Autour d’Antoine gravitent différents personnages hauts en couleurs. Madame
Wong. On aurait dit une « James Bond girl », Marie, la boulangère, Marco le garde
champêtre qui deviendra un ami d’Antoine, Jonas, le jeune parisien qui a décidé de
survivre dans la forêt, le temps de se trouver.
Et soudain, un jour « émerge une voix claire maîtrisée celle d’Agnès dans
l’École Des Femmes, à la Comédie Française. Je m’appelle Lorraine, j’ai loué cette
maison le temps que maman aille mieux ».   Sourire franc, éblouissant. Lorraine
est conteuse, elle va de ville en ville devant un public de plus en plus nombreux.
Antoine en est tout retourné. Une coupe de champagne pour célébrer leur
rencontre. « c’est bon » dit Antoine. « rafraîchissant comme la vague avant qu’elle
disparaisse dans le sable »’
Lisez ce roman plein de fantaisie, de poésie et d’amour. Les sons, les parfums et
les animaux de la forêt en font aussi partie.         

Simone

7
Les loyautés
Delphine de Vigan
J.-C. Lattès

Comment définir les loyautés qui nous enchaînent les uns aux autres, et de
quelle nature sont-elles ? Loyautés intimes, familiales, sociales ?
« Ce sont les lois de l'enfance qui sommeillent à l'intérieur de nos corps, les
valeurs au nom desquelles nous nous tenons droits, les fondements qui nous
permettent de résister, les principes illisibles qui nous rongent et nous enferment.
Nos ailes et nos carcans ».
Ces « loyautés « empoisonnent la vie des quatre protagonistes de cette histoire
magnifiquement racontée par Delphine de Vigan : deux femmes et deux gamins en
détresse.
Hélène, prof de SVT dans un collège parisien, croit déceler un profond mal-être
chez un de ses élèves de 5e Théo. Elle-même, autrefois enfant maltraitée, doit-elle
agir, et comment ?
Le petit Théo se débrouille comme il peut, coincé entre des parents en crise, qui
n’assument plus leur rôle. Avec son copain Mathis, il se met chaque jour en danger,
sans que personne n’intervienne.
Et puis il y a Cécile, la mère de Mathis, qui perd pied, elle aussi, quand elle
découvre les infidélités de son mari.Tous ces personnages en souffrance manquent
de lucidité et de communication.
Delphine de Vigan les suit sans complaisance, sans jugement. Elle nous alerte
sur les failles de notre société et nos lâchetés quotidiennes dans lesquelles
malheureusement peuvent s’engouffrer nos enfants.
Un roman assez bouleversant qu’on lit d’une traite !

Marie-Claude

8
My absolute darling
Gabriel Tallent
Gallmeister

Ce livre pourrait se résumer ainsi Turtle-Croquette-Julia vit, élevée par son père,
elle a 14 ans. Ils vivent entre terre et mer, en pleine nature américaine.
Sa mère est morte dans l'océan, son père Martin ne s'est jamais vraiment remis
de cette disparition. Le père de Martin vit tout près d'eux dans un sordide mobile
home, il aime beaucoup sa petite fille et se réjouit de ses visites.
Turtle reçoit une éducation hors norme, elle est entraînée depuis son plus jeune
âge au tir.
Elle vit sous la domination de son père, sans cesse rabaissée.
L'histoire de Turtle est sans aucun doute dérangeante. L'amour d'un père peut
faire mal et la croyance en sa toute-puissance rend l'émancipation difficile.
Turtle fascine ceux et celles qui croisent son chemin. Anna tout d'abord, sa
professeure, qui sent bien qu'il se passe quelque chose d'anormal dans sa vie, mais
comme toute personne maltraitée, elle protège son bourreau. Jacob et Brett, qui
tenteront de lui venir en aide aussi.
C'est une histoire d'amour et de haine, de colère et de peur. Fascinant et
angoissant à coup sûr.
Ce livre est un premier roman, dur parfois mais aussi traité avec beaucoup de
sensibilité. C'est un roman passionnant, le roman d'une jeune fille qui se débat
pour échapper à l'emprise écœurante de son propre père et se révolte d'être si
faible, si incapable, si seule… mais pourtant !

Brigitte

9
Cette lumière que je vois
Sofie Laguna
Actes Sud

Nous entrons dans la vie d'une famille composée des parents Paula et Gavin, et
de leurs deux fils Robby et Jimmy. Nous sommes dans les années 80 en Australie.
Jimmy est un petit garçon incontrôlable, pour soulager son trop-plein d'énergie,
il se met parfois à courir en rond de plus en plus vite. Il n'a aucune conscience du
danger. Il répète les mêmes phrases.
Paula est la force sûre de cette famille, elle officie dans une maison de retraite
tandis que Gavin travaille dans une raffinerie. Elle s'évertue à faire suivre une
scolarité normale à Jimmy, qui est mis systématiquement de côté. Le médecin de
famille tente de la persuader de placer Jimmy dans une institution et de la protéger
elle aussi.
Gauvin n'accepte pas la différence de son second fils, il se réfugie dans l'alcool
et de plus en plus souvent dans la violence. De vieux démons de son passé
ressurgissent ! Pourtant il aime sa femme et ses deux fils !
Paula et Robby sont les remparts de Jimmy jusqu'au jour où…
Pour Jimmy, le monde est un vaste mode d'emploi qu'il doit décortiquer jour
après jour afin de l'appréhender au mieux. Il regrette de ne pas avoir de mode
d'emploi pour pouvoir pleurer. Il ne sait pas comment cela fonctionne.
Jimmy est le narrateur de ce livre, c'est un roman sur la différence et son petit
héros ainsi que sa famille sont terriblement attachants.

Brigitte

10
Treize façons de voir
Colum McCann
Belfond

Le titre est tiré d'un poème, « Treize façons de voir un merle » par l'Américain
Wallace Stevens. À l’origine Colum McCann voulait écrire un roman polyphonique
à 13 voix. Mais comme il peinait à y arriver, il décida de se concentrer sur son
personnage préféré, Peter Mendelssohn, vieillard juif de Manhattan, ancien juge,
dont ce serait la dernière journée, et d'en faire une nouvelle.
Le résultat est éclatant, parfait dans sa concision et sa sobriété. Elle partage avec
les trois autres (quatre dans l'édition française) un sens aigu de la violence sous
toutes ses formes, racheté pourtant par une toute aussi grande capacité pour
l'amour, l'empathie et le pardon. McCann n'a pas son pareil pour entrer dans la
peau de ses personnages, que ce soit une soldate américaine en Afghanistan un soir
de réveillon, une mère dont le fils adoptif disparaît de façon mystérieuse, une
ancienne nonne qui se confronte à celui qui la torturait jadis - et qui s'est reconverti
en humanitaire.
Pour la petite histoire, il est intéressant de noter qu'en plein milieu de la
rédaction de ce recueil, l'auteur se fit tabasser dans une rue newyorkaise (tout
comme son juge) et finit à l'hôpital, assez salement amoché. Il pardonna à son
agresseur, tout en ne l'excusant pas. Le lien entre l'imaginaire et le réel parfois se
brouille.
Anne

Le public anglophone apprécie beaucoup Colum McCann pour la qualité et la précision de son
langage et l'étonnante vivacité de ses personnages. Peut-être que cet aperçu de son talent vous
donnera envie de découvrir ses romans, en particulier « Et que le vaste monde poursuive sa course
folle » et « Transatlantique ».

11
Patricia
Geneviève Damas
Gallimard

Geneviève Damas signe ici un roman court sur un thème d'actualité


difficile, celui des migrants.
Au Canada, Jean, un centrafricain sans papier rencontre dans l'hôtel où il
travaille une cliente blanche, Patricia, qui s'éprend de lui. Pour le ramener
avec elle à Paris, elle vole le passeport d'un Afro-Américain.
Mais Jean a omis de lui dire qu'il avait une famille qui espérait venir le
retrouver.
Lasses d'attendre le feu vert, sa femme et ses filles embarquent sur un
bateau de migrants.
Celui-ci fait naufrage, seule une fille de Jean s'en sort. Jean confie alors le
destin de sa fille à Patricia.
La jeune femme et la fillette vont devoir s'apprivoiser...
Il s'agit d'un roman à trois voix. Il débute avec le monologue de Jean, se
poursuit avec la voix de Patricia et se termine avec la fille de Jean. L'écriture
est dense, juste et bien documentée.
Un beau roman émouvant et chargé d'espoir.

Olivier

12
Mécaniques du chaos
Daniel Rondeau
Grasset

Après un début qui demande un peu de concentration pour bien situer les
personnages, ce roman se lit comme un thriller d'actualité. Christine Angot le présente
comme « Le bureau des légendes » littéraire et c'est tout à fait bien vu.
Plusieurs personnages donc.
Le narrateur, Sébastien Grimaud, archéologue, qui va être requis par les islamistes
Lybiens en tant que garant de la valeur des antiquités vendues sous le manteau au
monde entier.
Habiba, une jeune Somalienne, venant de Lybie, échouée à Malte, dont le frère est
déjà mort pour en avoir trop entendu.
Un caïd de banlieue, qui y fait la pluie et le beau temps et surtout un large
commerce de cocaïne, c'est le M. Bilal drive. Qui décide de voir plus grand et se lance
dans le terrorisme.
Papa Bouha, un vieux de la cité qui porte son passé à Setif. Silencieux sur ce qui s'est
passé en Algérie mais reconnaissant envers la France. Il a peur dans sa cité, il a trois
fils français. L'un d’eux, Sami a réussi sa carrière. Il en est tellement fier.
Harry, jeune de la cité, adopté par le caïd. Il est sans repères mais pas tant que cela…
Et bien d'autres encore, tous aussi importants dans ce récit foisonnant.
Tous ont un passé difficile et leurs réactions sont à l'aune de la façon dont ils l'ont vécu.
Daniel Rondeau nous expose la France des banlieues, friches urbaines dans lesquelles on
ne peut plus cohabiter. Mais il dénonce aussi la liquéfaction des gens qui ne sont plus fiers
ni d'eux-mêmes, ni de leur pays. « Aurions-nous perdu le secret de la vie ? ».
Dur pour le moral, de voir tout ce mal installé partout car nous savons très bien que
tout cela existe, tout est emprunté à la réalité. C'est un état du monde.
Mais, Grimaud à la fin du livre nous rappelle fort heureusement que « nos vies
s'organisent souvent selon des cycles mystérieux… le présent nous demeure souvent
indéchiffrable. La vie des sociétés c'est la même chose ». 
« – Tu vois, Grimaud, le pire n'est pas toujours sûr. – Le ciel t'entende ».
Marie
Pour ce roman, l'auteur a reçu le grand prix du roman de l'Académie Française.

13
Mélancolie du déluge
Patrick Breton
Au pays rêvé

Les temps sont à la mélancolie, à une sorte d’humeur sombre, qui nous fait
douter de tout et même de nous… L’important est de comprendre que la
mélancolie n’est pas forcément stérile, elle peut même devenir créatrice. 
Patrick Breton nous en fait la démonstration.
2023 : c’est demain… ce pourrait être aujourd’hui. La Côte d’Azur, c’est
chez nous et le changement climatique avec ses conséquences dramatiques
nous est devenu familier.
Imaginez la « grande vague », celle qui emporterait tout sur son passage :
les biens matériels, les routes, les vies. Le Déluge peint par Michel Ange sur la
voûte de la Chapelle Sixtine… qui horrifie et fascine à la fois.
Imaginez un homme, interné dans un hôpital psychiatrique, enfermé dans
son propre corps, mais attiré par l’appel de la déferlante jusqu’à vouloir se
laisser emporter.
Mélancolie du Déluge n’est pas juste un roman d’anticipation, c’est un livre
sur la résilience intime et sociale : comment éviter l’effondrement des valeurs
dans un monde menacé par le populisme ? Comment retisser des liens
authentiques avec un frère malade, un père, un ami, une femme dans un
contexte de crise ?
La vision de l’auteur demeure positive sur une toile de fond dramatique.
Nous, lecteurs, sommes happés par le sujet mais surtout par l’écriture à la fois
subtile et puissante de Patrick Breton.

Marie-Claude

14
Sapiens,
Une brève histoire de l'humanité
Yuval Noah Harari
Albin Michel

Le sous-titre est le résumé du livre. Il ne s'agit pas de notre planète, il s'agit bien
de l'histoire de l'homme : « Homo sapiens » dont nous sommes, sur tous les
continents, les descendants. Ce qui abolit toute notion de racisme.
Comment ce cousin des chimpanzés et des bonobos venus de l'Est africain a-t-il
réussi à envahir la terre entière ? Comment avons-nous éliminé les autres
humanoïdes ? Quelles sont les performances physiques ou intellectuelles qui nous
ont permis de survivre plus de 100 000 ans alors que nous n'étions ni les plus forts
ni les plus rapides ?
L'auteur, professeur d'histoire à l'université hébraïque de Jérusalem a étudié la
méditation avec un sage bouddhiste pendant des années. Son point de vue est donc
différent de celui d'un Occidental. Il nous livre son interprétation de notre histoire,
mêlant sciences, philosophie et religion. Son point de vue n’est pas à notre
avantage car il prouve que nous sommes de grands prédateurs.
Ce que j'ai trouvé de plus intéressant dans ce livre, c'est l'étude du changement
de nos comportements au fil des trois révolutions qui ont parsemé l'évolution de
l'ère humaine. Révolution cognitive, Révolution agricole, Révolution scientifique.
Pourquoi Sapiens a-t-il fait la conquête du monde, pourquoi est-il le plus grand
prédateur et quel est l'avenir de notre planète alors que nous avons entamé la plus
grande révolution que nous ayons jamais connue :
la révolution informatique.
Cet opus, ne traite que d'histoire, le suivant, lui est une prospective de notre
avenir.Son nom : Homo deus est tout un programme, je ne l'ai pas fini et ne suis
pas certain de vouloir vous en parler, car les multiples scénarios qui y sont décrits
ressemblent plus à un livre de Science-Fiction qu'à un livre scientifique.
Comme le dit l'auteur, les meilleurs scénarii restent incertains car il survient
toujours des événements improbables. Mais c'est un autre livre.

Jean-Michel

15
Un océan, deux mers, trois continents
Wilfried N’Sondé
Actes Sud

À la fin du XVIe siècle, au cœur du Kongo, les missionnaires portugais ont créé
un séminaire que Nsaku Ne Vunda, baptisé Antonio Manuel, fréquente avec joie et
assiduité et où il sera ordonné prêtre.
Le roi du Kongo le nomme ambassadeur à Rome, et le presse de partir
rencontrer le pape Clément VIII. Pensant partir directement pour Rome, Dom
Antonio Manuel embarque à bord d’un vaisseau français, le « Vent Paraclet ». Il
découvre dans la cale des colonnes d'esclaves enchaînés, marqués au fer rouge, des
femmes, des enfants, des hommes qui seront débarqués au Brésil… il va passer par
le Nouveau Monde. Des déconvenues, des péripéties, des épreuves infiniment
douloureuses vont mettre à mal sa foi en l'homme et en Dieu ! « Quatre femmes
décidées, nues comme au premier jour, enchaînées les unes aux autres, trouvèrent
la voie vers la rambarde. Elles basculèrent. Je les vis, libres pour leur dernier
voyage, voler un instant dans le vide entre Le Vent Paraclet et les vagues. Portées
par le vent, elles planèrent au-dessus de l'absurde et de la cruauté en une
trajectoire élégante. Se soustraire à l'arbitraire, se prouver que l'on vit encore ».
Après le Brésil, les péripéties ne sont pas terminées, et c’est encore un voyage
dur, tumultueux, tragique qui l’attend.
Roman d'aventures ? Roman historique ? Roman de formation, d'apprentissage ?
L'auteur signe un magnifique plaidoyer qui exalte les vertus de la tolérance, de la
fraternité, de l'égalité. C’est aussi une profonde réflexion sur les horreurs commises
par l’église qui sont totalement à l’opposé de la religion.
Il y met une ardeur poétique et imagée, à l'aide d'une écriture flamboyante et
chaleureuse, ciselée et colorée, lyrique.
Cet ouvrage qui mêle réflexion et aventure, histoire, intemporel et universel a
des résonances contemporaines !
Le personnage central a réellement existé. Il est enterré et a un buste à son
effigie dans la basilique Sainte Marie Majeure à Rome.
Marie-Anne
Né à Brazzaville en 1969, émigré en France à l’âge de 5 ans, il y fait de brillantes études : licence en
Sorbonne puis maîtrise de sciences politiques à l’université de Nanterre. Wilfried N’sondé, chanteur
et compositeur de la scène berlinoise qui a grandi dans un quartier populaire de la banlieue
parisienne, est un nouvel arrivant dans la littérature urbaine et francophone plus généralement. Son
premier roman, Le Cœur des enfants léopards a reçu le prix des cinq continents de la francophonie
et le Prix Senghor de la création littéraire en 2007.

16
14-18

Série historique

Scénario : Corbeyran, Éric


Dessin : Le Roux, Étienne
Série non finie, 8 tomes ont été publiés
à ce jour

Août 1914 - Huit camarades originaires du même village sont mobilisés dans
le même régiment d’infanterie.
Ils partent tous la fleur au fusil, pensant que cela ne durera que quelques
semaines….

Chaque album nous montre l’évolution des rapports


entre ces personnages : de l’insouciance à la déshuma-
nisation progressive, de l’inquiétude de ceux qui partent
et de celles qui restent, de la mort…
Le dessin est parfait, très classique et très réaliste.
L’horreur de cette guerre absurde et inhumaine est
très bien retranscrite avec un scénario juste et recher-
ché.
Très bonne série.
Une BD de qualité.

Martine

17
Nos coups
Ovni canadien. Un facteur timide vit par
procuration à travers des lettres (provisoirement)
Le facteur émotif
Denis Thériaut détournées, s'éprend d'une femme qui correspond
au moyen de haïkus, commence à en écrire lui-
Anne Carrière même, puis à en envoyer, et…
Une fois ce livre terminé, je parie que vous aurez
envie d'en lire la suite, qui vient de sortir.
La fiancée du facteur
Vous serez surtout contents d'apprendre que ledit
Denis Thériaut facteur ne meurt pas (ou qu'il ressuscite) à la fin du
premier roman, et que l'aventure continue, avec
Anne Carrière
une fausse fiancée vraiment amoureuse qui profite
de l'amnésie de notre héros, et… Réussira-t-elle à
l'embobiner ? Et s'il retrouve la mémoire ?
Une ardente patience Ensuite, étant branché facteur, pourquoi pas
enchaîner sur le livre qui inspira le film « Il
Antonio Skármeta
Postino » l‘histoire savoureuse par un Chilien dont
Cadre Vert le sujet est le séjour de Pablo Neruda sur l'île Noire
et la façon dont celui-ci et la poésie transformèrent
la vie du facteur local.
Comme il se doit, le titre est tiré d'un poème en prose – What else ? – de Rimbaud :
"À l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes".
Que serait la vie sans l'Art, et la Poésie ? question que se posent ces trois petits bijoux
singuliers et déroutants. Ils peuvent vous mener bien loin.
Anne

Avec Tobie Nathan, on n'écoute pas que les


Les âmes errantes
vivants mais également la voix des morts. On est
Tobie Nathan enfin replacé dans la chaîne, comme un bon ostéo
vous remet les vertèbres en place. Il voit la désagré-
Iconoclaste
gation des familles, le tarissement des sources, leur
tentative de remplacement par une idéologie mor-
tifère, l'islamisme djihadiste. Il questionne
constamment la langue, comprend tout, n'excuse
rien de ces « âmes errantes » captées par des
« flibustiers » sans scrupule. Indispensable.
Patrick

18
de cœur
Avant d'emprunter un livre, je regarde la quatrième
Les huit montagnes
de couverture, j'y lis : « On retrouve Jack London ».
Paolo Cognetti Le vieux petit garçon que je suis a voulu lire ce
roman Prix Médicis étranger !
Stock
C'est un très beau roman sur l'amitié virile et
l'amour familial dans le monde de la montagne,
milieu très hostile. L'histoire de l'amitié de Bruno et
Pietro qui se découvrent à 11 ans et ne se quitteront qu'à la mort de l'un d'eux. Et l'his-
toire d'amour des parents pour Pietro, leur fils, et pour son ami Bruno.
Particulièrement l'amitié ou amour qui lieront le père de Pietro à Bruno, soudés par
leurs longues marches en montagne. Enfin la difficulté d'être pour Pietro que ses
parents, rudes montagnards, n'éduquent pas, le laissant libre de divaguer comme leurs
vaches, au milieu des alpages.
Jean-Michel

Le poids de la neige La forêt (sans doute) canadienne, l’hiver, la neige


omniprésente, le froid glacial, l’enfermement dû aux
Christian Guay-Poliquin désastreuses conditions et à une panne d’électricité.
Éditions de l’Observatoire Mathias est un homme âgé arrivé dans le village, et
qui n’a pas pu repartir avant la neige. Il est obsédé
par son désir de retour pour prendre soin de sa
femme. Pris au piège donc.
Le narrateur est un homme jeune, venu au village voir son père. Victime d’un accident
de voiture, il a les deux jambes brisées. Pris au piège donc !
Deux destins qui se croisent et s’emprisonnent réciproquement. Un huis clos remar-
quable !

Au XVIIe siècle, le Batavia, navire de la Compagnie


Le massacre des
des Indes Orientales, fait naufrage au large de
Innocents
l’Australie. À son bord, un équipage de bric et de
Marc Biancarelli broc, de nombreux passagers, et une riche cargai-
son qui fait des envieux. Lors du naufrage, de nom-
Actes Sud
breux rescapés trouvent refuge sur les îlots à proxi-
mité. Le capitaine du navire et les officiers partent
chercher du secours. Restent les marins et les passagers. Deux hommes vont s’affron-
ter : l’image de l’affrontement du bien et du mal…
Magnifique roman tiré de l’histoire véridique du naufrage du Batavia.
Marie-Anne
19
Médiathèque Municipale
de Châteauneuf
1, rue du Baou
Tel. : 04 93 42 41 71
mediatheque@ville-chateauneuf.fr

Journal des Lecteurs


écrit par et pour les lecteurs

Mise en page :
L’esp@ce Multimédi@
Rédacteur en Chef :
Marie-Claude LAMBERT

Impression :
Zimmermann - Villeneuve-Loubet

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