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L’Inquisition Espagnole

Les origines
La création de l’Inquisition espagnole se rattache à la réaction contre les minorités ethnico-religieuses,
musulmanes et juives, incorporées par la Reconquista à l’Espagne chrétienne où elles jouirent d’abord d’une
large tolérance. Cette réaction, accentuée par le malaise économique qui marque les derniers siècles du Moyen
Âge, se traduit par la montée des rancunes populaires contre les Maures et surtout contre les Juifs, manieurs
d’argent. La pression des autorités religieuses et les massacres de Juifs amènent de nombreuses conversions
dont la sincérité apparaît douteuse. C’est pour surveiller ces « nouveaux chrétiens » ou conversos d’origine
juive, et pour punir les relaps, que les Rois Catholiques obtiennent du pape Sixte IV, en 1478, l’autorisation de
désigner des « inquisiteurs » .
De ses origines, l’Inquisition garde un caractère mixte : tribunal spirituel, elle relève de l’autorité romaine,
mais elle constitue en même temps un organisme du gouvernement espagnol. À sa tête se trouve un Conseil
suprême (placé sur le même plan que les autres, tels le Conseil de Castille, celui des Finances qui assistent le
monarque). Son président, l’Inquisiteur général, et ses membres sont nommés par le souverain ; son autorité
s’exerce par l’intermédiaire d’une quinzaine de « tribunaux » ou inquisitions locales. Chaque tribunal
comprend des juges (ou inquisiteurs), des « qualificateurs » chargés de donner une qualification théologique
(erroné, sentant l’hérésie, hérétique, etc) aux « propositions » ou crimes contre la foi qui leur sont déférés, enfin
un procureur (fiscal ) chargé de soutenir l’accusation. L’Inquisition dispose en outre de la collaboration de ses «
familiers » qui constituent pour elle une sorte de police bénévole à laquelle des gens du plus haut rang se font
gloire d’appartenir.
La compétence du saint tribunal s’est étendue, au cours du XVIe siècle, à tout ce qui apparaît comme déviation
de la foi : non seulement l’hérésie, mais aussi la sorcellerie, la magie, le blasphème et la « sollicitation
» (séduction d’une pénitente par son confesseur). Sa procédure est rigoureusement secrète : l’accusé, maintenu
dans un isolement total, n’a connaissance ni du nom des dénonciateurs ou des témoins à charge, ni même des
accusations exactes portées contre lui : son défenseur, choisi par les inquisiteurs, a essentiellement pour tâche
de l’amener à reconnaître ses erreurs ou ses crimes. La torture est couramment employée pour arracher des
aveux, mais, contrairement à la légende, elle n’est ni plus ni moins cruelle ou raffinée dans ses procédés que
celle qu’emploient les autres tribunaux criminels, en Espagne et ailleurs.
Les sentences rendues par les juges sont gardées secrètes jusqu’au jour de leur proclamation publique, lors d’un
auto da fe, cérémonie solennelle, souvent associée à une festivité publique. Les condamnés impénitents et les
relaps sont « relaxés » au bras séculier, l’exécution par le feu ayant lieu ensuite en un autre endroit ; ceux qui
adjurent leurs erreurs sont « réconciliés » et condamnés à des peines pouvant aller de la simple pénitence
ecclésiastique et du port du san benito (casaque jaune croisée de rouge) à la prison perpétuelle. Quant au
nombre des victimes livrées aux flammes, il reste très difficile à établir : peut-être plusieurs milliers. Il ne
représente en tout cas qu’une faible proportion de ceux qui eurent affaire au tribunal. Mais le rôle de
l’Inquisition dans la vie espagnole ne peut être mesuré au nombre des condamnés : le seul fait d’avoir comparu
devant elle constitue pour l’accusé – et pour toute sa famille – une tache indélébile.

Procédure et pénalités
Le suspect, interrogé par l’inquisiteur ou un de ses collaborateurs, devait s’engager par serment à révéler tout
ce qu’il savait sur l’hérésie. Un notaire, en présence de témoins, recueillait les éléments de l’interrogatoire,
mais en retenant seulement la substance des réponses, ce qui paraissait exprimer le mieux la vérité. Toujours
rédigé en latin, le texte, traduit en langue vulgaire, était ensuite lu à l’accusé qui devait s’en remettre à la
volonté des inquisiteurs. Pour faire avouer les récalcitrants, de nombreux moyens de contrainte pouvaient être
employés, en dehors même de la torture, considérée comme licite après le milieu du XIIIe siècle : convocations
nombreuses, incarcération plus ou moins confortable, recours à des délateurs. À défaut d’aveux, la preuve de
l’hérésie était administrée par des témoins.
L’Inquisition n’infligeait pas de vraies peines, mais des pénitences salutaires pour le bien des adeptes de
l’hérésie revenus à la foi. Les moins graves pouvaient être imposées ou commuées par les inquisiteurs eux-
mêmes : elles étaient les seules infligées à ceux qui avaient comparu pendant le temps de grâce. On comptait
parmi elles la fustigation au cours de la messe, les visites aux églises, les pèlerinages, l’entretien d’un pauvre,
le port de croix d’infamie sur les vêtements, ces pénitences pouvant être combinées.
Devant l’hérétique opiniâtre ou le relaps, l’Inquisition, se trouvant désarmée, n’avait d’autre ressource que de
les abandonner à l’autorité séculière, à laquelle il appartenait de les conduire au bûcher. Cette mesure gardait
quelque chose d’exceptionnel : au cours de sa longue carrière, Bernard Gui abandonna quarante hérétiques au
bras séculier.
Les sentences étaient prononcées au cours d’une cérémonie officielle qui se déroulait en présence des autorités
religieuses et civiles, et qu’on appelait le sermon général parce qu’elle débutait par une allocution de
l’inquisiteur.
Les peines les plus graves entraînaient obligatoirement la confiscation des biens du coupable au profit de
l’autorité qui avait la charge des dépenses de l’Inquisition. Il en était de même dans le cas de condamnations
posthumes, car la mort ne mettait pas un terme à l’action de la justice.
Tomás de Torquemada (1420-1498)
Tomás de Torquemada, premier inquisiteur général (1485-1494), se signala par sa rigueur impitoyable qui
suscita de vives protestations, surtout en Aragon et en Catalogne, et souleva la réprobation du pape Sixte IV lui-
même.
Neveu du théologien Jean de Torquemada (archevêque de Valladolid), Thomas était, comme son oncle, frère
prêcheur. Prieur du couvent de Santa Cruz de Ségovie, de 1452 à 1474, il réforme les prieurés aragonais de son
ordre.
Il devient confesseur de la reine Isabelle de Castille, puis aussi de son époux, le roi Ferdinand d’Aragon, et il
exerce une profonde influence sur ces deux monarques, dont le mariage réalise la première union des territoires
espagnols. Austère, ne recherchant pas les honneurs, persévérant et ardent, convaincu que son devoir est
d’exterminer les adversaires du catholicisme, il donne sa mesure, avec tous les excès possibles, lorsque
Ferdinand et Isabelle décident d’établir l’Inquisition en Castille pour poursuivre les juifs et les musulmans
convertis (marranes et morisques), ainsi que tous les hérétiques. Il joue aussitôt un grand rôle dans cette
entreprise avec son ami Mendoza.

En 1482, il est nommé par le pape inquisiteur général en Castille et en Aragon, sa juridiction étant étendue à la
Catalogne en 1486. Il entre en même temps dans le Conseil du roi. Il réorganise alors l’Inquisition, avec quatre
tribunaux importants et une cour d’appel, où il siège. En 1484, il promulgue un code de procédure pour agir
contre les juifs, les morisques, les hérétiques et les gens coupables de sorcellerie, de bigamie, d’usure, etc. Un
nombre impressionnant de suspects sont poursuivis, parmi lesquels plus de 2 000 sont exécutés. Torquemada
est enfin l’un de ceux qui conseillent à Ferdinand et à Isabelle d’expulser les morisques de leurs États, ce qui
est fait en 1492. En 1494, âgé et malade, il se retire à Ávila, où il meurt.

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