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n° 117 Sommaire

Avril 2017 l Page 2 : Apprendre à parler et à se


construire l Page 11 : Comment apprendre
avec l’oral ? l Page 27 : Bibliographie

JE PARLE, TU DIS, NOUS


ÉCOUTONS : APPRENDRE
Dossier de veille de l’IFÉ

AVEC L’ORAL
« L’acte de parole est aussi un lieu d’inven- Par Marie Gaussel
tion du savoir » (Wacquet, 2003)
Chargée d’étude et de
L’enseignement de la langue en France, recherche au service
aujourd’hui encore au cœur de débats sur la Veille et Analyses de
place de la grammaire et de l’orthographe, a l’Institut français de
été marqué par plusieurs décennies de poli- l’Éducation (IFÉ)
tiques linguistiques-éducatives qui ont donné
à la langue écrite ses lettres de noblesse, lais-
sant peu de place à l’enseignement du langage
apprentissage est un enjeu déterminant pour
oral. Les problématiques liées à l’oral resur-
gissent parallèlement aux constats de crises l’égalité des chances (CNIRE, 2016) l. Un des
que traverse régulièrement l’École, générale- rôles de l’école est de permettre aux élèves de
ment liées aux tensions sociales qui remettent maitriser des registres de langages adaptés
en questions les finalités de l’enseignement. aux situations et contextes auxquels ils sont
Néanmoins, que ce soit l’institution, la socié- confrontés. Les jeunes enfants apprennent à
té, les chercheur.se.s et les praticien.ne.s, parler spontanément mais l’École est chargée
tou.te.s s’accordent à dire que la maitrise du de transmettre le « langage légitime », celui
langage est une priorité sur laquelle s’édi- de la culture scolaire et des savoirs savants.
fie l’ensemble des apprentissages. L’oral est Il leur faut donc un processus de réappropria-
également un puissant marqueur social qui va tion de la langue au fur et à mesure de leur
jouer un rôle déterminant dans la réussite de scolarité. La maitrise de la parole et l’analyse
l’élève. La maitrise des compétences orales des genres oraux sont les enjeux de la didac-
et des habilités de communication est un véri- tique de l’oral qui fait du langage une branche
table instrument de pouvoir et d’ascension so- de la discipline. L’oral scolaire recouvre dès
ciale. Dans son rapport sur l’école innovante, lors deux dimensions : un savoir à maitriser
le Conseil national de l’innovation pour la réus- et un outil éducatif. L’oral n’est toujours pas
site éducative (CNIRE) souligne la prépondé- perçu comme un savoir à maitriser pour lui-
rance de la maitrise des compétences ora- même mais comme « un préalable au service
toires dans le milieu scolaire et dans la société de la culture scolaire » (Langlois, 2012).
en général. Les compétences orales sont sé- l
lectives dans un grand nombre de domaines Toutes les références bibliographiques dans
ce Dossier de veille sont accessibles sur notre
de la vie quotidienne et professionnelle et leur bibliographie collaborative.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 1/32
Nous aborderons d’abord dans ce dossier syntaxique, plus que lexical ou morpholo-
les relations entre le langage et la construc- gique, permet d’organiser le discours et de
tion de la pensée, la façon dont l’expres- soutenir la pensée en :
sion orale conditionne les apprentissages − évoquant des évènements de façon
et les enjeux liés à l’oral pour l’adaptabilité abstraite et les situant dans le temps et
sociale et la réussite scolaire. Nous verrons l’espace ;
ensuite la place des activités langagières − exprimant des relations logiques et en
dans l’enseignement et ce que peut être articulant des raisonnements (Canut,
une didactique de l’oral. 2009).

La langue n’est pas un catalogue de mots,


APPRENDRE À PARLER ce sont les phrases qui permettent aux
ET À SE CONSTRUIRE enfants de mettre le langage en fonction-
nement. Apprendre à parler est un pro-
cessus sociocognitif complexe qui né-
Le langage est un processus biologiquement
cessite un long apprentissage dépendant
déterminé mais la mise en fonctionnement
des interactions avec les adultes. Il faut
du langage s’effectue au-delà des fonctions
qu’ils aient suffisamment de «  nourriture
biologiques en relation avec les interactions
langagière » adéquate permettant l’appro-
et le contexte extérieur. Le développement
priation du fonctionnement de la langue.
du langage, conçu comme un acte indivi-
Ils doivent s’approprier les données lan-
duel, est tributaire d’actes sociaux en ce qui
gagières présentes dans les discours des
concerne la transmission. L’élaboration du
adultes de façon cognitive. Il ne s’agit pas
langage est une construction sociale qui dé-
juste d’une imitation du discours de l’adulte
passe le cadre des interactions en dévelop-
mais d’un processus interactionnel. « Si
pant des savoirs et des connaissances dans
l’offre langagière de l’adulte n’est pas adé-
une société donnée.
quate, il peut alors exister un réel décalage
entre le potentiel cognitif et les réalisations
LA RELATION LANGAGE - PEN- langagières de l’enfant » (Canut, 2009).
SÉE

La fonction langage présente dès la nais- « Dans le cadre familial, certains


sance s’actualise au contact de la langue parents réalisent intuitivement
parlée par le groupe auquel l’enfant appar- des interactions adaptées qui
tient. Au fur et à mesure du développement font avancer leur enfant dans
de l’enfant, le langage permet une structu- l’apprentissage du langage. Dans
ration de la pensée de plus en plus abs- le cadre scolaire, pour avoir des
traite menant à la formation de concepts. interactions efficaces, il ne faut
C’est le langage qui permet d’exploiter le pas compter sur cette intuition
potentiel cognitif et le fonctionnement de aléatoire : il faut «conscientiser »
la pensée. Les jeunes humains possèdent sa démarche, ce qui implique une
des capacités innées qui les prédisposent écoute particulière, non naturelle,
à parler mais qui nécessitent d’apprendre puisqu’elle se focalise plus sur
la manière de les utiliser. Il existe donc une la forme des énoncés que sur le
interaction entre le linguistique et le cognitif contenu. C’est ce que l’on appelle
liant constitution de la pensée et relations so- l’entraînement au langage »
ciales (Canut, 2009). Les enfants utilisent le (Canut, 2009).
langage pour communiquer avec leur entou-
rage proche, ils en ont besoin pour obtenir
ce qu’ils désirent dans leur contexte culturel.
Pour Bruner, le langage est le moteur de la
Apprendre à parler pour ensuite
transmission de la culture (Bruner, 1996).
apprendre à lire et à écrire
La syntaxe est un élément primordial dans
le processus d’apprentissage du langage, L’hypothèse d’un lexique mental
« l’apprendre à parler ». Le fonctionnement (Treisman, 1960), comme un ensemble

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de connaissances stockées en mémoire Ce travail sur l’oral (manipulation des
(estimé en moyenne à 60 000 mots), sons, des rythmes, des intonations, des
a été remise en question dans les an- structures langagières) et la prise en
nées 1990 par les modèles connexion- compte de l’organisation syntaxique et
nistes qui estiment que le système de morphologique favorisent un apprentis-
connaissances lexicales n’est pas isolé, sage ultérieur de l’écrit (Chabanal, 2011).
mais configuré en fonction des activa- Les enfants apprennent seuls, de manière
tions entre les unités orthographiques, implicite, par la simple exposition à la
morphologiques et phonologiques d’un langue, un premier niveau de langage,
mot. Ces approches se nourrissent des « le niveau des usages ». Mais ils ap-
recherches sur la plasticité des cir- prennent par enseignement un second
cuits cérébraux (Gaussel & Reverdy, niveau, « celui des normes et des conven-
2013). Pour Oakhill et Cain, ce sont les tions ». Un troisième niveau, la « descrip-
habiletés du langage oral qui présup- tion scientifique des faits de langue », est
posent des capacités de compréhen- quant à lui généralement abordé au ni-
sion écrite. Les corrélations entre com- veau universitaire (Tricot, 2005). L’articu-
préhensions orale et écrite évoluent lation entre apprentissage implicite (qui se
en fonction de l’âge du lecteur et de la fait spontanément, sans prise de
complexité des textes (Oakhill & Cain, conscience) et explicite (qui est la consé-
2007). Il y aurait intérêt à croiser des quence d’un enseignement) se fait de
savoirs issus de la psycholinguistique manière différente dans l’apprentissage
développementale et de la didactique de l’oral et de l’écrit : l’implicite tient une
pour une meilleure prise en compte des plus grande place à l’oral, mais n’est pas
processus d’apprentissage et du traite- absent de l’apprentissage de l’écrit. Des
ment des savoirs enseignés. Repérer recherches récentes montrent l’impor-
les étapes développementales obser- tance des connaissances implicites, ac-
vées sur les enfants de maternelle per- quises avant l’apprentissage de l’écrit, en
met de réfléchir à la question de l’inté- maternelle, aussi bien pour l’oral que pour
gration des savoirs dans l’ensemble de l’écrit. En travaillant autour d’une meil-
la dynamique de développement. L’en- leure articulation entre l’implicite et l’expli-
fant doit apprendre à échanger, à prati- cite à l’oral et à l’écrit, cela pourrait faciliter
quer les diverses fonctions du langage l’apprentissage des compétences langa-
oral, à apprendre, à comprendre et se gières.
faire comprendre et connaitre le fonc-
tionnement du langage (création d’une La parole
conscience métalinguistique).
La parole constitue l’aspect oralisé du
langage et utilise un certain nombre d’élé-
ments comme la phonologie (sons de la
« Le lien entre didactique et langue), le lexique (mots de la langue),
acquisition est fondé sur les la syntaxe (la grammaire de la langue,
connaissances stockées en son organisation) et la sémantique (la
mémoire et les processus socio- signification des mots). Chacun de ces
cognitifs que développe l’enfant systèmes est en lien dynamique avec
pour acquérir sa langue. Nous les autres et permet la compréhension et
supposons que la connaissance l’expression. L’assemblage systématique
sur ce type d’éléments pourrait d’une suite de sons (mots) avec un sens
aider à envisager de nouvelles nécessite la conjonction répétée de l’audi-
démarches didactiques. Visi- tion du mot et d’expériences perceptivo-
blement, elles pourraient être motrices congruentes, via l’observation,
tournées vers une importance la manipulation, la vision. On parle alors
plus accrue d’un bain linguistique d’apprentissage implicite, c’est-à-dire qui
dense et varié basé sur un contact se fait spontanément, sans enseignement
récurrent d’items et de structures délibéré. Ces associations de mots et de
lexicales » (Chabanal, 2011). concepts sont mémorisées au sein de
réseaux dédiés aux langages (réseaux

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lexicaux, réseaux sémantiques). L’ex- biologiques et physiologiques, certains
pression orale est issue de l’ensemble peuvent être travaillés, modifiés, comme
du développement intellectuel et social le débit ou le volume, d’autres non,
de l’enfant, de ses capacités de com- comme la hauteur de la voix qui dépend
préhension du langage et de ses capa- de la taille des cordes vocales. Le travail
cités practo-motrices bucco-phonatoires, de la voix est composé de la diction (pro-
c’est-à-dire la parole. La production de nonciation, articulation) et de la prosodie
la parole, outil d’échange et de partage, (accentuation, rythme, mélodie, volume)
dépend de la maturation linguistique, de susceptibles d’être modifiées. Il est donc
la maturation des voies sensori-motrices nécessaire d’amener l’élève à maitriser
et praxiques (gestuelles) et de la sphère ces paramètres et à mettre en valeur ses
bucco-phonatoire. Dès l’âge de 4 ans, un propos en relation avec les thématiques
enfant peut posséder un vocabulaire de étudiées en classe et en adéquation avec
base, nommé fondamental, proche de ce- la situation de communication.
lui de l’adulte. En ce qui concerne la pho-
nologie, ce n’est qu’à partir de l’âge de 5-7 L’expression non verbale par le corps
ans que le système de prononciation de est « l’ensemble des signaux visuels et
la parole est intégralement mis en place kinésiques produits par les locuteurs au
(Inserm, 2012). cours de la communication parlée, et plus
précisément des conduites posturo-mi-
Les dimensions vocale et mo-gestuelles accompagnant la parole »
corporelle de l’oral comme (Colletta, 2004). Elle comprend les ex-
phénomènes paralinguistiques pressions faciales, les regards, la gestion
de la distance et du toucher, la posture,
la gestualité, l’apparence physique et ves-
Les dimensions vocale et corporelle sont
timentaire. Un bon nombre de ces para-
rarement abordées dans le cadre de
mètres varie selon les cultures, le statut
l’enseignement du français car elles sont
social, la situation de communication et la
perçues comme moindre face aux lourds
personnalité du locuteur. L’expression du
contenus des programmes. Un autre frein
corps et l’implication personnelle de l’en-
à l’utilisation de ces dimensions en classe
semble de la personne sont des éléments
est également à prendre en compte : les
peu maitrisables dans l’enseignement de
enseignant.e.s ne semblent pas à l’aise et
l’oral (Gagnon & Dolz, 2016).
manquent de préparation et d’expertise de
type théâtrale ou artistique qui pourraient
Comment aborder la voix et le corps en
les aider à se familiariser à ce domaine.
tant qu’objets didactiques et réussir à les
Ces dimensions sont d’autant plus dif-
utiliser en situation d’enseignement ? Et
ficiles à aborder qu’elles semblent relever
comment introduire la didactisation de
de la sphère privée de l’élève et qu’il est
ces éléments auprès des enseignant.e.s,
mal aisé de les délimiter et les définir (la
notamment de français ? En Suisse ro-
variation du débit, l’utilisation de pause et
mande, les programmes institutionnels
de silence, l’adaptation du volume à l’es-
prescrivent un examen du traitement de la
pace, l’auditoire, la nature du discours,
voix et du corps. Si ces deux dimensions
l’utilisation du souffle). Or, la diction, la l
sont traitées succinctement lors de l’en- Le 3ème cycle de l’école
prosodie et l’expression corporelle caracté-
seignement de français au 3ème cycle l, obligatoire regroupe
risent, au-delà des éléments linguistiques, les trois premières
les élèves apprennent néanmoins à tenir
l’expression orale (Gagnon & Dolz, 2016). années du secondaire.
compte des contraintes de l’oralité, c’est- Les élèves qui
à-dire l’intonation, le volume de la voix, fréquentent ce cycle
La voix est le support acoustique de la
la diction, le rythme, la gestuelle, etc., et ont entre 11 et 15 ans.
parole et comprend l’émission de sons, la
à les adapter à la situation d’énonciation
prononciation, l’articulation des voyelles
(poésie, chanson, conte, reportage, in-
et des consonnes, l’accentuation, l’into-
terview, etc.). L’élève doit pouvoir lire ou
nation et le rythme. Les consonnes as-
restituer un texte quel que soit son genre
surent la compréhension du contenu tan-
de manière fluide, intelligible et expres-
dis que les voyelles permettent un niveau
sive tout en tenant compte de l’auditoire
sonore d’audibilité. Parmi ces éléments
(Gagnon & Dolz, 2016).

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L’expression orale et l’écoute oralisation de textes écrits, mémorisation
comme objet d’enseignement ? des mots (Gagnon & Dolz, 2016).

l
Précisons que le terme L’enseignement de l’expression orale l
« Les dimensions interaction-
« oral » fera référence dans le canton de Genève est un ensei-
au français langue nelles mettent en jeu l’écoute et
gnement spécifique dispensé par un spé-
première, sauf indiqué la prise en compte des discours
autrement. cialiste reconnu des arts de la scène à tous
des autres locuteurs. Les élèves
les élèves de la 9ème année (la troisième
peuvent ainsi apprendre à refor-
en France) et aux élèves du secondaire
muler l’argument d’un autre
supérieur en sections communication et
élève, à accrocher leur prise de
technologie, et langues vivantes et com-
parole à celle des autres interlo-
munication. La progression des apprentis-
cuteurs, à réfuter un argument
sages s’appuie sur sept critères :
ou à faire une concession, à
− l’adaptation au contexte de prise de
récapituler les thèses défendues.
parole (prendre conscience de ses
Cet apprentissage est à la fois un
capacités vocales et linguistiques, ap-
apprentissage linguistique mais
prendre des techniques de respiration,
aussi un apprentissage social et
d’articulation) ;
participe à la construction de la
− l’acceptation de soi dans le regard des
citoyenneté » (Garcia-Debanc,
autres (relaxation, scénettes, imita-
2016).
tion) ;
− la recherche du contact visuel (diriger,
focaliser, soutenir le regard) ;
− l’adaptation de la gestuelle (savoir
exprimer ses sentiments par la pos- L’écoute est à la fois une condition préa-
ture, les mimiques, l’occupation de lable à tout travail sur l’oral et un des ob-
l’espace) ; jectifs de ce travail. Elle est le versant in-
− l’expression des cinq émotions de base séparable de la parole. Elle se rapporte à
(colère, tristesse, envie, joie, peur) toutes les dimensions de l’engagement
dans le message verbal et gestuel ; dans la communication scolaire. Malgré
− la narration (savoir raconter des faits toute l’importance de l’écoute à l’école,
réels et de fiction en utilisant les orga- son apprentissage, quand il en est ques-
nisateurs textuels, les temps) ; tion, reste implicite. Pourtant, l’écoute re-
− la lecture expressive (savoir interpré- lève de la sphère pédagogique et des rap-
ter un texte en utilisant la ponctuation ports sociaux dans la classe. Comment
orale comme les pauses et le rythme, réussir à dégager des indicateurs didac-
voir Gagnon & Dolz, 2016). tiques susceptibles de différencier et d’or-
ganiser les séquences et les niveaux
La voix et le corps sont bien des objets d’écoute dans divers contextes ?
didactiques même si actuellement les trai-
tements de ces objets d’enseignement se La communication en classe repose sur
résument à l’interprétation théâtrale sans la nécessité de participation des élèves
prendre en compte les contraintes liées à pour que le cours dialogué puisse prendre
l’oralité. En Suisse, les éléments d’ensei- place. Elle dépend également de la ca-
gnement de l’oral sont répartis selon cer- pacité de l’enseignant.e à se faire écou-
taines disciplines : les activités de respi- ter et à écouter les élèves, de la volonté
ration, de formulation, de conscientisation des élèves à écouter l’enseignant.e et les
du corps, d’occupation de l’espace et de autres élèves. Gérer les temps oraux est
rythmique appartiennent à la discipline donc une activité aléatoire qui nécessite
artistique. La prononciation et la proso- une gestion efficace par l’enseignant du
die sont propres aux activités de français. système d’écoutes multiples tout en ren-
Néanmoins, des zones de chevauche- voyant à des notions déstabilisantes de
ment existent lorsque ces disciplines par- difficultés communicationnelles de part et
tagent des objectifs communs : activités d’autre de la classe (Nonnon, 2004).
d’expression orale des genres textuels,

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L’ORAL : ENJEUX SOCIAUX,
Perrenoud (1994) dégage onze ENJEUX ÉDUCATIFS
dilemmes liés à la communication
en classe : En France, la tradition humaniste veut
− autour de la prise de parole et que seule la culture écrite ait une valeur
du silence ; scientifique confirmant ainsi sa domina-
− autour de la justice ; tion sur l’oral et la culture orale des per-
− autour de la norme langa- sonnes non lettrées. Depuis, la culture
gière ; de l’écrit et la lettre ont symbolisé l’objet
− autour du mensonge ; éducatif et incarné la réussite scolaire,
− autour de la sphère privée ; sociale et professionnelle. La question
− autour du conflit ; de la maitrise de l’écrit reste au cœur des
− autour du pouvoir pédago- systèmes éducatifs, plus fondamentale-
gique ; ment en France, et l’enjeu le plus préoc-
− autour du bavardage ; cupant du monde contemporain. « Mai-
− autour de l’erreur, de la ri- triser la lettre, lettre du savoir, lettre du
gueur et de l’objectivité ; pouvoir, c’est la promesse d’une vie future
− autour de l’efficacité et du respectable, non misérable » (Langlois,
temps didactique ; 2012). Pourtant, si l’école est consubs-
− autour de la métacommunica- tantiellement liée à l’écriture pour certains
tion et du sens. (cf. Goody, 1994 par exemple) d’autres
déclarent que la femme et l’homme sont
des êtres de paroles et que c’est le lan-
gage qui est au cœur de la transmission
L’écoute peut être appréhendée à partir des connaissances (cf. Hagège, 1995 par
de différents cadres permettant de définir exemple). Même si «  l’école française,
des domaines d’objectifs et des indica- construite sur les bases d’une pensée
teurs de progrès. On distingue trois di- humaniste a, dès la Renaissance, posé
mensions constitutives de l’écoute : une les fondations d’une école tournée vers la
dimension sociale et interpersonnelle, culture des élites, c’est-à-dire une culture
une dimension cognitive et une dimen- essentiellement livresque, signe distinctif
sion langagière et linguistique du savoir savant », l’oralité joue un rôle
(Nonnon, 2004). Les échanges oraux sont important dans la création et la circula-
à la fois condition et moyen de socialisa- tion des connaissances (Langlois, 2012).
tion dans le microcosme de la classe. Ils L’écrit et la parole sont intimement liés, ils
permettent aux élèves de se situer, de sont souvent mis en opposition à l’école
s’intégrer, d’apprendre les règles sociales et hiérarchisés. Pourtant, Langlois affirme
et scolaires. Il faut apprendre à gérer la que ce sont là deux outils indispensables
prise de parole, les silences, à écouter le à la transmission des savoirs. L’étude
ou la professeur.e et les autres élèves de la parole devient une vraie question
même contre son gré. Cela nécessite des d’éducation en tant qu’outil intellectuel et
qualités de tolérance, d’attitudes civiles et néanmoins naturel, ancré dans la nature
civiques et parfois d’empathie. Pourtant, humaine corporellement et cognitivement.
très peu de recherches se sont consa-
crées à l’étude de l’écoute, pendant indis-
sociable de la question de l’oral. Les ma- « L’oral a des statuts différents
nifestations non verbales de l’écoute de- à l’école et il pâtit du flou qui
vraient sans doute faire partie des élé- affecte sa définition. En effet, le
ments à prendre en compte pour une terme «oral» sert à désigner à la
meilleure prise en charge de l’enseigne- fois des modalités pédagogiques,
ment oral. En effet, en l’absence d’écoute, un outil au service des apprentis-
pas de partage, pas d’échanges, pas sages et un objet d’apprentissage
d’apprentissage (Dumais & Lafontaine, particulièrement complexe »
2011). (Plane, 2015).

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Si les programmes du primaire institution- connaissances acquises, qui vont déter-
nalisent l’oral pour apprendre, au collège- miner un « bagage linguistique ».
lycée, les programmes réaffirment l’impor-
tance de l’oral tout en refoulant l’oralité à La construction de l’élève comme su-
la sphère extra-scolaire (le social, le com- jet parlant, capable d’utiliser le langage
munautaire, le familial). Au lycée où l’écri- pour apprendre et comprendre au sein
ture et la réécriture sont privilégiées, l’ora- des contextes auxquels il ou elle est
lité est peu exploitée et les pratiques confronté.e est l’enjeu principal au sein
semblent étanches à un objectif affiché de l’école. L’oralité est d’abord langagière
mais peu développé. mais elle permet aussi de se positionner
au plan identitaire et de prendre part à la
Les enjeux de l’oralité pour la communauté scolaire d’abord (statut, rôle
réussite scolaire et place de l’élève) et à la société ensuite.
C’est aussi un mode d’ancrage comme
sujet singulier qui permet de faire des
La récurrence de la question de l’ap-
ponts entre les différentes communautés
prentissage de l’oral s’accompagne
qu’il ou elle traverse (Chanfrault-Duchet,
aujourd’hui de la prise en compte des
2002).
difficultés des enseignant.e.s à réduire
les inégalités inhérentes à cet appren-
Le terme oral recouvre à l’école plusieurs
tissage. Le lien entre difficultés sco-
concepts dont :
laires et compétences linguistiques
− l’oral parlé : interaction en face à face,
socialement déterminées se tisse dès
échanges de données énonciatives et
les premiers apprentissages à l’école
pragmatiques ;
maternelle pour se renforcer au début
− l’oral socialisé : rituels socio-discursif
de l’école élémentaire. Des recherches
codés, genres formels, rhétorique ;
montrent que la source de l’échec serait
− l’oralité : ensemble des faits et proces-
langagière et que la réussite dans les ap-
sus liés à la parole communautaire qui
prentissages serait corrélée à la capacité
se déploie dans des contextes rituali-
à « bien parler » le français. Nos résultats
sés, réfère à une mémoire identitaire,
de recherche dans ce domaine, passés
met en jeu des mises en scène, une
et présents, mettent en effet au jour deux
diction et des gestes spécifiques, une
éléments qui laissent penser que la place
énonciation gnomique (qui exprime
croissante de l’oral dans les pratiques
des vérités morales sous forme de
de classe et les dispositifs didactiques
sentences ou maximes).
participe, à l’insu des enseignants, de
l’accroissement des inégalités sociales
Dans le contexte scolaire, le mode parlé
des apprentissages (Bautier, 2016).
n’est pas encouragé, et même souvent
L’approche sociologique décrit comment
interdit et dévalorisé face à un oral sco-
les classes sociales utilisent le langage
laire qui se réfère à l’écrit. L’oral socialisé
de façon différente et comment l’école
constitue la base de l’oral scolaire, ancré
conforte ces discordances en mettant en
dans l’argumentatif, et représente des
jeu des usages de la langue qui ne sont
enjeux scolaires. L’oralité est un élément
pas connus par certains élèves de par
constitutif principal de la maternelle (objet
leur cadre familial (Laparra & Margolinas,
d’étude, support d’apprentissages) mais
2012). En maternelle, les écarts sont très
ne semble être qu’un passage prépara-
visibles en terme d’acquisition de voca-
toire à l’écrit.
bulaire mais aussi de maitrise dans les
échanges en interaction : anticiper, éva-
Laparra et Margolinas abordent le concept
luer, expliciter, tous les enfants de mater-
d’oralité qu’elles définissent en relation
nelle n’ont pas accès à ces usages. Un
avec la littératie dans le cadre d’obser-
socle langagier commun se constitue
vations en classe de maternelle grande
malgré tout, mais les décalages entre
section. Elles insistent sur l’importance
répertoires et conduites langagières
d’oraliser le travail sur les listes de mots
s’accentuent, du fait des contextes de
écrits comme celle des prénoms ou celle
socialisation, des formes de culture, des
des jours de la semaine. Sans repère oral,

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Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 7/32
les listes sont mémorisées par les élèves bulaire, envisager de définir les mots
à la façon dont on mémorise la place de «  dont l’appropriation serait à un niveau
pièces de puzzle : on sait où sont placées donné prioritaire pour structurer le rapport
les étiquettes blanche, jaune ou bleu et au monde et à soi (vocabulaire des émo-
on les remet à la « bonne place » sans tions, des opérations mentales, comme
pour autant avoir fait le lien entre les mots croire, penser, savoir), ou parce que
écrits et leurs sens (Laparra & Margolinas, leur acquisition a un cout cognitif impor-
2012). En classe, la plupart des résultats tant (mots abstraits, relationnels, usages
doivent être consignés à l’écrit après avoir conceptuels de mots connus), ou dont
été pourtant parfaitement mémorisés à l’appropriation est particulièrement diffé-
l’oral. La dévalorisation des connais- renciatrice » (Nonnon & Jacques 2014).
sances de l’oralité fait douter les élèves de
leurs capacités mémorielles orales et rend Pourquoi l’oral est-il si difficile à
caduque toute tentative de continuum enseigner ?
oral-écrit. Les chercheuses proposent
de les analyser en remplaçant le couple
D’abord, la pratique de l’oral est transver-
oral / écrit par les notions d’oralité et de lit-
sale à toutes les disciplines et toutes les
tératie, ce qui amène à remettre en cause
situations. Laparra se demande d’ailleurs
la rupture entre l’oral et l’écrit au profit de
si l’enseignement de l’oral est une mis-
la pensée d’un continuum. Un des enjeux
sion impossible. Les attentes de la part
forts de la maternelle et du CP est de per-
du grand public et de l’institution pour tout
cevoir et de développer les « connais-
ce qui concerne la langue et son enseigne-
sances littératiennes » des élèves : il
ment sont souvent complexes et contra-
faut pour cela faire apparaitre des objets
dictoires : on déplore que l’école utilise
de savoirs aujourd’hui « transparents »
une langue trop éloignée de celle utilisée
(non perçus comme tels), et travailler da-
par les élèves, on reproche aux manuels
vantage certaines pratiques à l’oral, avant
de ne montrer que la langue littéraire, et
de le faire à l’écrit. Pour l’instant « la fami-
dans le même temps, aux enseignant.e.s
liarisation préconisée par l’institution avec
de laisser parler les élèves de façon trop
certains usages de l’écrit s’effectue sans
familière. Les enseignant.e.s doivent tout
aucune analyse des connaissances de
mettre en œuvre pour que les élèves mai-
l’oralité et de la littératie que ces usages
trisent l’écrit et ses usages de plus en
impliquent et dans l’ignorance de ce que
plus tôt, mais on critique le peu de temps
sont les pratiques effectives des familles
consacré à l’apprentissage de l’oral. On
des milieux populaires en la matière. Elle
voudrait que chaque élève puisse déve-
doit être remplacée par la construction
lopper ses capacités linguistiques libre-
d’un nombre limité de savoirs oraux et
ment, mais l’école doit rester garante du
littératiens. Parler de besoins particuliers
savoir savant, du civisme et de la civi-
à propos de certains élèves risque d’exo-
lité. La liste est encore longue (Laparra,
nérer l’école de sa responsabilité dans
2008). Les avis des théoricien.ne.s et
l’échec et de rejeter celle-ci sur les élèves
praticien.ne.s se rejoignent sur la grande
et leurs familles » (Laparra & Margolinas,
difficulté à définir les objectifs de l’ensei-
2012).
gnement de l’oral et à déterminer les activi-
tés, les tâches et les modalités pour les at-
Nonnon et Jacques prônent un allège-
teindre. Quelles sont les principales difficul-
ment des programmes, en particulier
tés inhérentes à l’enseignement de l’oral ?
au niveau des activités grammaticales à
− la régulation des interactions en
l’école primaire, pour mieux centrer les
classe : même si la parole est harmo-
apprentissages sur des notions-noyaux
nieusement répartie entre élèves et
qui permettrait de réfléchir et verbali-
enseignant.e et gérée de façon démo-
ser des raisonnements. Les sciences du
cratique, cela ne garantit pas la réus-
langage peuvent aider à déterminer ce
site de tâches favorisant les apprentis-
qui relève des difficultés langagières
sages discursifs ;
et/ou d’objectifs d’apprentissage dans
− les interactions sociales et les appren-
l’objectif de dégager des priorités. Par
tissages : construire des apprentis-
exemple, lors d’activités autour du voca-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


8/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
sages à partir de savoirs linguistiques énoncés, l’articulation de la parole en in-
et langagiers majoritairement acquis à teraction et la cohérence des propos.
l’extérieur de l’école pose problème, Mais cela reste une activité couteuse en
surtout à l’oral. C’est sans doute temps et en énergie, qui demande des
une des raisons pour laquelle les compétences professionnelles précises.
enseignant.e.s favorisent les tâches La parole peut être monopolisée par les
écrites qui leur permettent de contrôler plus habiles ce qui rend la séquence dis-
et normaliser les apprentissages ; criminante pour les plus faibles, les moins
− les variations sociolinguistiques dia- rapides, les moins familiers avec l’exer-
topiques, diastratiques et diaspha- cice. Ce travail demande beaucoup d’in-
l
Les linguistes siques  l : les variations qui affectent géniosité pédagogique et de finesse dans
reconnaissent toute langue sont une source supplé- le guidage de la part de l’enseignant. Le
l’existence de la
variation et son
mentaire de difficultés pour son ensei- travail de l’oral semble occuper les temps
investissement dans gnement. La stabilité et la permanence collectifs au détriment de l’enseignement
différents ordres des contenus (écrits par exemple) sont des contenus d’apprentissages (Nonnon 
extra-linguistiques : préférables à l’instabilité et la variabi- & Jacques 2014).
diatopique (selon la
région), diastratique
lité (générées par l’oral en classe). Les
(selon la dimension variations diaphasiques sont les plus La problématique d’une langue stan-
sociale ou perturbantes car, selon les contraintes dard occupe également une place de
démographique) et liées aux interactions et aux tâches choix dans la liste des difficultés à sur-
diaphasique (stylistique
ou situationnel). Pour
à effectuer, on peut passer d’un type monter. Comment articuler une réflexion
aller plus loin, lire d’oral conversationnel entre pairs à sociolinguistique et un point de vue di-
Boutet & Gadet (2003). un autre type de communication forte- dactique autour de la langue et de ses va-
ment normalisé ; riations comme objet d’enseignement ?
− la didactique de l’oral : malgré les Qu’appelle-t-on « français standard » et
nombreuses spécificités attribuées à qu’entend-on par l’enseignement de ce
la langue orale tant au plan prosodique modèle ? Les travaux de recherche en
et pragmatique que syntaxique, placer sociolinguistique mettent en question
la frontière entre écrit et oral n’est pas l’opposition binaire oral / écrit (pensé
si simple, surtout si l’enseignant.e doit comme français non-standard / français
choisir entre travailler ce qui est com- standard) au profit de la mise en valeur
mun à tous les usages, la norme lin- d’un continuum des usages de la langue.
guistique, ou ce qui caractérise leurs Ils mettent l’accent sur l’importance des
différences (Laparra, 2008). situations de communication dans les
productions langagières. Dans la relation
oral/écrit, « oral » se réfère aux formes
« Il est juste de remarquer qu’en d’actualisation de la langue qui ne ren-
France la prise en compte des treraient pas dans le modèle standard
variations internes à la langue, et « écrit » aux actualisations conformes
en particulier diastratiques, dans aux codes régissant le modèle standard,
les manuels scolaires de français le code valorisé à l’école. Gadet et Gué-
est pour le moins timide ou dé- rin (2008) plaident pour l’enseignement
voyée » (Chiss & David, 2014). d’un « français de l’école », pensé et
présenté comme tel, sans déconsidé-
ration des autres usages de la langue.
Elles recommandent pour cela d’enga-
Quels types d’interactions verbales peut- ger une réflexion sur la langue et ses
l
La finalité des on organiser dans la classe et comment usages avant le CP où se met en place
programmes de
faire prendre conscience aux l’assimilation du français standard au
Language Awareness
enseignant.e.s des effets du dialogue di- français correct. La didactique du fran-
est de sensibiliser les
élèves au rôle de la dactique sur les productions orales des çais langue maternelle gagnerait aussi
langue dans leur vie, élèves, par exemple dans des situations à s’inspirer des travaux développés
dans la vie de leurs
de débats organisés sur des sujets d’his- en didactique des langues seconde et
sociétés comme
toire, de littérature, de philosophie, etc. ? étrangères avec par exemple des pro-
dans celle d’autres
sociétés (Byram, 1992). Un travail régulier et rigoureux favorise la grammes d’éveil à la langue ou « lan-
tenue des discussions, la longueur des guage awareness  » l principalement

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 9/32
expérimentés en Grande-Bretagne. « La difficultés que rencontrent les élèves
réflexion sociolinguistique, notamment dans la maitrise de la langue. Les re-
sur le couple oral/écrit, peut bénéficier présentations de ce que doit être l’en-
à la pratique didactique. Il s’agit, en seignement du français ne prennent
d’autres termes, de regarder les élèves pas en compte les variétés orales par-
comme des usagers de la langue au lées par les élèves, ce qui amène à
moment où ils s’ouvrent à de nouveaux s’interroger sur l’efficacité des straté-
usages » (Gadet & Guérin 2008). gies scolaires. Dans un contexte sco-
laire marqué par la massification, l’écart
croissant entre le français de l’école et
Idéologie historique de ce que le français des élèves peut être tenu
doit être la langue française responsable des problèmes des élèves
Il existerait une hiérarchie natu- à maitriser la langue (Bertucci, 2008).
relle qui ordonnerait les langues «  Privilégiant un rapport pratique au
selon qu’elles semblent belles, langage, ces derniers ne parviennent
riches, aptes à exprimer des sen- pas systématiquement à le mettre à
sations, des sentiments ou à per- distance et à le prendre comme un ob-
mettre l’élaboration d’un raison- jet étudiable en lui-même et pour lui-
nement scientifique. Le français a même » : Lahire (2008) indique ici que
historiquement incarné la langue réussir au sein d’une école qui a forgé
universelle de la distinction, des ses propres normes autour d’une
belles-lettres, de la civilisation. culture écrite, à partir d’un français sco-
La grammaire et le dictionnaire laire autonomisé, décontextualisé et
ont constitué les nouveaux outils défonctionnalisé, nécessite des dispo-
scripturaux diffusés dans les éta- sitions spécifiques.
blissements d’enseignement qui
ont permis l’homogénéisation Pour les élèves qui ont des difficultés
de la langue après la Révolution. à l’écrit, il semblerait plus pertinent de
« Pour les révolutionnaires, pro- partir de l’oral qu’ils utilisent pour abor-
mouvoir le français signifiait faire der l’écrit et prendre en considération
disparaitre les autres langues, fa- la notion de français ordinaire (fran-
voriser l’homogénéité linguistique çais familier, de la langue de tous les
au détriment de la diversité et de jours, sur laquelle le poids de la sur-
l’altérité. L’institution du français veillance sociale est moindre et moins
langue nationale s’est fondée stigmatisant). Il s’agirait de mettre au
sur l’éviction des langues régio- point une didactique de la grammaire
nales, sur l’acceptation du code qui s’appuierait sur les caractéristiques
commun, du français commun, de la langue orale, plus proches des
lequel correspond à un souci de locuteurs.
marquer l’usage, de rendre la
langue conforme à une norme » Bertucci (2008) énonce quelques proposi-
(Bertucci, 2008). Cette norme tions favorisant l’acquisition d’un français
est finalement restée identique à standard. Les élèves pourraient se référer
celle qui préfigurait avant la Ré- aux typologies spécifiques de l’oral pour
volution car les mêmes manuels les transposer à l’écrit sans prendre en
ont été utilisés, de même l’Acadé- compte le système de l’écrit. Les fautes,
mie française demeura et garda les mésusages des niveaux de langue,
ses fonctions. les infractions au code écrit ne seraient
pas considérés comme des erreurs mais
plutôt comme des interprétations par les
élèves du genre, du nombre, de la mor-
L’enseignement de la langue a gardé la phologie verbale en référence à la typo-
particularité de promouvoir une langue logie de l’oral. Cela permettrait de mettre
unique, le français standard, garant en perspective les représentations du
d’une culture commune pour tous. Cet français par les élèves pour mieux définir
objectif est largement contrarié par les le type de français à enseigner à l’école,

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


10/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
de proposer des entrées sur la langue dif- une question ou de lire à haute voix et la
férentes de celles des manuels et de re- leçon orale devient prépondérante. Dès
nouveler la formation en linguistique des lors, la langue devient la base de l’édu-
enseignant.e.s. Nonnon pense qu’il serait cation intellectuelle des futurs citoyens et
bénéfique d’utiliser lors des activités de lan- citoyennes et du dialogue pédagogique
gage (lecture interprétative par exemple) (cours dialogué, dialogue didactique) la
d’autres supports que ceux des récits de méthode d’enseignement préconisée. Se
fiction comme des écrits issus des leçons pose alors la question de la pédagogie
de sciences ou de technologie, sans doute de l’oral, car il serait naïf de penser que
plus lisibles pour un grand nombre d’élèves le seul dialogue, les seuls échanges suf-
(Nonnon & Jacques, 2014). firaient à un enrichissement pertinent du
langage. L’oral peut-il faire l’objet d’un
véritable apprentissage et si oui, dans
« La circulaire de rentrée 2016 quelles conditions ?
semble prendre en considération
l’extrême diversité des répertoires LA PLACE DE L’ORAL DANS
linguistiques des apprenants LES ENSEIGNEMENTS 
selon leur culture d’origine. Nous
devons nous poser la question
des savoirs communs à l’école, On constate de réelles avancées en ce qui
reconnaitre si certains ne seraient concerne l’articulation oral-écrit. Pendant
pas devenus obsolètes, et si longtemps, les deux concepts semblaient
d’autres n’en sont pas exclus, opposés avec d’un côté l’immédiateté,
alors qu’ils appartiennent doréna- l’affectivité, l’absence de distance critique
vant à la culture contemporaine. et de l’autre la distance réflexive et le rai-
Ainsi on ne peut ignorer l’évolu- sonnement. Toujours présentes dans la
tion des modes de communica- culture scolaire, ces dichotomies ont été
tion et leur importance, ni celle remises en causes, notamment en linguis-
des nouvelles technologies qui tique quand l’observation de situations
ont profondément bouleversé scolaires a montré que l’oral intervenait de
notre rapport au temps et à la façon articulée avec l’écrit. Pour certains
langue » (Cadet & Paquet, 2016).  linguistes, il est nécessaire d’isoler l’objet
« oral » pour mieux l’étudier en dehors
de sa représentation liée à l’écrit et de
mettre en évidence des usages lexicaux,
syntaxiques et énonciatifs spécifiques à
Selon Bertucci (2008), il faudrait pouvoir la langue parlée ainsi que certains méca-
partir du français que connaissent les nismes langagiers. Ceci permet de mieux
élèves, de leurs compétences linguis- comprendre le fonctionnement du lan-
tiques, pour les amener au français sco- gage et ses caractéristiques. Au-delà de
laire. La non prise en compte de la langue son étude linguistique, de nombreuses
parlée accentue les difficultés à trouver recherches en sciences du langage, et
des outils didactiques efficaces. plus largement en sciences humaines et
sociales, montrent l’importance de com-
COMMENT APPRENDRE posantes multiples en matière d’interac-
tion et de communication car « l’oral est
AVEC L’ORAL ? un objet complexe et multidimensionnel »
(Hassan, 2015).
Jusqu’au XIXe siècle, en France, le principe
pédagogique qui gouverne les classes pri- L’oral multidimensionnel
maires est celui du silence des élèves et
de la parole du maitre. Les méthodes dites Au début des années 1990, la modifi-
« actives » ne sont préconisées qu’à partir cation des apprentissages précoces de
du milieu du XIXe siècle lorsque la parole l’articulation oral-écrit à la maternelle
des élèves devient un puissant outil d’édu- s’est opérée à la demande des autorités
cation. On leur demande alors d’expliquer académiques et de la société en intro-

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Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 11/32
duisant dans les classes toutes sortes de plètent les apprentissages oraux, ce
matériaux écrits et d’usages qui leurs sont qui stigmatise d’emblée les éléments
liés. Plusieurs conséquences font suite à sociaux différenciateurs et créateurs
ce phénomène : d’inégalités ;
− la place réduite laissée aux activités − la production orale pose la question
purement orales et l’absence d’appro- de l’étude de l’oral sans transcription l
priation par l’enfant parlant de nou- écrite; Millet et Croizet
(2016) évoquent une
veaux éléments, d’où le risque de ne − le développement d’activités aux ob- naturalisation des
pas compléter les acquisitions ver- jectifs incertains, souvent déterminés savoirs mobilisés
bales et les apprentissages linguis- par les besoins de l’écrit (l’enseigne- donnant l’illusion
tiques nécessaires à une meilleure ment du lexique par exemple, voir que les compétences
que certains élèves
entrée dans l’écrit l. On attend impli- Laparra, 2008). mobilisent pour réussir,
citement des familles qu’elles com- notamment celles
liées à l’oral, leur sont
intrinsèques.

Opposition oral/écrit l
Ils se distinguent d’abord par leur matérialité. L’un est sonore et gestuel, l
Lire aussi Delcambre
l’autre graphique. L’écrit permet de dissocier des activités, de préparer ses Isabelle (2011).
propos, de corriger alors que l’oral est éphémère, instantané. L’oral néces- Comment penser
site souvent une interaction en forme de co-construction d’un message les relations oral/
avec des contributions qui se complètent. L’oral n’est pas forcément fami- écrit dans un cadre
scolaire ? Recherches,
lier, l’écrit n’est pas forcément soutenu. Si l’oral et l’écrit s’opposent ce n’est n° 54.
pas selon leur registre mais en fonction des modalités des interactions et
des procédés énonciatifs (Hassan, 2015). En général, on comprend sous le
terme « oral » les formes de la langue qui ne relèvent pas du modèle stan-
dard, et sous le terme « écrit » des formes qui y correspondent. Un corpus
d’œuvres littéraires considérées comme prestigieuses forment le canon de
« l’écrit », l’unique code valorisé. Pourtant tous les écrits ne correspondent
pas à ce code, et l’oral peut en relever. Il vaudrait mieux utiliser « oral » au
sens de « phonique » et « écrit » au sens de « graphique ». Il existe bien un
continuum entre oral et écrit, plutôt qu’une opposition, qui nécessite de
mettre l’accent sur les conditions de réalisation de productions langagières
(Gadet & Guérin, 2008).

L’oral n’est pas un écrit dégradé, il n’est ment de l’oral nécessite une planification
pas seulement une émission sonore, il pédagogique spécifique car il est à la fois
possède son propre code et ses marques chronophage et demande un travail soute-
linguistiques et communicationnelles. La nu individuellement et collectivement avec
différence n’est plus centrée sur l’immé- l’aide de l’enseignant.e (Chiriac, 2013).
diateté et la labilité de langage versus le L’ensemble de ces composantes relève de
différé et la stabilité pour l’écrit. La com- domaines différents : composantes psy-
plexité de l’oral transparait dans les divers chologiques (intentions du locuteur, image
aspects mis en jeu lors de l’activité langa- de soi), composantes physiques (appareil
gière : les éléments linguistiques (connais- phonatoire, corps), composantes pragma-
sances phonologiques, morphologiques et tiques (capacité de comprendre la situa-
syntaxiques) et communicationnels (règles tion, capacité d’adaptation), composantes
discursives, psychologiques, culturelles discursives et langagières (conduites
et sociales qui régissent l’utilisation de discursives requises comme savoir argu-
la parole en fonction des contextes). Les menter par exemple), composantes lin-
autres éléments également à prendre en guistiques (niveau de maitrise des règles
compte dans une interaction verbale sont de grammaire, du lexique), composantes
les éléments corporels (gestes, mimiques) prosodiques (inflexion, ton, tonalité, into-
et les éléments voco-acoustiques (intona- nation, accent, modulation), composantes
tion, vitesse d’élocution, etc.). L’enseigne- métalinguistiques (capacité à contrôler son

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12/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
discours, à le reformuler, à l’expliciter), construit à plusieurs émetteurs ; la
composantes interactives. Certaines de position des participants n’est pas
ces composantes sont communes à l’oral fixée à l’avance et évolue au cours
et à l’écrit, d’autres sont spécifiques au de l’interaction (le débat non préparé,
langage oral. L’oral étant fortement dialo- d’après Chiriac, 2013).
gique, les interactions et le corps des in-
terlocuteurs (réactions, expressions) sont Les instructions officielles rappellent régu-
des dimensions premières de l’oral. L’ac- lièrement que l’école doit apprendre aux
quisition du langage est enracinée dans élèves à communiquer aussi bien dans la
le dialogue et les capacités linguistiques vie de la classe que dans la vie en socié-
s’acquièrent selon un processus commu- té. Voici une liste des habiletés verbales
nicatif (Hassan, 2015). C’est pourquoi on à construire :
ne parle pas d’un oral, mais des « oraux » :  − savoir attendre son tour de parole,
− l’oral, objet d’apprentissage qui per- demander la parole, marquer la fin de
met aux apprenant.e.s de s’exprimer son tour de parole ;
dans différents contextes ; les com- − savoir écouter et mémoriser ce que dit
pétences visées étant communica- autrui, savoir le répéter en mot à mot,
tionnelles, langagières, orales ;  le reformuler, le résumer ;
− l’oral, outil au service des apprentis- − savoir parler à propos et donner des
sages (structure la pensée, permet informations en les organisant ;
d’apprendre à l’autre, permet l’élabo- − savoir user du discours d’évocation ;
ration d’une pensée commune) ;  − savoir illustrer son discours d’exemples
− l’oralisation (on prête sa voix à un texte pertinents ;
produit par quelqu’un d’autre, comme − savoir développer un point de vue, une
pour la récitation, la lecture scénique, argumentation ;
la lecture à haute voix) ou la produc- − savoir respecter le point de vue d’au-
tion verbale orale (l’émetteur est lui- trui en reformulant son propos, savoir
même le producteur de son discours, convaincre autrui ;
comme dans le débat) ;  − savoir rendre compte d’un événement,
− l’oral, expression de soi, sert à exposer des connaissances ;
construire son identité (l’improvisation − savoir expliquer à autrui un phéno-
théâtrale) ;  mène, le fonctionnement d’un objet ;
− l’oral monogéré : le discours est − savoir vérifier auprès d’autrui si l’on a
pris en charge et généré par un seul bien compris ce qu’il veut dire ;
émetteur et se construit en référence − savoir respecter les règles de poli-
aux conduites discursives ; racon- tesse et savoir ménager les autres
ter, décrire, expliquer, argumenter (Laparra, 2008).
(l’exposé) ; 
− l’oral polygéré : le discours est

En France, à la fin du cycle 4 les élèves doivent pouvoir :


− participer de façon constructive à des échanges oraux ;
− comprendre des discours oraux élaborés (récit, exposé magistral, émis-
sion documentaire, journal d’information) ;
− produire une intervention orale continue de cinq à dix minutes (présen-
tation d’une œuvre littéraire ou artistique, exposé des résultats d’une
recherche, défense argumentée d’un point de vue) ;
− interagir dans un débat de manière constructive et en respectant la
parole de l’autre ;
− s’exprimer de façon maitrisée en s’adressant à un auditoire ;
− exploiter les ressources expressives et créatives de la parole ;
− lire un texte à haute voix de manière claire et intelligible ;
− dire de mémoire un texte littéraire ;
− s’engager dans un jeu théâtral (Programme d’enseignement 2015 en
France, extraits).

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Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 13/32
Toutes ces compétences sont hétéro- section par les Programmes (2015) pour
gènes et nécessitent d’être enseignées l’école maternelle » (Péroz, 2016).
différemment en fonction de l’âge de
l’élève. Le langage pour apprendre dans
les disciplines
Les programmes de 2015 réaffirment
pourtant l’importance du langage dès les
Le « langage pour apprendre » devient
premiers apprentissages. Toute activité
un objet « enseignable » de façon offi-
favorisant la communication et l’émer-
cielle sans pour autant se voir attribuer
gence de la fonction sémiotique (comme
d’ancrage disciplinaire. Néanmoins, la
le jeu par exemple) est à favoriser dans
maitrise de la langue à l’école trouverait
la classe. D’un point de vue langagier,
naturellement sa place dans la didac-
l’enseignant.e. est incité.e à mettre en
tique du français qui s’intéresse déjà
place des activités pour développer l’ac-
aux typologies de textes et aux genres
quisition lexicale et proposer un aperçu
des textes pour les discours, les débats,
des différents genres discursifs mais cela
les exposés, etc. Mais la réalité est bien
ne s’opère pas sans difficulté (Canut,
plus complexe que cela et les travaux
2009). Les programmes du cycle 1 ac-
de didactiques sont ponctués de nom-
cordent une mention spécifique à « la sti-
breuses interrogations touchant le cœur
mulation et à la structuration du langage »
même du travail disciplinaire et des spé-
avec deux préconisations principales :
cificités des pratiques langagières dans
− la pédagogie du langage doit aider
le cadre de l’école : quelle est la place
l’élève à passer de la conversation
du langage pour apprendre dans les dis-
ordinaire ancrée dans l’ici et main-
ciplines scolaires ? Quelle est la prise
tenant à un langage plus détaché du
en charge par la discipline français par
contexte, évoquant des éléments abs-
rapport aux autres disciplines ? Les sa-
traits ou absents de la situation ;
voirs et les compétences développés en
− l’enseignant.e doit se donner les
français contribuent-ils à la construction
moyens d’interagir fréquemment et de
des savoirs dans d’autres disciplines ?
la façon la plus efficace possible avec
La discipline du français est-elle fermée
chacun.e des élèves de sa classe
sur elle-même ou bien au contraire dis-
(Canut & Espinosa, 2016).
soute dans les contextes d’utilisation
en mathématiques, en histoire, en EPS,
Depuis plusieurs années, l’apprentissage
etc ? Jaubert et Rebière (2011) ajoutent :
du langage oral à l’école maternelle fait
« le lire, l’écrire, le parler, la réflexion sur
l’objet d’observations convergentes de la
le langage seraient-ils indépendants des
part des chercheur.se.s comme de celle
contextes d’utilisation, s’actualiseraient-
des autres acteurs éducatifs. tou.te.s.
ils d’eux-mêmes, «naturellement», dans
dénoncent la contradiction entre les ob-
l’ensemble des situations où le langage
jectifs affichés aux séances de langage
est à l’œuvre ? ». Leurs travaux (au
et une parole magistrale qui occupe plus
sein d’un champ de recherche restreint)
de la moitié de l’espace conversationnel
montrent qu’un des objets au centre de
(Péroz, 2016). Le modèle d’apprentis-
cette problématique qui permettrait de
sage de ces séances (modèle « dialogal
reconfigurer l’enseignement du français
adulto-centré ») a pour conséquence de
(en articulant langage et cognition) pour-
privilégier les interactions et le dialogue
rait être la notion de « position énon-
enseignant.e. – élèves et de défavoriser
ciative » qui caractérise selon elles les
les élèves les moins performants ou les
différentes activités langagières discipli-
moins cultivés. « Trente pour cent des
naires. En effet, le langage n’est pas un
élèves ne prennent pas la parole et la
élément transparent, il est étroitement lié
longueur moyenne des interventions des
aux processus cognitifs et son usage est
autres élèves est de 6 à 8 mots, bien loin
toujours contextualisé.
de ce qui serait nécessaire pour construire
les phrases complexes ou acquérir les
Confrontés à des modes de fonctionne-
compétences discursives raconter, dé-
ment et de discours différents selon les
crire, expliquer etc. attendues en grande

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14/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
disciplines, les élèves doivent apprendre Le fonctionnement du langage est un ob-
à adapter et construire la position énon- jet d’étude en marge de la didactique du
ciative propre à chaque discipline. Les français et des autres didactiques, comme
auteures font l’hypothèse que cette mise si la maitrise du langage allait de soi sans
en cohérence discipline/positionnement relever d’apprentissages spécifiques. Or,
énonciatif relève de l’enseignement du le langage n’est pas juste une façon de
français car les compétences à acquérir coder la pensée, et les savoirs n’existent
décrites dans les textes officiels et les pro- pas en dehors des pratiques langagières
grammes, comme les caractéristiques de qui les ont forgés. «  L’appropriation des
genres discursifs hors contexte d’usage, savoirs est tributaire de l’activité de
en relèvent. Il semble pourtant que la mai- l’élève » et donc ne s’observe qu’en
trise de ces genres ne peut être acquise contexte dans des situations de penser-
que s’ils sont replacés dans un contexte parler-agir liées aux savoirs visés dans
d’utilisation spécifique et que l’élève les une « communauté discursive discipli-
intègre lors d’une activité ou d’un tâche naire scolaire » (Jaubert & Rebière,
bien précise. Le discours métalinguis- 2011). Les enseignant.e.s doivent travail-
tique n’est d’aucune utilité s’il est utilisé ler les processus d’inscription des
de manière surplombante et décontex- élèves dans les univers disciplinaires sco-
tualisé, d’autant plus si les élèves n’ont laires pour aboutir, à terme, à des usages
jamais eu l’occasion de développer une stabilisés permettant d’ancrer la construc-
attitude distanciée par rapport au langage tion d’une maitrise des pratiques langa-
en général. Mais le langage utilisé pour gières et discursives disciplinaires. Ces
apprendre et penser dans chaque disci- compétences ne peuvent s’obtenir que si
pline peut-il être enseigné en dehors de la on prend en compte plusieurs notions
discipline concernée ? Faut-il travailler sur constitutives de ces habiletés. La pre-
les conduites langagières contextualisées mière est la notion de cohérence qui est
dans les disciplines ? le signe de maitrise des paramètres
contextuels de la production de discours,
mise en adéquation du système d’énon-
Un exemple en cours de sciences ciation dans un contexte discursif. La deu-
(Gaussel, 2016). xième est la notion de secondarisation
Les élèves sont amenés à adopter qui est le processus de transformation des
les principes de « penser-parler- usages langagiers initiaux des élèves en-
agir » efficaces en sciences. Ceci trainant une transformation de leur mode
implique de : d’agir et de penser dans une discipline
− concevoir la classe de donnée, c’est-à-dire une transformation
sciences comme une commu- cognitives langagière avec réorganisation
nauté scientifique discursive des systèmes de lexiques et des genres
(avec ses propres codes lan- discursifs adaptés au contexte discipli-
gagiers) avec des savoirs, des naire. La secondarisation est donc un ou-
activités et des valeurs qui lui til d’analyse permettant une mise à dis-
sont spécifiques (comme la tance, voire une modification, de la part
réfutation et la mise en ten- de l’élève par rapport à ses pratiques lan-
sion entre modèles empiriques gagières initiales (Jaubert & Rebière,
et explicatifs par exemple) ; 2011).
− concevoir que les pratiques
langagières sont constitutives Cette mise à distance est difficile à mettre
des savoirs scientifiques ; en œuvre lors de séquences de construc-
− concevoir que l’enseignement tion de savoirs proprement disciplinaire, il
des sciences génère des pra- est donc nécessaire qu’il y ait une travail
tiques et des systèmes sémio- préalable en français sur la secondarisa-
tiques qui lui sont propres tion des discours et la mise à distance des
(tableaux, graphes, symboles). pratiques langagières en comparant les
usages langagiers propres à chaque disci-
pline. Enseigner un modèle phrastique ou
textuel ne suffit pas pour maitriser les dif-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 15/32
férents usages et spécificités langagières crit alors dans une relation de dépendance
propres à chaque discipline. Il faut mettre à l’écrit qui permet à l’élève de structurer sa
en relief les déplacements énonciatifs des pensée et d’apprendre à bien parler pour
élèves dans des contextes variés et dé- ensuite mieux apprendre et réussir sa car-
velopper un regard réflexif au sein de la rière scolaire (Langlois, 2012).
classe de français en premier lieu.
Selon la tradition scolaire en France,
l’enseignant.e, en position d’autorité,
« Il nous semble que la notion pose les questions, et l’enfant répond.
de position énonciative est une Il s’agit d’apprendre à « bien parler » et
question importante pour la di- l’enseignant.e assume un double rôle de
dactique du français, en lien avec modèle et de censeur. On observe donc
celle de conscience disciplinaire. deux types d’interventions, question-
Au croisement du psychologique, réponse et maintien de la discipline qui dé-
du social et du linguistique, elle finissent « un type particulier de communi-
ne peut se réduire à une question cation où l’enfant ne peut ni construire son
linguistique et être abordée pour apprentissage sur un oral participatif entre
elle-même en tant qu’objet. Parce pairs ni se construire en tant qu’élève en
qu’elle participe à la régulation dehors d’une soumission passive à l’auto-
des conduites langagières, son in- rité imposée et à un dialogue inégal avec
tégration dans l’enseignement du son maître » (Grandaty, 2002). La mise en
langage exige le développement place d’ateliers de paroles lors d’un travail
de relations et de collaborations en groupe ne garantit en rien, à lui seul,
entre le français et les disciplines un travail oral réellement partagé car la di-
(y compris littérature et étude mension linguistique et discursive n’est pas
de la langue). Cette nécessité est prise en compte. Ces ateliers favorisent
soulignée, de manière récurrente, certes la libre circulation de la parole, mais
sous des formes différentes, à pas la transformation de la parole de l’élève
la fois dans les recherches et les en réel outil d’apprentissage (Reverdy,
textes officiels, sans que pour 2016). Instaurer un traitement didactique
autant la reconfiguration de la des conduites discursives repose sur le
discipline français n’ait vraiment fait que l’oral doit être travaillé en classe,
pu la prendre en compte » comme tout outil indispensable aux ap-
(Jaubert & Rebière, 2011). prentissages, pour apprendre à décrire,
reformuler, récapituler, expliquer, raconter,
et ne peut être construit que dans et par la
coopération langagière entre pairs.
Une didactique spécifique de l’oral
La didactique de l’oral prend appui sur les
trois pôles du triangle didactique de Halté
Dans toute la francophonie, il a fallu at- (1992) :
tendre les années 1990 pour que la didac- − premier pôle : appropriation des l
tique de l’oral l trouve sa place dans les conduites langagières orales adé-
Qu’est-ce que
la didactique ?
travaux consacrés à la didactique. Les quates (leçon planifiées ou sponta- Selon la définition
constats établis par les acteurs éducatifs et nées) ; du Dictionnaire
les chercheur.se.s dénoncent des connais- − deuxième pôle : élaboration de l’oral des concepts
sances insuffisantes sur l’enseignement comme objet d’enseignement et d’ap-
fondamentaux des
didactiques (Reuter et
et l’évaluation de l’oral, un manque de prentissage (OEA) qui permet de le al., 2007), il s’agit d’une
formation en didactique de l’oral pour les légitimer et le rend pertinent ; discipline de recherche
enseignant.e.s et des imprécisions dans − troisième pôle : oral comme moyen qui analyse les
les programmes institutionnels. Actuel- d’enseignement, outil des interventions
contenus comme des
objets d’enseignement
lement, la volonté de maitriser le langage de l’enseignant.e et des interactions. et d’apprentissage
n’a pas pour objectif de montrer les qualités liés à des matières
cognitives de l’oralité mais plutôt de rendre Dumais et Lafontaine concluent à pro- scolaires. La didactique
plus performants les autres apprentissages, pos de leur recherche que pour les
de l’oral analyse les
contenus relatifs à
notamment celui de l’écrit. La parole s’ins- enseignant.e.s qui ont travaillé à l’intro- l’oral rattachés aux
matières scolaires.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


16/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
l
Il s’agit d’actes duction de l’oral pragmatique l dès les − elle/il sait parler à voix haute pour au-
de parole ou de premières années de scolarité (5 ans et 1er trui, il lui faut apprendre à user d’une
langage. Le concept cycle primaire), il ne fait pas de doute que parole intérieure silencieuse ;
d’oral pragmatique
est défini dans la ce travail favorise l’entrée dans le monde − elle/il sait interagir efficacement, il lui
partie consacrée scolaire (Dumais & Lafontaine, 2011). faut apprendre à s’arrêter sur ce qui
aux conceptions vient d’être dit, à le mettre en mémoire
didactiques (p. 19). La didactique de l’oral est centrée sur pour pouvoir le restituer à l’identique
la langue avec la construction d’habile- immédiatement ou de manière diffé-
tés discursives orales essentielles. À rée. C’est la condition nécessaire pour
chaque étape de la scolarité de l’élève, un qu’elle/il puisse comparer deux formu-
point doit être fait sur ces assertions : lations entre elles, tant au plan formel
− elle/il sait parler dans l’immédiateté de qu’au plan sémantique, et qu’elle/il
l’échange verbal, mais il lui faut ap- puisse, en dehors de la dynamique de
prendre à produire des énoncés légè- l’interaction, être capable de procéder
rement différés ; seul.e à des reformulations, soit à des
− elle/il sait parler dans l’interaction fins communicationnelles, soit à des
avec les autres, mais il lui faut aussi fins métalinguistiques, soit encore à
apprendre à parler sans le soutien des des fins cognitives (Laparra, 2008).
interactions, en s’appuyant parfois sur
des énoncés écrits ;

Travailler les conduites discursives (Grandaty, 2002)


« La démarche générale en est la suivante :
− les enseignants visent d’abord à construire chez les élèves une culture
commune sur un contenu disciplinaire donné. Le but est de permettre, en
principe, à tous les élèves de s’exprimer sur la situation qu’ils construisent
ensuite. À l’expérience, si ce principe n’a pas d’effets de manière uni-
voque, il s’avère être d’une grande efficacité pédagogique sur la durée de
l’année. Notons qu’il est à l’opposé de pratiques scolaires qui postulent
que, pour que l’élève de maternelle puisse s’exprimer, il doit parler de lui ;
− ils prévoient ensuite la mise en place d’un dispositif (taille des groupes,
présence de l’enseignant.e, usage de traces écrites) adapté à la tâche
orale prescrite (expliquer comment on fait des crêpes, par exemple) afin
de pouvoir anticiper un certain nombre de stratégies d’étayage ;
− ils prélèvent enfin des indices de compétences à partir d’indicateurs de
progrès durant la tâche réalisée réellement par les élèves. Prélever ces in-
dices se fait sur la durée, de manière souple, avec pour but précis d’avoir
des informations précises pour chaque élève, par trimestre ».

Appréhender la didactique de l’oral de et à évaluer l’oral, on est loin de proposer


manière transversale (à travers les disci- aux enseignant.e.s des objectifs et des
plines, pas uniquement le français), c’est compétences visées clairement définis.
prendre en considération qu’actuellement Pour Nonnon (2016), le travail sur l’oral ne
l’oral semble « aller de soi » dans l’école semble pas très florissant dans les milieux
alors que son enseignement est consi- académiques de la didactique du français
déré comme subordonné à l’apprentis- car il butte sur les difficultés intrinsèques
sage de la langue (grammaire, lexique) à la discipline : des difficultés méthodolo-
et donc de l’écrit. Même si l’oral semble giques (les observations en classe sont
être au cœur des préoccupations institu- couteuses en temps) qui posent question
tionnelles (cf. nouveaux programmes de sur la validité des résultats, et des diffi-
2015), il n’existe pas vraiment de cadre cultés épistémologiques (normaliser des
pour son enseignement. Au niveau de modèles génériques dans des contextes
la hiérarchie institutionnelle, même s’il y a variés et imprévisibles).
de plus en plus d’injonctions à enseigner

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 17/32
LES CONCEPTIONS élèves. Il s’agit du débat, de l’exposé, de
DIDACTIQUES DE l’interview et de la lecture à autrui.
L’ENSEIGNEMENT DE L’ORAL La conception intégrée est, comme son
nom l’indique, intégrée aux séquences
L’oral peut être enseigné de façon expli- habituelles, quelles que soient les dis-
cite au même titre que l’écrit. Ancré dans ciplines selon des activités ou disposi-
les activités des élèves dans ces situa- tifs axés sur l’oral. Le travail sur l’oral en
tions, quelles que soient les disciplines, classe permettra à l’élève de « s’appro-
l’élève est amener à débattre, expliquer, prier les apprentissages mais aussi de dé-
commenter, exposer (Hassan & Bertot, velopper des conduites langagières spé-
2015). L’enseignement de l’oral relève cifiques » (Hassan & Bertot, 2015). Cette
à la fois d’une approche linguistique et conception propose un enseignement de
pragmatique. La maitrise des différentes l’oral à proprement parler (pas unique-
composantes de la communication orale ment les genres) avec une mise en œuvre
est primordiale pour la réussite scolaire. des objectifs, des intentions et de l’inter-
Ces composantes sont réparties selon vention elle-même. L’approche intégrée
deux dimensions : une dimension struc- est loin d’être « naturelle » (allant de soi),
turale et une dimension pragmatique. elle nécessite au contraire de mettre en
Le volet structural inclut la phonétique, la place une distance entre des situations
morphologie, la syntaxe et la sémantique ordinaires et des situations d’apprentis-
et s’acquiert de façon implicite avant l’âge sage qui nécessite que l’enseignant.e ait
de cinq ans via un mode de socialisation au préalable analysé la situation d’activité
essentiellement. Le volet pragmatique se et les conduites langagières qui s’y rap-
rapporte aux relations entre le locuteur et portent. Il faut pour cela « dénaturaliser »
le contexte de locution, les aspects so- le cadre d’apprentissage, c’est-à-dire
cio-culturels, les émotions, la gestion du l’analyser, le décrire, le mettre à distance
corps et de la voix, les aspects discursifs. pour mieux comprendre et contrôler son
Cette dimension se développe de manière fonctionnement.
implicite au fur et à mesure que l’enfant
maitrise les éléments de la dimension Le dialogue didactique contribue à la
structurale (De Grandpré, Lafontaine & construction de procédures spécifiques,
Plessis-Bélair, 2016). Comment cela peut- des façons de penser-parler-agir rela-
il se traduire dans la salle de classe ? tives à l’activité disciplinaires en jeu (lire
Quelles sont les conceptions didactiques un texte littéraire ne sollicite pas la même
sur lesquelles s’appuyer ? pratique langagière que commenter une
carte de géographie). Comment dès lors
Conception autonomiste et organiser l’enseignement de l’oral en fonc-
conception intégrée tion des disciplines dans une approche
intégrée ?
Deux conceptions majeures autour de la
question de l’enseignement de l’oral se En termes d’enseignement, les deux
dégagent à partir des travaux de didac- conceptions ne s’opposent pas mais se
tique, du français notamment, et conti- complètent. L’organisation est néanmoins
nuent de faire débat. La première est un très différente car les contenus, les « en-
conception spécifique ou autonomiste seignables », ne sont pas les mêmes :
(représentées principalement par les tra- l’approche autonomiste favorise le genre
vaux de Dolz et Schneuwly), la deuxième oral comme unité d’enseignement et il
est une conception intégrée. s’agit de faire apprendre aux élèves les
différents genres. Cette façon de procéder
Selon la conception autonomiste, l’ensei- est théorisée dans l’ouvrage de référence
gnement de l’oral est organisé autour de de Dolz et Schneuwly (2009).
séquences spécifiques sur les genres
oraux formels, prises en charge par Dans la conception intégrée, ce sont les
l’enseignant.e. Ici, l’oral est un objet dis- tâches langagières qui organisent et
ciplinaire qui doit être maitrisé par les structurent les séquences. Le postulat de

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


18/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
départ s’appuie sur le fait que quelle que complexes organisées en séquence, uti-
soit la discipline, le langage oral consti- lisation d’outils de la textualité). L’enfant
tue une part majoritaire des activités utilise majoritairement des actes dialo-
et des situations scolaires (interactions gués au début de sa scolarité. Au fur et à
enseignant.e.s/élèves, entre élèves, cours mesure il passera de la parole simple à la
et explications orales, etc., voir Hassan & parole organisée en discours. On observe
Bertot, 2015). une transition du dialogue (échanges
avec les autres) au monologue (être ca-
En contexte scolaire, les élèves ré- pable de s’exprimer seul). Les actes de
pondent aux demandes de l’enseignant.e parole complexes se réfèrent en général
en expliquant, en commentant, en répon- à des conduites discursives ou opérations
dant ou en argumentant, en empruntant langagières qui sont décomposables en
des chemins de pensée se manifestant constituants séquentiels. Dans les pro-
par des conduites discursives. L’enjeu grammes canadiens francophones, on
pour l’enseignant.e est d’identifier les apprend à utiliser la parole via les genres,
conduites à l’œuvre (comme l’exemplifi- actes de paroles ou stratégies d’écoute.
cation, la démonstration, la récapitulation, Cette utilisation des objets de l’oral per-
la reformulation, etc.) dans la construction met de les mettre en pratique.
des savoirs dans chaque situation. « Faire
ce travail d’identification est une première Types d’interactions et genres
étape pour échapper à l’oral de communi- oraux
cation et le transformer en oral de travail »
(Hassan, 2015).
Différents types d’interactions orales par-
ticipent au développement des pratiques
La tâche discursive ou langagière se
langagières en classe. Tout d’abord, un
rapporte à l’orientation des activités des
oral pragmatique qui permet de prendre
élèves de façon à enclencher le pro-
la parole lors de situations concrètes de
cessus d’apprentissage. En terme de
la vie quotidienne et de développer des
tâche, l’enseignement de l’oral demande
capacités d’analyse de la situation de
à l’enseignant.e de déterminer les res-
communication. Ensuite, un oral réflexif
sources langagières à mobiliser lors de
qui favorise une prise de distance et la
l’activité afin d’affronter les obstacles lin-
construction de processus langagiers qui
guistiques ou discursifs qui pourraient
contribuent à la construction des connais-
entraver le travail des élèves en les obli-
sances et à la prise en compte du dis-
geant à trouver des stratégies pour les
cours de l’autre. Toute production verbale
surmonter. Cette façon de procéder est
l prend la forme d’un genre oral l. On peut
Le terme de genre utilisable dans toutes les disciplines. Ces
donc considérer que les productions lan-
correspond malgré la tâches peuvent être regroupées autour de
référence commune gagières en classe sont constituées de
deux axes principaux :
à Bakhtine à des nombreux genres qui définissent les pro-
− l’axe de la décontextualisation et de
acceptions différentes, ductions orales (Dupont, 2011).
renvoyant soit aux la centration : capacité de construire
genres normés une référence commune et partagée
pratiqués dans l’univers lors du discours ; L’oral pragmatique
social voire aux
genres formels de la − l’axe de la mise en relation et de la
rhétorique, soit aux régulation : capacité de construire L’oral pragmatique, concept développé
configurations mises des liens et du sens entre ses propres par Maurer (2001), a pour objectif de dé-
en œuvre dans les énoncés et ceux des autres (Hassan & velopper à l’école les capacités d’analyse
conduites langagières
Bertot, 2015).  de la communication en passant par un
(raconter, expliquer,
exposer, résumer, qui
enseignement des actes de parole, ou de
articulent un rapport Selon Dumais (2014), il existe deux types langage, dits actes périlleux (poser une
à l’interlocuteur, une d’usages de la parole : des usages dia- question, s’excuser, accepter un compli-
forme de structuration,
logués (échanges avec une ou plusieurs ment, apprendre à interrompre/ à changer
un type de cohérence
(Nonnon, 2016). personnes, accomplissement d’actes de de sujet, demander de répéter, demander
langage, peu de marqueurs textuels) et une chose/ exprimer un souhait, deman-
des usages monologués (hors struc- der une information personnelle, deman-
ture d’échanges, actions langagières der une permission, donner un ordre,

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 19/32
exprimer son désaccord, etc.) afin de langage oral sert « au développement de
favoriser des comportements communi- l’individu, à l’enrichissement de sa relation
catifs efficaces et respectueux. Comme avec les autres et à la compréhension de
les enfants ne bénéficient pas tous des la société qui l’entoure » (De Grandpré,
mêmes contextes de socialisations et Lafontaine & Plessis-Bélair, 2016).
d’accès au langage oral, l’école est solli-
citée pour développer les capacités lan-
gagières des élèves. L’enseignement du

Les actes périlleux (selon Maurer, 2001)


Actes qui menacent la face de l’interlocuteur :
− actes qui font pression sur l’interlocuteur et qui l’obligent ou l’empêchent
de faire un acte : ordre et demande, suggestion, conseil, rappel, avertis-
sement ;
− actes qui prédisent un acte du locuteur à l’égard de l’interlocuteur et qui
obligent l’interlocuteur à l’accepter ou à le rejeter : offre, promesse ;
− actes qui expriment un désir du locuteur à l’égard de l’interlocuteur ou de
ses biens et qui amènent celui-ci à se protéger : compliment, expression
d’envie ou d’admiration, haine, colère, désir ;
− actes qui montrent que le locuteur émet une évaluation négative : cri-
tiques, reproches, désapprobation, insulte, contradiction, opposition
montrant que l’interlocuteur a tort ;
− actes qui montrent que le locuteur ne se soucie pas de l’interlocuteur :
irrévérence, mention de sujets tabous, couper la parole, ne pas écouter
l’autre.
Actes qui menacent la face du locuteur lui-même
− actes de remerciement supposant une dette ;
− excuses ;
− acceptation d’une offre ;
− acceptation d’un compliment (obligation de dénigrer l’objet du compli-
ment) ;
− reconnaitre ses insuffisances, ses fautes, sa responsabilité.

L’oral réflexif des contenus, la conception d’écrits


intermédiaires, les bilans, l’interpréta-
Des recherches ont exploré et analysé le tion et parce qu’il favorise l’élaboration
courant de l’oral réflexif qui aborde l’oral à des savoirs seconds reste le support
la fois comme moyen et objet d’enseigne- scolaire privilégié ;
ment (Chabanne & Bucheton, 2002). Les − l’oral, qui reste presque exclusivement
didacticien.ne.s de diverses disciplines réservé aux pratiques de transmission
s’interrogent sur les pratiques langagières et de vérification des savoirs, ou qui
mises en œuvre pour penser et dévelop- est utilisé comme moyen de dialogue
per des savoirs dans un contexte sco- au service de l’instauration du conflit
laire. Les pratiques langagières, perçues cognitif, souvent sous-estimé par les
comme un outil de conceptualisation par enseignant.e.s. (trop immédiat, trop
la recherche, ne sont cependant pas en- labile).
core reconnues comme telles par l’institu-
tion scolaire. Jaubière et Rebière (2011) Les chercheuses voient cependant en
analysent le rôle du travail langagier dans l’oral réflexif un formidable levier pour une
la conceptualisation et la construction des réorganisation des pratiques qui permet-
savoirs par les élèves. Les activités langa- trait aux élèves de construire des points
gières réflexives (secondarisation) sont : de vue et réseaux conceptuels nouveaux
− l’écrit, qui permet l’archivage, la cri- (Jaubière & Rebière, 2002). On peut donc
tique, la comparaison, l’objectivation parler d’oral réflexif mais selon certaines

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


20/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
conditions liées au processus de secondari- disciplinaire. Ces genres sont souvent
sation. L’oral réflexif fait appel à divers types régis par des conventions sociocultu-
d’interactions verbales ayant pour enjeu relles qui leur donnent leurs caractéris-
l’appropriation par les élèves de savoirs tiques linguistiques.
disciplinaires et des pratiques langa-
gières qui leur sont liées. L’oral dans la Les pratiques langagières familières
classe met en jeu des déplacements per- (de genre premier) des élèves ne leur per-
mettant une réorganisation des pratiques, mettent généralement pas d’agir effica-
la construction de nouveaux points de vue, cement dans chaque discipline. Même si
et un contrôle de l’activité scolaire consti- les consignes, les prescriptions sont don-
tutifs des genres seconds. Néanmoins, la nées dans un genre usuel premier pour
pression communicationnelle des échanges les élèves, la vérification des expériences,
peut ralentir la compréhension et les ana- des théories, les contraintes, les résultats
lyses des mises en œuvre tant sur le plan attendus produisent un genre discursif
langagier que conceptuel. nouveau pour les élèves, second pour
l’enseignant.e : « La prescription initiale
Les genres oraux devient matériau constitutif d’un genre
second, en usage dans la communauté
Toute prise de parole s’inscrit dans une scientifique scolaire et indispensable
époque, une culture donnée et s’adresse au contrôle de l’activité » (Jaubière &
à un auditoire spécifique. La notion de Rebière, 2011). La distinction entre genre
genre apparait comme une manière premier et genre second est donc perti-
d’organiser et de classer différents nente dans le contexte scolaire. La trans-
types de textes oraux, organisation formation des pratiques langagières
qui peut évoluer dans le temps selon (la secondarisation) correspond à l’appro-
le contexte social, politique et culturel. priation d’outils culturels, linguistiques et
« Chaque sphère d’utilisation de la langue disciplinaires dans le contexte scolaire.
élabore ses types relativement stables
d’énoncés, ces types stables constituent L’enseignement et l’apprentissage de
les genres du discours. Le genre fonc- l’oral par les genres sont d’abord cen-
tionne donc comme une norme qui inter- trés sur le texte qui représente l’unité de
vient dans la structuration des énoncés, base à la fois comme unité de communi-
comme le font les formes du langage » cation mais aussi comme unité de l’acti-
(Dolz & Gagnon, 2008). C’est pourquoi vité langagière. Le texte correspond à
une prise en compte préalable des dimen- des situations d’interaction sociale dans
sions de la situation d’interaction est un contexte spécifique. Il ne suffit pas de
primordiale. Chaque domaine d’activité faire des phrases correctes pour commu-
engendre ses propres formes d’énoncés niquer. Le genre textuel doit être adapté
spécifiques et situe le langage dans un à la situation communicationnelle, au but
contexte précis, l’ancre dans une commu- poursuivi, aux destinataires, aux théma-
nauté et le rend pertinent dans une situa- tiques abordées (Gaussel 2016). L’articu-
tion donnée. Bakhtine (1984) recense lation entre apprentissage d’un genre oral
deux types de genres : et contenus disciplinaires évite les risques
− le genre du discours premier ou d’un enseignement formaliste de l’oral
primaire : échanges spontanés de la tout autant que les dérives d’un enseigne-
vie courante, face à face immédiat, ment extensif et global de l’oral intégré
conversation familière ; dans toutes les activités de la classe.
− le genre du discours second (roman, (Grandaty & Dupont, 2010). Utiliser les
théâtre, conférence, débat) : échanges genres comme base de départ présente
culturels plus élaborés, pas d’urgence un triple avantage : la diversité et l’hété-
temporelle lié à l’échange, permettent rogénéité des textes donnent la possibi-
une mise à distance de l’activité, une lité de déployer de nombreux contenus
objectivité, une réorganisation de l’acti- d’enseignement, le contexte social de pro-
vité et une présentation de celle-ci via duction et de réception des textes permet
des formes langagières convention- de prendre en considération les pratiques
nelles à une communauté culturelle ou sociales de référence, les classements

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 21/32
par le genre renvoient aux représenta- gner ou un outil pour apprendre ? Ces
tions génériques collectives, aux usages. préoccupations ont été abordées par Paul
«  Le genre oriente les dimensions à en- Cappeau et Anne Vibert lors des Rendez-
seigner : les contraintes de la situation, vous des lettres 2014 : « la prise de parole
les plans textuels, les unités linguistiques étant toujours liée à une situation, l’ensei-
caractéristiques, les unités de sens, etc. » gnement de l’oral relève à la fois d’une
(Dolz & Gagnon, 2008). approche linguistique et pragmatique. La
notion de genre de l’oral réunit ces deux
À partir des travaux de Jean-François composantes et permet peut-être de
Halté (1992) sur les genres textuels et mieux identifier l’objet à enseigner. Mais
les explorations didactiques qui leur sont la question de la langue orale reste trop
liées, trois questions sont posées de fa- souvent le point aveugle de nos pratiques.
çon récurrente : comment faire de l’oral Y a-t-il une grammaire de l’oral et doit-elle
un objet enseignable ? Quelle interaction s’enseigner ? ».
oral-écrit ? L’oral est-il un objet à ensei-

Une typologie des genres oraux l


Pour une recension
Tout texte possède un genre particulier l qui est défini à partir d’un des 50 genres oraux
ensemble de caractéristiques : définis par Chartrand,
− des caractéristiques communicationnelles avec une intention de com- Émery-Bruneau &
Sénéchal (2015), lire le
munication (divertir, produire, agir, informer, justifier, etc.), un contexte guide d’enseignement
social de production (lieu, temps, sphère d’activité), un énonciateur sin- proposé au Québec :
gulier ou pluriel, un destinataire spécifique ou collectif, un univers repré- Caractéristiques
senté (réel ou fictif), des thèmes traités ; de 50 genres
pour développer
− des caractéristiques textuelles comme la structure du texte (plan, taille), les compétences
le système énonciatif, le système de temps verbaux, l’emploi privilégié langagières en français.
de procédés langagiers (la définition, la reformulation, l’exemplification,
l’explicitation) ;
− des caractéristiques sémantiques avec les figures de style, les champs
sémantiques, le lexique courant ou spécialisé, propre ou figuré ;
− des caractéristiques grammaticales avec l’emploi privilégié de structures
de phrases (active, passive, interrogative, emphatique) et l’emploi de la
ponctuation ;
− des caractéristiques d’oralité avec la prosodie (intonation, rythme, ton),
le regard, la mimique, la posture, la gestuelle, la production directe ou
différée, en arrière-fond ou non (Chartrand, Émery-Bruneau & Sénéchal,
2015).

Si nous évoquons brièvement ici les mo- − un critère de légitimité, qui suppose
dèles didactiques c’est parce qu’ils per- des ressources et des savoirs valides
mettent d’orienter les pratiques et de les et légitimes ;
rendre opérationnelles. Trois dimensions − un critère de pertinence, qui mesure
participent à sa définition  : les savoirs l’adéquation des ressources et des
de références à mobiliser, les différentes savoirs choisis en fonction des finalités
composantes textuelles spécifiques et les et des objectifs scolaires ;
capacités langagières nécessaires des − un critère de solidarisation, qui assure
élèves. Le modèle didactique du genre la cohérence de l’ensemble des res-
regroupe, idéalement, l’ensemble des sources convoquées.
ressources qui pourraient être mobilisées
dans les activités scolaires et servir de Progression et évaluation
contenu d’enseignement (Dolz & Gagnon,
2008). Les modèles didactiques de genre Le développement des pratiques langa-
s’élaborent toujours en fonction de trois gières comme le débat argumentatif ou
critères de validité, c’est-à-dire :

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


22/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
l
Quelques indicateurs la discussion philosophique l dans des La progression n’est pas qu’une ques-
de la compétence séquences interdisciplinaires ou trans- tion scientifique et didactique pour l’éla-
discursive à l’oral :
actes d’étayages, actes
versales (non centrées sur les disciplines) boration des contenus d’enseignement
de désaccord, actes est aujourd’hui inscrit dans les instruc- car elle relève d’un ensemble complexe
de conceptualisation, tions officielles relatives à la maitrise de d’enjeux institutionnels, sociologiques,
actes de reformulation, la langue dans toutes les disciplines et à idéologiques et axiologiques. Même si les
actes de prise de
position, actes
tous les niveaux du primaire et du secon- programmes, en listant les compétences
informatifs (Bouchard, daire. Le travail de la langue à l’oral est à acquérir (ou visées) pour chaque niveau
Lavoie & Gagnon, dans ce cadre un axe important de la pro- scolaire, peuvent prendre la forme d’une
2015) gression des élèves vers la pratique d’un progression, ils génèrent également des
oral codifié, socialisé, scientifique, loin de tensions en raison des décalages ressen-
la pratique de la conversation courante. tis entre curriculum prescrit, réel et curri-
Pourtant, très peu de synthèses de tra- culum caché. Les connaissances que les
vaux de recherche et d’analyses sur une élèves acquièrent en dehors de l’école
progression de l’apprentissage de l’oral interfèrent constamment avec le curricu-
sont à ce jour disponibles pour la pratique lum et les programmations des apprentis-
enseignante (Dumais, 2014). sages. Un découpage a priori des objets
d’enseignement concernant les pratiques
Beaucoup de questions restent à ce jour langagières selon une logique purement
sans réponse : quoi enseigner et quoi éva- scolaire peut contredire les étapes du
luer à l’oral en fonction des capacités des développement de l’enfant, d’autant plus
élèves et quand le faire ? Comment élabo- qu’il n’existe que peu de données sur les
l rer les fondements d’une progression des acquisitions linguistiques après la période
Développement
cognitif des élèves : objets d’apprentissage de l’oral en classe de la petite enfance. « C’est pourquoi les
la transformation qui s’appuie sur le développement (cogni- situations et les objectifs sont souvent re-
et l’organisation
des structures tif l mais aussi affectif, psychomoteur, pris d’une année à l’autre, du début à la fin
intellectuelles social, moral) des élèves dès le début de de l’année, sans qu’on puisse expliciter en
qui influent sur la scolarité jusqu’à la fin du secondaire ? quoi les attentes évoluent et les tâches se
l’apprentissage, sur complexifient » (Nonnon, 2010).
le développement
du langage, sur la Les recherches menées ces dernières
mémoire. années sur l’enseignement et l’évalua- Dumais propose que les théories dé-
tion de l’oral signalent d’importantes pro- veloppementales servent de base à
blématiques dans leur mise en œuvre. l’élaboration d’une progression afin
Rarement défini dans les programmes, de construire des repères dans les ap-
faisant rarement l’objet d’une progres- prentissages de l’oral. L’oral fait appel à
sion s’appuyant sur un cadre théorique, des compétences cognitives, linguistiques
l’enseignement de l’oral a besoin d’une et pragmatiques (relation entre langage et
élaboration construite, progressive et individus). Cela concerne le verbal, le pa-
raisonnée de la compétence orale que raverbal (prosodie, rythme, pause, etc.),
les enseignant.e.s souhaitent développer le non-verbal (gestes, regards). L’oral
chez les élèves. Les écrits scientifiques peut refléter la langue écrite (lecture, ré-
sur le sujet sont si peu nombreux qu’on citation), un parler spontané ou contrôlé,
peut qualifier l’enseignement de l’oral de être en direct ou différé, en monologue ou
zone grise bordée de vide théorique dialogue. Les enseignant.e.s manquent
(Dumais, 2014). de repères, ne « savent pas comment s’y
prendre  » et méconnaissent les diverses
Nonnon (2010) questionne la notion composantes de l’oral, ils et elles ne
d’évaluation en relation avec l’enseigne- savent pas quoi et comment évaluer et ne
ment de l’oral en indiquant qu’il est difficile possèdent pas d’outil adaptés aux diffé-
de mettre en place des évaluations de la rentes situation de communication pour le
progression orale des élèves en fonction faire. Du côté des élèves, l’enseignement
de leur capacités à appréhender les diffé- de l’oral ne semble pas perceptible, ils ne
rents genres textuels (par exemple l’abs- connaissant pas les critères d’évaluation
traction pour un genre de fiction, le réel de l’oral ni quand ces évaluations ont lieu
pour les faits historiques). (Dumais, 2014).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 23/32
En France, on trouve quelques repères pour l’enseignement des mathématiques
de progressivité dans les programmes de pour lequel « il est tout aussi essentiel
2015  l accompagnant un tableau récapi- qu’une activité langagière orale reposant l
« L’enseignement
tulatif des attendus en fin de cycle 2 et une sur une syntaxe et un lexique adaptés de l’oral au cycle 4
liste d’activités possibles et de ressources accompagne le recours à l’écrit et soit conduit les élèves à
entrer davantage dans
à utiliser. On trouve également quelques favorisée dans les échanges d’arguments
les genres codifiés de
modalités d’enseignement de l’oral : « le entre élèves ». Il est bien indiqué que le l’oral en les pratiquant
langage oral trouve à se développer dans langage oral « qui conditionne également et en en identifiant les
les dialogues didactiques, dans les débats l’ensemble des apprentissages » doit faire caractéristiques. Des
moments spécifiques
de savoirs ou d’interprétation (à propos l’objet d’un travail spécifique sans pour
lui sont consacrés en
de textes ou d’images), dans les comptes autant mettre à disposition des outils pour lien avec les activités
rendus, dans les discussions à visée philo- enseigner et évaluer. Pour les cycles 3 et 4, de lecture et d’écriture.
sophique (lien avec l’enseignement moral les recommandations sont réitérées, l’oral Les élèves apprennent
à tirer profit de
et civique). Il peut également être travaillé est de plus en plus associé à l’écrit et à la
l’écoute de discours
en éducation physique et sportive, qui né- lecture, surtout en français mais également oraux élaborés ; ils
cessite l’emploi d’un vocabulaire adapté en EPS, en histoire et géographie et en apprennent à en
et précis pour décrire les actions réalisées mathématiques. Un court paragraphe en produire eux-mêmes, à
s’appuyer efficacement
et pour échanger entre partenaires ». Ces fin de cycle aborde les questions d’attitude
sur une préparation,
préconisations sont également évoquées critique et de règles d’échanges : à maitriser leur
expression, à apporter
leur contribution dans
des débats » (BOEN,
Attitudes critiques Règles d’échanges 2015).

- Adopter une attitude critique par - Participation à l’élaboration col-


rapport au langage produit. lective de règles et de critères de
- Règles régulant les échanges ; réussite concernant des prestations
repérage du respect ou non de ces orales.
règles dans les propos d’un pair, - Mises en situation d’observateurs
aide à la reformulation. (« gardiens des règles ») ou de co-
- Prise en compte de critères d’éva- évaluateurs (avec le professeur)
luation explicites élaborés collec- dans des situations variées d’expo-
tivement pour les présentations sés, de débats, d’échanges.
orales. - Analyse de présentations orales ou
- Autocorrection après écoute (refor- d’échanges à partir d’enregistre-
mulations). ments.
- Fonctionnement de la syntaxe de - Collecte de corpus oraux (enregis-
la langue orale (prosodie, juxtapo- trements à partir de situations de
sition, répétitions et ajustements, classe ou de jeux de rôle) et obser-
importance des verbes) et compa- vation de la langue.
raison avec l’écrit.
- Relevé et réemploi de mots, d’ex-
pressions et de formulations.

La mise en place d’une progression et Van Beveren en Belgique en 2012.


de l’enseignement de l’oral doit tenir Maurer (2001) présente une progression
compte de la complexification des objets allant du primaire au lycée avec des ob-
d’enseignement au fur et à mesure de la jectifs spécifiques pour chaque période.
scolarité tout en s’appuyant sur un cadre Des indications sont apportées sur la l
théorique. Dumais (2014) a répertorié façon d’utiliser cette progression sans L’oral pragmatique
permet d’enseigner
quelques projets de progression pro- pour autant donner de précisions quant l’oral à partir d’actes de
posés par des chercheurs et des cher- aux besoins des élèves selon leur âge. parole tirés de la vie
cheuses de l’espace francophone dont De plus, ses travaux ne concernent que quotidienne dans une
Maurer en France en 2001, Chartrand perspective pratique
l’oral pragmatique l. La progression se- (voir p. 19).
au Québec en 2008 et Dumortier, Dispy lon Chartrand (2008) met l’accent sur les

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


24/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
genres textuels en alignant leur étude L’oral est un objet d’évaluation sociale
en fonction du niveau (par exemple on permanent, c’est pourquoi une des mis-
étudie les consignes au CP, le message sions prioritaires de l’école est de donner
publicitaire en CM1 et la biographie en la possibilité à chacun de pouvoir com-
4ème). Les travaux de Dumortier et al. muniquer de façon à se construire en
portent uniquement sur l’exposé mais structurant ses expériences, ses juge-
ont l’avantage de proposer des objec- ments, ses émotions en se confrontant
tifs d’apprentissage à poursuivre à 10, aux autres. C’est ce qui permet d’accé-
14 et 18 ans accompagnés de tâches der à la littératie scolaire ou élaborée
et de ressources. L’intérêt de cette pro- en fonction des interactions, écrites ou
gression reste néanmoins limitée car orales, avec le monde qui nous entoure.
elle ne s’adresse à aucun niveau du pri- «  Il s’agit ensuite de faire de l’oral de
maire (2012). La notion de progression l’apprentissage un objet de formation
en français reste à ce jour fortement pour les enseignants : si les malenten-
débattue (Nonnon, 2010  ; Grandaty & dus autour des tâches scolaires sont
Dupont, 2010) et génère de nombreuses des facteurs d’inégalité entre les élèves,
tensions au sein des établissement alors se trouvent requises de la part
d’enseignement. « La notion de pro- des enseignants des conduites d’expli-
gression, en ce qu’elle touche à l’orga- citation qui trouvent à s’exercer dans le
nisation temporelle des enseignements domaine disciplinaire du «français» tout
et à l’expérience du temps, constitutive autant que dans les autres disciplines
des apprentissages, est centrale dans où se construisent les connaissances du
toute réflexion didactique » (Nonnon, monde dans et par les pratiques langa-
2010). gières » (Chiss, 2002). On constate donc
la nécessité pour les enseignant.e.s de
maitriser les questions théoriques qui
Pour faire émerger une véritable sous-tendent les pratiques d’évaluation
didactique de l’oral réaliste et liées mais la mise en œuvre des objec-
fonctionnelle, il est nécessaire tifs liés à l’apprentissage de l’oral tels
d’agir sur quatre dimensions : qu’ils sont décrits dans les programmes
− il faut cesser d’opposer méca- est considérée comme difficile par les
niquement l’oral à l’écrit dans enseignant.e.s car :
les différentes activités langa- − la nature de l’oral et de son dévelop-
gières ; pement vient perturber la transmis-
− il faut aider les maitres/mai- sion des savoirs passant traditionnel-
tresses à se fonder sur les ac- lement par le mode écrit ;
quis linguistiques et langagiers − l’oral est difficile à observer et com-
des élèves et cesser de penser plexe à analyser ;
l’apprentissage en termes de − l’oral est instantané, immédiat, il ne
déficits à combler ; laisse pas de trace (comment ana-
− il faut mettre l’accent sur des lyser ce qu’on entend une seule
habiletés verbales sous-esti- fois ?) ;
mées ; − les moments de prise de parole par
− il faut que les objectifs visés chaque élève et leur évaluation pa-
soient déclinés en étapes raissent trop chronophages ;
successives, élaborer des pro- − le fonctionnement spécifique de l’oral
gressions linguistiques rigou- est souvent mal connu et générale-
reuses et que ces progressions ment sous-estimé, dévalorisé par
soient mises en relation avec rapport à la valeur de l’écrit ;
des tâches verbales permet- − la méconnaissance de la va-
tant de les réaliser (Laparra, leur de l’oral conduit souvent les
2008). enseignant.e.s à juger négativement
les prestations orales (comparaison
d’un discours rédigé puis lu à l’oral) ;
− la valeur attribuée à la forme écrite
empêche de valoriser l’oral ;

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 25/32
− il est jugé très périlleux par les enseignants que travailler la langue,
enseignant.e.s en terme d’évalua- apprendre à lire et interpréter les pro-
tion : on juge plus qu’un exercice à ductions orales des élèves et leurs dif-
l’oral, on juge un individu sur d’autres ficultés, penser des progressions et des
dimensions que les seules compé- tâches pour faire avancer tous les élèves
tences (apparence, timbre de voix, est une entreprise aussi stimulante et
type d’expression, etc.). L’oral est exigeante qu’interpréter et d’expliquer
marqué par les pratiques sociales de des textes » pose les jalons d’un grand
référence : parler fort ou doucement, chantier à mettre en œuvre.
parler vite, parler près sont des mar-
queurs de variations culturelles.

Dès lors, la proposition de Nonnon et


Jacques (2014) de « montrer aux futurs

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


26/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
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• Nonnon Élisabeth (2016). 40 ans de discours sur Psychology, vol. 12, n°4, p. 242-248.
l’enseignement de l’oral : la didactique face à ses
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• Nonnon Élisabeth & Jacques David (2014). Langage
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• Oakhill Jane & Cain Kate (2007). Introduction to


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• Pégaz Paquet Anne (2013). Et si on parlait pour


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Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 29/32
Notes

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


30/32 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral
Notes

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017


Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 31/32
n° 117
Avril 2017

Pour citer ce dossier :


Gaussel Marie (2017). Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec
l’oral. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 117, avril. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accu
eil&dossier=117&lang=fr

Retrouvez les derniers Dossiers de veille de l’IFÉ :


l Endrizzi Laure (2017). Recherche ou enseignement : faut-il choisir ?
Dossier de veille de l’IFÉ, n° 116. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accu
eil&dossier=116&lang=fr
l Joubaire Claire (2017). EMI : partir des pratiques des élèves. Dossier
de veille de l’IFÉ, n° 115, janvier. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accu
eil&dossier=115&lang=fr
l Reverdy Catherine (2016). La coopération entre élèves : des
recherches aux pratiques. Dossier de veille de l’IFÉ, n° 114, décembre.
Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accu
eil&dossier=114&lang=fr

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