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TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE
POUR L'ENSEIGNEMENT

01,11 JIT1TI0P3
 SEC ET DANS L'EAU
AVEC FIGURES DANS LE TEXTE

PAR

N. LAISNÉ
PROFESSEUR DE GYMNASTIQUE, MASSAGES ET FRICTIONS APPLIQUÉS A LA MÉDECINE
Chevalier de l'Ordre de Danebrog
Chargé, conjointement avec M. le colonel d'Argy, de la fondation de l'École Normale
de gymnastique militaire de Joinville
Fondateur et Directeur de la gymnastique dans les hôpitaux
Directeur du gymnase du Lycée Louis-le-Grand, etc., etc.

PARIS
LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET C IE
BOULEVARD SAINT-GEKMAIN, 77
ET CHEZ LES PRINCIPAUX LIBRAIRES

1868

Propriété de l'Auteur
Tout exemplaire non revêtu de la signature de l Auteur
sera réputé contrefait.

Paris. — Typographie de Ch. Meyrueis, rue Cuja3, 13.


A MON AMI

M. LE COLONEL D'ARGY,
Commandeur de l'ordre de la Légion-d'Ilonneur,
Commandeur de l'ordre de François I 1"' des Deux-Siciles,
Officier de l'ordre de Savoie
et de l'ordre de' 4" classe de l'Aigle-Rouge de Prusse.

TÉMOIGNAGE

D'UNE PROFONDE ESTIME ET D'UNE SINCÈRE AMITIÉ.

N. LAISNÉ.
TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE
POUK

L'IIMIIT 1 M NATATION. .

Dans ce petit ouvrage (1), qui a pour but unique


de diminuer les difficultés qu'il faut ordinairement
vaincre pour apprendre à nager, je crois pouvoir
éliminer, sans nuire aucunement au résultat que je
me propose d'atteindre , tous les détails relatifs aux
différentes manières de nager, ainsi que ceux ayant
rapport aux bienfaits de la natation , soit comme
santé, soit comme sécurité.
En m'étendant plus longuement , je n'aurais pu
que copier ce qui a déjà été dit depuis longtemps par
des hommes des plus compétents en cette matière ;
je me bornerai donc à décrire et à présenter par
des figures, les mouvements les plus rationnels qui
permettront d'apprendre à nager en peu de temps ;
je prierai les personnes qui voudront compléter leurs
connaissances en natation, de consulter l'excellent
r

(1) Les figures ont été dessinées par M. Boeourt et gravées par M. Sottain .
6 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

ouvrage de M. le vicomte L. de Courtivron, publié


chez Ourth Baucher , imprimeur -libraire , rue des
Bons-Enfants, n° 34, à Paris, 1824.
Puis encore un autre ouvrage très-détaillé inti­
tulé : Nouveau manuel complet clés nageurs , par
M. Julia de Fontanel, chez Roret, libraire, rue Hau-
tefeuille, n° 10, Paris, 1838.
Si pour apprendre à se soutenir sur l'eau, il fallait
passer par des études et des applications de longue
durée , comme celles que nécessitent l'équitation ,
l'escrime, la danse, etc., etc., on serait moins sur­
pris de voir un aussi grand nombre de personnes ne
sachant pas nager; mais si l'on compare le petit
nombre des leçons nécessaires pour apprendre à
nager, avec le nombre des leçons indispensables pour
n'être encore que très-peu habile dans les autres
exercices du corps, on a le droit de dire que l'insou­
ciance d'un trop grand nombre de parents, pour faire
apprendre à nager à leurs enfants, n'est pas pardon­
nable, et il est certain, pour moi, qu'ils ne se pé­
nètrent pas assez du préjudice qu'ils leur causent, en
leur laissant ignorer ce qui peut, en les préservant
du danger, leur procurer tant de bien-être et de sa­
tisfaction. Je demande quelle douleur doit éprouver
celui qui, ne sachant pas nager, se trouve condamné
à voir, à quelques pas de lui, un pauvre-petit sujet,
son enfant peut-être, se débattre contre une mort
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. T

certaine, sans qu il lui soit possible de lui porter au­


cun secours. Je connais une personne qui ne s'est
jamais consolée, depuis qu'elle a vu périr de cette
façon, à quelques pas d'elle, un pauvre enfant qu'elle
aurait pu sauver si facilement, si elle avait eu la
moindre notion sur la natation.
Mais je ne veux pas m'étendre sur ce sujet; je
dirai seulement, que ne pas savoir nager est une in­
capacité que l'on traîne partout avec soi, et dont on
devrait avoir à cœur de se débarrasser le plus
promptement possible, n'importe à quelle époque de
la vie.
Afin que ce petit traité soit le plus restreint pos­
sible, je ne parlerai que d'une seule manière de
nager, qui est celle qu'on appelle la brassée, ou nager
en grenouille, attendu qu'une fois qu'on saura se
soutenir sur l'eau, toutes les autres manières de na­
ger, plonger, etc., etc., ne seront plus qu'une ques­
tion d'essai et d'aptitude.
Avant de passer à la description des exercices pré­
paratoires à sec, je dois prévenir les personnes qui
feront usage de cette méthode, que si les élèves sont
bien préparés, et certains de leurs mouvements avant
de les mettre en application à l'eau, les résultats se­
ront très-prompts et infaillibles. Depuis 1852, une
instruction pratique, composée par M. le colonel
d'Argy, est suivie dans tous les corps de l'armée, et
8 TRA.ITÉ ÉLÉMENTAIRE

les résultats qu'on obtient chaque année, ont con­


staté depuis longtemps, les progrès rapides que font
les hommes soumis à cette méthode. Je puis d'au­
tant mieux l'affirmer, que dès l'apparition de cette
instruction, j'ai pu, conjointement avec mon ami
M. le colonel d'Argy (alors directeur de l'École nor­
male de gymnastique militaire, où j'étais moi-même
attaché comme professeur particulier), la mettre en
application sur les sous-officiers et caporaux déta-
tachés à cette école , et que les résultats que nous
avons obtenus au début, ont toujours été les mêmes
depuis cette époque. Plus tard, en 1861, j'ai fait de
nouveaux essais sur des élèves de tout âge, apparte­
nant au Lycée impérial Louis-le-Grand, en leur ap­
pliquant les principes de cette petite méthode, et je
puis affirmer que les résultats ont toujours été des
plus satisfaisants. Je dirai, de plus, qu'il serait dif­
ficile de décrire le bonheur des élèves qui vont à
l'eau pour la première fois; la confiance qu'ils ont
acquise dans la connaissance des mouvements qu'ils
vont mettre en pratique, leur donne beaucoup d'as­
surance, et l'idée de ne pas être tenu des demi-
heures entières au bout d'une corde, leur procure
une satisfaction qui n'est pas sans influence sur les
résultats qu'on obtient d'eux.
Je passe à l'application des exercices, et je dirai de
suite, sans commentaires, qu'il y a certaines con-
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. 9

naissances qu'on ne peut obtenir que par la pra­


tique : la natation exige plus que toute autre chose
une application pratique. Mettez-vous donc à l'œu­
vre, chers élèves de tout âge et de tout rang, et
quelle que soit votre répugnance pour l'élément li­
quide qui peut vous barrer la route si fréquemment,
je vous le répète encore une fois, mettez-vous à
l'œuvre sans retard, et en peu de temps vous saurez
ce que personne ne devrait ignorer, et ce que vous
n'oublierez plus de votre vie, lors même que vous
resteriez nombre d'années sans pratiquer. Sachez
aussi que beaucoup de personnes sont naturellement
plus légères que l'eau : il suffirait donc à celles-ci de
ne faire aucun mouvement pour rester à la surface ;
d'autres, au contraire, sont plus pesantes que l'eau,
et couleraient continuellement au fond sans l'action
de quelques mouvements raisonnés. Je vais citer,
à cet égard, deux exemples contre lesquels on ne
peut élever de doute. Ainsi, mon ami M. le colonel
d'Argy est plus grand et pèse 20 kilos de plus que
- moi ; il s'immerge dans n'importe quelle eau , et
là, soit allongé sur le dos, les bras en croix, soit les
jambes et les bras croisés, soit les mains derrière la
tête et les jambes mollement allongées, ou encore
complètement debout les bras croisés, et sans faire
le moindre mouvement, il reste toujours au-dessus
de l'eau ; tandis que moi, presque aussi grand que
10 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

lui et pesant 20 kilos de moins, la cessation de mou­


vement me fait couler au fond, telle position que je
prenne; j'ai même essayé bien des fois de me rem­
plir la poitrine d'air avant de me laisser aller, et
comme je puis rester facilement trois quarts de
minute sous l'eau, j'ai toujours obtenu pour résultat
de couler au fond, tandis que le plus léger mouve­
ment, même rien qu'avec les mains, en les faisant
agir en forme de nageoires, suffit pour me maintenir
à la surface. Cette observation, faite sur moi-même,
me donne donc le droit de dire que si l'homme est
plus léger que l'eau , comme l'avancent beaucoup
de théoriciens, cela ne peut pas et ne doit pas être
accepté comme une règle générale.
POUR L'ENSEIGNEMENT DR. LA NATATION. 11

EXERCICES.
Pour les exercices préparatoires, les élèves seront
placés sur une seule ligne et de façon à ne pas se
^êner dans leurs mouvements ; ils ne devront pas
ître plus de dix par peloton pour un professeur, et,
lutant que possible, ils seront en un costume qui leur
aermette une grande liberté de mouvements.

PREMIER EXERCICE.

Les élèves étant placés comme il vient d'être ex­


pliqué ci-dessus, le professeur leur dira :
Pour lancer l'une après l'autre lesjambes à droite
et à gauche, les mains sur les hanches, en position.
Au dernier avertissement, les élèves placeront les
mains sur les hanches et plieront la jambe droite en
l'ouvrant autant que possible , et placeront le talon
droit près de la jambe gauche, comme le repré­
sente la figure n° 1 .
Aussitôt cette position prise, et après avoir lui-
même exécuté le mouvement devant les élèves en
comptant à haute voix, le professeur commandera :
Marche !
A ce dernier avertissement , les élèves lanceront
12 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

vigoureusement le pied droit à plat sur le sol vers


leur droite , et à une distance moyenne , en comp­
tant : un. (Yoyez cette position, figure n°2.) Puis en
ne restant là que le temps de marquer la position,
ils rapprocheront vivement la jambe droite près de
la gauche en la maintenant tendue, et en frôlant le
sol avec la plante du pied , en comptant : deux.
(Yoyez cette nouvelle position, figure n° 3.) Puis de

là, après un temps d'arrêt assez court, les élèves


plieront de nouveau la jambe droite en comptant :
trois, pour reprendre la première position (voyez la
figure n° 4), et ils continueront ainsi jusqu'au com­
mandement de : halte! du professeur, qui fera en­
suite répéter autant de fois le même exercice avec
la jambe gauche. Gomme tous ces mouvements
doivent préparer les élèves à exécuter l'ensemble de
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. 13

ceux qu'ils devront bientôt mettre en pratique dans


l'eau, le professeur apportera toute son attention à
bien faire marquer aux élèves le plus ou moins de
temps qui doit s'écouler entre chaque mouvement,
afin qu'il y ait toujours tendance à se rapprocher le
plus possible des mouvements définitifs. Ainsi, pour
ce premier exercice, les deux premiers mouvements,
de lancer la jambe à droite et de la rapprocher ten­

due contre la gauche, se suivent de très-près ; pen­


dant qu'au contraire, la jambe droite reste un petit
moment allongée contre la gauche, avant de re­
prendre la position de la figure n° 4, parce que c'est
ainsi que cela doit se faire pendant l'application à
l'eau.
14 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

DEUXIÈME EXERCICE.

Les élèves étant placés comme pour l'exercice pré­


cédent, le professeur leur dira :
Pour lancer l'un après l'autre les bras au-dessus
des épaules, et les ramener près d'elles, en position.
Au dernier avertissement, les élèves placeront la
main droite devant l'épaule, les doigts et le pouce
réunis, le coude près du corps, comme le représente
la figure n° 5.

Aussitôt cette position prise, et après avoir exécuté


lui-même l'exercice, le professeur commandera :
Commencez!
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. 15

A ce dernier avertissement, les élèves lanceront


ensemble le plus vivement possible le bras au-dessus
de l'épaule, en comptant : un. (Voyez la figure n° 6.)
Aussitôt cette position marquée, les élèves tourne­
ront vivement la main en dehors en comptant :
deux. (Voyez la figure n° 7). De là, ils descendront

le bras allongé vers leur droite, jusqu'à ce qu'il ait


un peu dépassé la hauteur des épaules ; puis, à ce
moment, ils feront décrire vivement une portion de
cercle à la main en pliant le coude, et viendront aus­
sitôt la replacer à la position de la figure n° 8, en
comptant : trois. Ils continueront ensuite le même
exercice jusqu'au commandement de : halte! du
16 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

professeur, qui le fera répéter sans retard de la même


façon avec le bras gauche.
Il est bon de rappeler ici que les deux premiers
mouvements, celui de lancer le bras en l'air et de
tourner la main, se succèdent de très-près; celui
pour étendre le bras est un peu plus lent, et celui
pour ramener la main devant l'épaule s'exécute très-
vivement.
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. 19

QUATRIÈME EXERCICE.
Les élèves étant placés comme précédemment, le
professeur leur dira :
Pour lancer simultanément les bras au-dessus des
épaules, et les ramener près d'elles, en position.
Au dernier avertissement, les élèves placeront les
deux mains devant les épaules, les doigts ët le pouce
réunis, les coudes près du corps, comme le repré­
sente la figure du n° 12.

Aussitôt cette position prise, et après avoir exécuté


lui-même l'exercice, le professeur commandera :
Commencez!
A ce signal, les élèves lanceront ensemble, le plus
vivement possible, les bras au-dessus des épaules,
20 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

en comptant : un. (Voyez la figure n° 13.) Aussitôt


cette position marquée, ils tourneront vivement les
mains en dehors, en comptant : deux (voyez cette
nouvelle position, figure n° 14); puis ils descendront
les bras allongés à droite et à gauche jusqu'à ce qu'ils
aient un peu dépassé les épaules, puis de là, feront
décrire vivement une portion de cercle aux deux
mains, en pliant les coudes, et viendront les replacer
à la position de la figure n° 15, en comptant : trois.

Ils continueront en comptant : un, deux et trois,


jusqu'au commandement de : halte! du professeur.
Pour la vitesse des mouvements , voyez l'obser­
vation consignée à la fin du deuxième exercice.
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. 21

CINQUIEME EXERCICE.
Les élèves étant placés comme pour les exercices
précédents, le professeur leur dira :
Pour lancer simultanément le bras et lajambe du
même côté, en position.
A ce dernier avertissement, les élèves porteront
simultanément la main droite devant l'épaule, et le
talon droit près de la jambe gauche. (Voyez cette po­
sition, figure n° 16.)

Aussitôt cette position prise par les élèves, et après


avoir lui-même exécuté l'exercice, le professeur com­
mandera :
Commencez !
A ce signal, les élèves lanceront vivement en­
semble le bras droit au-dessus de l'épaule, et le pied
22 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

droit sur le sol vers leur droite, en comptant : un


(voyez cette position, figure n°17) ; puis aussitôt cette
position marquée, ils ramèneront la main et le pied
droit à la première position , en comptant : deux

(voyez la figure n° 18); puis ils continueront ainsi


jusqu'au commandement de : halte! du professeur,
qui fera répéter le même exercice avec le bras et la
jambe gauche.
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. 25

en fléchissant les jambes, et en comptant : trois.


(Voyez cette position, figure n° 22.)
J'observerai ici encore que les deux premiers mou­
vements se suivent de très-près, et que le troisième
est assez lent, jusqu'à ce que les bras aient dépassé
les épaules vers le bas , et de là, pour replacer les
mains devant les épaules en pliant les jambes : c'est
un mouvement qui doit s'exécuter le plus vivement
possible.
26 ' TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

RÉSUMÉ DES EXERCICES PRÉCÉDENTS


POUR NAGER EN GRENOUILLE.

De nombreux appareils ont été inventés pour pla­


cer l'élève suspendu horizontalement, tout en le lais­
sant libre de ses membres ; pour les militaires, on a
adopté un chevalet garni d'une sangle. Je ne me per­
mettrai aucune critique sur tous ces appareils , ima­
ginés avec l'intention de rendre service; je dirai
seulement que le temps que l'élève passe, ayant le
ventre appuyé sur un objet quelconque, est si court
que cela ne vaut véritablement pas la peine de s'en­
quérir de machines spéciales, sans cependant trou­
ver mauvais qu'on en fasse usage.
Pendant trois années d'essais au Lycée impérial
Louis-le-Grand, nous nous sommes tout simplement
servi de bancs qui se trouvaient à notre portée; beau­
coup d'élèves y placèrent leur tunique sans faire la
moindre réclamation, et nous ne nous sommes ja­
mais aperçu que le manque de machines plus con­
venables ait jamais nui en rien aux résultats que
nous avons obtenus.
Nous présenterons donc l'élève placé sur un ta­
bouret; chaque professeur fera ensuite de son mieux,
profitant des ressources qu'il aura à sa disposition.
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LÀ NATATION. 2n

Tous les élèves ayant été jugés assez instruit pour


passer à l'exercice d'application, le professeur les
fera exercer à tour de rôle de la manière suivante :
l'élève, aussitôt placé en équilibre sur le tabouret,
prendra la position suivante : les mains seront pla­
cées se faisant face devant le haut de la poitrine et
dirigées en avant; elles seront éloignées de '10. à
15 centimètres, suivant la taille de l'élève; le pouce
et les doigts joints, les pouces à hauteur et un peu
au-dessous du menton, les coudes serrés au corps, la
tête élevée, les jambes et les cuisses aussi pliées que
possible, les talons se touchant, les genoux et les
pieds ouverts. (Yoyez cette position, figure n° 23.)

Aussitôt cette position prise, l'élève lancera vigou­


reusement les bras, droit devant lui , en conservant
la distance entre les mains, et lancera en même
temps les jambes à droite et à gauche, en mainte­
nant les pieds de façon à agir sur la plus grande sur­
face d'eau possible, et comptera : un, en accomplis­
sant ce premier mouvement. (Yoyez cette pose ,
figure n° 24.) Aussitôt ce mouvement exécuté, et
28 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

sans marquer, pour ainsi dire, de temps d'arrêt,


l'élève tournera les mains ensemble en pronation,
de façon à ce que l'éminence thénar soit plus basse
de 4 à 5 centimètres que l'éminence hypothénar pour
une main d'homme ; pendant ce renversement de
mains, il réunira énergiquement les jambes, en
comptant : deux. (Voyez cette nouvelle position,

figure n° 25.) Puis de là, sans arrêter le mouvement


des bras, il les étendra à droite et à gauche, en con­
servant les jambes réunies, jusqu'à ce qu'ils aient
dépassé la hauteur des épaules; puis, de ce point,
POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. 29

l'élève ramènera le plus vivement possible, en fen­


dant l'eau, les mains devant la poitrine, les coudes
près du corps, et raccourcira en même temps les
jambes, en comptant : trois. (Voir la position, fig. 26.)
Je vais tâcher maintenant de rendre aussi clair que
possible la manière d'exécuter ce dernier exercice.
Pour réussir en le mettant en application J il faut
comprendre que jusqu'à ce qu'on soit bien aguerri, il
n'existe presque pas de temps d'arrêts entre les trois
mouvements ; il y a seulement des temps exécutés
avec plus d'énergie que d'autres. Ainsi, lorsqu'on
lance les bras en avant et les jambes en arrière,
comme à la figure n° 24, ce mouvement s'exécute avec
d'autant plus d'énergie qu'on désire avancer davan­
tage, et les bras ne s'arrêtent pas, les jambes seules
restent un petit moment allongées et réunies , pen­
dant que le corps continue de filer sur l'eau, pendant
le temps que les bras décrivent leur mouvement à
droite et à gauche, et, dès qu'ils ont dépassé la hau­
teur des épaules, les mouvements, pour repasser à la
position de la figure n° 26 et suivante, s'exécutent
-tellement vite, que, pour celui qui regarde, cela ne
fait véritablement qu'un temps , tandis qu'il en est
tout autrement lorsqu'on sait bien nager; car, dans
cette dernière condition, après avoir lancé les bras
en avant et les jambes en arrière, on réunit aussitôt
ces dernières, et en maintenant les bras dans la po-
30 TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE

sition de la figure n° 24, le corps étant bien allongé,


on peut d'un seul élan filer sur l'eau un, deux et
même trois mètres, avant de recommencer un nou­
veau mouvement.

Une fois qu'on est certain de ses mouvements et


qu'on ne désire plus nager que pour se soutenir sim­
plement sur l'eau, on a la facilité de les exécuter de
la façon la plus lente, car, puisqu'il existe des per­
sonnes qui, sans faire de mouvement, peuvent
rester au-dessus de l'eau, celles qui ne jouissent pas
de cet avantage peuvent être au moins assurées
qu'elles se soutiendront très-facilement à la surface
avec les plus légers mouvements bien exécutés.
Yoici les résultats exacts que trois années d'expé­
riences nous ont permis de constater sur les élèves du
Lycée impérial Louis-le-Grand : la première année,
sur vingt-quatre élèves, neuf ont parfaitement su les
mouvements préparatoires à sec dès leur troisième
leçon , six autres après quatre leçons, et les neuf
derniers après cinq et six leçons. Sur quinze élèves
que nous avons menés pour la première fois au bain,
un a nagé seul après quelques minutes d'essais , et
six ont commencé à pouvoir se soutenir un peu sur
l'eau dès la première séance, les huit autres avaient
bien exécuté leurs mouvements , mais sans chance
de pouvoir nager seuls. A la seconde expérience ,
nous emmenâmes vingt-quatre élèves; cette fois,
TOUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION. 31

douze partirent seuls après une heure et demie de


tentative , six autres promettaient beaucoup pour 1a.
séance prochaine, et les six derniers n'ont fait que
d'essayer sans pouvoir réussir. A la troisième expé­
rience, les douze premiers se fortifièrent beaucoup,
et quatre des six suivants surent également nager. A
la quatrième expérience, dix-huit élèves sur vingt-
quatre pouvaient se tirer d'affaire ; trois n'ont pu
nager qu'après la sixième expérience, et les trois
derniers n'ont pu continuer par suite de leur départ
en vacances.

La seconde année, l'expérience a porté sur trente-


six élèves, et, proportion gardée du nombre d'élèves,
les résultats ont été les mêmes, avec cette seule dif­
férence que cette fois trois élèves ont pu nager seuls
dès la première expérience. La troisième année,
l'expérience s'est étendue sur quarante-cinq élèves
qui ont donné, à très-peu de Chose près, les mômes
résultats.
Il nous est donc permis de conclure , d'après ces
expériences, que la majeure partie des élèves soumis
à cette méthode peuvent apprendre à nager après
trois ou quatre séances préparatoires à sec et autant
de séances d'application dans l'eau, en tout huit dé­
rangements pour savoir nager toute sa vie.
Je ne veux pas terminer ce petit ouvrage sans faire
connaître combien il importe d'agir avec beaucoup
32 TRAITÉ POUR L'ENSEIGNEMENT DE LA NATATION.

de prudence sur tous les élèves, quels qu'ils soient;


il faut que l'élève puisse avoir la plus grande con­
fiance en son maître, et qu'il n'ait pas à craindre la
plus légère surprise de sa part : une simple plaisan­
terie faite à un élève au moment où il ne s'y attend
pas peut reculer ses progrès indéfiniment.
Connaissant cette susceptibilité, et pour ne risquer
aucune surprise, les fonds de bois étant toujours fort
glissants dans les bains, je faisais fixer trois clous
pointus de chacun 2 centimètres de longueur à
chaque talon de souliers que je destinais à cet usage,
puis, me mettant dans l'eau jusqu'au-dessus de la
ceinture, je soutenais les élèves en plaçant mes mains
sur leur ventre, et je les suivais en les encourageant,
et, de cette façon, il ne m'est jamais arrivé le moindre
désagrément; seulement, je suis resté plus d'une fois
près de deux heures sans sortir de l'eau, et je puis
dire qu'il faut être doué d'une certaine volonté pour
passer par cette épreuve de fatigue aussi longtemps
soutenue dans l'eau.
Si quelques personnes désirent des appareils de
sûreté, tels que ceintures, corde à supports en liège,
chevalet, etc., je les engage à s'adresser à M. Lelièvre,
cordier, rue Montmartre, n° 98, fabricant d'appareils
gymnastiques.
FIN-

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