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Le Soir

Les contes berbères de René Basset


d’Algérie Soir du Livre Jeudi 20 novembre 2008 - PAGE

S
i le nom de René Basset est trateurs civils qui vont, parmi les pre- missions scientifiques organisées à retrouve dans les notes de René remarque : «Il est en quelque sorte
aujourd'hui quasiment tombé miers, s'intéresser aux langues ber- la demande du gouverneur général Basset ces références multiples et assez proche de l'idéal d'humilité, de
dans l'oubli, les contes ber- bères et créer des bureaux arabes d'Algérie que René Basset, folkloriste érudites ainsi qu'une étude compara- simplicité et de ruse que se doit
bères qu'il nous a légués chargés, via les interprètes et les mili- alors mondialement connu, sillonne tive entre les différentes traditions d'avoir un homme pour survivre. Pour
suscitent toujours autant d'intérêt. taires, de recueillir données linguis- tout le territoire de la colonie algé- berbères. le locuteur berbère, le hérisson est un
L'éditeur parisien IbisPress, dont une tiques, contes et poèmes. Dans cette rienne jusqu'en Tunisie, Libye, Maroc La présente réédition rassemble autre soi-même.» Les légendes reli-
partie du catalogue est consacrée à collecte, les religieux ne sont pas en et même Saint-Louis du Sénégal. Sur 133 textes, contes, poèmes, chan- gieuses sont des récits de vie des
l'amazighité, vient de rééditer les reste et les textes du Hoggar, ras- le terrain, il recueille les textes auprès sons et énigmes, dans leur traduction saints locaux mais aussi celles des
Contes berbères publiés en 1887 et semblés par Charles de Foucauld, d'informateurs dont la plupart sont française, classés par thèmes. Les prophètes Aïssa, Salomon,
les Nouveaux contes berbères parus illustrent l'intérêt de l'époque pour la des notables des tribus. notes de René Basset et les biblio- Mohammed ou l'ange Gabriel tandis
en 1897, en un seul volume préfacé préservation du patrimoine berbère. Les communications lui sont soit graphies figurant dans les éditions que les légendes historiques sont
par Guy Basset, le petit-fils du lin- Le paradoxe réside dans la volonté dictées, soit faites par écrit en arabe. originales sont quant à elles dis- des récits de fondation – Alger,
guiste. Cette réédition fait suite à de conservation d'une culture jugée La collecte sur le terrain est complé- jointes de la publication et mises à la Cherchell, etc.— Quant aux contes
celle de l'essai sur la littérature des inférieure et à ce titre vouée, pense-t- tée par une étude de manuscrits et disposition des lecteurs sur le site merveilleux, relatifs aux trésors, aux
Berbères d'Henri Basset, fils de on, à la disparition. Autre paradoxe de diverses publications conservés à Internet de l'éditeur. djinns et aux fées, ils sont pour la plu-
René, en 2007, chez le même édi- mis en évidence par Mohand Lounaci la Bibliothèque nationale de Paris Les catégories traitées sont iden- part tirés des traditions orales du
teur. En introduction, une brève et dans son introduction : «Les études comprenant, entre autres documents, tiques dans les deux tomes : contes Mzab, de Ouargla ou de la Kabylie.
précieuse étude critique de l'œuvre coloniales sur les populations ber- des textes en kabyle et en chleuh. d'animaux, légendes religieuses, Miroir social, reflet de la psycholo-
par Mohand Lounaci éclaire la bères ont été le premier pas vers une Un autre courant de pensée impri- légendes historiques, contes mer- gie d'un peuple, les contes de René
démarche de l'éditeur et situe celle affirmation identitaire qui conduira à me son caractère spécifique à ces veilleux, contes divers, chansons, Basset sont un document incontour-
de René Basset dans son contexte la constitution et à la revendication recherches. Il s'agit de la théorie dif- proverbes et énigmes. Les contes nable pour tous ceux qui cherchent à
historique. des identités nationales, et des natio- fusionniste selon laquelle les diffé- d'animaux se concentrent pour l'es- décrypter, au travers des traditions,
Au XIXe siècle, la collecte des nalismes dans les pays du rentes cultures auraient toutes une sentiel sur la figure du chacal, un per- les caractères de notre algérianité.
textes de la littérature berbère est Maghreb.» seule et même origine qui se serait sonnage central dans la tradition Mériem Nour
indissociable de la conquête et de Ainsi, les travaux de René Basset propagée dans le temps et dans l'es- orale berbère. René Basset évoque à
l'assise du pouvoir colonial qui ont été l'occasion pour des cher- pace. ce propos Le Roman de renard et la Contes Berbères, Kabylie, Aurès,
requièrent l'une et l'autre une cheurs comme Ben Sedira et Boulifa Ainsi la grille de lecture des cher- tradition médiévale de critique socia- Sous, Mzab, Ouargla, Figuig,
connaissance des populations sou- de se pencher sur les études ber- cheurs de l'époque renvoie-t-elle aux le. Autre figure, celle du hérisson. A Rif, Cherchell, René Basset,
mises. Ce sont d'ailleurs les adminis- bères. C'est au cours de différentes cultures grecque et latine. Et l'on son sujet, Mohand Lounaci IbisPress, 2008.

SIGNET INTERVIEW DE GUY BASSET


De père «L’étude de l’Algérie en héritage»
en fils Le Soir d’Algérie : Comment,
s'agissant de votre lignée, l'attrait
de ne pas être objectif. Je n'oublie
pas, en outre, qu'elles appartiennent
peu avec le temps et les générations
suivantes. Cependant, il existe sou-
pour le monde berbère et plus pré- au contexte de leurs époques mar- vent une réelle curiosité à leur égard,
Les Basset sont, cisément pour la terre d'Algérie quées aussi par les ambiguïtés de tout particulièrement auprès des litté-
de père en fils, atta- peut-il se transmettre de génération l'ère coloniale. Il vaudrait mieux poser raires de la famille ou de ceux qui,
chés à l’étude de en génération ? cette question à leurs lecteurs ou à professionnellement, sont en contact
l’Algérie de façon Guy Basset : Entre René Basset des spécialistes. Les aspects pure- avec les pays d'Afrique du Nord. Des
générale et de la et ses fils, la transmission s'est faite ment linguistiques de l'œuvre de René rencontres extrafamiliales se chargent
quasi naturellement : les fils se sont Basset, comme la majeure partie de parfois de réactiver et d'aiguiser notre
Kabylie en particulier.
lancés dans des études de lettres et celle de son fils André sont très tech- curiosité pour cette histoire familiale.
Le travail de René
partagent avec leur père un attrait cer- niques et m'échappent donc. Je suis Nous sommes aussi fiers que leurs
Basset, linguiste, sur
tain pour la civilisation comme pour la très frappé cependant de l'aura dont noms figurent dans le Larousse en dix
la langue, la poésie et volumes !
grammaire et la littérature. Tous trois les trois œuvres bénéficient : j'en vois
les contes kabyles a ont su communiquer dans leur famille la preuve dans les références que je
non seulement inspi- l'intérêt de leur métier d'enseignant et croise dans tel ou tel article ou livre Vos études sur Albert Camus
ré des vocations, de leurs champs de recherche. Je spécialisé et dans les réimpressions sont réputées. Qu'est-ce qui motive
y compris dans le suis moi-même un représentant de la qui ont lieu régulièrement — plus par- votre intérêt pour l'écrivain ?
monde berbère lui- troisième génération. Je n'ai connu ni ticulièrement depuis une dizaine d'an- J'ai commencé à lire l'œuvre
même, comme

Photo : DR
mon grand-père, René Basset, ni mon nées —. Je ne peux pas non plus croi- d'Albert Camus très tôt, au sortir de
Boulifa, mais il a sur- oncle, Henri, décédé peu après son ser tel ou tel spécialiste de ces l'adolescence, au début des années
vécu à toutes les tor- père, ni mon oncle André, dont je n'ai domaines arabes ou berbères sans 60, dans l'émotion de sa disparition
nades de l’histoire et que des souvenirs d'enfant. C'est qu'on me pose rapidement la question tragique. J'y trouvai à la fois une qua- Guy Basset
reste lisible par-des- donc indirectement par des conversa- de savoir si je fais partie de «la famil- lité d'écriture — un style, dirait-on —,
tions avec mes tantes et avec mon le». une conception de la littérature com- Cela m'a incité à m'intéresser globale-
sus la patine des
père que s'est faite, pour moi, la trans- plète (théâtre, roman, essai) et un ment à la vie de son époque, aux
temps. Bernard signes avant-coureurs littéraires et
Cesari, patron d’Ibis, mission. Et puis il y avait les livres Quels souvenirs garde-t-on engagement dans la vie quotidienne à
travers les combats pour la justice politiques de l'avenir de l'Algérie mais
vient de le rééditer. écrits par des membres de la famille dans votre famille de vos illustres
dans lesquels il s'engageait pleine- aussi à revenir à des temps anté-
Il remet au goût du qui subsistent toujours dans les biblio- parents ?
ment. Depuis, je n'ai cessé de m'im- rieurs, ceux des René, André et Henri
thèques familiales et que la curiosité Si je compte bien, la famille Basset
jour des textes prégner de son œuvre, d'y revenir Basset qui, tous les trois, ont marqué
vous pousse à ouvrir. En décidant de a enseigné le berbère en Algérie, au
recueillis à l’aube des avec une tendresse toute particulière la Faculté des lettres d'Alger. Après,
faire des études philosophiques, Maroc et en France sans interruption
recherches berbères. pour le lyrisme qui émane de ses tout n'est qu'une question d'opportuni-
j'avais conscience de renouer un fil lit- pendant près de trois quarts de siècle,
Une préface brillante téraire sans vouloir chercher à me des années 1880 à 1956 et certains textes. Noces est un des textes que je tés et j'ai rejoint à sa création la
de Mohand Lounaci, relis régulièrement. La rencontre un Société des études camusiennes dont
couler dans un moule familial. C'est membres de ma famille sont restés en
un jeune chercheur peu plus tard avec Edmond Charlot, l'objectif est de contribuer à assurer
en fait par Camus — Noce, comme Algérie, jusqu'après l'indépendance.
plein de mordant, son premier éditeur à Alger, avec qui sous diverses formes le rayonnement
les articles Misère dans la Kabylie — Comment voulez-vous que cela ne
contextualise le tra- j'ai eu la chance de travailler quasi de l'œuvre d'Albert Camus. Il est bien
que l'Algérie a continué à m'intriguer. laisse pas des souvenirs dont on puis-
vail de René Basset. quotidiennement pendant deux ans à légitime quand on s'intéresse et aime
Ce n'est que peu à peu que j'ai com- se parler dans les «chaumières» ? Il y
L’édition est Izmir (Turquie), est venue conforter un auteur, en l'occurrence Camus, de
mencé à valider et étoffer des souve- eut ainsi des souvenirs qui se sont
cet attrait. Impossible aussi de fré- vouloir partager avec d'autres sa pas-
accompagnée d’un nirs familiaux par des lectures exté- transmis oralement : la vie à Alger, la
quenter Camus sans «plonger dans la sion, ses découvertes, ses interroga-
texte de Guy Basset, rieures scientifiques. Mais, dans ce stature d'enseignant, le milieu culturel
Méditerranée», sans se confronter tions, de les écrire, de les publier.
petit-fils de René, qui domaine, je ne suis qu'un autodidacte de l'époque, les anciens élèves dont
avec l'Algérie dans toutes ses compo- Propos recueillis par
a reçu en quelque n'ayant jamais appris ni l'arabe ni le certains, en reconnaissance de ce
santes géographiques et humaines. Mériem Nour
sorte en héritage berbère. Mon père avait passé son qu'ils avaient reçu, sont restés en rela-

Bibliographie
l’Algérie de la enfance en Algérie. Il en parlait peu et tion avec certains membres de la
recherche linguis- avait quitté ce pays un peu après famille... On ne manque pas aussi
tique. Il ne sera pas 1920. J'ai moi-même attendu 2006 et d'évoquer à l'occasion dans la famille
le colloque sur «Albert Camus et les que René Basset fut le mentor de René Basset est né en 1855, à Lunéville dans le
linguiste, lui, mais il
lettres algériennes» pour m'y rendre. l'œuvre linguistique du Père de nord-est de la France. Diplômé de l'Ecole des
se reliera au pays de langues orientales en arabe, turc et persan, il a
La nostalgie, la nostalgérie, selon l'ex- Foucauld, qu'il en a commencé la
ses ancêtres par un enseigné l'arabe et le berbère à l'Ecole supérieure
pression de certains, ne m'habitait publication et que son fils André l'a
autre biais : celui des lettres d'Alger dont il fut le directeur à partir de
donc pas mais j'étais plutôt animé de terminée. La génération des petits-
d’Albert Camus, dont la curiosité de voir vivre un pays en enfants de René Basset — à laquelle 1894, puis le doyen jusqu'à sa mort en 1924. Il a fait
il est un des spécia- marche. j'appartiens et dont les aînés conser- d'Alger une référence internationale en matière
listes. vent des souvenirs directs de lui — a d'études orientales. Il est l'auteur de cinq livres de
Une histoire sous Quel(s) intérêt(s) les œuvres de beaucoup entendu parler par leurs contes et légendes, arabes, berbères et africains et de
forme de trame fami- René Basset, puis celle de ses fils parents de lui, de ses amitiés, de ses 1001 contes, légendes et récits arabes, ces derniers ont été
(1892-1926)
liale qui n’en finit pas Henri et André ont-elles pour les réseaux de relation, de son travail réédités chez José Corti en 2005. Ses deux fils, Henri Basset
Basset (1895-19 56) se sont égaleme nt illustrés dans la
de se poursuivre pour et André
lecteurs d'aujourd'hui ? incessant et exigeant pour tous y spécialiste de la civilisation musulm a-
recherche, le premier en tant que
le plus grand bien de Je suis mal placé pour répondre à compris ses enfants. Il en est de sur la
ne qu'il enseigna à Alger et à Rabat, le second pour ses études
la recherche. cette question. Leurs œuvres bénéfi- même avec les figures d'Henri et des lettres
langue berbère qu'il enseigna successivement à la Faculté
Bachir Agour cient de ma part — c'est normal — d'André (décédé maintenant il y a plus
d'Alger puis à l'Ecole des langues orientales à Paris.
d'un préjugé favorable, je risque donc de 50 ans !), mais cela s'estompe un
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Le Soir
d’Algérie Soir du Livre Jeudi 20 novembre 2008 - PAGE

INTERVIEW DE BERNARD CESARI, EDITEUR :


«Comprendre les paradoxes d’une époque»
Le Soir d'Algérie : Pourquoi rééditer J'ai vécu de 1980 à 1985 à Abidjan puis j'ai sions. Ce qui est l'inverse de ce que souhai-
aujourd'hui les contes de René Basset ? travaillé dans 7 à 8 pays d'Afrique pour des te l'éditeur, et de ce que souhaite l'auteur. On
Bernard Cesari : D'une part, historique- périodes de quelques semaines où j'ai fait est dans une répétition comme si cette
ment, c'est l'un des premiers ouvrages des installations d'unités d'édition spéciali- société était un peu bloquée sur des sché-
importants sur les contes berbères. D'autre sées dans le développement. A cette occa- mas qui ont du mal à avancer.
part, il présente l'avantage de proposer des sion, des liens se sont tissés.
contes de différentes composantes du Il y a deux ans, vous avez créé la col-
monde berbère alors que beaucoup de tra- Pourquoi ce nom, IbisPress ? Et la lection Témoins et acteurs. A ce jour, elle
vaux ne se sont intéressés qu'à telle ou telle devise de votre maison d'édition : Le livre comprend deux titres, Duverrier et Serge
région. Cet aspect comparatif est d'autant est une rencontre ? Michel et à paraître en 2009, Vigné
plus intéressant que René Basset était aussi L'ibis est un oiseau, ce qui n'est pas d'Octon. Pourquoi cette collection, pour-
spécialiste de l'Afrique noire, de l'Ethiopie et désagréable. Un oiseau qui se trouve sur quoi ces personnages ?
du monde bantou. Ce travail est donc incom- tous les continents et qui se dit pratiquement L'objectif se résume dans cette phrase :
parable par rapport à la multitude de petits de la même façon dans toutes les langues au travers d'une vie, un moment de l'histoire.
travaux sur les contes relevés par-ci, par-là, sans qu'il soit nécessaire de le traduire. Il J'ajoute sur le site internet : comment com-
qui n'ont d'intérêt que local. Par ailleurs, c'est correspond aussi à un dieu de l'Egypte prendre les paradoxes d'une époque à tra-
beaucoup plus qu'une réédition. Certes, ancienne. Autant de raisons pour choisir ce vers les contradictions vécues par un per-
nous republions les contes traduits tels qu'ils nom. La devise de la maison : Le livre est sonnage, loin des mythes. Je pense qu'il est
figuraient dans les deux éditons de 1887 et une rencontre, car le livre n'a de raison d'être difficile d'écrire aujourd'hui des livres d'histoi-

Photo : DR
1897 (évidemment difficiles à trouver) mais que s'il est une rencontre entre les gens, re qui ne soient pas quelque peu imprégnés
nous les faisons précéder par deux impor- c'est-à-dire entre les auteurs et les lecteurs, de mythes. Il est difficile lorsque l'on parle
tantes introductions écrites spécialement par entre les lecteurs eux-mêmes et l'éditeur. d'une époque de montrer à quel point ce
Guy Basset et Mohand Lounaci, et nous les sont les contradictions qui éclairent l'époque. Bernard Cesari.
faisons suivre par une bibliographie à jour Quels lecteurs ciblez-vous à travers On risque dans un tel travail de ne pas faire
sur le sujet. De plus, nous mettons sur inter- vos publications ? apparaître le sens. Par contre, si on prend notamment dans les pays qui ont une gros-
net, gratuitement, les notes et les textes ori- C'est toujours un pari. Le lecteur ciblé est un personnage qui, lui, vit des contradic- se industrie de l'édition, qu'en est-il des pays
ginaux qui étaient parus dans plusieurs un lecteur cultivé mais pas nécessairement tions, les dépasse et qui, d'une certaine du Sud ? Les pays du Sud qui n'ont que des
revues de 1885 à 1896. érudit. Qui s'intéresse à la culture mais qui façon, est lui aussi dépassé par ces contra- petits éditeurs n'ont pas les mêmes pro-
n'a pas besoin d'être érudit. Il n'y a pas de dictions, on peut montrer à quel point l'histoi- blèmes que les pays du Nord qui ont une
Parallèlement aux rééditions d'études pédanterie dans les écrits mais il y a quand re est toujours incertaine. Ceux qui préten- industrie avec de très forts tirages. Deux
novatrices comme celles de René et même la nécessité d'aller au-delà des dent le contraire sont victimes d'une compré- choses vont intéresser les pays du Sud.
Henri Basset ou celle de Martial Rémond, images. Donc, c'est un lecteur cultivé mais hension simpliste de l'Histoire. Donc, c'est C'est la possibilité d'accéder à des livres en
vous publiez des ouvrages actuels sur qui peut être moderne et jeune. une option en ce qui concerne les biogra- format électronique via le net sans avoir à
divers aspects de la culture berbère. D'où phies qui est à l'opposé des biographies supporter les coûts et les délais de transport.
vient cette ouverture sur le monde berbè- Pensez-vous que l'intérêt pour l'amazi- mythiques des grands personnages. Ce ne Reste la difficulté du paiement en ligne. Ce
re ? ghité grandisse en France aujourd'hui ? sont pas les grands personnages qui font n'est pas une difficulté majeure car beau-
C'est un peu le hasard qui m'a fait croiser J'ai été un peu déçu par la réponse des l'Histoire. On fait l'Histoire, a posteriori coup se débrouillent lorsqu'ils souhaitent
Mouloud Mammeri un à deux ans avant sa lecteurs aux ouvrages sur le monde berbère autour des grands personnages, car c'est importer un produit d'Europe : un frère, un
mort. A travers lui, j'avais perçu qu'il y avait dans la mesure où l'amazighité est un peu sécurisant pour le commun des mortels. En cousin font souvent l'achat par carte bleue
là une culture riche et originale. J'avais réali- trop locale. Lorsque j'ai fait un ouvrage sur réalité, l'Histoire est faite d'une série d'évé- pour leur propre compte. La seconde possi-
sé une police de caractères pour la trans- Sidi Aïch, il s'est très bien vendu pour les nements dont beaucoup sont dus au hasard, bilité, ce sera celle pour des éditeurs
cription en caractères latins de l'arabe et du gens de Sidi Aïch. Mais les gens de la vallée qui sont portés par les uns, subis par les d'Algérie, de mettre en ligne des ouvrages
berbère et cette police de caractères avait d'à côté ne se sentent pas concernés. autres. Ce n'est qu'à travers le vécu contra- qui pourront être achetés par des lecteurs
été utilisée par l'équipe de Mouloud Encore moins par un ouvrage qui concerne- dictoire que l'on peut avoir un éclairage pré- européens ou situés en Europe. Je pense
Mammeri pour sa revue Awal. C'est à cette rait le Rif ou les Chleuhs par exemple. Si cis. Ceci s'applique également aux périodes qu'il y a un grand avenir dans ces deux pra-
occasion que j'ai rencontré le regretté quelques intellectuels essayent de réunir dif- récentes notamment concernant les rapports tiques car ce qui empêche le commerce du
Mouloud Mammeri. ficilement les pièces du puzzle malheureuse- entre la France et l'Algérie. Il n'y a pas UNE livre ce sont les coûts de transport, les frais
ment le lecteur reste, lui, un peu trop dans ni DES vérités. L'objet de l'Histoire n'est pas de douane ou les blocages en douane ou le
Vous publiez aussi des essais en rap- son univers de départ. La plupart de mes de chercher des vérités pas plus que l'objet fait qu'il n'y ait pas de flux réguliers d'import,
port avec l'Afrique saharienne et subsa- livres sont plutôt achetés par des Français de la médecine n'est de chercher la vie éter- d'export et de diffusion de livres. Il n'y a pas
harienne. Quel est votre lien personnel proches du monde berbère que par des nelle. L'objet de l'Histoire est d'éclairer des de circuits efficaces de diffusion de livres
avec l'Algérie d'une part, l'Afrique d'autre Berbères eux-mêmes, notamment par des contradictions. Voilà pourquoi je publie des étrangers en Algérie, ni de circuits efficaces
part ? Françaises mariées à un Berbère qui vont le ouvrages qui mettent l'accent sur les contra- de diffusion de livres maghrébins en France.
J'ai été coopérant pendant deux années lire puis l'offrir à leur mari. Mais cela marche dictions. Sans tomber dans la paranoïa, on peut
à Annaba en 1978-1980. J'avais apprécié ce assez peu en sens inverse, malheureuse- constater au minimum que rien n'est fait pour
pays et je m'étais rendu compte que l'édition ment. Il y aurait plus de lecteurs si les Quelle stratégie doit adopter un petit remédier à cet état de choses. En revanche,
locale était très faible. Le rapport aux livres Berbères eux-mêmes achetaient les livres éditeur pour survivre face à un système internet qui, en grande partie, échappe aux
n'était pas très consistant en ce sens que les puis les offraient ensuite à leur femme pour dominé par les grands groupes de presse pouvoirs, pourra aussi suppléer à l'absence
livres importés, en dehors des manuels sco- montrer que leur culture est bien vivante. et d'édition ? de ces circuits. Il est évident aussi que dans
laires, ne correspondaient pas à mon avis Je ne suis pas sûr qu'il y ait une stratégie le cadre de la mondialisation, l'Algérie ne
aux besoins de la population et des étu- Les publications concernant le monde qui permette de survivre. Pour exister, il faut restera pas éternellement à l'écart des cir-
diants. En revanche, les manuels scolaires arabe trouvent-elles un écho plus favo- déjà avoir des idées claires sur la ligne édi- cuits de convertibilité des monnaies. Le pro-
et universitaires étaient eux très bien diffu- rable ? toriale. Il faut aussi avoir un lectorat fidèle qui blème de la cherté ne sera pas directement
sés. D'autre part, de nombreux Français s'in- Le monde arabe n'est pas un monde dont comprenne cette originalité, ce qui est très résolu par l'internet encore qu'il y ait déjà des
téressent à l'Algérie et en Algérie nombreux la littérature est florissante puisque la plupart long, cela peut prendre parfois dix ans. Il faut milliers et des milliers de textes du domaine
sont ceux qui s'intéressent à la culture en des pays arabes ont un nombre de nou- que le bouche-à-oreille fonctionne et que les public qui sont disponibles gratuitement sur
langue française. Et je pense que la langue veaux titres extrêmement faibles. Par contre, auteurs et les lecteurs créent une sorte de internet, ainsi que beaucoup de cours d'uni-
française n'est pas la moins bonne pour ils ont un nombre d'exemplaires de repro- communauté qui permette de fédérer ces versité, des encyclopédies, des diction-
exprimer la culture algérienne. Quand j'ai ductions extrêmement élevé ; autrement dit, derniers. Si tout le monde s'interroge sur la naires.
quitté l'Algérie, c'était pour l'Afrique noire. peu de novations et beaucoup de réimpres- survie du livre en tant que document papier, Propos recueillis par M. N.

Actucult
SALLE Salle 4 à 10h et 18h avec l’ambassade de La poésie andalouse, Vendredi 21 novembre
EL-MOUGGAR Exposition de peinture, Turquie. «demeure» des cultures, par à 10h
Aujourd’hui 14h sculpture et photographie Mostefa Harkat, professeur à Présentation de la pièce
et 16h Jusqu’au 21 novembre à CENTRE CULTUREL l’université d’Alger et théâtrale pour enfants La
Sumas y restas, 10h et 18h à la salle 1 et 2. FRANÇAIS Saâdane Benbabaâli, maître paix du Théâtre régional de
de Victor Gaviria). Conférences de conférences à Paris III. Constantine.
18h et 20h Exposition des arts Aujourd’hui à 14h30
Parapalos, d'Ana Poliak. traditionels turcs en «Culture et mondialisation», THÉÂTRE VENTE-DÉDICACE
collaboration avec par Jean Tardif, professeur NATIONAL Librairie Média-Plus
PALAIS l’ambassade de Turquie. d’anthropologie, délégué ALGÉRIEN Aujourd’hui à 14h
DE LA CULTURE Aujourd’hui à 19h général de l’association Aujourd’hui à 15h Azzedine Mihoubi signera
Premier Salon À l’auditorium internationale Planet Agora. Présentation de la pièce son nouveau recueil de
d’automne Défilé de costumes de théâtrale El louaba (le jouet) poèmes Assfar Al Malaïka,
Jusqu’au 23 décembre l’histoire des civilisations Dimanche 23 novembre du Théâtre régional paru aux éditions Al Baït pour
2009 anatoliennes en collaboration à 17h de Constantine. la culture et les arts.

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