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Travaux de la Maison de l'Orient

et de la Méditerranée

Cultes de reines et cultes privés dans le cimetière de la famille


royale de Pépy Ier
Catherine Berger el Naggar

Abstract
Using the material of offerings deposited near funerary monuments in the cemetery of the family of Pepy Ist, Catherine
Berger-El-Naggar seeks to demonstrate a cult of queens at the end of the Sixth Dynasty. Besides the representations of
offering-bearers at the bottom of a wall in the courtyard of the monument to Queen Inenek/Inti, numerous steles and
offering tables discovered at temple entrances are evidence of an important activity in this sector of the necropolis at
Saqqara, long after the queens had been buried under their pyramids.

Résumé
À partir du matériel d’offrandes déposé à proximité des monuments funéraires dans le cimetière de la famille de Pépy Ier,
Catherine Berger-El-Naggar tente de mettre en évidence un culte aux reines à la fin de la VIe dynastie. De même que des
représentations de porteurs d’offrandes ajoutées au bas d’une paroi de la cour du monument de la reine Inének/Inti, des
stèles et des tables d’offrandes retrouvées en grand nombre à la porte des temples attestent une activité importante dans
ce secteur de la nécropole de Saqqara, longtemps après l’enterrement des reines défuntes sous leurs pyramides.

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Berger el Naggar Catherine. Cultes de reines et cultes privés dans le cimetière de la famille royale de Pépy Ier. In: Des
Néferkarê aux Montouhotep. Travaux archéologiques en cours sur la fin de la VIe dynastie et la Première Période
Intermédiaire. Actes du colloque CNRS – université Lumière Lyon 2, tenu le 5-7 juillet 2001. Lyon : Maison de l'Orient et
de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2005. pp. 15-29. (Travaux de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée, 40);

http://www.persee.fr/doc/mom_1955-4982_2005_act_40_1_2392

Document généré le 08/05/2016


Des Néferkarê aux Montouhotep
TMO 40, Maison de l’Orient, Lyon, 2005

CULTES DE REINES ET CULTES PRIVÉS DANS LE CIMETIÈRE


DE LA FAMILLE ROYALE DE PÉPY Ie r

Catherine BERGER-EL-NAGGAR
MafS
RÉSUMÉ

À partir du matériel d’offrandes déposé à proximité des monuments funéraires dans le cimetière de la
famille de Pépy Ier, Catherine Berger-El-Naggar tente de mettre en évidence un culte aux reines à la fin
de la VIe dynastie. De même que des représentations de porteurs d’offrandes ajoutées au bas d’une paroi
de la cour du monument de la reine Inének/Inti, des stèles et des tables d’offrandes retrouvées en grand
nombre à la porte des temples attestent une activité importante dans ce secteur de la nécropole de
Saqqara, longtemps après l’enterrement des reines défuntes sous leurs pyramides.

ABSTRACT

Using the material of offerings deposited near funerary monuments in the cemetery of the family o f
Pepy Ist, Catherine Berger-El-Naggar seeks to demonstrate a cult of queens at the end of the
Sixth Dynasty. Besides the representations of offering-bearers at the bottom of a wall in the courtyard
of the monument to Queen Inenek/Inti, numerous steles and offering tables discovered at temple
entrances are evidence of an important activity in this sector of the necropolis at Saqqara, long after
the queens had been buried under their pyramids.

En 1997, H.G. Fischer proposait, dans les Études sur l’Ancien Empire et la nécropole de Saqqara
dédiées à Jean-Philippe Lauer 1 , des critères précis pour dater – et rajeunir – de nombreux tombeaux
situés à proximité de la pyramide de Pépy II, mettant ainsi en évidence une activité importante à
Saqqara-Sud à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. En dehors des tombes privées installées comme à
l’habitude à proximité du monument du roi, quelques inhumations sont également repérables à
l’intérieur du temple et de l’enceinte funéraire de la reine Ipout II 2 ; véritables sépultures, ou plutôt
cénotaphes, dans le cas, en particulier, du monument au nom de la reine Ankhnespépy III 3 dont la
dernière demeure 4 a été établie au nord-ouest de celle de Ankhnespépy II, dans la nécropole de la
famille de Pépy Ier. Ces enterrements peuvent difficilement être antérieurs à l’abandon du culte de la
reine Ipout II ; l’aménagement du magasin en l’honneur d’Ankhnespépy III date, lui, au plus tôt du
règne de son fils 5 dont on ne connaît guère, en dehors de sa filiation, que le nom de son propre
monument funéraire : « Néferkarê-Djedankh ».

1. Études Lauer I, p. 179-184, fig. 6-7.


2. G. Jéquier, Les pyramides des reines Neit et Apouit, le Caire, 1933, pl. XXXVI.
3. Aucune autre tombe que celle du roi (ou d’une épouse royale) sous sa pyramide n’a été repérée jusqu’à présent à l’intérieur
d’un temple funéraire de la VI e dynastie ; contra M. Baud, Famille royale et pouvoir sous l’Ancien Empire égyptien,
BdE 126, 1999, I, p. 211-212 et II, fiche 41 ; la sépulture du prince Téti-ankh est antérieure à l’extension du monument de la
reine Ipout I (observation de A. Labrousse).
4. D’après les toutes récentes recherches de la MafS : J. Leclant, A. Labrousse, « Les reines Ankhnespépy II et III (fin de
l’Ancien Empire), campagnes 1999 et 2000 de la MafS », CRAIBL 2001, p. 367-384.
5. Le n° 42 de la liste présentée récemment par K. Ryholt, “The late Old Kingdom in the Turin King-list and the Identity of
Nitocris”, ZÄS 127, 2000, p. 99.
16 C. BERGER-EL-NAGGAR

Depuis les travaux de Jéquier, les enquêtes et les découvertes se sont multipliées sur le plateau
de Saqqara ; elles vont sans doute permettre d’éclairer la fin de la VIe dynastie et l’époque qui suit,
si mal connue en particulier à cet endroit, bien que certains secteurs de la nécropole aient livré des
témoignages sur ces périodes ; au nord de la pyramide de Téti en particulier, où Jaromir Malek 6
propose de chercher l’emplacement de la pyramide de Merykarê ; à l’est du temple haut d’Ounas
d’après les récents travaux de Munro 7 ; entre les tombeaux de Pépy Ier et de Mérenrê où Maspero 8
avait déjà signalé un cimetière postérieur à la VIe dynastie ; ou encore tout autour des monuments
de Pépy II et de Shepseskaf, dont Aba a choisi la proximité pour sa tombe.
Les récentes recherches de la Mission archéologique française de Saqqara 9 dans le cimetière
de la famille de Pépy Ier, au sud-ouest de la pyramide du roi, ont livré quantité de documents sur le
culte rendu aux reines défuntes, les épouses de Pépy Ier comme on l’attendait à cet endroit,
Noubounet 10 ou Inének/Inti, mais également Ankhnespépy II 11 épouse de Pépy Ier puis de Mérenrê,
et dont le fils Pépy II réalisa son monument funéraire ; fait plus surprenant, la mise au jour de deux
autres tombeaux de reines, en cours de dégagement, dont celui d’Ankhnespépy III, fille de Mérenrê
et épouse de Pépy II, sans doute l’une des dernières en raison de l’architecture du monument 12 et
du nom des fonctionnaires cités comme « garants » dans un décret 13 en l’honneur de la reine
découvert au nord de son monument.
Comment mettre en évidence, dans la durée, un culte de reine ? Des blocs appartenant à un
monument au nom de Seni, dont l’épouse Sesi était prêtresse du culte de la reine Ipout Ire, mère de
Pépy Ier, ont été autrefois repérés par Gunn au nord du temple haut de Téti ; dans une note toute
récente 14 , D. Magee suggère que cette tombe puisse être attribuée à la Première Période
Intermédiaire, et plus précisément même à la période héracléopolitaine. Rien de semblable dans le
cimetière de la famille de Pépy Ier, où aucun témoignage d’une prêtrise en rapport avec les
monuments dégagés n’a été retrouvé jusqu’à présent, exception faite pour l’une des reines
Ankhnespépy (mais laquelle ?), si l’on se réfère à la stèle de Mhnw conservée à Baltimore 15 , à la
petite stèle de Jww, aujourd’hui au Musée du Caire 16 , ou encore éventuellement au décret retrouvé
par Jéquier près de la porte du monument de Neit 17 .
Toutefois, deux registres de porteurs d’offrandes représentés (fig. 1) sur les deux assises
inférieures de la paroi est, dans la cour de la reine Inének/Inti 18 , suggèrent clairement qu’après la

6. J. Malek, “King Merykare and his Pyramid”, in Hommages à Jean Leclant IV, p. 203-214 ; id., “Old-Kingdom Rulers as
‘Local Saints’ in the Memphite Area during the Middle Kingdom”, in Abusir and Saqqara in 2000, p. 241-258.
7. P. Munro, « Einige Bemerkungen zum Unas-Friedhof in Saqqara. 3. Vorberichte über die Arbeiten der Gruppe Hannover im
Herbst 1978 und im Frühjahr 1980 », SAK 10, 1983, p. 277-295 ; id., « Der Unas-Friedhof Nord-West. 4./5. Vorbericht über
die Arbeiten der Gruppe Hannover/Berlin in Saqqara », GM 63, 1983, p. 81-109 ; id., « Der Unas-Friedhof Nord-West. 6.
Vorbericht über die Arbeiten der Gruppe Hannover/Berlin in Saqqara (Teil 1) », GM 74, 1984, p. 59-94 ; (Teil 2) GM 75,
1984, p. 73-95.
8. Maspero, Trois années de fouilles, p. 207.
9. Cf. les rapports annuels dans Orientalia, depuis 1988 ; je voudrais remercier mes collègues de la MafS auxquels je dois
l’illustration de cette note qui a pris forme et s’est notablement enrichie au cours des échanges animés sur le plateau de
Saqqara.
10. J. Leclant, « Noubounet – une nouvelle reine d’Égypte », Gegengabe Brunner-Traut, p. 211-219, 5 fig.
11. Cf. Or 69, 2000, fig. 11, J. Leclant et A. Labrousse, CRAIBL 2001, p. 1-18.
12. Cf. l’étude d’Audran Labrousse dans le présent volume.
13. Le document est en cours d’étude. Parmi les personnages cités, le prince Téti, enterré près de Pépy II dont il aurait été le
dernier vizir et auquel il aurait survécu ; cf. M. Baud, Famille royale et pouvoir, vol. 2, fiche 245, p. 605.
14. D. Magee, “A Ìmt-nÚr of Queen Iput I. Fragments copied by Battiscombe Gunn from a tomb at Saqqara”, in Abusir and
Saqqara in 2000, p. 229-240, 4 fig.
15. Walters Art Gallery, n° 22.424. Cf. H.G. Fischer, “Two Well-dated Egyptian Antiquities in the Walters Art Gallery,
Baltimore”, MDAIK 37 (Fs. Labib Habachi), 1981, p. 151-154, pl. 24.
16. CGC 1439, provenant d’Abydos.
17. Goedicke, Königl. Dokumente, p. 162.
18. Cf. Or 63, 1994, fig. 15 sur la pl. XVII.
CULTES DE REINES ET CULTES PRIVÉS 17

réalisation du programme de décoration initial, commençant au-dessus de la troisième assise à partir


du sol et dont il ne reste malheureusement plus de trace in situ, des personnages appartenant à
l’administration du temple de la reine ont tenu à figurer à la suite des processions décorant les
registres conçus lors de la construction. Plutôt que deux groupes contemporains, il faut peut-être
suggérer ici deux périodes pour ces deux registres si différents dans leur style ; dans ce cas, le plus
ancien devrait sans doute être celui directement en-dessous de la décoration d’origine. Quant au
second, les personnages y sont caractérisés par une élégante finesse et un canon assez allongé.
D’autres éléments peuvent nous aider aussi à mettre en évidence un culte de reine. Des
témoignages de piété ont été repérés aux alentours des monuments où a été dégagé, par exemple,
un très grand nombre de tables d’offrandes 19 . Est-ce particulier aux reines ? Non. Firth et Quibell en
ont mis au jour une quantité notable dans le secteur nord de la nécropole de Téti ; Jéquier en signale
également beaucoup à proximité des tombeaux importants de Saqqara-Sud, reines ou grands
personnages 20 comme le prince Téti par exemple, sans en noter toujours très précisément ni le
type, ni l’emplacement exact 21 . Il n’y a pas de doute pourtant que tout ce matériel, présent à
travers la nécropole, relève du même processus.
En dehors des très nombreux documents errants sur un terrain ravagé depuis l’antiquité,
exploité en carrière et encore récemment visité 22 , des dépôts de tables d’offrandes ont été mis au
jour à trois endroits du monument de la reine Inének/Inti. À l’extérieur, le long du mur d’enceinte
ouest, ont été repérées plusieurs tables d’offrandes sculptées directement dans le dallage ou encore
déposées au pied du mur 23 (fig. 2). Ce sont toujours des tables d’offrandes d’un type très simple :
rectangulaires, elles figurent le signe hotep (le plateau le long du grand côté, contre le mur
d’enceinte) avec, de part et d’autre du pain central, deux petits bassins creusés. Si le monument est
inscrit, c’est toujours avec la formule Ìtp dj nswt associée le plus souvent au dieu Anubis. Après
prt ≈rw, la qualité d’jm“≈ est suivie du nom du dédicant. Ce type, le plus simple et de très loin le
plus fréquent, a dû être utilisé très longtemps avec des variantes nombreuses, comme la précision
« eau » ou « bière » auprès des bassins, la représentation en simple contour ou en creux plus profond
d’un personnage assis, ou rarement debout, devant une table à pains sur la protubérance du signe
Ìtp, etc. Ce type nous semble le plus ancien, dans la mesure où il est le seul utilisé à l’extérieur de
l’enceinte ouest, qui va devenir inaccessible après la construction du monument voisin, quand une
porte va fermer l’espace entre Inének/Inti et la pyramide sud-ouest.
Des tables d’offrandes peuvent également être déposées, toujours à l’extérieur du monument,
au pied des obélisques qui flanquent la porte d’entrée 24 , suggérant clairement que les dédicants
n’avaient pas accès au monument lui-même. À l’ouest, devant la porte d’Inének/Inti 25 , ont été
dégagées, sur deux niveaux, onze tables d’offrandes de types plus variés que celles déposées le long
du mur ouest. Si l’on trouve toujours le modèle simple du type Ìtp à double bassin, on rencontre
aussi des tables avec un encadrement en relief, complet ou interrompu au centre, en face du pain.
Ces tables peuvent également être creusées de petits canaux déversoirs, comme celles publiées par
Jéquier et qui proviennent de Saqqara-Sud ; certaines n’ont plus la formule Ìtp dj nswt et attaquent

19. V. Dobrev, J. Leclant, « Les tables d’offrandes de particuliers découvertes aux complexes funéraires des reines près de la
pyramide de Pépi Ier », in Les critères de datation stylistiques, p. 143-157 ; sur la typologie des tables d’offrandes à la fin de
l’Ancien Empire, cf. R. Hölzl, « Zur Typologie der Opfertafeln und Kultbecken », GM 183, 2001, p. 53-69, 6 fig.
20. Cf. par exemple Jéquier, Pépi II, t. III, p. 55.
21. Ibid., p. 75.
22. A. Minault-Gout, « Annexe A. La vaisselle en pierre de la reine Ankhesenpépy II », BIFAO 100, 2000, p. 282.
23. Cf. Or 59, 1990, pl. XLI, fig. 32-23 ; Dobrev, Leclant, in Les critères de datation stylistiques, p. 149, fig. 2.
24. De petits bassins sont déjà creusés au pied de la porte du mastaba de Khenout ; cf. P. Munro, Der Unas-Friedhof Nord-West.
I : Topographisch-historisch Einleitung. Das Doppelgrab der Königinnen Nebet und Khenut, Mainz am Rhein, 1993,
Annexe 2, in fine ; mais à quelle époque ?
25. Cf. Dobrev, Leclant, in Les critères de datation stylistiques, p. 149, fig. 6 et 8. Retrouvées empilées, parfois en deux couches
bien distinctes, les tables d’offrandes n’étaient peut-être pas à leur place exacte d’origine ; elles ont pu être regroupées là,
contenues par un muret de briques crues à une époque qui reste à préciser.
18 C. BERGER-EL-NAGGAR

directement sur prt ≈rw, ou jm“≈w 26 . Enfin sur un document errant (fig. 3), retrouvé à l’est de
l’ensemble funéraire de Ankhnespépy II, apparaît l’apex qui deviendra habituel plus tard.
De l’autre côté de la porte d’Inének/Inti, trois tables d’offrandes seulement ont été
retrouvées 27 . L’une, juste au pied de l’obélisque, est encore d’un autre type ; presque carrée, elle
ne présente qu’un seul bassin rectangulaire creusé perpendiculairement dans le prolongement du
pain, figuré, lui, très arrondi. Une autre, retrouvée à proximité, est rectangulaire (fig. 4), mais avec
le signe Ìtp gravé sur le petit côté ; cette table d’offrande a été déposée par un certain Ouni, dont
l’épouse est jm“≈wt auprès d’Inti. Voilà un témoignage sans doute de la persistance du rôle
économique de la fondation funéraire de la reine. Dans le même style, trois autres documents
proviennent du secteur au nord de la pyramide de Ankhnespépy III, la plus récente des pyramides de
reines repérées jusqu’à présent, ou encore du secteur de la tombe de la reine Mérètitès, plus au sud,
dont le dégagement a été à peine effleuré. Là encore, les proportions sont bien différentes, même si
ce sont deux petits bassins qui sont creusés dans le prolongement du pain. Ces documents
évoqueraient certaines tables d’offrandes retrouvées autrefois dans le secteur au nord de la pyramide
de Téti.
Ces tables d’offrandes se trouvent donc habituellement à l’extérieur du mur d’enceinte ouest
d’un monument ou à l’entrée, limites que ne devaient pas pouvoir franchir les pèlerins ou dévôts ;
mais un autre dépôt a été trouvé dans le monument même de la reine Inének/Inti, dans le coin le
plus reculé, à l’extrémité sud-est, au pied de la pyramide satellite. Quelques tables gisaient in situ,
sur une banquette de briques crues. Du type le plus simple, les formules commencent directement
par la mention « l’jm“≈w », ou « prt ≈rw », ce que Jéquier avait signalé à plusieurs reprises dans le
secteur de Saqqara-Sud. L’une de ces tables porte le nom d’un personnage représenté dans la cour
de la reine, sur le mur est, « ajouté » au programme initial de décoration (fig. 1).
Tous ces dépôts de tables d’offrandes nous semblent attester clairement qu’un culte à
Inének/Inti a été rendu dans son temple funéraire longtemps après la disparition de la reine, même
si, par exemple, l’étude de la céramique retrouvée ne semble pas montrer d’évolution très sensible.
Où réalisait-on ces tables d’offrandes ? Certains monuments pourraient visiblement provenir
d’un même atelier, voire être l’œuvre d’un même artisan. Jusqu’à présent, le long du mur extérieur, à
la porte ou au pied de la satellite d’Inének/Inti, on ne trouve, in situ, que des tables d’offrandes.
Pourtant, un monument (fig. 5), a nettement été conçu pour s’adapter au-dessous d’une stèle dont il
possède exactement la largeur (35 cm). Sur la stèle et sur la table d’offrandes, le personnage,
nommé Antef 28 , est assis sur un siège sous lequel figure un haut vase d’huile 29 . D’où viennent
alors ces petits ensembles ? Ils étaient probablement appuyés sur un mur, mais lequel ? Pour
l’instant, nous ne le savons pas, mais les nombreuses stèles ou fragments de stèles qui ont été
repérés sont sûrement, comme les tables d’offrandes, autant de témoignages de la piété et des cultes
rendus aux reines enterrées à proximité de la pyramide de Pépy Ier. À la fin de la VIe dynastie, sans
aucun doute, mais sûrement encore beaucoup plus tard comme la paléographie de certains
documents le trahit : sur un fragment d’encadrement de stèle par exemple, avec une graphie tardive
pour jmy-wt (fig. 6) 30 . La graphie du nom d’un certain Djaou (fig. 7) peut surprendre, comme son
attitude en bas des montants de sa stèle, avec les bras ballants. Les portes vont souvent présenter
des détails nouveaux, lignes horizontales (fig. 8), carreaux. Une petite stèle au tableau en T arrondi
a été dédiée par « l’Oasite » (fig. 9), une autre (fig. 10) appartient à une jm“≈wt auprès d’Onouris
(ce qui n’est vraiment pas fréquent à Saqqara à la VIe dynastie !). Le style aussi de certains
documents semble nous conduire au-delà de l’Ancien Empire ; même si la gravure reste

26. Cf. ibid., fig. 10 b.


27. Ibid.
28. C’est le nom d’un courtisan représenté dans l’antichambre du temple de Pépy II. Jéquier, Pepi II, t. II, pl. 46.
29. Cf. le relief au nom de Kheredni à Saqqara-Sud. Jéquier, Tombeaux, p. 111, pl. XV.
30. Cf. fig. 13.
CULTES DE REINES ET CULTES PRIVÉS 19

d’excellente facture, les canons utilisés pour la dame Wnsw (fig. 11) nous ont beaucoup surpris au
moment de la découverte de fragments d’une stèle à son nom : petite tête ronde, sur de larges
épaules, étirement des silhouettes, table à pain flottant en l’air, mais la sculpture est ferme et de
qualité ; mêmes observations pour la représentation de Mktt (fig. 12) au bas d’un montant de sa
stèle.
Dans bien des cas, les graphies apparaissent tardives (fig. 13), comme sur ce document où
jmy-wt est écrit avec un yod initial (un critère que H.G. Fischer attribue à la fin de la Période
Intermédiaire), ou encore pr qu’on trouve très fréquemment. L’écriture peut être aussi un peu
fantaisiste comme sur ce document curieux, où le hiéroglyphe des trois collines est glissé sous le
signe du bras ƒsr (fig. 14) ; ce groupement devient très habituel dans notre documentation. Voici
enfin une graphie tout à fait particulière pour le nom de Mérètitès (fig. 15) où les cadrats ne
semblent pas vraiment respectés. On parvient même à des graphies vraiment aberrantes (fig. 16).

Comment expliquer la persistance des cultes chez les reines de ce secteur ? Entre les
pyramides de Pépy Ier et de Mérenrê, Maspero avait depuis longtemps signalé l’existence d’une
nécropole de la XIe dynastie 31 . Plusieurs éclats de calcaire gravés de formules de Textes des
Pyramides ont été repérés en surface, qui appartiennent vraisemblablement à des tombeaux de
particuliers postérieurs à la VIe dynastie. Il semble que cette partie de la nécropole, comme les
alentours de la tombe de Pépy II, soit restée fréquentée longtemps après l’Ancien Empire
proprement dit.
Ainsi, le document le plus surprenant reste la stèle de la reine Mérètitès 32 , dont le monument
est en cours de fouilles au sud de la pyramide sud-ouest. Réalisée dans le calcaire gris utilisé déjà
pour la porte d’entrée de la reine Noubounet, et qui doit provenir de carrières proches, la stèle a été
retrouvée dans un très mauvais état et nous devons sa restauration et sa consolidation à Michel
Wuttmann 33 . La bordure du tableau de la stèle (en X) 34 (fig. 17) ne nous est pas connue à
l’Ancien Empire ; la façon d’écrire Mérètitès ne ressemble en rien aux modèles classiques de c e
nom de reine 35 . La graphie du poussin de caille (fig. 18) surprend également chez une reine de la
VIe dynastie et encore plus la représentation de la dame au bas des montants de sa stèle (fig. 19).
Sur les piliers de la cour (fig. 20), la reine est debout les bras retombant le long du corps, dans
l’attitude classique du respect, geste que nous avons déjà repéré à plusieurs reprises sur des stèles
de particuliers, mais encore inconnu 36 chez les autres reines qui respirent élégamment le lotus sur
leurs piliers. Et pourtant une inscription nous apprend que Mérètitès est s“t-nswt associée à
Pépymennefer, et que son monument a été réalisé par un roi Néferkarê. La suite des travaux nous
dira, nous l’espérons tous, de quel Néferkarê il s’agit.

31. Peut-être est-ce de ce secteur de la nécropole memphite que provient le relief au nom d’Ipout conservé au British Museum :
BM 1658 ; cf. C. Berger, « À la quête de nouvelles versions des Textes des Pyramides, à propos des reines de la fin de
l’Ancien Empire », in Hommages à Jean Leclant I, p. 79, n. 43.
32. Cf Or 65, 1996, fig. 25, pl. XVI et 66, 1997, fig. 22, pl. XVI.
33. Directeur du laboratoire de restauration de l’IFAO.
34. De telles encoches marquées de part et d’autre du tableau se trouvent, par exemple, sur la stèle de Imai, découverte au
Nord du temple de Téti et conservée dans la tombe de Kagemni (PM II, 1, p. 567) ; sur la stèle de Ipi : Quibell, Excav. Saqq.
(1905-1906), I, pl. XIII (datée époque héracléopolitaine) ; sur celle de Teti-khaishetef, ibid., II, pl. VIII, 1 et 2 ; ou encore
sur la stèle du prince Imenemhat-ankh, Dahchour, p. 85, fig. 128.
35. Cf. fig. 15.
36. Attesté pourtant pour une statue de reine sur un papyrus d’Abousir ; cf. P. Posener-Kriéger, in M. Verner, Abusir III, The
Pyramid Complex of Khentkaus, Prague, 1995, p. 134-135, pl. 27.
20 C. BERGER-EL-NAGGAR

Fig. 1 - Sc-Ext 02.

Fig. 2 - Sc-Ext 01.


CULTES DE REINES ET CULTES PRIVÉS 21

Fig. 3 - AII-0054.

Fig. 4 - Sc-179.
22 C. BERGER-EL-NAGGAR

Fig. 5 - 78 NO-106.

Fig. 6 - A II-0506.
CULTES DE REINES ET CULTES PRIVÉS 23

Fig. 7 - 78 NO-029.

Fig. 8 - Se-364.
24 C. BERGER-EL-NAGGAR

Fig. 9 - A II-0180.

Fig. 10 - A II-0244.
CULTES DE REINES ET CULTES PRIVÉS 25

Fig. 11 - 78 NO-088.

Fig. 12 - 78 NO-066.
26 C. BERGER-EL-NAGGAR

Fig. 13 - Sw-277.

Fig. 14 - Ss-98.
CULTES DE REINES ET CULTES PRIVÉS 27

Fig. 15 - Sc-189.

Fig. 16 - Sc-191.
28 C. BERGER-EL-NAGGAR

Fig. 17 - SS-Ext 02.

Fig. 18 - Ss-Ext 04. Fig. 19 - Ss-Ext 03.


CULTES DE REINES ET CULTES PRIVÉS 29

Fig. 20 - Ss-Ext 01.

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