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WEEK•END
MÉTROPOLITAINE, EN BELGIQUE
MAGAZINE
UNIQUEMENT EN FRANCE
UN ÉTÉ À BRÉGANÇON LA COMÉDIE HUMAINE JEAN ROLIN VOLE AU
ET AU LUXEMBOURG
HIER ET AUJOURD’HUI SELON PATRICE CHÉREAU SECOURS DES OISEAUX
PAGE 15
La mondeuse
La capitalisation de l’en-
treprise est la première à
avoir franchi cette barre
1 ÉDITORIAL
au sommet symbolique, jeudi 2 août, UNE CROISSANCE
ALPES GOURMANDES – PAGE 20
A Jonage (Rhône),
en mai 2016 . à Wall Street. La firme AMÉRICAINE EN
JEFF PACHOUD/AFP était moribonde en 1997 TROMPE-L’ŒIL
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Le Vatican a annoncé,
jeudi 2 août, que le pape
François avait fait insérer, Interceltique
en mai dernier, un « res- A Lorient,
crit » dans le « Caté- Houlgate (Normandie), en juillet. CHARLY TRIBALLEAU/AFP les Gallois
chisme ». Cette modifica-
tion stipule également que ont un chœur ÉCOLE INTERNATIONALE DE MANAGEMENT.
PROGRAMMES DU BAC AU MBA.
« l’Eglise s’engage de façon Dévoiler son corps cet été, l’expo- de ce mouvement de libération, gros comme ça 100% DOUBLE-DIPLÔME // FRANCE / ÉTATS-UNIS. CONCOURS :
ser au soleil et à la vue de la foule qui a émergé à la fin du XIXe siè- Mercredi 29 août 2018
déterminée en vue de son PAG E 1 1 • Titre certifié Niveau 1 par l’État.
semble aller de soi. Et, pourtant, cle. Il a fallu bousculer bien des • BBA et MBA.
abolition partout dans le ce rite procède d’un lent désha- tabous et des conventions socia-
monde ». L’Eglise dénonce billage au fil du temps. Ce fut un les, avant que le dénudement ne EN ASSOCIATION AVEC DES UNIVERSITÉS AMÉRICAINES ACCRÉDITÉES PAR L’AACSB
depuis longtemps la peine « immense remuement » pour gagne la partie dans les années Google
de mort, et le pape, farou- qu’« il devienne possible de s’allon- 1960. Il a été également néces- Un moteur de
che opposant de la peine ger en public sur une plage à moi- saire d’« imaginer des règles enca-
capitale, avait annoncé tié nu sans susciter l’effroi ou la cu- drant cette exposition des corps », recherche censuré Contact : Maude Foyatier - 04 72 85 73 63 - maude.foyatier@cefam.fr www.cefam.fr
cette inscription
riosité », résume l’historien Chris-
tophe Granger.
explique l’universitaire Vincent
Coëffé.
pour séduire Pékin
PAGE 7 Le Monde revient sur les étapes S U PP L É ME N T PAG E 1 0
Algérie 220 DA, Allemagne 3,30 €, Andorre 3,20 €, Autriche 3,30 €, Belgique 4,60 €, Cameroun 2 200 F CFA, Canada 5,40 $, Chypre 2,70 €, Côte d'Ivoire 2 200 F CFA, Danemark 34 KRD, Espagne 3,10 €, Gabon 2 200 F CFA, Grande-Bretagne 2,60 £, Grèce 3,20 €, Guadeloupe-Martinique 3,10 €, Guyane 3,20 €, Hongrie 1 050 HUF,
Irlande 3,10 €, Italie 3,10 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 4,60 €, Malte 2,70 €, Maroc 19 DH, Pays-Bas 3,20 €, Portugal cont. 3,10 €, La Réunion 3,20 €, Sénégal 2 200 F CFA, Slovénie 3,20 €, Saint-Martin 3,20 €, Suisse 4,00 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 3,20 DT, Afrique CFA autres 2 200 F CFA
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INTERNATIONAL
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SAMEDI 4 AOÛT 2018
Au Zimbabwe, la
victoire ensanglantée
de Mnangagwa
L’opposition rejette la victoire dès le premier tour
de l’ancien vice-président de Robert Mugabe,
au lendemain d’une journée de violences à Harare
harare - envoyé spécial MDC (Mouvement pour le chan- pied ferme dans ce pays promet-
gement démocratique), s’est in- teur, tout juste tiré du formol des
L
es chiffres, enfin, sont terposé. Debout sur l’estrade où années Mugabe, ce vieillard âgé
tombés, vendredi 3 août les commissaires de l’organisme alors de 93 ans qui semblait ne pas
aux petites heures. Ils électoral – dont l’indépendance avoir perçu que le XXe siècle avait
viennent de donner rai- est sujette à caution – étaient en finalement pris fin.
son aux pessimistes. Ce n’est pas train d’égrener les résultats pour Ce soir, « ED » gagne l’élection. Il
en raison du fait qu’Emmerson tout le pays, il a affirmé, haut et va donc pouvoir mettre, en théo-
Mnangagwa, le candidat de la ZA- fort, que ces chiffres étaient des rie, son plan en action, puisqu’il
NU-PF, le parti au pouvoir au « faux » et que son parti n’accepte- lui fallait la validation de ce scru-
Zimbabwe depuis l’indépen- rait pas ce résultat. Le candidat du tin pour pouvoir relancer le Zim-
dance (1980), est déclaré vain- MDC, Nelson Chamisa, obtient, babwe, réparer la confiance en ses
queur de l’élection présidentielle selon la ZEC, 44,3 % des voix. institutions, régler la question
du 30 juillet avec 50,8 % des voix, A Harare, il est à peu près 1 heure de la dette. Ce qu’il en coûte de se
et devient le premier président du matin. C’est très tard dans laisser enfermer dans le rôle
élu du pays après Robert Mu- cette ville couche-tôt, et plus en- d’Etat paria… Pourquoi, alors,
gabe. Mais en raison des condi- core dans le centre commercial et cette victoire apparaît-elle
tions de cette victoire. administratif de la capitale, vidé comme un naufrage ? Pourquoi
Avant même que le résultat final de toute sa population au cours ces élections générales donnent-
soit donné par la Commission de la journée, et où les seuls pas- elles l’impression d’avoir noyé
électorale du Zimbabwe (ZEC), sants portent ce soir des uni- lentement tous les espoirs de no-
Norman Komichi, le chef des élec- formes, des barres de fer, des ar- vembre, lorsque Robert Mugabe,
tions pour le parti d’opposition, le mes automatiques et surtout des le vieux tyran, a été renversé ?
fouets en peau d’hippopotame : La confiance. Elle est rompue. La
les sjamboks, ceux qui font parti- confiance à l’égard du processus Dans l’immeuble voisin du des, annonçant que les coupables
Dans le centre de
LE PROFIL culièrement mal.
Emmerson Mnangagwa, qui a
électoral. La confiance d’un pays
envers la réforme de ses institu-
parti, la ZANU-PF, de petites célé-
brations discrètes ont sans doute la capitale, jeudi
des agissements de la veille se-
raient identifiés et sanctionnés.
été chargé des renseignements, de tions. La confiance des citoyens eu lieu, mais sont demeurées in- Il ne faudra pas nécessairement
la justice, des élections, au cours de en ses forces de sécurité, qui, mer- visibles. Après les six morts de la
soir, les seuls aller très loin. L’un des militaires
sa longue carrière auprès de Ro- credi, se sont déchaînées contre veille, lors de la répression par passants portent suspectés d’avoir tiré dans le dos
bert Mugabe – dont il a été aussi, à les passants dans les rues d’Ha- l’armée de la manifestation d’une femme qui fermait son
la fin, le vice-président –, était ar- rare, après qu’une manifestation des militants du MDC qui avait
uniformes, armes magasin appartient à la garde
rivé au pouvoir en novembre 2017, de l’opposition contre les résul- débuté, exactement, devant ces automatiques présidentielle.
à la suite du coup d’Etat contre le tats électoraux a dégénéré en bâtiments massifs, il n’aurait Le spectacle d’Harare, dans les
père de la nation. Une lutte de pou- mini-émeute, rappel que la bruta- plus manqué qu’une explosion
et fouets en peau heures qui ont précédé la victoire
voir féroce entre plusieurs factions lité faisait partie des codicilles du de joie pour sceller les divisions d’hippopotame gâchée d’« ED », était aussi mar-
Emmerson Mnangagwa de la ZANU-PF était alors en cours. nouveau contrat social d’« ED ». du Zimbabwe. qué par le siège du quartier géné-
Le nouveau président du Zimba- Mugabe n’en finissait plus d’en- Pendant toute une ultime jour- ral de l’opposition. L’immeuble
bwe, 75 ans, fut pendant plus de traîner le Zimbabwe avec lui vers le Masque déchiré née d’attente, jeudi, alors que con- échaudés par les tabassages au Harvest House de l’avenue Man-
trente ans au service de Robert tombeau. Le monde avait donc Alors que les chiffres de la prési- tinuaient à se faire attendre les ré- sjambok de mercredi, dont les dela, depuis la veille, était sous
Mugabe. Limogé en novem- fermé les yeux sur le parricide, et dentielle, selon nos informa- sultats de la présidentielle, il était images tournent sur tous les télé- surveillance. Dans la journée, un
bre 2017 de la vice-présidence, les Zimbabwéens étaient entrés tions, étaient en sa possession possible de deviner le résultat en phones de la nation. cordon de policiers et de soldats
il a conquis le pouvoir sur un dans une phase d’allégresse. depuis au moins vingt-quatre contemplant le spectacle de la Cette bouffée de violence a eu empêchait tout regroupement
coup de force de l’armée. Les « ED », comme on appelle le heures, la ZEC n’a eu le feu vert rue. Depuis le matin, dans Harare, pour effet secondaire de déchirer de militants. Cet encerclement
conditions de sa victoire à la pré- nouveau président – ses deux pré- pour les communiquer que tard, la police et l’armée voyaient leur le masque souriant du pouvoir répondait à un second objectif :
sidentielle rappellent que le noms sont Emmerson et Dambu- et dans la nuit. L’annonce a eu effectif augmenter. Les vendeurs post-Mugabe. Pourquoi un diri- les forces de sécurité voulaient
« crocodile » dirigea, en 1983, dzo –, autrefois surnommé « le lieu dans un centre de conférence de rue étaient priés de s’en aller. geant qui cherche à convaincre de obtenir l’accès aux bureaux pour
une brutale répression, puis fut, crocodile », promettait d’instau- bunkérisé, autour duquel avaient Les stations-service fermaient les ses bonnes intentions et de sa vo- y mener une perquisition. A l’in-
en 2008, chargé d’assurer la réé- rer un « nouveau régime », qu’il pris position des militaires en te- unes après les autres, puis les ma- lonté de rupture avec trente-sept térieur, une quinzaine de person-
lection de M. Mugabe par la décrivait comme « business frien- nue de combat avec, sous la main, gasins, comme par enchante- ans d’un pouvoir à la main dure, nes faisaient de la résistance et
fraude et la violence. M. Mnanga- dly ». Il courait le monde avec son des véhicules antiémeute. Une ment. Les employés avaient du acharné à gagner par tous les refusaient d’ouvrir les grilles.
gwa a écrit sur son compte Twit- écharpe aux couleurs du Zimba- ceinture de fer dérisoire au mi- mal à trouver des kombis (taxis moyens, y compris les plus vio- Le bras de fer a duré plusieurs
ter que sa victoire constitue « un bwe pour convaincre les investis- lieu d’une ville morte, vidée de collectifs) pour rentrer chez eux, lents, aurait-il changé ? C’est ce heures, avant que se matérialise
nouveau départ » pour le pays. seurs qu’ils étaient attendus de toute présence humaine. la plupart ayant déserté Harare, que répétaient les pessimistes un mandat permettant de péné-
avant le scrutin. Le déploiement trer dans les locaux. Ce docu-
de soldats ouvrant le feu sur les ment portait les deux motifs de
Le bilan de l’intervention de l’armée s’élève à six morts passants, mercredi 1er août, a
semblé leur donner raison une
la perquisition : d’abord, saisir les
« ordinateurs, accessoires ou tout
première fois. La perte de con- autre matériel subversif ». Selon
au lendemain de l’intervention de l’ar- à l’origine des troubles. Selon la version offi- rare. L’une des victimes, une commer- fiance dans les résultats est venue le MDC, le pouvoir espérait en
mée dans le centre d’Harare, le 1er août, les cielle, le fait d’avoir déployé des blindés çante, était en train de fermer son magasin tout confirmer. Il y a, désormais, réalité saisir les éléments maté-
conséquences du déploiement de soldats dans les rues et des soldats tirant à vue se pour fuir le chaos, lorsqu’une balle l’a at- du souci à se faire pour le climat riels permettant à l’opposition de
face à des manifestants de l’opposition justifiait – il était même impossible de faire teinte dans le dos. Difficile de prétendre général au Zimbabwe. contester les résultats des élec-
s’éclaircissent, et la tache sur la réputation autrement. Douglas Mahiya, porte-parole qu’elle constituait une menace. Un autre tions, à commencer par la copie
du pouvoir zimbabwéen s’étend. Jeudi, le bi- de l’Association des vétérans de la guerre de témoignage recueilli par les organisations « Cailloux » des procès-verbaux exposés sur
lan s’est alourdi à six morts, alors que trois libération nationale du Zimbabwe, une de défense des droits de l’homme fait état L’opposition avait menacé de la porte des bureaux de vote.
personnes ont péri de leurs blessures. Le formation proche du président récemment d’un coup de feu tiré à bout portant dans le rendre le pays « ingouvernable » La seconde raison invoquée
nombre de blessés est estimé à « plus de élu Emmerson Mnangagwa, accuse même pied d’un passant, sans raison apparente. en cas de victoire contestée de la pour la perquisition tient à la
vingt-cinq » par un collectif d’ONG zimba- le MDC d’avoir organisé les violences. La photo, le nom, et même le numéro de té- ZANU-PF. Les neuf principales présence supposée d’un petit ar-
bwéennes, le Zimbabwe Human Rights léphone de plusieurs militaires soupçon- missions d’observateurs électo- senal : « armes à feu, munitions,
NGO Forum, dont l’une des animatrices, Balle dans le dos nés d’être responsables de ces exactions raux déployées dans le pays ont grenades, cailloux ». Peut-être les
Jestina Mukoko, déclare : « Le Forum est « Nous soupçonnons qu’il y a des militaires ont été diffusés sur les réseaux sociaux. exprimé jeudi leur « grave préoc- forces de l’ordre ont-elles trouvé
scandalisé par le comportement du gouver- derrière, dit-il. Ils ont eu recours, selon nos in- Après les rapports, quelques heures plus cupation au sujet des épisodes de des cailloux. Ce qui a été em-
nement du Zimbabwe, qui a pris la liberté de formations, à des Selous Scouts [une unité tôt, d’observateurs qui avaient exprimé pré- violences postélectorales », et dé- porté, ce sont les ordinateurs, ce
déployer de manière illégale les militaires de l’ex-pouvoir blanc, impliquée dans la sale maturément leur satisfaction de voir que noncé « l’usage excessif de la force qui donne au candidat de l’oppo-
dans Harare, conduisant à la mort extrajudi- guerre de Rhodésie, qui a cessé d’exister l’élection s’était déroulée dans la sérénité, pour mettre fin aux manifes- sition, Nelson Chamisa, le pré-
ciaire » de plusieurs civils. Tous ne sont pas depuis l’indépendance] (…). L’objectif est de certaines capitales se montrent plus pru- tations », demandant « instam- texte d’un rire amer : « Vous
des militants du MDC, le parti d’opposition. renverser le nouveau pouvoir. » dentes. Le Royaume-Uni, soutien affirmé ment à la police et l’armée de faire voyez, le système de la ZANU-PF
Pourtant, le gouvernement a tenté de faire Des détails ont aussi émergé sur les per- d’Emmerson Mnangagwa, a demandé au preuve de retenue ». d’aujourd’hui est le même que ce-
porter la responsabilité des morts aux ca- sonnes tuées par les tirs des soldats dans le pouvoir de retirer l’armée des rues. p Emmerson Mnangagwa a sem- lui de la ZANU-PF d’hier. » p
dres de l’opposition, les accusant d’avoir été centre des affaires et du commerce, à Ha- j.-p. ry blé prendre acte de ces deman- jean-philippe rémy
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SAMEDI 4 AOÛT 2018
L
e siège du parti du candi-
dat d’opposition Sou-
maïla Cissé est bien vide,
jeudi 2 août au soir. Une
DÉFI SÉCURITAIRE
dizaine de militants errent dans Malgré la mobilisation de plus de
les couloirs, tandis qu’à l’étage, 30 000 membres des forces de sé-
Tiébilé Dramé enchaîne les ren- curité maliennes et étrangères, le
dez-vous, comme à l’ordinaire. premier tour de la présidentielle
Dans le bureau du directeur de a été perturbé par des attaques.
campagne du chef de file de Si les missions d’observation na-
l’opposition malienne, seule la tionales et internationales ont sa-
chaîne de télévision a changé. Ce lué dans l’ensemble le déroule-
soir, il parle tout en lorgnant ment du scrutin, plus de
l’ORTM, la télévision nationale. Il 700 bureaux de vote sur 23 000,
est 20 heures et des rumeurs cir- surtout dans le centre, n’ont pu
culent concernant une proclama- ouvrir en raison d’incidents
tion en direct des résultats provi- violents. « Quiconque remportera
soires du premier tour de l’élec- Avant une cette élection ne sera qu’une
tion présidentielle du 29 juillet. conférence marionnette entre les mains de la
Mais le ministère de l’administra- de presse France et des pays croisés », avait
tion territoriale dément : ce sera de l’équipe affirmé la principale alliance
demain, affirme-t-il. de campagne djihadiste du Sahel, dirigée par
Mais contre toute attente, à d’Ibrahim Iyad Ag Ghali, revendiquant des
21 heures, Mohamed Ag Erlaf, le Boubacar tirs de roquettes qui ont visé, le
ministre de l’administration terri- Keïta, à jour du vote, le camp de la force
toriale, apparaît à l’écran. Face au Bamako, de l’ONU à Aguel’hoc (nord-est).
poste de télévision, une poignée le 30 juillet.
de militants ont la mine décon- ISSOUF SANOGO/AFP
fite. Leur candidat, « Soumi », est éviter d’éventuels troubles », spé-
bien qualifié pour le second tour, cule Fatimata Traoré, une autre
mais son score leur semble déri- militante. Devant le siège, le
soire : 17,8 % des voix (573 111 voix), calme règne. « Je suis déçu, on
contre 41,42 % (1,3 million de voix) s’attendait à passer au premier
pour le président sortant Ibrahim tour », lâche un autre en montant
Boubacar Keïta (« IBK »). Le duel déposés, mais aucun n’avait discréditer un processus transpa- Au quartier général du président dans son véhicule.
du second tour sera le même que abouti. « Notre sentiment, c’est que
Les observateurs rent et salué comme tel par l’en- sortant, une heure après la publi- Jeudi soir, les rues désertes de
lors de la dernière présidentielle, le plan de premier tour du camp de l’UE ont semble des acteurs internationaux cation des résultats du premier Bamako, comme les quartiers gé-
en 2013. Mais en cinq ans, l’écart d’IBK – un coup K.O. – s’est éva- et nationaux indépendants ». tour, les quelques militants pré- néraux des partis, témoignaient
entre les deux adversaires s’est noui. Ils sont arrivés à un score de
demandé une Au lendemain du premier tour, sents refusaient d’alimenter cette de la torpeur citoyenne vis-à-vis
creusé : IBK gagne 1,6 point, 41 % à la suite de fraudes immen- liste des bureaux la mission d’observation de polémique autour d’une préten- d’un processus électoral peu suivi.
Soumi en perd 1,9. ses, parce qu’ils savaient que politi- l’Union européenne, tout comme due fraude, qu’ils jugent ridicule. Le taux de participation annoncé
« Il faut rejeter les résultats, il faut quement, une victoire au premier
de vote où le l’opposition, avait estimé que le « Ce premier tour est un franc suc- par les autorités est de 43 %. C’est
le déclarer maintenant et tout de tour ne passerait pas », estime-t-il. premier tour scrutin s’était globalement bien cès. Les gens peuvent dire ce qu’ils 6 points de moins qu’en 2013,
suite, et prendre nos responsabi- déroulé. Mais la demande de pu- veulent, mais le Malien lambda mais plus que la moyenne du taux
lités », panique un militant en « Procédés graves »
n’a pas pu se blication par les autorités d’une sait ce qu’IBK a fait pour le Mali. de participation des cinq derniers
quittant le siège. « C’est une élec- Un membre de l’équipe de campa- tenir, mais n’ont liste détaillée des bureaux de vote Soumaïla Cissé doit s’estimer heu- scrutins présidentiels (35 %).
tion tripatouillée. En 2013, il y avait gne du candidat Aliou Diallo, troi- où le premier tour n’a pas pu se reux qu’il y ait un second tour », es- Posté devant le siège de M. Cissé,
quasiment un consensus autour sième homme de ce premier tour
pas eu de réponse tenir, le 29 juillet, notamment time Mamadou Wagué, un mili- Amassali Gandi tente de compren-
d’IBK et il avait fait 39,8 % au pre- avec 7,95 % des voix, dénonce éga- en raison de l’insécurité dans le tant de la majorité présidentielle. dre les 17 % de son candidat. Pour
mier tour ! Aujourd’hui, on nous lement une manipulation. Avant centre et le nord du pays, est res- lui, l’abstention a joué en faveur
annonce qu’il fait 41 % ! Ce n’est pas la publication des résultats, tion et achat de votes, bourrage tée sans réponse. 767 bureaux, Torpeur citoyenne d’IBK : « En 2013, l’effervescence po-
normal », s’emporte Abdourah- M. Diallo ainsi que 18 des 23 autres d’urnes et attribution de résultats soit 3,3 % du total, ont été privés Autour de lui, une poignée de pulaire était là. Mais aujourd’hui,
mane Traoré. candidats avaient déjà annoncé fantaisistes à des candidats ». d’élection, selon le ministère sympathisants débouchent deux beaucoup d’opposants à IBK se
A l’étage, Tiébilé Dramé est en- qu’ils n’accepteraient pas « des ré- L’impartialité de la Cour consti- de l’administration territoriale. bouteilles de champagne sans al- sont dit qu’aller voter contre lui ne
fermé dans son bureau. Pour lui, sultats affectés par des irrégulari- tutionnelle, chargée de procla- L’opposition craint une fraude or- cool, amenées à la va-vite par un servirait à rien, parce qu’ils n’ont
le score de son candidat a été ra- tés ». Dans un communiqué con- mer les résultats définitifs, avait ganisée en partie sur ces bu- des leurs. Ici aussi, la proclama- plus confiance en ce régime », juge-
baissé. « Nous allons saisir la joint daté du 31 juillet, le groupe également été mise en cause. Le reaux. Pour lever les doutes, elle tion des résultats a surpris. La cé- t-il avant de conclure, l’air défait :
Cour constitutionnelle », annon- avait dénoncé un « retrait massif camp d’IBK était immédiatement réclame une publication des ré- lébration des 41 % durera un petit « Le fait de ne pas aller voter, c’était
ce-t-il quelques heures plus tard. de cartes d’électeurs par des per- monté au créneau, dénonçant sultats bureau par bureau, à l’ins- quart d’heure. « Peut-être qu’ils leur façon à eux de contester. » p
En 2013, onze recours avaient été sonnes non titulaires (…), corrup- des « procédés graves qui visent à tar des observateurs européens. ont donné les résultats le soir pour morgane le cam
YÉMEN
Des frappes sur Hodeïda
tuent 26 personnes
les rebelles chiites houthistes,
et le marché aux poissons.
La coalition a lancé, le 12 juin,
Trois employés de Sodexo ont été
Des frappes aériennes de la une offensive pour prendre
coalition conduite par l’Arabie
saoudite ont fait 26 morts et
50 blessés, jeudi 3 août à Ho-
le contrôle de cette zone
où transite une large part de
l’aide humanitaire pour le Yé-
kidnappés et assassinés à Kaboul
deïda, un port de l’ouest du men. La coalition saoudienne
Yémen, sur la mer Rouge. Se- a nié, jeudi, être à l’origine de
La police afghane qualifie le meurtre des salariés du groupe français d’opération « terroriste »
lon des sources médicales, les cette attaque qu’elle attribue
raids ont visé le port, tenu par aux rebelles. – (Reuters.)
hérad
Monde être « profondément at- rain vague du district de Mussahi ressantes que prévu ? Les as- trer de lourds attentats au cœur
Emmanuel K tristé et choqué par cette perte ». dans le Logar, au sud de Kaboul. saillants ont-ils été surpris ? Les même de la ville.
le club estival
Une cellule psychologique a été Deux d’entre eux se trouvaient autorités afghanes évoquent la Ces dernières semaines, le
mise en place par ses responsa- dans le coffre et le troisième sur la possibilité d’une complicité in- commandement militaire
le samedi bles à Kaboul qui géraient en banquette arrière. terne qui aurait permis aux kid- afghan, en liaison avec les autori-
direct, par ailleurs, les contacts nappeurs de repérer leur cible et tés américaines, a décidé d’allé-
18:00 - 19:00 avec les autorités locales. Le siège Enlèvements fréquents de préparer l’opération. ger la présence armée dans les
de Sodexo, à Issy-les-Mouli- Ce secteur, connu pour sa dange- Cette forme de violence n’est provinces afghanes pour renfor-
neaux (Hauts-de-Seine), se char- rosité, abrite des groupes crimi- malheureusement pas rare, sur- cer la protection des grandes vil-
geait de prévenir les familles. nels mais aussi talibans, ce qui tout à Kaboul où elle vise avant les, dont Kaboul.
Crédit photo : Christophe Abramowtiz / RF
Vendredi matin, l’attaque n’était laisse toutes les hypothèses tout des Afghans, chefs d’entre- Présent en Afghanistan depuis
pas revendiquée mais la police ouvertes. Si la motivation était prise, cadres ou personnalités 2002 avec près de 250 employés,
afghane qualifiait l’opération crapuleuse, avec l’espoir d’obte- en vue. Pour parer à ces enlève- Sodexo est chargé de contrats de
de « terroriste ». nir une rançon, l’issue meur- ments fréquents, ces derniers cir- restauration pour plusieurs am-
Selon les éléments fournis par trière n’a pas de sens. Les trois culent depuis des années bassades, des organismes gouver-
le ministère de l’intérieur afghan, victimes, trois cuisiniers, se sont- dans des voitures blindées et dis- nementaux et des entreprises de
tout semble avoir débuté elles rebellées ? Ont-elles été posent de protections rappro- construction et de défense. p
vers 8 h 30, jeudi, alors que les considérées comme moins inté- chées. Les groupes criminels peu- jacques follorou
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S
ur un ancien no man’s miter les fuites. Puis en 2005,
land, à l’ombre du vieux supprimer l’organisme public de gestion de
stade désaffecté de la ca- la décharge, au l’eau lance un gigantesque pro-
pitale américaine, un im- jet, appelé « Clean Rivers », dont
mense tunnelier fait la fierté de bord de l’eau, où les effets commencent tout juste
DC Water, l’organisme de gestion un zoo déposait à se faire sentir. Grâce à la cons-
de l’eau de la région de Washing- truction de tunnels capables
ton. Des grues géantes s’apprê- les excréments d’absorber les débordements
tent à installer l’imposante ma- de ses locataires d’égouts et de les diriger vers une
chine cylindrique sur sa rampe de usine de traitement, la rivière
lancement. Les ouvriers mettent sera épargnée. Le premier de ces
la dernière main à la fosse qui œuvre depuis 1989 à la dépollu- ouvrages, dont les travaux n’ont
permettra de glisser l’engin de tion du cours d’eau. démarré qu’en 2013, est entré en
7 mètres de diamètre à 100 mè- Chaque semaine, de mai à octo- service en mars.
tres de profondeur. bre, ce spécialiste des milieux Le deuxième tunnel devrait
A quelques dizaines de mètres aquatiques embarque sur un pe- commencer à être creusé en
du bruit et de la poussière de ce tit hors-bord, et recueille en deux août, pour être opérationnel d’ici
chantier débuté il y a cinq ans, les heures de croisière des échan- à 2023. Le projet aura donc pris
eaux calmes de la rivière Anacos- tillons dans la rivière, mesurant près de vingt ans, pour un coût
tia s’écoulent entre verdure et son acidité, sa clarté, la présence de 2,7 milliards de dollars (soit
ouvrages urbains. A cette dis- ou non de bactéries comme Es- 2,3 milliards d’euros). « Le finan-
tance, rien n’indique l’urgence et cherichia coli. Au fil du courant, il cement est prévu sur cent ans, car
la nécessité de mettre rapide- raconte les combats menés pour la ville a considéré qu’il était aussi
ment en action le tunnelier. Ce que les autorités locales et les ac- de la responsabilité des généra-
chantier est pourtant la partie la teurs privés remplissent leurs tions futures de participer à la
plus spectaculaire d’un projet ti- obligations et contribuent à res- prise en charge de ce grand chan-
tanesque enclenché par les auto- taurer la qualité de l’eau. tier de dépollution », indique Vin-
rités de la ville en 2005 pour ve- Pointant une forêt de bambous, cent Morris, responsable de la
nir à bout de la pollution chroni- il évoque l’une des premières vic- communication chez DC Water.
que de cette courte rivière qui toires de l’AWS, il y a près de trente Et, ajoute-t-il, aucune nouvelle
serpente sur 13,5 kilomètres, ans. Le zoo de la ville avait pris l’ha- déréglementation initiée par
frontière implicite entre les voies bitude de déposer les excréments l’administration Trump ne vien-
rapides menant au centre-ville des animaux sur une des rives de dra enrayer ce processus.
cossu de la capitale et ses quar- l’Anacostia appartenant à l’arbore-
tiers plus pauvres, majoritaire- tum national, contribuant à sa Taxe sur les sacs plastiques
ment noirs. contamination. En lieu et place de Masaya Maeda se félicite de ces
cette étonnante décharge, pousse avancées nombreuses, quoique
Forêt de bambous aujourd’hui un jardin asiatique tardives. Dès 2009, le flot des
Autrefois voie maritime fréquen- apprécié des visiteurs. eaux déversées dans la rivière a
tée, jalonnée de petites villes por- Mais cette bataille ne fut pas la diminué de 40 %. Lorsque les
tuaires, l’Anacostia est devenue plus difficile. C’est en 1999 que 27 kilomètres de tunnels seront
au fil des décennies « la rivière l’association lance sa plus impor- ouverts, 96 % des eaux seront di-
oubliée », déversoir des eaux tante offensive en décidant de rigées vers eux et traitées, affirme
usées de la ville, dépotoir des in- poursuivre DC Water. Lors de M. Morris. Bien au-delà des 85 %
dustries alentour et des habi- chaque forte pluie, les canalisa- exigés par l’Agence de protection
tants indélicats. Son nom actuel tions de la ville, construites sur de l’environnement (EPA).
dérivé d’anaquash – « commerce un modèle datant du XIXe siècle, Mais une pollution plus visible
au cœur d’un village » –, ainsi que déversent des millions de litres a aussi mobilisé AWS, en guerre
l’appelaient les Amérindiens qui d’eau non traitée directement contre la présence élevée de sacs
vivaient sur ses rives depuis plu- dans la rivière. en plastique dans l’Anacostia. La
sieurs milliers d’années, rappelle Le système draine en effet dans mairie de Washington a créé une
pourtant qu’elle fut une artère les mêmes tuyaux les eaux de taxe de 5 cents sur chaque sac
vitale pour l’économie locale. Les pluie et les égouts. Par temps sec, plastique proposé dans les com-
premiers colons plantèrent du les canalisations suffisent à ame- merces du district. Une mesure
tabac et utilisèrent la rivière ner l’eau vers l’usine de traite- adoptée par de nombreuses
comme moyen de transport ment, mais les précipitations autres villes à travers le pays. La
mais, dès le XIXe siècle, un limon peuvent forcer les techniciens à situation s’est améliorée même
toxique l’envahit et les mar- tout lâcher dans l’Anacostia et le si plastiques, bidons et bouteilles
chands s’en détournèrent, aban- fleuve Potomac où elle se jette. flottent toujours sur l’eau.
donnant ses eaux aux dégâts de « Avant le début des travaux, l’eau A chacune des six pauses qu’il
l’urbanisation galopante de cette devenait orange, à cause des sé- effectue sur son parcours, Ma-
région devenue capitale. diments », se souvient Masaya saya Maeda évalue les progrès. Il
Car la rivière a beau avoisiner Maeda. Lente et peu profonde, remplit une fiole qu’il conserve
l’une des villes les plus riches des l’Anacostia retient particulière- immédiatement au frais pour
Etats-Unis, elle sillonne en parti- ment bien les impuretés. l’analyser ensuite. Penché par-
culier ses parties les plus défavo- dessus bord, il mesure au centi-
risées. Cette donnée sociologi- « Générations futures » mètre près la profondeur à la-
que n’est pas étrangère à son ex- Dès 1987, le Congrès avait pour- quelle son disque d’observation
trême pollution, par ailleurs tant adopté un amendement à la disparaît dans les eaux troubles
commune à de nombreux cours loi « Clean Water » de 1972 exi- de l’Anacostia.
d’eau à travers le pays. « Les popu- geant des grandes villes qu’elles Ce jour-là, dans la partie nord
lations qui vivent le long de la ri- mettent un terme à la pollution de la rivière, on peut le distinguer
vière ne connaissaient pas les provoquée par ces systèmes an- jusqu’à 68 cm. « Pas assez clair »,
bonnes personnes et n’avaient pas ciens. Mais beaucoup, comme juge le scientifique, qui se sou-
les moyens de faire pression pour Washington, ont traîné des pieds vient toutefois qu’au début des
exiger son nettoyage », explique face à l’ampleur de l’investisse- années 2000, lorsqu’il a com-
ainsi Masaya Maeda, un scientifi- ment demandé. Il faudra plu- mencé ses mesures, le témoin
que de l’association Anacostia sieurs années à la ville pour ré- n’était visible que jusqu’à 10 cm.
Watershed Society (AWS), qui pondre aux injonctions de la jus- Plus on se rapproche de la capi-
tale, plus la qualité de l’eau s’amé-
liore. Son dernier relevé indique
96 cm, « un bon chiffre ». Aux pê-
cheurs qu’il croise, il conseille
toutefois de pêcher « pour s’amu-
ser mais pas pour consommer ». De haut en bas : installation du tunnelier devant percer la conduite qui libérera l’Anacostia
Consciente que les meilleurs des eaux usées qui s’y déversent parfois ; Dante Brown, chargé de nettoyer les rues avoisinant
avocats de la rivière sont les usa- la rivière ; un bateau de tourisme dans la partie nord du cours d’eau. LEE HOAGLAND POUR « LE MONDE »
gers des quartiers avoisinants,
l’AWS s’efforce de rendre ses rives
agréables : un chemin de randon-
née pour piétons et vélos a été saya Maeda s’étrangle presque en dégagé permettrait aux marais
aménagé, une marina accueille à
Penché par-dessus évoquant le nettoyage de la « cri- environnants de se reconstituer,
nouveau kayaks et barques. bord, Masaya que aux pneus », un coude de la ri- pour offrir un habitat privilégié à
« Maintenant, si les habitants vière dont ont été extraits, au dé- une faune et une flore disparues.
constatent une pollution, quelle
Maeda mesure but des années 1990, plusieurs Mais chaque chose en son temps,
qu’elle soit, ils vont se plaindre », au centimètre près milliers de pneus usagés et de reconnaît Masaya Maeda, qui, au
explique M. Maeda. Objectif affi- moteurs de voitures, jetés là par fil des ans, constate un affaisse-
ché : que les baigneurs retrouvent
la profondeur à une entreprise de récupération de ment des pierres, preuve que la
le plaisir de nager dans l’Anacos- laquelle son disque pièces automobiles. nature parfois reprend ses droits.
tia en 2025. « Grâce aux tunnels, Il regrette pourtant que le muret Avec ou sans l’aide de l’homme et
cette perspective est désormais
d’observation de plusieurs kilomètres construit de ses tunnels. p
réaliste », juge le scientifique. disparaît dans dans les années 1930 pour canali- stéphanie le bars
Une chose est sûre : l’habitude ser les eaux de la rivière, et consi-
d’utiliser la rivière comme un dé-
les eaux troubles déré comme « ouvrage histori- Prochain épisode Et au milieu
potoir appartient au passé. Ma- que », ne soit pas détruit. L’espace coule une rivière… polluée
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FRANCE
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SAMEDI 4 AOÛT 2018
GOUVERNEMENT
A
près les avoir reçus
pour un dîner à l’Ely-
sée, mercredi 1er août,
Emmanuel Macron de-
vait revoir les membres du gou-
vernement, vendredi, pour le der-
nier conseil des ministres avant
les vacances. L’occasion pour le
chef de l’Etat de clore une année
dense, au cours de laquelle 41 loi
ont été votées et des réformes
lourdes engagées (SNCF, code du
travail, sélection à l’université avec
Parcoursup…). Mais aussi d’esquis-
ser le programme de la rentrée, qui
s’annonce chargé. « Le président
devrait dresser les grandes étapes
de l’an II, dans le prolongement de
son discours au Congrès », précise
l’un de ses conseillers. Il leur don-
nera rendez-vous pour un sémi-
naire qu’il présidera « dans la fou-
lée du premier ou du deuxième
conseil des ministres de rentrée, le
22 ou le 29 août », ajoute-t-il.
Après un début d’été marqué par
l’affaire Benalla, un épisode qui a
montré les fragilités du dispositif
macronien et contraint l’exécutif à
subir l’actualité, l’Elysée veut re-
prendre la main dès la fin de la
trêve. Le séminaire gouvernemen-
tal sera l’occasion de remobiliser
les troupes et de leur donner un
cap pour les mois à venir. « A la ren-
trée, nous ne ralentirons pas, nous
ne lâcherons rien. Nous irons jus-
qu’au bout de notre projet », avait
déjà réaffirmé le premier ministre,
Edouard Philippe, mardi 31 juillet, A l’Assemblée nationale,
alors qu’il répondait aux deux mo- le 31 juillet. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
tions de censure déposées par la
droite et la gauche à l’Assemblée.
A la rentrée, l’exécutif devra
d’abord mettre de l’ordre dans tionnelle, un acte politique impor- (LRM) des Yvelines. « Notre mar- l’heure, les sondages soufflent le Autre réforme sensible, sur le-
un agenda perturbé par la crise. tant puisqu’il touche au texte fon- que de fabrique, c’est l’action. Il faut chaud et le froid. Dans l’enquête
« Le ralentissement quel le gouvernement devra avan-
L’Elysée doit décider au plus vite dateur de la Ve République. Pour le maintenir la tension pour repartir YouGov, publiée jeudi 2 août par Le conjoncturel nous cer d’ici à la fin de l’année : les re-
de l’avenir de la révision consti- moment, les macronistes minimi- de l’avant », poursuit un conseiller. HuffPost et CNews, sa popularité traites, sur lesquelles il compte
tutionnelle, à laquelle l’affaire sent cet éventuel report. Les pro- plonge de cinq points. Avec 27 % de
oblige à accélérer présenter un projet de loi au pre-
Benalla a mis un coup d’arrêt bru- jets de loi organique et ordinaire Attendu sur le social jugements positifs sur son action, sur le plan mier trimestre 2019. Contraire-
tal. S’il la fait revenir devant les dé- permettent de tenir les promesses La semaine qui a suivi les révéla- le chef de l’Etat est à son plus ment à la réforme de la SNCF, le
putés au plus tôt, il prend le risque principales de M. Macron (baisse tions sur l’ex-chargé de mission bas niveau. Comme le faisaient
structurel » gouvernement privilégie le dialo-
de voir les oppositions remonter du nombre de parlementaires, d’Emmanuel Macron a montré un déjà apparaître d’autres enquêtes MARC FESNEAU gue avec les partenaires sociaux,
au créneau. Dans ce cas, il lui fau- non-cumul des mandats dans le exécutif affaibli, flottant, un prési- d’opinion, c’est auprès des sym- président des députés MoDem par l’intermédiaire de Jean-Paul
dra repousser la loi Pacte pour temps, introduction d’une dose de dent très seul pour se défendre. pathisants du parti Les Républi- Delevoye, le haut-commissaire
faire de la place dans le calendrier proportionnelle). « C’est une ques- Mais cette crise est en fait interve- cains que la chute est la plus mar- chargé de ce dossier.
parlementaire. Un dilemme, car tion d’agencement, relativise Mati- nue après quelques couacs moins quée. « Après l’affaire Benalla, de A la rentrée, il faudra occuper le Au-delà des thématiques écono-
cette loi « est attendue par les entre- gnon. A la fin, on fera les deux. » visibles notamment, début juillet, plus en plus de Français doutent de terrain. Et vite. Le volet social, sur miques et sociales, le gouverne-
prises et les Français, sur le volet Mais l’essentiel pour l’exécutif lorsque la ministre de la santé, l’honnêteté du président, de sa sin- lequel l’exécutif est très attendu, ment est attendu sur le sociétal. Et
actionnariat salarié, intéressement sera surtout de réenclencher la Agnès Buzyn, avait annoncé le re- cérité. Son “je fais ce que je dis et je ouvrira la saison. Le plan pauvreté, si la réforme des retraites est un
et participation », commente Marc machine à réformer pour redorer port du plan pauvreté pour cause dis ce que je fais” ne convainc plus au cœur du projet macronien de sujet à hauts risques, car il peut re-
Fesneau, président du groupe l’image du président de la Républi- de Coupe du monde de football… autant », explique Jérôme Four- lutte contre le « déterminisme so- mobiliser l’opposition de gauche,
MoDem à l’Assemblée. que. « Il nous faut garder le cap. Ce L’affaire Benalla pourrait ainsi quet, directeur du département cial », et le plan hôpital, avec la fin le projet de loi bioéthique est lui
Si, à l’inverse, l’exécutif privilégie qui a perdu Nicolas Sarkozy ou atténuer ou même effacer les ef- Opinion de l’IFOP. Dans le baromè- de la tarification à l’acte, trouve- aussi politiquement inflammable.
le texte de Bruno Le Maire, déjà François Hollande, c’est l’impres- fets bénéfiques qu’Emmanuel Ma- tre Elabe de juillet pour Les Echos ront leur traduction législative En campagne, M. Macron avait
plusieurs fois repoussé, il s’expose sion qu’ils ont donnée de naviguer cron espérait tirer de son discours et Radio Classique, la cote de con- dans les projets de loi de finances promis l’ouverture à toutes les
à des critiques sur son incapacité à à vue », renchérit Aurore Bergé, au Congrès, le 9 juillet, ou de la vic- fiance d’Emmanuel Macron gagne et de financement de la Sécurité femmes de la procréation médi-
mener à bien la révision constitu- députée La République en marche toire des Bleus, le 15 juillet. Pour en revanche deux points, à 36 %. sociale pour 2019, qui, eux, seront calement assistée, aujourd’hui ré-
présentés fin septembre. servée aux couples hétérosexuels.
Avec, pour le budget, une ques- Un engagement que lui rappelle
Unédic : un automne studieux pour les partenaires sociaux tion cruciale sur les dépenses pu-
bliques. L’an dernier, le gouverne-
régulièrement une partie de sa
majorité. Soucieux de ne pas « hu-
ment s’en était plutôt remis à la milier une partie du pays », comme
l’automne prochain ne sera pas la saison tractations, de créer un bonus-malus ayant tif qu’elles dissuaderaient des demandeurs conjoncture pour assurer la baisse il avait jugé l’action de son prédé-
du répit, pour la ministre du travail, Muriel pour effet d’augmenter les cotisations des d’emploi d’accepter une offre de CDI. des déficits. Aujourd’hui, « le ralen- cesseur lors de sa campagne au su-
Pénicaud, et les membres de son cabinet. entreprises où les CDD prolifèrent. Autre thème de discussion pour les orga- tissement conjoncturel nous oblige jet du mariage pour tous, le prési-
Après avoir été absorbée, durant une année, Ce plan de marche a donc été entière- nisations d’employeurs et de salariés : à accélérer sur le plan structurel », dent a beaucoup consulté et a mul-
par deux réformes majeures (la réécriture ment revu, durant l’examen au Sénat du l’éventuelle « création d’une allocation-chô- juge Marc Fesneau. Alors que tiplié les gestes envers les catholi-
du code du travail, en 2017, puis la loi « ave- projet de loi « avenir professionnel ». Le mage de longue durée, attribuée sous condi- l’activité donne des signes de fai- ques. Par ailleurs, la réforme de
nir professionnel », adoptée définitivement gouvernement a, en effet, déposé un tion de ressources ». « Nous avons décidé de blesse, que le chômage a du mal à l’islam de France, promise depuis
mercredi 1er août), l’ex-DRH de Danone va amendement au texte, le 10 juillet, le lende- changer notre fusil d’épaule pendant l’élabo- reculer et que l’inflation repart à la des mois, est désormais prévue
s’atteler, à partir de la rentrée, à un autre main du discours de M. Macron. Il indique ration de la loi », reconnaît-on dans l’entou- hausse, l’équation budgétaire s’an- pour la fin 2018.
dossier sensible : la négociation d’une que, « après concertation » avec les parte- rage de la ministre du travail. L’objectif nonce compliquée. La rentrée sera aussi le moment,
nouvelle convention Unédic sur les règles naires sociaux, un « document de cadrage » étant de parvenir à une transformation « Chaque euro dépensé doit dé- comme l’a dit le porte-parole du
de l’assurance-chômage. est transmis à ces derniers afin qu’ils négo- « plus profonde » du système. sormais être le fruit d’une décision gouvernement, Benjamin Gri-
Ce chantier résulte d’un souhait exprimé, cient une nouvelle convention Unédic. Le Avant d’engager les discussions, les parte- politique », explique Amélie de veaux, de tirer « toutes les leçons »
le 9 juillet, par Emmanuel Macron devant le but est de faire évoluer les règles de ma- naires sociaux devront poser un diagnostic Montchalin, députée LRM de l’Es- des « dysfonctionnements » qu’a
Congrès à Versailles. Un souhait totalement nière à « lutter contre la précarité et [à] inci- commun, début septembre, qui devrait ser- sonne. « Ce que décidera Macron révélés l’affaire Benalla. De quoi
inattendu pour deux raisons. D’abord, les ter les demandeurs d’emploi au retour à vir de base au « document de cadrage » pré- sera déterminant pour une partie occuper l’été d’Alexis Kohler, le se-
partenaires sociaux s’étaient entendus, l’emploi ». Le bonus-malus n’est pas cité ex- paré par l’exécutif. Celui-ci a vocation à de la droite que LRM espère rallier crétaire général de l’Elysée, chargé
en 2017, sur les conditions d’indemnisation plicitement, mais l’exécutif attend du pa- orienter fortement les échanges entre le pa- au moment des élections euro- de réorganiser les services du pa-
des demandeurs d’emploi dans une con- tronat et des syndicats qu’ils trouvent des tronat et les syndicats. Ils auront quatre péennes, juge Jérôme Fourquet. lais, dont la sécurité et la commu-
vention qui devait s’appliquer jusqu’en oc- solutions à la hauteur du problème. Sinon, mois pour conclure. Le gouvernement ta- Cette droite juppéiste, centriste nication. Mais aussi, plus large-
tobre 2020. En outre, le projet de loi « avenir prévient-on dans l’entourage de Mme Péni- ble, semble-t-il, sur janvier, voire février dont l’ADN est l’équilibre des comp- ment, de repenser le rôle de la
professionnel » prévoyait, initialement, que caud, « on fera le bonus-malus ». Doivent 2019. Le processus devrait aussi conduire à tes publics mais aussi – et, là, l’af- haute administration, pour qu’elle
les branches devaient discuter de mécanis- aussi être revisitées les dispositions per- aborder un autre sujet : le régime d’indem- faire Benalla a pu la refroidir – assiste mieux le gouvernement.
mes pour combattre la précarité – l’exécutif mettant de cumuler un salaire et une in- nisation des intermittents du spectacle. p l’équilibre des pouvoirs et le respect Un autre vaste chantier… p
se réservant la possibilité, en cas d’échec des demnisation : elles sont critiquées au mo- sarah belouezzane et bertrand bissuel des corps intermédiaires. » virginie malingre
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« Contraire à l’Eglise »
en demande l’abolition partout
dans le monde, on le savait déjà »,
note d’ailleurs le Corriere della
La précédente version du Caté-
chisme, corrigée en 1998, était le
lointain écho de ces réserves.
Jeudi 2 août, le Vatican a annoncé La nouvelle est tout sauf une ré- Sera. En cela, il s’inscrit dans la li- Elle prévoyait la peine de mort,
Un rapport révèle les perdants et les gagnants que le pape François avait fait in- volution copernicienne, tant gnée de ses prédécesseurs Jean « si celle-ci est l’unique moyen
d’une fusion des aides sociales sérer en mai, par un « rescrit », ces l’Eglise catholique a œuvré, de- Paul II et Benoît XVI, dont la pa- praticable pour protéger effica-
quelques mots lourds de sens puis des décennies, dans le sens role ne souffrait, sur ce sujet, cement de l’injuste agresseur la
dans l’article 2267 du Catéchisme d’un abandon du recours à la d’aucune ambiguïté. Cependant, vie d’êtres humains », tout en
de l’Eglise catholique : « C’est pour- peine capitale. Le pape François le Catéchisme, lui, était nettement ajoutant que ces cas sont « désor-
S i le gouvernement décide de
fusionner les aides financiè-
res attribuées aux familles
modestes, il va être confronté à
des choix cornéliens, qui pour-
L’une des
préoccupations du
gouvernement :
quoi l’Eglise enseigne, à la lumière
de l’Evangile, que la peine de mort
est une mesure inhumaine qui
blesse la dignité personnelle et elle
s’engage de façon déterminée en
avait annoncé cette évolution à
venir le 11 octobre 2017, dans un
discours au cours duquel il l’avait
qualifiée de « mesure inhumaine
qui humilie », qui « porte atteinte à
plus mesuré.
C’est qu’il fallait faire avec les
positions exprimées par les papes
précédents. En effet, pendant des
siècles, l’Eglise a suivi l’enseigne-
mais assez rares, sinon pratique-
ment inexistants ».
En France, l’évolution de l’opi-
nion publique est tout aussi
lente : en 2013, une étude publiée
raient lui coûter, politiquement transformer vue de son abolition partout dans l’inviolabilité de la personne hu- ment des « pères de l’Eglise », dans l’hebdomadaire La Vie assu-
parlant. C’est l’impression que le monde. » maine » et, à ce titre, est « con- notamment saint Augustin, qui rait que les 45 % de catholiques
procure la lecture d’un rapport,
les aides pour Long texte d’instruction se traire à l’Eglise ». Restait à faire justifiaient l’usage de la peine ca- français étaient pour le rétablis-
resté confidentiel jusqu’à présent, qu’elles incitent substituant au Catéchisme édité inscrire dans les textes cette évo- pitale. Elle considérait les mouve- sement de la peine de mort (con-
auquel Le Monde a eu accès. au sortir du concile de Trente, le lution de doctrine. Pour cela, il ments abolitionnistes avec mé- tre 53 % pour l’ensemble des
Réalisé à la demande du premier
à la reprise Catéchisme de l’Eglise catholique, aura fallu près d’un an. Une durée fiance et scepticisme, comme de Français). p
ministre par France Stratégie, un d’une activité voulu par le pape Jean Paul II, plutôt minime au regard des ha- dangereuses émanations d’un es- jérôme gautheret
organisme de réflexion indépen-
dant rattaché à Matignon, cette
étude très fouillée montre que le gnants, mais le surcroît de res-
regroupement des « prestations de sources pour les seconds est, en
solidarité » dans une allocation so- moyenne, plus élevé que les per-
ciale unique (ASU) pourrait faire tes subies par les premiers. A l’in-
plus de « perdants » que de « ga- verse, le barème engendre « 3,3 fois
gnants ». Ces constats, anxiogènes plus de gagnants que de perdants »
pour la frange de la population si- chez les bénéficiaires de l’ASPA.
tuée en bas de l’échelle des reve- Si l’on élargit la focale, le « ba-
nus, sont dressés alors même que rème optimisé » n’a quasiment pas
l’exécutif doit présenter, à la ren- d’impact sur la proportion de per-
trée, sa stratégie de lutte contre la sonnes situées sous le seuil de
pauvreté. pauvreté (– 0,1 point, seulement).
L’idée de réformer les dispositifs En revanche, celles qui sont très
de soutien financier aux ménages pauvres voient leur part reculer
modestes tient au fait que le sys- plus nettement. Les incidences
tème est devenu indéchiffrable. sont également variables, suivant
Du coup, certaines personnes la « configuration familiale » : le
n’en bénéficient pas alors qu’elles taux de pauvreté régresse pour les
y ont droit. Parallèlement, la com- familles monoparentales, « ainsi
plexité autorise tous les fantas- que pour les couples avec un ou
mes sur la générosité de notre deux enfants » ; mais il s’accroît
Etat-providence. nettement pour les personnes
seules (+ 1,6 point).
01 76 54 06 52
prestations qu’avant, soit parce bles. Le but est de simplifier les dé-
qu’ils n’en ont plus (1,5 million marches, afin de réduire le phéno-
d’entre eux se retrouvant dans mène du « non-recours », tout en
cette situation). A l’inverse, prenant en compte les ressources
3,3 millions de foyers enregistrent
une hausse de leurs ressources. La
les plus récentes. « On travaille sur
le VSU, ça demeure un objectif, www.altaya.fr
réforme « fait presque deux fois confirme-t-on à Matignon. Mais il
plus de perdants que de gagnants ne se fera pas du jour au lende-
parmi les titulaires de l’ASS » main. » Le 12 juin, le délégué inter- www.thebeatles.com
– c’est-à-dire des chômeurs en fin ministériel à la lutte contre la pau- “Beatles” is a trademark of Apple Corps Ltd.
“Apple” and the Apple logo are exclusively licenced to Apple Corps Ltd.
de droit. vreté, Olivier Noblecourt, avait Photographs © Apple Corps Ltd.
S’agissant des personnes perce- confié à l’AFP que le VSU serait mis
vant les AL, les perdants sont un en place « en 2019 ou en 2020 ». p
peu plus nombreux que les ga- s. b. et b. bi.
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La droite renoue
avec le plaisir
du collectif
Lors de l’affaire Benalla, les élus LR
ont avancé groupés face à l’exécutif
R
angez les solistes, place dre qu’il y avait un problème,
aux chœurs ! Lors de rembobine Pierre-Henri Du-
l’affaire Benalla, le parti mont, député LR du Pas-de-Ca-
Les Républicains (LR) a lais. Les “marcheurs” sont en train
appris à faire chanter ses ouailles d’oublier d’où ils viennent : il y a
de concert. Ses ténors ont (pres- un an, ils auraient brandi cette
que) tous entonné le même re- affaire, dénoncé les passe-droits,
frain. Ses parlementaires ont oc- les abus de pouvoir, etc. »
cupé le devant de la scène pour Pure coïncidence, Laurent
acculer un pouvoir désorienté. Wauquiez était l’invité de la mati-
Certains députés et sénateurs se nale d’Europe 1 au lendemain des
sont révélés aux yeux du grand révélations du Monde, le
public à la faveur des commis- 18 juillet, au sujet du collabora-
sions d’enquête parlementaires, teur d’Emmanuel Macron. L’oc-
comme Philippe Bas au Sénat ou casion pour le président de la ré-
Guillaume Larrivé à l’Assemblée gion Auvergne-Rhône-Alpes de
nationale. Et le président de LR, réclamer au chef de l’Etat de
Laurent Wauquiez, s’est même « s’exprimer » sur les faits, avant Le président des députés LR, Chrisian Jacob, à l’Assemblée, le 19 juillet. LAURENCE GEAI POUR « LE MONDE »
montré discret, ce qui n’a pas de dénoncer, deux jours plus
manqué de ravir ses contemp- tard, dans un entretien au Figaro,
teurs. « Une fois n’est pas cou- une « République de nervis ». manœuvre. « Ça a été une bataille la hauteur, selon ses partisans. également, analyse un observa- Larrivé qui a su le mieux prendre
tume, ça a été bien géré », note Depuis, silence radio. Malgré parlementaire, cette affaire met- « Est-ce qu’on a besoin de se faire teur avisé de la droite. Ils savent la lumière, en tant que corappor-
dans un sourire Bruno Re- les rebondissements quotidiens tait au cœur de ses mécanismes la arracher sa chemise à chaque que ce n’est pas là-dessus que se teur de la commission d’enquête
tailleau, président du groupe des du dossier, et les différentes pri- question des contre-pouvoirs, qui combat de rue ? Ce n’est pas sûr, réglera la question du leadership à l’Assemblée nationale. Passant à
sénateurs LR, à propos de ce ta- ses de parole d’Emmanuel Ma- risquent d’être remis en cause par indique Christian Jacob, prési- à droite, ou le duel à venir avec la question les dirigeants macro-
bleau d’ensemble. cron, l’ancien ministre de Nico- la réforme constitutionnelle, sou- dent du groupe LR à l’Assemblée, Macron. » « Le problème de Wau- nistes, dénonçant à qui voulait
Il faut dire que la droite, qui dis- las Sarkozy, officiellement parti ligne M. Retailleau. Laurent Wau- qui assure être resté en contact quiez, de toute façon, c’est qu’il l’entendre « l’existence parallèle à
pose du premier groupe d’oppo- en vacances, a disparu de la circu- quiez s’est effacé, ça a permis aux avec le patron de son parti tout parle trop fort tout en étant trop l’Etat d’un réseau d’affidés du
sition à l’Assemblée nationale et lation, laissant ses troupes à la parlementaires de monter en pre- au long de la crise. Laurent est peu dans les médias », rétorque prince », il a formé à distance une
tient la majorité au Sénat, se mière ligne. » « C’est bien qu’il soit moins présent sur les chaînes un cadre du parti. tenaille avec le très posé et in-
trouvait en bonne position pour resté en retrait, c’était à nous de d’info, mais il peut faire la dé- Pour la première fois depuis le transigeant sénateur Philippe
faire valoir ses arguments au faire le job », convient Aurélien monstration dans une grande ré- début du quinquennat, la droite Bas, président de l’autre commis-
cours de cette crise. Premier mo- « C’est bien Pradié, député LR du Lot. gion de ce qu’il sait faire. » a profité d’un boulevard pour sion d’enquête.
tif de satisfaction : LR a tout Contrairement à Marine Le Pen pouvoir cogner allègrement le Ce qui n’a pas empêché cer-
d’abord poussé – avec l’aide de la
que Laurent (Rassemblement national), Jean- « Le mirage s’est évanoui » pouvoir exécutif. Même le mo- tains députés LR de se plaindre
gauche – au report de l’examen Wauquiez soit Luc Mélenchon (LFI) ou encore Fidèle à sa stratégie de rareté déré président du Sénat, Gérard de l’incapacité supposée de
de la réforme constitutionnelle, Olivier Faure (Parti socialiste), médiatique – qui suscite nom- Larcher, s’en est pris avec viru- M. Larrivé à répartir la parole ou
qui était en cours au Palais-Bour-
resté en retrait, M. Wauquiez est l’un des rares bre d’interrogations dans son lence au président de la Républi- à organiser un semblant de
bon. « Les élus de la majorité refu- c’était à nous chefs de parti à ne pas siéger à camp –, la quadragénaire n’a que et à son entourage, déclarant travail collectif dans le cadre de
saient d’aborder l’affaire Benalla, l’Assemblée nationale. Ce qui le donc pas souhaité saturer les on- que « le mirage du nouveau sa commission. Il ne faudrait
ils étaient enfermés dans une
de faire le job » tient éloigné de certains débats des. « Wauquiez a dû considérer monde s’est évanoui ». quand même pas que toutes les
bulle. Nous avons dû bloquer les AURÉLIEN PRADIÉ chauds. Un handicap apparent que ce n’était pas de son niveau, ce Mais à ce jeu-là, c’est sans doute bonnes habitudes se perdent. p
débats pour leur faire compren- député LR du Lot qui lui permettrait de prendre de qui a été le cas de Valérie Pécresse le député de l’Yonne Guillaume olivier faye
POLICE
Ouverture d’une enquête
après le malaise
FAITS DIVERS
Un braqueur
recherché se rend
En banlieue, on déménage autant qu’ailleurs
d’un homme au après sept ans de cavale
commissariat de Créteil L’un des braqueurs les Entre 2015 et 2016, six ménages sur dix ont emménagé dans un logement hors quartier prioritaire
Le parquet de Créteil plus recherchés d’Europe,
a annoncé, jeudi 2 août, David Gras, condamné
l’ouverture d’une information
judiciaire, à la suite du malaise
d’un homme, survenu le
25 juillet dans le commissariat
de la préfecture du Val-de-
en son absence, en 2016,
à vingt-cinq ans de réclusion
criminelle, notamment
pour sa participation
à l’attaque à l’explosif
I ls sont souvent décrits comme
des « nasses » où les habitants
sont coincés à vie, des « ghet-
tos » dont on ne sort pas. Emma-
nuel Macron, lui, parle d’« assigna-
Contrairement aux idées re-
çues, dans ces territoires urbains
fragiles, on déménage autant
qu’ailleurs, voire plus : entre 2015
et 2016, 12,6 % des habitants des
l’autre côté, les propriétaires, qui
sont également très peu mobiles,
sont largement majoritaires en
dehors des quartiers prioritai-
res. C’est ainsi, par un effet de
taires que pour les autres : 2,2 km
contre 4 km. Parmi les explica-
tions avancées : les prix des
loyers – moins élevés lorsque le
logement est proche d’une zone
Marne. Le quadragénaire, du dépôt d’argent d’Orly tion à résidence ». En réalité, les quartiers prioritaires ont changé balancier entre locataires HLM dite sensible –, la concentration
toujours hospitalisé jeudi, (Val-de-Marne), qui avait quelque 1 500 quartiers prioritai- d’adresse, contre 12,1 % des rési- d’un côté et propriétaires de plus importante de logements
pourrait avoir été victime fait un mort, s’est rendu, res de la politique de la ville (QPV), dents des zones environnantes. l’autre, que le taux de mobilité sociaux au sein ou à proximité
d’un AVC. Lors de son audition jeudi 2 août après sept ans qui abritent près de 5,5 millions Pour certains, ces zones périphé- des habitants des quartiers prio- immédiate de ces zones, ou en-
au commissariat, il « s’est de cavale. Il « s’est présenté d’habitants, seraient « une étape riques jouent donc pleinement ritaires dans leur ensemble se re- core la volonté de ne pas trop
énervé » et montré « très au greffe de la cour d’assises provisoire dans un parcours rési- leur rôle de « sas » : la situation trouve proche de celui de leurs s’éloigner des solidarités qui se
virulent », d’après une source du Nord dans la matinée dentiel ». C’est ce que révèle le rap- économique de ceux qui en par- voisins hors QPV. sont tissées localement. Garde
policière : « Il a fallu quatre pour se constituer port 2017 de l’Observatoire natio- tent s’est améliorée. Ainsi, entre d’enfants, réparations de véhi-
ou cinq policiers pour le maî- prisonnier », a indiqué une nal de la politique de la ville 2015 et 2016, six ménages mobiles Mécanique implacable cules… L’économie de la dé-
triser. » – (AFP.) source judiciaire. – (AFP.) (ONPV), rendu public le 26 juillet. sur dix, soit 59 %, ont emménagé D’autre part, « entre 19 et 35 ans, brouillardise, comme certains
dans un logement hors QPV. la mobilité est plus faible dans ces l’appellent, permet aux popu-
Parmi les 41 % restant, deux quartiers, l’écart le plus important lations particulièrement précari-
tiers restent dans leur quartier et se situant pour la tranche d’âge des sées d’assurer leur survie.
un tiers déménage dans un autre 26-35 ans avec une différence de Malgré cet « effet sas » pour une
- CESSATIONS DE GARANTIE quartier politique de la ville. près de 4 points avec les unités ur- partie de la population, ces terri-
Le rapport relève par ailleurs que baines environnantes ». Le socio- toires continuent de s’appauvrir,
COMMUNIQUE COMMUNIQUE COMMUNIQUE
LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRET « si la moitié des hommes emmé- logue Thomas Kirszbaum parle constate l’ONPV. La mécanique
D’APPLICATION N° 72-678 D’APPLICATION N° 72-678 D’APPLICATION N° 72-678 nagent hors de ces quartiers d’une « mobilité différée pour les est implacable : les départs de
DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 DU 20 JUILLET 1972 - ARTICLES 44 sensibles, ce n’est le cas que pour jeunes des quartiers prioritaires ». ménages plus aisés – principale-
QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour QBE FRANCE, sis Cœur Défense – Tour
A – 110, Esplanade du Général de Gaulle – A – 110, Esplanade du Général de Gaulle – A – 110, Esplanade du Général de Gaulle – une femme sur trois ». Ce phéno- Sans compter que les deux tiers ment motivés par l’exiguïté des
92931 La Défense Cedex ( RCS Paris 414 92931 La Défense Cedex ( RCS Paris 414 92931 La Défense Cedex ( RCS Paris 414 mène n’est pas seulement lié au des locataires qui déménagent de logements et le sentiment d’in-
108 708), succursale de QBE Insurance 108 708), succursale de QBE Insurance 108 708), succursale de QBE Insurance
(Europe) Limited, Plantation Place dont plus faible taux d’activité des ces quartiers où ils occupaient un sécurité – s’accompagnent sys-
(Europe) Limited, Plantation Place dont (Europe) Limited, Plantation Place dont
le siège social est à 30 Fenchurch Street,
le siège social est à 30 Fenchurch Street, le siège social est à 30 Fenchurch Street, femmes mais aussi à la part éle- logement social demeurent dans tématiquement d’arrivées de per-
London EC3M 3BD, fait savoir que, les London EC3M 3BD, fait savoir que, la vée de familles monoparentales le parc social. Et seulement 7,6 % sonnes plus démunies encore
London EC3M 3BD, fait savoir que, les garanties financière dont bénéficiait :
garanties financière dont bénéficiait : garantie financière dont bénéficiait : dans les quartiers prioritaires, des habitants de QPV déména- que celles qui y logent déjà.
EURL CABIMMO SARL TRILOGY
SARL ARGIMM LE CABINET IMMOBILIER soit 25 %, contre 15 % ailleurs. gent pour s’installer dans un es- Pour Thomas Kirszbaum, deux
10, Allée des Chevreuils 52, Rue des Arènes
346, Chemin de Provence 39100 Dole
69380 Lissieu 83100 Toulon Le taux de mobilité résidentielle pace périurbain. C’est presque lectures sont possibles. La pre-
SIREN : 519 664 130
SIREN : 513 279 927 SIREN : 528 591 522 depuis le 1er Février 2010 pour son
des habitants des quartiers priori- deux fois moins que les autres. mière : « A partir du moment où il
depuis le 1 Juillet 2009 pour son activité
er
depuis le 1er Décembre 2016 pour ses acti- activité de : TRANSACTION SANS taires masque cependant une réa- « Ce qui signifie que l’on reste mal- y a mobilité résidentielle et qu’elle
de : GESTION IMMOBILIERE A cessée vités de : GESTION IMMOBILIERE ET
PERCEPTION DE FONDS A cessée au lité plus contrastée. En effet, les gré tout dans un modèle forte- reflète une mobilité sociale, alors
au 31.12.2017. Les créances éventuelles SYNDIC Ont cessées au 31.12.2017.
Les créances éventuelles se rapportant à 15.06.2018. Les créances éventuelles se
se rapportant à ces opérations devront rapportant à ces opérations devront être locataires d’un logement HLM ment ségrégué dans lequel les ha- c’est que l’on n’est pas dans un
être produites dans les trois mois de cette ces opérations devront être produites dans
les trois mois de cette insertion à l’adresse produites dans les trois mois de cette sont moitié moins mobiles que bitants des quartiers ne suivent phénomène de ghettoïsation. »
insertion à l’adresse de l’Etablissement insertion à l’adresse de l’Etablissement
garant sis Cœur Défense – Tour A – 110, de l’Etablissement garant sis Cœur Défense les autres. Or, ils constituent les pas les mêmes parcours résiden- La seconde : « On a perdu sur les
– Tour A – 110, Esplanade du Général de garant sis Cœur Défense – Tour A – 110,
Esplanade du Général de Gaulle – 92931 Esplanade du Général de Gaulle – 92931 deux tiers des habitants des QPV. tiels que les autres », souligne Tho- deux tableaux : on n’a pas réussi à
Gaulle – 92931 La Défense Cedex.
La Défense Cedex. Il est précisé qu’il s’agit Il est précisé qu’il s’agit de créances éven- La Défense Cedex. Si bien que la part des locataires mas Kirszbaum. retenir les familles en ascension
de créances éventuelles et que le présent tuelles et que le présent avis ne préjuge en Il est précisé qu’il s’agit de créances éven-
avis ne préjuge en rien du paiement ou
issus des quartiers prioritaires Après un déménagement, la sociale dans ces quartiers ni à at-
rien du paiement ou du non-paiement des tuelles et que le présent avis ne préjuge en
du non-paiement des sommes dues et ne sommes dues et ne peut en aucune façon rien du paiement ou du non-paiement des qui déménagent est bien infé- distance moyenne qui sépare tirer des profils type classe
peut en aucune façon mettre en cause la mettre en cause la solvabilité ou l’honorabi- sommes dues et ne peut en aucune façon rieure à celle des locataires de leur l’ancienne et la nouvelle adresse moyenne. On reste dans une situa-
solvabilité ou l’honorabilité de la SARL lité de l’EURL CABIMMO LE CABINET mettre en cause la solvabilité ou l’honora- environnement urbain : seu- est par ailleurs plus faible pour tion de ségrégation. » p
ARGIMM. IMMOBILIER. bilité de la SARL TRILOGY.
lement 13,6 % contre 20,2 %. De les habitants des quartiers priori- louise couvelaire
ÉCONOMIE & ENTREPRISE |9
0123
SAMEDI 4 AOÛT 2018
E
n octobre 1997, Michael
Dell proposait une solu-
tion radicale aux diri-
geants d’Apple. « A leur
place, je fermerais boutique et je
rendrais l’argent aux actionnai-
res », conseillait alors le fondateur
du fabricant d’ordinateurs Dell. Au
bord de la faillite il y a vingt et un
ans, le groupe à la pomme est de-
venu, jeudi 2 août, la première en-
treprise cotée américaine à dépas-
ser la barre symbolique des
1 000 milliards de dollars (soit
863 milliards d’euros) de capitali-
sation boursière. Un cap qui illus-
tre la poussée exceptionnelle des
entreprises technologiques à Wall
Street. Elles représentent désor-
mais à elles seules le quart de la va-
lorisation des 500 plus grandes en-
treprises américaines. Amazon,
Google ou Microsoft s’approchent
eux-aussi de cette frontière mythi-
que. Mais aucune entreprise n’a
connu un destin aussi spectacu-
laire que celui d’Apple.
En 1997, la société était au fond
du trou. Celle qui avait révolu-
tionné l’informatique avec l’ordi-
nateur Apple II en 1977, puis avec
le Macintosh en 1984, est en perte
de vitesse. En deux ans, son chif-
fre d’affaires fond de 36 %. Et les
pertes s’accumulent : près de
2 milliards de dollars. Au prin-
temps 1997, un tiers des salariés
sont licenciés. Pendant l’été, l’en-
treprise est au bord de la faillite.
Elle ne devra sa survie qu’à un ap-
port de 150 millions de dollars de Un magasin Apple à Sydney, le 28 mai. DAVID GRAY/REUTERS
Microsoft, le concepteur de Win-
dows et l’ennemi historique.
devions pas faire. » Le groupe veut Creative Strategies. L’appareil est Au-delà de son design et de ses Cook, impose peu à peu sa mar-
« Retourner à l’essentiel » simplifier son offre : proposer seu- un immense succès commercial : innovations, l’iPhone symbolise
L’iPhone que. En 2013, après la première
Les racines de la renaissance d’Ap- lement quatre ordinateurs, deux plus de 400 millions d’unités ven- la puissance marketing de la so- symbolise baisse des profits en dix ans, il
ple remontent cependant à quel- destinés aux consommateurs, dues. L’iPod bouleverse le marché ciété. Les discours du chef se sont réorganise l’entreprise. Et adopte
ques mois plus tôt : en décem- deux destinés aux professionnels. de la musique, notamment à la transformés en rendez-vous im-
la puissance les écrans plus grands qui ont fait
bre 1996, avec le rachat du groupe Lors de l’exercice fiscal 1998, l’en- suite du lancement en 2003 d’iTu- manquables, très commentés marketing la réussite de son rival Samsung.
informatique NeXt pour 400 mil- treprise redevient rentable, mais nes, qui permet d’acheter des mor- dans les médias et sur les réseaux En 2016, Apple connaît aussi une
lions de dollars. Cette opération le chiffre d’affaires continue de re- ceaux à l’unité. En cinq ans, le chif- sociaux. Et les lancements de nou-
de la société qui baisse de son chiffre d’affaires. Du
s’accompagne du retour de Steve culer. Le repli des ventes prend fin fre d’affaires de la société est mul- veaux modèles s’accompagnent en a vendu plus jamais-vu depuis 2001. Sa ré-
Jobs, le cofondateur d’Apple qui en 1999 avec le lancement des tiplié par cinq. En 2007, ses profits de longues files d’attente devant ponse : des smartphones encore
avait démissionné onze ans plus iMac, des ordinateurs tout-en-un atteignent 3,5 milliards de dollars. les Apple Store, devenus les maga-
de 1,4 milliard plus chers, qui permettent de
tôt en raison de désaccords avec la qui intègrent l’unité centrale dans Mais le meilleur reste à venir. En sins les plus rentables au monde. depuis 2007 compenser la saturation du mar-
direction. D’abord comme con- l’écran. Avec leur forme d’œuf et janvier 2007, Steve Jobs présente Depuis 2007, Apple a vendu plus ché. Depuis deux ans, les respon-
seiller, puis comme directeur gé- leur coque transparente et colorée, l’iPhone. « Nous allons réinventer de 1,4 milliard d’iPhone. Trois ans sables de l’entreprise vendent
néral dès septembre 1997. ils détonnent face à des concur- le téléphone », promet-il. Avec son après son smartphone, le groupe tes et profits ont plus que doublé. aussi une autre histoire aux mar-
Steve Jobs s’attache alors à « re- rents rectangulaires et beiges. Et large écran tactile et ses applica- lance la tablette iPad, un autre L’ascension d’Apple a résisté au chés : les services qui permettent
tourner à l’essentiel ». De nom- installent Apple comme référence tions, l’appareil ringardise les ter- succès commercial. En 2011, il de- départ de Steve Jobs en août 2011. de monétiser la base d’utilisa-
breux projets sont abandonnés. du design industriel. minaux de l’époque. Si les débuts vient la première valorisation Gravement malade, l’emblémati- teurs. Autrefois ignoré, cet indica-
« Nous devons centrer notre straté- En 2001, Apple entre dans une sont mitigés – dix semaines après boursière mondiale, dépassant le que patron décède deux mois teur est désormais l’un des plus
gie sur les bons produits, explique- autre dimension avec le lance- le lancement, le prix est abaissé de géant pétrolier ExxonMobil. plus tard. « L’une de ses principales observés. Et l’un des catalyseurs
t-il lors d’un entretien à CNBC. ment du baladeur numérique 599 à 399 dollars –, les ventes Cette année-là, son chiffre d’affai- réussites aura été de former une d’une progression boursière et,
70 % des produits sur lesquels nous iPod. « Son premier produit vérita- grimpent dès 2008, grâce notam- res s’élève à 108 milliards de dol- équipe dirigeante qui partage sa derrière, d’une aventure entrepre-
travaillions étaient juste bons ou blement grand public », rappelle ment à l’introduction de la bouti- lars et son bénéfice net à 26 mil- vision et ses méthodes », estime neuriale unique dans l’histoire. p
étaient des produits que nous ne Tim Bajarin, président du cabinet que d’applications AppStore. liards. Quatre ans plus tard, ven- M. Bajarin. Son successeur, Tim jérôme marin
B
onne nouvelle pour les de 0,25 % en novembre 2017. Au mistes rendues publiques égale- de commerce 29 mars 2019 – incertain. La cham- l’opérateur français Orange,
épargnants et les retrai- Royaume-Uni, 3,7 millions d’em- ment jeudi, la croissance britanni- bre de commerce britannique a ce qui valorise l’entreprise à
tés britanniques, mau- prunteurs remboursent des prêts que s’établirait autour de 1,75 % par
britannique estimé le choix de la BoE « mal 1 milliard d’euros. La jeune
vaise pour les consom- à taux variable. Le surplus de an jusqu’à 2021. a estimé le choix avisé dans le contexte d’une écono- pousse a aussi signé un
mateurs, en particulier les fa- 0,25 % renchérira le taux moyen Les consommateurs comme les mie anémique ». Mark Carney accord avec Rotana, l’un des
milles modestes dépendant du de 4 % qui leur est aujourd’hui ap- entreprises s’impatientent et s’in-
de la BoE « mal « brûle les étapes », grince l’Institut principaux labels musicaux
crédit : la Banque d’Angleterre pliqué. quiètent devant l’impasse des né- avisé dans des directeurs, importante orga- du Proche et Moyen-Orient,
(BoE) a décidé, jeudi 2 août, de re- La livre sterling, après avoir réagi gociations avec les Vingt-Sept. Ils nisation patronale. Dans un édi- propriété de KHC. – (AFP.)
lever de 0,25 % son taux directeur positivement à cette annonce de craignent un no deal avec l’UE qui
le contexte torial au canon, le Financial Times
pour le porter à 0,75 %, son plus la BoE, a terminé en baisse, jeudi, se traduirait par le rétablissement d’une économie dénonce le « faux pas de la Banque FINANCE
haut niveau depuis la crise finan- tant par rapport à l’euro qu’au dol- des frontières douanières, scéna- d’Angleterre », reprochant à l’insti- La Chine perd sa place
cière de 2008. lar. La décision de la banque cen- rio catastrophe pour l’économie
anémique » tution de se fonder davantage sur de deuxième marché
Cette hausse, modérée et atten- trale survient au lendemain du britannique dont 40 % des expor- ses prévisions de notable hausse boursier mondial
due, mais contestée, traduit à la communiqué de la Réserve fédé- tations sont destinées aux pays de des prix et des salaires que sur la La Chine a perdu sa place de
fois un relatif optimisme sur la si- rale américaine (Fed), qui a laissé l’Union. Mercredi, le géant phar- niques se conjugue avec le reflux réalité. Ceci afin de justifier à tout deuxième marché boursier
tuation économique en dépit des les taux d’intérêt inchangés tout maceutique français Sanofi a an- de l’immigration (principalement prix l’augmentation des taux. Le mondial, au profit du Japon,
incertitudes du Brexit, et une vo- en induisant la probabilité d’une noncé qu’il renforçait ses stocks de européenne) pour brider la crois- quotidien rappelle les incertitu- pour la première fois depuis
lonté de contenir l’inflation. Cel- prochaine hausse du coût du cré- médicaments au Royaume-Uni sance. Dans ce contexte, la bonne des liées au « choc exceptionnel 2014, selon les chiffres diffu-
le-ci se nourrit de la dépréciation dit en raison de la « forte » crois- pour prévenir les effets d’un « effet santé de la consommation nour- pour la confiance des entreprises sés, vendredi 3 août, par
de la livre sterling enregistrée de- sance américaine. Londres falaise » au moment du Brexit. rit l’inflation. Le scénario retenu et des consommateurs » que cons- Bloomberg. Ebranlées par l’es-
puis le référendum sur le divorce comme Washington semblent est que le quasi plein emploi, titue le Brexit et juge qu’« il calade des tensions commer-
avec l’Union européenne (UE) de vouloir signifier aux acteurs éco- Contenir l’inflation voire la pénurie de main-d’œuvre n’aurait fait de mal à personne ciales, les places boursières
nomiques la fin progressive de La banque centrale britannique dans certains secteurs, vont conti- d’attendre », pour resserrer la vis chinoises ont vu leur valeur
TAUX DE LA BANQUE D’ANGLETERRE, l’argent bon marché. estime cependant que la vigueur nuer à pousser les salaires à la du crédit, « que l’avenir proche cumulée glisser à 6 090 mil-
EN % L’économie britannique, elle, en- de l’économie est suffisante pour hausse et rendre nécessaires s’éclaircisse un peu ». liards de dollars (5 260 mil-
voie des signaux bien plus contra- supporter un léger coup de pouce d’autres ajustements des taux. La Des objections balayées par liards d’euros) le 3 août, tandis
5 dictoires. Le chômage (4,2 %) est au sur les taux. Juste après le référen- BoE annonce ainsi le début d’une Mark Carney : ce serait une erreur que celle des Bourses japonai-
plus bas depuis les années 1970 et dum, elle les avait réduits de hausse « graduelle et limitée » des d’attendre d’avoir « de totales cer- ses s’établissait à 6 170 mil-
les salaires progressent à nouveau, 0,50 % à 0,25 %, une décision qui taux dont les marchés s’attendent titudes » avant de remonter les liards de dollars. – (AFP.)
4
même si c’est faiblement. Mais avait servi d’amortisseur à la bru- à ce qu’ils atteignent 1,1 % d’ici à taux. « Il existe toute une série de
l’inflation (2,4 %) dépasse l’objectif tale dévaluation de la livre et dont 2021. Faible croissance, faible pro- conséquences possibles du Brexit MINES
3 de la Banque d’Angleterre (2 %). Mark Carney, le gouverneur de la ductivité, emploi pléthorique fai- mais dans beaucoup d’entre elles Impala Platinum veut
Dans le même temps, la crois- BoE, s’est targué jeudi. Mais sant pression sur les salaires : les taux d’intérêt seront au moins supprimer 13 000 emplois
2 sance, après s’être maintenue un M. Carney estime qu’aujourd’hui M. Carney a appelé le public à ac- aussi élevés qu’aujourd’hui. Donc Le producteur sud-africain de
0,75 temps après le référendum, s’est
effritée dans un contexte d’incer-
la priorité est de contenir l’infla-
tion plutôt que de soutenir l’em-
cepter comme « la nouvelle nor-
malité » ce tableau de l’économie
nous n’avons pas besoin de garder
des cartouches pour cela ». Une
platine Impala Platinum, nu-
méro deux mondial du sec-
1
titude sur le processus de Brexit. ploi, lui-même en bonne forme. britannique aux données parfois métaphore guerrière et con- teur, a annoncé, jeudi 2 août,
L’économique britannique (dont Son analyse est que même une « inconfortables ». fiante qui tranche avec le climat vouloir supprimer quelque
0 le chiffre du deuxième trimestre croissance limitée est en mesure Bien que largement anticipée, la d’incertitude ambiant et laisse 13 000 emplois dans le cadre
sera annoncé le 10 août) caracolait de faire repartir l’inflation à la décision de resserrer l’accès au entendre que le Brexit sera un de mesures destinées à
1ER AOÛT 2008 2 AOÛT 2018
en tête des pays du G7 avant le réfé- hausse. Persistante, la faible pro- crédit fait l’objet de nombreuses long combat. p renflouer sa mine de Rus-
SOURCE : BLOOMBERG rendum. Elle est désormais sa lan- ductivité des travailleurs britan- critiques dont toutes insistent sur philippe bernard tenburg, en difficulté. – (AFP.)
DIMANCHE
découverte, fin 2009, d’une vaste berg, le patron de Facebook, ne
les sites Internet interdits par Pé- faisait pas mystère de son inten- mentations controversées. Depuis
kin. Cette possible volte-face sus- tion de retrouver le marché chi- février, Apple héberge les données
cite déjà de vives réactions, no- nois. « Nous voulons être en Chine, des utilisateurs chinois du service
L’émission tamment chez les salariés. et servir les utilisateurs chinois », iCloud sur les serveurs d’une en-
« LES PASSAGERS D’après des documents internes
obtenus par le site The Intercept,
expliquait, en 2016, Sundar Pi-
chai. Quelque mois plus tôt, le
treprise proche du pouvoir.
Le possible retour de Google est
DU DIMANCHE » Google aurait déjà présenté un groupe avait tenté sans succès de critiqué par les ONG de défense
est le rendez-vous moteur de recherche et un agréga-
teur d’informations aux autorités
lancer une version censurée de sa
boutique d’applications Google
des droits de l’homme. « Ils ris-
quent [Google] d’apporter une
de l’été des personnalités, chinoises et viserait un lancement Play. Rien ne dit que cette nou- caution aux abus du gouverne-
présentée par d’ici six à neuf mois. Le projet, bap-
tisé « dragonfly » (libellule), s’est
velle tentative aura plus de succès. ment chinois, pointe Maya Wang,
de l’ONG Human Rights Watch.
Philippe Legrand. accéléré en décembre 2017 après Un projet très critiqué Quant à la protection de la vie pri-
Dialogues inattendus
une visite en Chine de Sundar Pi- Début 2018, l’entreprise a égale- vée des utilisateurs, il est de plus en
chai, le directeur général de l’en- ment ouvert un laboratoire spé- plus difficile de la respecter depuis
entre rencontres et treprise. Il aurait été reçu par Wang
Huning, un des sept membres du
cialisé dans l’intelligence artifi-
cielle à Pékin. En juin, elle a in-
la loi sur la cybersécurité [en appli-
cation depuis juin 2017] qui oblige
retrouvailles ! comité permanent du bureau po- vesti 550 millions de dollars (soit les entreprises en Chine à collabo-
litique du Parti communiste et le 475 millions d’euros) dans le nu- rer aux enquêtes de police. » Aux
Tous les
théoricien de la politique exté- méro deux chinois du commerce Etats-Unis, le sénateur républi-
Jean-Marie Rouart rieure du président Xi Jinping. en ligne, JD.com. Et elle a lancé cain Marco Rubio dénonce un
de l’Académie Française
dimanches cet
Le moteur de recherche actuel- ses applications Translate (tra- choix « troublant ».
Charlotte Rampling lement en gestation fonctionne- duction) et Files Go (gestion de fi- En interne, la contestation est
Joyce Jonathan rait sur le même modèle que ce- chiers) en Chine. vive. Le départ de Chine avait été
été 19h/20h
Pierre Hermé lui d’avant 2010. Une requête sur Le pays compte le plus d’inter- une décision forte, impulsée par
Jacques Attali Tiananmen mènerait à des arti- nautes au monde, avec 772 mil- Sergey Brin, l’un des deux fonda-
Audrey Pulvar cles sur le mausolée de Mao Ze- lions de personnes connectées. teurs dont les parents avaient fui
Alexandre Jardin dong et la Cité interdite, laissant C’est 2,5 fois plus qu’aux Etats- la Russie communiste. Elle plaçait
Natasha St Pier de côté le massacre des étudiants Unis. Mais l’accès au pays est très le rejet de la censure devant les op-
Hélène Carrère qui eut lieu sur la place en 1989. contrôlé. Les entreprises du Web portunités commerciales. La nou-
d’Encausse Un message informerait simple- doivent non seulement se plier à velle direction est plus pragmati-
de l’Académie Française
Avec ...
ment les internautes que des la censure, mais aussi partager que. Sur les forums internes de
MC Solaar liens ont été retirés. Pour certai- des informations de leurs utilisa- l’entreprise certains salariés – à la
nes recherches sensibles, aucun teurs avec les autorités locales. La lumière du non-renouvellement
résultat ne s’afficherait. liste des sites Internet bloqués ne du contrat avec le Pentagone – es-
Un partenariat Google avait quitté la Chine cesse de s’allonger : Facebook, pèrent encore faire plier leurs diri-
en 2010 avec fracas. Après quatre Twitter, et de nombreux médias, geants au sujet de la Chine. p
ans dans le pays, le moteur avait dont Lemonde.fr, sont toujours simon leplâtre
conquis 36 % des parts de marché, interdits. et jérôme marin
| 11
CULTURE
0123
SAMEDI 4 AOÛT 2018
tylorstown et st donats
(pays de galles) - envoyé spécial Le chœur Only Boys Aloud, au Royal Welsh College
of Music & Drama de Cardiff, le 20 juillet. STEVEN WHELLER
Q
u’elle était noire cette
vallée au nord-ouest
de Cardiff. Redevenue
verte avec ses collines
sur lesquelles s’ali-
gnent des maisons mitoyennes.
Responsable de la délégation
galloise, invitée d’honneur du
48e Festival interceltique de Lo-
rient, et du développement à l’Arts
Council of Wales, Antwn Owen-
Hicks s’arrête devant la rivière
Rhondda, « dépolluée après avoir
servi pendant un siècle de déversoir
aux mines de charbon ».
La dernière a fermé en 1987,
après un combat perdu face à la
Dame de fer. Mais la mémoire des
gueules noires demeure à travers
les chœurs d’hommes gallois, ré-
putés pour leur puissance. Ce dont
témoignera tout habitué du Tour-
noi des six nations, quand ré-
sonne avant le coup d’envoi Hen
Wlad fy Nhadau (« vieux pays de
mes ancêtres »), cet hymne natio-
nal né dans la vallée de Rhondda.
« Ce qui a survécu de la musique
galloise, ce sont d’abord les harmo-
nies vocales », affirme Danny Kil-
Bride, directeur de Trac, orga-
nisme de promotion de la musi-
que folk et de la danse locales.
Deux ensembles de chanteurs
ont donc été naturellement
conviés à traverser la Manche cet
été. Pour la tradition, ce sera le Côr
Meibion Pendyrus, fondé en 1924
par deux mineurs au chômage de
Tylorstown, village à quelques ki-
lomètres de Pontypridd, la cité qui
a donné Tom Jones au monde. En
répétition dans un centre sportif, des églises non conformistes et des 32 chanteurs ont été sélectionnés vers viril, mais « une idée reçue fait, nous faisons ce que ces chœurs
19 premiers ténors, 12 deuxièmes ligues de tempérance, puis à celui
Le « songbook » parmi les quelque 200 que voudrait qu’un garçon qui chante ont toujours fait avec les mineurs
ténors, 17 barytons et 12 basses de l’industrie minière. Les hommes est un étonnant compte Only Boys Aloud, répartis doive être gay ». « J’ai passé de sales et les travailleurs de l’acier : sociali-
peaufinent leur répertoire en polo, ont fait bande à part et développé dans 14 chœurs. Une masterclass moments quand j’étais à l’école à ser », conclut Tim Rhys-Evans. p
bermuda et sandales – pour Lo- un sentiment d’appartenance
mélange d’airs de neuf jours les attendait dans un New Tredegar, une ancienne com- bruno lesprit
rient, le dress code prévoit chemi- stimulé par la compétition entre d’oratorios, cadre somptueux, le château de munauté minière, ajoute Tim
sette blanche et pantalon noir, gi- villages, entre vallées ou lors de St Donats, dans la vallée de Gla- Rhys-Evans. Je ne voulais pas jouer Festival interceltique
let, nœud pap et l’inévitable blazer. ce grand festival annuel qu’est
de rengaines morgan, au sud du Pays de Galles. au rugby, mais chanter. Aussi, j’ai de Lorient, jusqu’au 12 août.
Les voix s’élèvent pour Gwinllan a l’Eisteddfod Genedlaethol. » de pub et de Si médiéval que les participants voulu créer un environnement Soirée d’ouverture Pays de Galles, le
Roddwyd i’m Gofal (« un vignoble Collectionneur d’enregistre- n’avaient accès ni au téléphone ni pour que les garçons qui le souhai- 4 août, au Théâtre de Lorient, avec,
placé sous ma responsabilité »), ments depuis sa jeunesse, quand
chants de lutte à Internet. tent ne se sentent pas isolés. » entre autres, Only Boys Aloud et
paroles du poète Saunders Lewis ses contemporains écoutaient El- Only Boys Aloud vise surtout à le Côr Meibion Pendyrus ; Grande
(1893-1985), l’un des fondateurs du vis, Gareth Williams a rapidement Accès libre et gratuit revivifier la pratique chorale de la nuit du Pays de Galles le 6 août, à
Plaid Cymru, le parti nationaliste. vibré pour ces « harmonies à qua- souffrent ces chœurs, ce à quoi « J’ai voulu créer un chœur qui ne manière la plus démocratique qui l’espace Marine, avec, entre autres,
L’anglais n’est pas proscrit pour tre parties, électriques et intenses, s’est attelé Tim Rhys-Evans quand comporte ni “gallois”, ni “mascu- soit : l’accès y est libre (pas d’audi- Only Boys Aloud et le Côr Meibion
autant, ni le latin, le songbook qui peuvent parfois mener à l’indis- il a créé Only Men Aloud en 2000, lin”, ni même “chœur” dans son tion) et gratuit, avec un effort di- Pendyrus ; Musiques à l’église,
constituant un étonnant et déto- cipline et au vacarme ». puis, dix ans plus tard, son acadé- nom, explique Tim Rhys-Evans, rigé vers les « anciennes régions in- le 7 août, à l’église Saint-Louis,
nant mélange d’airs d’oratorios et Jadis, chaque village possédait mie pour les 11-19 ans, Only Boys car quand vous associez ces trois dustrielles où l’échec scolaire et le avec le Côr Meibion Pendyrus.
de rengaines de pub, d’odes régio- son chœur masculin. On n’en Aloud, programmée à Lorient mots, cela mène au stéréotype taux de chômage sont élevés ». « En Festival-interceltique.bzh
nalistes et de chants de lutte, ac- compte plus qu’une petite cen- pour incarner la relève. d’hommes âgés chantant des tra-
compagnés au piano ou à l’orgue. taine et le déclin paraît irréversi- Ces garçons ont fait un tabac ditionnels en blazers. » La mixité
ble, en constatant la surreprésen- en 2012, avec une troisième place n’aurait-elle pas été une solution
Succès à « Britain’s Got Talent » tation du troisième âge dans au concours télévisé « Britain’s plus radicale ? « En 2012, nous
« Le chœur gallois repose sur une les rangs de Pendyrus. Son direc- Got Talent », en chantant l’hymne avons encore lancé Only Kids Aloud MENTON
identité à la fois masculine, locale teur, Paul Richards, en convient : Calon Lân, en gallois comme il se pour les 8-11 ans, qui compte actuel-
et nationale, explique Gareth
Williams, choriste de Pendyrus et
« Dans les stades de rugby, les
chants ne sont plus ce qu’ils
doit. A la transmission de cette
langue, leur répertoire ajoute ex-
lement 15 garçons et 55 filles…
Même à cet âge, le déséquilibre en- 69 e
fest iv al de
auteur de Do You Hear The People
Sing ? The Male Voice Choirs of Wa-
les (Gomer Press, 2015, non tra-
duit). Son histoire est liée à l’essor
étaient. On entend bien que la tra-
dition est en train de se perdre. »
Recruter est une gageure. A moins
de changer l’image désuète dont
traits de comédies musicales et
nouveautés pop, du Rather Be, de
Clean Bandit et Jess Glynne, à
Bruno Mars. Pour l’Interceltique,
tre les sexes est flagrant. Et il existe
déjà pour les filles quantité de cho-
rales. » Etonnant paradoxe : le
chœur gallois est né dans un uni-
musique
Robin Huw Bowen, maître de la harpe triple
indirectement, c’est grâce au senter le pays. Ainsi naît Ar Log, ple »), le maître sera accompagné croyant tomber sur un instrument
Festival interceltique que Robin que Robin Huw Bowen, alors âgé de trois de ses étudiants, dont fort ancien et druidique, l’ont
Huw Bowen a trouvé sa voca- de 19 ans, découvre bientôt. Il n’a Cadi Glwys, une prodige de 12 ans. transformée en emblème natio-
tion. Pour la sixième édition du d’yeux que pour les frères Ro- Gallois de Liverpool, Robin Huw nal ! », ironise le harpiste.
rendez-vous lorientais, en 1976,
le comité gallois précipite la for-
berts, Dafydd et Gwyndaf. « Ils
jouaient de la harpe triple, un ins-
Bowen avait, lui, classiquement
commencé le piano avant d’être Héritage oral 28 juillet
11 août 2018
mation d’un groupe folk chan- trument que je croyais disparu, dérouté en 1973 par Alan Stivell, Son secret, en outre, a été
tant en brittonique afin de repré- raconte celui qui est aujourd’hui, dépoussiérant les légendes avec conservé par une communauté
avec sa consœur Llio Rhydderch, sa Renaissance de la harpe celti- assez éloignée de la mythologie CONCERT DE PRÉ-OUVERTURE
son plus éminent représentant. que. Modèle qu’il délaissera pour celtique : les Kalés, Roms gallois. VENDREDI 27 JUILLET
En fait, ils avaient étudié auprès celui apparu à la fin d’une autre Ils l’auront transmis à Nansi
de Nansi Richards [surnommée Renaissance, l’italienne, « poussé Richards, que Robin Huw Bowen
la « Reine de la harpe »] qui avait par une demande de musique regrette de n’avoir jamais ren-
L’ÉCRITURE PREND VIE
préservé cette tradition. Ils m’ont chromatique ». Les 24 cordes de la contrée puisqu’il fit l’acquisition
montré comment utiliser cette rangée intermédiaire permettent de sa première harpe triple l’an-
triple rangée de cordes qui crée en effet de jouer l’ensemble des née où elle mourut, en 1979. Mais
cet effet étrange, aussi unique demi-tons, entre deux rangées il put faire, en 1991, la connais-
que la langue galloise. » diatoniques à l’unisson, basses sance d’Eldra Jarman, gardienne
La harpe triple faisant figure de pour la main droite, aigus pour la de l’art gitan de la harpe. De-
symbole national, Robin Huw gauche. Utilisée en continuo venu professionnel, ayant lancé
Bowen a été sollicité à trois repri- par Monteverdi, la arpa tripla sa carrière solo, il dut gagner sa
Office de tourisme | 04 92 41 76 76 | www.festival-musique-menton.fr
ses cet été par l’Interceltique, festi- s’exporta à Londres, puis ga- confiance, se montrer digne de
val où il ne compte plus ses appa- gna le pays de Galles. « Et au mi- recevoir cet héritage oral, se re-
ritions, pour cette année du dra- lieu du XVIIIe siècle, alors qu’elle prendre encore et encore, jusqu’à
gon rouge. Sous la bannière de Ty était tombée en désuétude dans le atteindre la perfection. p
Teires (« la maison de la harpe tri- reste de l’Europe, des antiquaires, b. lt
12 | culture 0123
SAMEDI 4 AOÛT 2018
OPÉRA
salzbourg (autriche) -
envoyée spéciale
N
ouvelle venue à Salz-
bourg, la metteuse
en scène Lydia Steier,
encore inconnue en
France, a fait des débuts remar-
qués, sinon totalement aboutis,
dans La Flûte enchantée, de Mo-
zart. Il faut une vraie trempe pour
oser s’attaquer à cet opéra emblé- La Pamina
matique, dont fleurissent les mi- de Christiane Karg
ses en scène historiques. Mais (au centre) est
l’Américaine, née en 1978 à Hart- l’atout majeur
fort, dans le Connecticut, installée de la production.
à Berlin pour y poursuivre ses étu- RUTH WALZ/
des et sa carrière (essentiellement SALZBURGER FESTSPIELE
en Allemagne et en Autriche), n’a
visiblement pas froid aux yeux et
relève le défi avec un vrai parti pris
scénique, dont la réalisation foi-
sonnante gagnerait néanmoins à
être retravaillée dans l’épure.
L’argument est simple, qui ra-
mène le Singspiel à ses origines
populaires. Soit une histoire du
soir, narrée par un grand-père de
conte de fées (Klaus Maria Bran-
dauer, qui remplace Bruno Ganz
initialement prévu) à ses trois
petits-enfants nés dans une rigide
famille bourgeoise de l’avant-pre-
mière guerre mondiale. Un
préambule campé dès l’ouverture,
qui passe en revue les personna-
ges futurs de La Flûte. La table de la
salle à manger, où trône le paterfa-
milias (Tamino), bientôt appelé à
l’extérieur par les trois accords
« maçonniques » de mi bémol.
Restent ses trois garçons turbu-
lents vissés par une éducation ri-
goureuse, la grand-mère coléri-
que, qui n’est autre que la Reine cette Reine de la nuit prête à tout d’orphelins. Le grand-père forcera tion anarchiste. Sitôt mariée avec sensible Papagena de Christiane
de la nuit, avec ses servantes, alias pour récupérer sa fille. Le propos les enfants à regarder tout cela Tamino, elle s’évanouira, ainsi que
Il y a beaucoup Karg, par ailleurs superbe comé-
les Trois Dames. Dans les cuisi- semblerait presque anodin si en face. La situation n’est pas les chœurs de célébration, comme de théâtre dienne et sans doute l’atout ma-
nes en sous-sol de ce monde à la Lydia Steier ne prenait le contre- meilleure au Royaume de la nuit, irréels, qui sembleront s’évaporer jeur de la production, fait preuve
Downton Abbey, une domesticité pied des idées reçues. La metteuse qui voit la reddition de la Reine dans un espace lointain.
dans ce travail, d’une intelligence supérieure, qui
inquiétante : la vieille cuisinière en scène, qui a travaillé avec l’Es- montée sur un char d’assaut, tan- qui a subtilisé en sait à la fois ravir et désoler.
Papagena, qui en pince pour un pagnol Calixto Bieito, y mêle de dis que Monostatos, qui a rallié Direction énergique Dans la fosse, la direction très
Papageno boucher pourfendeur nombreuses références, comme son camp, se fait exécuter d’une Musicalement, une forme de jus-
partie les récitatifs énergique de Constantinos Ca-
de dindes genre famille Addams, ce masque de Mozart en cheval, balle dans la tête. Même les gens tice immanente semble avoir et redistribué rydis séduit, d’autant que les Wie-
tandis que le commis Monos- tiré du film de Milos Forman Ama- simples que sont Papageno et frappé la distribution. Ce sont en ner Philharmoniker savent faire
tatos arbore une chevelure élec- deus, ou le rappel stylisé du décor Papagena refuseront de recons- effet les femmes et les enfants qui
certaines parties vrombir les 80 chevaux-instru-
trisée. Seule l’absence de Pamina, de La Flûte enchantée réalisé truire le monde : après avoir co- triomphent, non les hommes qui vocales ments qu’ils ont sous le capot. On
dont le portrait trône au salon, en 1816 par Karl Friedrich Schinkel. pulé et fait beaucoup d’enfants, ils partent à la guerre. Le Sarastro de regrettera, ce faisant, de fréquents
laisse à penser qu’elle n’est plus Malgré son opposition à l’ordre s’enfuiront, les abandonnant aux Matthias Goerne – quelle étrange décalages et le sentiment que
de ce monde… bourgeois, le monde de Sarastro landaus des nurses d’orphelinat. idée ! – est très décevant. Le célè- velé de Michael Porter apporte au scène et fosse se courent après. p
n’a rien de cet idéal de sagesse, de Pamina n’a pas survécu : cette bre Liedersänger ne possède pas rôle du « bête et méchant » une marie-aude roux
Contre-pied tolérance et de tempérance prôné punk paumée et révoltée, prête à les graves du rôle et s’y révèle humanité douloureuse.
Il y a beaucoup de théâtre dans ce par le Mozart franc-maçon. Le coucher avec le Maure Monosta- quasiment inaudible, vidant le Magnifiques de cohésion et bien Die Zauberflöte (La Flûte
travail, qui a subtilisé en partie les « Zirkus Sarastro », avec ses ani- tos, à poignarder son « père spiri- personnage de sa substance chantantes, les Dames nocturnes enchantée), de Mozart.
habituels récitatifs pour la narra- maux dressés, clowns, jongleurs tuel » Sarastro, est une dangereuse exemplaire. Si Mauro Peter entourent une « Königin der Direction : Constantinos Carydis.
tion de Brandauer et redistribué et acrobates, déclenchera au rebelle, qui déchirera les affiches campe au contraire un Tamino ca- Nacht » plus reine des abeilles que Mise en scène : Lydia Steier.
certaines parties vocales. Dans contraire, par les épreuves initia- de propagande à idéologie com- pable de gagner à tous les coups, frelon asiatique. Malgré son tim- Festival de Salzbourg (Autriche),
leurs petits lits à la Boucle d’or et les tiques, rien de moins que la muniste d’Isis et Osiris. Arrachée il n’émeut pas, tandis que le Papa- bre de miel, Albina Shagimuratova jusqu’au 30 août. De 30 € à 430 €.
trois ours, les loupiots vont revivre guerre de 1914 : bombardements au Royaume de la nuit, elle ne veut geno trop charpenté d’Adam manque d’énergie et d’alacrité Salzburgerfestspiele.at
en direct l’histoire de cette prin- destructeurs et meurtriers, gueu- pas non plus de la lumière, affi- Plachetka joue plus qu’il ne dans des vocalises sans conviction Diffusion sur Arte, le 4 août
cesse enlevée par Sarastro et de les cassées et pléthore de morts et chant un libre arbitre à connota- chante. Seul le Monostatos éche- dramaturgique. Seule la fraîche et à 20 h 50.
L
a vogue renaissante des avait un rôle mineur dans la série 21.00 Alerte contagion
balls (« bals »), qui ac- Transparent, de Jill Soloway, avait Série. Avec David Gyasi,
cueillent les concours de dénoncé et fait renvoyer l’acteur Claudia Black, Christinan Moses,
danse de la communauté cisgenre Jeffrey Tambor – qui in- Chris Wood, Kristen Gutoskie
LGBTQ new-yorkaise, est indénia- carnait de manière prodigieuse (EU, 2016, S1, ép. 9 à 13/13).
ble : la chaîne Viceland – qui sera son personnage principal trans –,
distribuée par Canal+ en France à accusé par elle et une autre per- France 2
partir du 9 septembre – propose sonne transgenre d’avoir eu des 20.55 Fort Boyard
My House, une série de télé-réa- comportements inappropriés au Jeu animé
lité, et Hornet France, sur You- cours du tournage. par Olivier Minne.
Tube, la série documentaire Vo- Ces acteurs et actrices trans, 23.15 On n’est pas couché
guers of Paris (2017), réalisée par dont très peu peuvent être à ce Talk-show animé
Chriss Lag et Xavier Héraud, à pro- jour considérés comme des têtes par Laurent Ruquier.
pos de son équivalent parisien. d’affiche, réclament désormais
Mais c’est Pose, la série de Ryan non seulement que les rôles trans- France 3
Murphy, dont le dernier épisode genres soient distribués à des co- 20.55 Commissaire Magellan
vient d’être diffusé par Canal+ Sé- médiens eux-mêmes trans mais Série. Avec Jacques Spiesser,
ries, qui aura fait connaître ce phé- aussi que des personnages cisgen- Selma Kouchy, Bernard Alane,
nomène au grand public. On re- res leur soient également confiés. Elsa Lunghini (Fr., 2014 et 2011,
grettera cependant que ses huit A cet égard, Pose fera date : de la 100 et 90 min).
épisodes donnent l’impression réalisation à l’écriture, en passant
que les auteurs ont voulu trop Indya Moore (Angel), Ryan Jamaal Swain (Damon) et Mj Rodriguez (Blanca). JOJO WHILDEN/FX/FOX par une majeure partie des rôles Canal+
charger la barque en portraits de principaux, ses créateurs ont fait 20.55 The Shanghai Job
personnages, en thématiques et appel à des personnes transgen- Film d’action
sous-thématiques. Privée de soutien financier, voici Si beaucoup d’entre elles affir- l’ancien champion olympique res. Il reste à voir comment la de Charles Martin.
Ainsi, l’opération génitale que la vedette des bals luxueusement ment vouloir garder leur intimité Bruce (devenu Caitlyn) Jenner deuxième saison développera et Avec Orlando Bloom, Simon Yam,
décide Elektra, incarnée par l’ac- vêtue contrainte de dormir dans anatomique pour elles-mêmes ou dans sa nouvelle vie de femme – enrichira son propos. p Lynn Hung (Ch., 2017, 95 min).
trice transgenre Dominique Jack- la rue et de s’exhiber dans un souhaitent être opérées, d’autres, n’est pas au diapason de la plus renaud machart 22.30 Instinct de survie
son, et ses conséquences sur la re- peep-show avant qu’une concur- comme l’activiste et essayiste jeune génération transgenre. Film d’horreur
lation avec son riche amant – in- rente, naguère honnie, ne la re- Kate Bornstein, affirment que Pose, série créée par Ryan de Jaume Collet-Serra.
terprété par Christopher Meloni – cueille. Cette thématique aurait c’est justement cette « monstruo- Revendications des acteurs Murphy, Brad Falchuk et Steven Avec Blake Lively, Oscar Jaenada
semblent survolées. Constatant pu être développée, car elle est au sité » qui intéresse leurs partenai- On aura vu, alors que Pose était Canals. Avec Mj Rodriguez, Indya (EU, 2016, 85 min).
qu’Elektra n’a plus ses attributs centre de la problématique des res et constitue leur identité. Mais diffusée, une vive polémique se Moore, Dominique Jackson, Kate
originels, il l’abandonne sur-le- personnes transgenres et de leurs Kate Bornstein – qui tenait ces développer aux Etats-Unis à pro- Mara, Evan Peters, Billy Porter, France 5
champ : « Ça, lui lance-t-il, je peux relations avec des partenaires cis- propos controversés dans la série pos de l’actrice Scarlett Johansson, Ryan Jamaal Swain, Dyllon 20.55 Echappées belles
le trouver partout. » genres hétérosexuels. de télé-réalité I Am Cait, qui suivait qui devait jouer au grand écran un Burnside (EU, 2018, 8 × 54-58 min.) Ardèche, passionnée par nature
Magazine présenté
par Sophie Jovillard.
22.25 Vivre loin du monde
Yorkshire Dales
L’émission de baladodiffusion lancée par le journal suisse « Le Temps » parle de sexe, de handicap ou de mort Arte
20.50 La Flûte enchantée
Opéra de Mozart.
Mise en scène : Lydia Steier.
m’avait jamais dit que ça existait. » récits d’une trentaine de minutes nel. Un questionnement taraude chose qui compte, c’est leur plaisir, En direct de Salzbourg.
PODCAST Elle consulte alors le Web, s’aper- par mois, dont un qui a générale- cependant Charles : « Que se passe- et je suis prêt à tout faire pour ça. » Avec Klaus Maria Brandauer,
bouillonner en elle depuis long- éclats les idées reçues sur la sexua- s’est donné un an pour expéri- que je fais, alors que le client vient celle de Gabriela, accompagna- M6
temps sans rien y comprendre. Un lité. Ce récit, réel, au cours duquel menter des relations sexuelles ta- de me payer pour une heure ? » trice de suicide assisté. p 21.00 NCIS : Nouvelle-Orléans
personnage de la série y expliquait Louisa partage sa découverte du rifées avec des hommes à Genève. Son activité étant récente, il n’a martine delahaye Série. Avec Stacy Keach,
ne jamais ressentir d’attraction concept d’asexualité, fait partie Essentiellement en tant qu’escort, pas eu à faire face à cette éventua- Scott Bakula, Vanessa Ferlito,
sexuelle pour quiconque et être, des sept histoires de vie que ce qui comprend des massages lité. « Mais j’ai réglé ça d’une cer- Brise glace, podcast animé Rob Kerkovich
en un mot, « asexuel ». Une révéla- compte à ce jour le podcast qu’a tantriques, des initiations BDSM taine manière, ajoute-t-il, en me par Célia Héron et Virginie (EU, 2017 et 2016,
tion pour Louisa. « C’est comme si lancé au printemps le journal (bondage, discipline, sado-maso- rendant compte que ce n’était pas Nussbaum. Disponible sur S4, ép. 10 à 12/24 ;
je l’avais toujours su mais qu’on ne suisse Le Temps. A raison de deux chisme) ou du sexe convention- mon plaisir qui importait : la seule iTunes, SoundCloud et YouTube. S3, ép. 1 et 2/24).
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14 | carnet 0123
SAMEDI 4 AOÛT 2018
Pierre-André /H &DUQHW
Lucette, Raphaël, Emilie,
Ses amies et amis,
La famille de Raphaël
Brigitte
GRATIER de SAINT LOUIS,
kinésithérapeute RPG
de l’APAM (Association pour la
promotion de l’éducation par la
diffusion des arts du monde)
Et les membres de l’Association
9RV JUDQGV pYpQHPHQWV
Lablaude 1DLVVDQFHV EDSWrPHV
ILDQoDLOOHV PDULDJHV
Ses frères,
Mag du CHEYRON
aux mains d’or,
Véronique ROSSILLON,
$YLV GH GpFqV Pierre et Denise Moussay, Ils rendent hommage à cette grande
Son indépendance, son rejet de tout Anne-Dominique et Pascal Martin, amie de l’APAM, à la généreuse et efficace
UHPHUFLHPHQWV PHVVHV patriarcat, sa passion pour l’art et le savoir, action humanitaire en faveur de l’éducation
Jean-Daniel et Michèle Moussay,
FRQGROpDQFHV ont forgé nos valeurs. en Haïti, par son appui ancien et constant
Edith et Jacques Genet, au Centre Alcibiade Pommayrac de
KRPPDJHV ses enfants, Jacmel.
DQQLYHUVDLUHV GH GpFqV Une célébration a eu lieu à son domicile, Ses petits-enfants
le jeudi 2 août, à 17 heures. Et arrière-petits-enfants, APAM,
VRXYHQLUV 128, rue du Bel-Air, Russan,
Les familles Moussay et Herfray,
30190 Sainte-Anastasie.
&ROORTXHV FRQIpUHQFHV Martine,
sa femme, ont la tristesse de faire part du décès de
VpPLQDLUHV WDEOHVURQGHV Bruno et Hélène, Martine Bourcier,
Charlotte son épouse,
son fils et sa belle-fille, Arno Ruffier,
SRUWHVRXYHUWHV IRUXPV Héloïse, Rose et Emilie, HERFRAY-MOUSSAY, leur fils,
MRXUQpHV G·pWXGHV FRQJUqV ses petites-filles, chevalier de l’ordre national du Mérite, William et France Ruffier,
SURMHFWLRQVGpEDWV Dominic, Colette et Jean-Michel, maître de conférences son fils et sa belle-fille,
à l’université de Strasbourg, et leur fille, Emie,
QRPLQDWLRQV Bernard,
Les familles Bourcier, Ruffier,
ses frères et sœur, psychanalyste et écrivain,
DVVHPEOpHV JpQpUDOHV Preschner, Schmitt et Michaud,
Valentin, Simon, Thierry,
Gaëlle, Pauline, survenu à Strasbourg, le 28 juillet 2018, ont la tristesse de faire part du décès de
6RXWHQDQFHV GH PpPRLUH en son domicile des « Jardins d’Alsace »,
ses nièces et neveux,
WKqVHV +'5 6, place Saint-Louis, dans sa quatre-vingt- Bernard RUFFIER,
Stella,
GLVWLQFWLRQV IpOLFLWDWLRQV sa petite-nièce, treizième année, entourée des siens et dans
la sérénité. survenu le 20 juillet 2018,
Ses cousins à l’âge de soixante-treize ans.
([SRVLWLRQV YHUQLVVDJHV Et amis,
VLJQDWXUHV GpGLFDFHV La cérémonie des obsèques se déroulera La cérémonie civile a eu lieu au
le lundi 6 août, à 14 h 30, en la nouvelle crématorium du cimetière du Père-
OHFWXUHV ont la douleur de faire part du décès de
salle du centre funéraire, 15, rue de l’Ill, Lachaise, Paris 20e et ses cendres ont été
FRPPXQLFDWLRQV GLYHUVHV à Strasbourg-Robertsau, suivie de dispersées au Jardin du souvenir.
Paul DURNING, l’inhumation au cimetière Nord.
professeur émérite 9, rue d’Estienne-d’Orves,
3RXU WRXWH LQIRUPDWLRQ &DUQHW 94200 Ivry-sur-Seine.
de sciences de l’éducation,
En 2004. PASCAL LE SEGRETAIN/
chevalier de la Légion d’honneur, Claire Texier-Lory,
son épouse,
GETTY IMAGES/AFP
premier directeur de l’ONED, Saint-Quentin-la-Poterie.
FDUQHW#PSXEOLFLWHIU Catherine et Luc Basier,
Antoine et Nathalie Texier-Lory, Sa famille
survenu le 30 juillet 2018, Et ses amis,
ses enfants,
à l’âge de soixante et onze ans.
AU CARNET DU «MONDE» Clovis, Robin, Simon, Salomé,
ont la très grande tristesse d’annoncer
L
ses petits-enfants,
a mort brutale, le 26 juil- 15 JUILLET 1947 Naissance Une cérémonie aura lieu le mercredi le décès, survenu le 30 juillet 2018,
let, à Versailles (Yvelines), à Versailles (Yvelines) Naissance 8 août, 11 h 45, au crématorium du Mont- à Bagnols-sur-Cèze (Gard), de
ont la tristesse de faire part du décès de
à 71 ans, de Pierre-André 1980 Architecte en chef Valérien, à Nanterre. M. Alain WOISSON,
Lablaude, architecte en Maybeline QUENNESSON
des monuments historiques
Jacques LORY, ancien chef jardinier
chef des monuments historiques, 1990-2012 Architecte du do- et Frédéric VICAIRE, Condoléances, témoignages du parc de Bagatelle, à Paris.
libraire,
inspecteur général honoraire des maine national de Versailles ses parents, à adresser par mail à :
martine.colindurning@orange.fr Les obsèques ont eu lieu dans la plus
monuments historiques, laisse 26 JUILLET 2018 Mort dans sa quatre-vingt-neuvième année. stricte intimité.
« interdit » le monde du patri- à Versailles Vespasia VICAIRE,
moine, comme l’exprime Azedine sa grande sœur, L’UFR SPSE Les obsèques ont eu lieu dans l’intimité,
Beschaouch, membre de l’Ins- Et le Centre de recherches éducation à Bourmont (Haute-Marne), le 30 juillet Anniversaire de décès
sont heureux d’annoncer la naissance de et Formation (CREF) 2018.
titut, ancien maire de Carthage re-André Lablaude silencieux. Son Le 3 août 2017,
(Tunisie) et secrétaire permanent émotion était plus profonde que la de l’université Paris-Nanterre,
Lory, Frédéric TRORIAL
du Comité international de coor- nôtre. Elle était bien sûr celle de Vitalien VICAIRE, font part du décès de 7, rue Brézin,
dination d’Angkor. l’architecte qui, depuis des années, 75014 Paris. est parti...
« Il était début juin en pleine acti- alertait sur l’urgence qu’il y avait à beau garçon plein de vie et sérieux comme Paul DURNING,
vité parmi nous, à Angkor, au Cam- rendre à Latone sa puissance (…). Un an déjà que tu nous as quittés, nous
un pape, le 25 juillet 2018, professeur émérite Sa famille espérons que tu as trouvé l’apaisement
bodge. Comme toujours, son juge- Pierre-André avait grandi dans à l’Hôtel-Maternité du Bois-de-Lille. en sciences de l’éducation, Et ses amis proches, auquel tu aspirais tant.
ment technique était précis et une certaine idée du château qui ancien vice-président
ont la grande tristesse de faire part Emma, Charles, Gabriel, Frédérique
équilibré. Il révélait une compé- imprégnait une science immense en charge de la recherche,
Décès Et ses amis.
tence peu commune et une apti- acquise plus tard dans l’étude. Elle ancien directeur du décès du
tude sans égale à la synthèse. Mais lui inspirait une autorité sans arro- Rouag Abdelaziz et Janine Didier- de l’école doctorale 139
surtout, il était attaché au site et fa- gance pour faire renaître les jar- Abdelaziz, « Connaissance Langage Modélisation », docteur Léon OLIVIER, Souvenirs
milier avec les monuments. Parmi dins, notamment après la grande ses parents, professeur des Universités,
survenu le 30 juillet 2018, praticien hospitalier retraité,
les grands experts avec qui je tra- tempête de 1999. » Micheline Didier,
ancien chef du service
Marie-Andrée BONNEFON,
vaille depuis un quart de siècle, je le Un chantier colossal pour re- sa grand-mère, dans sa soixante et onzième année. 17 décembre 1951 - 4 août 2008.
d’Histo-Embryologie Cytogénétique
considère hors pair ! » trouver dans son plan initial le sa- Ses oncles et tantes, de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris),
Ses cousins et cousines, La cérémonie civile aura lieu le Il y a vingt-deux ans,
Né à Versailles, le 15 juillet 1947, lon de plein air de Louis XIV, meu-
Sa famille de France et d’Algérie, mercredi 8 août, 11 h 45, au crématorium
Pierre-André Lablaude suit les tra- blé de statues, de jets d’eau et de du Mont-Valérien, à Nanterre. survenu le mercredi 1er août 2018, Laurent GORNY
ces de son père. Il obtient son di- broderies de gazon démultipliées Ses ami(e)s et camarades, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
plôme d’architecte DPLG en 1972, par les miroirs d’eau. « Son érudi- nous quittait.
ont la douleur d’annoncer le décès de La présidente du GIP Enfance La cérémonie religieuse aura lieu
à l’Ecole des beaux-arts de Paris, tion sans cuistrerie était reconnue en Danger, Sa famille,
le mardi 7 août, à 14 h 30, en l’église
puis complète son cursus en ar- et respectée, ajoute-t-elle. Son hu- Le conseil d’administration, Ses amis,
Alexandre ABDELAZIZ, Notre-Dame, 35, rue de la Paroisse,
chitecture du patrimoine au mour accordé à une extrême cour-
jeune économiste, L’ensemble du personnel, à Versailles.
Centre d’études supérieures d’his- toisie faisait de lui un compagnon pensent à lui, il leur manque toujours.
toire et de conservation des mo- dont on aimait partager la route. » s’associent à la tristesse de la famille, Cet avis tient lieu de faire-part. 22, rue Emeriau,
survenu le 28 juillet 2018,
numents (Ecole de Chaillot), où Comme l’exprime Kérya Chau à l’occasion du décès de 75015 Paris.
à l’âge de vingt-huit ans.
il enseignait toujours aux nou- Sun, porte-parole de l’Autorité Mme Lucienne Olivier,
velles générations. nationale Apsara chargée des 12 bis, rue des Missionnaires, Communication diverse
La cérémonie aura lieu lundi 6 août,
400 km2 classés d’Angkor, dérou- Paul DURNING, 78000 Versailles.
à 11 heures, au crématorium du cimetière 1947-2018,
De Versailles à Angkor tée à l’idée d’organiser le suivi des du Père-Lachaise, Paris 20e. professeur émérite
Dès 1980, nommé architecte en chantiers sans lui, il s’y rendait Sa famille
en sciences de l’éducation Et ses nombreux amis,
chef des monuments historiques deux fois l’an, afin de s’assurer de Michel, Pierre et Françoise, à l’université Paris Nanterre,
(ACMH) au ministère de la culture, la justesse des travaux en cours. ses enfants, fondateur et directeur de l’ONED ont la profonde tristesse de faire part
ce bourreau de travail à l’élégance Toujours, il notait ses observa- Marie et Liana, (2004-2009), du décès de
classique, dont la passion égale la tions assorties de dessins dans un ses belles-filles, chevalier de la Légion d’honneur.
rigueur, multiplie les chantiers petit carnet. De Versailles à Ang- Catherine, Julie, Thibaut,
Michèle SOS AMITIE
prestigieux : cour Napoléon et aile kor, il soulignait les similitudes : Paul-Armand, Charles-André, Elise, Envie d’être utile ? Rejoignez-nous !
PIRAZZOLI-t’SERSTEVENS,
Richelieu du Louvre, à Paris, Do- « En termes d’échelle, (…) de prin- Antoine, Félicien, Victor et Valentine, Son engagement dans le domaine de la
directeur d’études émérite Les bénévoles de SOS Amitié écoutent
maine de Saint-Cloud, Manufac- cipes d’ordre, de symétrie des axes, ses petits-enfants, protection de l’enfance à travers ses
à l’École pratique des Hautes Études, par téléphone et par internet
Mathilde, Jeanne, Sara, Aglaé, Romain, travaux universitaires l’ont conduit à
ture de Sèvres (Hauts-de-Seine)… ces grands axes qui foncent sur ceux qui souffrent de solitude, mal-être
Coline, Paul, Virgile, Anna, Dorian, participer à l’élaboration de la loi du 10 et pensées suicidaires.
Pendant vingt ans, il est chargé du des kilomètres (…) La main du roi
juillet 1989. Il a ensuite œuvré à la création survenu à Paris, le 26 juillet 2018,
Léonard et Lou,
Mont-Saint-Michel, qu’il restaure plaquée sur le territoire, une géo-
de l’observatoire national de l’enfance en à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Nous ne répondons qu’à 1 appel sur 3
de « l’abbaye jusqu’aux remparts et graphie plaquée sur une géo- ses arrière-petits-enfants,
danger (ONED, devenu depuis ONPE : et recherchons des écoutants bénévoles.
Mme Gabrielle Cuénat, L’écoute peut sauver des vies
au village classé ». « J’ai travaillé, graphie (…) Marque du pouvoir Observatoire national de la protection de Une cérémonie d’adieu aura lieu le
dit-il, sur le plan-relief de 1701, réa- royal sur les hommes. » sa sœur, lundi 6 août, à 15 heures, au crématorium et enrichir la vôtre.
Leila Boujellabia et Maggy Nana l’enfance) dont il est devenu le directeur,
lisé par les moines du Mont-Saint- Dans l’agence d’architecture puis a assuré dès 2006 les fonctions de du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Horaires flexibles, formation assurée.
Leonette,
Michel et offert à Louis XIV. Chaque qu’il avait fondée en 1972, à Ver- directeur général du GIPED qui gère En IdF RDV sur www.sosamitieidf.asso.fr
Parents et alliés, Contact : mondrain.brigitte@gmail.com En région RDV sur www.sos-amitie.com
maison y est représentée. On a ré- sailles, parmi ses anciens collabo- également le 119, téléphone national de
tabli les façades de bois, avec leurs rateurs, Sébastien Appert l’avoue : l’enfance en danger.
ont la tristesse de faire part du décès de
couleurs – gris, vert, bleu –, refait les « On a tous perdu un père spirituel, Il a eu à cœur d’organiser l’articulation
Société éditrice du « Monde » SA
constante et nécessaire entre recherches et
charpentes, les toits en chaume, très généreux et bienveillant, trou- Mme le docteur pratiques professionnelles en protection de
Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus
Directeur du « Monde », directeur délégué de la publication, membre du directoire Jérôme Fenoglio
châtaignier, ardoise ». vant toujours les bons mots, très Marguerite ASSUS, l’enfance en s’appuyant sur les Directeur de la rédaction Luc Bronner
Dans le sillage de son père, il de- diplomate et pédagogue. » C’est née COTTIN, départements et les associations qui
Directrice déléguée à l’organisation des rédactions Françoise Tovo
vient l’architecte du domaine na- avec sa femme, Colette Di Matteo- Direction adjointe de la rédaction Philippe Broussard, Alexis Delcambre, Benoît Hopquin, Franck Johannes,
agissent dans ce secteur. Marie-Pierre Lannelongue, Caroline Monnot, Cécile Prieur
tional de Versailles, des jardins et Lablaude, inspectrice des monu- survenu le 1er août 2018, Direction éditoriale Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann
Rédaction en chef numérique Philippe Lecœur, Michael Szadkowski
bâtiments qui s’y rattachent, ments historiques, conservatrice à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans, La Légion d’honneur remise en 2007 Rédaction en chef quotidien Michel Guerrin, Christian Massol
« avec lesquels il entretenait une générale du patrimoine, et leur à Antibes. est venue consacrer son action pour une Directeur délégué au développement du groupe Gilles van Kote
Directeur du développement numérique Julien Laroche-Joubert
véritable intimité », comme le fils Louis, que Pierre-André La- prise en compte renforcée de la Rédacteur en chef chargé des diversifications éditoriales Emmanuel Davidenkoff
souligne Catherine Pégard, prési- blaude aimait larguer les amarres, Les obsèques auront lieu le mardi participation des familles dans le dispositif Chef d’édition Sabine Ledoux
dente de l’établissement public. filer sous voile dans la brise, ou en- 7 août, à 15 h 30, au cimetière des de protection de l’enfance.
Directeur artistique Aris Papathéodorou
Photographie Nicolas Jimenez
« Je me souviens d’un matin nei- core s’échapper dans leur maison Semboules, à Antibes. Infographie Delphine Papin
geux de mars 2013, quand on com- du Berry, en pleine nature, loin de Nous tenons à rendre hommage aux Médiateur Franck Nouchi
mençait à ouvrir les entrailles du la pression des chantiers. p Roc Eclerc Antibes. valeurs humanistes qui ont conduit son Secrétaire générale du groupe Marguerite Moleux
Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget
bassin de Latone. J’observais Pier- florence evin Tél. : 04 92 91 12 12. action. Conseil de surveillance Jean-Louis Beffa, président, Sébastien Carganico, vice-président
0123
SAMEDI 4 AOÛT 2018 | 15
P
osé sur une table basse les choses au point : « Je ne vois
encombrée d’épais livres plus un seul journaliste. Je te reçois
d’art, un téléphone por- parce que ça me fait plaisir et que je
table a sonné. En cette ne veux pas être discourtois. Mais
matinée de juin, une douce lu- je ne veux pas être instrumentalisé.
mière entrait par les fenêtres de On ne peut pas être dedans et de-
ce grand « salon-salle à manger », hors, et moi je suis dehors. »
comme on dit dans les annonces Si c’était vrai, alors il avait mis un
immobilières. C’est dans cet sacré bout de temps pour se met-
appartement cossu d’un immeu- tre hors jeu. Quatre ans entre la fin
ble haussmannien que Nicolas de son mandat de président et la
Sarkozy a aménagé ses bureaux primaire de la droite, achevée
après sa défaite de 2012. Il y est dans une défaite piteuse dès le
toujours. En bas, la rue, en pente premier tour, en novembre 2016.
douce, dévalait vers la place Beau- Mais, toutes les semaines ou pres-
vau et l’Elysée après avoir coupé que, la presse rapportait qu’il avait
la rue La Boétie. Toute la carrière rencontré tel ou tel dirigeant de
politique nationale de l’ancien son ancien parti, ou bien un dissi-
chef de l’Etat, du moins celle des dent. Pierre Giacometti, son an-
triomphes, s’était concentrée cien conseiller opinion, avait ré-
dans ces quelques arpents de bi- sumé d’une formule sa situation : En novembre 2014,
tume du 8e arrondissement : pré- « Il fait le deuil du pouvoir, pas de la à Andard
sident de l’UMP, ministre de l’inté- politique. » Nuance. (Maine-et-Loire).
rieur, président de la République. JEAN-SÉBASTIEN EVRARD/AFP
L’ancien préfet de police de RATTRAPÉ PAR TROIS AFFAIRES
Paris Michel Gaudin, devenu son Elégant dans son costume gris
directeur de cabinet, et la char- porté sur une chemise à rayures
gée de communication de l’UMP, bleu ciel, il ne donnait pas l’im-
Véronique Waché, passée à son pression d’être anxieux à la pers-
service exclusif, m’ont rappelé de pective des deux procès qui l’at-
concert le principe de ce rendez- tendent dans les affaires Bygma-
Nicolas Sarkozy,
vous : « Son souhait n’est pas de lion (financement illégal de sa
s’exposer. Il n’y a pas de volonté de campagne présidentielle de 2012)
sa part d’exister politiquement. et Bismuth (corruption active, tra-
Désormais, sa vie est en dessous fic d’influence) ; ni d’être secoué
des radars. On ne peut plus lui par sa récente mise en examen
prêter d’arrière-pensée. Son éner-
gie est la même, mais les enjeux
ont changé. » Quelques minutes
plus tard, Nicolas Sarkozy est
entré dans la pièce, comme s’il
dans l’affaire du présumé finance-
ment de sa campagne de 2007 par
la Libye ; ni mal remis de son échec
de 2012 ; ni vexé de ses défaites. Il
la jouait détendu et affable, même
la liberté
avait voulu ménager un petit si, en théorie, quelques années de
effet. Sur une autre table, deux prison le guettaient – ou du moins
couverts étaient déjà dressés l’opprobre. Au soir de sa défaite du 6 mai 2012,
PRÉSIDENT, L A VIE D’APRÈS 5 | 6
pour le déjeuner d’un collabora- Sa matinée avait été « excel-
teur et d’un invité. lente ». Il avait rencontré un jeune il l’avait promis : il quittait la politique. Avant de vite revenir
Sarkozy et moi, c’est une vieille
histoire. J’avais fait le récit de
galeriste, passionné par le sculp-
teur Jean-Baptiste Carpeaux, qui, sauver « son » parti, miné par les divisions, puis de se faire battre
notre relation jusqu’à son élection
dans un livre, Le Président et moi
comme lui, n’aimait pas Jeff
Koons ; il avait reçu un appel de
dès le premier tour de la primaire de la droite, fin 2016. Désormais,
(Albin Michel, 2008). Puis, une
fois qu’il fut installé à l’Elysée
Tony Blair (« Il voudrait que l’on
fasse des choses ensemble », an-
la quête d’un bonheur simple semble être sa nouvelle partition…
en 2007, j’avais pris mes quartiers nonça-t-il sans s’attarder) ; il irait
à Rome comme correspondant tout à l’heure déjeuner chez Big
du Monde. En avril 2012, j’étais Mamma, à Pigalle, une des adres-
venu en France, pendant une se- ses de l’enseigne de restauration un temps, il avait paru se griser de un peu de nostalgie face à un pu- feux en souriant. Mais il n’y a chez démontrer parce qu’on a déjà fait. »
maine, pour suivre sa campagne italienne très en vogue à Paris, sa nouvelle vie : les tournées avec blic de jeunes footballeurs. « Profi- lui ni amertume ni aigreur. Il vou- Il aime l’idée de vieillir, les che-
ratée pour sa réélection. A cette lancée par deux anciens élèves de Carla, les dîners avec les chan- tez à fond de votre carrière. Vous lait être président de la République, veux qui grisonnent, la famille
occasion, il m’avait gratifié d’une HEC. Le soir, il lirait un livre en an- teurs dans la villa d’Auteuil, les n’en garderez que les bons souve- il l’a été. D’accord, il n’a pas été réélu, qui se recompose et s’agrandit.
confidence : « Hollande est nul. Tu glais (« J’en ai déjà lu 37 ! ») ou ver- week-ends dans la superbe villa nirs et vous direz : “J’y étais. Mais mais il a pu constater qu’à cette pé- Il ne se voit pas en patriarche,
ne le répètes pas, hein ? » J’avais dit : rait un film avec Carla Bruni, son des Bruni-Tedeschi au cap Nègre, comment se fait-il que cela soit riode il est un des hommes d’Etat mais en « poutre maîtresse » qui
« Bien sûr », puis reproduit ses pro- épouse. « Une heure de sport, une le cinéma italien en VO, les confé- passé si vite ?” » Cette fois, la page sortants qui ont le plus frôlé la vic- tient toute la pyramide des en-
pos ; il avait démenti. Un peu plus heure de lecture, une heure d’an- rences au bout du monde à semblait tournée. toire. » Le meilleur des perdants, fants, des petits-enfants, de son
d’un an plus tard, alors que j’étais glais par jour, c’est la base », lança- 100 000 dollars la prestation. Il en quelque sorte. Même les déboi- beau-fils, de sa femme et de ses ex,
venu lui porter le livre que j’avais t-il, comme un coach mental dic- « faisait du fric » et tenait la pro- LE MEILLEUR DES PERDANTS res judiciaires sont minorés. A Ca- comme dans un film de Pascal
écrit sur l’Italie, il m’avait reçu tant ses recommandations. messe que l’enfant qui s’était cru Donc, un téléphone a sonné. Pour mille Pascal, un de ses derniers col- Thomas. « On peut compter sur
entre deux portes et reproché mes La semaine précédente, il était à pauvre s’était faite. un peu, on l’aurait oublié, ce por- laborateurs, qui redoutait d’être moi », lance-t-il. Il cite Bette Davis :
mauvaises manières, et celles du Moscou pour une conférence et Mais la brûlure de la politique l’a table posé sur un coin de table. mis en cause dans l’affaire Bygma- « La vieillesse n’est pas une affaire
Monde en général, à son égard. On avait rencontré Vladimir Poutine emporté. « En 2012, je suis battu de Nicolas Sarkozy a pris l’appel. lion, il a lâché, ironique et stoïque : de mauviette », persuadé que dans
en était restés là. (« Mais à quoi bon le crier sur les peu, se justifie-t-il. Quelques mois « Amore… Amore… Amore », a-t-il « Plaignez-vous. Moi j’ai 80 heures ce combat aussi il sera à la hau-
Du coup, je n’étais pas trop flam- toits, hein ? »). Il s’apprêtait à par- plus tard, mon parti est au bord de répété trois fois en faisant rouler de garde à vue derrière moi ! » Il ré- teur. Il rend hommage à Jean
bard en poussant la porte du 77, tir en Pologne pour le compte du l’explosion. Je reviens parce que les « r » comme des cailloux. « Je pète souvent cette maxime de son d’Ormesson et Simone Veil dans
rue de Miromesnil, où rien ne si- groupe hôtelier Accor, dont il pré- tout est détruit, sinon je serais resté suis avec un journaliste du cru : « Petite vie, petits soucis ; Le Figaro, mais s’amuse à faire des
gnale sa présence. Mais il était side un comité de stratégie inter- chez moi. » Brice Hortefeux, l’ami Monde »… « Mais il est plutôt grande vie, grands soucis. » quiz sur L’Equipe TV.
calme et souriant. Lui aussi a mis nationale. Cette activité lui a rap- de quarante ans, qui l’a encouragé sympa celui-là »… « Oui, je te rap- Pierre Giacometti veut croire à Le pouvoir, jure-t-il, ne l’inté-
porté 87 355 euros en 2017, selon à repartir au charbon, confirme : pellerai »… Il a raccroché. « Je ré- cette métamorphose de l’obsédé resse plus. Il l’a eu, il ne l’a plus,
L’Express. Il paraissait impatient « C’est vrai qu’il avait d’autres défis : ponds toujours à ma femme. » du pouvoir devenu philosophe. c’est la vie. « On a eu beaucoup de
de décoller pour Varsovie. « Je celui du bonheur personnel et des Voilà, c’était ça le bonheur simple « Contrairement à Hollande, il chance, dit-il. La vie politique est
IL A MIS LES CHOSES AU voyage beaucoup, mais je ne veux
pas me mettre en scène. Main-
projets professionnels lucratifs.
Mais son retour, qui était une pos-
et tranquille auquel il aspirait
désormais – entre une conférence
n’est pas un pure player de la poli-
tique. Beaucoup d’autres choses le
devenue ce qu’elle est et ils font ce
qu’ils peuvent. » Qui était ce « on » ?
POINT : « JE NE VOIS PLUS tenant, je peux faire des choses sibilité, est devenu une nécessité. rémunérée au Mexique (« devant passionnent. » Camille Pascal est Lui ? Les journalistes qui l’ont
sans que cela soit instrumentalisé. Après, tout s’est enchaîné jusqu’à la 8 000 personnes ! ») et des rendez- plus nuancé : « Rationnellement, il suivi ? Sa génération politique ? Et
UN SEUL JOURNALISTE. J’ai eu la chance de refaire ma vie. primaire. » Battre le « vieux » Juppé vous avec le ban et l’arrière-ban de sait que c’est fini, mais l’appétit est ce « ils » ? Macron et ceux du « nou-
JE TE REÇOIS PARCE Je suis comme Rodion Raskol-
nikov, le personnage de Dostoïev-
et ce « pauvre » Fillon semblait si
facile alors.
la droite (« Ils veulent me voir, je les
reçois »). Ce coup de fil apparem-
toujours là. »
Qui croire ? Dedans ou dehors ?
veau monde », auquel il ne croit
pas ? Il a encore débité une citation
QUE ÇA ME FAIT PLAISIR ski. Ma renaissance est “lente mais Personne n’avait encore réussi ment impromptu faisait-il partie Aux aguets ou rangé des voitures ? de Freud, mais on a oublié de
certaine”. » Etrange de se compa- de come-back dans l’histoire de la de la mise en scène ? Ne serait-il Résilient ou revanchard ? « Je suis noter. Alors qu’il nous guidait vers
ET QUE JE NE VEUX PAS rer à un assassin… Ve République. Ce challenge était pas plus convaincant s’il renon- trop occupé pour avoir de l’amer- la sortie, il s’est inquiété. « Et au
Il était heureux, débarrassé de dans ses cordes, pensait-il. çait à convaincre ? tume. Je n’ai plus d’arrière-pensée. fait, toi, ça va ? » p
ÊTRE DISCOURTOIS. l’obsession du pouvoir. C’est du Six mois plus tard, à Reims, alors « Il vit le bonheur comme une Quand tu arrives à un certain âge, philippe ridet
MAIS JE NE VEUX PAS moins ce dont il voulait me per- qu’il rendait hommage au foot- conquête ; donc il s’exagère un peu tu n’as plus besoin de chercher à
suader. Après sa défaite de 2012, il balleur Raymond Kopa, disparu les obstacles qu’il a dû franchir pour prouver quoi que ce soit. C’est très Prochain épisode François
ÊTRE INSTRUMENTALISÉ » avait déjà fait ce coup-là. Pendant en mars 2017, il s’était laissé aller à y parvenir, reconnaît Brice Horte- agréable de penser qu’on n’a rien à Hollande, l’apesanteur
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SAMEDI 4 AOÛT 2018
L
e soleil perce à travers la brume
matinale qui enveloppe encore
Mossoul, alors que l’hiver
s’achève. En cette fin jan-
vier 2017, les quartiers est de la
grande ville du nord de l’Irak sor-
tent lentement de la torpeur dans laquelle
les ont laissés trois mois de combats entre
les forces irakiennes et les combattants de
l’organisation Etat islamique (EI).
Après plus de deux ans de règne sur la ville,
les djihadistes se sont retranchés sur l’autre
rive du Tigre, le fleuve qui coupe Mossoul en
deux. La victoire de l’Est a été célébrée le
14 janvier, place des Célébrations, par une
foule bigarrée de soldats des forces antiterro-
ristes et d’habitants venus exprimer leur re-
connaissance d’être enfin sortis de l’enfer
djihadiste. Les canons ne résonnent plus
qu’en écho lointain depuis quelques quar-
tiers du nord-est de la ville où des unités de
l’armée sont encore aux prises avec des com-
battants retranchés. L’heure est à la sécurisa-
tion des quartiers libérés et à un répit bien
mérité pour les soldats d’élite.
Son uniforme noir tiré à quatre épingles,
Fahad Ben Rabah s’est mis au volant d’un
véhicule blindé Humvee noir frappé du si-
gne BN36 de son unité d’élite, stationné de-
vant l’une des maisons qui ont été réquisi-
tionnées dans le quartier d’Al-Mouthanna.
Les yeux rieurs et le sourire enjôleur, le sol-
dat invite à prendre place à ses côtés. Le
jeune homme de 28 ans part rendre visite à
quelques-uns des Mossouliotes avec qui il
s’est lié d’amitié pendant les mois que son
unité a passés dans la ville.
Fahad a pris l’habitude de ces promenades
solitaires dans Mossoul, à la différence de ses
frères d’armes qui se déplacent toujours au
moins par paire, le fusil automatique armé,
en constante alerte dans cette grande ville à
majorité sunnite du nord de l’Irak dont ils
n’ont jamais entendu parler que comme un
repaire de djihadistes depuis le Sud chiite
dont ils sont presque tous, comme lui, origi-
naires. Même au sein des forces antiterroris-
tes, qui ont réussi à conquérir la majorité des
cœurs de l’est de Mossoul et qui agissent de
manière moins arbitraire qu’habituelle-
ment les forces irakiennes, Fahad fait figure contre l’habit traditionnel – dichdacha et kef- de demander sa main. C’était le jour de la Depuis plus de deux ans, le grand voile noir
d’oiseau rare. Il évolue dans cette partie de la fieh – une fois en permission, à rencontrer première rencontre – quelque peu brutale – ne lui sert plus qu’à cela. Etudiante en troi-
ville, largement épargnée par les combats, cette jeune sunnite de 24 ans, citadine et édu- avec la famille, fin novembre 2016. La rue sième année de sciences de l’éducation et de
comme s’il l’avait toujours connue, emprun-
tant sans plus réfléchir les déviations ren-
quée. La bataille contre l’Etat islamique a fait
se côtoyer, non sans appréhension mutuelle,
« IL N’Y AVAIT PAS d’Asmaa venait d’être libérée de l’Etat isla-
mique. La nuit était tombée. Les soldats
psychologie à l’université de Mossoul, As-
maa a cessé d’aller en cours dès que la ville
dues obligatoires par les ponts effondrés ou ces deux Irak aux antipodes, devenus étran- D’ÉLECTRICITÉ NI DE sont entrés dans les maisons, une à une, est tombée aux mains de l’EI, en juin 2014.
les nombreux barrages de sécurité. gers l’un à l’autre depuis l’invasion améri- pour s’assurer qu’aucun djihadiste n’y était Conservateur, son père avait bien trop peur
caine de 2003 et le renversement du dicta- BOUGIE. SON VISAGE retranché. « Il n’y avait pas d’électricité ni de que la jolie célibataire ne retienne l’attention
« TOMBÉ AMOUREUX » DU PÈRE
Arrivé dans le quartier Al-Zouhour, il ralentit
teur Saddam Hussein.
Fahad s’empresse de prendre congé de ses
EST APPARU bougie. Son visage est apparu dans le fais-
ceau de la torche. J’ai vu qu’elle était très jolie.
de l’un des djihadistes. Il l’a gardée à la mai-
son. Trois mois après la libération de son
l’allure. A chaque coin de rue, il y a des gens à derniers hôtes pour aller retrouver, comme DANS LE FAISCEAU J’ai l’œil, je suis un sniper », dit Fahad dans un quartier, Asmaa n’est toujours pas sortie. « Il
saluer, quelques arrêts à marquer pour ser- presque chaque jour, sa future belle-famille. rire. Leurs regards se sont croisés. Fahad ne n’y a aucune raison que je sorte de la maison,
rer des mains et claquer des bises. Dans la Dans le salon des invités, où a été dressé le re- DE LA TORCHE. J’AI VU l’a pratiquement plus aperçue lors de ses les cours n’ont pas repris », justifie la jeune
rue où il s’est garé, celle où son unité a été pas, seuls les hommes sont réunis. Moha- nombreuses visites dans la maison fami- femme d’une voix fluette, trop timide pour
postée plusieurs semaines à l’automne, on med, le père d’Asmaa, et ses quatre frères, QU’ELLE ÉTAIT TRÈS liale. Asmaa, impressionnée par le beau sol- s’épancher. Elle se contente d’opiner de la
ne compte plus les embrassades, les verres âgés de 14 à 25 ans, accueillent chaleureuse- JOLIE. J’AI L’ŒIL, dat, a continué à l’épier, cachée derrière le tête à tout ce que dit Fahad, de lui lancer
de thé et les friandises avalées. Au pas de ment Fahad. L’amitié qui lie Mohamed à Fa- rideau du salon. quelques petits sourires mutins, le dévorant
course, il enchaîne les visites de courtoisie : had est évidente, malgré leurs personnalités JE SUIS UN SNIPER » Depuis qu’il a demandé sa main, Fahad est des yeux d’un regard enamouré.
un couple de septuagénaires à qui il a ap- très différentes : le père est posé et introverti autorisé à franchir le rideau pour passer du
FAHAD BEN RABAH
porté de la nourriture pendant les combats, face au jeune soldat bavard et enjoué. Ils ont temps avec Asmaa. Dans la cuisine, la jeune PEUR DES REPRÉSAILLES
une vieille dame et sa fille qui l’ont adopté appris à se connaître et à s’apprivoiser pen- femme est affairée avec sa mère. Ses longs Main dans la main, les jeunes époux rient de
comme un fils et un ami de son âge chez qui dant les longues nuits que Fahad a passées cheveux noirs tombent en cascade bouclée leurs différences sans jamais les évoquer
il a dormi quelques nuits. chez eux, découchant de la maison de jusqu’en bas du dos. Asmaa s’est faite belle vraiment. Après deux ans et demi terrée
Son mariage annoncé avec la belle Asmaa, l’unité. Sur le chemin, Fahad confiait être pour la venue de son fiancé. Elle a enfilé un chez elle, Asmaa est prête à faire un saut
sa jeune promise de Mossoul, est au cœur de d’abord « tombé amoureux » du père, avant petit chemisier de voile noir à pois blanc sur dans l’inconnu, elle qui n’est même jamais
toutes les conversations. L’histoire d’amour même d’Asmaa. « Mohamed est un homme un pantalon moulant noir, mis ses boucles sortie de Mossoul. Une fois mariés et la ques-
entre ces deux jeunes Irakiens que tout op- que je respecte vraiment. C’est pour cela que d’oreille en or, cerné ses grands yeux noirs tion des études résolue, il est question
pose alimente les ragots des soldats comme j’ai voulu épouser sa fille. C’est une famille res- en amande de khôl et peint sa bouche de qu’elle aille vivre dans sa famille à lui, à Nas-
des Mossouliotes. N’était la guerre, rien ne pectable et éduquée, typique de Mossoul », ex- rouge. Des atours qu’elle enveloppe d’une siriya, à plus de 750 kilomètres de chez elle.
prédisposait le soldat des forces antiterroris- pliquait-il. grande abaya noire le temps d’aller vérifier La jeune femme assure que cela ne l’effraie
tes, ce Bédouin de la tribu des Chammar ori- Ce n’est que plus d’un an plus tard qu’il a la cuisson du pain dans la cour intérieure de pas de devoir quitter Mossoul pour se re-
ginaire de Nassiriya, dans ce Sud majoritaire- avoué avoir eu aussi un coup de cœur pour la maison, au cas où elle croiserait les re- trouver dans cette contrée inconnue, dans
ment chiite, prompt à troquer l’uniforme Asmaa, la seule fois où il l’a entrevue avant gards de voisins curieux à leurs fenêtres. une famille qu’elle ne connaît pas.
0123
SAMEDI 4 AOÛT 2018 | 17
« PARTOUT DANS LE
MONDE, DANS CHAQUE
MANIFESTATION
ANTIAMÉRICAINE, ON
VOIT DES GENS QUI
PORTENT DES JEANS »
Entretien normes généralement acceptées du com- Vous écrivez que, pour parvenir à
passe-t-on de l’attirance pour la culture
américaine ou ses produits au soutien à la
portement international, et que l’Etat qui instaurer une forme de domination, politique étrangère des Etats-Unis ? L’atti-
opère la persuasion est respecté pour son la Chine combine pouvoir économique rance qu’ils éprouvent pour les produits
Pourquoi ?
voir qui se transmue en influence. En réa-
lité, les capacités matérielles ne sont
PUISSANTS BLOCS la société internationale si elles sont capa-
bles de vivre en paix les unes avec les
Le paradoxe de la puissance américaine qu’une des sources de la puissance, et la INDÉPENDANTS, ET UNE autres. Cela empêche une puissance domi-
est dû à la différence entre puissance et in- puissance n’est qu’une des sources de l’in- nante particulière de rechercher l’hégémo-
fluence. Cette dernière consiste à convain- fluence. C’est pourquoi je me refuse à col- CONSIDÉRABLE LIBERTÉ nie et la contraint à prêter plus d’attention
cre les autres de faire ce que vous souhai- ler une étiquette sur le monde actuel. Les à ses alliés et aux autres Etats. p
tez. Cela est d’autant plus facile quand les réalistes, bien entendu, se querellent D’ACTION AU SEIN DE propos recueillis par
autres pensent que ce que vous leur de- autour de la question de savoir s’il est uni, CE QUE L’ON APPELAIT gaïdz minassian
mandez de faire va aussi dans le sens de bi- ou multipolaire. Leurs désaccords mon-
leurs intérêts, que cela n’enfreint pas les trent à quel point le concept est mal défini. LE BLOC OCCIDENTAL » FIN
0123
SAMEDI 4 AOÛT 2018 débats & analyses | 19
Les brexiters UNE CROISSANCE sière d’Apple vient de franchir les 1 000 mil- péenne, le gouvernement américain s’est vu
AMÉRICAINE
doivent prendre EN TROMPE-L’ŒIL
liards de dollars.
Pour flatteuses qu’elles soient, ces données
ne décrivent toutefois qu’une partie de la réa-
contraint de faire un chèque de 12 milliards
de dollars pour aider ses agriculteurs. La
chambre de commerce américaine a calculé
E
Par DENIS MACSHANE « anglosphère » (les nations anglo- t si Donald Trump avait raison, finale- sortie de récession. Or l’économie améri- baisses d’impôts et la croissance devraient at-
phones du monde). Tout sauf l’Eu- ment ? Les derniers chiffres de l’écono- caine tourne à plein régime. Cette politique tirer les capitaux. Cette guerre est d’autant
HORS-SÉRIE
règles du jeu – toutes les règles – ou mettre que dans certains secteurs. Les fonction- discutés à la fois le Brexit et les questions
la main au portefeuille. Il doit ou faire par- naires de Bruxelles rétorquent générale- de sécurité, en deviennent d’autant plus
tie du marché commun ou en être exclu. Il ment que cela est dû au contexte politique importants.
& CIVILISATIONS doit ou se placer sous l’autorité de la Cour extraordinaire. Au moment de la signa- « Brexit veut dire Brexit » a été l’antienne
de justice de l’Union européenne ou perdre ture des accords, les deux pays étaient de la première ministre britannique. Mais
L’ÈRE tout accès à ses données. censés être engagés dans une trajectoire elle a tort. En fait, Brexit veut dire beaucoup
DES EXPLORATIONS Le problème, c’est que Mme May est très
probablement incapable de faire accepter à
d’adhésion. Mais tous les contextes politi-
ques sont extraordinaires. Et le Brexit ne
plus. L’enjeu des négociations n’est pas seu-
lement la relation du Royaume-Uni avec
DE CHRISTOPHE COLOMB ses électeurs les options qui s’offrent à elle. fait pas exception. Les gains potentiels de l’UE, mais un réseau complexe de liens poli-
AU CAPITAINE COOK
Du fait du « filet de sécurité irlandais » la coopération sont importants et de- tiques dont l’importance dépasse large-
(« Irish backstop »), une entente a minima vraient faire réfléchir ceux qui mettent les ment les considérations des coûts et des
– selon le modèle de l’accord bilatéral de li- prétendus principes au-dessus des résul- avantages de l’intégration économique. Un
bre-échange signé en 2014 entre Bruxelles tats pratiques. certain nombre d’universitaires et de poli-
Un accord de type Canada affaiblirait la ticiens de haut niveau ont récemment
coopération en matière de sécurité et plaidé en faveur d’une solution qui exigera
aurait ainsi des conséquences pour tous les une certaine flexibilité des deux côtés.
LE PROBLÈME EST QUE Etats européens. De plus, un accord dom-
mageable sur le plan économique (Canada)
Nous attendons de voir si les Etats mem-
bres penseront qu’il vaut la peine de faire
L’UE EST, À DESSEIN, ou politique (Norvège) aura des répercus- preuve de cette flexibilité. p
sions très importantes sur l’avenir. Lorsque
ENCLINE À MINIMISER le ministre des affaires étrangères, Jeremy
Hunt, déclare que l’état d’esprit des Britan-
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX LES PROBLÈMES niques vis-à-vis de l’UE sera rendu acerbe ¶
DE POLITIQUE « pour une génération » en l’absence d’ac- Anand Menon est professeur
UN HORS-SÉRIE DE 148 PAGES - 9,90 € cord, ce n’est pas une menace, mais – pis – au King’s College de Londres et directeur
ET DE GÉOPOLITIQUE un constat, ou un aveu. L’aveu que notre du think tank UK in a Changing Europe
20 | 0123
SAMEDI 4 AOÛT 2018
MA CHANSON
D’AMOUR
MICHEL-ÉDOUARD
LECLERC
« LES MOTS BLEUS »
DE CHRISTOPHE
Michel-Edouard Leclerc, 66 ans, est
PDG de l’enseigne de grande distribu-
tion E. Leclerc, fondée par son père,
Edouard Leclerc.
Un été à
Brégançon
5
carte blanche à
La photographie de couverture
a été réalisée par Frankie & Nikki
pour M Le magazine du Monde.
7
Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Le Monde. Frankie & Nikki. Clément Ghys. Pascale Nivelle. Julien Soulier
résidence présidentielle, c’est Fort Knox. l’ancienne : impers et feutres au pla-
Je n’aurais jamais pensé y entrer un jour. card, en maillots de bain avec nos
Ce reportage, qui avait plutôt mal bananes solidement attachées à la taille,
commencé, s’est subitement transformé nous avons cru, l’espace de quelques
en expérience unique… La magie du jours, mener une enquête classée
journalisme! » (p. 19) confidentielle. » (p. 19)
Clément Ghys est journaliste à pasCale nivelle, journaliste et Julien soulier est un photo-
M Le magazine du Monde, chargé partenaire régulière de M, a réussi à graphe et réalisateur parisien. Pour M, il
notamment de la coordination des attraper Jean Rolin, drôle d’oiseau aussi a approché Jean Rolin et ses oiseaux. Ses
pages culture. Pour ce numéro, il s’est farouche que le traquet kurde, objet de travaux expriment une passion pour les
replongé dans l’histoire de la bande son dernier roman. Ce grand voyageur, univers réalistes vecteurs d’histoires
du Théâtre des Amandiers à Nanterre. qui arpente le monde depuis près d’un fortes. Il a collaboré avec des magazines
Ou comment, dans les années 1980, demi-siècle, observe sous toutes les comme Vice, GQ et i-D, et avec les
la figure tutélaire de Patrice Chéreau latitudes la disparition des oiseaux. artistes Rejjie Snow, Tommy Genesis ou
a fait émerger un groupe d’apprentis Grand érudit, l’écrivain nous parle de Rone. Sa série de photographies autour
comédiens (Valeria Bruni-Tedeschi, sa passion ornithologique avec nostalgie du Demolition Derby, au Canada, a
Marianne Denicourt, Agnès Jaoui ou et humour. (p. 34) été exposée à la CAN Paper Gallery,
Vincent Perez…) appelés à revigorer à l’occasion des Voies off des Rencontres
le cinéma français. (p. 26) de la photographie d’Arles. (p. 34)
9
Thomas Porcher,
économiste
médiatique,
le 9 juillet,
à Paris.
2— La casse dominante.
photo James oatway
À Evaton, cité démuniE au Sud dE JohannESburg, une femme vient de se faire expulser de
son lieu de résidence. En Afrique du Sud, les agents de la société de sécurité privée
Red Ants (« fourmis rouges ») n’hésitent pas à employer la force contre les occupants Jusqu’au 1er septembre,
illégaux de bâtiments, au nom de propriétaires privés ou de collectivités locales. M Le magazine du Monde
présente chaque semaine
En documentant ces interventions musclées, le photographe sud-africain James un cliché tiré d’un
Oatway brosse le portrait de la brigade redoutée et met le doigt sur un conflit reportage sélectionné
persistant : celui qui oppose les riches propriétaires aux citoyens démunis. La situation au 30e festival international
de photojournalisme
de l’État, incapable de faire régner la loi, ni de répondre aux besoins de logement Visa pour l’image, du 1er au
des habitants, témoigne de la fracture sociale qui divise la « nation arc-en-ciel ». 16 septembre, à Perpignan.
À Jérusalem,
3—
multiplient pendant les périodes de fêtes juives.
Des fouilles sont bien effectuées dans le parc archéo-
Juifs et Arabes
logique de Jérusalem (centre Davidson), proche de la
façade méridionale du mur des Lamentations, où des
vestiges du second Temple auraient été découverts.
leurs lamentations.
nommée Elad, qui milite pour l’implantation juive dans
la vieille ville et gère une partie des tunnels en sous-
sol. Mais elle assure ne pas intervenir sous le site
L’incident aurait pu faire L’objet d’une simpLe chronique de l’esplanade des Mosquées. Si Elad a obtenu de la
dans un buLLetin archéoLogique. Mais, lundi 23 juillet, municipalité la gestion du parc archéologique, elle n’a,
la chute d’un bloc de pierre du mur des Lamentations en revanche, toujours pas reçu l’aval des autorités
a réveillé les vieux démons concernant la gestion israéliennes, frileuses dans ce dossier.
des lieux saints à Jérusalem. Lourde d’environ 100 kg, La protection de la mosquée Al-Aqsa contre l’occu-
la pierre antique, qui s’est détachée de la paroi pant sioniste israélien fait partie de la rhétorique de la
du Mur avant de s’écraser au sol, ne sera pas remise en résistance palestinienne. Elle est parfois utilisée
place de sitôt. Les archéologues israéliens entendent comme justification du passage à l’acte contre des juifs
d’abord explorer les causes de cet effondrement. Et, israéliens. Selon les réseaux sociaux, la dernière
pour que la restauration ait lieu, un consensus doit être attaque au couteau perpétrée par un jeune Palestinien,
établi entre toutes les parties concernées, notamment le 26 juillet dans la colonie israélienne d’Adam,
la Jordanie, gardienne des lieux saints musulmans de en Cisjordanie, aurait été motivée par la protection
Jérusalem, et Israël, qui occupe la partie Est de la Ville d’Al-Aqsa. Elle pourrait en entraîner d’autres, si les reli-
sainte, donc la vieille ville. Or, si les deux pays se parta- gieux musulmans décident de « souffler sur les
gent sans souci majeur la gestion des sites, le premier braises » en accusant Israël de creuser des tunnels
accuse cette fois-ci le second de faire cavalier seul. sous l’esplanade, redoute Ofer Zalzberg. Malgré tout,
Sur place, la configuration des lieux cristallise les l’Autorité israélienne des antiquités entend bien pour-
enjeux, autant politiques que théologiques. Haut lieu suivre l’enquête sur la pierre tombée, tout en
du judaïsme, le mur des Lamentations est l’unique ves- déployant des mesures pour sécuriser les parties du
tige du mur de soutènement du second Temple juif mur des Lamentations fréquentées par le public. Des
détruit sous l’empereur romain Titus en l’an 70. Juste ingénieurs, des conservateurs et des archéologues ont
au-dessus s’étend l’esplanade des Mosquées, troisième commencé à examiner le site, tandis que des tests
lieu saint de l’islam. « Chacun considère que les murs auraient été réalisés pour établir si la pierre pourra, un
relèvent de sa seule responsabilité, explique Ofer jour, être remise en place.
Zalzberg, analyste au centre de réflexion International Loin de toute logique scientifique, certains religieux
Crisis Group. Pour les musulmans, Al-Buraq [l’ancien juifs voient dans la chute d’une pierre du Kotel, la
nom arabe du mur des Lamentations] fait partie dernière signalée datant de 2004, un message divin,
du complexe de la mosquée Al-Aqsa sur l’esplanade. voire une mise en garde de Dieu à destination des juifs.
Alors que les Israéliens considèrent que le Kotel Shmouel Rabinowitz, le rabbin responsable du Mur,
Le bloc de pierre
[son appellation côté juif] est à eux. » La restauration considère qu’après cet « incident rarissime et incom- (à gauche) qui
du site endommagé dépend donc d’une reconnais- préhensible », un véritable « examen de conscience » s’est détaché,
le 23 juillet, du mur
sance mutuelle de la présence légitime de l’autre s’impose aux fidèles juifs. En attendant une éventuelle des Lamentations
n’a fait aucune
partie. Ce qui ne semble pas près d’arriver. restauration, le bloc tombé est conservé dans les victime. Mais il a
À la suite de l’incident du 23 juillet, les autorités locaux de la Fondation israélienne du patrimoine ravivé les tensions
sur la gestion
palestiniennes, religieuses comme politiques, ont, du Mur occidental, dans la vieille ville. Claire Bastier des lieux saints.
une nouvelle fois, accusé Israël de mener des travaux
d’excavation en dessous de l’esplanade des Mosquées.
Selon Osama Qawasmeh, porte-parole du Fatah
de l’Autorité palestinienne, ou encore le mufti de
Jérusalem, Mohammed Hussein, les fouilles entreprises
viseraient à détruire la mosquée Al-Aqsa afin d’y édi-
fier le troisième Temple juif. L’argument est souvent
invoqué, notamment lorsque les visites de nationalistes
sur le mont du Temple (l’esplanade des Mosquées) se Ahmad Gharabli/AFP. Gali Tibbon/AFP
I
le grand défilé 1986, génératIonnel.
Étienne
est-ce une tenue pour rencontrer
son public ? de toute évidence, oui.
étienne daho, 30 ans, sort
Daho.
que certains journalistes parlent
d’une « génération daho ».
tandis que d’autres (au moins nous)
se prennent à rêver que des hordes
de fans enfilent un blazer college,
un jean naturellement usé et une paire
Le chanteur fait La tournée de chelsea de chez Weston
des festivaLs pour défendre pour se trémousser doucement
“BLitz”. un nouveau raid sur Tombé pour la France. comme
quoi, on a les rêves qu’on mérite.
d’éLégance pop ?
par marc beaugé
III II
2005, transculturel. 1987, DysfonctIonnel.
après une décennie 1990 Le rêve est vite passé : étienne daho
en demi-teinte, le chan- a été sauvagement rattrapé par
teur a retrouvé la forme et son époque. de fait, cet improbable
enchaîne les titres avec spencer (mais, bon sang, pourquoi
charlotte gainsbourg, ce revers mi-cuir ?) et cet irritant trilby,
dani ou encore Marianne un chapeau au bord relevé au nom
faithfull, démontrant un inspiré par le roman Trilby,
sens inné du duo. Même si de george du Maurier, nous
celui entre un jean artifi- rappellent que les eighties furent
ciellement usé et une che- globalement atroces d’un point
misette en madras, un de vue stylistique. et musical, aussi.
tissu estival originaire Mais là, daho n’y est pour rien.
d’inde (précisément, et
logiquement, de l’an-
cienne ville de Madras,
aujourd’hui appelée chen-
nai), nous apparaît
quelque peu contestable.
Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Bertrand Rindoff Petroff/Getty Images (X3).
IV V
2006, InsurrectIonnel. 2018, opératIonnel. Tony Barson/WireImage. Marc Piasecki/WireImage
George
Sand
L’insoumise
Vue par Beauvoir, Sagan, Balzac, Baudelaire, Flaubert, Hugo…
Et aussi : chronologie, portfolio, lexique et bibliographie.
À Brégançon,
en juillet.
T
out a commencé par ce qu’on appelle atteigne mieux qu’à Paris, coincée sur une plage bondée à plusieurs
dans le jargon journalistique « une dizaines de mètres de l’entrée principale de la résidence. On avait été
Un sujet pourri, le
balle perdue ». tentée d’objecter que les journalistes envoyés sur place l’été d’avant
reportage que personne ne veut n’avaient rien « ramassé », mais on s’était tu, se disant que l’on trouverait
faire, l’idée saugrenue d’un rédac- bien matière à noircir quelques lignes qui seraient lues distraitement
teur en chef soucieux de remplir ses le lendemain par des vacanciers les pieds dans l’eau. Arrivée sur place,
pages en plein mois d’août. De on s’est mise à faire ce que les confrères avaient fait l’année précédente:
celles, émises à voix haute, que les arpenter les alentours dans une voiture de location à la recherche de
plus expérimentés font mine de ne ceux qui auraient croisé le chef de l’État et son épouse. À part Didier
pas entendre, se tassant derrière leur Hascoët, le curé de l’église Saint-Trophyme de Bormes-les-Mimosas,
écran d’ordinateur dans l’espoir de se faire oublier. La balle perdue où le couple assistait de temps à autre à la messe, plutôt loquace, mais
touche généralement le dernier arrivé, le plus disponible, le moins dont l’honnêteté pousse à reconnaître qu’il n’avait guère de révélations
roué. Jeune journaliste à Libération, je cochais alors toutes les cases. stupéfiantes à faire, on n’avait pas grand-chose à se mettre sous la plume
Ma mission au cœur de cet été 1996: me rendre au fort de Brégançon, puisque rien ne filtrait de ce que le président faisait de ses journées.
à Bormes-les-Mimosas, dans le Var, où Jacques Chirac passait ses Jacques Chirac a adopté Brégançon dès son élection. Il adore la Côte
vacances jusqu’au conseil des ministres du 28 août.À l’époque, les pré- d’Azur où il a vécu pendant cinq ans lorsqu’il était enfant. À peine élu
sidents pouvaient disparaître trois semaines l’été sans que l’opinion ne en 1995, il passe au fort une bonne partie de son été. Il y sera photogra-
s’en émeuve. Et les journaux avaient suffisamment d’argent pour phié remontant de la plage privée cachée à l’arrière du bâtiment dans
envoyer un rédacteur là où il n’y a a priori rien à voir, à faire ou à écrire, une tenue qui avait fait sourire: bermuda et chaussettes noires dans des
« au cas où ». « Au cas où », ce sont précisément les termes employés chaussures de ville. Il aurait pourtant pu prendre le lieu en grippe. En
par mon supérieur pour justifier de m’expédier sur la Côte d’Azur afin 1976, Valéry Giscard d’Estaing, dont il était alors le premier ministre,
d’y raconter l’irracontable: un président en villégiature, invisible, pro- l’avait invité à passer le week-end de la Pentecôte dans la résidence,
tégé par les hauts murs de l’ancien fort militaire racheté par l’État. dans le but affiché de détendre leurs relations devenues de plus en plus
Un an auparavant,Jacques Chirac avait raflé la mise en écrasant Édouard crispées. Rien ne se passa comme prévu. Au lieu d’amadouer son chef
Balladur, le chouchou des sondages, puis en battant Lionel Jospin au de gouvernement, Giscard l’humilia en lui infligeant un dîner avec…
second tour de la présidentielle. Revenu du fin fond du désert dans le son professeur de sport. Chirac était reparti furax. Cette mauvaise
costume du loser sympathique, il avait conquis le cœur des électeurs manière scella la rupture entre les deux hommes : « L’épisode de
grâce à son discours sur la fracture sociale soufflé par Philippe Séguin.À Brégançon me confortera dans l’idée que je n’ai plus grand-chose en
peine élu, retour au réel et changement de cap. En nommant Alain commun avec ce président », écrivit Jacques Chirac dans ses Mémoires.
Juppé au poste de premier ministre, il fait un choix politique, celui de Quelques semaines plus tard, il démissionnait.
la rigueur. Remisée, donc, la fracture sociale de la campagne victorieuse Brégançon fait partie des cinq résidences présidentielles avec l’Élysée,
de 1995, place à l’orthodoxie budgétaire pour faire face à l’échéance de l’hôtel de Marigny, le palais de l’Alma à Paris et la Lanterne à Versailles.
l’euro. Alain Juppé s’est attelé à la tâche dès la victoire, lançant une La forteresse, intégrée au royaume de France au xiiie siècle, a obtenu
réforme de la Sécurité sociale qui entraîna une des plus importantes ce statut en 1968 après avoir subi une rénovation express et coûteuse
mobilisations syndicales de cette fin du xxe siècle avec trois semaines (trois millions de francs de l’époque).Ajout de chambres, création d’un
de grèves massives en décembre. Après avoir affirmé être « droit dans appartement présidentiel au premier étage, pose de boiseries, restaura-
ses bottes », il a dû reculer, conservant le soutien de Jacques Chirac qui tion des cheminées et parquets, nouveau mobilier.Autant de dépenses
dénoncera le soir du réveillon en guise de baroud d’honneur « le conser- qui ne servirent à rien: le Général détestait le lieu depuis qu’il y avait
vatisme de la société française ». C’est donc après cette année mouve- passé une nuit atroce, attaqué par les moustiques dans un lit trop court
mentée que Jacques Chirac part souffler à Brégançon. pour son 1,96 m en 1964 à l’occasion de l’inauguration d’un monument
Comme l’été précédent, l’Élysée a fait savoir que le premier ministre aux morts à Toulon. C’est sur l’insistance du député du Var de l’époque,
Alain Juppé passera le week-end du 24 et 25 août au fort avec son René-Georges Laurin, qu’il rangea ses mauvais souvenirs au placard et
épouse. Le genre d’information donnée à la presse pour indiquer que signa le rattachement au patrimoine de l’Élysée.
l’exécutif travaille tout de même un peu entre baignades et bronzette. Son successeur, Georges Pompidou, plus petit et grand fan de la Côte
Un message de bonne entente surtout entre le président et son chef de d’Azur,raffolait,en revanche,de l’endroit,de son panorama à 360 degrés
gouvernement, alors que des rumeurs de démission d’Alain Juppé ont sur la Méditerranée et le massif des Maures, de sa vue à couper le
secoué les marchés financiers. Ce n’est pas la première fois que Brégan- souffle sur les îles de Port-Cros, de Porquerolles et du Levant. Quand
çon sert de cadre à des mises en scène politiques. François Mitterrand, il était premier ministre du général de Gaulle, le président lui avait
qui n’aimait pas le lieu, s’y rendit toutefois de temps à autre pour y fermement demandé de mettre en veilleuse son goût pour le luxe, les
recevoir des chefs d’État étrangers comme Helmut Kohl en août 1985. voitures de sport, les vedettes et les mondanités. « Terminées les
Plus tard, Nicolas Sarkozy y conviera son premier ministre François vacances à Saint-Tropez, désormais vous irez en Bretagne ! », lui avait-
Fillon et Hollande y invitera Manuel Valls. Autant de cartes postales il ordonné, comme le raconte Guillaume Daret dans son ouvrage
destinées aux photographes sans que rien ne soit dévoilé du contenu Le Fort de Brégançon. Histoire, secrets et coulisses des vacances prési-
des discussions entre les protagonistes. Emmanuel Macron ne dérogera dentielles (éditions de l’Observatoire, 2018). Devenu président à son
pas à la règle. Fuyant les tumultes de l’affaire Benalla, il devait y recevoir tour, Pompidou a estimé que Brégançon était le lieu idéal pour conci-
ce vendredi 3 août la première ministre britannique,Theresa May, avant lier sa passion de la Côte d’Azur tout en restant discret. Car au-delà de
d’y séjourner une quinzaine de jours. l’image de lustre et de puissance qu’elles donnent à la République,
Le « au cas où » de mon chef faisait référence à ça, cette infime les résidences présidentielles ont pour principale utilité de permettre
probabilité que quelque chose filtre de l’imposante bâtisse et nous à leurs locataires d’aller se reposer à l’abri des regards et en toute •••
1 2
Le président et Jacques
Pompidou et Chirac, en 1996
son épouse dans (3), adoptent
les jardins du fort la demeure
en 1969 (2) et estivale. Sarkozy
au milieu de la (5) y séjourne
foule en 1971 (1). brièvement,
Valéry Giscard avant de lui préfé-
d’Estaing, ici en rer le cap Nègre
janvier 1981 (4), de la famille Bruni.
5
Le fort de
Brégançon
fait partie
des demeures
présidentielles
depuis 1968.
••• sécurité. Pompidou fut le premier à ouvrir la bâtisse aux caméras par un président, en présence du premier ministre, dans l’une des
de télévision, recevant les journalistes clope au bec et sans cravate à résidences les mieux gardées de la République française, c’est pour un
l’été 1970. Son épouse, Claude, modernisa la décoration et Brégançon journaliste politique un peu comme si un fan de football se voyait
devint « the place to be » attirant, chaque été, les amis artistes du proposer un entraînement avec Lionel Messi. Encore faut-il être en
couple comme Pierre Soulages et Niki de Saint Phalle. Valéry Giscard condition. Et il faut avouer que nous ne l’étions pas vraiment.
Keystone-France/Gamma-Rapho. AFP. Aim-Fonlupt/Gamma-Rapho. Gilbert Tourte/Gamma-Rapho. Patrick Blanchard/Photopqr/Nicematin/Maxppp
d’Estaing, lui aussi, fit du lieu un atout de communication politique. Au fil des journées, le soleil varois avait attaqué les cerveaux les plus
Soucieux de se présenter en « Français comme les autres », il fit sen- vifs et une douceur émolliente avait insidieusement pris le pas sur le
sation en arrivant au volant de sa voiture et en s’incrustant sur les ter- professionnalisme. Les hommes avaient abandonné leurs tenues de
rains de tennis de ses fortunés voisins pour taper la balle avec eux. ville pour les remplacer par des shorts de bain à fleurs, à la mode ces
On était loin de cet esprit d’ouverture en ce mois d’août 1996. La forte- années-là. Les femmes, elles, déambulaient en paréos. Claude Chirac,
resse semblait avoir retrouvé sa vocation première: l’inaccessibilité. Du conseillère en communication de son père, ne nous laissant évidem-
moins pour nous autres journalistes. On finit donc par s’installer sur la ment pas le temps d’aller nous changer dans nos hôtels, il fallut faire
plage du hameau de Cabasson « au cas où ». Là, une petite routine avec les moyens du bord. Les confrères abordèrent à la hâte les vacan-
s’organisa entre bains de mer et boissons fraîches à l’Oasis Beach, où le ciers arrivant sur le parking, qui pour quémander une chemise, qui
propriétaire servait la « salade président » (saumon, avocat, tomates et pour louer un pantalon digne de ce nom. Les femmes enroulèrent
sauce aux fines herbes), échange de magazines et de maigres informa- leurs étoles aux motifs tribaux autour de maillots de bain pas encore
tions, avec cette récurrente question posée mécaniquement: « Ça bouge secs, et c’est chaussée de tongs ou de sandales, les pieds encore ensa-
là-haut? ». Quelques jours plus tard, on rédigeait un article sur les pho- blés, que notre petite troupe d’une quinzaine de personnes se hissa à
J
tographes qui passaient l’été à attendre sur le sable ou sur des bateaux l’assaut du fort niché sur un piton rocheux de 35 mètres de haut.
à moteur pour essayer de prendre des clichés du président. On racontait
l’ennui, Francis Cabrel qui grésillait dans les haut-parleurs du bar de la
plage, leurs tours en Zodiac, leurs combines pour repérer les mouve-
ments à l’intérieur du fort, l’usage des téléobjectifs et l’utilisation des acques chirac ultra-bronzé, vêtu d’un pantalon de
talkies-walkies pour communiquer entre eux (les téléphones portables toile verte et d’une chemisette jaune poussin, pieds
étaient encore une denrée rare). On écrivait comment, début août, nus dans ses chaussures (c’était bien la peine de
Claude Chirac leur avait « donné » une photo, Chirac poussant le landau s’être fait du mouron pour notre tenue, s’était-on
de son petit-fils Martin, grand-père attentif et épanoui, le cliché avait dit), nous accueille, flanqué d’un Alain Juppé en
fait la « une » de Paris Match. Les photographes n’étaient pas contents. polo bleu, plus pâlot certes, mais presque souriant.
On les avait qualifiés de « paparazzi ». On s’était fait engueuler. Les La conversation démarre sur une note badine – c’est
mêmes, objectifs au poing, immortaliseront quelques années plus tard les vacances après tout –, le président expliquant que son épouse et
les premières baignades de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni (qui pré- celle d’Alain Juppé se sont rendues le matin même à l’église du Lavan-
féreront bien vite le confort de la résidence du cap Nègre appartenant dou pour une messe célébrée par un missionnaire zaïrois, « en situation
à la famille de la chanteuse) puis celles de François Hollande et de sa régulière, je vous rassure! », s’esclaffe-t-il. La veille, à Paris, les forces de
compagne d’alors, Valérie Trierweiler. l’ordre évacuaient brutalement près de 300 Africains sans papiers qui
On en était là en cette fin août 1996, lorsque l’un des nôtres arriva en occupaient l’église Saint-Bernard, provoquant une vive émotion dans
courant, slalomant essoufflé entre les serviettes de plage, une feuille de le pays et à l’international.C’était l’époque où les migrants d’aujourd’hui
papier à la main. Ce confrère venait nous transmettre une invitation à étaient appelés « sans papiers » et où une grande partie de l’opinion
nous rendre « sans micros ni caméras » au fort pour y rencontrer Jacques jugeait inhumain de ne pas régulariser les clandestins. Ce week-end-là,
Chirac et Alain Juppé qui avait fini par arriver. Être convié au débotté Le Monde titrait sur quatre colonnes à la « une » « MM. Chirac et •••
••• Juppé préparent la rentrée à Brégançon tandis que les Africains sans
papiers sont expulsés ». Interrogé sur l’évacuation brutale de l’église, le
président nous fait comprendre qu’il n’a pas l’intention de s’appesantir
sur ce dossier épineux, se contentant de dire qu’il n’a « jamais eu la
moindre divergence de vues avec le premier ministre ».
La discussion glisse ensuite sur la politique économique du gouver-
nement. Un grand défi attend alors l’exécutif, la fin du franc et le
passage à l’euro en 1999, étape inquiétante pour nombre de Français
et dont la mise en place donne des sueurs froides aux europhiles les
plus convaincus. Plus question d’emplois subventionnés, de grands
investissements et de nouvelles aides, les bloqués de l’ascenseur social regretteront l’absence sans jamais oser la faire construire de crainte de
sont désormais contraints de rester au rez-de-chaussée ; l’heure est à la froisser l’opinion, jusqu’à Emmanuel Macron, qui, lui, ose tout et à qui
baisse des déficits, à la chasse aux économies, à la pression fiscale. l’opinion semblait (presque) tout passer – c’était avant l’affaire Benalla.
Devant nous, ce jour d’août 1996, le chef de l’État se veut pourtant De toute façon, Bernadette n’aime pas se baigner. Son truc à elle,
rassurant: « On a, je crois, passé le plus difficile. » « Nous entrerons c’était plutôt la botanique et la voilà qui entraîne une partie d’entre
au début de l’année prochaine dans la troisième phase de l’action nous dans le luxuriant jardin où se dressent pins, mimosas et oliviers,
gouvernementale, celle du maintien strict de la baisse des dépenses et égrenant les noms des fleurs comme d’autres ceux du Who’s Who.
du début de la diminution des prélèvements obligatoires. » Une baisse Resté à l’intérieur,Thierry Rey, le compagnon de Claude Chirac, nous
d’impôts programmée sur cinq ans dont les Français devraient bientôt félicite en aparté pour la « une » de Libération au lendemain de l’éva-
voir les premiers effets, martèle-t-il. Alors que les journaux prédisent cuation de Saint-Bernard qu’il a trouvé « géniale ». On y voyait les
une « rentrée chaude » avec, en plus des dossiers économiques et bud- forces de l’ordre attaquer la porte de l’église à la hache avec cette
gétaires, le sujet corse et celui de l’immigration, le président estime citation du ministre de l’intérieur, Jean-Louis Debré, incrustée sur
que « la situation est contrastée, il est caricatural de dire que tout va la terrible photo: « Avec humanité et cœur ».Avec l’air de se demander
mal. Nous sommes dans un processus de rétablissement ». La bonne ce qu’il fait là (le couple se séparera peu de temps après), le gendre ne
vieille méthode Coué, grand classique de la communication politique prend même pas la peine de baisser la voix et se fait rapidement, mais
quand tous les indicateurs sont au rouge. fermement, évacuer de la pièce par Claude Chirac.
La conférence de presse informelle achevée, Bernadette Chirac pro- Il est temps de nous demander de quitter les lieux, point trop n’en
pose un rafraîchissement et un rapide tour du propriétaire. Un buffet a faut. On jette un dernier coup d’œil avant d’être reconduit à la porte,
été dressé dans l’un des salons du rez-de-chaussée. Nous ne sommes devinant qu’on ne sera pas convié à nouveau au fort de sitôt. Le duo
pas conviés à monter à l’étage ni dans le bureau présidentiel situé dans exécutif nous salue, souriant. L’opération de communication leur paraît
la tourelle. La décoration est sommaire, la bâtisse, aux murs blanchis à réussie. Ils ont montré, semblent-ils penser, l’image d’un couple uni
la chaux, a des airs de maison provençale avec ses tommettes au sol. et solide, une détermination sans failles. « Juppé et moi nous tra-
Aucun luxe apparent. Si le fort a été peu à peu équipé de toutes les vaillons ensemble depuis très longtemps et je suis persuadé que nous
technologies modernes, il reste simple. L’épouse du chef de l’État glisse continuerons ensemble encore très longtemps », a répété Jacques
d’ailleurs quelques remarques sur son inconfort, les fenêtres en simple Chirac. Quelques mois plus tard, en mars, soucieux de donner à son
vitrage qui tremblent à chaque coup de vent, les ouvertures étroites qui poulain une majorité plus confortable, il décidera de dissoudre
ne laissent guère passer la lumière. Et puis, « il n’y a même pas de l’Assemblée nationale. Un fiasco qui portera la gauche au pouvoir,
piscine… », note-t-elle. Cette fameuse piscine dont tous les présidents balayant Juppé, et sonnant le glas de son septennat.
La comédie humaine
selon Patrice Chéreau.
Boulez, détesté puis adoré. Ou comme avec comédiens. « On essuyait un peu les plâtres », avaient été pris », se souvient la comédienne.
ses mises en scène de pièces de Bernard-Marie raconte Catherine Tasca. « C’était important d’avoir un groupe uni,
Koltès ou de Jean Genet, qui ont fait sensation C’est cette promotion,la deuxième et dernière, confirme Véronique Saavedra, alors chargée
au Théâtre des Amandiers de Nanterre. qui restera dans l’histoire du théâtre et du de la gestion de l’école. La première promo-
À la télévision, Chéreau évoque le casting de cinéma français. Si deux élèves sont morts tion était remplie de “natures”. La seconde
son film : « On fait le pari de visages jeunes, (Thierry Ravel et Foued Nassah), et quelques- avait été pensée comme un casting. » Hélène
de visages nouveaux, dont j’estime que ce sont uns ont quitté le métier, beaucoup y ont percé. de Saint-Père ajoute : « Il ne faut pas se men-
les comédiens de demain. » Seuls deux d’entre Un cas sans autre équivalent que celui, trente tir, il y avait une homogénéité physique.
eux sont à Cannes: un Suisse, Vincent Perez, ans plus tôt, au début des années 1950, du Personne n’était moche. »
et une Franco-Italienne, Valeria Bruni- Conservatoire d’art dramatique de Paris, qui Les lauréats ont tous des parcours différents :
Tedeschi. Lui s’est fait prêter un smoking trop accueillait des Annie Girardot, Françoise il y a deux anglophones de naissance (Laura
grand, et est surexcité d’être là. Depuis des Fabian, Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Benson et Dominic Gould), trois Suisses
années, il rêve d’être une star. Elle est plus Marielle, Claude Rich ou Jean Rochefort. (Bruno Todeschini, Vincent Perez, Bernard
mal à l’aise. Elle a adoré faire ce film, « son Aujourd’hui, les anciens élèves des Amandiers Nissille), un rejeton d’une famille aristocra-
premier bonheur de cinéma ». Depuis le tour- évoquent tous avec émotion cette période, et tique de haute lignée (Thibault de
nage, ses levers très matinaux, les cafés brû- les figures de Patrice Chéreau et Pierre Romans, Montalembert), la fille d’une famille d’indus-
lants avalés avant les prises, elle sait qu’elle respectivement morts en 2013 et 1990. L’un triels turinois installés en France (Valeria
sera actrice. Mais elle ne fait pas la fière, dans d’entre eux, Marc Citti, en a même fait un livre, Bruni-Tedeschi). Deux autres ont été mar-
ce bazar pailleté, seule, sans les autres. Les Enfants de Chéreau (Actes Sud, 2015). qués par des enfances difficiles : Eva •••
••• Ionesco, qui, petite, a servi de modèle aux se souvient de l’effet « galvanisant d’être là, Et de tempérer: « Au moins, ça changeait du
photos érotisantes de sa mère, Irina Ionesco, au milieu d’un lieu qui refusait chaque soir traitement que les hommes du métier réservent
et Franck Demules, qui racontera avoir été trois cents personnes ». aux jeunes comédiennes. »
violé par son tuteur, Christian Hennion, jour- Ces apprentis deviennent vite des petites Chéreau et Romans choisissent des pièces
naliste à Libération. Un pot-pourri qui les vedettes. Les agents, journalistes et autres chorales, mais aucune n’a 19 premiers rôles.
impressionne tous. Sauf Eva Ionesco : « À personnalités du milieu se renseignent à leur Certains sont mal lotis. Les tensions montent
l’époque, je sortais au Palace, et je croisais sujet. Des photographes accourent pour leur aussi vite que les crises de larmes. Franck
des bandes beaucoup plus mélangées. Aux tirer le portrait. Chéreau est ravi. Il adore les Demules: « Il y a eu quelques patates échan-
Amandiers, il n’y avait pas de travestis. » célébrités, se plie en quatre quand une star, gées. » Quant à Hôtel de France, il consacre
L’année 1986 commence. Séances de travail que ce soit Catherine Deneuve ou Jacqueline principalement Vincent Perez, Thibault de
en alexandrins, cours d’expression corporelle, Maillan, vient assister à un spectacle. L’école Montalembert, Bruno Todeschini, Valeria
ateliers divers. L’enseignement n’a rien à voir lui permet de jouer les pygmalions, et de s’im- Bruni-Tedeschi et Laurent Grévill. Lequel a
avec les autres centres de formation d’acteurs. poser auprès d’un milieu du cinéma qui a aussi le rôle-titre de Platonov, présenté à
Dans son ouvrage, Marc Citti écrit : « Com- regardé de haut ses premiers longs-métrages, Avignon,et reçoit toute la pression de Chéreau.
ment décrire une journée type des élèves de La Chair de l’orchidée, Judith Therpauve et « Il devenait tyrannique », dit l’acteur. Pen-
l’école? Il n’en existe pas. » Franck Demules: L’Homme blessé. Déjà, en 1982, il confiait à dant les répétitions, Chéreau explose en vol. Il
« On sentait vraiment que nous étions formés Lucien Attoun, figure du théâtre et journaliste se volatilise pendant quelques jours. À son
par une intelligentsia de gauche, héritière d’un à France Culture, son désir: « Je n’ai pas les retour, l’ambiance est tendue. Laurent Grévill
esprit de 68. » L’esprit a beau être libertaire, moyens de faire un studio de cinéma, alors je lui reproche publiquement son absence. Le
un engagement absolu est demandé. Pierre vais faire une école. » metteur en scène et son premier rôle sont à
Romans se met à quelques centimètres des Les autres comédiens en herbe sont jaloux. couteaux tirés. Au final, la situation se norma-
élèves, leur murmure consignes et encourage- Vincent Perez le reconnaît: « On se la racon- lise. Et le moment attendu depuis un an et
ments. Chéreau invective, pousse à bout. tait. On était les élus, les princes. » Il y a alors demi, l’édition 1987 d’Avignon, arrive.
Laura Benson, aujourd’hui enseignante, peu d’écoles de comédiens, et la concurrence Dans la cité des Papes, les jeunes acteurs
résume : « Dans une école, on a le droit de se est rude. Une rencontre est organisée à logent dans des appartements contigus. La
tromper. Et ce n’en était pas une. On était dans Giessen, en Allemagne, avec les élèves du presse les applaudit. Ils le savent : bientôt, ils
des conditions de professionnels. » Même pour Conservatoire de Strasbourg. « On roulait des devront faire leur preuve hors de la bulle de
ceux qui ont pris des cours, tout est nouveau. mécaniques à fond, c’était hallucinant », dit Nanterre. Lucien Attoun se souvient de son
Thibault de Montalembert voit les Amandiers Hélène de Saint-Père. Les matchs de foot sentiment, devant Platonov, que « les jeunes
comme « un cours de tai-chi »: « On y allait, entre les écoles sont violents, tout comme les acteurs voulaient prouver quelque chose ».
on regardait ce qu’il se passait. On essayait de conversations. Bernard Nissille revoit cet élève Laurent Grévill est engagé par Bruno
suivre, chacun à notre manière. » strasbourgeois, « très intello », s’approcher de Nuytten pour jouer Paul Claudel dans
Chéreau est un acharné. Marianne Denicourt Thierry Ravel, cheveux longs et santiags, et lui Camille Claudel, avec Isabelle Adjani. Agnès
le revoit sur scène, à ne « jamais rien lâcher » : demander « la raison profonde de son désir de Jaoui est déjà en couple avec Jean-Pierre
« On était épuisés, et lui, il continuait, comme scène ». Ce à quoi Ravel répondit par une pro- Bacri et a des projets avec lui.
s’il n’était pas fatigué, alors qu’il était beau- vocation: « Je m’en fous, je suis là pour le fric. » Une rumeur traverse alors le groupe :
coup plus âgé que nous. Il voulait qu’on joue L’esprit de bande n’existe pas que sur scène. Chéreau voudrait en garder quelques-uns,
notre vie. » Un jour, pendant que les élèves Après les répétitions, Patrice Chéreau et les embaucher comme dans une troupe. Les
répètent la scène du banquet de Platonov, la Pierre Romans proposent souvent d’aller bruits de couloir se multiplient. Au final, une
pièce de Tchekhov, quelques-uns sont décon- boire des verres.Au Dos de la Baleine, dans le poignée d’acteurs, dont Marianne Denicourt,
centrés. Chéreau s’énerve. Il prend les verres Marais, ou chez Natacha, à Montparnasse. Marc Citti, Bernard Nissille, Eva Ionesco,
posés sur la table et les lance sur les élèves. Deux établissements ouverts la nuit, où les Thibault de Montalembert, Bruno
Ils passent leurs journées aux Amandiers. Des deux hommes ont leurs habitudes. Thibault Todeschini ou Hélène de Saint-Père sont
amitiés se forment, certains partagent des voi- de Montalembert: « Quand on entrait dans engagés. Certains se sentent laissés sur le
p
tures. D’autres se retrouvent dans le RER. Ils un café, on nous reconnaissait. » Parfois, la carreau. Comme Franck Demules, qui se
restent jusque tard dans la soirée. Les joints soirée se poursuit en boîte, au Palace ou aux souvient de ses larmes de déception.
circulent et les couples se forment. Eva Bains Douches. Mais ce sont surtout les gar-
Ionesco s’en amuse encore : « Les garçons çons qui sont de la fête. Les « adultes » sont
couchaient avec les filles, c’était agréable. » Ils homosexuels, les « jeunes » hétérosexuels. Ce our quelques élus, donc,
font tout ensemble. Les alentours du théâtre qui n’empêche pas l’ambiguïté. Vincent l’aventure se poursuit.
sont encore plus déserts qu’aujourd’hui, il n’y Perez: « On en jouait, évidemment. Il y avait L’ambiance est diffé-
a aucune raison d’en sortir. La pelouse devient une séduction très forte entre nous. Une folie rente. Ils deviennent
un terrain de foot, et la cafétéria, aux menus dans l’air, parfois destructrice mais toujours des acteurs profession-
conçus par Jean-Pierre Coffe, le lieu de ren- au service du travail. » Pour les apprenties nels. Leur salaire, de
dez-vous. Ils assistent aux répétitions des actrices, la donne est différente. Le machisme 12000 francs mensuels,
spectacles, suivent la création de Dans la soli- règne et elles sont moins complices de est aligné sur celui de la Comédie-Française.
tude des champs de coton, pièce phare du dra- Chéreau et Romans, se prennent des savons Ils participent aux pièces des Amandiers :
maturge Bernard-Marie Koltès. Dans les cou- monumentaux en cas de retard ou d’oubli de Ivanov de Pierre Romans, et surtout un
loirs, ils croisent leurs héros : Maria Casarès, répliques. Quand il ne s’agit pas de réflexions Hamlet de Chéreau, avec Gérard Desarthe
Nada Strancar, Michel Piccoli, Bulle Ogier, ou sur le physique. Assez vite, Agnès Jaoui n’en dans le rôle-titre, créé en Cour d’honneur du
même Gérard Depardieu et Barbara, qui tra- peut plus, et, ulcérée par l’emprise de Chéreau Festival d’Avignon en 1988. Le triomphe est
vaillent sur le spectacle Lily Passion. Et le sur tout le monde, songe à quitter l’école. immense, mais la période est difficile. Le père
soir, ils sont là, parmi les spectateurs qui se Marianne Denicourt résume: « Il fallait être de Chéreau est mort pendant les répétitions de
pressent aux spectacles. Marianne Denicourt un bon petit soldat quand on était une fille. » Hamlet. Le sida est là, et tue beaucoup de •••
“On sentait vraiment que nous étions
formés par une intelligentsia de gauche,
héritière d’un esprit de 68.”
Franck Demules
Pénélope Chauvelot/Archives départementales des Hauts-de-Seine/Vincent Lefebvre x12
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E
overdose, comme Thierry Ravel, compagnon acteurs importants pour moi. On fait tous
de Valeria Bruni-Tedeschi. Chéreau clôt son partie de la vie des autres. »
aventure aux Amandiers en 1990.À Libération,
en 2003, il reviendra ainsi sur cette période :
« Ça nous a tous fait vivre très vite, peut-être n réalité, ils ne se sont
trop vite. Et brutalement. À la fin, nous étions retrouvés tous
épuisés, il fallait passer à autre chose. » ensemble, ou presque,
Le voilà qui s’attaque au projet pharaonique de qu’une seule fois, le
La Reine Margot, qui sortira en 1994. Il y offre 16 octobre 2013, à
un rôle à Vincent Perez, devenu un jeune pre- l’église Saint-Sulpice, à
Seydoux-Pathé/1987 Pathé Films/Nanterre Amandiers/Arte France. Caroline
mier du cinéma depuis son rôle dans le Cyrano Paris. Patrice Chéreau
Parent/Archives départementales des Hauts-de-Seine/Vincent Lefebvre.
de Rappeneau, ainsi qu’à Bruno Todeschini, est mort d’un cancer du poumon neuf jours
Sophie Bassouls/Sygma/Getty Caroline Parent, coll. Fondation Jérôme
deux acteurs qu’il retrouvera, comme Valeria plus tôt, et le Tout-Paris vient lui rendre hom-
Bruni-Tedeschi, dans un autre film choral, mage : François Hollande, Aurélie Filippetti,
Ceux qui m’aiment prendront le train (en Bertrand Delanoë, Ariane Mnouchkine, Luc
1998). Quant aux autres, il regarde de loin ce Bondy, Pascal Greggory, Jane Birkin,
qu’ils deviennent. Pour certains, la suite est Dominique Blanc et tant d’autres qui ont tra-
parfois difficile. Les Amandiers leur ont permis vaillé avec lui, ou l’ont connu. Les hommages
d’avoir une petite notoriété… Mais cette se succèdent, la musique de Bach résonne
chance a un double tranchant. « Le problème, contre les peintures de Delacroix que
c’est que beaucoup de metteurs en scène n’ont pas Chéreau adorait. Valeria Bruni-Tedeschi
voulu passer derrière », résume Hélène de prend la parole pour lire une prière. Les autres
Saint-Père. Quant à Laurent Grévill, il ne peut anciens élèves restent discrets, se lancent des
s’empêcher de penser que, après Chéreau, regards d’un banc à l’autre, complices. Liés,
Vincent Lefèbvre x2
E N traiN, eN bus, eN
avioN… les voyages
oNt toujours été uN
t e r r a i N co m p l e x e
niveau de conversation attendue (bla, blabla et
blablabla), mais même si l’on s’est présenté sur
son profil comme peu bavard (bla), on est tenu
de converser un minimum. On peut toujours
pour les bonnes demander ou donner un renseignement «mais
manières puisque s’y ensuite on fait bien d’ouvrir un livre, un journal
mêlent les sphères pour ne pas continuer l’entretien», suggérait la
publiques et privées, Baronne en guise de retraite. Ce qui revient, en
au grand dam de certains passagers qui préfére- covoiturage, à enfoncer ses écouteurs dans ses
raient les voir démêlées: «On ne parle pas de oreilles. Le geste, nous apprend la communica-
ses affaires intimes aux parents, aux amis qui tion de Blablacar,fait partie des comportements
voyagent avec nous, en présence d’inconnus», les plus souvent déplorés dans les commen-
prévenait la Baronne Staffe en 1889 dans son taires: on ne garde pas davantage son casque
livre Usages du monde: règles du savoir-vivre audio en Blablacar qu’en cheminant parmi des
dans la société moderne. Et encore, lorsqu’elle pèlerins sur la route de Compostelle. Seule
accoudoirs.Celui qui a utilisé la prise le premier
aura la délicatesse de la laisser à son voisin une
fois sa batterie à 50%. C’est à lui de le suggérer
spontanément. Mais on ne demande pas :
«Vous êtes à combien de pour-cent?» Lorgner
de trop près le pourcentage de batterie des
autres est aussi grossier que de ne pas regarder
ses amis dans les yeux dans un camp naturiste.
« N’oublions pas non plus de recommander
à l’hôte de pourvoir l’invité de quelques provi-
sions au départ, conseillait la Baronne Staffe.
Il y a des maîtresses de maison qui se font un
plaisir de préparer des paniers de voyage très
confortables, très complets. » Plutôt qu’un
pique-nique, on pourra fournir un câble avec
quittait son pavillon de Savigny-sur-Orge, elle solution pour échapper à un conducteur trop chargeur de voyage pour que notre visiteur en
n’était pas entourée de smartphones au bout bavard: s’endormir. Les chauffeurs préfèrent partance s’évite le ridicule d’être assis par terre,
desquels sont désormais attachés certains les passagers qui font la sieste à ceux qui écou- collé à son rectangle électronique, en cas de
voyageurs. tent leur musique, l’indifférence des premiers retard de train ou d’avion, quand chacun se jet-
C’est l’un des paradoxes de la vie moderne. ne semblant pas intentionnelle. tera sur les prises disponibles en salle d’embar-
L’époque qui a vu les open spaces devenir de “Ne vous parfumez pas à outraNce, car cela peut quement ou d’attente. Répartition de l’espace
plus en plus silencieux est aussi celle qui voit iNcommoder sérieusemeNt vos voisiNs”, recom- encore, « un homme demande pardon aux
de plus en plus d’individus téléphoner, voire mandait la Baronne Staffe. à en juger encore femmes dont il froisse la robe, dont il effleure le
tenir des «conference calls» dans les transports par cette synthèse de Blablacar sur les griefs les pied, en gagnant la place à occuper », écrit la
en commun. Au point que l’on se demande si plus fréquents, il semblerait que certains Baronne.Aujourd’hui,il veillera en plus à éviter
certains n’achètent pas de billets de train pour auraient intérêt à se parfumer un peu plus. Au le «manspreading», ce «syndrome des couilles
y passer des coups de fil.à ce propos, rappelons chapitre « Les riens qui rendent insuppor- de cristal » qui semble obliger les hommes à
que placer sa main courbée devant sa bouche tables», elle cite aussi ces gens qui «lèveront s’asseoir jambes écartées.
tout en parlant dans son portable ne fait pas leurs mains et en rabattront la paume sur le bras Enfin, «l’habitude d’arrêter les gens inconnus,
baisser le son de la voix et donne au mieux l’im- du fauteuil ». Elle était, là, en avance ; les dans la rue, pour leur demander du feu est d’ori-
pression d’utiliser un cure-dents. Les options guerres de territoire de faible intensité se sont gine américaine; une mauvaise éducation seule
mains libres, haut-parleurs, perches à selfie ne multipliées dans les transports en commun permet d’agir ainsi », s’alarme la Baronne.
doivent en aucun cas être utilisées dans les bus, depuis l’apparition des compagnies low cost. « Cependant, ce service ne se refuse pas.» Il est
trains, avions: elles ont été développées dans la Guerre pour le traçage de la ligne de partage impoli – et interdit – aujourd’hui de fumer dans
Silicon Valley, par des ingénieurs qui ne pren- des accoudoirs, pour l’angle d’inclinaison des les transports, sur les transports, sous les trans-
nent jamais les transports en commun notoire- fauteuils, pour la gestion du volet du hublot. La ports, hors des transports, et si l’on se trouve
ment déficients de leur région. bonne éducation impose de ne pas s’arroger dans le rayon de 400 kilomètres d’un autre être
«En wagon ou dans tout autre lieu public, les tous les avantages. S’il n’y a qu’une prise élec- humain. Seule exception, le wagon de tête de
gens bien élevés n’engagent jamais de conversa- trique pour deux – l’objectif d’équipement des la ligne Paris-Meaux-Château-Thierry que ses
tion avec des inconnus », peut-on lire dans TGV en seconde classe –, celui qui profite de passagers maintiennent fumeur au nez et à la
Usages du monde. à sa décharge, la Baronne l’accoudoir renoncera à brancher son chargeur. barbe de la SNCF. Ils y sont aussi d’une préve-
Staffe ne savait pas que les TGV InOui Et celui qui est côté fenêtre cédera son droit à nance exquise, s’aidant les uns les autres à por-
développaient une appli de chat permettant l’accoudoir pour gagner celui de baisser le pare- ter bagages et poussettes tout en asphyxiant les
d’échanger avec d’autres passagers.Elle n’avait soleil à sa guise.Au cas où il y aurait trois sièges non-fumeurs au bord du malaise. Preuve que
jamais pris Blablacar non plus. La plate-forme côte à côte, le passager du milieu compense le le savoir-vivre reste une notion très personnelle
de covoiturage permet, certes, d’indiquer le drame de sa situation en profitant des deux et toujours en mouvement.
34
La volière
du Jardin des
plantes à Paris,
le 10 juillet.
Homme
de plumes.
Ce silence le glace. Lorsque au printemps, des scientifiques annoncent
l’effondrement des populations d’oiseaux en France, l’écrivain
Jean Rolin est anéanti. Il est un ornithologue né. Son dernier ouvrage
“Le Traquet kurde”, paru en janvier, a justement pour trame
la traque d’un oiseau rare, au Proche-Orient. Un moyen de méditer
sur les destins liés des hommes et de leurs compagnons du ciel.
par Pascale Nivelle — photos JulieN soulier
E xcitant, ce rendez-vous au
salon de thé de la Grande
Mosquée de Paris avec un
Jean Rolin, l’individu en noir, a écrit une bonne douzaine
d’ouvrages qui parlent tous de voyages et d’oiseaux.Ter-
rifié par la « rapacité » des hommes, il en admire peu,
inconnu qui se prend pour dont James Bond, le vrai (1900-1989). Ce scientifique
James Bond. En signe de américain à la vie aventureuse a épié les oiseaux dans le
reconnaissance, il aura monde entier avant de pondre une somme, A Fields
Le Monde sous le bras. Cette Guide to the Birds of the West Indies. Ce livre s’est
fin d’après-midi brûlante, des retrouvé sur les étagères d’une bibliothèque à la
rumeurs de médina montent du patio. Des voix, des Jamaïque, à Goldeneye, dans la villa paradisiaque de Ian
rires, le bruit des chaises raclées sur les sols de zelliges, Fleming, bird watcher distingué lui aussi, et écrivain.
on s’entend à peine.Attablé devant son journal, élégant Quand il a cherché un nom pour 007, Fleming a piqué
et de noir vêtu, l’homme est déjà là, les yeux au ciel. celui de l’ornithologue. «Court, peu romantique, anglo-
« Vous entendez le silence ? » Il observe des martinets saxon et très masculin, c’est le nom qu’il me fallait», a-t-il
qui foncent en piqué sur le minaret. « À cette saison, ils confié. S’il n’a jamais touché de royalties, Bond l’ornitho-
devraient être des milliers. » Et de rares moineaux en logue a connu la gloire par procuration, car James Bond
train de picorer les miettes de baklava, trop peu nom- ne meurt jamais et son livre apparaît dans deux films,
breux pour se disputer. En Chine, en Turquie, au Liban, Octopussy et Meurs un autre jour, entre les mains de
à Paris, fini les stridulations, les gazouillis, les piaille- l’espion. C’est la bible de Jean Rolin.
ments, le silence des oiseaux, dit-il, est assourdissant. Rolin, Jean Rolin. Lui aussi aurait pu être agent secret.
James Bond doit se retourner dans sa tombe. Un mètre quatre-vingt-dix, pas un bourrelet, un •••
36
Quelques-
uns des
pension-
naires de la
ménagerie
du Jardin
des plantes,
le 10 juillet.
Jean Rolin,
parmi eux,
le 20 juin.
S
le monde en compagnie de sa petite cousine, collectionnant monde sans oiseaux ? Tout le monde s’en fout ? » En
les oiseaux et traquant ça et là des agents bolcheviques?» apprenant la nouvelle du CNRS, il a eu envie de boucler
son sac, fuir la France, ses champs de pesticides, ses
déserts périurbains. Mais où aller? Depuis des années, ce
grand voyageur se heurte à la «laideur». Dans le désert
u r s o n p r o p r e pa s s é du Wadi Rum, en Jordanie, sur les traces de T.E. Law-
tumultueux et intriguant, il rence (d’Arabie), il n’a croisé que des poubelles et des
r e st e é va s i f. Fils d’un chasseurs d’oiseaux. En Afrique, se laissant guider par ses
médecin militaire qui a peu souvenirs d’enfance, il est arrivé à Dakar, où son père
exercé, il a grandi à Dakar, exerçait la diplomatie au temps des colonies. À la place
obtenu la meilleure note de de la colline de la Grande Mamelle, qu’il explorait sans
sa classe de 5e pour une fin avec son frère Olivier, il est tombé sur «une montagne
rédaction sur un porte-avions de plastique, on aurait dit une installation de Christo
aussi détaillée qu’un rapport de la Royal Navy. Il est ratée». En Mauritanie, Nouakchott borde un océan de
devenu maoïste au service du journal La Cause du peuple sacs en plastique… « Tout cela me torture, dit-il. On ne
et reporter de guerre pour Libération. Il a été abonné à pourra jamais revenir en arrière. » Parfois, il se sent le
la Lloyd’s List du commerce maritime britannique – «la cuir usé comme celui des encyclopédies où les savants
meilleure source des diplomates depuis le xviiie » –, a bour- consignaient les chants d’oiseaux, ayant décidé que la
lingué sur un cargo dans les îles Aléoutiennes pendant la mésange bleue fait «psi psi du du du du» et rien d’autre.
guerre froide, vécu à Londres avec la photographe Kate Ces moines copistes de l’ornithologie ont inventorié et
Barry (décédée en 2013), fille de Jane Birkin, traîné dans phonétisé tous les cris oiseaux, un travail de titans balayé
les Balkans, au Moyen-Orient… L’automne dernier, il par le progrès. Il y a eu le Larousse des Oiseaux de
était en Syrie, une paire de jumelles autour du cou. Et France et d’Europe vendu avec un CD. Puis YouTube,
maintenant, ce rendez-vous à la Grande Mosquée de où le chant de la rousserolle effarvatte fait « liker » les
Paris, pour évoquer la mystérieuse disparition des amateurs. Rolin préfère s’évader sur oiseaux.net, ou
oiseaux. Et si l’ornithologie était une couverture? Afin de mieux, xeno-canto.org, un site ultrapointu «pas pour les
l’éprouver, on l’entraîne en face, dans la grande volière bricoleurs». Mais à chaque fois, il a l’impression de faire
du Jardin des plantes. Il déplie ses longues pattes anky- un tour chez les morts-vivants. «Dans tous les domaines
losées, jette sa veste sur l’épaule, résigné à empoussiérer de l’opinion, j’ai horreur des jugements définitifs et je suis
ses bottines cirées. Dans le soleil déclinant, des cris de moi-même extrêmement indécis en général. Mais sans vou-
fauves, de singes, de perruches. Les derniers représen- loir apparaître comme celui de mauvais augure, je crois
tants de la faune sauvage assurent le spectacle. vraiment que les oiseaux vont disparaître.»
De nouveau, Jean Rolin regarde en l’air et s’impatiente, Sa hantise, lorsqu’il se risque à parler ainsi, est de voir le
sur le mode joyeux cette fois : «Vous entendez?» Dans reflet d’un épouvantail dans l’œil de ceux qui n’ont pas
ce tumulte de jungle, il a reconnu le chant de la pirolle connu le temps où les oiseaux chantaient à tue-tête. Le
à bec rouge et celui de la perruche alexandre, repéré un temps de son enfance gâtée par la nature, quand on
cincle plongeur. Dans sa bouche maintenant, coule un apprenait qu’un étourneau jase et une fauvette zinzi-
torrent de noms d’oiseaux, « pour moi, c’est de la nule, et la différence entre un martinet et une hirondelle.
musique». Au Liban en octobre, il a vu un joli colibri, le Son frère et lui ont profité de l’abondance, sans jamais
souimanga de Palestine, irisé comme une goutte de s’inquiéter de l’extinction de leur paradis. Ils possédaient
pétrole, et en Jordanie un passereau qu’il ne pensait plus une volière avec des dizaines d’oiseaux et passaient leurs
jamais recroiser, le roselin du Sinaï. Une autre fois, l’his- étés à chasser les papillons, ce qui apparaît aujourd’hui
toire mérite d’être contée, insiste-t-il, il se promenait comme un crime contre l’animalité. Une époque révolue
avec une amie près de Conflans, en région parisienne. où leur grand-mère bretonne les emmenait au Grand
Mélancolique comme souvent, il parlait d’« une divine Pardon, la cérémonie religieuse des pêcheurs terre-
alouette» dont le chant nuptial lui dilatait le cœur dans neuvas. Il levait les yeux au ciel pour regarder les
sa jeunesse. L’alouette montait très haut en pépiant, et mouettes, et savait que c’étaient des fulmars.
38
Joie secrète.
L’œuvre d’un écrivain est un univers. Ses mots dessinent des paysages,
nourrissent des mondes et inspirent des images. Actrice de second plan, la Sicilienne
Goliarda Sapienza a obtenu une reconnaissance posthume grâce à son livre
“L’Art de la joie”. Une déflagration tardive qui a poussé la photographe Francesca
Todde vers Catane pour visiter les lieux où grandit cette mystérieuse inconnue.
photos Francesca Todde — texte Jérôme GauThereT
C
’est l’histoire d’une femme hors du commun, dont l’œuvre n’a
rencontré son public que par miracle, dix ans après sa mort.
Goliarda Sapienza (1924-1996) aurait très bien pu n’être,
pour la postérité, qu’une actrice sicilienne tombée dans
l’oubli, à peine aperçue dans Senso de Visconti, abonnée
aux seconds rôles de révolutionnaire ou de religieuse, et pas
toujours créditée au générique des films où elle apparaissait.
Son œuvre littéraire, quant à elle, aurait peut-être eu droit,
dans le meilleur des cas, à une petite mention dans une notice biographique…
Pourtant, elle y avait tout sacrifié. Il lui avait fallu dix ans, de 1967 à 1976, pour
écrire L’Art de la joie, son texte le plus ambitieux, et elle n’aura même pas eu le
bonheur, de son vivant, d’en voir publier plus d’une cinquantaine de pages. Tous
les grands éditeurs avaient refusé cet énorme roman écrit à la première personne,
parcourant le xxe siècle sicilien à travers le regard d’une femme baptisée Modesta.
Et pourtant, en 2005, la sortie en France de L’Art de la joie (éd. Viviane Hamy,
rééd. Le Tripode) est une déflagration. Affranchie des convenances sociales et
sexuelles, amorale et pourtant si droite, étrangère au fascisme mais méfiante
envers les staliniens, malgré son intérêt pour le marxisme, Modesta était beau-
coup trop libre et dérangeante pour l’Italie des années de plomb. Au début du
xxie siècle, c’est autre chose, elle fascine. Les Italiens découvrent soudain, depuis
la France, qu’ils tenaient en Goliarda Sapienza, sans le savoir, l’une des grandes
écrivaines du siècle passé, et redécouvrent l’ensemble de son œuvre.
La photographe Francesca Todde est partie sur les traces de cette inconnue avec
sa série «The Lack ». Or, emprunter ce chemin, c’est aussi voyager au côté de
Modesta, si vivante qu’on ne peut s’empêcher de superposer sans cesse les deux
images, celle de l’écrivaine et celle de sa créature. «Ce personnage est si fort que,
lorsque je parle de Sapienza, souvent les gens me répondent comme si Modesta et
elle ne faisaient qu’une. Ils sont persuadés qu’elles avaient le même âge, que
Sapienza était adulte au moment de la montée du fascisme…» Sans renier ce lien
si particulier, Francesca Todde s’est attachée à ne surtout pas perdre de vue
Goliarda Sapienza. Elle y est parvenue en s’appuyant sur d’autres textes moins
connus de l’écrivaine, comme Moi, Jean Gabin (Le Tripode, 2012), dans lequel
elle relate son enfance à Catane, dans les ruelles du quartier San Berillo, dans les
années 1930. à la poursuite des ambiances plus que des lieux, sa quête n’a rien
d’un pèlerinage. Certes, elle s’appuie sur une base documentaire, les endroits où
elle a grandi, où s’est affirmée sa conscience socialiste et libertaire au sein d’une
cité acquise au fascisme, mais c’est pour mieux restituer quelque chose de plus
diffus, qui ressemble à la texture d’une époque. « Comme elle parlait souvent dans
ce texte des artisans qui fabriquaient les marionnettes traditionnelles, j’ai cherché
à retrouver les personnes, à Catane, qui font encore ce métier. Elles n’ont pas accepté
tout de suite. Mais c’est toujours comme ça en Sicile : une fois que les gens sont
convaincus, ils vous consacrent des heures, ils font tout pour vous aider !»
à ce parcours dans les pas d’un génie méconnu manquent encore plusieurs
étapes cruciales, notamment Gaete, où est morte Sapienza, mais aussi la prison
de Rebibbia, où elle fut enfermée brièvement. Car Goliarda, comme Modesta,
a payé au prix fort son refus des conventions. En 1980, elle s’était fait arrêter
pour vol de bijoux lors d’une soirée mondaine.
La semaine prochaine, dans les pas de William Faulkner avec le photographe Morgan Ashcom.
chefs-d’œuvre de la collection
régis Mathieu
I
12 juil. 15 oct. 2018
© PhotoS : charleS duPrat/d.r.
47
Spécial été
En tenue de court — Label hellène — Le cahier de vacances
de Ronan Bouroullec — Coney Island à la sauce anglaise
Mer porteuse.
posts et postures
#bestholidaysever.
par FionA khALiFA
glossées? Ils font rêver les esseulés. Sauf moins factice : ce sont les mêmes qui abu-
que, après l’apéro du soir, les discussions sent du hashtag #ilovemyjob.
49
fétiche
4 août 2018 — Photo Frederik Vercruysse pour M Le magazine du Monde. Stylisme Laëtitia Leporcq
50
variations
Set complet.
Pratique souvent associée à une élite, le tennis rempli
parfaitement son rôle de sport estival, à pratiquer en
plein air. Descendant direct du « jeu de paume », comme
ses cousins badminton, squash et pelote basque, il trouve
ses racines au xiiie siècle, lorsque des moines français
s’exercent à lancer des balles avec la paume de leur
main. Ces dernières se couvrent ensuite de gants, jusqu’à
ce que la première raquette soit créée. Au xixe siècle,
l’invention du caoutchouc permet de fabriquer une balle
rebondissante que le joueur lance à son adversaire en
criant « Tenez ! », injonction transformée par les Anglais
en « tennis ». La discipline devient populaire et la tenue
d’origine, chemise à manches longues et pantalon,
se libère lorsque le joueur René Lacoste imagine une
chemisette en jersey de coton piqué et aéré. Le
mythique polo est né. Les marques l’ont depuis toutes
copié et l’univers du tennis continue d’inspirer, du
vêtement à l’accessoire en passant par des gadgets aussi
utiles qu’un petit porte-clés en forme de balle. F. Kh.
Polo en Piqué technique, lacoste sPort, 85 €. www.lacoste.com
raquette tennis six.one lite 102, wilson chez
Go sPort, 119,99 €. www.Go-sPort.com
Porte-clés miniballe de tennis, babolat roland Garros, 6 €.
boutique.rolandGarros.com
PoiGnet de tennis, artenGo chez décathlon, 5 €. www.decathlon.fr
Photo Frederik Vercruysse pour M Le magazine du Monde. Stylisme Laëtitia Leporcq — 4 août 2018
librement inspiré
Londres et lumière.
palette graphique :
Photo12/Alamy. Zeus+Dione. TeNeues/M Le magazine du Monde
La Bretagne
crayons. J’ai d’ailleurs publié un livre
baptisé Juillet, une série dessinée à
cette période. Mes journées de
de Ronan Bouroullec.
vacances sont très pauvres. J’adore
m’immerger dans l’eau, surfer (mal)
et dessiner : ce triptyque est mon
unique occupation, que je reproduis
dès que je peux au cours de l’année,
Le designer se rend L’été dans sa maison du finistère, sur des périodes plus courtes.
où iL s’adonne à sa passion du dessin, au surf et à La nage. Je crayonne de façon intuitive, en
dehors de tout projet. J’oublie alors
propos recueillis par Marie Godfrain
mon activité de designer pour
revenir à une inventivité spontanée.
Pour moi qui voyage beaucoup
Cette illustration est un par ailleurs, les vacances sont un
exemple parfait de la retour dans la région où j’ai grandi
relation intime qui se noue entre mes et qui me manque incroyablement.
dessins et mes vacances. L’été m’est Ce paysage – ce que je ne peins
extrêmement important car c’est à jamais habituellement – représente
ce moment-là que je produis mes la vue depuis mon atelier, dans ma
croquis les plus libres. Lorsque je suis maison qui est située à l’embouchure
Ronan Bouroullec
en vacances chez moi, en Bretagne, d’une rivière. Face à moi, des pins
ces derniers n’ont pas la même maritimes et des fougères qui
nature, la même essence. Ils sont plus s’enchevêtrent sur une petite falaise
sensuels, plus organiques. Je passe qui plonge dans la mer.”
L’amie Caouette.
tous les cuIsInIers ont un IngrédIent fétIche. de Jeunes chefs lIvrent
le leur et deux façons de l’accommoder. moko hIrayama a faIt du beurre
de cacahuète de son enfance le secret de ses pâtIsserIes de haut vol.
par CaMille labro — photos benjaMin sCHMuCk
(université de New York). C’est là que j’ai Blé sucré. Chez Alain Senderens, au Lucas
rencontré Omar, mon futur mari et com- Carton, où j’ai travaillé quelques années,
plice de fourneaux. J’ai intégré une école je me souviens avoir combiné fraises
de droit, ai passé le concours du barreau et cacahuètes pour la première fois. Cela
avait surpris le chef. J’adore faire du pain
et des brioches au beurre d’arachide.
Mais l’une des associations que je préfère
reste celle du céleri et de
la cacahuète, le goût des
migrations de mon enfance.
IngRédIents
Pour 10 à 12 buns
250 g de cacahuètes
Huile végétale (colza ou olive)
sel, 300 g de farine
4 g de levure de boulanger
210 g d’eau, 3 g de miel
Chocolat au lait (en pépites
ou en petits morceaux), 1 œuf
I
Faire toaster les cacahuètes
au four préchauffé à 150 °C.
Les sortir dès qu’elles ont une
légère coloration et les laisser
refroidir. Mixer en ajoutant
de l’huile petit à petit jusqu’à
obtention d’une pâte assez
liquide. Ajuster le sel à la fin.
II
Mélanger la farine, la levure
et le sel (6 g). Ajouter l’eau et
le miel, et pétrir pour réaliser
une pâte homogène. Laisser
lever 2 h, jusqu’à ce que la pâte
ait doublé de volume. sur le
plan de travail, couper la pâte
en 10 à 12 pâtons. Façonner
des petites boules, les étaler
un peu et déposer au centre
une cuillerée de beurre de
cacahuète et quelques
morceaux de chocolat. Fermer
la pâte et façonner à nouveau
en boule. Laisser lever les
boules sur une plaque de cuis-
son farinée pendant 2 h à l’air
libre et sous un linge. À l’aide
d’un pinceau, badigeonner
chaque boule d’œuf battu.
Faire cuire au four préchauffé
à 200 °C pendant 20 min envi-
ron, jusqu’à ce que les buns
soient bien dorés et gonflés.
g l ace au b e u r r e
d e c ac ah u è te
IngRédIents
350 g de lait, 250 g de crème
4 jaunes d’œuf
75 g de sucre, 50 g de beurre
de cacahuète. sel
Retrouvez
toutes les
recettes sur
www.lemonde.
fr/les-recettes-
du-monde
56
à voir et à manger
Oasis occitane.
Fini l’en-cas standard, place au pique-nique locavore
avec en toile de Fond des horizons secrets. cette semaine,
Baignade sur la rive nord du lac du salagou, dans l’hérault.
par Marie aline — illustration yann kebbi
panier garni
bol et assiette
Atelier K Céramique
13, av. du Mas-de-Carles,
Octon
fro mag e s ,
s au c i s s e , pa i n
et cookies
Aux p’tits producteurs
29, av. de la République,
Lodève.
fruits et légumes
Marché nocturne le jeudi,
Octon.
ail et huile
d ’o l i v e
La Ferme des oliviers,
9, av. des Platanes, Octon.
v i n e t ta p e n a d e
Épicerie paysanne,
17, bd de la Liberté,
Lodève.
Promenade
rougeoyante de Blackpool accentue cet horizon de
bizarreries. Inauguré en 1894, le monument, œuvre des
architectes Maxwell et Tuke, s’inspire de la tour Eiffel.
Dans les années 1990, les vols low cost emportent les
des Anglais.
classes populaires loin de la station, vers des côtes espa-
gnoles gorgées de soleil. C’est la descente aux enfers :
Blackpool devient «Darkpool» et plonge jusqu’à devenir
l’une des dix villes les plus pauvres d’Angleterre, où les
Cet été, “M” revisite les bâtiMents médecins prétendent que le shit life syndrom (une cer-
parfois déCriés du littoral. sur la jetée taine idée du «désespoir», pour rester poli) est le plus
de blaCkpool, au royauMe-uni, Casinos fort. Mais les jeunes continuent de venir se saouler à
Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Benjamin Furst/Hans Lucas
et jeux d’arCades peinent à ressusCiter Blackpool pour y enterrer leur vie de célibataires face à
l’âge d’or du sièCle dernier. la mer d’Irlande. Pour les satisfaire, le Golden Mile, longue
promenade portuaire, s’est fait bande de béton gavée de
par Anne-Lise CArLo
casinos et de jeux d’arcades dont les musiques hurlantes
couvrent le bruit des vagues. C’est pourtant là qu’a vu
il y a Cette photo Mythique de Chris steele-perkins, de le jour, en 2012, un bâtiment architectural remarqué, la
l’agence Magnum, montrant des familles britanniques en Tower of Love du studio d’architectes londonien dRMM.
train de goûter, entre un chien et trois ânes, aux joies de Cette chapelle de mer, scintillante au soleil, ne passe pas
la plage à Blackpool. Au milieu de cette agitation, inaperçue. Bloc d’acier doré perché sur la jetée, il offre
un homme sur un transat lit son journal, imperturbable, une vue imprenable sur la tour de Blackpool depuis sa
chaussettes encore aux pieds. Nous sommes en 1982 et salle réservée aux cérémonies de mariage. Mais ce clin
la station vit ses dernières grandes heures. Pour beau- d’œil au kitsch des chapelles de Vegas renforce encore
coup d’Anglais, Blackpool fut longtemps l’archétype de l’impression d’un (trop) grand mélange… «Cela faisait de
la station balnéaire. Le souvenir de ses plages noires de nombreuses années qu’il n’y avait pas eu de constructions
monde dans les années 1960 est gravé dans l’inconscient sur le Golden Mile. Notre édifice a été très controversé à
national. Sur le front de mer s’emmêlent des jetées à ses débuts, puis peu à peu, l’endroit est devenu populaire. y aller
l’architecture victorienne et les stigmates de l’oasis de Beaucoup de couples rêvent maintenant de s’y marier», en trAin
plaisir que la station est devenue. Le mythique parc assure Alex de Rijke, fondateur du studio dRMM. Il ajoute, Depuis la gare
d’attractions Pleasure Beach y fut ouvert dès 1896 pour optimiste : «La popularité de notre tour prouve ce regain d’Euston à Londres,
Virgin Trains à partir
imiter les centres de loisirs américains. Dans l’imagerie, d’intérêt pour Blackpool. La ville a touché le fond mais elle de 65 € A/R. www.
on oscille entre un Coney Island à la sauce anglaise et est en train de remonter!» virgintrains.co.uk
carnet
pratique
Y aller
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Ljubljana avec Adria
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Le lac de Bled
est à 30 minutes
de l’aéroport
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centre-ville, plus
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partir de 160 € la
nuit. www.hotel
À gauche, vue sur Bellagio et le lac de Côme, en Lombardie ;
à droite, le lac de Bled, en Slovénie, depuis la colline de Mala Osojnica. triglavbled.si/en
et auSSi
La Slovénie est
Illustration Satoshi Hashimoto pour M Le magazine du Monde. Getty Images. Sebastian Wasek/Fotostock
la terre natale
des abeilles dites
« carnioliennes ».
I
Découvrir les ruches
alentour – dégusta-
tion de miel et bee
therapy – est une
balade en soi,
ci, comme sur les rives des lacs lombards, on sirote goguette. Plus tard, le maréchal Tito en fera l’un de ses à travers les fermes
son café au petit matin, hypnotisé par les eaux lieux de villégiature. Son ancienne résidence secondaire et villages locaux.
Renseignements
émeraudes aux nuances surnaturelles, apaisé y a d’ailleurs été conservée dans son jus, transformée en auprès de
par la force paisible des montagnes. Et l’on hôtel au charme fifties (Vila Bled). Aujourd’hui, ce sont l’office du tourisme
se prend à rêver : la vie serait-elle plus douce plutôt les sportifs et les amateurs de vigoureux bols de Slovénie.
www.slovenia.info
dans l’un de ces chalets alpins cachés alentour ? d’air qui règnent en maîtres sur la région, pratiquant ski,
Mais le lac montagnard version slave a sa propre per- patin et hockey sur glace l’hiver ; paddle, nage et aviron
sonnalité. Plus nature et moins bling-bling que son cou- l’été (c’est ici qu’aura lieu en 2020, et pour la cinquième
sin italien, Bled se parcourt à pied en une heure trente fois, le championnat du monde d’aviron).
(une balade de 6 km) et cultive la green attitude sans se Ceux qui préfèrent rester sur la terre ferme grimpent
forcer. Un exemple ? Sur le lac, les engins à moteur sont en général jusqu’au château médiéval, afin de décou-
tout simplement interdits. Pour se rendre sur l’îlot (pas vrir une vue plongeante sur le lac. Du haut de son
si) central, on emprunte les pletna, les gondoles locales, éperon rocheux, il est le parfait point d’observation
fabriquées à la main dans un village voisin. Seuls les pour regarder varier, au gré de la météo, les couleurs
habitants du village en question peuvent les conduire, de l’eau. Les plus aventureux enfourchent ensuite
une tradition qui se transmet de père en fils. Mais si Bled leur vélo pour découvrir les fermes et villages du coin.
chérit son authenticité, il a aussi connu sa dose de À quelques kilomètres de là, ils rejoignent le parc
paillettes quand, à partir de la fin du xixe siècle, ses rives national du Triglav, paradis des randonneurs. Mais ça,
accueillaient la bourgeoisie austro-hongroise en c’est une autre histoire…
59
3/ Sac-coffre en bambou
fait main, Mango, 49,99 €.
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4/ Brume corporelle
parfumée Le Soleil,
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3
4
À quoi ressemble une combattante de 79 ans? Adoubée Californie à Fresno, puis au CalArts (California Institute of
« marraine du féminisme » par le New York Times, Judy the Arts), à Los Angeles. Le duo y organisera l’année sui-
Chicago n’a renoncé ni au dress code — tunique et baskets vante l’exposition mythique « Womanhouse ». « On nous
fuchsia, top en dentelle noire et cheveux orange — ni au prétend que l’art est universel, mais il ne l’est pas. Il est
combat. Et, sans fausse modestie, la militante raconte volon- construit sur le canon de l’artiste mâle », déplore celle qui se
tiers le long chemin solitaire que fut et demeure sa vie. Née fait dorénavant appeler Judy Chicago. Et d’ajouter : « Je
Cohen à Chicago, Judy n’a jamais connu que la bataille. Dans n’ai jamais cru que l’art féministe devrait être uniquement
le salon familial, son père syndicaliste, communiste blacklisté pour les femmes. Après tout, n’avons-nous pas passé
sous le maccarthysme, l’invite à prendre la parole dans une des siècles à regarder le travail des hommes ? »
ambiance de meeting permanent. À l’université de Californie L’artiste ne fait pas l’unanimité chez les féministes. Ainsi n’a-t-
à Los Angeles (UCLA), où elle entreprend des études d’art elle jamais été invitée à rejoindre les Guerrilla Girls, ce collectif
en pleine guerre froide, elle pense trouver sa place dans le qui dénonce le sexisme dans l’art à coups d’actions ou d’af-
bouillonnement créatif de la métropole californienne. Mais fiches tonitruantes. À la différence de beaucoup de créatrices,
les jeunes gens aux idées larges, comme les vieux profes- elle n’est pas dans le récit autobiographique, pas plus que
seurs à l’esprit étriqué, l’ignorent. « À cette époque, il n’y dans la performance ou le body art. Elle agit plutôt en cher-
avait pas de mots pour qualifier notre frustration de femmes, cheuse, traquant les angles morts de l’Histoire. Elle consacre
confie-t-elle. On ne parlait pas alors de genre. » cinq ans à son projet le plus célèbre, The Dinner Party, exposé
L’artiste navigue du côté des mouvements Light and Space en 1979. Son idée ? Célébrer 1 038 femmes qui ont compté
et Finish Fetish, versions californiennes du minimalisme new- dans la culture. L’extravagante installation triangulaire, formée
yorkais. Pour faire son trou, elle se crée un personnage de de tables dressées d’assiettes ornées de vulves, lui vaut une
macho : cheveux courts, verbe haut, cigare au bec. Rien n’y grande popularité. Les critiques, eux, ne la ménagent pas.
fait. «L’artiste John Coplans m’a dit qu’on ne peut être artiste Composé de céramiques et de broderies, le banquet est jugé
et femme en même temps, se souvient-elle. Et lorsque je suis outré, limite kitsch, au moment où émerge une génération
allée voir Harold Rosenberg, qui était un grand critique d’art d’artistes femmes conceptuelles. « J’ai tout perdu dans cette
à New York, il a essayé de me sauter dessus. » Son minima- histoire, soupire-t-elle, mon atelier, mon équipe, mon
lisme diffère de celui de ses comparses masculins. Aux lignes mariage… » Elle n’en dira pas plus. À la faveur de la relecture
anguleuses, elle préfère la rondeur des capots de Chevrolet de ces années contestataires, l’œuvre est installée depuis
Corvair qu’elle peint de formes oblongues, ou la douceur 2007 de manière permanente au Brooklyn Museum.
de sa Feather Room : une salle remplie de plumes blanches Avec le nouveau souffle donné au féminisme par le mouve-
que le public arpente pieds nus. Quand ses confrères optent ment #metoo, Judy Chicago est plus sollicitée que jamais.
pour des aplats nets et précis, elle se délecte de couleurs Mais rien n’est acquis, avertit-elle : « Le changement, ce n’est
plus atmosphériques. Jusqu’à réaliser dans les années 1970 pas se débarrasser de quelques individus comme Weinstein,
des expériences de fumigation de couleurs en plein air, dans mais changer le système.» Avant d’ajouter : « Je suis connue,
un esprit très hippie et psychédélique. je vends, mais mes œuvres coûtent toujours moins cher
Pour éveiller les consciences sur la place de la femme dans que celles des hommes. »
l’art, elle cofonde en 1971 avec Miriam Schapiro le Feminist « los angeles, les années cool / Judy chicago », Villa arson, nice.
Art Program, abrité d’abord à l’université d’État de Jusqu’au 4 novembre. www.villa-arson.org
Judy Chicago
n’a cessé d’expérimenter depuis les années 1960.
Courtesy de l’artiste et Salon 94 Gallery, New York
Sur un plateau.
“Fraise et
Chocolat”,
goût double.
par Valentin Pérez
Pierre philosophale. Intra-muros. Par Nadine Redlich film est le projet de Tomás Gutiérrez
Alea, réalisateur cubain « officiel », mais
qui, depuis la fin des années 1960, signe
des œuvres qui interrogent les travers
de l’ère postrévolutionnaire (La Mort
d’un bureaucrate, Mémoires du sous-
développement). Au moment du tour-
nage, Alea sait qu’un cancer le ronge.
Opéré aux États-Unis, la fatigue l’accable
et l’oblige finalement à diriger les scènes
depuis son lit. Il transmet ses indications
à Juan Carlos Tabío, son premier assis-
tant, qui passera coréalisateur tant son
rôle fut central sur le plateau.
« Je pensais que mon film plairait parce
que c’était une histoire humaine, émou-
vante, confiera Alea au Courrier de
l’Unesco en 1995. Mais le succès a
dépassé mes espérances. » Sélectionné
au Festival de Berlin, Fraise et Chocolat
remporte le Grand Prix du jury. Le voilà
distribué dans le monde entier. La presse
applaudit. Aux États-Unis, il est acheté
par un certain Harvey Weinstein qui, non
sans quelques coupes supplémentaires
au montage, le hisse aux nominations
des Oscars dans la catégorie Meilleur film
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Compléter toute
I la grille avec des
chiffres allant de 1
à 9. Chacun ne doit
II être utilisé qu’une
seule fois par ligne,
III par colonne et par
carré de neuf cases.
IV
VI
Solution de la grille
VII précédente
VIII
IX
X
Bridge n o 359
Fédération Française de bridge
XI
XII
XIII
XIV
XV
Horizontalement I Ne va certainement pas faire comme les autres. II A fait bouffer les
dames. L’Académie le préfère au sponsor. III Dérange les plus proches. Son droit est souvent
bafoué. En berne. IV Tournerai le dos à mes engagements. Couvris le passage. V Service à
l’ancienne.Au pied et à l’œil.Arrivée sur terre. VI Fait circuler, images et sons. Le sien est bien
sûr le bon. VII Par ici la sortie. Bien mal accueillie. Soutient dans l’angle. VIII Point. Vergue ou
beaupré.Ardent. IX Dans la pliure. Ouvre des possibilités. Henri y retrouvait Diane. Personnel.
X Asie, Europe et beaucoup d’autres. Le Rhône y entre et en ressort. XI Richesse égyptienne.
Conjonction. Lion grignoté par les Chinois. Douceur peu académique. XII Fait preuve. Suivons
à distance. Au cœur de la nuit. XIII Vient d’avoir. En tête. Support. XIV Dégradait lentement.
Repris grossièrement. XV Recherchée dans les affaires.
Verticalement 1 Se débrouille pour que nous ne manquions de rien. 2 Gras pâturages.Toujours
en alarme. 3 Assommantes à la longue. Sorti des urnes. Le temps d’un tour. 4 Espagnole redeve-
nue marocaine. Parlera sur un autre ton. Sorti d’un bain très chaud. 5 Ravitaillements à la source.
Spectacle à Kyoto. Grecque. 6 Produisît de l’effet. A libéré les femmes de leurs corsets. 7 Jeune
manifestation. Première sur la Route du rhum. Sorcière arabo-persane. 8 Termine la pièce. Belle
comme ses images. 9 Riches décorations. Piégée. Parti faire un petit tour chez Morphée. 10
épreuve d’endurance. Station de nettoyage. Facilitent la prise en main. 11 Aigle ou busard.
Bloque tout. Possessif. 12 Pas habituées aux belles manières. évite la chute du roi. 13 Personnel.
A mis des spaghettis dans ses westerns. Plaisir félin. Sur la portée. 14 Bon gros dans la fosse. La
moitié de tout. Associé au crime. 15 Entreprise de démolition. Dans la bourse des Nippons.
the beatles
“Abbey Road”,
pochette mystère.
“Le Monde” propose une coLLection des aLbuMs du céLèbre
groupe angLais en vinyLes. preMier voLuMe : “abbey road”,
dont Le visueL aLiMenta Les pLus foLLes ruMeurs.
par sylvAin siclieR
Fin de matinée, le 8 août 1969. plaque au nom des Beatles et une mort. Tout fait signe : la couleur des
Paul McCartney, John Lennon, autre à celui de la rue qui donne son vêtements des Beatles, la voiture
George Harrison et Ringo Starr titre au disque, Abbey Road, figurent de police noire garée, un corbillard
s’apprêtent à emprunter le passage sur un muret de pierre. La silhouette et, au recto, si l’on relie les trous
piéton d’Abbey Road, à quelques d’une jeune fille en robe bleue sort dans le mur on obtient le chiffre 3,
mètres du numéro 3 de cette rue du cadre. Simple, efficace. soit les trois musiciens survivants.
du nord-ouest de Londres, où sont Quelques jours après sa parution, La pochette sera régulièrement
situés les EMI Recording Studios. le grand n’importe quoi des interpré- imitée. Par The Red Hot Chili
Les Beatles y ont enregistré la plupart tations commence à circuler. Avec Peppers, nus avec une chaussette
de leurs chansons, dont celles de leur cette pochette, les Beatles indique- en guise d’étui pénien, les person-
futur album, pour la pochette duquel raient à leurs fans que Paul McCartney nages de la bande dessinée Snoopy,
Iain MacMillan est chargé de prendre est mort – il y a déjà eu des rumeurs le comique Benny Hill, le groupe
des photographies. En une dizaine identiques à l’écoute de chansons qui funk-soul Booker T and the MG’s,
de minutes, les musiciens, en habits renfermeraient des messages cachés. le guitariste de jazz George Benson…
de ville, traversent en file indienne, Les preuves ? Il – ou plutôt son sosie – Et par le premier concerné,
dans un sens puis dans l’autre. Parmi est le seul à être pieds nus. Le seul McCartney. Sur son disque Paul is
les vues, en arrière-plan des Beatles, dont la jambe droite est en avant. Live, en 1993, il traverse avec un chien
un autobus à impériale rouge aurait Le seul à fumer une cigarette, et de la tenu en laisse (de la main gauche)
eu de l’allure, mais le mouvement main droite, circonstance aggravante le fameux passage piéton. Devenu,
des jeunes gens ne convient pas. puisqu’il est gaucher. La plaque depuis la sortie de l’album Abbey
La photo, qui va devenir célèbre, minéralogique d’une Coccinelle Road, un lieu de pèlerinage pour les
présente une géométrie parfaite, avec – beetle en anglais, soit « scarabée », fans des Beatles.
la perspective de la rue dégagée. symbole égyptien de la résurrection –
L’album est publié le 26 septembre est LMW28IF. Traduction : McCartney “Abbey RoAd”, the beAtles vinyl collection.
1969. Au verso de la pochette, une aurait eu 28 ans s’il (« IF ») n’était pas 9,99 €, suR www.AltAyA.fR
01 76 54 06 52 www.thebeatles.com
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Le blouson
de Martin Solveig.
Le petit prince de La french touch revient avec Le singLe “My Love” et
se produit cet été dans des festivaLs, avant une tournée hivernaLe. sur
scène coMMe au quotidien, iL reste attaché à son teddy passe-partout.
propos recueillis par Valentin Pérez
Mon manager, Yeoram Kalfa, m’a Coton et manches en soie, pas trop brillant. à écouter
offert ce blouson teddy Dries van J’aime sa simplicité, le bord-côte qui me My Love (virgin
Noten en 2015, lors de ma participation au réussit et la coupe courte. Il est habillé mais eMi / universaL),
avant un nouveL
festival Coachella, en Californie. Habituelle- pas ennuyeux, va avec une chemise comme aLbuM attendu
à La fin
ment, je cloisonne ma garde-robe. Quand je avec un tee-shirt. En général, je m’accorde de L’année.
compose seul en studio, par exemple, je peu de vêtements onéreux, il y a une telle
en concert
porte des habits confortables, presque des inflation dans les tarifs du luxe aujourd’hui, à coLMar,
pyjamas. Ce que je ne fais pas sur scène où cela me dérange… Vous ne me verrez pas Le 4 août ;
à Landerneau,
j’ai besoin de vêtements qui me permettent avec la marque Vetements, par exemple. Le 17 août ;
à bréaL-
d’incarner mon personnage public. Je ne J’aime la mode mais dix mille balles pour sous-Montfort,
peux pas me vêtir comme dans la vie. Je une veste, je trouve ça déraisonnable. Cela Le 26 août ;
et à L’oLyMpia,
sais que mes sets sont toujours meilleurs vient sûrement de mes parents, qui sont très à paris,
lorsque j’enfile le bon costume de scène, anti-bling. Moi, peu à peu, j’ai appris à doser : Le 2 noveMbre.
quand j’entre dans la peau du performeur. je n’ai aucun problème à porter une montre
Être en représentation devant des gens est en or jaune aujourd’hui, mais seulement avec
une expérience déstabilisante. On se donne une tenue sport ou du denim, pour contras-
et on a envie de se protéger en même ter. J’ai appris à m’amuser. J’essaie modeste-
temps. Le vêtement permet cela : c’est une ment de construire une silhouette. Avec le
protection qui apaise. Malgré tout, ce blou- temps, j’ai compris que je suis trop petit pour
son-là reste l’exception : la seule pièce les manteaux longs, trop pâlot pour les
transversale que je porte partout, derrière teintes beiges ou vert clair. Pour moi, le mec
les platines comme chez le coiffeur. C’est le plus stylé du monde, c’est le rappeur
le genre de fringues qui gagne à tous les Asap Rocky. Lui peut tout porter : costume
coups, celle qu’on sort quand on est mal trois-pièces, tenue technique ultra-
à l’aise, qu’on manque de temps. Noir. Sobre. street… Moi, j’ai encore du chemin !
Martin Solveig
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Photographs © Apple Corps Ltd.
TO BREAK THE RULES,
YOU MUST FIRST MASTER
THEM.*
MILLENARY
CADRAN OPAL
EN OR ROSE
MARTELÉ
Sur la Côte
d’Azur, en 1992.
PETER MARLOW/
MAGNUM PHOTOS
Loin du fantasme
de décontraction, de liberté
et de plaisir, s’exposer
dénudé sur le sable
ne peut se faire qu’au prix
du respect de conventions
complexes. Après un long
apprivoisement du littoral,
le bikini, le bronzage, puis
l’installation de plages
en pleine ville se sont
imposés au fil de l’histoire
comme de petites
révolutions… très codifiées
Corps d’été
5
L E S A F F I N I T É S V É G É TA L E S
7 8
UN MANUEL POUR DEUX EQUISSES DU FUTUR
Samedi 4 août 2018 · Cahier du « Monde » No 22880 · Ne peut être vendu séparément
·
DOSSIER
2
LE MONDE S A M E D I 4 AO Û T 2 0 1 8
CORPS D’ÉTÉ
Canons du
A N N E C H EMIN
bord de mer
l’historien Christophe Granger. Pour « qu’il de-
vienne possible de s’allonger en public, insiste-
D
epuis l’entre-deux-guerres, la pla- t-il, sur une plage à moitié nu sans susciter l’ef-
ge est devenue la scène d’une sus- froi ou la curiosité », il a fallu bousculer une
pension des habitudes, d’un autre montagne de conventions sociales. « Le dénu-
rapport au corps. C’est sur le sable, dement a beau avoir gagné la partie dans les an-
dans un espace public ouvert à nées 1960, “se mettre à nu” dans un lieu public
tous, que les estivants viennent cultiver des reste, aujourd’hui encore, une opération com-
plaisirs qui étaient encore impensables il y a plexe, ajoute Vincent Coëffé. Il a fallu imaginer
deux siècles – le plein air, le soleil, la (quasi) nu- des règles encadrant cette exposition des corps. »
dité et la baignade. C’est dans ce lieu, ajoute Les premières de ces règles furent adminis-
l’historien Christophe Granger dans La Saison tratives et réglementaires. Dès le XIXe siècle,
des apparences (Anamosa, 2017), que s’impo- une police du corps veille scrupuleusement au
sent « le souci du bronzage, la stylisation des respect de la décence et de l’ordre moral dans
postures et l’habileté à se dévêtir en public ». les stations balnéaires. En 1837, une affiche de
L’histoire de la plage est en effet intimement la « police des bains de mer » de Granville
liée au lent dévoilement des corps. Au XIXe siè- (Manche) partage ainsi la plage en trois sec-
cle, les femmes qui se hasardent au bord de teurs : « Une partie exclusivement réservée au
l’eau portent un pantalon qui descend jus- bain des femmes, une partie exclusivement ré-
qu’aux genoux, une chemise, une ceinture, un servée au bain des hommes habillés, une partie
bonnet, des bas et des chaussures. « Le costume exclusivement réservée au bain des hommes
de bain digne de ce nom doit être ample, voire non habillés. » Le règlement interdit en outre
bouffant, non seulement pour envelopper et « aux hommes de se promener ou de station-
protéger le corps des intempéries, mais surtout, ner sur ou le long de la grève occupée par les
pour brouiller son contour et occulter sa chair, femmes durant le bain de celles-ci ».
souligne l’anthropologue Jean-Didier Urbain,
auteur de Sur la plage (Petite bibliothèque « BON ORDRE » ET « DÉCENCE »
Payot essais, 2016). Il s’agit avant tout de crypter Dans l’entre-deux-guerres, les conflits s’exa-
silhouette et carnation, la forme et la substance cerbent sur le « périmètre des nudités accepta-
corporelles, et les soustraire au regard de l’au- bles », selon les mots de Christophe Granger.
tre. » Mais, à la fin du XIXe siècle, émerge un Dans un article publié en 2008 (revue Rives
puissant mouvement de libération des corps. nord-méditerranéennes), l’historien raconte
« A cette époque, le naturisme, une philoso- les « batailles de plage » qui ont rythmé les an-
phie morale qui proclame les vertus du sport, nées 1920 et 1930. « Les arrêtés, dont le recen-
sement reste malaisé, se multiplient à partir du
milieu des années 1920, à la fois pour les plages
« La plage passe pour un lieu du littoral et pour celles, intérieures, de rivières,
d’étangs, etc. Les administrations municipales,
de liberté, de tolérance et pour lutter contre la “licence des plages”, se
d’authenticité où chacun rêve prévalent de leur compétence à maîtriser la
“voie publique” et ceux qui l’occupent. »
d’un retour à l’état de nature. A Moliets-et-Maa (Landes), en 1933, le maire,
considérant que les « tenues malséantes » ne
C’est pourtant un fantasme » sauraient être tolérées sur le sable, oblige les
estivants à s’y promener revêtus d’un maillot
VINCENT COËFFÉ
de bain « couvrant entièrement le torse, le bas-
historien
sin et la partie haute des membres inférieurs ». A
La Rochelle, un arrêté de 1934 contraint les bai-
gneurs à « s’envelopper d’un peignoir boutonné
ou fermé et couvrant le corps tout entier pour
du plein air et de la nudité, ainsi que la méde- effectuer le trajet de leur habitation à la plage ».
cine, qui affirme que le soleil guérit certaines A Boulogne-sur-Mer, en 1934, le maire proscrit
maladies comme la tuberculose, préparent le « les caleçons de sport » sur la plage au nom du
terrain à une nouvelle manière d’exposer son « bon ordre et de la décence ». Trente ans plus Sur la Côte d’Azur, en 1992. PETER MARLOW/MAGNUM PHOTOS
corps en public, explique Vincent Coëffé, maî- tard, Le Gendarme de Saint-Tropez, film de Jean
tre de conférences en géographie à l’université Girault sorti en 1964, est le lointain héritier de
d’Angers (Esthua, tourisme et culture). Dans cette police des corps. Ludovic Cruchot, le gen-
l’entre-deux-guerres, les femmes issues d’une darme incarné par Louis de Funès, et l’adju-
élite culturelle et sociale, appartenant notam- dant Gerber, joué par Michel Galabru, y tra- des relations d’interdépendance s’intéresse à désamorcer les tensions, gérer leurs regards,
ment à l’univers de l’art, commencent, l’été, à se quent les tenues indécentes sur les plages tro- l’étrange ballet social qui se joue sur le sable. « Il apprivoiser la quasi-nudité des voisins. « Ces
dénuder sur le sable tout en suscitant la contro- péziennes. Le film exagère à peine la réalité : est impensable qu’une femme ait pu se montrer multiples règles, qui ont été intériorisées au tra-
verse autour de l’immoralité. Elles s’affranchis- alors que le monokini apparaît la même année au XIXe siècle en public, sans se faire conspuer vers d’un long apprentissage, permettent à cha-
sent peu à peu de certaines convenances en ex- sur la Côte d’Azur, le ministre de l’intérieur de par la société, dans un de ces costumes de bain cun de se contrôler tout en mettant en scène, sur
posant aux regards leurs bras et leurs jambes. » Georges Pompidou Roger Frey fait savoir aux qui sont aujourd’hui d’usage courant », consta- le sable, l’aisance et le relâchement », décrypte
En 1907, la nageuse et comédienne austra- maires, par circulaire, que cette pratique relève te-t-il en 1939 dans La Civilisation des mœurs Vincent Coëffé. Il s’agit, selon lui, d’un « trans-
lienne Annette Kellerman fait ainsi scandale de l’outrage public à la pudeur et que la justice (rééd., Pocket, 2003), un ouvrage consacré à la fert d’urbanité » : « Le régime de civilité extrême-
en revêtant, sur une plage de Boston, un poursuivra les délinquantes. transformation des régimes d’émotions en Eu- ment élaboré de la plage permet aux estivants
maillot « une pièce » qui lui vaut des poursui- Les règles administratives ou judiciaires, tou- rope de l’Ouest. Si ce dévoilement des corps est de vivre à moitié nus, sans heurts et sans conflits,
tes judiciaires. Cette tenue « moulante » finit tefois, ne sauraient régir seules l’exposition des possible, analyse Norbert Elias, c’est parce qu’il dans un espace public ouvert à tous. »
par s’imposer sur le littoral français dans les corps sur le littoral. Comme tout espace social, s’inscrit dans le long processus de répression Pour Christophe Granger, ce code de la « dé-
années 1920, avant d’être concurrencée au dé- la plage est gouvernée par des normes infor- de l’affectivité et de la sensibilité survenu entre cence estivale », qui proscrit notamment les re-
but des années 1930 par le « deux-pièces » : un melles d’une immense complexité. « La plage le XVe et le XIXe siècle dans les sociétés occiden- gards trop appuyés ou les gestes déplacés, finit
maillot qui montre pour la première fois le passe pour un lieu de liberté, de tolérance et tales. « Nos coutumes sportives et balnéaires, les par « opérer une sorte d’effacement décisif du
ventre, même s’il cache encore pudiquement d’authenticité où chacun rêve d’un retour à l’état libertés que nous nous accordons – par rapport corps ». Sur la plage, estime l’historien, règne
le nombril. En 1946, le Français Louis Réard va de nature, analyse Vincent Coëffé. C’est pour- aux phases précédentes – sont la marque d’une un « régime de correction des regards, quelque
plus loin en inventant le bikini, un maillot mi- tant un fantasme : elle est une scène sociale où se société au sein de laquelle la plus grande retenue chose comme une indifférence ou mieux encore,
nimaliste auquel il donne le nom d’un atoll du déploient des conventions très sophistiquées qui est considérée comme allant de soi, et où hom- pour le dire avec les mots [du philosophe]
Pacifique où se déroulent des essais nucléaires. régulent en détail les apparences corporelles, les mes et femmes sont assurés que de fortes auto- Georg Simmel ou ceux [du sociologue] Erving
Si son créateur choisit d’associer le bikini à gestes, les postures et les regards. » contraintes et des règles strictes de savoir-vivre Goffman, une “inattention respectueuse” ».
une explosion, c’est sans doute parce qu’il com- Pour comprendre la subtilité de ces règles, les limitent l’initiative des individus », écrit-il. C’est ainsi, conclut-il, que s’organise « une indif-
prend qu’une révolution culturelle est en chercheurs qui travaillent sur ce thème en ap- Sur la plage, les estivants connaissent ce co- férence contextualisée », qui « dépouille le corps
cours. Exposer son corps aux regards publics pellent au sociologue allemand Norbert Elias de des mœurs sur le bout des doigts : tous sa- nu des lectures proprement impudiques qui,
est en effet un « immense remuement », estime (1897-1990). Dans les années 1930, ce théoricien vent parfaitement surveiller leurs postures, n’importe où ailleurs, s’attachent à la nudité ». h
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3
S A M E D I 4 AO Û T 2 0 1 8
DOSSIER LE MONDE
CORPS D’ÉTÉ
L’
historien Pascal Ory, professeur relle, on invoque couramment deux mythes : commencent à se dénuder. En 1939, Marie La Saison des apparences. Naissance
émérite à la Sorbonne, a publié celui de Coco Chanel – c’est la thèse élitiste – et Claire le proclame : cet été, le maillot deux- des corps d’été,
en 2008 L’Invention du bronzage. celui des congés payés [1936] – c’est la thèse po- pièces – bien avant le bikini – sera de mise… de Christophe Granger (Anamosa, 2017)
Essai d’une histoire culturelle puliste. Or, si les congés payés popularisent L’histoire des corps d’été se noue,
(Complexe, rééd. Flammarion, l’exposition balnéaire, la révolution a com- Faut-il y voir un indice de l’émancipation en France, entre les années 1920 et
« Champs », 156 p., 7 euros). mencé bien avant : quand Eugène Schueller [le des femmes ? les années 1970. Derrière le mythe
fondateur du groupe L’Oréal] lance Ambre so- La révolution passe par le corps de la femme des corps libérés, l’historien
Pendant des siècles, les civilisations laire, en 1935, il navigue sur une mode qui a été et, pour cette raison, elle part de France, qui Christophe Granger explore avec
occidentales ont préféré la pâleur lancée plus d’une décennie auparavant. Quant est le centre symbolique, à cette époque, de une grande subtilité les jeux sociaux
au bronzage. Pourquoi ? à Gabrielle Chanel, rien n’autorise à voir en elle, l’élégance féminine. Du coup, la nouvelle ten- qui se déploient sur les plages.
Jusqu’au début du XXe siècle, dans les sociétés sur ce point, une « leader d’opinion » – même si dance au bronzage se situe dans une succes-
de peau claire, le canon de la beauté pigmen- elle fait partie des femmes émancipées pour sion cohérente de libérations corporelles. Sur la plage,
taire est effectivement la pâleur. Dans les cultu- lesquelles Jean Patou commercialise en 1927 le C’est une affaire d’avant-garde, après l’aban- de Jean-Didier Urbain (« Petite Bibliothèque
res chrétiennes, cette valorisation du teint clair premier cosmétique bronzant de l’histoire. don du corset et les premiers signes tangibles Payot essais », 2016)
est liée à des considérations théologiques : la Le bronzage devient alors un facteur de dis- d’une coiffure courte, androgyne, « à la Jeanne L’anthropologue Jean-Didier Urbain
blancheur de la peau féminine renvoie à la pu- tinction sociale – distinction qui passe désor- d’Arc » – il suffit de se rappeler que saint Paul décrypte les rites d’installation, les
reté virginale, à Marie. Cette valorisation se mais par l’opposition au travailleur urbain, avait fait de la chevelure longue « le voile de la costumes et les coutumes des adeptes
maintiendra par-delà le mouvement de sécula- femme » pour mesurer l’importance de la de ce monde à part qu’est la plage
risation des sociétés modernes : les romanti- transgression. Il en est de même de l’exposi- à partir du début du XXe siècle.
ques surenchérissent dans le culte de la pâleur, « La révolution passe par le corps de tion de parts de plus en plus grandes du corps
comme en témoignent les métaphores du lis, féminin au soleil. Une polémique raciste dé- « La plage, territoire des corps »,
de l’albâtre ou du cou de cygne. la femme et, pour cette raison, nonce alors l’alignement des canons de cette un numéro de la revue Mondes du tourisme
Ces considérations intellectuelles s’adossent nouvelle beauté sur une figure exotique, sans (no 9, 2014)
à des affichages sociaux. Dans une société pré-
elle part de France, qui est le centre vouloir voir que les élégantes qui se bronzent De Rimini à Paris Plages en passant
dominamment rurale où les classes les plus
dépendantes de la glèbe sont exposées au so-
symbolique de l’élégance féminine » disposent par rapport à Joséphine Baker d’une
distinction notable : la réversibilité…
par Newquay, en Cornouailles,
ce dossier montre que la plage
leil et à ses coups, la « distinction » passe par la La vogue du bronzage durera un demi-siè- constitue un « laboratoire » qui permet
libération de cette contrainte. Les hommes cle, des années 1920 au début des années de « travailler la question des corps »,
des élites demeurent un peu plus exposés 1970. S’il a ensuite reculé, ce n’est pas seule- selon l’expression des chercheurs
mais ils peuvent du moins afficher la clarté du qu’il soit ouvrier ou employé. Mais, là aussi, il ment pour des raisons « objectives » et médi- Vincent Coëffé, Emmanuel Jaurand
teint de leurs compagnes comme attestation importe de justifier intellectuellement la nou- cales : les sociétés ne fonctionnent jamais et Benjamin Taunay.
de leur appartenance auxdites élites. velle tendance. Dès la fin du XIXe siècle, des comme ça, elles n’en font, au sens strict, qu’à
médecins adeptes de soins « naturels » affir- leur tête. Au reste, on n’est pas revenu aux Plages, territoires contestés,
A quelle époque le bronzage devient-il, ment qu’on peut lutter contre ce grand fléau pratiques et aux discours de 1900 : le nou- Actes de la recherche en sciences sociales
en France, une pratique répandue, voire d’époque qu’est la tuberculose en s’exposant veau non-conformisme a voulu ringardiser le no 218 (Seuil, juin 2017)
une mode ? à l’air et au soleil. Sur le modèle de l’hydrothé- hâle triomphant, mais nombreux sont en- Coordonné par la sociologue Jennifer
Le basculement des canons pigmentaires rapie, ils théorisent donc l’héliothérapie core celles et ceux qui continuent à se presser Bidet et l’historienne Elsa Devienne,
s’ébauche dans l’entre-deux-guerres, avec, dans (« bain de soleil »). Au même moment, les dans les instituts de bronzage avant l’été et à ce numéro, publié après la controverse
la foulée, le nouveau vocabulaire ad hoc – j’ai, nouvelles pratiques de loisir et l’avant-garde s’allonger au soleil pendant les vacances. Là de 2016 sur le burkini, montre
pour l’instant, repéré l’apparition en France du éducative, de la randonnée au scoutisme, cé- comme ailleurs, on est simplement passé à que les plages, de Los Angeles
terme « bronzé » en 1919. Pour expliquer ce que lèbrent le plein air. Le tourisme côtier bascule une culture éclatée en « tribus ». h à Pampelonne, sont souvent des lieux
je n’hésite pas à appeler une révolution cultu- décidément vers l’été et les corps balnéaires P RO P OS R E C U E I L L I S PA R A N N E C H E M I N de « discorde ».
Mon chêne,
repère de mon
territoire intime
PIERRE MORNET
On ne peut pas qualifier mon chêne de sublime. Su- cesse ? Le chêne, signe immuable à partir duquel
L E S A F F I N I T É S V É G É TA L E S 4 | 6 Penseurs ou blimes sont les oliviers autour de moi, dans l’olive- j’apprécie les ciels changeants, organise ma vision,
écrivains, ils racontent leur relation à une plante. raie des Pouilles où j’ai commencé à écrire ce texte. l’affûte. Par la fenêtre qui tient lieu de cadre pour
Rarement il m’a semblé que des arbres méritaient à retenir l’attention, il devient spectaculaire (le
Cette semaine, la romancière Belinda Cannone ce point l’appellation de « sujets » – chacun résultant cœur d’un spectacle, son principe organisateur).
d’une combinaison d’aléas qui ne se répétera pas, et On sait que, si l’on essaie d’écouter un son très
livre son attachement à cette source donc tous différents. On pourrait croire qu’ils ont lointain, on ne l’entend pas, mais on se met à per-
d’« émerveillement modeste ». Une « torche été dessinés à l’origine du monde par un dieu en- cevoir tous les bruits entre lui et soi et l’espace
fant, malhabile ou joueur, tant les énormes troncs ainsi délimité devient richement bruissant. Ainsi
de temps pur » qu’elle contemple à travers trapus offrent de formes fantasques – boursou- mon chêne, éloigné et cependant proche, permet
flures, débordements, tassements, renversements, ma concentration : vigilance, descente en soi, si-
la fenêtre de sa maison du Cotentin expansions, jaillissements, séparations, nouages… lence, conscience joyeuse de la vie qui bat en soi et
Leur beauté tient à la manifestation d’une double alentour. Dans l’extrême de l’ici et maintenant
profusion : profusion des arbres exceptionnels, cha- monte le sentiment de la beauté du monde et du
cun méritant longue observation, et profusion dans privilège d’y vivre.
PA R B E L I N D A C A N N O N E travers ma fenêtre je peux jouir de la vue de celui que la matière des troncs, tantôt lisse, tantôt rugueuse,
j’appelle mon chêne. Il croît, solitaire, dans un grand en lamelles, ajourée, se déversant, s’étirant, s’accu- ÉTATS MULTIPLES
champ de l’autre côté du chemin, à deux ou trois mulant, grumelant – comme autant de réactions Depuis des années, j’ai pris l’habitude, pour fixer
L
es Japonais ont un mot, shakkei, ou « pay- cents mètres. En vérité il ne m’appartient pas, mais il singulières à la taille pratiquée par les hommes au fil ces émerveillements quotidiens, de photographier
sage emprunté », pour désigner les ouver- est mien par le regard – qui prend sans posséder. de centaines d’années. Je dis ces torches de temps mon chêne en ses états multiples. Geste simple et
tures visuelles qu’ils ménagent dans leurs Dès que je m’assois, je lui jette un premier coup sublimes parce qu’elles sont indescriptibles, leur résultat modeste – je ne suis pas photographe et le
jardins afin de profiter des plus lointains d’œil. Nu l’hiver, en promesse au printemps et beauté excédant toute possibilité d’expression. téléphone est un appareil photo approximatif.
spectacles naturels. feuillu d’abondance l’été, il est presque toujours inté- Alors j’avance en apnée, sur les chemins de terre Mais son avantage est que je puis envoyer tout de
Cette notion, qui évoque un plaisir esthétique, ressant. Je crois que je détaille chaque fois dans le rouge bordés de folle avoine, émerveillée par la suite la photo à quelqu’un que j’aime. Drôle de ré-
pourrait être étendue en vue d’une désappropriation même ordre : lui d’abord puis l’entour, selon ce qui splendeur du monde. flexe. Sans doute parce que, comme le déclare
générale du monde vivant : tout paysage est pour s’y montre de spécial – la pluie ou les nuages, la lune Mon chêne, lui, simple et bien droit, provoque une Montaigne, « nul plaisir n’a saveur pour moi sans
tous, potentiellement, shakkei, et devrait à ce titre le soir, les meules de foin l’été, les oiseaux –, enfin la autre sorte d’émerveillement, qu’on pourrait dire communication ». A quoi Pascal, le citant, ajoute
n’être considéré comme la propriété de personne. haie du fond derrière laquelle s’élève un petit bois de modeste. Chaque jour il est là, au rendez-vous. très justement : « Marque de l’estime que l’homme
Quand la Terre présentait une si abondante couver- peupliers. Avant, destiné au pâturage, dès le prin- Parce que le soleil et la lune se lèvent derrière lui, je fait de l’homme ». L’émerveillement provoque tou-
ture végétale qu’on croyait celle-ci inépuisable, on temps le champ accueillait des vaches et il recevait le dis mon orient. Lorsque, à vélo, quoique assez jours le désir d’être partagé. Regarde ! Vois !, invite
pouvait bien posséder un morceau de nature – arbre toute l’année la visite d’animaux sauvages : renards proche de la maison je ne parviens pas à la situer l’émerveillé.
ou forêt par exemple. Mais aujourd’hui que nous sa- (très rarement visibles), lièvres, chevreuils élégants, dans l’espace, je fouille les champs du regard et Attention, concentration, émerveillement : mon
vons la nature en grand péril ? Dans le Cotentin, je et ces visions furtives me donnaient le sentiment quand je reconnais mon arbre, joie ! Comme si m’en chêne m’enseigne la poésie. Et le croira-t-on ? Ce
vois chaque année tomber les haies et les arbres des d’une faveur. Pendant un temps, un rapace venait se était offert un nouvel aspect, je goûte le nouveau champ, de l’autre côté de ma fenêtre, est désigné
chemins. De quel droit anachronique ? Et combien poser sur une grande branche basse du chêne – je ne dans le familier. Il occupe le centre – non géométri- au cadastre sous le nom de « Paradis ». h
de motifs ridicules et mesquins chez les bûcherons sais s’il l’habitait, ou si, comme d’autres vont au café, que mais affectif – de cette mienne partie de l’uni-
occasionnels ! L’ombre des arbres qui rendrait les il y avait simplement ses habitudes de vieux garçon. vers. S’étirant à partir de son fût, un territoire, déli- La semaine prochaine : Le palmier, par Laure Murat,
chemins humides, leur emplacement qui empêche- Puis la branche est tombée, le rapace a trouvé repaire mité par mes promenades, m’est bien connu par ses historienne et écrivaine.
rait la circulation des monstres agricoles, quelques ailleurs et les oiseaux n’ont plus fait que passer. chemins, ses haies, ses champs, ses maisons, ses vi-
sous à gagner en débitant leur bois… J’espère ar- rages, ses points de vue et, sur certains marais, la
demment cette loi qui dira enfin que, au-delà d’une EN SURSIS qualité ouatée du silence. Au fil de cette très assidue B E L I N DA C A N N O N E
certaine hauteur, un arbre, devenant bien com- Mais depuis trois printemps, on cultive autour de fréquentation s’est établie une géographie imagi- Romancière et essayiste,
mun, ne peut plus être abattu par son « proprié- mon chêne. Maïs d’abord, puis blé cette année. naire qui découpe une île au milieu des champs. Un elle enseigne la littérature
taire ». Car une certaine hauteur, c’est un certain Adieu mes paisibles vaches ! L’uniformité paysa- territoire intime fait toujours île. comparée à l’université
âge : les arbres sont des torches de temps pur. Le gère gagne. Je redoute le jour où un agriculteur esti- Mais c’est à travers mes carreaux que je le préfère. de Caen-Normandie.
temps n’est la propriété de personne. mera l’arbre une gêne pour moissonner. A présent, J’aime sa fixité. Pourquoi ? Parce qu’elle rend les re- Elle est notamment l’auteure
Lorsque je me rends dans ma cotentine maison des la beauté du monde vivant est toujours en sursis. trouvailles immanquables ? Image de la perma- d’Un chêne (Le Vistemboir, 2016)
champs, chaque matin, travaillant à mon bureau, à Elle tremble au bord de l’évanouissement. nence quand tout, le monde et moi, change sans et de S’émerveiller (Stock, 2017).
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S A M E D I 4 AO Û T 2 0 1 8
ENTRETIEN LE MONDE
Cynthia Fleury
« Le moteur d’une
entrée dans le monde » B O N C O U R AG E ! 4 | 6 Il n’est pas question
psychanalyste, quand je vois des patients qui
sont menacés par l’érosion de soi (parce qu’ils
ici d’héroïsme, mais de cette vertu qui fait tenir ont « renoncé », par usure, par fatigue, par
mauvais discernement), qui tombent en dé-
au quotidien. Cette semaine, la philosophe pression ou pire, je leur dis de commencer par
se ressaisir de leur courage, même si c’est de
Cynthia Fleury explique comment le courage façon un peu mécanique : forcez-vous, dites
d’exister en tant qu’individu est nécessaire non, refaites ce petit geste de mener un com-
bat, même infime, et vous allez récupérer une
à la régulation de l’espace politique confiance qui est vitale. Sinon, vous allez tom-
ber malade. Ce fut pour certains une décou-
verte de s’apercevoir que le courage est pro-
P ROPOS RECUEILLIS PAR JULI E C L A R I N I négociation. Il y a aussi des formes plus ins- tecteur du sujet alors que bien souvent, dans
tinctives de courage, même s’il ne faut pas le ces états-là, le premier réflexe est de fuir, de
P
hilosophe, Cynthia Fleury est pro- confondre avec le seul instinct de survie ou de surtout éviter ce qui pourrait être source de
fesseure au Conservatoire na- défense. Ce n’est pas parce qu’il existe des nouveaux ennuis. Mais, au contraire, c’est la
tional des arts et métiers, titulaire tempéraments plus enclins au courage qu’il dissociation permanente des principes et des
de la chaire humanités et santé. faut nous reposer sur ces derniers. Il est im- actes qui est destructrice.
Elle a notamment signé La Fin du portant, au contraire, de cultiver collecti- Ensuite, ce n’est pas parce que nous sommes
courage (Fayard, 2010), puis Les Irremplaçables vement cette valeur. Comment fabriquer col- en paix qu’il n’y a plus de batailles à mener.
(Gallimard, 2015). lectivement une exemplarité, tel était aussi le L’Etat de droit n’est pas irénique, c’est un lieu
sens de mon livre. de rapports de force, de combats perpétuels,
Dans l’idée commune, le courage pour les acquis, pour de nouveaux droits, etc.
se manifeste par un acte exceptionnel On revient à une conviction très Si on capitule, tout dégringole. C’est pour cette
qui fait rupture. Est-ce toujours vrai ? répandue dans l’Antiquité : raison que je parle du courage comme d’un
Il existe une approche historique du courage les vertus peuvent s’enseigner… outil de régulation majeur de l’Etat de droit.
où ce dernier est effectivement exceptionnel, Pendant très longtemps, le courage a été en-
porteur d’un commencement. C’est le sens seigné. Certes, c’était dans une approche viri- Dernièrement, en France, la protection
profond de la rupture : commencer une nou- liste qu’on ne va pas regretter et, certes, sou- juridique des lanceurs d’alerte
velle histoire, celle de la liberté, celle de la jus- vent en lien avec une notion connexe, l’or- a progressé. Faut-il faire le lien avec
tice, celle de l’amour. Non pas la rupture pour gueil, qu’on n’a pas envie de flatter. Mais je notre discussion sur le courage ?
la rupture. Le courage est ainsi le moteur pense qu’on peut aborder le courage dans une Absolument. On a vu comment la question a
d’une entrée dans le monde, une façon de approche plus ordinaire et moins genrée. rattrapé nos instances démocratiques : jus-
faire lien avec les autres. Dans La Fin du cou- C’est au fond une vertu humaine qui permet, qu’où le lanceur d’alerte participe-t-il d’une
rage, j’ai essayé de montrer que cette notion à différentes échelles, selon là où elle est sai- régulation souhaitable du système ? Com-
recouvre un large spectre, qui va de l’acte ex- sie, de transformer le monde. Elle est créa- ment protéger celui qui prend le risque de
ceptionnel de confrontation avec le « réel de trice, en ce sens qu’elle travaille avec l’in- mettre en danger sa position particulière
la mort » à d’autres qui relèvent plus de la connu : on sait ce qu’on lâche mais pas ce
lutte incessante contre le découragement, de qu’on récupère. Le courage, c’est l’inverse de
la défense d’une décence commune, etc. ce que nous suggère le monde très calculateur « Il y a des cultures, des éducations,
et très consommateur dans lequel nous som-
Le courageux, dites-vous, mes plongés, où l’on ne fait quelque chose que
des valeurs qui prédisposent au courage,
a toujours peur…
L’acte du courage est une conscientisation de
quand on est sûr du résultat. Le courage, c’est
faire quelque chose parce qu’il faut le faire.
au sens où elles l’enseignent, le corrèlent à un
la peur, qui va de la considération à sa cri- Que cela nous mène ou pas dans une situa- ensemble de moyens et de compétences »
CATHERINE HÉLIE POUR tique, et à son dépassement. Si l’individu n’a tion compliquée. Le courage est validé par le
LES ÉDITIONS GALLIMARD pas peur, il ne peut pas être courageux. Il sera chemin, et non par le résultat.
inconscient. Le courage est indissociable Comble pour les capitalistes, le philosophe
d’un acte raisonnable, il relève d’un pacte Vladimir Jankélévitch [1903-1985] précise que
avec la raison et non avec l’hubris, sinon il de- « ce qui a été fait reste à faire ». On ne peut pas pour défendre l’intérêt général ? C’est la
vient passion, orgueil, intempestivité, déme- cumuler, thésauriser, du courage. Pour toutes même chose avec la désobéissance civile, qui
sure. Dans le cas contraire, tous les passages à ces raisons, c’est une vertu qui échappe à ce est un autre outil de régulation ayant trait à la
l’acte seraient considérés comme courageux monde, qui lui est étrangère et qui donc n’a question du courage.
– ce qui évidemment serait problématique. pas été valorisée pendant un certain temps.
Donc pas de courage sans peur, sans interro- L’autre raison de son effacement, c’est qu’elle Donc, le courage est ce qui permet
gation sur le sens du risque à prendre, sur le était considérée comme l’apanage de l’His- une forme de réarmement de l’individu,
sens de l’action à mener, sur le projet qui toire, des grands hommes, de ceux qui font mais en lien avec l’espace politique ?
sous-tend l’acte courageux. C’est cela qui fait face au « réel de la mort ». Heureusement, A partir du moment où un individu, par dé-
du courage quelque chose de l’ordre de la dé- l’Etat de droit ne valorise plus le sacrifice de faut de courage, n’est plus capable de faire su-
cision – qu’on prend parfois de manière im- ses citoyens ; on a assisté tout au contraire à jet, non seulement il va tomber malade, mais
perceptible parce qu’on la porte en nous de- une professionnalisation de l’armée. la traduction politique de son malaise sera le
puis longtemps. Ainsi, même si les auteurs ressentiment, l’abstentionnisme, le retrait de
d’un acte courageux expliquent que cela s’est Mais précisément, n’est-ce pas la sphère publique ou, plus dangereusement,
tout simplement imposé à eux, il y a toujours une valeur obsolète ? le vote extrémiste. La destruction de la singu-
quelque chose du sujet dans l’acte. Mon idée, au fond, était de mettre de côté le larité de l’individu mène à la destruction de
courage comme outil de leadership, de com- l’Etat de droit. Pour moi, c’est cette boucle qui
Peut-on donc porter en soi mandement, et d’aller vers deux pôles moins est intéressante, ce ruban de Möbius qui lie la
cette prédisposition au courage ? investis : dans un premier temps, le courage question du sujet à la question démocratique.
Il y a des cultures, des éducations, des valeurs comme protecteur du sujet et de sa santé psy- Traditionnellement, la République s’est cons-
qui prédisposent au courage, au sens où elles chique, je vais y revenir ; dans un deuxième truite autour de deux notions, celle de la Vertu
l’enseignent, le corrèlent à un ensemble de temps, le courage comme outil de régulation à (approche républicaine) et celle de l’Intérêt
moyens et de compétences. Prenons le cas du l’intérieur des institutions, des organisations, (approche libérale). Le courage permet peut-
gendarme Beltrame : il a décidé de prendre la des systèmes collectifs. être d’avoir l’exigence de la Vertu et l’efficace
place d’un otage dans l’attentat de Carcassonne D’abord, le courage ne fait pas seulement de l’Intérêt, en tenant à distance aussi leurs
[le 23 mars] en fonction, aussi, de ses « compé- l’Histoire, il fabrique aussi les individus. Pour dérives mortifères. h
tences » ; il a considéré que c’était son devoir faire sujet, se maintenir en bonne santé psy-
de gendarme et qu’il avait les moyens de re- chique, il faut du courage. C’est un principe La semaine prochaine : Le philosophe
tourner la situation par une compétence de d’autopréservation de soi-même. En tant que Vincent Delecroix.
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ENQUÊTE
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LE MONDE S A M E D I 4 AO Û T 2 0 1 8
Rey-Debove
& Rey
Les spoliés du Robert
U N M A N U E L P O U R D E U X 4 | 6 A la découverte
des duos qui ont créé nos livres de classe. Cette semaine,
les véritables auteurs du dictionnaire français
de référence, publié en 1964, et de ses déclinaisons,
restés dans l’ombre de leur employeur, Paul Robert
PHILIPPE-JEAN CATINCHI langue française (1992) et le Dictionnaire cultu- les années –, bientôt dominé par le trio qui va de rapprocher au plus près d’un dictionnaire
rel en langue française (2005) pour échapper faire du Robert, dès sa parution, un ouvrage de les pistes amorcées par le fascicule initial, plus
P
eut-on imaginer qu’un diction- au patronyme de la maison d’édition. référence. Par ordre d’entrée en scène : Alain suggestif que programmatique.
naire ne porte pas le nom de celui Or, derrière Paul Robert (1910-1980), avocat Rey, Josette Debove et Henri Cottez. Les deux C’est d’autant plus délicat que Paul Robert
qui le réalise, le peaufine, le révise passionné d’économie politique qui se mue premiers, qui se marieront ensemble, devien- n’a pas mesuré les dimensions réelles de son
et le supervise au fil des rééditions en audacieux chef d’entreprise pour faire naî- dront très vite la véritable conscience du projet. projet. Josette Rey-Debove (les deux « forçats »
et des mises à jour avec un soin tre ce Dictionnaire alphabétique et analogi- Au sortir d’un service militaire au Maghreb, ont uni leurs destins en septembre 1954) parle
aussi sûr que constant ? Quand bien même que dont il rêve, il y a en effet plus qu’une Alain Rey a découvert chez les pieds-noirs, à la même d’un « concours Lépine », tant l’aven-
Pierre Larousse (1817-1875) n’a pas agi seul équipe de contributeurs : un trio dont les fin des années 1940, une mentalité et un com- ture tient d’abord à éviter les bourbiers de
– pas moins de 90 collaborateurs –, on ne lui compétences croisées, la rigueur et l’énergie portement envers les indigènes qui ne l’enga- l’amateurisme sous la houlette de ce moderne
conteste pas la paternité de son projet ency- vont réaliser l’improbable miracle. gent pas à y revenir. C’est dire que Paul Robert, « Facteur Cheval » – surnom que le trio donne
clopédique, ce Grand Dictionnaire universel du natif d’Orléansville (aujourd’hui Chlef, située à son commanditaire.
XIXe siècle, dont les 15 volumes parurent entre CÉNACLE RESTREINT à 200 km au sud-ouest d’Alger), dont le père La référence, par-delà le regard amusé, dé-
1866 et 1876. Pas plus qu’à Antoine Furetière Paul Robert n’usurpe pas sa gloire cependant : est un riche exploitant de la plaine de la Miti- note une affection réelle pour celui qui, pour-
(1619-1688), dont le Dictionnaire universel ne avec une foi qui sidère, il crée en 1951 une dja, est le prototype de ce qui peut l’indispo- tant, les entourloupa quand le projet enfin
parut qu’à titre posthume (1690), ou à Emile adresse éditoriale, Les Dictionnaires Le Robert, ser. Le jeune homme, qui cherche un travail réalisé se déclina en Petit Robert. L’ouvrage,
Littré (1801-1881), condisciple au lycée Louis- qui ne publiera rien pendant plus d’une dou- fixe et se rêve écrivain, voit toutefois dans la qui n’avait pour auteurs que nos trois compè-
le-Grand de Louis Hachette (1800-1864), qui zaine d’années : le temps de mener à terme ce proposition de Paul Robert une occasion de res, fut présenté comme un collectif ; Paul
édita son monumental Dictionnaire de la seul projet, enhardi par le prix Saintour que se perfectionner dans le maniement de la Robert s’en réserva par contrat les bénéfices
langue française, rêvé dès 1841 et finalement lui décerne l’Académie française en 1950, sur langue. Cap sur Alger, donc, dès 1952. d’exploitation, les auteurs, spoliés, se trou-
mené à terme… en 1872. la seule présentation d’un fascicule de dé- Un an plus tard, échappant ainsi à la carrière vant réduits au rang de simples salariés de la
Depuis plus d’un demi-siècle, pourtant, monstration. Pour cette « entreprise imagi- toute tracée d’une titulaire du Capes de let- maison d’édition. Quand on sait les millions
Le Robert (1964) ne porte pas les noms des native et invraisemblable », ce précurseur de tres qu’une année en collège a suffi à détour- d’exemplaires qui s’en sont écoulés en un de-
auteurs de cette somme lexicographique, qui l’hypertexte recrute ceux qu’il espère des ner du métier, Josette Debove rejoint l’aven- mi-siècle, on mesure l’arnaque et l’exemplaire
s’est depuis déclinée en Petit Robert (1967), en « émules » par petites annonces dans la presse ture à Casablanca – où l’entreprise, pour des décence des lexicographes qui n’accablèrent
Petit Robert des noms propres (1974), en (Le Monde et Le Figaro). raisons fiscales, a été délocalisée. Avec le jamais la mémoire du chef d’entreprise.
Grand Robert de la langue française (1985) – il C’est ainsi que se forme un cénacle res- concours d’Henri Cottez, infatigable lecteur Comme des chambristes virtuoses, chacun
n’est guère que le Dictionnaire historique de la treint – entre trois et six collaborateurs selon doté d’une stupéfiante mémoire, il leur revient joua sa partition. A Josette la logique et la des-
cription fonctionnelle, à Henri la philologie et
l’étymologie, à Alain le regard social et la syn-
thèse. La disparition d’Henri Cottez, en dé-
Hommage à Henri Cottez, le troisième mousquetaire cembre 1999, ne changea rien, le couple Rey-
Debove étant devenu depuis longtemps la che-
ville ouvrière de tous les chantiers du Robert.
Elève au lycée Henri-IV du philosophe Alain, puis L’enseignement et la célébration des mots, qu’il praticien du dictionnaire, il a enrichi la version Si Josette signa, outre un essai décisif sur le
à l’Ecole normale supérieure, dans la promotion consommait sous leurs métaphores littéraires, en historique, littéraire, scientifique, culturelle en un métalangage (1978), une thèse qui la conduisit
de Georges Pompidou et Léopold Sédar Senghor, firent un des lexicographes du français les plus mot, de la description d’un lexique. à enseigner la sémiologie et la lexicographie
Henri Cottez (1913-1999) rejoint en 1954 notables. (…) Devenu auteur, il édita au Robert, On peut lui appliquer les termes qu’il employait à la Sorbonne-Nouvelle, puis à Paris-VII, en-
à Casablanca l’équipe recrutée par Paul Robert. en 1978, un remarquable Dictionnaire des struc- pour faire l’éloge de son maître, le philosophe fin à l’Ecole des hautes études en sciences so-
Alain Rey, dans son Dictionnaire amoureux tures du vocabulaire savant, où sa connaissance Alain, qui enseignait, écrit-il, une “fidélité ciales, Alain, lui, diffusa son prodigieux sa-
des dictionnaires, en fait un portrait sensible : des langues classiques fait merveille. Ce diction- à l’esprit”, et recommandait de ne jamais cher- voir en ce qui concerne les mots et leur histoire
naire est un répertoire d’éléments tirés du latin cher à réfuter les grands penseurs et les créa- sociale sur les supports les plus larges, de la
« Cottez, avec son expérience d’helléniste, sa et surtout du grec ayant servi à la formation teurs, mais de chercher à les comprendre au-delà presse à la radio. Tout en continuant d’ima-
grande culture littéraire, l’exactitude de son style, de termes scientifiques et techniques. La date et de leur message exprimé : “Socrate ne s’arrête giner des dictionnaires inédits, avec aujour-
sa qualité de normalien, nous aurait impression- le responsable de ces termes sont le plus souvent pas à Socrate.” C’est ainsi qu’il avait écrit, d’hui – Josette étant morte en février 2005 – le
nés sans sa cordialité tranquille. (…) donnés, ce qui fait de l’ouvrage un auxiliaire pour le Mercure de France, des chroniques où concours décisif de Danièle Morvan.
Henri Cottez était taiseux, mais nous savions pour l’histoire des sciences. Enfin, une liste des il traitait des œuvres classiques comme si elles Le Robert ne s’appelle pas le Rey, mais c’est le
qu’il avait été proche des surréalistes, puis concepts et des éléments qui les expriment en venaient de paraître, débusquant la modernité profil d’Alain qui orne l’édition 2016 du Dic-
des leaders d’un parti de gauche trop intelligent fait un outil de formation de nouveaux termes. durable de Lamartine ou de Hugo. » h tionnaire historique de la langue française. Une
pour réussir, le PSU. Libraire à la manière d’un Un jeu de construction virtuel. signature subliminale qui n’est que justice. h
José Corti, il n’avait pas eu le sens du commerce Dans ses diverses activités, Henri Cottez a re- Dictionnaire amoureux des dictionnaires, d’Alain Rey,
et, je crois, avait dû mettre la clé sous la porte. présenté une exceptionnelle ouverture. Comme Plon, 2011, p. 268-270. La semaine prochaine : Brossolette et Ozouf.
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S A M E D I 4 AO Û T 2 0 1 8
I M AG E LE MONDE
ÉR I C LO R E T
L’
afrofuturisme est un mouvement féministe »,
aurait un jour déclaré Alondra Nelson,
professeure de sociologie à l’université
Columbia, à New York, et théoricienne de
ce mouvement – on lui doit un important
numéro « Afrofuturism » de la revue Social Text
en 2002. On n’a pas retrouvé la source de cette asser-
tion, analysée par l’essayiste et cinéaste Ytasha Womack
dans son Afrofuturism. The World of Black Sci-Fi and
Fantasy Culture (Chicago Review Press, 2013, non tra-
duit), mais on va faire comme si la suite de la citation
était vraie aussi, car elle est passionnante : l’afrofutu-
risme « n’est pas un espace où les femmes trouvent une
identité. C’est un espace féministe. Certes, c’est un espace
où les femmes peuvent accroître leur sentiment de capa-
citation, car c’est un lieu qui permet la critique des
moyens que les gens associent à la science et à la techno-
logie. Et la technologie ouvre par nature des espaces dont
les femmes peuvent être des figures centrales ».
Au début, l’afrofuturisme est un concept forgé en 1994
par le critique Mark Dery, pour qui « les voix africaines-
américaines ont des récits alternatifs à proposer sur la
culture, la technologie et l’avenir ». Il évoque Basquiat ou
Herbie Hancock et note que le genre peut emprunter
aussi bien au hip-hop qu’au cyberpunk. Le jazzman et
prophète Sun Ra devient rétrospectivement une figure
emblématique du mouvement. Popularisé par le film
Space Is the Place (1972), attifé en gourou pharaonico-
psychédélique, il y essaie de convaincre les Terriens de
se brancher sur les fréquences de son « Arkestra » pour
expérimenter une « alterdestinée ». En 2003, dans un
article publié par The New Centennial Review, l’essayiste
et cinéaste Kodwo Eshun donne une idée plus large et
plus nette du concept : « Un programme pour retrouver
les récits des contre-futurs imaginés dans un siècle hos-
tile aux horizons des diasporas africaines et (…) un es-
pace où fabriquer des outils pour intervenir dans le pro-
cessus politique actuel. » L’espace est donc toujours
« the place » à discuter.
ABSOLUMENT DIASPORIQUE
Le travail de Wangechi Mutu, artiste new-yorkaise née au
Kenya en 1972, est considéré par la plupart des théori-
ciens comme représentatif d’un « afrofuturisme 2.0 », dé-
taillé en 2016 dans l’ouvrage Afrofuturism 2.0. The Rise of
Astro-Blackness, sous la direction de Reynaldo Anderson
et Charles E. Jones (Lexington Books, non traduit). Le
concept dépasse la diaspora africaine-américaine pour
embrasser un projet panafricain et, surtout, qui s’af-
fronte à la « fiction fondatrice de l’âge numérique » d’une
technologie permettant de surmonter la division des
genres et des « races », comme l’écrit Alondra Nelson
dans Social Text. Dans le catalogue de la Triennale pari-
sienne de 2012, le commissaire Okwui Enwezor décrit les
collages de Mutu comme « donnant l’impression d’un ex-
cès topographique, d’une émeute anatomique, comme si
ce qui s’offrait au regard était une sorte de champ orgiaque
suggérant à la fois un corps blessé et un paysage profané ».
Mais on peut en faire une lecture moins doloriste.
Evoluant entre la vidéo (The End of Eating Everything,
avec Santigold en 2013), la sculpture (She’s Got the
Whole World in Her, à la Biennale de Venise en 2015) et le
collage papier ou pictural, l’œuvre de Wangechi Mutu
« récolte », comme elle le dit elle-même, des fragments
d’images, en particulier de la femme africaine ou afro-
américaine, et accélère ces stéréotypes dans des com-
positions critiques ou simplement en les « réaffectant »
« Riding Death in My Sleep », 2002. Encre et collage sur papier (152,4 x 111,8 cm). COURTESY OF THE ARTIST. COLLECTION OF PETER NORTON, NEW YORK/ WANGECHI MUTU. par de nouvelles combinaisons, liées aussi bien aux tra-
ditions kényanes qu’au devenir écologique du globe.
Plus ambivalentes qu’il n’y paraît, ces figures ne sui-
vent pas forcément telle tradition afrofuturiste de la
femme comme déesse surpuissante. Ainsi, déclarait
l’artiste en 2014 à Bomb Magazine, « le corps est aussi un
E S Q U I S S E S D U F U T U R 4 | 6 Les artistes contemporains explorent piège qui nous limite, nous inactive, nous empêche d’être
immatériel, invisible, d’être tout ce qu’on voudrait peut-
l’avenir à la lumière des sciences sociales. Cette semaine, être être, parce qu’on n’a pas forcément envie de se distin-
guer ». Il s’agirait du coup, pour l’humanité future,
les œuvres fantasmagoriques de la plasticienne qui, détournant d’être absolument diasporique, c’est-à-dire hybridée
les représentations stéréotypées des femmes, notamment noires, au-delà du genre, de la « race » et de l’espèce. h
crée les mutantes d’une nouvelle humanité La semaine prochaine : L’intelligence artificielle selon Ian Cheng.
Wangechi Mutu
l’a frofuturisme tout feu, tout femme