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Manifestation contre Gladio, à Rome le 17novembre

six dans le Frioul, deux dans le Piémont, une en l'action :s Pourquoi attendre? Faisons une guerre de l'enlèvement, eh bien, on entend de la bouche
Lombardie, une en Vénétie. civile préventive», disaient-ils. Ce général démo- du général Giovanni Romeo, lors de sa déposi-
La première qu'il a fait déterrer, 8 caisses cratique révèle enfin que les services secrets tion: « Nous avons infiltré les BR dès le départ»!
d'armes et de munitions, était enfouie devant la français faisaient alors pression pour que les Ce pourrait être une forfanterie de militaire,
petite église de San Vito al Tagliamento (dans le franquistes espagnols entrent dans Gladio et que, maintenant que le terrorisme rouge est déman-
Frioul), qui date du XIV' siècle. La deuxième, à un jour, à Bruxelles il se trouva face à deux telé. Mais non. Car un dirigeant de ce groupe, qui
Arbizzano di Negrar, près de Vérone, se trouvait envoyés spéciaux de Madrid « quidemandèrent à s'est dissocié en prison de ses camarades, Alberto
carrément dans le cimetière, juste sous un mur adhérer à l'organisation, comme s'il s'agissait Franceschini, fait état publiquement de ses dou-
haut de trois mètres qui contenait une cinquan- d'un club de bridge»... tes : «Il y a seize ans, les BR avaient entre leurs
taine de cercueils. Il a fallu faire sauter les tombes. Tout indique donc que, née en 1956 d'un mains les documentsde l'opération Gladio, dont
Et on a trouvé 21 caisses, 18 paires de pains de accord direct entre les services secrets italiens et une liste de I 000 noms que nous avions saisie lors
plastic intacts, des détonateurs. La troisième américains (le juge Casson possède le document d'une perquisition prolétarienne à Milan. Le plus
cache était elle aussi dans un cimetière, adossée à de fondation), l'organisation Gladio a largement curieux, c'est que nous avons été arrêtés, Renato
une crypte vieille de mille ans, à Abbadia, près de dépassé par la suite ses attributions initiales. Et Curcio et moi, au volant d'une Fiat 128 qui
Turin. Cimetières, églises, grottes, ou tout sim- que son histoire recoupe et croise celle de la contenait ces documents et que nous ne les avons
plement casernes des carabiniers, voilà où les subversion en Italie. Quarante ans d'attentats, de plus jamais revus. Nous en avons demandé la
« patriotes » trouvaient leurs armes pour stopper terrorisme noir et rouge, de stratégie de la tension raison lors du procès. Personne ne savait où ils
l'avancée des e rouges ». On se croirait dans un redéfilent aujourd'hui sur les téléviseurs des avaient disparu. » Franceschini, enfin, émet l'hy-
mauvais feuilleton. Italiens. Avec une nouvelle clé de lecture: Gladio. pothèse d'une manipulation des Brigades rouges
Parmi les dirigeants de Gladio, quelques-uns, Puisqu'il fallait à tout prix bloquer l'avancée des pendant la gestion de l'enlèvement Moro. Aldo
malgré tout, ont eu des doutes sur le « patriotisme» communistes et puisque l'ambition des fascistes Moro dont la stratégie était, à l'époque, il ne faut
de leurs légionnaires. Le 20 novembre 1990, de la « Rose des Vents » était la pas l'oublier, l'ouverture en direction des com-
devant la commission d'enquête parlementaire même, ainsi que celle des terroristes de Piazza munistes et leur entrée dans la majorité de
sur les attentats, le général Gerardo Serravalle, Fontana à Milan, des poseurs de bombes de gouvernement...
chef de l'organisation entre 1971 et 1974, raconte: l'Italicus, des « vénérables » de la loge P 2 et des Tous les mystères de Gladio sont loin d'être
« Gladio était dangereux. Certains extrémistes ravisseurs d'Aldo Moro, on ne peut s'èrnpêcher de élucidés, et les retombées de l'affaire ne font que
étaient prêts à intervenir de façon préventive faire des rapprochements intéressants. commencer. Car si l'Italie a échappé de justesse au
contre un succès éventuel des communistes aux D'ailleurs, les langues se délient. Les magis- destin de la Grèce, qui a subi la dictature militaire,
élections. Je craignais de me trouver à la tête d'une trats qui enquêtent sur l'attentat de Bologne si elle n'a pas vu non plus le PCI accéder à la stanza
'bande armée. Je suggérai de démanteler les rappellent qu'ils ont, de longue date, signalé que dei bottoni-- la salle des commandes —,elle en paie
caches. » La décision est alors prise de concentrer, « derrière cet attentat, il y avait une structure aujourd'hui le prix: une crise institutionnelle sans
dans la mesure du possible, armes et explosifs secrète composée de militaires et de civils ». précédent, née justement de la découverte de
auprès de 48 casernes de carabiniers. Le général Etait-ce Gladio ? Quant aux ravisseurs d'Aldo l'affaire Gladio. L'Histoire, elle aussi, se venge
raconte sa rencontre surréaliste avec quinze « têtes Moro, ces fameuses Brigades rouges qui ont tenu parfois.
brûlées » qui voulaient passer tout de suite à en haleine la classe politique pendant les 55 jours MARCELLE PADOVANI
27DÉCEMBRE1990-2JANVIER1991/41

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