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CIRCULATION • Bien sûr, on connaît les raisons.

La production des grosses


cylindrées — celles où les constructeurs font les plus gros

Pour bénéfices — a fléchi de 7 % en janvier. En février, les ventes


d'automobiles ont baissé de 15%. Et les autoroutes, dont la
rentabilité était déjà bancale, ont vu leur chiffre d'affaires
tomber de 10 à 25% depuis la limitation de vitesse. Aussi

d5UX î:eteS comprend-on l'immense satisfaction des chabtrés du cham-


pignon au plancher. Ecoutons-les : « C'est un premier pas
vers le retour à la vitesse libre. » (Les importateurs de véhi-

de plus cules automobiles.) Nous voilà donc renseignés : ce n'est


qu'un début.
- La vitesse n'est qu'un facteur d'accident minime. Un
pays qui limite la vitesse est un pays qui vieillit » (Jean•
Un pays qui limite la vitesse Rédélé, président d'Alpine-Renault). De fait, la suppression
est un pays qui vieillit. » Alors restons de cette limitation va empêcher quelques personnes de
vieillir.
jeunes et tuons-nous... - La limitation de vitesse ne peut être avancée comme
principal facteur de réduction du nombre des accidents »
Donc les lobbies automobile et autoroutier ont gagné. (porte-parole de Citroën). On sait pourtant que la Suède,
j. La vitesse maximale passe de 120 à 140 km/h sur
où la vitesse est limitée à•50 km/h dans les agglomérations,
à 90 km/h sur la totalité des routes et à 110 km/h sur les
autoroute et de 90 à 120 km/h sur route à quatre voies. Les
autoroutes, est championne en matière de sécurité routière.
statistiques étaient pourtant formelles : le nombre dés tués
On sait que les Etats-Unis, qui la talonnent, ont réduit, par
par accidents de la route en janvier 1974 a été de 964 contre
souci d'économie, le plafond autorisé sur autoroute. Le
1 235 en janvier 1973 (— 22,8 %). Le nombre des blessés
résultat ne s'est pas fait attendre : 5 % d'accidents en
respectivement de 24 632 contre 27 860 (— 11,6%). Alors ?
moins.
Passe encore que le gouvernement se soucie moins de ces
cadavres ou de ces morts-vivants que de la santé de l'indus- Rien, tant la mauvaise foi est évidente, ne convaincra les
trie automobile. Passe encore qu'il fasse la sourde oreille à constructeurs d'automobiles, les gérants d'autoroutes, les
l'appel lancé par l'Association des Paralysés de France .fabricants de pneus ou de pièces détachées et tous les
« Il n'est pas possible de mettre en parallèle quelques mi- croque-morts qui vivent de la casse automobile que la
nutes perdues sur le trajet avec des vies gâchées... » Mais, vitesse tue. Pierre Messmer avait pourtant déclaré qu'en six
enfin, ce gouvernement-là, qui prêche l'économie et qui va mois la limitation de vitesse avait épargné' la mort à près
couper le chauffage dans les H.L.M. (car comment contrôler d'un millier de Français. Voilà qui est clair. Le monstre
ailleurs ?) à partir .du 15 avril, aurait dû être sensible à la automobile exige ce supplément de deux mille têtes par an
baisse spectaculaire de la consommation du carburant auto- pour se nourrir. Le gouvernement les lui a accordées.
mobile : 5,9% en février par rapport à l'an dernier ! Même
pas. FRANÇOIS DUPUIS

Vers 23 h 30, à l'angle de la rue Ser- tantanément le système d'alarme. Les


n'ont même pas la dégaine gauchiste. Un pente et de la rue Hautefeuille, le groupe hommes en survêtement s'enfuient...
policier qui les suit frappe un premier coup s'enfuit, laissant derrière lui deux jeunes Deux témoins courageux, Jean-Claude
de matraque sur les fesses de la femme Arabes inanimés dans une flaque de sang ; Labbé et Claude Le Pen, ont suivi le
scandalisé, son mari se retourne, le voilà un peu plus loin, un Africain discute avec groupe à travers le quartier Latin et mené
gratifié d'un nouveau coup sur le visage. Il une jeune femme blanche, la jeune femme leur propre enquête. Il faudra une lettre
crie : « Je porterai plainte s, troisième est bousculée par les hommes en survê- de ces deux témoins au « Monde » pour
coup à la nuque. Le chef du groupe s'aper- tement, son compagnon proteste : « Ta que l'on découvre l'envergure réelle de
çoit de la présence des journalistes, il fait gueule négro ! Casse-toi vite, sinon... » cette expédition punitive digne de la police
cesser ses hommes. On vient de frôler le Dix mètres plus loin, trois Sénégalais de Johannesburg. « Arrivés à
passage à tabac en règle. Quelques vendent des objets d'art et des bibelots Dieu, écrivent Jean-Claude Labbé et Claude
minutes plus tard, ail même endroit, deux africains. L'un des « justiciers » renverse Le Pen, nous avons été surpris de consta-
jeunes, venant de la place Saint-André- froidement l'étal. Le vendeur, qui veut de- ter que la salle d'urgence était déjà bien
des-Arts, se font arrêter. Fouille, genre mander des explications, est assailli par le remplie. Un Africain au visage tuméfié
feuilleton américain de deuxième série. On groupe entier. En quelques minutes, son était allongé sur un brancard pendant qu'un
les r elâ ch e., L'un d'eux, abasourdi, visage est en sang, arcade sourcilière écla- travailler portugais, avec apparemment les
commente avec un bel accent du Sud-Ouest : tée, lèvres ouvertes. Ses deux compagnons mêmes blessures, attendait à son tour. » Ce
« C'est bien Paris, quel accueil, on ne re- essaient de ranger leur marchandise pour soir-là, à l'Hôtel-Dieu, il y a eu quarante-
grettera pas d'être montés pour le Salon de s'échapper : trop tard. Abandonnant leur six urgences, dont six plaies à l'abdomen.
l'Agriculture. » première victime sur le sol, les « raton- Les membres du service de garde s'en sou-
Les patrons de bistrot fulminent après neurs », armés des statuettes de bois vo- viennent parfaitement. « Cette soirée, dit
ces jeunes qui n'ont pas été, « comme nous, lées sur l'étal, repartent à l'assaut. « La l'un d'eux, a été exceptionnelle. D'habi-
élevés à coups de pied dans le cul ». Le scène est d'une violence inouïe », rapporte tude, on n'amène pas ici les blessés des
Sénégalais a rangé ses masques et a plié un témoin. Les deux hommes sont frappés manifestations du uartier Latin, ils sont

bagage depuis belle lurette. Il sait, lui, que, à coups de pied, de matraque. L'un d'eux répartis dans des hôpitaux périphériques,
-

lorsque la police — en uniforme ou en ci- est projeté, la tête la première, contre la pour compliquer la tâche de ceux qui vou-
vil — se trouve sur place, les Noirs et les vitrine d'un magasin, ce qui déclenche ins- draient en dresser la liste. »
Arabes dégustent en premier.
Une semaine plus tôt, en effet, le quar-
tier Latin avait été le théâtre d'une étrange U`i2; ri;OFÎFGAID gdMelf 7cXÎDti
: U00 fp1.7000W3C0ili i'Z'
, -

« opération de nettoyage ». Une opération


qui a éveillé, dans la mémoire de certains Qui étaient alors les hommes en survête- Jean-Claude Labbé et Claude Le Pen,
témoins, des souvenirs vieux de plus de dix ment ? La préfecture de police, dont les
, pour leur part, n'apportent pas de réponse
ans, de la guerre d'Algérie et des « raton- effectifs nombreux quadrillaient ce soir-là précise à cette question mais fournissent
nades ». Pendant plusieurs heures, une di- le quartier, déclare n'avoir pas eu connais- une information troublante : « Sur le chemin
zaine d'hommes en survêtement ont semé sance de ces faits. Elle indique qu'une en- de notre retour, écrivent-ils, nous avons
la terreur parmi les Noirs et les Nord- quête a été ouverte et confiée à la direction retrouvé la bande d'agresseurs qui avait
Africains qui circulaient au quartier Latin. de la police urbaine. semé la terreur dans le quartier toute la

14 Lundi 18 mars 1974

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