soirée. Groupés autour des..
nombreux cars portefeuilles : les fameuses « mouches à
(de police) garés sur le boulevard Saint-
Germain, en face de la rue de la Harpe,
ils étaient en train de montrer à des poli-
ciers en tenue les statuettes prises à leurs
victimes. »
Etrange scène. Ou bien, en effet, ces in-
dividus n'avaient rien à voir avec la police
et on s'explique mal, dans ce cas, pourquoi
ils bavardaient aimablement avec des poli-
ciers à 2 heures du matin, en exhibant des
objets volés quelques instants plus tôt. Ou
bien ils ont quelque chose à voir avec la
police. Et tout devient à la fois plus odieux
et plus clair : l'impunité dont ils ont béné-
ficié, le silence de la préfecture et la pré-
sentation triomphale du butin à leurs col-
lègues en tenue...
Et c'est bien en effet de policiers dont
il s'agissait. Des informations précises et
regroupées nous permettent de dire qu'ils
appartenaient à une section du 5" district,
et qu'ils n'ont pu agir sans consignes,
.
c'est-à-dire sans que leurs supérieurs
connaissent la nature de leur mission. Voilà
qui devrait aider sans doute les enquêteurs
de la direction de la police urbaine.
La présence « d'éléments incontrôlés »
dans les manifestations, les mêmes que l'on
retrouve cocktail à la main, le samedi soir
au quartier Latin, inquiète les organisations
d'extrême gauche.
Ces casseurs attirent une flopée de mar-
ginaux de tout poil. Des déclassés au sens
strict, qui ne connaissent que les flics et la
taule. Les mêmes qui piquent chez Mas-
pero et revendent les bouquins dans les
halls des facultés, les mêmes qui volent des
ne se laissent pas piéger ; ils préfèrent
merde du milieu étudiant ». Au quartier
Latin, ils créent le prétexte à la castagne.
Un terrain en or pour les provocateurs en-
voyés par la police.
Or la bagarre, ça plaît. Les bandes de
banlieue descendent sur le quartier parce
qu'on s'y cogne. Une variante aux petits
bals du samedi soir. Les militants, les vrais,
Que fpeziya9GDeao
-
Trop. Les policiers eux-mêmes sont
loin d'être tous dupes des manœuvres dont
ils sont l'instrument. « Dans certains cas,
la présence de la police est une provoca-
tion », déclaraient l'année ;dernière, au
cours de leur congrès, certains délégués du
syndicat des C.R.S. affilié à la Fédération
autonome. Pourquoi, en effet,: mobiliser un
millier de policiers s'il ne s'agit que de ra-
mener à la raison une trentaine de mani-
festants ? Pourquoi les disperser à travers
le quartier, les armes à la main, pendant
des heures, alors que le « travail » peut
être fait en moins d'une demi-heure ?
Pourquoi les embarquer dans des cars en
fin d'après-midi, avec armes et munitions,
sans leur indiquer s'ils devront affronter
une manifestation pacifique ou des
commandos armés de cocktails Molotov ?
Comment expliquer ces erreurs de guidage
radio, qui dirigent les cars de police-
secours sur les zones où ils seront attaqués
à coups de cocktail Molotov ? Et les
erreurs de commandement qui jettent
quelques dizaines de policiers en face de
ignorer le quartier. Avec raison. La police,
experte en amalgames rapides, attend la
première occasion pour dénoncer « l'orga-
nisation politique » — à ramifications inter-
nationales, bien sûr — qui téléguide les
bordels du quartier Latin et espère créer,
ainsi, une situation prérévolutionnaire. Un
langage connu.
.
plusieurs milliers de manifestants, tandis
que des cars tournent en rond à cent
mètres de 'l'affrontement? Comment expli-
quer que les policiers du premier district,
qui avaient eu de nombreux blessés au
cours de la violente manifestation de juin
contre le meeting d'Ordre nouveau, aient
été engagés, une fois de plus, dans
des conditions très défavorables au cours
de la manifestation du 22 février contre
l'ambassadeur chilien, où ils ont eu de
nombreux blessés. Comment expliquer que,
le lendemain même de cette manifestation,
c'est encore aux policiers du premier dis-
trict qu'on a fait appel pour rétablir l'ordre
au quartier Latin ? « On ne s'y prendrait
pas autrement si on voulait exaspérer la
police, dit un dirigeant syndical, qui ajoute
Je suis étonné qu'il n'y ait pas encore eu de
coup de feu tiré dans une manifestation.
Tout est fait pour que, un jour, un policier
s'affole et sorte son arme. Si on continue
co mme ça, je vous garantis que c'est pour
.
bientôt. »
Le Nouvel Observateur 45