à domicile augmentent au nez des organi- sations ouvrières. C'est un fait que la scola- risation de masse a ouvert toutes grandes les portes des universités, sans entraîner pour autant de promotion sociale ni d'homogénéité culturelle, mais en multipliant les sources de déqualification, de désadaptation et de margi- nalisation. C'est un fait enfin que cette société éclate sous la multiplication des phénomènes d'assistance, de corporatisme, et donc de désa- grégation sociale. Tels sont les éléments consti- tutifs de la théorie des deux sociétés. Alors ? Alors, le heurt reste tout à fait possible entre les deux Italie. Mais ce type de heurt est-il en mesure d'entraîner les mêmes consé- quences que celui de Mai 68 ? D'avoir les mêmes effets bénéfiques sur l'organisation de la démocratie, le renouvellement des syndicats, le poids du mouvement ouvrier sur l'Etat bourgeois ? Asor Rosa s'avoue d'ores et déjà sceptique. Pour plusieurs raisons. En 1968, dit-il, le mouvement étudiant était unitaire, il brûlait de transiermer la société et ce qu'il reprochait aux organisations réformistes, c'était de ne pas faire assez de socialisme, ou d'avoir trahi les idéaux du P.C. ; ses diri- geants, c'étaient les « premiers de la classe », de fortes têtes qui voulaient changer le monde et qui mythifiaient l'ouvrier triomphant. En 1977, l'ouvrier dont parle le mouvement étu- diant italien est abattu par l'austérité ; les dirigeants ne sont pas les premiers de la classe mais souvent des employés d'un secteur public ; il n'est plus question de bouleverser l'organisation sociale mais de profiter des bienfaits et des privilèges qu'elle peut offrir. « En ce sens, dit Asor Rosa, le mouvement de 1977 est un mouvement de handicapés. » Une aire « eriminaligée » L'assassinat délibéré du policier Passamonti, le 21 avril, a du moins permis d'isoler, au sein du mouvement étudiant, les « autonomes armés » de la majorité des autonomes. Le parti communiste, le parti socialiste et l'extrême-gauche se sont réjouis de ce qu'ils considèrent comme un « pas en avant ». Mais est-il bien sûr qu'il suffise d'isoler les enragés du calibre 38 pour avoir résolu le problème étudiant ? Car ce mouvement, même s'il rompt avec la violence armée, peut-il oublier le choix violent inhérent à sa nature ? En théorisant le e ghetto » étudiant comme lieu clos de défense des privilèges, en faisant '7) l'apologie de sa propre marginalité et celle Policier tirant sur des manifestants à Rome, le 21 avril de la satisfaction immédiate des « besoins », Les étudiants seraient-ils devenus des criminels ? le mouvement de développe sur un terrain où l'utilisation des armes n'est pas exclue. immédiatement, que ce soit au moyen de aux valeurs morales de la démocratie, tout Parce qu'il refuse de s'engager dans un pro- l'expropriation, de la « dépense prolétaire » en cherchant à séparer les bons étudiants des cessus de dialogue avec le mouvement ouvrier, ou du vol. Le 1:2 mars, à Rome, tous les méchants, les méchants étant ceux qui pra- parce qu'il ne veut en aucun cas se résoudre observateurs ont pu remarquer un étudiant tiquent la violence. Mais est-ce bien suffisant ? à formuler un projet de transformation de qui dérobait une machete dans un magasin, Le problème, en réalité, est si vaste qu'on l'Université et de la société, parce qu'il finit courait dix mètres avant de l'abandonner, puis a pu parler de heurts possibles entre « deux par être corporatiste, économiste et alimentaire, se précipitait sur un prêtre de passage pour sociétés », et même d'un affrontement glo- il risque, après avoir terrorisé la population, le détrousser... bal. Alberto Asor Rosa, 44 ans, profes- de pourrir dans son ghetto : avec les autres Le principal parti auquel se heurtent les seur d'histoire de la littérature, ex-leader marginaux, les « loulous » de la périphérie, autonomes, c'est le parti communiste. L'affaire de 1968 et présentement commu- les drogués, les petits voleurs, les chômeurs universitaire, visiblement, provoque chez lui niste, a été le premier à relever ce danger. qui ne sont pas organisés par les syndicats. des hauts-le-coeur. La violence antisyndicale D'un côté, a-t-il expliqué, il y aurait la société Une vaste aire « criminalisée » serait ainsi et anticommuniste de l'ensemble du mouve- normale, bien intégrée, où les salariés seraient parquée aux portes des grandes villes ; elle ment (combien de fois n'a-t-on pas entendu bien défendus par des syndicats combatifs. pourrait même, un jour ou l'autre, être ouver- crier : « Dehors la nouvelle police », lorsqu'un De l'autre, la société marginale, refuge des tement utilisée contre le mouvement ouvrier communiste tentait de prendre la parole ? sous-prolétaires et des exclus, animés, eux, et contre la démocratie. Combien de fois n'a-t-on pas lu : « Les d'une rage permanente envers les brivilégiés Tel est le principal problème qu'affronte soi-disant communistes et les bonzes syndicaux, d'en face. aujourd'hui la gauche italienne : ou bien elle il faut les traiter pour ce qu'ils sont : des Les bases objectives de ce raisonnement ? organise — comme elle a tenté de le faire charognes »?) le choque profondément. Mais C'est un fait, dit Asor Rosa, que la base à Naples, le 23 avril — les chômeurs et les il répugne à descendre dans la rue pour s'ex- productive de ce pays rétrécit sous l'effet de marginaux autour d'un plan d'emploi et de pliquer avec les étudiants. Sa politique consiste la crise économique, provoquant une contrac- requalification pour les jeunes ; ou bien elle à proposer un plan d'emploi pour les jeunes tion de la classe ouvrière et une diminution • perd, et sur tous les tableaux. et une réforme de l'Université, à faire appel de son poids spécifique dans la société. C'est MARCELLE PADOVANI