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LE DOCUMENT DE LA SEMAINE

« S'attaquer au coeur
de l'Etat, c'est croire que l'Etat
a un cœur »
Suite- de la page 134.
relative ». Du coup, ils ont du mal à condam-
ner les illégalités absolues que sont les actions
des Brigades rouges. Leur horreur de l'exé-
cution de Moro, lorsqu'elle se manifestera, ex-
primera une réprobation strictement humani-

NE,PRgNE L
taire faite au nom d'un très général droit à la
vie. Pour le reste, on pourra toujours continuer
à appeler les brigatisti des « camarades qui se
trompent », mais des « camarades » malgré
tout.
Moins d'angoisses et moins de contradic-
tions chez les Autonomes, ces contestataires -

d'un type nouveau qui se sont regroupés dans


l'université au printemps de 1977 (enseignants

FA5
sans statut, étudiants « sous-prolétarisés ») et
dans les services publics (employés de l'élec-
tricité, du téléphone, des hôpitaux). Chez eux,
on ne relève pas l'ombre d'un doute sur la
nécessité de la violence, même armée. La vraie

ve55e
violence, disent-ils, est dans les rapports de
production. « Si le fleuve est violent, c'est que
ses rives sont étroites », commente Enzo Modu-

I.
gno, professeur de logique et penseur de l'Au-
tonomie. Le choix du moment, l'opportunité
de l'entreprise, la « gestion » qui a été faite
de l'affaire Moro, voilà ce sur quoi ils ne sont

roua pe
pas d'accord. Et, d'une manière plus générale,
sur la décision d'agir dans la clandestinité
qu'ont prise les Brigades rouges.
Pour les Autonomes, en effet, la violence
n'est utile au prolétariat que si elle se fait au
grand jour, et si elle s'inscrit dans un pro-
gramme de luttes populaires : pour le travail,
pour le logement, pour l'enseignement, pour la
santé. « S'attaquer • au coeur de l'Etat, c'est
croire que l'Etat a un coeur », disent-ils. Il
faut se battre là où existe l'exploitation. Mais
cette critique, on le voit, est d'ordre strictement
stratégique. La situation nouvelle, créée par
l'affaire Moro, n'est pas complètement néga-
tive, pensent les Autonomes, nous pouvons et
devons l'exploiter : « Puisque les B.R. ont
réussi à déstabiliser le pays, tirons-en les consé-
quences à des fins révolutionnaires », conclut
Oreste Scalzone, l'un des leaders de l'Auto-
nomie.
Cette volonté « d'insertion » dans les luttes
sociales, affirmée par les Autonomes, armés
et non armés, est partagée par la plupart des
groupes qui composent « le nouveau terro-
risme ». Le ministère de l'Intérieur en dénom-
bre cent trente-cinq, responsables de mille six
cent soixante-huit attentats dans les neuf pre-
miers mois de l'année 1978. Soit un attentat
toutes les cinq heures.
Des Equipes prolétaires armées aux Orga-
nisations communistes combattantes, en passant
par les Voyous armés de Portonaccio ou les
Pyromanes fous, le nouveau terrorisme naît
exactement sur le même terrain que l'Autono-
mie: Il semble exprimer les mêmes préoccupa-
tions « sociales » qu'elle. On s'en prend plus
violemment qu'autrefois aux « petits valets »
du pouvoir : on assassine un surveillant d'usine
à la Fiat de Cassino ; on lance des bombes
contre les Instituts pour le logement popu-
-

laire ; on dynamite la voiture du propriétaire


qui vient d'augmenter le loyer, on malmène
des professeurs, parfois on leur tire dans les
jambes ; on attire des voitures de police dans
des guets-apens... On rate souvent son coup.
On n'échappe pas toujours au ridicule : on n'a
pas l'entraînement intense des super-terroristes.
La rage froide des brigatisti, contraints d'assis-
136 Lundi 4 décembre 1978

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