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violence de Christian Bonnet, le mi-

Des provocations
sur mesure... • ON EN nistre de l'Intérieur, à la suite de la
conférence de la C.G.T. ? Et pour-
quoi sa soudaine sollicitude pour

ARLERA DEIVIAI
les manifestants ? «On ne pouvait
pas charger parce que les autonomes
Le président de la République
étaient mêlés aux travailleurs. » Al-
vient de relancer l'unité d'action syn-
lons, allons 1
dicale chancelante, en décidant d'in-
terdire les manifestations • peu sû- Nous avons craint un moment que
res » dans le centre des villes. C.G.T., les policiers ne demandent l'inter-
C.F.D.T. et F.E.N. se sont rencon- diction de toute manifestation ou-
trées le 30 mars pour décider une vrière dans Paris. Mais la décision
« riposte commune ». Quant à Lionel est venue de l'Elysée : le président
Jospin, secrétaire national du P.S., il de la République demande que l'on
jugeait la décision « alarmante » et refuse désormais les manifestations
rappelait que « le droit de manifes- dans le centre des villes. Ce qui
tation est inscrit dans la constitu- risque' de- les rendre bien' plus vio-
tion ». lentes... • •
Georges Gillermou, secrétaire gé- Vous pensez donc qu'il y a une re-
néral de l'Union fédérale C.F.D.T. lation directe entre la violence du
Marc Fon anel - Gamrr, 23 mars et cette interdiction ?
de la Police nationale, et Jean Du-
breuil, secrétaire C.F.D.T. de la Po- G. G. et J. D. — Absolument. Or
lice parisienne, analysent ici ce qui il ne faut rien exagérer, cette mani-
s'est passé lors de la manifestation festation n'était pas plus dure que
du 23 mars. beaucoup d'autres. Au fond, elle ne
s'est pas mal passée. Mais il ést
On dit qu'il y a eu des provoca-
certain que l'on est plus ,sensible à
tions policières. Qu'en pensez-vous 7
une vitrine brisée qu'à un ,visage
G. G. et J. D. — Qu'il y ait eu des ensanglanté.
provocations policières, c'est possi- Mais pourquoi ces lenteurs dans les
ble. Mais personne n'en a apporté interventions _policières _?„ -.__
Et il ne faut pas se laisser. G. G. et J. D." — Comment sa-
impressionner par la dénonciation voir ? Pourquoi Y avait-il quatre-
par la C.G.T. d'un gardien de la paix 'vingts inspecteurs sur. 'les Champs-
_ en ciyi,Lqui_aurait joué..les casseurs. Elysées, où il né sé passait rien ? Y
Les provocations prennent souvent a-t-il une hiérarchie des citoyens que
d'autres aspects... l'on veut protéger ? Les lenteurs
C'est-à-dire ? s'expliquent-elles, comme on l'a dit,
G. G. et J. D. — Eh bien, des fonc- par le fait que le poste de comman-
tionnaires de police peuvent s'infil- dement de la police . se trouvait au
trer dans des - groupes. Ou bien on ministère de l'intérieur? On dit aussi
peut utiliser « maladroitement » des que le préfet Somveille avait mis en
_forces de police, en mettant en .place -garde la CTG.T. contre les dangers

des barrages inopportuns... On peut d'une telle' manifestation et qu'il avait


aussi fermer les yeux au passage de prévenu un syndicat de police que
gens armés de barre de fer ou de l'on attendait quinze cents agita-
cocktails Molotov... Ce qui est -cer- teurs.
tain c'est que nous . nous posons Il fallait donc prévoir. Alors
quelques questions sur ce 23 mars. est-ce que ces lenteurs, ces mal-
Des gens, installés sur des toits ou adresses, ne préparaient pas tout
des balcons, bombardaient les rues. simplement l'interdiction des mani-
Qui étaient-ils ? Et, pourquoi cette Une barricade dressée le, 23 mars festations dans le centre des villes ?

ce qu'il y avait de plus négatif dans


CONTESTATION le dogmatisme borné et agressif du
Parti ». Et, au passage, Raymond Jean
Communiste quand même Boiffin-Vivier - Rush
réclame la pleine réhabilitation de
Paul Nizan, ce qui, souligne-t-il, « im-
Mais pourquoi - donc est-il cOmmu- la logique qui les a produits qui doit plique que Thorez a été ignominieux
niste ? Raymond Jean doit bien s'at- être mise en question. » Du postulat [...] et Aragon abominable à son
tendre à cette question du lecteur par lequel le fonctionnement et l'ap- égard ». On voit le ton 1
à son sujet puisqu'il a donné pour pareil du P.C. « s'identifient à la force
Malgré tout, cet humaniste tendre
titre à son ouvrage : «.1a Singularité vive des 'travailleurs » il tire cette
— trop tendre'? — veut espérer en-
d'être communiste » (1). Roger Vail- dure leçon : « Une équation terrible
core en un « socialisme différent »,
land, auquel il se réfère ainsi, ne s'établit alors, qui est la source
ouvert aux autres, pluraliste, ne re-
traitait — si l'on ose .dire — que de même du phénomène stalinien, selon
jetant pas le nécessaire Parti socia-
la « singularité d'être français ». Etre laquelle le Parti, en tant que corps
liste dans des ténèbres extérieures,
communiste aujourd'hui, si l'on en ecclésial, égale le peuple tout en-
un communisme proche de celui dont
croit Raymond Jean, c'est autrement tier. Et cette caution redoutable per-
le P.C. italien lui parait porteur. Et,
paradoxal, surtout lorsqu'on a déci- met, chaque fois qu'on le veut, de
visiblement, il croit que si, dans son
dé de n'esquiver aucune des ques- mobiliser ce "peuple", cette "base",
propre parti, les bouches s'oUvrent,
tions que posent aux esprits libres pour fermer la bouche à un trublion,
on ne les refermera plus. Autrefois,
les diverses tentatives d'incarnation dénoncer un contestataire, soutenir
on ne parlait que si l'on quittait
du rêve « socialiste ». Dans sa • lan- un dirigeant, stigmatiser un adver-
le Parti. Aujourd'hui, Jean et quel-
gue claire et simple, avec un coeur saire... » En clair, Raymond Jean part
ques autres font le pari de rester
gros comme celui d'un quarante- en guerre contre une pratique qui,
dans la maison et de contribuer à
huitard impénitent, Raymond Jean, déplaisante ici, devient ailleurs déla-
changer profondément le Parti. La
ce professeur-romancier d'Aix-en- tion, 'puis Goulag.
collection qui, au Seuil, publie ce
Provence, pour qui « le Parti n'a Mais l'auteur a entr'aperçu un so-
petit livre singulier fait ainsi un
pas toujours raison » (il le disait dans cialisme possible : en 1968, l'espace
programme de sa dénomination
une interview publiée par « le Nouvel du Printemps de Prague. C'est là
« J'écris ton nom... liberté ». Et c'est
Observateur » le 10 avril 1978, texte que sa certitude s'est enracinée, au
un autre communiste, Antoine Spire,
reproduit, avec plusieurs autres, point d'adhérer au P.C. à ce moment-
qui la dirige. « Les partis commu-
dans son livre), ne ruse, • lui, avec là seulement. Longtemps 's compagnon
nistes sauront-ils rompre avec les
aucune des difficultés. de route », il convient volontiers, en
formes de pensée qu'une , histoire
Des crimes staliniens il dit : « C'est effet, qu'il trouva dans d'autres au-
terrible a discréditées? », demande
berges sa nourriture intellectuelle,
(1) La Singularité d'être communiste », le prière d'insérer de l'ouvrage.
par Raymond Jean, Seuil (collection comme, après la guerre, dans « les
«l'écris ton nom... liberté »). Prochains ti- Temps modernes », auprès de Sar- L'important, c'est bien que la ques-
tres : « Vive la crise », par Jacques Brière tre et de Camus, bien plus que dans tion, aujourd'hui, soit formulée par
« Nos rêves, camarades s, par Gérard Bel- des communistes décidés à le rester.
loin « Profession : permanent par An- « la Nouvelle Critique », de Jean
toine Spire. Kanapa, lequel a, écrit-il, « incarné Raymond Jean GEORGES MAMY

36 Lundi 2 avril 1979

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