Professional Documents
Culture Documents
Le symbolisme des nombres concerne les nombres en tant que symboles, dans leur puissance à
représenter analogiquement, à être interprétés, à porter sens et valeurs (en plus de l'aspect
mathématique). On entre dans l'étude des nombres en tant que symboles (symbologie) ou en tant
que systèmes (symbolique) ou dans l'examen de leur capacité à désigner, à signifier, voire à
exercer une influence (symbolisme). Le nombre en général a son symbolisme (il représente la
structure, l'organisation profonde d'une chose), et chaque nombre en particulier a son symbolisme
(un représente l'unité, deux la division).
Aristote fait cette étrange remarque : "La nature ainsi semble aimer tout faire par cinq plutôt que
par le sphérique [comme fait le ciel]" 1 .
Kepler, en 1610, observe un flocon de neige. Il fait cette observation :
"Chaque fois qu'il se met à neiger, il arrive régulièrement que les premières particules de
neige affectent la forme d'un astérisque à six angles. Ce fait implique une cause bien
déterminée. Car si cela se produit par hasard, pourquoi les flocons ne tombent-ils pas aussi
avec cinq angles ou bien sept ?" 2
Symbolisme des nombres et symbolique des nombres. "Le symbole est un signe concret
évoquant par un rapport naturel quelque chose d'absent ou d'impossible à percevoir"
(André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie). 1) Par symbolisme des
nombres, on entend la capacité qu'a un nombre de désigner autre chose que lui-même. Par
exemple, le nombre deux véhicule la signification, la valeur, la force de la dualité, de la
division, du partage, de la différence. Le symbolisme des nombres concerne donc leur
capacité à représenter : non seulement à désigner ou signifier des êtres ou des pensées,
peut-être à agir, influencer, activer les esprits ou les choses, mais encore à être interprétés
de façon plus ou moins profonde, multiple, pertinente. 2) Une symbolique est un ensemble,
un système, une constellation de symboles. La symbolique des nombres concerne le
système signifiant des nombres. D'une part, ils forment ensemble un système, un tout, un
complexe, d'autre part, chacun entre dans un réseau de symboles, forme une constellation
avec d'autres symboles (chacun appelle son contraire, son complémentaire, son proche,
son équivalent, sa forme ancienne, sa figuration...). 3) La symbologie est la théorie des
symboles. Elle étudie leurs fonction, structures, types, histoire, sociiologie, etc.
Symbolisme des nombres, symbolisme des chiffres. Il faut distinguer la symbolique des
nombres de la symbolique des chiffres. La symbolique des nombres porte sur les quantités,
les nombres donc, tandis que la symbolique des chiffres porte, non sur les nombres, mais
sur leur écriture, par exemple en caractères dits "arabes" (1, 2, 3, 4...) ou romains (I, II, III,
IV...). Ainsi, la symbolique des nombres concerne les quantités, les proportions,
l'arithmétique, le calcul, etc., tandis que la symbolique des chiffres concerne l'écriture, les
lettres, l'espace, les lignes, les formes, etc. Le symbole du nombre un a pour chiffre le point
(.), la droite (|), la lettre a, qui sont, à leur tour, autant de symboles.
Une symbolique implique un système, c'est-à-dire une complexité variée (elle comporte plusieurs
éléments), interactive (ses éléments agissent les uns sur les autres), organisée (elle obéit à un
ordre, tel que succession, priorité), totale (quand on modifie un élément les autres sont modifiés)
et finalisée (elle vise un but, en général la signification). Il faut donc voir le système des nombres
quand on les examine, même individuellement, en tant que symboles.
Histoire
Le pythagoricien Philolaos (vers 430 av. J.-C.) tient que le nombre 1 symbolise le point, le 2 la
ligne, le 3 le triangle, le 4 le volume [voir Platon], le 5 les qualités et les couleurs, le 6 l'âme, le 7
l'esprit, la santé et la lumière, 8 l'amour, l'amitié, la ruse et l'intellection, le 10 la perfection 11 .
Platon, dans le Timée, décrit comment le Démiurge façonne l'Âme du monde. J.-Fr. Mattéi résume :
"Le démiurge va tirer de sa composition finale une structure harmonique suggestive dont les
calculs témoignent d'une influence pythagoricienne. Elle est constituée par une double
progression géométrique de raison 2 (1, 2, 4, 8) et de raison 3 (1, 3, 9, 27), qu'il est commode de
disposer sur un diagramme en forme de lambda majuscule (Λ), selon un schéma que l'on trouve
chez Proclus. Cette figure porte, sur chaque côté de l'angle, les nombres respectifs de la série
paire et de la série impaire. Le dernier de ces nombres (27) est égal à la somme des six
précédents (1 + 2 + 3 + 4 + 8 + 9 = 27)... La progression selon le facteur 2 donne les octaves par
doublement successifs des intervalles (1, 2, 4, 8 = Do1, Do2, Do3, Do4...), alors que la progression
selon le facteur 3 forme les douzièmes justes (1 = Do, 3 = Sol, 9 = Ré, 27 = La, 81 = Mi, 243 =
SI...).
On peut alors combler les intervalles musicaux doubles ou triples pour former la gamme complète
en s'aidant de deux proportions continues ou 'médiétés', l'une arithmétique (de type 1, 2, 3),
l'autre harmonique (de type 3, 4, 6), bien connues des pythagoriciens, en particulier Archytas.
L'intervalle des nombres de 1 à 2 sera composé des nombres 1 (Tonique), 4/3 (Quarte), 3/2
(Quinte) et 2 (Octave) ; le ton, dont la valeur est 9/8, se situe entre la quarte et la quinte, puisque
3/2 : 4/3 = 9/8. L'Âme du monde est ainsi composée de cinq tons majeurs égaux entre lesquels est
intercalé comme 'reste', leimma, l'intervalle de 256/243 (= 1,053), mesure du demi-ton diatonique
de la gamme naturelle de Pythagore, qui est un peu plus faible que notre demi-ton tempéré (16/15
= 1,066)" (Jean-François Mattéi, Platon, PUF, coll. "Que sais-je ?", 2005, p. 73-74).
- Dans son enseignement oral ésotérique, Platon pose deux principes contraires, en haut l'Un et en
bas la Dyade, qui ne sont pas des nombres, mais sources des nombres : "c'est à partir de cet Un
que le nombre idéal est engendré" 12, "la Dyade indéfinie est génératrice de la quantité" 13 .
Platon établit des correspondances entre nombres, connaissances, Éléments. Il en reste, comme
les pythagoriciens, à la Décade (1, 2, 3, 4, dont la somme fait 10). Le nombre idéal un (monade)
correspond aux Idées, en mathématiques aux lignes insécables et aux nombres, à l'esprit, à
l'Élément Feu ; le nombre idéal deux (dyade) correspond aux êtres mathématiques faits de lignes,
à la science, à l'Élément Air ; le nombre idéal trois (triade) correspond aussi aux êtres
mathématiques faits de surfaces, à l'opinion, à l'Élément Eau ; enfin, le nombre idéal quatre
(tétrade) correspond aux êtres mathématiques faits de volumes, aux choses sensibles, à la
sensation, à l'Élément Terre 14 . Les êtres mathématiques, "intermédiaires" (metaksu), couvrent
le lieu sensible et le lieu intelligible.
Dans l'histoire de la mystique juive, un texte très énigmatique fait date, le Sefer Yezira (Sepher
Yetsirah, Livre de la Création), qui date peut-être du III° s., et fut écrit à Babylone ou en Palestine.
Selon ce texte, très bref et très énigmatique, le monde se compose de dix principes,
appelés sefirot (sephirot, numérations), et qui correspondent aux dix nombres du système
décimal, de 1 à 10. Ces 10 sefirot sont reliés par 32 chemins, à savoir les 10 chiffres et les 22
lettres de l'alphabet hébreu. Les 231 combinaisons 2 à 2 des 22 lettres forment les 231 portes
d'accès à la Connaissance. Le texte met en correspondances, sur la base 3, les lettres mères de
l'alphabet hébreu (alef, mem, shin), les Éléments (Air, Feu, Eau), les saisons, les parties du corps
humain ("tête, torse, ventre") ; sur la base 7, les lettres doubles de l'alphabet hébreu (bet, gimel,
dalet ; kaf, pe, resh, tav), les planètes, les orifices de la tête ; enfin, sur la base 12, les lettres
simples de l'alphabet hébreu, les Signes du zodiaque, les mois, les organes principaux du corps
humain (coeur, 2 oreilles, foie, bile, langue, urètre, anus, bouche) 15 .
"Selon trente-deux mystérieux sentiers de Sagesse, Yah, Seigneur des Armées, Dieu-vivant
et Roi du Monde, El Shadaï, miséricordieux et donnant grâce, supérieur et suprême, résidant
éternel d'En Haut, et son Nom est sacré, a gravé et créé son monde par
trois sepharim [livres], par Sephar et par Sipour et par Sepher. Dixsephiroth belima et vingt-
deux lettres de fondement : trois mères et sept redoublées et douze simples. Dix sephiroth
belima [sefirot beli mah, numérations sans rien] comme le compte de dix doigts, cinq contre
cinq, et l'Alliance de l'Unique dirigée au milieu, par le mot de la langue et par le mot de la
nudité [circoncision]..." 16
Nombres et figures géométriques. Depuis Philolaos et Platon, "le 1 est le point, le 2 la ligne, le 3 le
triangle [le plan], le 4 la pyramide [le volume]." 17
Nombres et lettres. Dans beaucoup d'alphabets, les lettres sont des nombres ; par exemple, pour
les chiffres latins I est 1, V est 5, L est 50, etc. Pour Plutarque, E vaut 5 18 . La classification
périodique des éléments chimiques de Mendeleïev (1869) associe à chaque élément chimique des
lettres et des nombres, apparemment arbitraires, pas symboliques : le mercure est Hg et 80, le
plomb est Po et 84.
Nombres et sons. Dans un parallèle qui doit beaucoup à la cybernétique, Alain Daniélou 19
schématise le cerveau humain en le comparant à un circuit électronique qui utiliserait trois
systèmes de numération: binaire, ternaire et quinaire. De fait, tous les intervalles reconnaissables
à l'oreille correspondent, selon l'auteur, à des rapports de fréquence qui s'écrivent comme produit
ou quotient des nombres 2, 3 et 5. A contrario, l'oreille ne reconnaît pas un intervalle qui ferait
intervenir le facteur 7 ou tout autre nombre premier supérieur.
Nombres et couleurs. Pour saisir le symbolisme d'un nombre, il est souvent pertinent de noter les
correspondances qui ont été établies ou les synesthésies qui ont été ressenties. Un autiste savant,
Daniel Tammet, déclare que le un est blanc et lumineux, que le neuf est bleu.
« Mon expérience visuelle et émotionnelle correspondent à ce que les scientifiques appellent
la synesthésie. Il s’agit d’une confusion neurologique des sens, très rare, le plus souvent la
capacité de voir les lettres et/ou les nombres en couleur. Ma synesthésie est d’un type
inhabituel et complexe, car les nombres m’apparaissent comme autant de formes, de
couleurs, de textures et de mouvements.
Le nombre un, par exemple, est d’un blanc brillant, comme quelqu’un qui dirige le faisceau
d’une lampe torche directement dans mes yeux. Quatre est un coup de tonnerre ou le son
des vagues qui se brisent sur des rochers . Trente-sept est grumeleux comme du porridge,
alors que quatre-vingt-neuf me rappelle la neige qui tombe… » (Daniel Tammet, Je suis né un
jour bleu, trad., Les Arènes, 2007).
Techniques de décodage
Il y a deux niveaux dans l'art de décoder (identifier et interpréter) les symboles, leur code : le
déchiffrage et le décryptage. Quand on déchiffre, on connaît le code ; quand on décrypte, on ne le
connaît pas. Exemple de code : les pythagoriciens distinguent les nombres en impairs et pairs, et
ils "tiennent les nombres pairs pour féminins et les nombres impairs pour masculins, car le nombre
impair est fécond, et, quand il est combiné au nombre pair, il le domine" 20 ; pour les
pythagoriciens (Nicomaque de Gerasa) et Plutarque, "un est à la fois pair et impair", il est bisexuel
(arsenothêlu) 21 . Si on ne le sait pas, on s'égare.
Les techniques de décodage sont nombreuses.
• Première technique : le répertoire. Il s'agit d'identifier les objets portant tel nombre. D'une
part, qu'est-ce qui est un, ou deux, ou triple... ? D'autre part, quel est le ou les points
communs entre les objets donnés pour un, deux, triple... ? On peut hésiter : comme l'abeille
a quatre ailes et six pattes, on peut privilégier soit le quatre, soit le six, ou alors le dix !
• Deuxième technique : le système. Il faut examiner les rapports avec les autres nombres. À
quel nombre le deux de tel objet est-il opposé, ou accouplé, ou similaire ?
• Troisième technique : le vécu. Quel effet produit psychologiquement tel nombre ?
• Quatrième technique : la description. Quelles sont les propriétés mathématiques du
nombre examiné ?
• Cinquième technique : le savoir. Que disent les traditions (proverbes, mythes, contes,
comptines, chansons, etc.) et les savants (philosophes, théologiens, iconographes,
historiens, etc.) ?
• etc.
Il existe des techniques proprement occultes, ésotériques, qui valent ce qu'elles valent.
la numérologie
Classiques
• Louis-Claude de Saint-Martin, Les nombres (posthume, 1843), R. Amadou édi., 1983.
• abbé Lacuria, Les harmonies de l'Être exprimées par les nombres (1847)
• Papus, La sciences des nombres (posthume) 1934 [1]
Études
• Marcel Granet, La pensée chinoise (1934), Albin Michel, coll. "L'évolution de l'humanité", 1968.
• Jacques Soustelle, "Observations sur le symbolisme du nombre cinq chez les anciens Mexicains",
in Actes du XXVIII° congrès international des Américanistes, 1947.
• Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles (1969), Robert Laffont, coll. "Bouquins"
• Jean-Pierre Brach, La symbolique des nombres, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1994.
• G. Ifrah, Histoire universelle des chiffres, Robert Laffont, coll. "Bouquins", 1994.
• Vincent F. Hopper, La symbolique médiévale des nombres (Medieval Number Symbolism, 1938), G.
Montfort, 1995.
Liens externes
[2] les nombres : symbolisme et propriétés
[3] symbolique maçonnique et symbolique des nombres
[4] symbolique des notes de la musique et des nombres
Articles connexes
Analogies et correspondances
Arithmologie | Numérologie
Chiffre
Les Hiéroglyphes de Pierius
Monade (philosophie)
Nombre
Occultisme
Pythagore
Signe | Symbole
Symbolique
Symbolisme des animaux | Symbolisme des chiffres | Symbolisme des figures géométriques | Symbolisme des lettres | * * *Symbolisme des sons
Symbologie
L'Un
Notes et références
1. ↑ Plutarque, La disparition des oracles, 36 : Dialogues pythiques, Garnier-Flammarion, 2006, p. 191.
2. ↑ Kepler, L'étrenne (1610), trad. Robert Halleux, C.N.R.S.-Vrin, 1975.
3. ↑ Platon, Phédon, 101bc.
4. ↑ Marie-Dominique Richard, L'enseignement oral de Platon, Cerf, 1986, p. 144-147.
5. ↑ Jean-Claude Dumoncel, La tradition de la 'Mathesis universalis'. Platon, Leibniz, Russell, Cahiers de l'Unebévue, 2002, p. 76.
6. ↑ Charles W. Morris, Foundations of the Theory of Signs, article dans l' International Encyclopedia of Unified Science, 1938. Trad.
fr. par J.-P. Paillet, Langages, n° 35, sept. 1974, Larousse.
8. ↑ Aristote, Métaphysique, M, 7, 1083b11 ; N, 2, 1090a23. Philolaos : Les présocratiques, coll. "Pléiade", p. 488-513.
9. ↑ Jamblique, Commentaire sur l'Introduction à l'arithmétique de Nicomaque de Gérasa ; John Burnet, L'aurore de la philosophie
grecque, 1892, trad., Payot, 1970, p. 352.
10. ↑ François Le Lionnais (dir.), Les grands courants de la pensée mathématique, Hermann, 1948, p. 374.
11. ↑ Philolaos, fragments A 13 et A 12 : Les Présocratiques, Gallimard, "Pléiade", p. 494, 492-493.
12. ↑ Aristote, Métaphysique, N, 4, 1091b3.
13. ↑ Aristote, Métaphysique, M, 8, 1083a13.
14. ↑ Marie-Dominique Richard, L'enseignement oral de Platon, Cerf, 1986, p. 205, 305, 311, 369.
15. ↑ Le Sepher Yetsirah, livre kabbalistique de la formation, traduction et commentaires Georges Lahy, Roquevaire, G. Lahy, 1995.
16. ↑ Sefer Yezira, trad. Guy Casaril, Rabbi Siméon bar Yochaï, Seuil, coll. "Maîtres spirituels", 1967, p. 43-49.
17. ↑ Philolaos de Crotone, fragment A 13 = Pseudo-Jamblique, Théologoumènes arithmétiques (IVe s.) : Les présocratiques,
Gallimard, coll. "Pléiade", p. 494.
18. ↑ Plutarque, L'E de Delphes, 8 : Dialogues pythiques, Garnier-Flammarion, 2006, p. 104, 233.
19. ↑ Alain Daniélou, Sémantique musicale, 1967.
20. ↑ Plutarque, Étiologies romaines, 102, 288 d.
21. ↑ Aristote, Métaphysique, A, 5, 986a20. W. Burkert, Lore and Science in Ancient Pythagoreanism, 1972, p. 36, 372.
22. ↑ Encyclopaedia Judaica, 1928-1934, vol. 7, col. 369-374. Gershom Scholem, Kabbalah, Keter Publishing House, Jerusalem, 1974,
p. 337-343.
•
•
• Dernière modification de cette page le 31 mars 2011 à 12:11.
• Droit d'auteur : les textes sont disponibles sous licence Creative Commons paternité partage à l’identique ; d’autres conditions peuvent s’appliquer.
WIKIPEDIA
http://fr.wikipedia.org/wiki/Symbolisme_des_nombres