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Les cai'nets duL CAPS

Numéro 17
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Sommalre
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r KLIALT

ENERGIES
Espoirs et illusions de la "révolution du scniste" aux Etats-Unis 13

Gaz de schiste : une réplnse au problènre énergetique de ia Chine


? 33

v'ew Universiÿ 55
Sécurité énergetique en Asie : un débat à ia Lee Kuan

Après Fukushima, quel avenir pour le nucleaire dans Ie monCe ? 59

La Russie et sa manne énergétioue 81

lran : menaces sur la sécurité energétique 95

Le climat, l'innoalm et ie prc Éiroler (o; "r-e bon, e brute et le t'uand") 105

AcruartrÉ
Syrie ; le scénario noir d'un glacis territorial libano-alaouite
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Gr*tio Ar'.lGLÉ
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l-a question kurde dans scn environnement régional

ECLAI RAGI
Robots létaux autorlcmes : l'amorce d'un ciébat

rOCUS
La perception japonaise de la montée en puissance de la Chine l'59
Syrie
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le scenan c nolr
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IrDanc-alacutte
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Chargé de mission au ÛAPS

mars 2013

Le scénaric ci-dessous anticipe deux risques : ia constitutiort


d'un glacis territorial syro-libanais continu sous la ccupe du
régime de Damas et du Hizbollah ; un niveau d'affrontement et
de destruction en hausse pour le contrÔie de cette zone.

ll se fonde sur l'engagement de l'lran et du Hizbollah au cÔté du


régime de Damas comme élément désormais structurel de la
crise syrienne, et sur une convergence d'intérêt entre les deux
alliés libanais et syrien en termes de continuité et de complé-
mentarité territoriales. ll laisse augurer une deuxième phase de
l'affrontement interne encore plus féroce que celle des dernières
années, dont l'enjeu vital sera le contrÔle de cette longue et
épaisse bande de territoire syrien mitoyenne du Liban, concentrant
près de la moitié de la " Syrie utile ,, dont la capitale.

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Les carnets du CAPS Syrie : le scénario noir d'un'glacis libano-alouite .IIJ
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t-
Pour conjurer les rrsques dont il est porteur (étape possible vers Hizbollah) qu'entrainerait une victoire totale et définitive de Ia O
un morcellement durable du Proche-Orient arabe, cassure du révolution syrienne, Téhéran devrait logiquement se donner un
Liban etc.), ce scénario déjà plus ou moins amorcé doit être objectif de substitution réaliste : iouer le morcellement politico-
stoppé. ll ne peut I'être qu'à travers un renforcement substantiel confessionnel du Moyen - 0rient arabe en cherchant à inscrire
des capacités militaires et politiques de l'opposition syrienne. Les sur la carte de manière durable des entités politico-confessionnelles
agissements du Hizbollah et de l'lran en Syrie appellent par alliées (étatiques ou infra- étatiques).
ailleurs une extrême vigilance.
On ne peut exclure qu'un tel schema aii aussi la préférence
inavouée oe la Russie. Ses dirigeants sont obsédés par la montée
Lr Fl ,zsollAr-r EN SYRTE:uN PARI d'une vague islamiste sunnite perçue comme une menace sur
leur flanc méridional (expériences de la Tcirétchénie, oe
STRAîÉGIQUE QUI ENGAGT T,IRnN l'Afghanistan), voire comme un cheval de Troie des Occidentaux.
Uimplication militaire du Hizbollah au coté du régime syrien a La défense oes -minorités chrétrennes d'Orient fait partie de
désormais atteint le seuil de la cobelligérance (plusieurs dizaines l'iciéologie nationaliste russe, la convergence i'intérêts avec
de tués dans des combats en Syrie même, à Damas et Homs Alaouites et Chiites apparaissant a eI égard comme un nroincire
notamment). ille ne se réduit donc pas à de simpies forces mal, Leur compcrrtement depuis deux ans ntontre en outre qu'iis
d'appoint destinées à sécuriser les points de passage et les zones redoutent moins en Syrie le risoue de désintégration que ie fait
frontalières mitoyennes du Liban et de la Syrie, et traduit une accompli d'une nouvelle révolution arabe qui les priverait de
réorientation historique, fut-elle partielle, de la mission et de la leurs leviers.
« ratson d'être, du Hizbollah - la résistance face à lsraëI. Cette
implication va bien au-delà des intérêts du Hizbollah comme acteur
responsable des équilibres politiques et de la cohésion interne LJ N r v ro LEN cE cRo tssANTE
du Liban, et pourrait même les affecter gravement: elle a toutes
les apparences d'un pari stratégique. Pour la maitrise de Damas, du sud-ouest et de la zone méditer-
ranéenne, les affrontements et les violences infligées aux civils
Ce pari stratégique est lourd de risques pour Ie parti libanais : il seront d'une très haute intensité,
peut l'exposer à des frappes israéliennes, s'il apparait par exemple
partre prenante à la gestion par le régime syrien de certaines Cet engagement du Hizbollah au coté du regime de Bachar El
capacités militaires sensibles (chimique) ; il peut aller à I'encontre Assad, à en juger par ses points de déploiement géographiques,
de la sensibilité d'une partie de sa base sociale (pour quoi aller parait relever d'une communauté d'intérêts qui se fonde en premier
mourir à Homs ?) ; il peut aviver les tensions au Liban et précipiter, lieu sur la continuité territoriale. Le régime semble s'être o recalé ,
sur fond de crise syrienne, la cassure du pays. La seule explication sur une sorte de glacis de sécurité - Sud-ouest (Deraa, Damas),
rationnelle de ce pari stratégique du Hizbollah est à rechercher versant méditerranéen (pays alaouite), verrou de Homs - où il a
dans un alignement obligé sur la politique régionale de son parrain réorganisé ses forces avec l'assistance directe de l'lran, et a tout
et dispensateur de fonds, l'lran. intérêt à la sécurisation d'une profondeur stratégiqr-re libanaise vers
I'ouest. Corrélativement, ie Hizbollah s'implique comme acteur
Face au rlsque d'affaiblissement voire de disparition de ses points militaire oans la profondeur de son hinterland syrien (où se trouvent
d'ancrage au Proche-Orient (Syrie et lrak en tant qu'Etats unifiés, les installations et les lignes de communication permettant le

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soutien du régime de Damas 3u « parti de Dieu ,), c'est-à-dire au la lassitude de I'opinion arabe et internationale et sLlr une image
delà de ses zoRes de pro.lection traditionnelles (Liban, frontière dégradée de l'opposition (u velléitaire , à l'extérieur ; divisée ou
israélienne) mais en continuité avec ses zones d'implantation au . djihadiste, à l'intérieur).
Liban (sud et plalne de la Bekaa à l'est).

La défense de ce continuum territorial (avec le verrou de Homs


comme point d'articulation), qui recouvre entre le tiers et la moitié
UNr ÉvcluloN PRoBABLE NtAts
de la o Syrie utile », constitue donc un enjeu vital tant pour le INCERTAINE
régime de Bachar El Assad que pour le Hizbollah. llfaut dès lors
s'attendre, pour la maitrise de ce territoire, à une résistance Cette évolution est incertaine cai' exposée aux rapports de force
beaucoup plus déterminée du régime, et donc à des combats et régionaux (avec une nouvelle conionction cie forces iran-Hizbcllah),
des violences encore plus âpres que ceux qui se sont déroulés mais sur laquelle les soutiens de I'opposition syrienne pourraient
jusqu'alors dans le nord et le norci-est du pays. Les difficultés cie peser, Si ce scénario n'est pas certain, il apparaÎt néanmoins
l'insurrection dans les faubourgs de Damas et les environs cie assez probable conrpte tenu de la tendance des derniers mois. ll
Deraa depuis plusreurs mois en donnent un avant-goût. repose sur une ciouble hypothèse :

L'armement par le régime de miiices communautaires, les


provocations confessionnelles dans la région de Homs 1/ à court et moyen terme, l'insurrection ne pourra pas faire de
(massacres de villageois), l'embrigadement de la communauté progrès militaires rapides et décisifs ;
alaouite dans les forces du regime, la mise au point par celui-ci
d'une doctrine et d'une pratique organisée de contre-insurrectron, 2/ à la négociation avec Ia Coalition nationale syrienne, le régime
voire l'usage ponctuel de gaz augurent de diffrcultés supplé- dans son état actuel (clan Assad) pt'éfèrera la poursuite ie la guerre
mentaires dans cette zone. Pour surmonter ces difficultés, le pour perdurer à ia tête d'une coalition de la peur (minorités et
niveau d'équipement et d'organisation de l'insurrection devra diverses clientèles), cantonné sur un « reduit , assez vaste pour être
être bien supérieur à ce qu'il aurart du être il y a six mois pour le à peu près viable tant que ses soutiens extérieurs (lran, Russie) ne
même gain, lui feront point défaut, et tant qu'il estimera pouvoir opposer sa
Cétermination à la division des forces de l'insurrection.
Le grignotage régulier des positions du régime par les forces de
l'insurrectiôn et l'usure attestée de ses capacités de réactivité Ce scénario pourrait toutefois être contrarié dans les prochatns mois
militaire (en dépit de la rationalisation de celles-ci avec l'assistance par des évolutions régionales plus vastes (effets en chaine
iranienne depuis 2011) laissent penser que le régime ne pourra consécutifs à un raidissement général autour de la question
pius reconquérir ie terrain perdu. Mais durer indéfiniment sur son nucléaire iranienne avec une réaction israélienne, etc), ou plus
« glacis de sécurité » n'est probablement pas un objectif hors de
simplement par une amélioratiorr rapide et ti'ès substantielle des
portée du point de vue du clan Assad (et son comportement moyens et de la cohésion de l'insurrection.
politique a ce jour semble indiquer qu'il croit même une
reconquête possible). Dans les conditions actuelles, les Dans ce dernier cas, un recul sensibie des positions du régime sur
composantes d'une telle stratégie ne sont pas irréalistes : enrayer la bande occidentaie du territoire adossée au Liban poserait, pour
les avancées de l'insurrection dans les zones de Deraa, Damas, les chefs du régime et leurs afridés, la question de leur survie de
Homs, Hama voire Alep ; tabler sur l'épuisement de la popuiation, manière nouvelle et pressante. Leurs alliés libanais (Hizbollah)

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Les carnets du CApS

seraient également confrontés à la perspective d'un rétrécissement


rapide de leur espace stratégique. Sous la pression. des remises en
cause voire des recompositions inédites pourraient en résulter :
modération par le Hizbollah de son activisme régional « coup »
;
interne au régime pour sacrifier la tête ou une partie du clan en vue
d'une négociation qui serait axée notamment sur les garanties aux
minorités et I'unité maintenue de l,armée.

On est aujourd'hui encore loin d,une telle situation. Seule la mise


en
æuvre effective et déterminée de notre politique (soutien à
l'opposition, assistance humanitaire et militaire à la Coalition
nationale syrienne, parallèlement à l,action diplomatique en faveur
d'une négociation politique décente) permettra de s,en rapprocher.
ll y va de la possibilité même d,une Syrie unifiée, pluraliste et
pacifiée dont la coalition nationaie serait la principale force
fédératrice.

Pour l'heure, chaque jour de violences accentue le désespoir de


la population, renforce le morcellement territorial et pousse à Ia
montée aux extrêmes. Ceci affecte directement les équilibres du
Liban (gui paraissent ébranlés comme ils ne I'ont peut-être jamais
été depuis ies accords de Taef), et fait écho à la tension politico-
confessionnelle qui traverse l'lrak (sans précédent depuis les
élections de 2010).

Dans ce contene, l'engagement effectif en Syrie du Hizbollah, qui a


renoué avec un certain activisme international, et de I'lran, qui
engage ainsi ses intérêts au Liban, en lrak et face aux Etats arabes
du Golfe, a toutes les apparences d,un partenariat stratégique de
portée régicnale (voire au-cielà), dont il faudra mesurer et si possible
anticiper les effets. Dans sa dimension strictement territoriale
aujourd'hui en Syrie, il paraît défensif. Si sa portée devenait plus
globale (ciblage hors Moyen-Orient d,intérêts israéliens ou/et
occidentaux), il pourrait être, pour notre sëcurité et celle de nos
alliés, plus offensif.

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