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La prohibition des clauses léonines et les

conventions de portage
Aux termes de l’article 1844-1, al. 2 du Code civil « la stipulation
attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la
société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant
un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la
totalité des pertes sont réputées non écrites ».
Trois interdictions ressortent de cette disposition qui prohibe ce que l’on appelle
les clauses léonines, soit les stipulations qui attribueraient à un associé « la
part du lion ».
En vertu de cette disposition sont ainsi prohibées les clauses qui :

 attribueraient à un seul associé la totalité des bénéfices


réalisés par la société
 excluraient totalement un associé du partage des
bénéfices
 mettraient à la charge d’un associé la totalité des pertes
La présence d’une clause léonine dans les statuts n’est pas une cause de nullité
de la société. La stipulation est seulement réputée non-écrite, de sorte que le
partage des bénéfices et des pertes devra s’opérer proportionnellement aux
apports des associés.

==> Les opérations sur titre


Depuis le début des années 1980, la problématique des clauses léonines a surtout
été alimentée par le contentieux relatif aux opérations sur titres, notamment les
opérations dans lesquelles des promesses d’achat de droits sociaux à prix
plancher interviennent.

La question s’est, en effet, posée de savoir devant les tribunaux si ces opérations
de cession de titres à prix plancher n’étaient pas de nature à exonérer un associé
de tout ou partie de son obligation de contribuer aux pertes.

En cas de dépréciation des titres, le cédant est assuré, en levant l’option de la


promesse d’achat dont il est bénéficiaire, de céder ses droits sociaux à un prix
minimum. Aussi, est-il garanti contre toute perte de valeur des titres cédés.
Dès lors, ces opérations qui ont toutes en commun de reposer sur la technique de
la promesse unilatérale d’achat de droits sociaux à prix garanti, ne tomberaient-
elles pas sous le coup de la prohibition des clauses léonines ?

Des réponses différentes ont été apportées par la jurisprudence à cette


problématique selon qu’il s’agit d’une cession massive de droits
sociaux, une convention de portage ou encore une opération de capital-
investissement.
I) Description de l’opération de portage
A) La définition de l’opération
La convention de portage se définit comme l’opération par laquelle une
personne appelée porteur répond à la sollicitation d’un donneur d’ordre
d’acquérir des droits sociaux, après quoi, il s’engage, passé un certain délai, à
les rétrocéder à un bénéficiaire désigné qui peut être, soit un tiers, soit le
donneur d’ordre lui-même.

La convention de portage consiste, autrement dit, pour le porteur à endosser


temporairement la qualité d’associé sur demande du donneur d’ordre.

Pour le porteur, l’intérêt de l’opération réside dans la renumérotation qu’il


perçoit en contrepartie du service qu’il rend au donneur d’ordre.

Ladite rémunération est calculée sur base d’un intérêt prorata


temporis indépendamment des bénéfices réalisés par la société, dans la
mesure où il est prévu que la rétrocession des titres s’effectuera à un prix
plancher
B) La finalité de l’opération
La conclusion d’une convention de portage peut répondre à plusieurs objectifs :

 Le donneur d’ordre peut recourir à la convention de


portage, car il ne dispose pas de liquidités suffisantes pour
acquérir les titres sociaux dont il souhaite être titulaire.
o La convention de portage s’apparente alors à un prêt
consenti par le porteur au donneur d’ordre, lequel lui
remboursera les fonds avancés à l’issue de la période
de portage
 Le donneur d’ordre peut également recourir aux services
d’un porteur afin de ne pas révéler immédiatement son
identité aux associés dans laquelle il souhaite prendre une
participation
 Le donneur d’ordre peut encore être animé par la volonté
de préparer une introduction en bourse qui débouchera sur
une cession des titres confiés au porteur sur le marché.
C) Les parties à l’opération
 Le donneur d’ordre
o Il s’agit de l’associé qui va céder tout ou partie de ses
droits sociaux au porteur
 Le porteur
o Il s’agit du cessionnaire des titres sociaux cédés par
le donneur d’ordre
o Le porteur sera, très souvent, un établissement
financier
 Le bénéficiaire de la convention
o Il s’agit de la personne à laquelle le porteur va
rétrocéder les droits sociaux acquis à la demande du
donneur d’ordre
o Le bénéficiaire, désigné par le donneur d’ordre, peut
être :
 Soit un tiers
 Soit le donneur d’ordre lui-même
D) Le déroulement de l’opération
 Premier temps : la conclusion de la convention
o La convention de portage est conclue entre le
donneur d’ordre et le porteur
o Cette convention a pour objet de :
 Fixer les modalités de cession et de rétrocession
des droits sociaux sur lesquels porte la convention
 Régir les rapports entre le donneur d’ordre et le
porteur durant toute la durée du portage des titres
 Afin de se prémunir d’une dépréciation des
droits sociaux qu’il a acquis, le porteur exigera la
détermination d’un prix plancher auquel la seconde
rétrocession des titres devra s’effectuer.
 Second temps : l’entrée de l’opération
o Le donneur d’ordre ou la personne désignée par lui
cède au porteur les droits sociaux, objet de la
convention de portage, conformément aux conditions
prévues initialement entre les parties
 Troisième phase : le portage des droits sociaux
o Durant toute la durée du portage de droits sociaux
prévue par la convention, le porteur exerce toutes les
prérogatives attachées à la qualité d’associé
 Quatrième phase : la sortie de l’opération
o Le porteur rétrocède, au prix plancher convenu dans
la convention, les droits sociaux qu’il a acquis sur
demande du donneur d’ordre
 Soit à la personne désignée par le donneur
d’ordre
 Soit au donneur d’ordre lui-même

E) Problématique de l’opération
Si la validité des cessions massives de droits sociaux à prix plancher a pu
susciter un vif débat en jurisprudence, au regard de la prohibition des clauses
léonines, l’interrogation est d’autant plus permise lorsque la cession intervient
dans le cadre d’une opération de portage.

Deux raisons peuvent être avancées au soutien de l’irrégularité d’une opération :

 D’une part, contrairement à la cession de droits sociaux


étalée dans le temps, le porteur, qui le plus souvent est un
établissement financier, n’a nullement l’intention d’être
associé de la société dont il acquiert les titres.
o La condition tenant à l’affectio societatis fait donc
défaut au porteur
o Il ne remplit donc pas tous les critères de la qualité
d’associé
 D’autre part, lors de l’acquisition des droits sociaux, le
porteur est assuré de pouvoir les rétrocéder à un prix
plancher, de sorte qu’il est contractuellement exonéré de
l’obligation de contribution aux pertes qui échoit à tout
associé
o Ainsi, le porteur est-il garanti contre toute
dépréciation des titres, ce qui pourrait être considéré
comme contraire à la lettre de l’article 1844-1 du Code
civil qui prohibe la stipulation de clauses léonines
o La stipulation de la convention de portage qui prévoit
que la rétrocession des droits sociaux à un prix plancher
devrait, dans ces conditions, être réputée non écrite.
 Enfin, dans un arrêt du 3 juin 1986, la Cour de cassation a
eu l’occasion de rappeler que « l’affectio
societatis suppose que les associés collaborent de façon
effective à l’exploitation dans un intérêt commun et sur un
pied d’égalité, chacun participant aux bénéfices comme
aux pertes» ( com. 3 juin 1986).
o Manifestement, dans le cadre d’une convention de
portage, ni la condition tenant à l’affectio societatis, ni
la condition tenant à la participation aux résultats ne
sont remplies.
o Aussi, la question de la validité de cette opération se
pose.
II) L’appréhension de l’opération par la jurisprudence
==> Première étape : l’admission de la validité des
conventions de portage
Dans le droit fil de l’arrêt Bowater rendu six ans plus tôt, dans un arrêt Sté Go
international du 19 mai 1992, la Chambre commerciale admet la validité d’une
convention de portage

Elle affirme en ce sens que « la promesse d’achat n’avait pas d’autre


objet, en l’absence de toute fraude, non alléguée par la société
Go international, que de permettre, moyennant un prix
librement débattu, la rétrocession d’actions de la
société Go international SPA à des conditions visant à
assurer l’équilibre des conventions conclues entre les
parties le 16 juillet 1987, à la suite de diverses négociations
aménageant les accords du mois de janvier précédent ».
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette décision :

 Admission de la validité des conventions de portage


o La Cour de cassation admet, pour la première fois, la
validité d’une convention de portage, malgré toutes les
objections susceptibles d’être soulevées à l’encontre
d’une telle opération
o Cette position s’inscrit, sans aucun doute, dans le
droit fil de l’arrêt Bowater qui avait validé les cessions
massives de droits sociaux à prix plancher
o Le cas de figure en l’espèce n’était cependant pas le
même, car dans le cadre d’une convention de portage,
le porteur ne répond pas exactement aux critères de
l’associé.
o Aussi, la Cour de cassation fait-elle fi du défaut
d’affectio societatis dont est frappé le porteur
o Qui plus est, si l’on se réfère au critère de l’objet
adopté par la Cour de cassation dans l’arrêt Bowater,
l’opération de portage n’a pas pour finalité de réaliser
une transmission de droits sociaux au porteur.
o Les titres acquis par ce dernier ont effectivement
vocation à être rétrocédés (à un tiers ou au donneur
d’ordre) à l’issue de la période de portage, de sorte que
l’objet de l’opération est sensiblement différent de celui
envisagé dans l’arrêt Bowater.
 Condition de validité des conventions de portage
o Il peut être observé que dans l’espèce soumise à la
Cour de cassation, la convention de portage ne
prévoyait pas seulement la souscription d’une promesse
d’achat par le donneur d’ordre à la faveur du porteur,
afin de lui garantir la possibilité de rétrocéder les titres à
prix plancher.
o La promesse d’achat permettant la rétrocession des
titres portés au donneur d’ordre était, en effet,
complétée par une promesse de vente rédigée dans les
mêmes termes à la faveur du donneur d’ordre.
o Ainsi, est-on en présence, de ce que l’on appelle une
promesse croisée.
 L’intérêt de la stipulation d’une promesse croisée dans le
cadre d’une convention de portage est de faire supporter
un aléa lors de la rétrocession des titres, non pas au seul
cessionnaire (donneur d’ordre ou tiers désigné par lui),
mais également au porteur
 Il doit, en effet, être rappelé que la rétrocession
s’effectuera à prix plancher.
 Il en résulte que :
o Si, à l’issue du portage, la valeur des titres a baissé,
alors c’est le cessionnaire qui subit la moins-value, le
porteur en étant exonéré le prix plancher lui
garantissant de récupérer son investissement de départ.
o Si, en revanche, à l’issue du portage, la valeur des
titres a augmenté, le cessionnaire profite seul de la plus-
value, le prix plancher jouant, dans ce cas de figure, en
la défaveur du porteur, celui-ci subissant un manque à
gagner
 Dans l’arrêt Go International, il peut être relevé que pour
justifier la validité de la convention de portage, la Cour de
cassation avance que la rétrocession s’était effectuée « à
des conditions visant à assurer l’équilibre des conventions
conclues entre les parties»
 Aussi, l’emploi de cette formule laisse-t-il à penser que la
validité de la convention de portage est subordonnée à la
conclusion d’une promesse croisée.
 Autrement dit, pour ne pas tomber sous le coup de la
prohibition des clauses léonines, la chambre commerciale
suggère, dans cette décision, que la promesse de rachat
souscrite par le donneur d’ordre à la faveur du porteur doit
être complétée par une promesse de vente portant sur les
mêmes titres et libellée en des termes identiques au profit
de chacune des parties contractantes.
==> Deuxième étape : l’affirmation de l’exigence de la
conclusion de promesses croisées
Bien que, avec l’arrêt Go international, la Cour de cassation avait semblé aller
un peu plus loin que le stade de l’admission de la validité des conventions de
portage, notamment en se référant au critère de « l’équilibre des
conventions », c’est véritablement à l’arrêt Chicot du 24 mai 1994 que l’on
doit l’affirmation de leur condition de validité (Cass. com., 24 mai 1994).
Dans cette décision, la Cour de cassation reproche, en effet, à une Cour d’appel
d’avoir « déclaré nulle et réputée non écrite la clause relative à la
définition du prix de rachat en retenant que la clause litigieuse
avait eu pour but de garantir la SDBO contre toute évolution
défavorable des actions et de la soustraire à tout risque de
contribution aux pertes sociales », alors que les juges du fond avaient
« constaté que la cession initiale avait été complétée par des
promesses croisées de rachat et de vente des mêmes actions
libellées en des termes identiques au profit de chacune des
parties contractantes, ce dont il résultait que celles-ci avaient
organisé, moyennant un prix librement débattu, la rétrocession
des actions litigieuses sans incidence sur la participation aux
bénéfices et la contribution aux pertes dans les rapports
sociaux ».
La solution retenue dans l’arrêt Chicot mérite plusieurs observations :

 Confirmation de la validité des conventions de


portage
o Par cet arrêt Chicot du 24 mai 1994, la Cour de
cassation vient confirmer la validité des conventions de
portage, de sorte que l’arrêt Go international n’était pas
un arrêt d’espèce.
o Ainsi, la chambre commerciale entend-elle poursuivre
le mouvement de libéralisation qu’elle avait engagé
avec l’arrêt Bowater en admettant que, dès lors que
l’opération concerne les seuls rapports entre associés,
elle n’encourt pas la qualification de stipulation léonine.
o Ce qui importe, c’est que l’opération soit « sans
incidence sur la participation aux bénéfices et la
contribution aux pertes dans les rapports sociaux».
o Autrement dit, il ne doit pas être porté atteinte au
pacte social, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on est en
présence d’une convention de portage, cette convention
n’ayant pas vocation à régir les relations entre la société
et les associés.
 L’affirmation de l’exigence de promesses croisées
o Bien que la Cour de cassation admette les
conventions de portage, dans l’arrêt Chicot, elle
subordonne explicitement leur validité à l’existence
d’une promesse croisée.
o La chambre commerciale reproche, en effet, au juge
du fond de n’avoir pas validé une convention de portage
alors qu’ils avaient « constaté que la cession initiale
avait été complétée par des promesses croisées de
rachat et de vente des mêmes actions libellées en des
termes identiques au profit de chacune des parties
contractantes, ce dont il résultait que celles-ci avaient
organisé, moyennant un prix librement débattu»
o L’exigence de promesse croisée posée par la Cour de
cassation témoigne manifestement de sa volonté de
faire subsister un aléa sur la tête du porteur.
o Dans l’hypothèse, en effet, où la valeur des titres
augmenterait il subira un manque à gagner dans la
mesure où il aura consenti au donneur d’ordre ou au
cessionnaire désigné une promesse de vente à prix
plancher.
o Au vrai, en posant cette exigence de promesse
croisée, la chambre commerciale révèle la difficulté
qu’elle rencontre à se détacher de l’article 1844-1 du
Code civil, quand bien même l’opération ne porte
nullement atteinte au pacte social.
o Qui plus est, subordonner la validité des conventions
de portage à l’existence d’une promesse croisée n’est
pas sans conséquences
 Les conséquences de l’exigence de conclusion de
promesses croisées
o L’équilibre des conventions
 En exigeant que la convention de portage soit
assortie d’une promesse croisée, la Cour de cassation
a pour objectif d’assurer l’équilibre des conventions,
en ce sens qu’elle considère qu’un aléa doit peser les
deux parties à la convention de portage
 À défaut, le déséquilibre serait tel que l’on serait
en présence d’un pacte léonin qui ne pourrait
échapper aux fourches caudines de l’article 1844-1
du Code civil
o L’application du droit de la vente
 Aux termes de l’article 1589 du Code civil « la
promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a
consentement réciproque des deux parties sur la
chose et sur le prix. »
 Aussi, conformément à cette disposition, la Cour
de cassation a-t-elle régulièrement l’occasion
d’affirmer que la conclusion de deux promesses
croisées s’apparente à une promesse
synallagmatique si bien que la vente est parfaite dès
l’échange des consentements.
 Dans un arrêt du 22 novembre 2005, la chambre
commerciale a estimé en ce sens que « l’échange
d’une promesse unilatérale d’achat et d’une
promesse unilatérale de vente réalise une promesse
synallagmatique de vente valant vente définitive dès
lors que les deux promesses réciproques ont le
même objet et qu’elles sont stipulées dans les
mêmes termes» ( com., 22 nov. 2005).
 Appliquée aux promesses croisées dont la Cour
de cassation exige la conclusion pour reconnaître la
validité des conventions de portage, cela signifie que
le droit de la vente est applicable à l’opération dès
l’échange des consentements entre le donneur
d’ordre et le porteur
 Deux conséquences d’inégale importance en
résultent :
 Application intempestive de la
garantie des vices cachés
 Si l’on qualifie de vente la promesse
croisée dont est assortie une convention de
portage, cela implique que le donneur d’ordre
soit fondée à se prévaloir de la garantie des
vices cachés lors de la rétrocession des titres,
notamment dans l’hypothèse où lesdits titres
subiraient une moins-value.
 L’invocation de cette garantie serait
cependant difficilement admissible sur le plan de
l’équité dans la mesure où cela reviendrait à
offrir au donneur d’ordre une échappatoire en
cas de dépréciation des titres, alors qu’il est seul
à l’origine du mauvais placement, le porteur
n’ayant participé qu’au financement de
l’opération.
 Par chance pour le porteur, en matière
de cession de droits sociaux, la Cour de
cassation ne reconnaît que très
exceptionnellement la faculté pour le
cessionnaire d’invoquer la garantie des vices
cachés.
 Dans un arrêt du 12 janvier 2000 elle
a notamment rappelé que le cessionnaire de
droits sociaux n’était fondé à se prévaloir de la
garantie des vices cachés que si le vice affectant
les titres était de nature à les rendre impropres à
leur usage ( 3e civ. 12 janv. 2000)
 Autrement dit, pour la Cour de
cassation, la garantie des vices cachés ne
pourra être invoquée dans le cadre d’une
cession de droits sociaux que dans l’hypothèse
où le vice qui affecte les titres rend la réalisation
de l’objet social impossible.
 Anéantissement de l’opération
 Si l’on considère que la promesse
croisée dont est assortie la convention de
portage s’apparente à une vente, cela signifie
que le transfert de propriété opérée par la
rétrocession des titres sociaux à la faveur du
donneur d’ordre ou de la personne désignée, a
lieu, non pas à l’issue de la période de portage,
mais dès la conclusion des promesses, soit
avant même que le portage ne soit intervenu.
 Aussi, cela reviendrait-il à priver
l’opération de tout son intérêt, dans la mesure
où à aucun moment le porteur ne serait
propriétaire des droits sociaux qu’il a pourtant
vocation à « porter », conformément à la volonté
des parties.
 L’intérêt de la convention de portage
réside, en effet, précisément dans le transfert de
propriété des titres qui s’opère entre le donneur
d’ordre et le porteur.
 Or si ce transfert voulu par les parties
est annihilé par la requalification des promesses
croisées en vente, l’opération n’a plus lieu
d’être.
==> Troisième étape : incertitude quant au maintien de
l’exigence de promesses croisées
Après que l’arrêt Chicot a été rendu, plusieurs décisions ont semé le doute quant
au maintien de l’exigence de promesses croisées quant à la validité des
conventions de portage.

Dans un arrêt du 19 octobre 1999, la Cour de cassation ne se réfère plus à


l’exigence de promesse croisée, si bien que certains auteurs se sont demandé si
elle ne l’avait pas abandonné.

Dans cette décision, la chambre commerciale estime, en effet, que « la


convention litigieuse constituait une promesse d’achat
d’actions et de parts sociales, et fait ressortir qu’elle avait pour
objet d’assurer l’équilibre des conventions conclues entre les
parties »
Elle en déduit alors que « c’est à bon droit que la cour d’appel a
décidé que la fixation au jour de la promesse, d’un prix
minimum pour la cession de ces actions et parts sociales ne
contrevenait pas aux dispositions de l’article 1844-1 du Code
civil, dès lors que n’ayant pour objet que d’assurer, moyennant
un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux,
même entre associés, elle était sans incidence sur la
participation aux bénéfices et la contribution aux pertes, dans
les rapports sociaux et ne portait pas atteinte au pacte social ».
Manifestement, à aucun moment la Cour de cassation ne fait référence dans cet
arrêt à l’exigence de promesse croisée.

Qui plus est, dans un arrêt rendu à la même époque, la chambre commerciale
censure une Cour d’appel qui, pourtant, avait appliqué, à la lettre, la solution
retenue dans l’arrêt Chicot (Cass. com., 16 nov. 1999). La cassation est
prononcée en l’espèce, non pas sur le fondement de l’article 1844-1 du Code
civil mais au visa de l’article 4 du Code de procédure civile, ce qui laisse à
penser que l’existence de promesses croisées n’était pas en cause.
==> Quatrième étape : réapparition de l’exigence de
promesses croisées
Il faut attendre un arrêt Laurent du 22 février 2005 pour voir réapparaître
l’exigence de promesses croisées (Cass. com., 22 févr 2005).
Pour valider une convention de portage, la Cour de cassation relève ainsi que
« c’est sans dénaturation des conventions litigieuses de
promesses croisées de rachat et de vente des actions, dont elle
constatait qu’elles étaient rédigées en termes identiques au
profit de chacune des parties, notamment quant au prix et aux
modalités de leur réalisation, que la cour d’appel qui, par motifs
propres et adoptés, a relevé que ces conventions ne faisaient
qu’organiser, moyennant un prix librement débattu et dans des
conditions assurant l’équilibre des droits respectifs des parties,
la rétrocession des actions litigieuses sans incidence sur la
participation aux bénéfices et la contribution aux pertes dans
les rapports sociaux ».

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