ialté – tridimensionnel – triel – trial – tripartition – paradigme ternaire – duel – dual – dialectique – dualité – tri
L’esprit dans tous ses états
de l’esprit ou « pneuma »
En guise d’introduction, on peut lire l’envoi de la mise en ligne
Sommaire :
I : Le « pneuma » ou souffle vital . . . . . .
A) : les écoles médicales. . . . . . . . . . . . .
B) le pneuma « enveloppe » de l’âme :
Plutarque et le courant hermétique . . . . .
C) le pneuma mantique . . . . . . . . . . . . .
II : le pneuma cosmique
ou « âme du monde » . . . . . . . . . . . . . .
III : le Pneuma divin . . . . . . . . . . . . . . .
A) Le livre de la Sagesse  . . . . . . . . . . . .
B) Le Pneuma chez Philon d’Alexandrie :
IV : les conséquences anthropologiques
de la spiritualisation du pneuma . . . . . .
V : le pneuma dans la littérature chrétienne 10
VI : Une synthèse impossible ? . . . . . . . . 13
L es lecteurs de « l’escritoire » et les familiers
du « Réseau Regain » connaissent bien "le
paradigme ternaire", avec comme référence
principale le ternaire humain : corps, âme, es-
prit. Parmi ces trois termes, cependant, il en
est un dont la définition pose des problèmes
particuliers, c’est celui  d’« esprit ». Ce terme
recouvre, de fait, des significations nombreuses
et parfois sans rapport les unes avec les autres :
c’est ainsi qu’on parlera de l’esprit humain,
* Études explicitant ( ), illustrant ( ) ou étant en rapport avec (
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(*)
mais aussi de l’esprit d’un texte ; on dira de
2 quelqu’un qu’il « a de l’esprit », qu’il « fait de
l’esprit » ou même qu’il a « perdu l’esprit » ;
2
on connaît même « l’esprit de sel », « l’esprit
du vin » (Baudelaire) et aussi les « esprits ani-
4
maux » (Descartes).
4
Plus encore, la distinction établie entre
« âme » et « esprit », comme on le verra à plu-
6 sieurs reprises, n’est pas toujours bien nette ;
7 on attribue parfois à l’une les caractéristiques
8 de l’autre et vice versa, parfois on les identifie
8 l’un à l’autre. Le catéchisme de l’Église catho-
lique d’inspiration Thomiste enseigne, par
exemple, que l’homme est composé d’un corps
9
et d’une « âme spirituelle ».
C’est pourquoi nous pourrions commencer
cette étude en paraphrasant Aristote au début
du livre III de la « Métaphysique », qui affirme
que « l’être se dit de plusieurs manières » ; l’es-
prit, lui aussi, peut se définir de diverses ma-
nières. Il s’agit en fait d’une notion polysémique
et multidimensionnelle, dont le « champ sé-
mantique », comme disent les spécialistes, est
particulièrement flou ou imprécis. La question
qui se pose est de savoir s‘il est possible d’en
avoir malgré tout une idée « claire et distincte ».
Pour tenter de mettre un peu d’ordre et de
clarté dans la définition de cette notion, il nous
)… le paradigme ternaire. – ** cf. Glossaire PaTer (en chantier)
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 paraît tout d’abord indispensable de procéder
à une « archéologie » de ce concept et de re-
monter à ses origines.
Le mot « esprit » est la transposition-traduc-
tion du latin « spiritus » qui a très exactement
la même racine et qui présente plus ou moins
les mêmes ambiguïtés. C’est pourquoi il nous
faut aller plus loin et revenir au terme matrice
du latin comme du français, qui est le grec
« pneuma ». Là, il n’y plus communauté de ra-
cine et, de surcroît, ce terme doit être explicité
par rapport à son contexte historique et cultu-
rel. Le « pneuma » pour les grecs fait d’abord
référence au souffle vital, et précisément à la
respiration des êtres vivants (l’inspir et l’expir).
On reconnaîtra facilement cette racine dans
des termes familiers comme « poumon »,
« pneumologie » et même « pneumatique » !
On ne s’étonnera donc pas si, dans la suite
du texte, nous traitons en premier du pneuma
tel qu’il apparaît dans les diverses écoles mé-
dicales de l’antiquité ; c’est dans un deuxième
temps que nous découvrirons la signification
proprement philosophique, puis théologique
de cette notion.
Plus précisément, nous étudierons la notion
de pneuma en trois étapes qui correspondent
aux trois niveaux suivants :
Niveau microcosmique (l’homme)
Niveau macrocosmique (l’univers)
Niveau métacosmique (Dieu).
REMARQUE : il est bien entendu impossible
dans le cadre limité de cet article de dévelop-
per en détail toutes les doctrines du pneuma,
si nombreuses et si variées, de l’antiquité
jusqu’à à nos jours. De plus, les opinions et
les enseignements des divers auteurs et des
multiples écoles présentent parfois des va-
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riantes importantes selon les textes auxquels
on se réfère ; par ailleurs, les points de vue de
certains d’entre eux ont évolué avec le temps,
ce qui n’est pas fait pour simplifier notre ap-
proche.
Nous disposons heureusement d’un ouvrage
de référence qui à lui seul constitue une « bi-
ble » sur le pneuma ; il s’agit du livre de Gérard
VERBEKE « l’Évolution de la doctrine du
pneuma des stoïciens à saint Augustin », véri-
table somme sur le sujet, avec de nombreuses
citations et références (éditions Desclée De
Brouwer, 1945).
C’est pourquoi pour chacun des thèmes
abordés nous renverrons le lecteur aux chapi-
tres correspondants du livre de VERBEKE.
Comme il s’agit d’un ouvrage épuisé depuis
longtemps, nous proposons les reprints des par-
ties concernées à télécharger directement sur
le site du Réseau Regain à partir des liens indi-
qués.
I : LE « PNEUMA » OU SOUFFLE
VITAL DANS L’ÊTRE HUMAIN
Dans ce chapitre nous considérerons exclu-
sivement les doctrines médicales ou philoso-
phiques de l’antiquité païenne ; les conceptions
judéo-chrétiennes feront l’objet d’un chapitre
séparé.
A) : les écoles médicales
cf. Verbeke ch. II, p.175-206
Nous commençons par le niveau « micro-
cosmique », celui où le pneuma est considéré
comme le « souffle » ou l’énergie qui fait de
l’homme un être doué de vie et de mouvement.
Précisons que ce pneuma-souffle vital ne doit
en aucune manière être confondu avec l’air
(aer) qui est un des quatre éléments de la phy-
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 sique ancienne avec la terre, l’eau et le feu. Le
Grec connaît par ailleurs d’autres termes ap-
parentés comme « anemos » qui désigne le
souffle du vent (cf. « anémomètre ») ou encore
« atmos » (vapeur) qui fait référence à la
couche de gaz qui entoure une planète (atmo-
sphère).
Précisément, le pneuma est considéré par
les écoles médicales comme un « souffle
igné », ce qui signifie qu’il participe de par sa
nature tout à la fois des qualités de l’élément
air et de celles de l’élément feu ; les opinions
sur ce sujet varient avec les auteurs, certains
d’entre eux attribuant au pneuma une nature
exclusivement ignée. La physiologie et la mé-
decine traditionnelles (Hippocrate, Galien,
Avicenne…) considèrent que l’organisme (le
composé âme-corps) est parcouru par un en-
semble de courants ou de fluides subtils et
mouvants, ce qui constitue la définition la
plus générale qu’on peut donner du pneuma ;
c’est l’équilibre entre ces divers courants qui
conditionne la santé, leur déséquilibre étant
au contraire la source de tous les désordres et
de toutes les maladies, tant physiques que
psychiques. Galien (131-201), par exemple,
distingue en l’homme trois sortes de pneuma :
le vital (Pneuma zoticon, en latin spiritus vi-
talis), le physique (Pneuma physicon, en latin
spiritus naturalis) et le psychique (Pneuma
psychicon, en latin spiritus animalis). Remar-
quons dans ce troisième terme Pneuma psy-
chicon l’association pneuma-psyche, ce qui
montre bien qu’il n’y a pas pour Galien de
distinction tranchée entre les deux substances ;
pour lui, la psyche est apparemment de nature
pneumatique. Ce qui est intéressant, c’est que
le pneuma est considéré ici davantage sous
l’angle de la qualité que sous celui de la subs-
tance : la substance psychique se caractérise
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donc par son caractère pneumatique, c’est-à-
dire fluidique et énergétique. Galien considère
que le pneuma est un souffle extrait dans les
poumons à partir de l’air inspiré, puis envoyé
au cœur. C’est dans le cœur qu’il subit une
combustion et est infusé dans le sang, sous
une forme intense et concentrée. Ce pneuma
est l’esprit vital, qui est la forme première du
pneuma dans l’organisme ; sa fonction prin-
cipale est de faire circuler le sang. En attei-
gnant le foie, l’esprit vital, issu de la respiration
et de la vaporisation du sang, se change en
esprit naturel. Lorsque l’esprit vital atteint le
cerveau, il se transforme en esprit animal, la
forme basique de pneuma pour la faculté psy-
chique. Les « esprits animaux » transportent
les informations des cinq sens, vecteurs entre
l’âme et le corps, l’intérieur et l’extérieur. La
figure suivante schématise la circulation et la
transformation du pneuma dans l’organisme :
Air extérieur
↓
Organisme
↓
Cœur : pneuma zoticon (esprit vital)
↓
Foie : pneuma physicon (esprit naturel)
↓
Cerveau : pneuma psychicon (esprit animal)
→
transporte les informations
Conservée telle quelle tout au long du
Moyen-Âge, la théorie des trois formes de
pneuma sera légèrement modifiée à la Renais-
sance. Charles de Bovelles dit que le foie infuse
l’esprit naturel dans les quatre humeurs, puis
se divise en quatre formes, les quatre vertus,
qui animent les humeurs en leur donnant à
chacune des fonctions et des actions précises.
Reprenant Galien, le néoplatonicien Marsile
Ficin considère que l’union intime de l’âme et
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 du corps passe par la présence du pneuma qui
permet de transmettre au corps les puissances
de l’âme : « Le fait est qu’il y a en nous trois
parties : l’âme, l’esprit et le corps. L’âme et le
corps, très différents l’un de l’autre par nature,
sont unis par le truchement de l’esprit, qui est
une vapeur extrêmement subtile et transparente
engendrée par la chaleur du cœur à partir de
la partie la plus fine du sang. Répandu de là
dans tous les membres, il reçoit les puissances
de l’âme et les transmet au corps. » C’est dans
son De triplici vita de 1489, traité, ayant, selon
Marsile Ficin, pour but de rendre la vie de celui
qui le lira forte et longue, que Marsile Ficin
traite de manière approfondie des trois formes
de pneuma : il nous dit que les odeurs tempè-
rent l’esprit naturel et l’esprit vital, les esprits
animaux pouvant l’être par la musique. La mu-
sique constitue d’ailleurs, selon Marsile Ficin,
une des trois nourritures principales des esprits
animaux, avec l’air pur et lumineux et les
odeurs : « Pourtant à nuls, plustost qu’à eux
n’appartient le chois de l’air pur et lumineux,
des odeurs, et de la Musique. Car ces trois sont
estimez les trois principales nourritures de l’es-
prit animal. ». La musique est considérée
comme la plus importante de ces trois nourri-
tures, son action s’étendant à l’esprit animal et
à l’esprit vital ; celui qui saura préserver son
esprit animal, notamment grâce à la musique,
pourra espérer mener une longue vie. Cette
doctrine du pneuma sera reconnue très tard
en occident, au moins jusqu‘au XVIIe siècle,
où elle se retrouvera, quoique atténuée et dé-
formée, dans la théorie des « esprits animaux »
de Descartes. A partir de là les nouveaux dé-
veloppements de la science dans un sens « mé-
caniciste » excluront toute conception vitaliste
liée à un quelconque souffle ou fluide vital
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pour considérer l’homme uniquement sous
l’angle des lois de la physique et de la chimie.
B) le pneuma « enveloppe » de l’âme :
Plutarque et le courant hermétique
cf. Verbeke ch III, p.260-287 et p.307-321
Le terme grec traduit ici par enveloppe est
« okema », qui signifie aussi « vêtement » ou
« tunique ». Il s’agit d’une doctrine qui a eu
dans l’antiquité une grande importance, parti-
culièrement dans les écoles auxquelles nous
faisons allusion dans le titre. Pour Plutarque
et les auteurs hermétiques, le pneuma ne dé-
signe pas à proprement parler la substance de
l’âme mais il joue le rôle d’un intermédiaire
entre le corps et l’âme ; étant fondamentale-
ment de nature différente, ceux-ci ne peuvent
pas communiquer directement et ont besoin
d’un moyen terme, d’une interface qui assure
la continuité entre l’un et l’autre. Cette interface
est constituée, selon les auteurs, soit d’un mé-
lange d’air et de feu, soit de feu, soit d’éther,
ce qui est similaire à la conception du pneuma
des écoles médicales dont nous avons parlé
au chapitre précédent (1). Mais le rôle de
l’okema ne se limite pas à cette fonction d’in-
termédiaire passif ; dans la descente de l’âme
à partir du ciel avant la naissance dans le corps,
il accompagne celle-ci dans son voyage : l’âme
en traversant les sept sphères planétaires se re-
vêt chaque fois d’une parcelle de leur propre
nature et constitue ainsi le « vêtement » pneu-
matique qui va permettre son incarnation ter-
restre et son union à un corps matériel. De fa-
çon similaire, au moment de la mort, le corps
se dissout, mais l’âme conserve son enveloppe
qui lui permet de continuer à vivre pendant
une certaine période dans l’espace compris
ente la terre et la lune ; puis vient le mouve-
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 ment inverse de celui de la naissance : l’âme
remonte à travers les orbes célestes et se dégage
de son enveloppe étape par étape à partir de
la sphère de la lune pour retrouver sa nature
originelle céleste et redevenir pure intelligence
(nous). Bien entendu, ce voyage planétaire, qui
fait penser à de la science-fiction, doit être
compris de manière purement symbolique
comme exprimant des états divers de l’âme
dans son ascension spirituelle.
C) le pneuma mantique
cf. Verbeke ch. III, p.267-278
Nous donnons ce dernier exemple pour bien
mettre en lumière l’extrême diversité des si-
gnifications attribuées à la notion du pneuma.
Il s’agit ici d’un type particulier de pneuma
qui est lié à l’inspiration et à la divination. A
certains endroits, il y aurait des fentes dans la
couche terrestre qui permettraient au souffle
vital enfermé dans les profondeurs du globe
de s’échapper et de mettre ainsi certains êtres
particulièrement réceptifs en état de transe.
On peut citer l’exemple bien connu de l’ora-
cle de Delphes, dont Plutarque d’ailleurs était
prêtre. Ce souffle « mantique » était censé pé-
nétrer dans le corps de la pythie et produire
dans le pneuma psychique de l’âme des visions
et des révélations prophétiques en stimulant
non pas la raison, mais la faculté intuitive qui
existe à l’état latent en tout homme. Il ne s’agit
cependant pas d’une inspiration transcendante
venue d’une divinité supérieure, même si le
terme d’« enthousiasme » a parfois été employé
pour décrire l’état d’excitation de la pythie. Par
ailleurs, le « nous » (intelligence) n’a aucune
part dans les phénomènes de ce genre qui
concernent exclusivement la partie irrationnelle
de l’âme ; tout au contraire, le pneuma man-
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tique a pour effet de mettre en sommeil l’activité
noétique (intellectuelle) au profit d’une forme
d’instinct spontané dont l’origine est purement
naturelle. Rien à voir dans tout cela avec l’ins-
piration sacrée dans le judaïsme ou le christia-
nisme, comme nous le verrons plus loin chez
Philon d’Alexandrie ou chez les Pères de
l’Église.
Nous avons pu remarquer à plusieurs re-
prises au travers, des diverses conceptions mé-
dicales ou anthropologiques que nous avons
exposées, que la différence entre les notions
d’« âme » (psyche) et d’« esprit » (pneuma)
n’est pas toujours évidente, puisqu’on nous
parle, par exemple, de « pneuma psychique ».
Si nous nous reportons à l’anthropologie Pla-
tonicienne exposée dans le « Timée », nous
constatons de bien curieuses analogies : Pla-
ton distingue dans l’homme trois âmes diffé-
rentes, une supérieure et deux inférieures. La
première est l’âme immortelle liée à l’intelli-
gence (logistikon) et contenue dans la boîte
crânienne, à comparer avec le pneuma psy-
chicon des écoles médicales situé dans le cer-
veau. La deuxième est l’âme irascible (thu-
mos), située entre le diaphragme et le cou,
proche du cœur, qui commande l’ardeur guer-
rière, la colère, le courage, à mettre en relation
avec le pneuma zoticon logé dans le cœur.
La troisième est l’âme vitale ou nutritive (epi-
thumia), siège de l’appétit, du désir, du plaisir
et de la douleur, située au-dessous du dia-
phragme et principalement liée au foie ; là
encore le lien avec le pneuma physicon est
évident. Ce qui varie entre les deux modèles,
c’est la hiérarchie des trois instances : dans la
conception des écoles médicales, le pneuma
zoticon (situé dans le cœur) est premier et ali-
mente les étages suivants du foie et du cer-
veau, alors que chez Platon c’est l’âme im-
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 mortelle intelligente (logistikon, située dans le
cerveau) qui vient en premier.
Écoles médicales : Platon :
Cœur : pneuma zoticon Cerveau : logistikon
Foie : pneuma physicon Cœur : thumos
Cerveau : pneuma psychicon Foie : epithumia
Remarquons, pour terminer ce chapitre,
que la conception antique du pneuma est com-
mune à l’Occident et à l’Orient : en Inde, c’est
le prana qui correspond très exactement au
pneuma grec, ce prana qui circule dans les ar-
tères subtiles de l’individu sous la forme de
deux courants de polarité opposée (la figuration
de ces deux courants est parfaitement repré-
sentée dans le symbole du caducée d’Hermès,
avec les deux serpents qui s’enroulent en dou-
ble spirale autour de l’axe central qui repré-
sente la colonne vertébrale humaine). En
Chine, l’équivalent du pneuma est le chi, l’éner-
gie subtile qui parcourt l’organisme en suivant
le trajet des « méridiens » qui se ramifient dans
un réseau parallèle à celui des vaisseaux san-
guins et du système nerveux ; le chi se répartit
là aussi en deux courants de polarité opposé,
l’un yang, l’autre yin, et, là encore, c’est l’équi-
libre entre ces deux courants qui maintient la
santé et l’harmonie de l’être vivant, humain ou
animal.
Pour conclure cette première partie, souli-
gnons que les définitions qui ont été données
du pneuma, quoi qu’on en pense, ne nous font
pas sortir de la sphère matérielle : le pneuma,
en effet, trouve son origine première dans les
deux éléments air et feu ; l’éther lui-même, élé-
ment suprême, est de nature corporelle. Même
si le pneuma subit diverses transformations
dans l’organisme en vue d’une plus grande
subtilisation, il demeure proche de la réalité
corporelle et ne présente aucune des caracté-
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ristiques qui sont propres à la « spiritualité »
prise dans son sens religieux ou mystique, ni
aucune transcendance par rapport au monde
physique proprement dit.
Enfin, les différents exemples que nous avons
donnés soulignent bien, comme nous l’annon-
cions au début, la polysémie de cette notion
qui est prise dans des sens multiples et parfois
divergents par les diverses écoles ou les divers
auteurs.
II : LE PNEUMA COSMIQUE OU
« ÂME DU MONDE »
cf. Verbeke ch. I “le stoïcisme” p. 11-165
Dans la conception traditionnelle de l’anti-
quité le principe d’analogie entre le micro-
cosme humain et le macrocosme (l’univers) est
une donnée fondamentale. Ce qui est vrai pour
le microcosme humain l’est donc aussi pour
le macrocosme, pour l’univers dans sa totalité
considérée ainsi comme un « vivant » doté
d’un corps et d’une âme. Par le terme d’« âme
du monde » les Anciens désignaient ainsi une
force qui, selon eux, animait et vivifiait tout ;
elle servait à la matière de principe moteur et
de principe plastique. Parmi les philosophes,
les uns, comme Pythagore, et surtout Platon
(cf. Timée) et les Alexandrins la définissaient
comme une substance intermédiaire entre le
Dieu suprême et l’univers ; d’autres, comme
les stoïciens, le substituaient à Dieu lui-même
et aboutissaient ainsi à une forme de pan-
théisme.
Pour les stoïciens, en raison de la stricte
analogie entre la constitution de l’homme et
celle de l’univers, ce dernier peut être consi-
déré comme un être vivant animé par des cou-
rants d’énergie subtile dont la fonction est d’as-
surer la cohésion et l’équilibre du cosmos, ainsi
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 que son développement harmonieux en fonc-
tion d’un plan préétabli. Ce pneuma cosmique
est, selon les divers auteurs de l’école du por-
tique, assimilé tantôt à l’éther, élément su-
prême, tantôt au feu, tantôt à un mélange de
feu et d’air, conception identique à celle que
nous avons exposée dans le chapitre précédent
pour ce qui concerne le pneuma dans l’être
humain. Il est donc considéré comme la subs-
tance du Dieu des stoïciens et pénètre la réalité
tout entière, puisqu’il est l’âme du monde et
que celui-ci est décrit comme un organisme
gigantesque animé par ce souffle divin (2). Il
est le principe d’unité du cosmos et aussi la
cause de la cohésion de chaque être particu-
lier ; dans cette fonction, il est nommé préci-
sément « pneuma hectique ». Précisons que le
Dieu des stoïciens est totalement immanent au
cosmos ; il n’est ni transcendant ni créateur et
se rapproche à cet égard bien plus du démiurge
Platonicien qui organise simplement le chaos
de la matière existante que du Dieu des reli-
gions monothéistes.
Soulignons enfin le caractère strictement
matériel de ce pneuma cosmique, comme
c’était déjà le cas pour le pneuma
individuel humain : en effet ce terme désigne
pour les stoïciens, comme nous l’avons vu, une
substance soit éthérée, soit ignée, soit aérienne,
ce qui ne nous fait pas sortir du monde des
éléments corporels ; par ailleurs rappelons
l’adage fondamental des stoïciens : « tout ce
qui agit est un corps » et, précisément, le
pneuma cosmique est actif au plus haut point.
Remarquons que ce pneuma cosmique est
souvent identifié purement et simplement à l’
«  âme du monde » ou en tout cas qu’il en
constitue la substance même, ce qui nous ra-
mène à l’ambiguïté évoquée dans le précédent
chapitre entre l’âme et l’esprit.
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Si l’on se tourne une fois encore vers
l’Orient, on peut trouver un équivalent de l’âme
du monde et du pneuma cosmique dans l’Hin-
douisme  avec la notion d’atma ; ce qui n’est
pas fait pour simplifier les choses ni clarifier la
question, car l’étymologie de ce mot nous ren-
voie au grec atmos (l’air atmosphérique) ou
bien encore à l’allemand atem qui signifie pré-
cisément le souffle de la respiration !
Soulignons que cette doctrine du pneuma
cosmique ou de l’âme du monde a été ignorée
dans le monde judéo-chrétien où la transcen-
dance d’un principe unique créateur et pas
simplement organisateur s’accommode mal
avec l’existence d’un dieu ou d’un démiurge
inférieur dont la fonction est simplement d’as-
surer l’équilibre, la cohésion et le développe-
ment de l’univers, ce qui pourrait conduire à
une forme de polythéisme.
C’est ce que nous allons maintenant dé-
couvrir.
III : LE PNEUMA DIVIN
C’est le judaïsme et à sa suite le Christia-
nisme qui vont apporter une dimension nou-
velle à la notion de pneuma.
Tout commence à Alexandrie, vers 270 av.
J.-C. : Ptolémée III fait traduire les cinq livres
de la Torah hébraïque en grec par 70 (ou 72)
rabbins, qui tous, d’après la tradition, produi-
sent un texte identique. Cette septante devien-
dra la référence majeure pour l’importante
communauté juive d’Alexandrie, marquant
ainsi la première rencontre entre judaïsme et
hellénisme.
Au verset 2 de la Genèse le texte hébreu
ruah elohim (l’Esprit de Dieu planant au-dessus
des eaux) a été naturellement traduit par le
grec pneuma. À partir de là, les textes de la Bi-
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 ble où il est question du « souffle de Dieu »
seront toujours traduits par pneuma et plus tard
par spiritus dans les versions latines (exemple
la vulgate).
Nous pensons, à la différence de Gérard
VERBEKE, qu’il s’agit là d’une révolution, d’une
véritable mutation, plus que d’une simple évo-
lution. Pour la première fois, en effet, la notion
de pneuma devient « métaphysique », c’est-à-
dire qu’elle dépasse la sphère matérielle et le
cosmos lui-même pour atteindre le Dieu
unique et transcendant. L’apôtre Jean écrira
trois siècles plus tard dans son évangile : « Dieu
est esprit et ceux qui l’adorent doivent l’adorer
en esprit et en vérité » (Jn 4.24).
A) Le livre de la Sagesse :
cf. Verbeke ch. III, p. 223-236
Ce livre rédigé en grec par un auteur Juif
(1 siècle avant J.-C.) fait partie du canon des
er
écritures pour les catholiques et les orthodoxes,
mais ne figure pas au canon des écritures hé-
braïques. Il a été rédigé par un auteur juif qui
s’appuie sur le texte de la septante. À plusieurs
reprises, il utilise le terme de pneuma appliqué
à la Sagesse, qu’il décrit comme un souffle qui
émane de Dieu et pénètre tous les êtres. Ses
caractéristiques sont les suivantes : il remplit
toute la terre et conserve tous les êtres ; il
exerce un pouvoir qui ne connaît pas d’obsta-
cle ; sa subtilité est extraordinaire et son contact
avec les êtres ne souille pas sa pureté ; par ail-
leurs il est intelligent et joue un rôle éducateur
auprès des hommes ; il pénètre les esprits les
plus intelligents et les plus subtils ; il est un
don accordé par Dieu aux hommes qui le de-
mandent humblement dans la prière. Pour le
différencier du souffle de vie qui est propre à
chaque individu, il est décrit comme un
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« Pneuma saint » (Pneuma agion). On notera
que toutes ces caractéristiques seront intégra-
lement reprises, nom compris, dans la théolo-
gie chrétienne du Saint-Esprit.
Ce Pneuma de sagesse est considéré comme
le principe d’une connaissance supérieure et
d’une vie morale plus élevée. Loin d’être une
simple émanation de Dieu ou un être intermé-
diaire entre lui et le monde, il représente en
fait l’activité divine dans le monde et ne diffère
pas de la nature de Dieu. En effet, dans la pen-
sée judaïque, Dieu est transcendant et infini-
ment élevé au-dessus du monde matériel, à la
différence du dieu intracosmique des stoïciens,
âme du monde et démiurge. Il est tout à la fois
le créateur et l’ordonnateur de l’univers mais
il ne se confond en rien avec lui : aucune trace
de panthéisme dans cette conception.
On pourra toutefois établir un rapproche-
ment entre cette fonction ordonnatrice et
conservatrice du pneuma divin dans le livre
de la Sagesse et celle de l’âme du monde ou
du pneuma hectique des stoïciens (cf.
chapitre II). Un texte du livre des Psaumes nous
dit en effet :
« Tu caches ton visage : ils s’épouvantent ;
tu reprends leur souffle, ils expirent et retour-
nent à leur poussière. Tu envoies ton souffle :
ils sont créés ; tu renouvelles la face de la
terre » (Psaume 103, versets 29-30)
Ce texte évoque bien, en effet, le rôle cos-
mique et conservateur du souffle divin qui
maintient la cohésion des êtres.
––––––·
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 B) Le Pneuma
chez Philon d’Alexandrie :
cf. Verbeke ch. III, p. 236-260
Le cas de Philon (1er siècle) est différent de
celui de l’auteur inconnu du livre de la Sagesse.
Nous avons affaire à un savant imprégné de
philosophie grecque qui cherche plutôt à re-
trouver dans la tradition juive les doctrines fon-
damentales de la sagesse païenne ; son but est
de réconcilier hellénisme et judaïsme en rap-
prochant les enseignements de la Bible de ceux
des stoïciens, de Platon et d’Aristote.
Sa doctrine du pneuma reflète parfaitement
cette double polarité.
En premier lieu, le pneuma est mis en rela-
tion avec l’élément air, comme chez les philo-
sophes ; mais c’est en référence au texte de la
genèse cité plus haut : « l’Esprit de Dieu planait
au-dessus des eaux », où il s’agit du Pneuma
divin (theou pneuma). Pour Philon, cela montre
que le pneuma est un élément supérieur et di-
vin et joue un rôle particulier dans la vie de
l’univers ; il est le plus vivifiant de tous les élé-
ments et, par ailleurs, Dieu est le principe de
toute vie (à comparer avec le pneuma zoticon
des stoïciens au chapitre I).
Philon reconnaît ensuite un « pneuma hec-
tique » semblable à celui des stoïciens ; ce
pneuma assure la cohésion des êtres de l’uni-
vers mais, à la différence du livre de la Sagesse,
Philon ne lui attribue pas un caractère divin
et il reste enfermé dans l’ordre physique, ce
qui contredit apparemment la tendance à la
dématérialisation du pneuma que nous avons
constatée jusqu’à présent.
En revanche, la troisième acception du
terme nous ramène à la transcendance et à la
spiritualisation du pneuma : il s’agit de la doc-
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trine du « pneuma noétique ». Ce pneuma est
donné par Dieu à l’homme pour élever son
pouvoir intellectif ; c’est grâce à lui que nous
pouvons connaître la nature de Dieu et sortir
des limites de notre prison corporelle en par-
courant l’étendue du ciel et de la terre par la
force de notre intelligence. Pour Philon ce
pneuma céleste est un don gracieux de la divi-
nité qui invite l’homme à participer à sa vie
propre et à profiter de l’abondance de ses ri-
chesses.
Philon distingue enfin au-dessus du précé-
dent un « pneuma propheticon » accordé
comme un don surnaturel à certains hommes
en vue de la mission qu’ils ont à remplir. Il
l’appelle également « pansophon pneuma »
(pneuma de sagesse) car, au-delà de l’illumi-
nation par la connaissance, il soutient les
hommes dans l’accomplissement fidèle de la
volonté de Dieu. C’est ce pneuma qui a été
envoyé aux prophètes de la Bible, comme
Moïse en donne l’exemple le plus parfait.
On a pu parler, dans les deux derniers cas,
d’une nécessaire « pneumatisation » de l’intel-
lect qui, par l’action du pneuma divin, doit
être exhaussé au-delà de son pouvoir naturel.
On remarquera, malgré une apparente ana-
logie, la distance essentielle qui existe entre
ce pneuma prophétique et le pneuma mantique
dont nous avons parlé au chapitre I, ce pneuma
venu des entrailles de la terre et qui inspirait
les visions de la pythie ; ils ne sont visiblement
pas du tout de même nature.
Il nous faut maintenant envisager les consé-
quences de cette spiritualisation du pneuma
in divinis, réalisée par les auteurs juifs, dans le
domaine de l’anthropologie, en particulier dans
la définition de la substance de l’âme et de ses
rapports avec l’esprit.
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 IV : LES CONSÉQUENCES
ANTHROPOLOGIQUES
DE LA SPIRITUALISATION
DU PNEUMA
C’est, là encore, chez Philon d’Alexandrie
que nous allons découvrir les innovations les
plus importantes.
Pour le philosophe Juif, le récit de la création
de l’homme dans la genèse au chapitre II, ver-
set 7, montre un double processus : d’abord la
création de l’homme terrestre formé d’un corps
et d’une intelligence périssables (« Dieu créa
l’homme »), puis l’insufflation d’un « souffle
de vie » (pnone zoes) ; pour bien comprendre
le caractère unique de ce processus, il faut re-
monter à la source, car le grec rend de manière
très imparfaite l’orignal hébreu, qui est nishmat
haim. Mais il est nécessaire, avant d’aller plus
loin, d’exposer en quelques lignes comment
la pensée hébraïque conçoit l’homme. La tra-
dition juive distingue trois âmes, ou trois ni-
veaux de l’âme, bien différenciés :
- Nephesh, où l’âme vitale dans ses fonctions
végétatives et nutritives. Elle correspond au
pneuma physichon des écoles médicales ainsi
qu’à l’epithumia de Platon (cf. ch. I) et est lo-
calisée dans le foie.
- Ruah, l’âme mentale qui provoque le mou-
vement et est associée aux désirs et aux pas-
sions. Elle correspond au pneuma zoticon des
écoles médicales ou au thumos de Platon (cf.
ch. I) et est localisée dans le cœur.
- Neshama, ou l’âme spirituelle, siège des pen-
sées et de l’intellect, qui doit amener l’homme
à se dépasser et à surmonter ses pulsions et ses
mauvais penchants (sens moral). Elle corres-
pond au pneuma psychicon des écoles médi-
cales ou au logistikon de Platon (cf. ch. I) et est
localisée dans le cerveau.
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Le terme utilisé par le texte de la genèse
pour définir le souffle de vie (nishmat haim)
que Dieu insuffle dans l’homme a précisément
la même racine que neshama. Ce point est ca-
pital, car il montre que le créateur a donné à
l’homme une âme ou un souffle d’une espèce
particulière, différente de celle des autres êtres
vivants, une âme spirituelle ou intellectuelle
et pas seulement une âme vitale ou sensitive.
Cette âme représente l’image et l’empreinte
de la divinité dans l’être humain nous dit Phi-
lon, car elle est de nature semblable à Dieu
qui est esprit et intellect.
C’est là encore un pas considérable qui est
franchi, car le pneuma devient la partie supé-
rieure de l’homme, celle par laquelle il res-
semble le plus à Dieu. Nous sommes bien loin
de la conception des stoïciens qui considé-
raient le pneuma comme une substance maté-
rielle ou de celle de Plutarque qui en faisait un
simple intermédiaire entre le corps et l’âme.
Par ailleurs un autre changement d’impor-
tance advient avec Philon : le rapprochement
entre la notion du pneuma et celle du nous
(intellect). Chez les philosophes Grecs ces
deux notions avaient toujours été soigneuse-
ment distinguées.  Le nous était considéré
comme la partie la plus noble soit de la divi-
nité soit de l’homme ; il n’était en aucun cas
assimilé à une substance matérielle comme
le pneuma des stoïciens. Pour Aristote, par
exemple, le principe suprême était défini
comme la « pensée de la pensée » (noesis
noeseos). Avec la nouvelle donne hébraico-
héllénique tout change : puisque Dieu est
pneuma et intellect, il est légitime d’attribuer
au pneuma humain, créé à son image, une
activité contemplative et noétique. La position
de Philon lui-même sur ce problème est com-
plexe : tantôt le pneuma se confond quasi-
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 ment avec le nous, tantôt le pneuma excède
le pouvoir de l’intelligence proprement dite
pour s’élever à une dimension mystique et
morale à la fois. Dans certains textes, Philon
va plus loin encore : le nous humain doit lais-
ser la place au pneuma divin quand celui-ci
se manifeste, par exemple dans l’illumination
ou l’inspiration prophétique (cf. l’ouvrage de
Philon : Quis reres divinarium heres sit.» Il
n’est pas possible de mettre en relief ici toutes
les nuances de la pensée de Philon sur ce su-
jet ; on se reportera une fois de plus à G. VER-
BEKE cf. Verbeke ch. III, p. 236-260. Il était
toutefois nécessaire de souligner ce point par-
ticulier car on verra par la suite l’importance
qu’il aura dans le développement de la pen-
sée Chrétienne sur le pneuma.
V : LE PNEUMA
DANS LA LITTÉRATURE
CHRÉTIENNE
Cf. Verbeke ch. V, p. 387-489
Si l’on considère le Pneuma in divinis, c’est
la troisième hypostase, le Saint-Esprit (pneuma
agion) qui, avec le Père et le Fils, constitue la
vie intérieure de la Trinité et ramène, en
quelque sorte, la dualité à l’unité ; dans la théo-
logie catholique, il est considéré comme le
« lien d’amour » entre le Père et le Fils. Les
théologiens parlent d’ailleurs de « spiration »
à propos du Saint-Esprit, ce qui montre, là en-
core, sa relation directe avec le souffle de la
respiration.
La doctrine Chrétienne reprend intégrale-
ment l’enseignement judaïque sur ce Pneuma
qui est à l’origine de la création du monde :
l’Esprit ou « souffle » de Dieu (ruah Elohim)
qui, dès le commencement, « planait au-dessus
des eaux », est le principe actif de la création
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de l’univers suivant l’ordre divin (le verbe). Le
texte du Credo de Nicée nous en décrit les
deux fonctions essentielles : « Je crois en l’Esprit
Saint… qui est Seigneur et qui donne la vie…
il a parlé par les prophètes. »
On retrouve ici les deux attributs du Pneuma
divin :
- En premier lieu, il est donateur de vie, ce qui
nous renvoie au rôle du pneuma exposé aussi
bien au chapitre I (le pneuma corporel, qui
donne la vie au composé humain âme-corps)
qu’au chapitre II (le pneuma cosmique, qui
maintient l’existence de l’univers et sa cohé-
sion).
- En second lieu, le texte du Credo affirme le
rôle « inspirateur » du Pneuma ; en effet, si
Dieu a parlé directement par l’intermédiaire
du Verbe  incarné, il s’est exprimé aussi à
maintes reprises au cours des âges par le mi-
nistère des prophètes sous l’action de l’Esprit
Saint (Pneuma agion). Il s’agit ici d’une fonction
d’enseignement et de révélation dans la droite
ligne de Philon d’Alexandrie.
En faisant du pneuma divin la troisième per-
sonne de la Trinité incréée, le Christianisme a
enraciné et consolidé l’évolution de la pensée
judaïque qui avait commencé avec le livre de
la Sagesse.
Pour autant, la doctrine chrétienne du
pneuma n’a pas été fixée d’un seul coup. Les
premiers textes dont nous disposons, outre
l’Évangile lui-même, sont les épîtres de l’apôtre
Paul, en particulier la première lettre aux Thes-
saloniciens, où il developpe développe la
conception du ternaire corps-âme-esprit, et le
rôle éminent de l’esprit-pneuma dans la vie
morale et spirituelle du Chrétien.
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 Il est intéressant de suivre, à partir du second
siècle, le cheminement philosophique et théo-
logique de ce thème chez les Pères de l’Église.
Gérard Verbeke nous en donne un exposé très
complet, des apologistes grecs jusqu’à saint Au-
gustin, en passant par Tertullien, Origène et Clé-
ment d’Alexandrie. Comme nous ne pouvons
pas développer en détail cet exposé, on voudra
bien se reporter aux textes dont on trouvera le
lien et les références au début du chapitre V in-
diquées en tête du chapitre. En complément,
pour suivre l’évolution de la problématique du
pneuma jusqu’à nos jours, nos lecteurs auront
intérêt à lire le texte remarquable du père de
Lubac publié sur le site Réseau-Regain.
La volonté des auteurs Chrétiens, philosophes
et théologiens, est en tout cas d’enraciner la
conception nouvelle du pneuma dans le sens
de la spiritualisation. Saint Augustin donne un
exemple particulièrement représentatif de cette
tendance : s’agissant de l’okema (la tunique
pneumatique qui enveloppe l’âme, cf. chapitre
I, paragraphe B), Augustin se refuse de l’appeler
« pneuma » mais lui donne le nom de « lux » et
d’« aer ». Par ailleurs, on constate que les doc-
trines du pneuma humain comme « souffle vi-
tal » que nous avons exposées au chapitre I sont
marginalisées et laissées quasi exclusivement
au domaine médical, où elles constitueront la
référence principale jusqu’au XVIIe siècle.
Si l’on veut toutefois donner une vue d’en-
semble de la problématique du pneuma à partir
du second siècle, on remarque qu’elle se fo-
calise sur les thèmes suivants et oscille chaque
fois entre deux polarités opposées :
Pour certains, le pneuma est considéré
comme un des éléments constitutifs de la na-
ture humaine, ce qu’il y a de plus noble et de
plus élevé en l’homme ; pour d’autres on insiste
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plutôt sur le pneuma comme don divin pour
illuminer l’intelligence et la volonté. Dans les
deux cas le pneuma, bien sûr, vient de Dieu,
mais les avis divergent pour savoir s’il s’agit
d’un don de la nature ou de la grâce ; ce débat
se poursuivra d’ailleurs dans les siècles suivants
et deviendra un des thèmes fondamentaux de
la théologie catholique, parfois de manière po-
lémique.
Le problème de la distinction entre
pneuma et psyche, que nous avons souligné
à plusieurs reprises à propos des auteurs an-
ciens, continue à se poser. Chez certains au-
teurs, on a tendance à rapprocher les deux
notions, chez d’autres on les différencie de
manière assez radicale.
Une position intéressante est celle de saint
Augustin qui distingue dans l’âme deux ni-
veaux : l’animus et l’anima. A l’anima (fémi-
nine) appartiennent les fonctions sensitives et
vitales, à l’animus (masculin) les fonctions
proprement intellectuelles ou spirituelles de
l’être humain. Cette doctrine peut être lue,
selon les textes d’Augustin, comme binaire
ou ternaire.
Ce qui est certain, c’est que plus on insiste
sur la différence entre le pneuma et la psyche,
plus on souligne la radicale distinction entre
les deux en accentuant la transcendance du
premier, plus on se rapproche des conceptions
de type gnostique, avec le risque de franchir la
ligne rouge de l’hétérodoxie. Les Gnostiques
distinguaient, en effet, trois niveaux et trois
types d’homme :
- l’homme hylique ou charnel, tourné vers le
monde matériel, vers les sens, l’homme du dé-
sir et de l’instinct
- l’homme psychique, qui aspire à la vie sur-
naturelle mais qui est encore perturbé par
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 l’émotion et tiraillé entre la vie du corps et
celle de l’esprit
- «l’homme pneumatique ou spirituel», le vrai
gnostique, qui a définitivement dépassé les
conflits et les incertitudes des deux premiers
niveaux pour s’installer dans la vie de l’esprit
et l’union intime avec la divinité.
Mais, pour les Gnostiques, le pneuma était
bien plus qu’un don ou une empreinte de Dieu
dans l’être humain ; il était considéré comme
une parcelle de la divinité, ce que l’orthodoxie
religieuse a toujours refusé d’admettre.
La question sera doctrinalement réglée, pour
l’Église Catholique, au 13e siècle avec la doc-
trine de saint Thomas d’Aquin qui définit une
nature humaine binaire, composée d’un corps
et d’une âme spirituelle. Thomas affirme donc
la nature spirituelle de l’âme en refusant de
faire de l’esprit un principe séparé et transcen-
dant à l’être humain. Le concile de Vienne au
14e siècle confirmera cette doctrine qui est tou-
jours à la base de l’enseignement du catéchisme
de l’Église catholique. Voir notre article :
“Aux origines du dualisme anthropologique”.
Mais, après saint Thomas, le théologien,
Duns Scot (1265/66-1308) soutiendra une
conception anthropologique différente en dis-
tinguant une « forme de corporéité » distincte
de l’âme proprement dite.
La théologie de l’Église orthodoxe admet,
pour sa part, les deux options binaire et ter-
naire ; dans cette dernière, l’esprit est considéré
soit comme pneuma soit comme nous (3).
On voit que le débat n’est pas clos, ni théo-
logiquement, ni philosophiquement et que la
perspective d’une anthropologie ternaire reste
donc ouverte à la recherche et à la réflexion.
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VI : UNE SYNTHESE IMPOSSIBLE ?
De l’univocite à l’équivocite
Au terme de notre parcours, la question se
pose de savoir si la notion de pneuma est em-
ployée de manière univoque ou équivoque (4)
par les différentes écoles et les différents auteurs
que nous avons cités.
Quoi de commun, par exemple, entre le
pneuma vital matériel des écoles médicales et
le pneuma-intellect de l’anthropologie chré-
tienne ?
Si l’on tente d’appliquer l’approche analo-
gique (terme intermédiaire entre l’univocité et
l’équivocité), peut-on dire qu’il y a analogie
entre le pneuma mantique, source des visions
de la pythie et le pneuma divin inspirateur de
la prophétie ? Oui, à certains égards, formelle-
ment, mais il s’agit alors d’une analogie in-
verse : le pneuma mantique vient de la terre,
le pneuma divin vient du ciel ; l’un est matériel,
l’autre spirituel. De fait, ils n’ont rien de com-
mun, ni par leur origine, ni par leur nature.
On peut même aller jusqu’à se demander s’il
est possible d’utiliser le même mot de pneuma
pour nommer des réalités aussi différentes.
Ce qui pourrait justifier un tel emploi relève
en fait de caractéristiques assez extérieures :
tous les types de pneuma ont en commun des
qualités comme la subtilité, la fluidité, l’insai-
sissabilité, l’intangibilité ; le pneuma est sou-
vent assimilé aussi à une force, à une énergie
qui se répand partout et que rien ne peut
« contenir ». Tout cela s’applique bien, en effet,
aux éléments comme l’air, le feu, l’éther et, a
fortiori, au pneuma incorporel divin ou hu-
main. Mais il s’agit en fin de compte de qualités
qui ne définissent pas une essence commune ;
ce sont tout au plus des attributs d’une subs-
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 tance qui échappe, apparemment, à une défi-
nition univoque.
Cette difficulté à définir le quid est (le « ce
que c’est ») du pneuma, nous l’avons consta-
tée à plusieurs reprises, en particulier dans le
cas de la distinction âme-esprit, où l’âme est
considérée par certains auteurs comme étant
de nature spirituelle ou pneumatique ; ici, on
voit bien que le terme pneuma n’est pas uti-
lisé comme substantif mais comme adjectif
qualificatif.
La même difficulté se retrouve dans les rap-
ports entre le pneuma et le nous (intellect)  ;
pour certains il y a purement et simplement
identité entre les deux, pour d’autres l’esprit
dépasse l’intellect (comparer, par exemple,
saint Thomas et Philon d’Alexandrie).
Ce constat étant fait, force est de reconnaître
qu’aujourd’hui, pour la grande majorité de nos
contemporains, le sens du mot « esprit » est ex-
clusivement à connotation religieuse, mystique
ou intellectuelle. Les autres emplois de cette
notion, le pneuma vital, le pneuma cosmique
et a fortiori le pneuma mantique ou bien
l’okema sont comme tombés en désuétude. Le
pneuma médical, par exemple, a disparu de la
scène depuis le XVIIe siècle avec la révolution
scientifique de l’ère des Lumières. C’est encore
plus vrai pour le pneuma cosmique-âme du
monde ; cette doctrine n’a pas survécu à la
physique moderne, qui a évacué la notion
d’éther aussi bien que celle de force vitale.
Il y a eu néanmoins, à partir de la seconde
moitié du XIXe siècle, un retour par la fenêtre
de ce qui avait été expulsé par la porte. Nous
voulons parler de l’introduction progressive
des médecines et des pratiques de santé d’ori-
gine orientale comme l’acupuncture ou le
yoga. Toutes ces méthodes reposent, en effet,
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sur la maîtrise du souffle et des courants subtils
que sont le prana du yoga et le chi de l’acu-
puncture chinoise, ces deux termes étant
l’équivalent exact du pneuma. On y retrouve,
par ailleurs, des doctrines similaires sur la théo-
rie des humeurs et des tempéraments liée aux
quatre éléments. Curieusement, on ne semble
pas s’être rendu compte que ces pratiques re-
posent sur une conception anthropologique
qui est très semblable, sinon identique, à celle
de l’antiquité et du Moyen-Âge. On a encore
moins reconnu le lien qui existe, en tout cas
du point de vue sémantique, entre ce pneuma
vital organique et le pneuma supérieur, divin
ou humain.
Il nous faut prendre acte de cet état de fait
et accepter de recentrer la réflexion à propos
du pneuma sur le domaine philosophique et
théologique, ce qui, somme toute, ne fait que
confirmer une évolution qui a commencé de-
puis les débuts de l’ère chrétienne.
Mais cette apparente simplification ne résout
pas, pour autant, tous les problèmes : ceux de
la distinction âme-esprit ou de la nature du
pneuma humain et de ses rapports avec l’in-
tellect, que nous avons évoqués à la fin chapitre
précèdent, restent posés.
Si l’on veut repenser une anthropologie de
type ternaire qui réintroduit la distinction entre
l’âme et l’esprit, il faut prendre en compte ces
difficultés pour être en mesure de faire face aux
objections et envisager des options différentes ;
selon celle que l’on choisira, le rôle et la place
de l’« esprit » dans le composé corps-âme-esprit
seront différents. Mais pour ce faire, il nous
faudrait disposer de définitions univoques et
précises, ce qui semble bien difficile si l’on
considère la généalogie de ce concept avec ses
multiples changements de sens au cours du
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14/16
 temps. Ou bien alors il nous faudrait prendre
le parti de proposer une signification de type
axiomatique, mais à condition qu’elle s’impose
par une évidence intrinsèque ; sinon, il s’agira
d’un postulat qui reste à démontrer ou encore
d’une pétition de principe qui amène néces-
sairement à un raisonnement « fallacieux ».
Nous sommes obligés à la fin de notre par-
cours de constater qu’une définition unique
ou simplement synthétique de la notion de
pneuma, même approximative, est impossi-
ble. Paradoxalement, nous nous retrouvons in
fine face à une complexité et à une ambiguïté
plus grandes encore que nous ne l’envisagions
au départ. Pour reprendre les critères cartésiens,
il semble qu’on ne puisse arriver, en fin de
compte, à une idée claire et distincte du
pneuma.
Les conséquences de ce flou sémantique
sont considérables : toutes les réflexions, les
discussions, les controverses, les polémiques
et aussi les condamnations qui ont eu lieu au
cours des siècles sur ce sujet reposent sur une
notion qui n’a jamais été clairement définie.
Mais peut-être dira-t-on qu’il est vain de
chercher à définir le pneuma ? On a vu qu’une
de ses caractéristiques principales était sa flui-
dité et son insaisissabilité ; cet « esprit qui souf-
fle où il veut », comme nous dit l’Évangile,
semble bien échapper à toute tentative de cap-
tation et d’enfermement. Or, définir, c’est,
d’une certaine manière, limiter et enfermer. Il
nous faudrait alors admettre que le pneuma,
par principe et de par sa nature, échappe à
toute définition : il n’est pas, en effet, une
chose, une substance que l’on peut mesurer
ou quantifier en laboratoire.
Cela est-il incompatible avec la démarche
philosophique ?
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Assurément non, et nous en avons plusieurs
exemples : c’est le cas de la « matière première »
(prote hyle) qui n’est pas susceptible de défini-
tion car elle est sans forme (amorphes) et illimi-
tée (apeiron) ; elle est simplement, nous dit Pla-
ton dans le Timée, l’objet d’un « raisonnement
bâtard », toujours approximatif et incomplet.
Mais cette matière est néanmoins connue et ob-
jet de science à travers le « composé » qu’elle
constitue avec la forme qui l’actualise.
De même, l’objet le plus haut de la philo-
sophie et de la théologie, le Premier Principe,
Dieu, n’est connu que de manière négative,
en niant de lui toutes les déterminations qui li-
mitent son infinité, son essence demeurant to-
talement inconnaissable (en cette vie) pour no-
tre intellect humain.
Ne pourrait-on pas considérer qu’il en va
de même avec le pneuma et qu’il est vain de
chercher à en donner une définition précise ?
Cette position a des avantages et des incon-
vénients : l’avantage c’est de préserver la ri-
chesse de ce concept sans le réduire, l’incon-
vénient, en revanche, c’est l’impossibilité
d’arriver à produire ce que la scolastique ap-
pelle des « raisonnements nécessaires » et
d’avoir à se contenter, au mieux, de « raison-
nements probables », voire seulement « vrai-
semblables ».
Notre intellect humain aurait ainsi à recon-
naître et à assumer ses propres limites en ac-
ceptant de faire face à ces trois notions qui ré-
sistent à son pouvoir de connaître : la matière
première, l’esprit et Dieu.
Patrick Brun
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 NOTES
(1) De façon inattendue, on retrouvera un écho de
cette doctrine chez Dante au chapitre XXV du
purgatoire dans la « divine comédie »
(2) il est curieux et amusant de constater que cette
doctrine trouve un prolongement inattendu au
XXe siècle dans la trilogie de Georges Lucas « la
guerre des étoiles », où le Pneuma cosmique est
appelé « la force ». Un exemple de plus qui
montre la dégradation successive de vérités mé-
taphysiques en mythologie, puis en légende, puis
en conte, jusqu’à devenir un « produit » culturel
commercial pour adolescents attardés.
(3) cf. Vladimir Lossky : « Essai sur la théologie
mystique de l’église d’orient », p. 122 et 198,
éd. du Cerf
(4) Un concept peut être univoque, équivoque ou
analogue. Il est univoque quand il peut s’attri-
buer d’une manière absolument identique à des
sujets divers. Par exemple, le concept exprimé
par le mot homme convient à Pierre comme à
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Paul, à un Blanc comme à un Noir. À l’opposé,
équivoque se dit d’un nom qui ne s’applique à
des sujets divers que dans un sens totalement
différent. L’exemple classique est le mot "bélier",
qui sert à désigner une constellation céleste aussi
bien qu’un animal à cornes… Un terme équi-
voque n’est donc pas à proprement parler un
concept : il n’est qu’un mot qui recouvre des
concepts totalement différents, sans rapport les
uns avec les autres. C’est ainsi que nous voyons
les hommes nager dans l’équivoque quand ils
prétendent dialoguer sans donner le même sens
aux mots qu’ils emploient… Analogue, en re-
vanche, se dit d’un concept portant sur des réa-
lités certes essentiellement diverses, mais qui,
cependant ont entre elles une certaine propor-
tion. Il est donc intermédiaire entre univoque et
équivoque, et désigne une notion qui s’applique
à plusieurs sujets en un sens ni totalement iden-
tique ni totalement différent.
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