You are on page 1of 22

Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 27

PREMIÈRE PARTIE

Chapitre 1

Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée


Ethnoarchaeological models from New Guinea
Anne-Marie Pétrequin et Pierre Pétrequin

Résumé : Abstract :
A un moment de l’histoire de la recherche archéologi- At a time in the history of archaeological research when
que où le comparatisme strict est passé de mode, les the use of ethnographic analogy in its strict sense is out
exemples ethnographiques actuels de Nouvelle-Guinée of fashion, the ethnographic examples from present-day
s’avèrent de très grande importance théorique pour com- New Guinea have considerable importance for archaeolo-
prendre, sur le vivant, ce qu’a pu être et représenter une gical theory in helping us to understand, from living people,
hache de pierre polie. what a polished stone axehead might represent.
En s’appuyant sur les résultats de vingt-et-une missions In using the results of their 21 years of fieldwork in New
en Nouvelle-Guinée, les auteurs proposent un panorama Guinea, the authors set forth a panorama of different social
de différentes interprétations sociales, où l’on voit un outil interpretations of polished stone axeheads, showing how
efficace pour les défrichements être utilisé à d’autres fins, a tool ostensibly for clearing the forest could be used for
non techniques celles-là, hors des échanges marchands : other, non-utilitarian purposes, and not just in the sphere of
l’accumulation de richesses, le paiement des compensa- commerce : for the accumulation of wealth, for marriage
tions pour les mariages et pour les morts, l’affichage des and death payments, for demonstrating the status of im-
grands hommes, le fondement religieux des dons et les portant men, for gift exchange and for rituals connected
rituels de communication avec les esprits. Ainsi les pro- with communicating with the spirit world. Thus, the peo-
ducteurs de lames pour les haches et les herminettes ple who manufacture these axeheads are regarded above
se considèrent surtout comme des spécialistes de rituels all as powerful ritual specialists, allowed to work with raw
puissants pour travailler des matières premières issues materials that were formed at the beginning of the world
des Créatures Primordiales à l’origine du monde. C’est by Primordial Beings. It is this social and religious signifi-
finalement cette charge sociale et religieuse qui donne cance that lends axeheads their special value, as objects
alors toute sa valeur à des lames polies qui participent that participate in the material and ideological reproduction
directement à la reproduction matérielle et idéelle des of these communities of forest farmers.
agriculteurs en ambiance forestière.
Such modern ethnographic examples as these encou-
De tels exemples ethnographiques actuels permettent rage us to reconsider the status and significance of Neo-
ainsi de réfléchir différemment au statut des outillages lithic polished stone tools, and offer us powerful models
de pierre polie du Néolithique et constituent de puis- to test against the remains of the past.
sants modèles interprétatifs à tester sur des situations
(translation : Alison Sheridan)
passées.

L es études scientifiques sur les lames de pierre polie


qui équipent herminettes et haches pendant le Néo-
lithique sont aujourd’hui orientées selon plusieurs direc-
Une deuxième orientation, à notre sens, est celle que
privilégient les fonctionnalistes, c’est-à-dire les préhisto-
riens qui focalisent leurs recherches sur les techniques,
tions de recherche, rarement menées de front. au sens élémentaire d’une plus ou moins grande effica-
cité des outils sur la matière première. De ces travaux,
La première orientation est, semble-t-il, celle des minéra-
on retiendra les conditions d’extraction, les processus
logistes qui s’attachent à déterminer les roches d’où ont
de taille, bouchardage, sciage, la reconstitution des em-
été tirées ces haches, en utilisant souvent un large spec-
manchements et l’étude des traces d’utilisation. Cette
tre de techniques et d’appareillages issus de la géologie
orientation de recherche tend à donner le plus grand rôle
et de la pétrographie ; le but est d’identifier l’origine des
à l’observation des stigmates et des séquences opéra-
gîtes exploités et de reconstituer des transferts théori-
toires, pour une évaluation des techniques et des savoir-
ques de matière première et d’artefacts en ligne droite,
faire mis en œuvre pour la production et l’utilisation d’une
depuis les affleurements potentiels jusqu’aux utilisateurs
hache de pierre. Les aspects chronologiques et sociaux
les plus lointains. Dans cette spécialité issue des Scien-
de la production, des échanges et de l’utilisation des
ces naturelles (mais où la vie sociale a été gommée), la
outillages semblent, dans la plupart des cas, être mainte-
chronologie et le classement typologique des industries
nus à l’arrière-plan ou parfois même considérés comme
en pierre polie occupent peu de place, comme s’il pouvait
définitivement inaccessibles au préhistorien. En schéma-
avoir existé une sorte de tradition des modalités d’extrac-
tisant, on pourrait dire que cet axe de recherche est cal-
tion, de mise en forme, de circulation et d’utilisation des
qué sur celui des Sciences de l’ingénieur.
haches pendant des périodes très longues du Néolithi-
que, pendant parfois plusieurs milliers d’années sans que
des évolutions sensibles aient pu se faire jour.

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
28 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

Les typologues tendent à suivre une troisième voie, celle où certains mythes dominants et politiquement corrects
du classement des formes, de la chronologie et des rap- (le positivisme, le matérialisme, la technologie, la scien-
ports spatiaux avec les assemblages d’artefacts dans le ce, le progrès, le développement durable...) ont la vie par-
cadre de cultures archéologiques en perpétuelle évolu- ticulièrement dure (Pétrequin et Pétrequin 1992).
tion, selon des rythmes temporels plus ou moins rapides.
Bien longtemps après les ethnologues eux-mêmes, plusieurs
L’accent est alors mis sur la notion d’instabilité, de rééqui-
théoriciens de la New Archaeology se sont tournés vers des
librage permanent et de transformation des assemblages
situations ethnographiques actuelles pour construire des
culturels, selon des processus complexes qu’abordent
modèles prédictifs et tester sur le passé d’autres théories
de front les Sciences humaines pour tenter de recons-
interprétatives, à la recherche de tendances générales sous-
tituer certains des fonctionnements sociaux sur lesquels
jacentes aux fonctionnements des sociétés agricoles. Pour
repose l’Histoire. L’outil de pierre polie, comme tous les
notre propos sur les haches de pierre polie, rappelons en
autres artefacts d’ailleurs, devient alors un signe décrit et
particulier les très intéressants développements théoriques
interprété comme marqueur de phénomènes de société.
liés à la répartition spatiale des haches et aux formes de
On objectera, bien sûr, que ces différentes approches de- transfert et de circulation à plus ou moins longue distance
vraient être nécessairement complémentaires, pour éclai- (parmi bien d’autres auteurs, Hodder 1976, Renfrew 1975 et
rer tour à tour les différentes facettes qu’offre un outil à 1977), théories sur lesquelles reposent encore aujourd’hui
lame de pierre polie. On voit en effet assez mal comment les notions d’échange dont parlent quotidiennement les pé-
on pourrait sciemment exclure l’un ou l’autre de ces points trographes et les préhistoriens intéressés par les « outils »
de vue, ou bien privilégier l’un d’entre eux au détriment de pierre polie. Aujourd’hui la modélisation archéologique, à
des autres, même si la complexité des techniques et partir d’exemples actuels pris dans des cultures éloignées
des méthodes scientifiques sollicitées tend à accentuer géographiquement et souvent très différentes entre el-
les spécialisations étroites dans les recherches archéolo- les, n’est pas de pratique courante, car toutes les formes
giques. Mais l’histoire de la recherche montre qu’en fait de comparatisme - ou même l’idée qu’il puisse exister des
l’association pluridisciplinaire reste encore une exception à tendances transculturelles - ont fait l’objet d’une certaine
ce jour (en dépit d’un vocabulaire convenu), avec des spé- méfiance de la part des milieux scientifiques. Cette attitude
cialistes qui défendent des points de vue très différents et montre que les chercheurs, réticents à l’idée d’aller chercher
parfois même à tendance dominatrice ou hégémonique. des concepts et des montages théoriques (des hypothèses
de travail) dans l’actuel ou le passé proche, ont oublié que
Derrière ces spécialisations choisies ou imposées, il n’est,
l’essentiel du très petit bagage théorique utilisé par les préhis-
semble-t-il, qu’un dénominateur commun : la relative fai-
toriens repose, justement, sur une démarche « actualiste »,
blesse des hypothèses interprétatives de situations pas-
qu’elle soit issue de notre propre société ou bien d’observa-
sées, que l’on parle des modalités de production (qui, où,
tions faites à des milliers de kilomètres dans des sociétés qui
comment, pourquoi ?), des transferts à longue distance
- il faut l’affirmer - ont suivi leur propre trajectoire évolutive et
(comment, dans quel but, pourquoi ?) ou de l’utilisation
n’ont certainement pas grand-chose à voir avec les sociétés
des haches de pierre (outil technique, signe social et pour-
néolithiques européennes (Pétrequin et Pétrequin 1992).
quoi ?). Bien sûr, il y a longtemps que tous les chercheurs
tentent de faire la distinction entre des haches utilisées Ce qui, en fait, intéresse les ethnoarchéologues au pre-
pour l’abattage des arbres et le travail du bois ; et des mier chef, ce ne sont pas tant les modalités de mise en
lames magnifiquement polies qui sont classées parmi les forme et d’utilisation des haches et des herminettes - qu’il
objets de « prestige », « cérémoniels » ou « rituels », des est possible de reconstituer avec une certaine plausibilité
termes assez vagues et de faible valeur heuristique dans avec les méthodes les plus classiques de la technologie -,
leur définition actuelle. De plus, les fondements de cette mais le sens que les néolithiques ont pu donner à leurs
distinction conventionnelle entre utilitaire et non utilitaire, outils de pierre et à chaque épisode de cette longue sé-
entre fonctionnel et non fonctionnel ne sont pas toujours quence technique, qui part de la roche elle-même jusqu’à
clairs et pourraient simplement participer à notre tendan- obtenir des haches de travail finalement rejetées sur les
ce d’hommes « occidentaux » à raisonner par oppositions dépotoirs ; ou bien de longues barres en roche précieuse
binaires simples plutôt qu’à affronter des systèmes plus polies à glace et déposées verticalement dans un marais
complexes, pourtant bien attestés dans le fonctionne- ou au pied d’une stèle. La connaissance des actes tech-
ment de nos propres sociétés, mais que nous avons du niques serait ainsi indispensable pour décrire les haches
mal à appréhender, peut-être en raison de leur proximité polies, mais notoirement insuffisante pour comprendre
et de leur banalité même. En d’autres termes, il n’est pas et expliquer la dynamique de ces objets en termes d’in-
interdit de penser que les chercheurs (dont nous som- sertion sociale, où l’idée même que les gens se faisaient
mes) tendraient à simplifier leurs études et leurs interpré- de leurs haches était certainement fondamentale.
tations en se fondant (inconsciemment) sur une certaine Quelques exemples tirés de nos vingt-et-une missions
idée du « bon sens » de l’homme « moderne », ce qui ethnoarchéologiques en Nouvelle-Guinée illustreront plus
équivaudrait à juger de situations passées uniquement à clairement notre propos. Nous chercherons à montrer que
l’aune des valeurs (idéelles) de nos propres sociétés. Si le haches et herminettes, dans des sociétés actuelles de cul-
fait était avéré, il s’agirait tout simplement d’une parfaite tivateurs en ambiance forestière, participent pleinement
attitude ethnocentrique et univoque, qui pourrait nuire à aux fonctionnements sociaux : actes techniques et rituels
la qualité des recherches et des raisonnements, faute de ne peuvent être ici dissociés, sinon au risque de rendre
recul et d’expérience multiculturelle de la complexité. En incompréhensible le rôle des outils de pierre socialement
d’autres termes, nos approches scientifiques actuelles survalorisés (Lemonnier 1986), dont le statut et la biogra-
pourraient reposer sur un comparatisme ethnographique phie reposent sur des représentations idéelles de la société
étroit, de surcroît limité à nos propres sociétés occidentales, (Godelier 1996).
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 29
PREMIÈRE PARTIE

• 1. Produire des lames de pierre polie : la question acier, est un véritable mythe cultivé par nos médias les
des déterminismes de la matière première moins respectueux de la réalité.
Pendant les quarante dernières années, la Nouvelle-Guinée Les outils de pierre étaient pourtant, jusqu’il y a peu, au
a représenté un extraordinaire exemple de populations centre de la reproduction physique et technique des pe-
d’agriculteurs vivant en ambiance forestière où les défri- tits groupes d’agriculteurs des Hautes Terres, dont les
chements cycliques étaient encore réalisés entièrement jardins de patates douces, de taros et de bananiers sont
à la hache ou à l’herminette de pierre polie. Il faut pour- régulièrement ouverts en forêt primaire ou secondaire
tant préciser que les premiers contacts ont été réalisés âgée, puis abandonnés à nouveau à la reprise forestière
par des chercheurs d’or, des explorateurs, des militaires au bout de deux à trois années au maximum (fig. 2). En
et des missionnaires (Blackwood 1950, Hughes 1977, d’autres termes, il n’y aurait pas d’économie agricole
Le Roux 1948-1950), ce qui signifie que les observations néolithique sans haches et herminettes, dans une am-
étaient déjà en partie biaisées au moment où sont arrivés biance forestière à régénération rapide, partout présente.
sur place les premiers observateurs scientifiques. Chez En dépit de l’incontestable efficacité de ces outillages de
les Baruya par exemple (Godelier et Garanger 1973), pra- pierre, prouvée par les démonstrations d’abattage (Black-
tiquement tous les hommes avaient déjà adopté la hache wood 1950, Godelier et Garanger 1973, Koch 1984, Pé-
en acier, dont la diffusion a été rapide depuis les côtes trequin et Pétrequin 1993), l’arrivée récente des outils en
en direction de l’intérieur de l’île, bien avant l’arrivée des acier a provoqué une véritable intensification des formes
ethnologues. Les observations sur l’utilisation des outilla- de rapports sociaux fondés sur la compétition économi-
ges de pierre polie ont donc toujours été faites à partir que et l’ouverture rendue plus facile de jardins toujours
de cas isolés et plus souvent encore à la demande des plus grands (Salisbury 1962).
observateurs occidentaux. Il en va de même chez les Una
(fig. 1) touchés par les outils d’acier dès 1961 et les Wano Dans ces sociétés en pleine mutation sous l’impact d’une
à peu près à la même période en West Papua. Tandis paix imposée par les militaires et des religions du salut
que les véritables acteurs des premiers contacts avaient individuel diffusées par les missionnaires, la production
bien d’autres préoccupations que les observations scien- des lames de pierre ne s’est pas immédiatement arrêtée,
tifiques, il s’est donc écoulé une vingtaine d’années avant en particulier lorsqu’il s’agissait de grandes exploitations
que puissent être enregistrées les techniques d’abattage pour des haches diffusées à longue distance et qui - nous
et les modalités de production des haches de pierre, jus- le verrons - avaient d’autres significations que celles de
tement au moment où commençaient à se perdre les simples outils d’abattage. Ainsi, entre 1960 et 1990, plus
savoir-faire et les traditions (Sillitoe 1988). L’idée qu’en d’une vingtaine d’exploitations ont été décrites, portant
Nouvelle-Guinée, il puisse encore exister aujourd’hui des sur des gîtes de roches résistantes et tenaces, très iné-
populations isolées qui ne connaîtraient pas la hache en galement réparties dans la nature.

FIG. 1
Abattage à l’herminette. Langda, groupe una (West Papua, Indonésie). 2008.

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
30 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

i Pour un technologue, c’est d’abord le déterminisme de


la matière première qui semblerait régler les modalités
d’exploitation de la roche et de mise en forme des ébau-
ches : exploitation par choc thermique pour les roches les
plus tenaces comme les glaucophanites, ensuite mises
en forme au percuteur dur ou à l’enclume (fig. 5) ; taille
complexe au percuteur pour les roches à grain fin non
orientées, comme les andésites ou les dolérites dans la
région de Langda (fig. 6) ; sciage dans le cas des amphi-
bolites étirées et des schistes verts chez les Dani ; bou-
chardage pour les roches à grain très marqué de la famille
des serpentinites à Ormu Wari (fig. 7) ; polissage direct
enfin pour les schistes bruns ou noirs de la Tagi (fig. 8) et
FIG. 2
Jardin récemment ouvert en forêt secondaire âgée. Ye-Ineri, groupe wano
des avant-monts du Pays asmat (Pétrequin et Pétrequin
(West Papua, Indonésie). 1987. 1993). Mais en arrière-plan de ces déterminismes bien
réels se cachent des variantes discrètes, mais du plus
Des exploitations souterraines à proximité de Mount Hagen haut intérêt, en particulier le sciage des roches à glau-
(Burton 1984), des puits et des minières dans les Cyclops cophane pour obtenir de très grandes lames de pierre
Mountains à proximité de Jayapura, des exploitations en polie, disproportionnées par rapport aux stricts besoins
front de carrière dans le massif de Yeleme (fig. 3), des ra- en outillage d’abattage. On a même vu, dans le cas des
massages sélectifs sur des talus d’éboulis ou dans les lits amphibolites et des glaucophanites du massif de Yeleme,
de torrents immédiatement en contrebas des gîtes primai- différents groupes d’exploitants se succéder dans les mêmes
res (fig. 4) dans les Hautes Terres de West Papua, ont été carrières pour produire des ébauches selon des pro-
ainsi documentés (Hampton 1999, Pétrequin et Pétrequin cessus techniques différents, privilégiant plutôt la taille
1993 et 2006). Ces exploitations alimentaient des réseaux à l’enclume et au percuteur quand les hommes étaient
de transfert des haches sur des centaines de kilomètres apparentés au groupe linguistique wano ; le bouchardage
de distance, atteignant les côtes et parfois même les îles et le polissage quand il s’agissait des Dubele des Basses
au large de la Côte Nord de Nouvelle-Guinée. Terres ; ou encore le sciage dans le cas des exploitants
d’origine dani ou moni. Ainsi le strict déterminisme de la
matière première peut être contourné lorsque des grou-
pes historiquement et culturellement différents se trou-
vent attirés par la richesse économique évidente que re-
présentent ces véritables « Montagnes des Haches » ; le
savoir-faire joue alors un rôle considérable, qui n’est plus
simplement réglé par l’idée d’un rendement maximal. La
plupart des hommes sont en théorie capables de mettre
en forme une hache par sciage ou par taille à l’enclume ;
mais seuls ceux qui ont la possibilité de le faire réguliè-
rement deviennent des producteurs efficaces, avec des
techniques complexes de taille ou de bouchardage qui
comportent des épisodes à risque difficiles à gérer, pen-
dant lesquels les ébauches se brisent souvent lorsque le
producteur manque d’expérience.
On retrouve donc à peu près partout la succession atten-
due des différents stades de mise en forme d’une ébau-
che de hache : dans les exploitations, sont concentrés les
épisodes à haut risque (choc thermique - fig. 9 -, taille au
percuteur lourd - fig. 10 -, bouchardage à grands coups),
avant que les blocs en cours de façonnage soient empor-
tés en direction des habitats permanents et des villages,
où sont réalisées les phases de bouchardage final (fig.
11) ou de sciage, extrêmement gourmands en temps de
travail. Il n’empêche que ce schéma général - qui n’est
pas pour surprendre - doit être nuancé : les Wano de Ye-
Ineri, bons tailleurs qui habitent à une journée de marche
des carrières, vont complètement mettre en forme de
très longues ébauches en schistes à amphibolite en les
taillant au percuteur dur (fig. 12) ; au contraire, les Dani de
l’Ouest importent de grandes dalles brutes pour les scier
avec peu de risque, lorsqu’ils seront de retour au village à
quatre ou cinq jours de marche de là.
FIG. 3
Exploitation d’un front de carrière par le feu. Wang-Kob-Me, groupe wano On reconnaît donc des spécialisations régionales aux-
(West Papua, Indonésie). 1984. quelles participent les communautés proches des gîtes
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 31
PREMIÈRE PARTIE

FIG. 4
Taille d’un galet de basalte, sélectionné dans les alluvions de la Heime. Langda, groupe una (West Papua, Indonésie). 2008.

FIG. 5 FIG. 6
Taille à l’enclume. Ebauche en glaucophanite. Wang-Kob-Me, groupe wano Taille au percuteur doux. Ebauche en basalte. Langda, groupe una
(West Papua, Indonésie). 1984. (West Papua, Indonésie). 1993.

naturels (ce qui ne veut pas dire que toutes le fassent, Langda, Sela et Suntamon, où la mise en forme de grands
ni que tous les hommes y participent), mais avec des blocs irréguliers pour de longues herminettes à section
niveaux de savoir-faire parfois très différents d’une car- en D exige un apprentissage difficile, réservé à quelques
rière à l’autre, en fonction du temps de fréquentation des hommes seulement dans chaque village d’exploitants
exploitations. Quant aux véritables spécialisations indivi- (fig. 13) ; une telle spécialisation n’implique d’ailleurs pas
duelles, où des maîtres tailleurs sont réputés pour leurs automatiquement une activité à temps plein, car même
productions inimitables, on ne les observe que dans le cas les meilleurs tailleurs de Langda devaient cultiver des jar-
des roches tenaces non orientées à grain fin, comme à dins et participer aux guerres (Stout 2002).

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
32 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

• 2. La matière première des haches polies :


rituels et contrôles sociaux
Ces aspects purement techniques, qui étaient soulignés
dès l’abord par les ethnoarchéologues, doivent pourtant
être relativisés. Quand les enquêteurs posaient des ques-
tions sur les techniques et les spécialisations (suivant ainsi
leur intérêt scientifique premier), les producteurs de haches
répondaient en termes de pratiques magiques, de rituels et
de mythes (sur lesquels sont fondés les fonctionnements
sociaux en Nouvelle-Guinée). Ainsi, il ne faut pas s’imaginer
que les hommes exploitent par le feu, débitent, taillent, bou-
chardent et polissent de simples roches particulièrement
résistantes qui font la richesse d’une région. La matière
première à travailler n’est pas simplement un bloc de pierre.
Au contraire, il s’agit, dans l’imaginaire social, de matières
quasiment vivantes remontant à l’origine du monde, au
« Temps du Rêve ». En effet, les lames de hache ou d’her-
minette pré-existent dans la roche, car elles sont issues,
disent les mythes, du corps d’Êtres Primordiaux qui, à leur
mort, les ont offertes aux hommes de savoir (les tailleurs
de haches) par l’intermédiaire des Propriétaires de la Terre
(les spécialistes des rituels). Dans le massif de Yeleme, le
choc thermique (fig. 3) permet ainsi de dégager les ébau-
ches de hache qui sont des fragments des os du Géant,
autrefois tué, dépecé et mangé par les Wano lorsqu’il est
sorti de la grotte d’origine du monde ; dans ce concept,
c’est le pouvoir des spécialistes des rituels qui fait monter
les haches sur les fronts de carrière. Si une exploitation par
le feu ne réussit pas du premier coup, on frotte alors la
roche avec de la graisse de porc en évoquant la Mère des
FIG. 7
Bouchardage d’une ébauche en serpentinite. Ormu-Wari, groupe ormu Haches (Pétrequin et Pétrequin 1993 et 2006, Pétrequin et
(West Papua, Indonésie). 1984. al. 2000) ou bien le héros primordial Tinok.

FIG. 8
Polissage direct de galets. Ebauches en schiste noir. Tagi, groupe dani de la Baliem Nord (West Papua, Indonésie). 1987.
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 33
PREMIÈRE PARTIE

FIG. 9
Exploitation par choc thermique. Glaucophanite. Wang-Kob-Me, groupe wano (West Papua, Indonésie). 1985.

Chez les Una, plusieurs Esprits féminins puissants sont


également invoqués avant que la Montagne n’accouche
des ébauches d’herminette. D’ailleurs, tout au long du
processus de taille, les spécialistes chantent et prient les
Esprits féminins pour que les ébauches ne se brisent pas
sous les coups de percuteur (Louwersee 1998, Pétrequin
et Pétrequin 1993, Stout 2002). De tels rituels ont été
fréquemment mentionnés tant pour la production des
haches (Burton 1984) que pour l’exploitation des sources
salées (Pétrequin et al. 2000) ou des gîtes de terre pour la
poterie (Pétrequin et Pétrequin 2006). Dans tous les cas,
l’idée semble la même : l’exploitation d’une matière pre-
mière sacrée, issue du corps, des humeurs ou du sang
d’un Être du Temps du Rêve, dans des lieux parfois secrets,
souvent interdits aux non initiés. Qu’un groupe humain
extérieur cherche à exploiter ces gîtes sacrés, alors la
matière première se tarira, tandis que ces étrangers tom-
beront malades, faute d’avoir été initiés aux rituels spéci-
fiques à chaque lieu et qui permettent de manipuler des
« matières » dangereuses.
Contrairement aux apparences, il s’agit bien là d’interdits
puissants et efficaces. À Ormu, sur la Côte Nord de Papua,
seul l’ondoafi du lignage Nari (l’un des deux chefs tradition-
nels héréditaires) peut décider du moment et du lieu d’une
exploitation pour les haches, après un séjour solitaire en
montagne. Dans le massif de Yeleme, les groupes d’hom-
mes qui viennent en expédition pour exploiter les carrières
font appel à des spécialistes wano, qui habitent au pied de
la montagne. A Langda, comme dans toutes les exploita-
tions du groupe linguistique Una, seuls certains clans ont
FIG. 10
accès aux gîtes de dolérite, car ils connaissent les mythes, Taille au percuteur dur. Percuteur et ébauche en glaucophanite. Wang-Kob-Me,
les chants, les rituels ; de plus à Langda, le crâne de ces groupe wano (West Papua, Indonésie). 1987.

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
34 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

qui permet l’ouverture d’une carrière à Ormu ; plus loin


encore, les haches du Temps des Ancêtres étaient des
organismes vivants qui volaient pendant la nuit et qu’on
attirait avec de la graisse de porc (Pétrequin et Pétrequin
1993). Matière sacrée en devenir, mythes fondateurs et
rites secrets sont autant de formes d’initiation (et d’interdits)
à la production des lames pour les haches et les hermi-
nettes, qui ne sont jamais de simples outils de pierre.
C’est probablement une des raisons pour lesquelles les
gîtes d’exploitation ne sont pas fréquentés individuelle-
ment. Il ne suffit pas qu’il ait besoin d’une hache comme
FIG. 11 outil ou comme objet pour un échange marchand, pour
Ebauches en cours de bouchardage, stockées sous une maison. Serpentinite.
Ormu-Wari, groupe ormu (West Papua, Indonésie). 1984.
qu’un homme se rende sur les gîtes de matière première.
À l’exception (rare) de quelques productions à partir de
Êtres Primordiaux était conservé dans une maison galets sélectionnés dans des gîtes alluviaux, la production
sacrée, avec les percuteurs qui permettaient la mise en d’une hache de pierre n’est pas un simple acte individuel,
forme des ébauches. Quand de surcroît on voulait obtenir que l’on pourrait reproduire au besoin à n’importe quel mo-
une lame taillée particulièrement longue, seuls quelques ment dans l’année. Tout au contraire, l’accès à ces matiè-
hommes savaient qu’il fallait au préalable chasser un kan- res premières sacrées - et qui font la force et la richesse
gourou arboricole et allonger l’intestin de cet animal le d’une communauté particulière (où nous parlons de spé-
long du bras gauche (Pétrequin et Pétrequin 1993). cialisation régionale) - est limité, réglementé, rythmé dans
le temps. Pour accéder aux sites sacrés (où nous pensons
On pourrait bien sûr sourire de ces interdits, de ces my- en termes de gîtes ou de gisements), c’est un groupe
thes, de ces rituels de production des lames de pierre. d’hommes qui se met en route, accompagné ou précédé
Mais ils font partie intégrante d’un imaginaire puissant, par un spécialiste des rituels (le Propriétaire ou le Maître
accepté par tous, à telle enseigne qu’on peut les retrou- de la Terre, en fait le responsable héréditaire qui contrôle le
ver légèrement différents d’une région à l’autre, sous des déroulement des rituels). Lorsque les carrières se situent
noms dissemblables, mais toujours aussi ancrés dans les en altitude, de telles expéditions peuvent durer plusieurs
pratiques collectives. Ici, dans la vallée du Sepik, c’est un semaines, comme dans le massif de Yeleme où les exploi-
groupe d’objets sacrés (de longues lames naturelles de tations par le feu se poursuivaient jusqu’à obtenir plusieurs
roches sonores) qui fonde le contrôle de l’exploitation de centaines d’ébauches à la fois, en fait le maximum que
la roche par un seul lignage, à Chambri ; là-bas, c’est un chaque homme (éventuellement accompagné par ses
volumineux percuteur sacré, poli par une longue utilisation, femmes) pouvait rapporter au village. Quant au rythme

FIG. 12
Percussion sur enclume. Schiste amphibolitique. Wang-Kob-Me, groupe wano (West Papua, Indonésie). 1990.
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 35
PREMIÈRE PARTIE

des expéditions, il était entièrement réglé, semble-t-il, par


la demande sociale, c’est-à-dire la régularité des échan-
ges ritualisés entre villages partenaires, par la nécessité
de verser des compensations mortuaires à la fin d’une
guerre (prix du sang), des paiements compensatoires
pour le rétablissement de la paix ou de nouvelles allian-
ces matrimoniales. Et c’est pendant ces occasions festi-
ves que les nouvelles ébauches (fig. 14) étaient données
en grand nombre et qu’elles partaient dans les transferts
à moyenne distance (mouvement centrifuge), tandis que
des richesses en porcs ou en coquillages marins et en
nouvelles épouses gagnaient les centres de production
(mouvement centripète), pour raffermir les alliances et les
partenariats d’échange avec les producteurs de haches
(Larson 1987, Pétrequin et Pétrequin 1993 et 2006).
Exploitation, mise en forme, échanges ou dons en grand
nombre, telles semblent bien avoir été les conditions
sociales de la production de lames de pierre en Nouvelle-
Guinée. Ce processus, d’où les femmes étaient exclues,
n’était pas rythmé par des besoins quotidiens, mais bien
par des actes sociaux collectifs répétés de loin en loin.
Dans ces conditions de production rapide, mais sur une
courte durée, il n’est alors pas étonnant de constater
que le nombre des ébauches produites restait toujours
inférieur à la demande des utilisateurs, même à quelques
jours de marche des carrières, où d’autres communautés
étaient plutôt spécialisées dans le polissage. Et c’est
probablement la raison pour laquelle d’autres roches, de
moindre qualité mécanique, étaient également exploitées
(en particulier des schistes, des chloritites, des serpen-
tinites feuilletées) un peu partout en Nouvelle-Guinée,
FIG. 13
pour tenter de compenser un déficit chronique en belles Mise en forme par taille au percuteur doux. Basalte. Langda, groupe una
et bonnes lames de pierre. D’ailleurs ces productions (West Papua, Indonésie). 1993.

FIG. 14
Ebauches en cours de polissage, préparées pour un échange. Basalte et andésite. Langda, groupe una (West Papua, Indonésie). 2008.

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
36 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

secondaires - ces formes d’ersatz de haches - étaient des relations entre les communautés de langue wano,
plutôt réservées à des outils lourds pour refendre le bois moni et dani, établies autour des carrières ; sans rela-
ou bien à de très petites lames d’herminettes ; elles ne tions (par mariage essentiellement) préétablies avec les
circulaient guère à plus de deux ou trois jours de mar- Propriétaires de la Terre, les expéditions en accès direct
che. Savoir que ces schistes bruns ou noirs et ces roches seraient dangereuses, voire impossibles. Mais la volonté
métamorphiques peu résistantes étaient tirées du lit des de braver les interdits (politiques et rituels) et de se rap-
torrents, sommairement taillées tandis que l’essentiel de procher des carrières de Yeleme (comme d’ailleurs des
la mise en forme se faisait par polissage (fig. 8), permet sources salées en pays moni, autre source de richesse)
aussi de comprendre que socialement elles aient eu une est démontrée par les migrations récentes des dani de la
faible valeur et qu’elles n’aient guère participé aux échanges Baliem Nord qui, pendant tout le XXe siècle, ont été préfé-
collectifs cérémoniels. rentiellement orientées en direction des meilleures sour-
ces de haches de pierre et des émergences les plus char-
Voilà donc, rapidement schématisé, le propre d’une lame
de hache en Nouvelle-Guinée : un outil pour les hommes, gées en saumure (Larson 1987, Pétrequin et al. 2000).
indispensable à la reproduction physique des commu- Dans chaque vallée, le cycle des guerres, de 6 à 9 ans,
nautés agricoles, mais bien plus encore : une parcelle de est également un puissant régulateur des expéditions en
matière sacrée, entourée de mythes, de rites, d’histoires accès direct, qui interviennent seulement pendant les
qui vont l’accompagner très loin dans les échanges et les périodes de rétablissement de la paix et de paiement des
transferts. compensations funéraires avec des porcs, des haches et
du sel (Larson 1987). Dans ces conditions sociales et à
• 3. Accès direct et spécialisation l’échelle du massif exploité, la production des carrières
fini par être globalement massive, même si les expédi-
Pour la Nouvelle-Guinée, tenter de raisonner sur la pro- tions sont épisodiques et de rythme aléatoire, avec un
duction des lames de pierre uniquement en termes de accès direct largement développé. En nuançant, il faut
succession de gestes techniques (la « chaîne opératoire » pourtant rappeler que tous les hommes de la région con-
utilisée par les spécialistes de la technologie préhistori- sidérée ne participent pas à de telles expéditions, dans
que, d’où les fonctionnements sociaux sont passés sous un milieu montagnard plutôt difficile et parfois dangereux :
silence) est nécessaire, mais insuffisant. Il est indispen- exploiter la roche à Yeleme est une affaire de guerriers
sable de travailler avec le concept plus large de chaîne qui y gagnent rapidement des richesses momentanées
opératoire, telle que la conçoivent les ethnologues des et une aura incontestable ; d’autres hommes préfèrent
techniques (Lemonnier 1970, Pétrequin et Monnier plus simplement rester au village et s’investir dans la cul-
1995), avec ses contrôles sociaux et les manipulations ture des jardins et l’élevage des porcs, tout aussi renta-
qui l’accompagnent nécessairement. À la question : com- bles pour les paiements compensatoires. L’exploitation
ment fait-on pour produire une hache polie ? il faut abso- des carrières de Yeleme est donc finalement gérée par
lument associer l’interrogation complémentaire : qui fait des guerriers de type « entrepreneur » (Pospisil 1963)
quoi, comment, quand et pourquoi ? En effet, les gestes qui cherchent un profit matériel et social rapide, quitte à
techniques les plus élémentaires participent des fonction- prendre des risques évidents.
nements sociaux et risquent bien de devenir incompréhen-
sibles quand ils sont coupés de leur contexte, d’autant que Le deuxième cas de figure est celui des exploitations
les classiques « loi du moindre effort » et « loi du meilleur qui exigent un haut niveau de pratiques techniques, tou-
rendement » véhiculés par le « bons sens » occidental ne jours gérées par des rituels bien sûr, pris en charge par des
peuvent constituer bien longtemps des explications scienti- spécialistes à temps partiel (dans le sens de techniciens),
fiques valides. qui seuls peuvent produire des lames de pierre inimitables,
selon un savoir-faire complexe et non partagé en dehors de
Pour aborder plus en détail la question de la circulation des quelques lignages. Langda, Sela et Suntamon sont de bons
lames de pierre en Nouvelle-Guinée, il nous faut donc rap- exemples de processus de taille sophistiquée (fig. 13), de
peler comment et à quel rythme les réseaux de transfert même qu’Ormu et quelques villages périphériques des Cy-
sont alimentés depuis l’amont, à partir des exploitations. clops Mountains pour ce qui concerne la mise en forme
Deux cas de figure se présentent, si l’on tient pour négli- de longues haches obtenues entièrement par bouchar-
geables les actes individuels de production épisodique à dage (Wichmann 1917, Wirz 1928). L’accès direct à la
partir de galets ramassés dans le lit des torrents, pour des matière première serait pourtant théoriquement possible
outils de qualité mécanique le plus souvent médiocre. La
pour d’autres groupes humains (à condition d’entretenir
question du niveau de savoir-faire (avec sa conséquence :
des relations d’alliance avec les Propriétaires de la Terre),
la production par tous les hommes ou par quelques-uns)
mais ces étrangers se trouveraient incapables de tirer
est essentielle pour faire cette distinction.
des carrières autre chose que des blocs bruts informes et
Dans le premier cas de figure, illustré par les exploita- sans valeur, faute de savoir-faire. Dans ces conditions, la
tions dans le massif de Yeleme, les niveaux de savoir- production reste entièrement entre les mains de techni-
faire sont plutôt faibles et à la portée de tous les hom- ciens (et de spécialistes des rituels), qui habitent à moins
mes, car le temps d’apprentissage est court (fig. 5). Dans d’une journée de marche des affleurements. La produc-
ces conditions, l’accès direct aux carrières est la forme la tion, toujours massive, se trouve réglée par le rythme
plus fréquente, avec des expéditions d’hommes qui con- des échanges ritualisés entre villages partenaires : d’une
cernent, plus ou moins, toutes les communautés dans part les spécialistes producteurs de haches et d’autre
un rayon de trois à six jours de marche du massif. Les part des communautés qui exploitent des niches écolo-
possibilités de telles expéditions sont réglées sur place giques différentes, à plus haute altitude (oiseau de pa-
par les rituels - nous l’avons vu -, mais surtout par l’état radis, filets décorés, porcs, tabac, produits des jardins)
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 37
PREMIÈRE PARTIE

ou dans les Basses Terres (arcs en bois de laurier, coquilla- de marche, d’autant que la diffusion des haches, du sel,
ges marins, fécule du palmier sagoutier, poteries, dents des coquillages et des plumes n’est pas identique dans
de chien). Régulièrement, tous ces produits changent de toutes les directions autour des centres de production ou
main à l’occasion de fêtes entre villages partenaires (les de collecte. C’est en termes de distance sociale entre
mote dans les Hautes Terres de l’Est) (fig. 14). les différentes communautés qu’il nous faut appren-
dre à réfléchir (Pétrequin et Pétrequin 1993). De fait, un
Dans les faits, un préhistorien aurait des difficultés à
système de transfert s’essouffle ou s’interrompt lorsque
distinguer ces deux formes de production, sinon à partir
les conditions sociales de la circulation des lames polies
des rejets de taille dans les carrières et dans les villages
ne sont plus réunies ; ses limites coïncident souvent
eux-mêmes, en évaluant les niveaux de savoir-faire et de
avec des fronts temporaires de guerre, le contact avec
spécialisation technique (fig. 15). Au niveau de la diffusion
des ennemis traditionnels, le passage à d’autres grou-
elle-même, malgré des différences fondamentales des
pes linguistiques où le contact n’est pas encore établi.
contextes sociaux de production, le système des expédi-
Au contraire, le système est favorisé par la sédentarité
tions, gérées par des « entrepreneurs » ou bien selon le
relative et les intermariages, les contacts établis depuis
principe d’échanges ritualisés entre villages partenaires,
longtemps, l’acculturation, les partenariats traditionnels,
vont mettre en mouvement des masses d’ébauches selon
les mouvements de colonisation et la compétition entre
un rythme cyclique. L’effet de ces productions cycliques va
les hommes où offrir des festins et des masses d’objets
d’ailleurs rapidement s’estomper à l’échelle des massifs
valorisés est un moyen efficace pour accroître sa renom-
montagneux exploités, en raison du nombre des exploi-
mée (et éventuellement son pouvoir).
tations différentes par des communautés différentes,
chacune régie par des rythmes sociaux spécifiques. La
découverte d’ébauches non polies très loin des carrières
pourrait être un bon argument pour mettre en évidence de
telles productions massives et épisodiques.
Dans l’un et l’autre cas, les processus de production
en masse - qu’ils soient de type « entrepreneurs » non
spécialisés ou bien de type « partenaires traditionnels »
spécialisés -, apportent d’un seul coup des quantités im-
portantes d’ébauches et de lames plus ou moins polies,
qui vont entrer en grand nombre dans les transferts entre
communautés et entre individus. Ce mouvement centri-
fuge ne semble pas perdre de sa puissance rapidement,
tandis qu’augmente la distance aux carrières, contraire-
ment à la théorie classique de l’échange down the line FIG. 15
Poste de taille avec ébauche, percuteur et support de taille en bois.
(Hodder 1976, Renfrew 1975 et 1977), car l’idée sociale Basalte et andésite. Langda, groupe una (West Papua, Indonésie). 1985.
qui sous-tend le mouvement est de donner aux partenai-
res les moyens d’un échange toujours réalimenté. • 4. Des outils socialement surdéterminés
Naturellement, la notion de profit (attirer des richesses Voici donc maintenant les hommes équipés avec une
matérielles, gagner du prestige social) est loin d’être ab- herminette ou une hache de pierre sur l’épaule, qu’ils
sente dans ces transferts de haches, de porcs, de co- vont polir (fig. 5) et réutiliser longtemps. Mais ces outils
quillages marins, de sel, de produits de la forêt et des d’abattage, parfois utilisés comme armes de combat rap-
jardins ; mais globalement, chacun peut se procurer les proché, ne sont plus simplement des outils techniques,
haches, les plumes, les coquillages et les arcs qui sont comme le pensait A. Steensberg (1980), mais déjà des si-
nécessaires à l’affichage de son statut social et de son gnes sociaux qui permettent, comme l’arc et les flèches,
identité culturelle. L’idée du profit matériel seul (détour- d’afficher l’appartenance des propriétaires à la classe des
ner pour soi, thésauriser, transmettre par héritage) n’est hommes. Davantage encore, les modalités d’emmanche-
pas absente, mais cède souvent le pas au concept de ment et l’agencement des ligatures de fixation de la lame
profit social et politique (parader en public, se forger une de pierre varient d’une région à l’autre (Sillitoe 1988), per-
réputation, se créer une clientèle, établir un réseau de mettant de souligner des proximités culturelles (fig. 16)
partenaires et d’alliés, dominer momentanément), comme et même la longue histoire des innovations qui, arrivées
c’est également le cas pour les villages côtiers ou insulai- en Nouvelle-Guinée sur la Côte Nord, ont été progressi-
res spécialisés dans la production céramique (Irwin 1984). vement transmises vers l’intérieur des terres (Pétrequin
Malgré de célèbres contre-exemples parmi les Big Men et Pétrequin 2006). Comme la plupart des autres outils,
du centre de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (Burton 1987) les haches et herminettes apparaissent donc socialement
ou de la Côte Nord de West Papua, ce système où les surdéterminées (Lemonnier 1986).
richesses circulent sans pouvoir être longtemps retenues
À côté de ces outils de pierre dont l’étendue et l’intensité
est bien conforme à l’image de sociétés relativement
du polissage tend à croître tandis qu’augmente la distance
égalitaires où les transmissions héréditaires du statut so-
aux carrières - par suite de la volonté de s’afficher avec un
cial sont l’exception (Lemonnier 1986). Nous reviendrons
signe social de belle régularité, mais qui demande un long
plus tard sur ces exceptions.
investissement en temps de travail hors de portée des
Finalement, les limites de ces systèmes de transfert à producteurs -, certaines haches de pierre vont être l’objet
longue distance ne peuvent pas être simplement pen- d’une interprétation sociale encore plus poussée (Højlund
sées en termes de kilomètres à vol d’oiseau ou de jours 1981). Chez les wano et les dani, les jeunes guerriers,

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
38 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

à l’âge de la pleine compétition pour affirmer leur plus âgés travaillent tout aussi rapidement avec des
autorité dans la société, tendent à s’afficher en public haches dont le poids total n’excède guère un à deux
avec de longues et lourdes haches à manche monoxy- kilos et qui permettent de participer efficacement (et
le (fig. 17) ; ils vont même jusqu’à abattre des arbres plus longtemps) aux séances collectives d’abattage,
avec ces outils très pesants, alors que les hommes lors de l’ouverture des jardins en forêt.

FIG. 16
Ligature d’une herminette sur un manche coudé, avec un lien en rotan. Langda, groupe una (West Papua, Indonésie). 2008.
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 39
PREMIÈRE PARTIE

compensations matrimoniales ou bien du prix du sang


(fig. 20). Pour posséder certaines de ces haches précieu-
ses, il a même pu arriver que l’on ouvre les hostilités.
Mais de façon générale, beaucoup d’entre elles sont éga-
lement destinées à des dons cérémoniels publics pour
établir des partenariats d’échange, le rétablissement de
la paix ou des alliances matrimoniales exceptionnelles
avec d’autres familles de haut rang.
Il arrive parfois que tout un ensemble de haches n’appar-
tienne pas à un individu haut placé, mais soit propriété
d’un lignage dominant ; ces lames polies étaient alors
déposées dans la maison sacrée du village, une grande
construction de plan polygonal, comme dans la baie de
Humbolt vers l’actuelle Jayapura (Galis 1955). De telles
haches étaient alors considérées comme des « objets
sacrés », donnés par une Créature Primordiale ; ces
objets étaient inaliénables et permettaient à un lignage
de revendiquer ses droits sur le sol et sur les hommes
(Godelier 1996, Pétrequin et Pétrequin 2006).

FIG. 17
La lourde hache à manche monoxyle permet de travailler en forêt et de parader en
public. Ye-Ineri, groupe wano (West Papua, Indonésie). 1987.

Ce processus de différenciation sociale est encore plus


évident sur la Côte Nord de West Papua, dans la culture
sentani autour du massif des Cyclops Moutains. Certains
chefs héréditaires (les ondoafi) des lignages dominants
(considérés comme descendants directs des Propriétai-
res de la Terre) s’affichent lors des cérémonies publiques
avec des lames de hache en roches rares, très régulières
et longuement repolies sur des infrabases de feuille de
palmier nibong (fig. 18), puis parfois engobées au latex
pour les rendre brillantes « comme de l’eau », dit-on (Pé-
trequin et Pétrequin 1993 et 2006). Ces haches polies à
glace, présentées à la main et sans emmanchement, sont
alors signe de statut et de pouvoir (fig. 19) ; elles sont
soigneusement conservées dans des étuis végétaux et FIG. 18
Surpolissage d’une grande hache sur l’infrabase d’une feuille de palmier nibong.
rarement touchées avec les doigts pour ne pas en ternir Serpentinite.Ormu-Wari, groupe ormu (West Papua, Indonésie). 1984.
l’éclat. Quant aux hommes du commun, appartenant aux
lignages que l’on considère comme arrivés récemment Dans toute la culture sentani, il semble bien que ce soit
dans la région, aucun d’entre eux n’a accès à ces haches sur de tels objets sacrés (comprenant également des per-
thésaurisées par les personnes de haut rang. Ce sont des les de verre ramassées sous l’Arbre à Perles en pays sko
haches extraordinaires par la roche et la qualité de leur fi- et des anneaux de verre qui sont, chacun le sait, les ver-
nition, mais aussi par leur histoire, leur biographie. Il arrive tèbres du Grand Serpent Python), que repose l’habitude
même que de petites, mais très anciennes haches soient de donner à un partenaire, d’échanger contre d’autres
encore plus prisées que les exemplaires les plus longs, objets socialement prisés ou de payer une compensation
justement en raison de leur biographie ; on peut, à leur pour une perte vitale : des haches, des perles et des an-
sujet, citer de mémoire la longue litanie des propriétaires neaux (fig. 21), dont la valeur se discute au cas par cas,
successifs. Au faîte de son pouvoir, un ondoafi peut ainsi selon leur couleur, leur structure, leur transparence, leur
accumuler jusqu’à une vingtaine de haches surpolies qu’il lustré, leur reflet, et selon les statuts sociaux respectifs
tient par héritage ou qu’il a reçues lors du paiement de du donateur et du récipiendaire. L’habitude de donner

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
40 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

arboricole (fig. 23), pour les transformer en « femmes de


pierre ». Il s’agit donc bien là de véritables représentations
anthropomorphes, de signes équivalents à des vies hu-
maines, connus et acceptés par tous comme tels. Chez
les Dani, les ye-yao (ou hache-échange) étaient données
pour les paiements de mariage, pour les compensations
funéraires et pour le paiement du prix du sang (O’Brien
1969). C’est par milliers qu’elles circulaient chez les Dani
de l’Ouest et dans la vallée de la Baliem, pour n’être mon-
trées en public qu’à l’occasion des rituels de paiements.

FIG. 19
Un ondoafi présentant deux haches polies obtenues par héritage.
Serpentinite. Ormu-Wari, groupe ormu (West Papua, Indonésie). 1984.

des haches pour une compensation funéraire ou un paie-


ment de mariage semble bien suggérer que ces anciens
« outils » représentent de véritables équivalents en vies
humaines, comme le porc dans les Hautes Terres (Lemon-
nier 1990) ou bien encore les anneaux de nacre, les pains
de sel dur, les tissus importés et les porcelaines chinoises
dans le nord-ouest de la West Papua et les îles de la baie
de Cenderawasih (Pétrequin et Pétrequin 2006).
Le même phénomène est connu dans le groupe linguis-
tique dani, dans les Hautes Terres de West Papua, où
l’interprétation sociale de la hache de pierre est encore
plus évidente en termes d’équivalence en vies humaines.
Dans ces communautés à très forte densité de popula- FIG. 20
Un ondoafi présentant son stock de haches polies. Serpentinite.
tion, on thésaurise, on échange, on donne et on reçoit Ormu-Wari groupe ormu (West Papua, Indonésie). 1984.
des ye-yao. Ye-yao est une longue lame en schiste vert
ou en schiste amphibolitique tiré de carrières secrètes à Parmi ces haches plus ou moins longues (la plus grande que
Awigobi, au cœur du massif de Yeleme, dont nous avons nous ayons observée atteignait 90 cm de longueur), certaines
déjà parlé (Pétrequin et Pétrequin 1993 et 2006). Awigobi avaient une toute autre valeur. Sans vêtements ajoutés, mais
signifie la « Rivière de la Nuit », le cours d’eau que les longuement passées à la graisse de porc, les ye-pibit étaient
ancêtres longeaient de nuit avec des torches, à la recher- des objets sacrés conservés exclusivement dans les mai-
che de ces longues plaques de schiste qui émettaient sons des hommes chez les Dani et dans les maisons sacrées
un halo lumineux verdâtre dans l’obscurité. Dans d’autres chez les Yali. Elles avaient une valeur inestimable pour leur
régions, comme la Baliem sud, on disait aussi que ces propriétaire ou pour un lignage : il s’agissait d’objets sacrés
dalles allongées étaient les écailles de Yeli, l’Arbre Sacré qui étaient tenus secrets, car ils abritaient la force d’un Grand
à l’origine du monde (Zöllner 1988). En réalité, les exploi- Guerrier mort au combat ou étaient le don d’un Esprit puis-
tations à Awigobi étaient faites par choc thermique, dé- sant. Les ye-pibit n’étaient sorties au grand jour que tout à fait
grossissage au percuteur (fig. 22), puis sciage longitudi- exceptionnellement, après abattage d’un porc pour nourrir la
nal ; on en tirait les biens les plus prisés (les ye-yao), mais hache (renouveler la couche de graisse de cochon), à l’occa-
aussi des couteaux pour éplucher les tubercules de taro sion d’un rituel de guérison collective, d’une cérémonie de
et des lames d’herminette, utilisées chez les Moni et les magie pour la fertilité des jardins ou pour la victoire au com-
N’duga. Une partie de la production était donc sélection- bat. D’autres n’étaient jamais déballées en public, parce qu’il
née et détournée de sa fonction technique primaire (pour s’agissait d’objets sacrés sur lesquels reposaient la puissance
des lames de hache ou d’herminette). Après sciage et po- d’un lignage ou la teneur en sel d’une source salée réputée.
lissage soigné, ces ye-yao étaient ensuite parées d’une Dans cet exemple encore, on retrouve donc l’idée d’objets
jupe miniature et de pendentifs en fourrure de kangourou sacrés, qui sont des parcelles vivantes d’Êtres Primordiaux,
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 41
PREMIÈRE PARTIE

FIG. 21
Anneaux, perles de verre et haches polies, propriété d’un ondoafi du lac Sentani. Abar, groupe sentani (West Papua, Indonésie). 2008.

sur lesquels repose la valeur des biens donnés ou échangés remplacés par des haches en acier. L’exemple des îles
(Godelier 1996, Pétrequin et Pétrequin 2006). Trobriand cité par B. Malinowski (1935) montre ainsi un rituel
Devons-nous encore nous étonner que partout en Nou- de magie des jardins où une hache de proportions colossa-
velle-Guinée et dans les îles voisines, certaines haches les, équipée d’une lame polie provenant de la lointaine île de
étaient encore présentées en public, alors que tous les Woodlark, était portée en grande cérémonie au travers
outils d’abattage avaient depuis longtemps déjà été des jardins pour en restaurer la fertilité chaque année.

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
42 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

des rois-prêtres : les jades guatémaltèques en Méso-Amé-


rique étaient réservés à une élite et aux dieux, avec des
masques mortuaires, des perles et des pendentifs, mais
aussi des haches polies consacrées, portant inscriptions et
représentations anthropomorphes gravées. Et que dire enfin
du signe « yü » qui représente le jade en Chine : en bas et en
haut, deux traits horizontaux matérialisent respectivement
la position de la Terre et du Ciel ; entre les deux, un trait
vertical signifie la communication entre ces deux mondes,
gérée par l’Empereur lui-même (un petit trait horizontal à
mi-distance entre Ciel et Terre), par le biais d’une hache
polie en jade (petit trait oblique à côté de la représentation
de l’Empereur). C’est bien l’extraordinaire pouvoir de mé-
diation de l’Empereur et de la hache de jade qui est signifié
ici, dans une société où le pouvoir absolu est aussi fondé
sur des convictions religieuses.
À des échelles différentes, c’est finalement bien la
même idée qui se dégage de ces exemples ethnogra-
phiques et historiques où la hache, devenue objet sacré,
participe (avec d’autres objets-signes comme l’anneau,
la crosse ...) à la communication entre les mondes et au
pouvoir religieux. Nous avons peut-être enfin là quelques
clefs nouvelles pour tenter d’approcher les fonctions des
haches polies dans le Néolithique européen, en prenant
enfin en compte le contexte même des découvertes,
ici essentiel à la compréhension et si souvent oblitéré
par les études spécialisées, qu’elles touchent la pétro-
graphie, la technologie ou la typologie. Avec un enjeu
FIG. 22
Deux grandes ébauches de ye-yao. Schiste amphibolitique. Ye-Ineri, groupe wano d’une telle complication, ce n’est donc plus seulement
(West Papua, Indonésie). 1990. d’analyses méticuleuses selon les critères des Sciences
Et que dire encore de cette hache surpolie qui a trouvé son
chemin depuis la Côte Nord de Nouvelle-Guinée jusqu’au
trésor du Sultanat de Tidore dans les Moluques du Nord,
à près de 1 500 km à vol d’oiseau vers l’ouest ; la hache
de pierre polie des Cyclops Mountains y figure parmi des
objets d’or ou d’argent (Pétrequin et Pétrequin 2006).

Conclusion
Tous ces exemples sont loin d’être des exceptions
(Weiner 1992). On les retrouve également en Polynésie
ou bien encore en Nouvelle-Zélande, où une hache en
néphrite était considérée d’une telle valeur qu’une guerre
a été déclenchée pour se l’approprier (Best 1912). À no-
tre sens, ces situations ethnographiques subactuelles
donnent une très bonne idée du continuum des interpré-
tations sociales qui peuvent relier un outil de pierre polie
(tiré d’exploitations de matière vivante venue du Temps
du Rêve) à son répondant sacré (donné par des Êtres
Primordiaux). Ces signes de pierre fondent les échanges
et les dons, en donnant une valeur idéelle (acceptée par
tous parce qu’étayée par de profondes convictions reli-
gieuses) aux biens matériels qui circulent à longue dis-
tance, manipulés par les hommes à leur profit.
Bien sûr, ces exemples ethnographiques, dans des socié-
tés actuelles de Nouvelle-Guinée plutôt faiblement inéga-
litaires, nous ont conduit assez loin du Néolithique euro-
péen, mais sur des chemins beaucoup plus compliqués
que l’approche sommaire d’une simple opposition entre
outils techniques et « biens de prestige » pour reprendre
un terme consacré par l’usage. D’autres exemples encore FIG. 23
Longue ye-yao, avec décor de fibres jaunes d’orchidées et des lanières
pourraient aisément être trouvés dans des sociétés fran- de peau de kangourou arboricole. Pyramid, groupe dani de la Baliem Nord
chement inégalitaires, où le pouvoir central est tenu par (West Papua, Indonésie). 1984.
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 43
PREMIÈRE PARTIE

dures dont nous avons besoin, mais bel et bien de tout KOCH G., 1984.- Malingdam, Ethnographisches Notizen
l’arsenal méthodologique de l’archéologie, de l’histoire et über eine Siedlungsbereich im oberen Eipomek-Tal. Mensch,
de l’ethnologie conjointement. Il faut maintenant procé- Kultur und Umwelt im zentralen Bergland von West-Neu-
der à une remise à plat des documents archéologiques guinea, 15, Berlin, Dietrich Reimer Verlag.
eux-mêmes, pour de véritables reconstructions théori-
LARSON G.F., 1987.- The structure and demography of
ques des situations passées (en y introduisant les dimen-
the cycle of warfare among the Ilaga Dani of Irian Jaya.
sions religieuses et rituelles) et de l’histoire des sociétés
Phil D. thesis, Ann Arbor, University of Michigan, University
néolithiques, qui pourraient bien avoir été beaucoup plus
Microfilm International.
complexes que ne le proposent, aujourd’hui encore, les
différents partenaires de la recherche archéologique. LEMONNIER P., 1970.- La description des chaînes opéra-
toires : contribution à l’analyse des systèmes techniques,
Note : Techniques et Culture, ancienne série, 1 : 100-151.
Le texte de cet article, avec une illustration différente,
sera publié en version anglaise dans Stone Studies III, LEMONNIER P., 1986.- The study of material culture to-
CBA Research Report. day : toward an anthropology of technical systems, Jour-
nal of Anthropological Archaeology, 5 : 147-186.
Les photographies sont de P. et A. M. Pétrequin. LEMONNIER P., 1990.- Guerres et festins. Paix, échanges
et compétition dans les Highlands de Nouvelle-Guinée.
Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme.

Bibliographie LE ROUX C.C.F.M., 1948-1950.- De Bergpapoea’s van


Nieuw-Guinea en hun Woongebied. Leiden, E.J. Brill, 3 vol.
BEST E., 1912.- The Stone Implements of the Maori.
Wellington, Dominion Museum, Bulletin, 4. LOUWERSEE J., 1998.- Una (West New Guinea) World-
view and a Reformed Model for Contextualizing Cross-
BLACKWOOD B., 1950.- The technology of a modern
Cultural Communication of the Gospel. Phil D. Intercultural
Stone age people in New Guinea. Pitt Rivers Museum,
Studies Dissertation, Fuller Theological Seminary, School
Occasional Papers on Technology, 3, Oxford, Oxford
of World Mission, Ann Arbor, University Microfilms.
University Press.

MALINOWSKI B., 1935.- Coral Gardens and their Magic :
BURTON J., 1984.- Quarrying in a tribal society, World
a Study of the Methods of Tilling the Soil and of Agricultural
Archaeology, 16 (2) : 234-247.
Rites. New York, American Book Company.
BURTON J,, 1987.- Exchange pathways at a stone fac-
tory in Papua New Guinea, in : G. de G. Sieveking and O’BRIEN D., 1969.- The economics of Dani marriage : an
M.H. Newcomer (ed), The human use of flint and chert. analysis of marriage payments in a highland New Guinea
Cambridge, Cambridge University Press : 183-191. Society. Ph. D. Thesis. Yale, University of Yale, microfilm.

GALIS K.W., 1955.- Papua’s Van de Humboldt-Baai. Den PETREQUIN A-M. et PETREQUIN P., 2006.- Objets de
Haag, J.N. Voorhoeve. pouvoir en Nouvelle-Guinée. Catalogue de la donation
Anne-Marie et Pierre Pétrequin. Musée d’Archéologie
GODELIER M., 1996.- L’énigme du don. Paris, Fayard. Nationale, Saint-Germain-en-Laye. Paris, Editions de la
GODELIER M. et GARANGER J., 1973.- Outils de pierre, Réunion des Musées Nationaux.
outils d’acier chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, L’Hom- PETREQUIN P. et MONNIER J-L., 1995.- Potiers jurassiens.
me, Revue française d’anthropologie, 13, juillet-septembre : Ethno-archéologie d’un atelier du XIXe siècle. Lons-le-Sau-
187-220. nier, Musée d’Archéologie, Centre Jurassien du Patrimoine.
HAMPTON O.W.B., 1999.- Culture of stone. Sacred and
PETREQUIN P. et PETREQUIN A-M., 1992.- De l’espace
Profane Uses of Stone among the Dani. Anthropology
actuel au temps archéologique ou les mythes d’un préhisto-
series, 2, Texas A. & M. University Press.
rien, in : Ethnoarchéologie : justification, problèmes, limites.
HODDER I., 1976.- Some effects of distance on human XIIe Rencontres Internationales d’Archéologie et d’Histoire
interaction, in : I. Hodder (ed), The spatial organisation of d’Antibes 1991, Juan-les-Pins, Editions APDCA : 211-238.
culture. London, Duckworth : 155-178.
PETREQUIN P. et PETREQUIN A-M., 1993.- Ecologie
HØJLUND F., 1981.- The function of prestige weapons d’un outil : la hache de pierre en Irian Jaya. Monographie
in the reproduction of New Guinea Highlands tribal socie- du CRA, Paris, CNRS Editions (nouvelle édition com-
ties, Oral History, IX (3), Boroko, PNG, National Museum plétée en 1999).
and Art Gallery : 1-25.
PETREQUIN P., PETREQUIN A-M. et WELLER O., 2000.-
HUGHES I., 1977.- New Guinea Stone Age Trade. The Cuire la pierre et cuire le sel en Nouvelle-Guinée : des
geography and ecology of traffic in the interior. Terra techniques actuelles de régulation sociale, in : P. Pétre-
Australis, Canberra, Australian National University. quin, P. Fluzin et al. (ed), Arts du feu et productions ar-
tisanales. XXe Rencontres Internationales d’Histoire et
IRWIN G., 1984.- Pots and poor princes : a multidimen-
d’Archéologie d’Antibes 1999, Antibes, Editions APDCA :
tional approach to the role of pottery trading in coastal Pa-
545-564.
pua, in : S.E. van der Leeuw and A.C. Pritchard (ed), The
many dimensions of pottery. Ceramics in archaeology POSPISIL L., 1963.- Kapauku papuan economy. Yale
and anthropology. Cingula, VII, Amsterdam, Universiteit University Publications in Anthropology, 67, Yale, Yale
Amsterdam : 407-463. University.

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
44 Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée
PREMIÈRE PARTIE

RENFREW C., 1975.- Trade as action at distance, in : J.A.


Sabloff and G.C. Lamberg-Karlosky (ed), Ancient civiliza-
tion and trade. Albuquerque, University of New Mexico
Press : 1-59.
RENFREW C., 1977.- Alternative models for exchange
and spatial distribution, in : T.K. Earle and J.E. Ericson
(ed), Exchange systems in Prehistory. New-York, Academic
Press : 71-79.
SALISBURY R.F., 1962.- From stone to steel, Economic
consequence of a technological change in New Guinea.
Melbourne, Melbourne University Press.
SILLITOE P., 1988.- Made in Niugini. Technology in the
Highlands of Papua New Guinea. British Museum
Publications, London, British Museum ed.
STEENSBERG A., 1980.- New Guinea Gardens, A study
of husbandry with parallels in prehistoric Europe. London,
Academic Press.
STOUT D., 2002.- Skill and Cognition in Stone Tool Pro-
duction. An Ethnographic Case Study from Irian Jaya,
Current Anthropology, 45 (5) : 693-722.
WEINER A., 1992.- Inalienable Possessions : The Pa-
radox of Keeping-While-Giving. Berkeley, Los Angeles,
Oxford, University of California Press.
WICHMANN A., 1917.- Bericht über eine im Jahre 1903
ausgeführte Reise nach Neu-Guinea, Nova Guinea, IV :
147-252.
WIRZ P., 1928.- Beitrag zur Ethnologie der Sentanier (Hol-
ländisch Neuguinea), Nova Guinea, XVI, Leiden, E.J. Brill :
336- 337.
ZÖLLNER S., 1988.- The religion of the Yali in the Hi-
ghlands of Irian Jaya. Point 13, Melanesian Institute for
Pastoral and Socio-Economic Service, Goroka, PNG.

Films
Langda. L’herminette de pierre polie en Nouvelle-
Guinée
1990.- Film 25 mn, réalisateur B. Théry, auteurs B. Théry, P.
Pétrequin et A.M. Pétrequin, production J.V.P. Films, CNRS
Audiovisuel et CRAVA, distribution CERIMES, Paris.
Yeleme. La hache de pierre polie en Nouvelle Guinée
1991.- Film 25 mn, réalisateur B. Théry, auteurs B. Théry, P.
Pétrequin et A.M. Pétrequin, production J.V.P. Films, CNRS
Audiovisuel et CRAVA, distribution CERIMES, Paris.
Ormu. La hache d’échange en Nouvelle Guinée
1994.- Film 20 mn, réalisateur B. Théry, auteurs B. Théry, P.
Pétrequin et A.M. Pétrequin, production J.V.P. Films, CNRS
Audiovisuel et CRAVA, distribution CERIMES, Paris.
Sources de matières premières - Chapitre 1 - Les modèles ethnoarchéologiques de Nouvelle-Guinée 45
PREMIÈRE PARTIE

Haches, anneaux et perles de verre. Abar, groupe Sentani, Papua Barat (Indonésie).

Jade Grandes haches alpines du Néolithique européen Ve et IVe millénaires av. J.-C.
JADE
Grandes haches alpines
du Néolithique européen.
Ve et IVe millénaires av. J.-C.

sous la direction de Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera,


Lutz Klassen, Alison Sheridan et Anne-Marie Pétrequin

Tome 1
PAO, conception et réalisation : Claude Schmitt - Arcom

© Presses Universitaires de Franche-Comté n°1224


Collection Les cahiers de la MSHE Ledoux n°17
Série Dynamiques territoriales n°6
UFR des Sciences du Langage, de l'Homme et de la Société
47, rue Mégevand - 25030 Besançon cedex
© Centre de Recherche Archéologique de la Vallée de l'Ain - 2012
69, Grande Rue - 70100 Gray
Diffusion
CID : 18-20, rue Robert Schuman - 94220 Charenton-le-Pont

ISBN : 978-2-84867-412-4
ISSN : 1772-6220

2012
Sommaire tome 1 et tome 2 5

Sommaire
tome 1
8 Remerciements 534 DEUXIEME PARTIE :
Les haches en jades, de l'Italie à l'Atlantique
16 Problématique
Pierre Pétrequin 535 Chapitre 9
JADE : Inégalités sociales et espace européen Pierre Pétrequin
au Néolithique : la circulation des grandes Une source de confusion : les haches
haches en jades alpins ethnographiques et les réutilisations tardives
dans les séries néolithiques européennes
25 A propos des archives et des bases de données
544 Chapitre 10
26 PREMIERE PARTIE : Pierre Pétrequin, Estelle Gauthier, Luc Jaccottey,
Françoise Jeudy, Alain Maitre et Jean Vaquer
Sources de matières premières
Les exploitations de Réquista (Aveyron)
et de Plancher-les-Mines (Haute-Saône, France).
27 Chapitre 1 Exemples de diffusion de haches à moyenne
Anne-Marie Pétrequin et Pierre Pétrequin distance
Les modèles ethnoarchéologiques
de Nouvelle-Guinée 574 Chapitre 11
Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Estelle Gauthier,
46 Chapitre 2 Lutz Klassen, Yvan Pailler et Alison Sheridan avec
la collaboration de Jonathan Desmeulles, Pierre-Alain
Pierre Pétrequin, Anne-Marie Pétrequin,
Gillioz, Nicolas Le Maux, Annabelle Milleville,
Michel Errera et Frédéric Prodéo Anne-Marie Pétrequin, Frédéric Prodéo,
Prospections alpines et sources de matières Anaïck Samzun et Ramón Fábregas Valcarce
premières. Historique et résultats Typologie, chronologie et répartition des
grandes haches alpines en Europe occidentale
184 Chapitre 3
Pierre Pétrequin, Christophe Croutsch, 728 Chapitre 12
Michel Errera, Matthieu Honegger, Luc Jaccottey, Claudio D'Amico and Elisabetta Starnini
Circulation and provenance of the Neolithic
François Mariétoz et Pierre-Jérôme Rey
"greenstone" in Italy
Approche des productions valaisannes
en amphibolite calcique (néphrite)
tome 2
214 Chapitre 4
Pierre Pétrequin et Anne-Marie Pétrequin 750 Chapitre 13
Chronologie et organisation de la production Michel Errera, Pierre Pétrequin
dans le massif du Mont Viso et Anne-Marie Pétrequin
Origine des jades alpins entre Provence
et Adriatique
258 Chapitre 5
Pierre Pétrequin, Christophe Bontemps, 822 Chapitre 14
Daniel Buthod-Ruffier et Nicolas Le Maux Maria Bernabò Brea, Michel Errera, Paola Mazzieri,
Approche expérimentale de la production Simone Occhi et Pierre Pétrequin
des haches alpines Les haches alpines dans la culture des VBQ
en Emilie occidentale : contexte, typologie,
292 Chapitre 6 chronologie et origine des matières premières
Pierre Pétrequin, Michel Errera et Michel Rossy 872 Chapitre 15
avec la collaboration de Claudio D'Amico Jean Vaquer, Araceli Martín, Pierre Pétrequin,
et Massimo Ghedini Anne-Marie Pétrequin et Michel Errera
Viso ou Beigua : approche pétrographique Les haches alpines dans les sépultures
du référentiel des "jades alpins" du Néolithique moyen pyrénéen : importations
et influences
420 Chapitre 7 918 Chapitre 16
Claudio D'Amico Serge Cassen, Christine Boujot, Salvador Dominguez
Jades and other greenstones from the Western Bella, Mikaël Guiavarc'h, Christophe Le Pennec,
Alps. A petrographic study of the geological Maria Pilar Prieto Martinez, Guirec Querré,
sampling Jade Marie-Hélène Santrot et Emmanuelle Vigier
Dépôts bretons, tumulus carnacéens
440 Chapitre 8 et circulations à longue distance
Michel Errera, Pierre Pétrequin 996 Chapitre 17
et Anne-Marie Pétrequin Peter A.C. Schut and Henk Kars
Spectroradiométrie, référentiel naturel et étude Jade axes in the Netherlands : some observations
de la diffusion des haches alpines concerning distribution, date and typology
6 Sommaire tome 1 et tome 2

Sommaire
tome 2
1014 TROISIEME PARTIE : 1230 QUATRIÈME PARTIE :
Les signes en jades alpins et leurs imitations Valorisation sociale des haches alpines

1015 Chapitre 18 1231 Chapitre 26


Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Lutz Klassen Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera,
et Rámon Fábregas Valcarce Tsoni Tsonev, Kalin Dimitrov, Lutz Klassen
et Rositsa Mitkova
La circulation des haches carnacéennes
Les haches en « jades alpins » en Bulgarie
en Europe
1280 Chapitre 27
1046 Chapitre 19 Lutz Klassen, Serge Cassen and Pierre Pétrequin
Alison Sheridan et Yvan Pailler Alpine axes and early metallurgy
Les haches alpines et leurs imitations
en Grande-Bretagne, dans l'île de Man, 1310 Chapitre 28
Serge Cassen
en Irlande et dans les îles Anglo-Normandes
L’objet possédé, sa représentation :
mise en contexte général avec stèles et gravures.
1088 Chapitre 20
Christian Servelle et Jean Vaquer 1354 Chapitre 29
Imitations et contrefaçons de longues haches Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera,
polies d’origine alpine dans le Néolithique Lutz Klassen et Alison Sheridan
du sud-ouest de la France et de l’Andorre Des choses sacrées… fonctions idéelles
des jades alpins en Europe occidentale

1108 Chapitre 21
Ramón Fábregas Valcarce, Arturo de Lombera 1424 CINQUIÈME PARTIE :
Hermida and Carlos Rodríguez Rellán Résumé général et bases de données
Spain and Portugal : long chisels and perforated
1425 Résumé / Abstract
axes. Their context and distribution Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera,
Lutz Klassen, Anne-Marie Pétrequin
1136 Chapitre 22 et Alison Sheridan
François Giligny, Françoise Bostyn
et Nicolas Le Maux 1438 Inventaire 2008 des associations de grandes
Production et importation de haches polies dans haches en jades en Europe occidentale
Pierre Pétrequin, Serge Cassen, Michel Errera,
le Bassin parisien : typologie, chronologie
Lutz Klassen, Yvan Pailler, Anne-Marie Pétrequin
et influences et Alison Sheridan

1168 Chapitre 23 1462 Planches dessin des grandes haches trouvées


Yvan Pailler en dépot
L’exploitation des fibrolites en Bretagne Pierre Pétrequin, Annabelle Milleville
et ses liens avec les productions alpines et Anne-Marie Pétrequin

1504 A propos des auteurs et des collaborateurs


1194 Chapitre 24
Mark Edmonds
Axes and Mountains : a view from the West

1208 Chapitre 25
Florian Klimscha
« Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ».
Datation, répartition et valeur sociale des haches
en silex de la culture Gumelniţa

You might also like