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ABSTRACT. The decree of 21st of June 1993 sets out how to express the female
gender in profession names and function titles in official and administrative publi-
cations of the Communaute´ française de Belgique. It has helped to change mindsets.
The guide Mettre au fe´minin (‘‘Express the female gender’’) allows civil servants to
fulfil the requirements of the decree and helps promote the usage of the female
gender in the French language. First published in 1994, it has been reviewed and re-
edited in 2005. Even if the visibility of women in language usage is on the increase, it
faces not so much linguistic but ideological obstacles. Le décret du 21 juin 1993
installe la féminisation des noms de métier et des titres de fonction dans les textes
officiels et administratifs de la Communauté française de Belgique. Il aide les men-
talités à progresser. Le guide Mettre au fe´minin permet aux fonctionnaires de res-
pecter le décret et sert à promouvoir l’emploi du féminin dans l’usage de la langue
française. Paru en 1994, il est mis à jour en 2005. Même si la visibilité des femmes
dans l’emploi de la langue augmente, elle rencontre des obstacles non pas linguis-
tiques mais idéologiques.
1. Introduction
«Article 1er. Les règles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre
devront notamment être appliquées dans les actes suivants:
- dans les lois, décrets, ordonnances et règlements, ainsi que dans les circulaires,
instructions et directives des autorités administratives;
- dans les correspondances et documents émanant des autorités administratives;
- dans les contrats, marchés ou actes des autorités administratives;
- dans les ouvrages ou manuels d’enseignement, de formation permanente ou de
recherche utilisés dans les établissements, institutions et associations relevant de la
Communauté française, sois parce que placés sous son autorité soit parce que
soumis à son contrôle, soit bénéficiant de son concours financier. [...]
Article 3. Ces mêmes règles sont également applicables lors de la publication, sous
quelque forme que ce soit, d’une offre ou demande d’emploi.»1
1
Cité dans Lenoble-Pinson, M. (sous la dir. de), Mettre au fe´minin. Guide de
fe´minisation des noms de me´tier, fonction, grade ou titre (Bruxelles: Conseil supérieur
de la langue française et Service de la langue française, 2005), 12.
2
Dictionnaire fe´minin-masculin des professions, des titres et des fonctions (Genève:
Métropolis, 1990, 1991 et 1996).
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3
Leroy, F. et Lenoble-Pinson, M., «Les dessous étymologiques de la sage-
femme», Revue de la Societas Belgica Historiae Mediciae, 2003, vol. IV fasc. 1, at
17–23.
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2.4. La fonction
Il existe un besoin de communication non marquée, ni féminine ni
masculine. Lorsqu’il faut nommer la fonction indépendamment de
la personne qui l’exerce, le nom de la fonction au masculin doit être
retenu, surtout s’il s’agit de fonctions qui incarnent l’autorité de
l’État. Madame X est conseiller d’État. Elle est adjoint au maire. Au
point de vue sémantique, le masculin générique, qui est le genre non
marqué, utilisé pour désigner la fonction s’emploie comme «le neu-
tre»: choisir un premier ministre, e´lire un pre´sident n’excluent pas les
candidatures féminines alors que choisir une première ministre et
e´lire une pre´sidente écarteraient les candidats masculins. En utilisant
l’épicène générique, «on vise un concept, une notion, sans réalisation
particulière ou spécifique».4 De façon générale d’ailleurs, la distinc-
tion entre la fonction et la personne qui occupe cette fonction est
pertinente. L’information selon laquelle Une Anglaise est la premie`re
navigatrice à avoir boucle´ le tour du monde en tel temps, intéressante
en soi, est linguistiquement regrettable. L’Anglaise en question n’est
pas la premie`re navigatrice, mais le premier navigateur...
Dans certains cas, il est cohérent de parler de la fonction au
masculin et de désigner la titulaire de la fonction au féminin: (la
fonction de) ministre, de conseiller, de rapporteur, mais la ministre,
la conseille`re, la rapporteuse.5
Néanmoins, la distinction selon laquelle le masculin désigne la
fonction et non la personne n’a jamais été appliquée à l’ouvrie`re ni à
l’infirmie`re. Cette distinction ne serait valable que pour les fonctions
dites nobles ou élevées: juge, ministre, magistrat, me´decin, procureur.
Toutefois, les épicènes ne sont pas sans risques. Lorsque l’épi-
cène est au pluriel, le féminin n’est plus visible: les chefs, des juges,
ces ministres. C’est une des raisons pour lesquelles les Québécois
et les Québécoises abandonnent de plus en plus l’emploi du mascu-
lin générique. Au pluriel aussi, d’une façon générale, «la formule
[selon laquelle] ‘‘Le masculin l’emporte sur le féminin’’ irrite les
féministes».6
4
Becquer, A., et al., Femme, j’e´cris ton nom...Guide d’aide à la fe´minisation des
noms de me´tiers, titres, grades et fonctions (Paris: La documentation française, 1999),
at 37.
5
Yaguello, M., «Le féminin comme catégorie biologique, sociale et grammaticale.
Étude comparée du français et de l’anglais». in Extension du fe´minin. Les incertitudes
de la langue, ed. M.-J. Mathieu (Paris: Champion, 2002), 59–67.
6
Goosse, A., Me´langes de grammaire et de lexicologie françaises (Louvain-
la-Neuve: Peeters, 1991), at 90.
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«La facilité [...] avec laquelle le français sait former des féminins différenciés de-
vrait vraiment détourner les femmes adoptant des professions jusqu’à ces derniers
temps exclusivement masculines de ridiculiser leurs efforts méritoires par des
dénominations masculines écœurantes et grotesques, aussi attentatoires au génie de
la langue qu’aux instincts les plus élémentaires de l’humanité. N’y en a-t-il pas qui
s’intitulent sur leurs cartes de visite: «Maıˆtre Gise`le Martin, avocat», et d’autres
qui se font adresser leur correspondance au nom de Mademoiselle le Docteur Lou-
ise Renaudier? Le bon sens populaire a jusqu’ici résisté à cette extraordinaire entre-
prise; on dit couramment une avocate, une doctoresse [...] Une plus juste
conception de leur véritable place et de leurs légitimes aspirations, en même temps
que le respect de leur langue maternelle, devrait au contraire leur conseiller de re-
noncer au préjugé bizarre en vertu duquel beaucoup d’entre elles croient recevoir
une marque de mépris quand on leur donne un titre à forme féminine. [...] Ne se
rendent-elles pas compte que, bien au contraire, au point de vue social même, elles
ne font, en laissant obstinément à leur titre sa forme masculine auprès de leur
7
Khaznadar, E., «Métalangage du genre: un flou artistique». in Extension du
fe´minin. Les incertitudes de la langue, ed. M.-J. Mathieu (Paris: Champion, 2002),
25–44.
8
Grevisse, M. et Goosse, A., Le bon usage. Grammaire française (Paris – Louvain-
la-Neuve: Duculot, 13e éd. 1993), § 478, a et Histoire; et § 490.
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10
Houdebine-Gravaud, A.-M., «Différenciations sexuelles dans les langues et
identification sociale des femmes ou de la féminisation des noms de métiers». in
Extension du fe´minin. Les incertitudes de la langue, ed. M.-J. Mathieu (Paris:
Champion, 2002), 13–23.
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Règles morphologiques
Règle générale: on ajoute un -e à la forme du masculin
- lorsque le nom est terminé au masculin par une voyelle dans l’écriture: de´pute´/
de´pute´e; apprenti/apprentie; mais juge/juge, épicène, garde son e final.
- ou lorsque le nom est terminé au masculin par une consonne dans l’écriture: pre´-
sident/pre´sidente; artisan/artisane; marchand/marchande; avocat/avocate; magistrat/
magistrate; expert/experte; plombier/plombie`re; contractuel/contractuelle; chirurgien/
chirurgienne; maçon/maçonne.
Les noms masculins terminés en -eur ou en -teur sont traités à part.
La forme féminine se termine par -euse ou -teuse lorsqu’au nom correspond un
verbe en rapport sémantique direct: chercher – chercheur/chercheuse; et acheter –
acheteur/acheteuse.
11
Information communiquée par P. Vachon-L’Heureux, que nous remercions ici.
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La forme féminine se termine par -trice lorsqu’il n’existe aucun verbe correspon-
dant ou lorsque le verbe correspondant ne comporte pas de t dans sa terminaison:
une aviatrice, une administratrice, la directrice, une institutrice, la rectrice.
La forme féminine est identique à la forme masculine lorsqu’au nom ne cor-
respond pas de verbe: la docteur, une inge´nieur, la procureur, la professeur.
Règles syntaxiques
On recourt systématiquement aux déterminants féminins: une architecte, la comp-
table, cette pre´sidente.
Les adjectifs et les participes en relation avec les noms au féminin s’accordent sys-
tématiquement au féminin avec ces noms, y compris dans les appellations profes-
sionnelles complexes: une conseille`re principale, une contrôleuse adjointe, la nouvelle
inge´nieur technicienne; la pre´sidente directrice ge´ne´rale s’est montre´e inte´resse´e.
12
Conseil supérieur de la langue française, «Les rectifications de l’orthographe»,
in Journal officiel de la Re´publique française. Documents administratifs, 6 décembre
1990.
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13
RENOUVO (Réseau pour la nouvelle orthographe du français), Le millepatte
sur un ne´nufar. Vade´me´cum de l’orthographe recommande´e (France: AIROÉ; Suisse:
ANO; Belgique: APARO; Québec: GQMNF, 2004). Sites de l’internet: www.re-
nouvo.org et www.orthographe-recommandee.info
14
APARO (Association pour l’application des recommandations orthographi-
ques), L’essentiel de la nouvelle orthographe. Les huit-cents mots les plus fre´quents.
Abre´ge´ du vade´me´cum (Bruxelles: APARO, 2001). Site de l’internet: http://
www.fltr.ucl.ac.be/FLTR/ROM/ess.html et adresse électronique:
aparo@renouvo.org
15
Académie française, Le Dictionnaire de l’Acade´mie française (Paris: Imprimerie
Nationale, 9e éd. 1992 et 2000), 2 vol. et fascicules parus jusqu’à onglette.
16
Tre´sor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe sie`cle
(1789–1960) (Paris: C.N.R.S. et Gallimard, 1971–1994), 16 vol.
17
Rey, A., Le Grand Robert de la langue française (Paris: Dictionnaires Le Robert,
2001), 6 vol.
18
Lexique anglais-français-japonais des sports olympiques. Jeux d’hiver, Paris,
INSEP, 1997.
19
Lexique anglais-français-grec des sports olympiques. Jeux d’e´te´, Paris, INSEP,
2004.
DIRE ET SE DIRE AU FE´MININ 21
«Pour les noms en -eur dans la famille desquels on ne rencontre pas de verbe de
radical identique et de sens directement apparenté (auteur, inge´nieur, successeur
...), en 1994, le Conseil signalait l’existence au Québec et en Suisse de formations
féminines en -eure (une auteure, une inge´nieure, une successeure); il exprimait tou-
tefois sa préférence pour les formes dont le féminin ne se marquerait que dans les
déterminants (une auteur, une inge´nieur, une successeur). Depuis lors, on peut cons-
tater que les féminins en -eure s’implantent dans les habitudes d’usagers de plus en
plus nombreux, en Belgique, en France (ils sont d’ailleurs intégrés dans le guide
Femme, j’e´cris ton nom..., publié en France), au Québec et en Suisse romande.
Dans ces cas, le Conseil ouvre à présent totalement le choix entre les formes clas-
siques en -eur et celles en -eure, qui assurent davantage la visibilité des femmes, en
particulier lorsque les mots sont accompagnés de déterminants élidés ou au pluriel
(l’auteure, les auteures vs l’auteur, les auteurs). En tout état de cause, dans la ter-
minaison -eure, le -e est purement graphique et ne doit pas plus s’entendre à l’oral
que dans contractuelle, directrice ou mineure.»20
20
Ibidem Note 1, at 18.
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4. Féminisation et Identité
21
Mathieu, M.-J., «Le féminin n’est pas neutre». in Extension du fe´minin. Les
incertitudes de la langue, ed. M.-J. Mathieu (Paris: Champion, 2002), 118–126.
DIRE ET SE DIRE AU FE´MININ 23
5. Conclusion
22
Coutier, M., «Le féminin des noms de personne en -(t)eur: résistances et con-
currences». in Extension du fe´minin. Les incertitudes de la langue, ed. M.-J. Mathieu
(Paris: Champion, 2002), 69–93.