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Collection dirigée
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jean de salisbury
et la renaissance
médiévale du scepticisme
PARIS
LES BELLES LETTRES
2013
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qui est l’un des rares médiévaux, sinon le seul, à se dire explicitement
Academicus, et à rapporter sa démarche philosophique à la pratique
néo-académicienne, exemplifiée par Cicéron. Une seconde étude suivra
consacrée au problème sceptique, c’est-à-dire non plus simplement la
réception d’une doctrine antique, mais la mise au jour des voies par
lesquelles les médiévaux, par accumulation successive des arguments,
et sédimentations textuelles, enrichissent le concept de scepticisme
au point de rendre possible le passage d’une conception antique à une
conception moderne du scepticisme comme défi général lancé à toute
théorie de la connaissance5.
Écrire l’histoire du scepticisme sur la longue durée soulève un
certain nombre de difficultés méthodologiques. La principale est celle
de l’invariant historique, et de l’identité, à travers les âges, des pratiques
que recouvre le terme « scepticisme ». Désigne-t-il un phénomène unique,
que l’on retrouve à différentes périodes de l’histoire de la pensée ?
L’attitude la plus immédiate pour répondre à une telle question, devrait
consister à partir d’un paradigme, à savoir – puisque le scepticisme a une
origine précisément identifiable –, la philosophie de Pyrrhon d’Élis, et
éventuellement ses ramifications néo-pyrrhonienne et néo-académicienne.
Le scepticisme grec serait alors la pierre de touche à l’aune de laquelle
on peut évaluer le retour, ou non, du scepticisme dans l’histoire de la
pensée. De façon structurellement semblable, le philosophe peut décider
d’ériger en paradigme du scepticisme une forme de questionnement
typique de l’épistémologie moderne et contemporaine (le scepticisme
comme problème du monde extérieur, par exemple). Ces deux attitudes
relèvent, l’une et l’autre, de ce que P. Vignaux, dans un article fondamental
pour la méthodologie en histoire de la philosophie6, nomme la méthode
a priori : l’enquête d’histoire de la philosophie qui adopte cette méthode
détermine ce que signifie le scepticisme, ou le nominalisme dans le cas
de Vignaux, ou tout autre mouvement intellectuel, et cherche ensuite
ce qui, au Moyen Âge, correspond à cette définition, éventuellement
en la modifiant à la marge. Il s’agit donc d’élaborer un modèle à valeur
heuristique, à partir de nos préoccupations philosophiques actuelles. À
l’inverse, la méthode a posteriori consiste à identifier ce que signifiaient,
durant la période considérée, les termes « scepticisme », « nominalisme »,
introduction 13
etc., ou des termes proches si ceux-ci n’existent pas en tant que tels, et
à identifier les critères distinctifs retenus. Une telle méthode suppose
donc un travail d’éclaircissement conceptuel afin de produire, en quelque
sorte, un concept autochtone du scepticisme. Ces deux méthodes ne sont
pas exclusives l’une de l’autre, et répondent à des finalités différentes.
Elles ne sont pas non plus, ni l’une ni l’autre, dépourvues de risque.
En particulier, la méthode a priori risque de nous faire manquer les
transformations historiques du concept étudié produites par un nouveau
contexte. La recherche, par cette méthode, des formes de scepticisme
peut s’avérer périlleuse, en ce qu’elle conduit trop souvent à réduire
le scepticisme au seul fait de douter, et à confondre ainsi une activité
critique naturelle à l’esprit humain avec une attitude qui est d’abord
philosophique. Répétons-le, le doute est une condition nécessaire mais
pas suffisante du scepticisme. Prendre prétexte, par exemple, du prologue
du Sic et Non, pour en faire une preuve du scepticisme d’Abélard me
semble des plus discutables. Mais surtout, cette méthode a priori est
périlleuse en ce qu’elle risque de conduire à des contresens historiques,
comme l’équivalence trop souvent posée entre scepticisme et athéisme. Au
Moyen Âge, comme à la Renaissance, le scepticisme est bien davantage
lié au fidéisme qu’à l’athéisme7.
Pour identifier la forme médiévale du scepticisme, il semble donc
préférable de s’interroger sur ce que les philosophes médiévaux eux-
mêmes entendaient par scepticisme. Il faut, pour cela, s’interroger sur
les conditions de la réception médiévale du scepticisme antique, et sur
les modifications induites par une telle réception.
Il faut donc s’efforcer de comprendre ce que les médiévaux ont identifié
comme scepticisme. Dans cette perspective, le scepticisme apparaît d’abord
comme une attitude philosophique extrême, proche de la déraison, dans
certains cas, qui consiste à soutenir que rien ne peut être connu. C’est
précisément parce que cette attitude est extrême qu’il est nécessaire de la
réfuter, mais aussi, qu’il est possible de l’utiliser comme un argument ad
hominem, de sorte que l’on est toujours le sceptique de quelqu’un d’autre,
alors que nul ne peut se revendiquer sceptique. L’origine de cette conception
du scepticisme se trouve principalement dans la conjonction d’une source
augustinienne (mal comprise ou déformée, puisque les authentiques
14 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
C’est pourquoi ils ont été jetés bas alors même qu’ils avaient été
élevés, et pour s’être appelés sages, ils furent rendus fous (Ro, 1,
22), et leur cœur insensé fut obscurci, de sorte que, eux qui avaient
approfondi presque toutes les questions, devinrent accoutumés à
l’erreur la plus pernicieuse sur la plupart des sujets, et devinrent
ignorants des plus petits problèmes en raison de la division de leurs
opinions variées13.
Contre ceux qui veulent douter même de ces objets, il reprend les
arguments ad hominem de saint Augustin : celui qui doute de tout est
semblable au sot et confond l’indécision, indigne du philosophe, avec la
modestie. Plus encore, le sceptique radical est semblable au léthargique
ou à l’insensé. Le sceptique radical est donc conduit à des absurdités qui
le disqualifient du champ de la philosophie :
Qu’y a-t-il de plus inepte que d’être indécis sur toutes choses et de
n’avoir de certitude sur rien, tout en réclamant le nom de philosophe.
Car ceux qui doutent de tout, parce qu’ils n’ont de certitude sur
rien, sont étrangers tant à la foi qu’à la science. […] En outre, si
l’académicien doute de chaque chose, il n’est certain de rien, à moins
peut-être que cette incertitude qu’il possède puisse, elle-même, être
à la fois douteuse et certaine, si les contraires pouvaient exister sous
le même rapport et en même temps. Mais s’il lui est incertain qu’il
doute, pendant ce temps il ne sait pas qu’il ne sait pas23.
Mais il n’est pas permis de douter des choses qui résultent de ces
principes, aussi longtemps qu’il est manifeste qu’elles sont déduites
logiquement ; car les sujets discutables doivent être débattus jusqu’à
ce que leur accord avec un principe ou une conclusion soit évident. Il
n’est pas inutile de douter des choses particulières ; et à ce propos les
académiciens ont introduit le débat sur les probabilités en attendant
de trouver la vérité34.
En d’autres termes, pour Jean, les réalistes ont le tort de parler more
geometricum, c’est-à-dire de poser l’existence de formes abstraites,
comme on peut en trouver en mathématiques, alors même que les
mathématiques sont inadéquates pour rendre compte de la contingence
de notre monde115.
Nous savons, donc, indubitablement, par la foi, qu’il y a dans
l’entendement divin des idées qui déterminent la structure ontologique
de la réalité mais il est impossible pour nous de les connaître. En outre,
la raison nous prouve que les idées ne peuvent exister à l’état séparé.
Ainsi, l’ignorance de notre raison, éclairée par la foi, doit nous inciter,
prudemment, à adopter sur la question des idées un point de vue plus
proche de celui d’Aristote.
78 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
part, du fait qu’il y a des idées dans l’entendement divin, qui constituent la
structure ontologique du réel, même si nous ne pouvons pas les connaître
par la raison ; d’autre part, que toute notre connaissance doit s’appuyer
sur des perceptions sensibles, faillibles et révisables. C’est dans cette
perspective que l’on peut comprendre la thèse de Jean selon laquelle
l’idée n’est qu’une fiction.
Comme on l’a vu, Jean soutient que la nature des choses, au sens de
leur principe d’existence, correspond aux idées divines et reste pour nous
inconnaissable, quoique accessible par la foi. Néanmoins, nous pouvons
chercher à les reconstruire rationnellement, par des processus abstractifs.
L’efficace du langage, qui stabilise le réel, permet d’inférer une nature
à partir des qualités sensibles apparentes. Nous avons une connaissance
des espèces et des genres à partir de la forme de la substance, ou du
moins des effets de cette forme. Ainsi, je peux inférer du fait que Platon
et Socrate sont rationnels, et affectés par les choses sensibles, qu’ils
sont des hommes, et qu’ils possèdent l’humanité, de même que je peux
déduire des actes justes produits par Socrate qu’il participe de l’idée
de justice126. Mais dans la mesure où nous ne pouvons connaître avec
certitude l’adéquation entre cette nature inférée et l’idée divine, Jean
qualifie l’idée ou l’universel de fiction (figmentum) :
son imitation. En effet, toute chose est d’autant plus vraie qu’elle
exprime plus fidèlement l’image de Dieu, et à mesure qu’elle s’en
écarte davantage, elle s’évanouit dans ce qu’il y a de plus faux137.
l’impiété. […] Vois dans quel abîme d’erreur ils tombent du haut de
leurs configurations célestes. Ils attribuent toutes choses aux états
du ciel. Tu verras quelle injure est faite à celui qui a créé le ciel et la
terre, et toutes les choses que l’on y trouve. Ensuite, leurs états du
ciel conduisent les choses de façon nécessaire de sorte que périt la
liberté de l’arbitre143.
S’il n’y a pas d’autre méthode évidente, je préfère douter des choses
singulières avec les Académiciens que de définir au hasard ce qui est
caché et inconnu, au moyen de l’imitation pernicieuse d’un savoir,
surtout là où le monde entier se dressera contre mes assertions. C’est
pourquoi j’écoute d’autant plus volontiers les Académiciens qu’ils
ne retirent rien à ce que je sais, et dans bien des cas ils me rendent
plus prudent144.
sensible152. Dès lors, selon Jean, la nature humaine est marquée par une
double infirmité, l’une due à sa nature, l’autre au péché :
Du vrai à l’utile
L’homme qui souhaite échapper, autant que faire se peut, à la vanité
doit pratiquer la philosophie, c’est-à-dire chercher la vérité et des choses
et de Dieu, la première étant un moyen d’accéder à la seconde. Cependant,
une telle recherche pour être féconde et pertinente doit viser le culte
de Dieu. C’est la vénération de Dieu qui justifie, à rebours, la peine
dépensée dans la pratique de la philosophie. En revanche, toute philosophie
qui chercherait la vérité pour elle-même, sans la relier à sa dimension
cultuelle, serait aussi vaine qu’inutile. C’est en quelques mots, le but
que Jean assigne à la philosophie au début de l’un des derniers chapitres
du Metalogicon158. Cette subordination de la théorie philosophique à
la pratique religieuse n’est en rien liée à une quelconque ancillarité de
la philosophie par rapport à la théologie, mais découle des obstacles
inhérents au savoir selon Jean de Salisbury.
94 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
grâce divine sont marqués par la folie et par une inutile libido sciendi.
À l’inverse, la vraie philosophie, dans sa double dimension sceptique et
chrétienne, invite l’âme à délaisser, ou du moins à modérer, son désir
de connaître le monde pour se tourner vers l’utile et l’avantageux. Ce
passage du vrai à l’utile est explicitement rapporté au scepticisme :
En effet, celui qui donne leurs lois aux astres, qui règle les cycles
temporels selon le frein de ses volontés, qui accorde les événements
à ses propres échéances, quand il le veut et comme il veut, celui-là
peut produire un effet nouveau et étonnant par sa nature, ou rare,
au moyen de causes concourantes qui ont coutume de s’apparier
différemment191.
Jean laisse donc entendre que le miracle repose toujours sur un ensemble
de causes disponibles. À aucun moment, Dieu ne suspend véritablement
le cours de la nature. Simplement, il joue avec les combinaisons possibles
des causes. Une telle position est d’ailleurs en accord avec le scepticisme
Les principes du scepticisme 101
de Jean qui insiste sur la contingence des lois de la nature en leur refusant
une véritable nécessité192. Ce que nous qualifions de loi n’est que la
combinaison la plus fréquente des causes concourantes. Il s’agit, ce
faisant, de tenir le milieu entre l’universelle nécessité des stoïciens
et le hasard généralisé des épicuriens. Dans ce cadre, Jean peut bien
reconnaître l’effectivité des miracles : Dieu, et par son intermédiaire, les
saints également, produisent des miracles, c’est-à-dire réorganisent les
causes naturelles193. D’une certaine facçon, il n’y a qu’une différence de
degrés et non de nature entre ce que nous appelons un phénomène naturel
et un miracle. C’est pour cette raison que Jean peut décrire l’action des
médecins comme un quasi-miracle, eux qui dans certains cas paraissent,
aux yeux du vulgaire, pouvoir ressusciter un mort. Ce qui nous retient d’y
voir un miracle, c’est non seulement les échecs ponctuels des médecins,
mais aussi les querelles entre les sectes médicales. Si la vérité est une,
ces querelles attestent de ce que les médecins ne vont guère au-delà de la
simple probabilité194. Encore une fois, donc, c’est le scepticisme qui nous
retient de donner notre assentiment, et nous invite à toujours chercher
sans cesse les causes des choses dans les limites de la raison.
Ainsi, face aux miracles, nous sommes tous dans la position du
vulgaire face au médecin : le miracle est un phénomène qui relève
d’un ordre qui nous échappe, et qui humilie la raison. Comment, dans
ce cas, peut-on identifier les miracles, et les distinguer des pratiques
magiques condamnables qui s’appuient sur l’aide des démons ? Il faut
se souvenir que ce qui fait d’un phénomène un miracle n’est pas tant sa
nature que sa fonction : un miracle est finalisé par la manifestation de la
gloire divine. Le miracle s’inscrit ainsi, typiquement, dans le cadre de
la substitution sceptique de l’utile au vrai. Dans la mesure où la vérité
nous est inaccessible, c’est-à-dire, en l’occurrence, dans la mesure où
nous n’avons pas une connaissance complète des systèmes de causes et
des rapports entre les choses, c’est la loi de Dieu, et le principe de l’utile
qui doit primer. C’est ce qui ressort des récits des différents miracles liés
à Thomas Becket après son martyre. Dans la narration tant des miracles
immédiatement consécutifs au martyre195, que de ceux plus tardifs (comme
celui survenu lorsqu’il était évêque de Chartres196), Jean insiste sur le
fait que tous ces phénomènes sont entièrement finalisés par la gloire de
102 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Dieu. En outre, ces miracles sont attestés par des autorités fiables, en
l’occurrence le témoignage direct de Jean, corroboré par celui d’autres
clercs. Ces récits de miracle s’accordent parfaitement avec la théorie du
miracle de Jean et plus largement avec son scepticisme chrétien. Ainsi,
le miracle de Chartres : un ouvrier de l’abbaye Saint-Pierre à Chartres
ayant fait preuve d’un scepticisme excessif en attribuant les miracles de
Thomas à l’imagination humaine (figmentis hominis), et ayant en outre
blasphémé publiquement en défiant Thomas Becket de l’étouffer, se
retrouva privé de toute voix et dérangé mentalement (obmutuit et uultu
coepit menteque turbari). Ce premier miracle du saint a pour fonction
de punir le blasphémateur et de montrer publiquement sa puissance,
puisque, aussitôt, la rumeur se répand et la ville entière vient constater
l’événement. Les amis et parents de l’infortuné tentent, d’abord, de
remédier à cet état, mais sans succès, en lui faisant toucher le tombeau
de S. Lubin dans la Cathédrale. À son retour, Jean est donc sollicité. Le
récit est alors l’occasion d’exemplifier le pouvoir des reliques. Ne pouvant
résister à l’émotion générale (Flebant autem in circuitu, et ego et qui
mecum aduenerant non potuimus a lacrimis continere), Jean a recours
à une relique, à savoir un peu du sang du martyr, qu’il avait recueilli au
moment du meurtre. Après avoir invité l’assemblée à prier, il présente
la relique au muet qui retrouve alors la voix pour implorer le saint. On
a dans ce récit tous les éléments du miracle que l’on a vu auparavant :
Jean insiste sur la dimension publique des événements, (publicité du
blasphème, publicité de la rémission) le témoignage étant une condition
nécessaire pour que l’événement soit au moins probable. Il insiste aussi
sur les nécessaires limites de la raison, et donc du scepticisme : celui qui
renvoie les miracles dans le strict domaine de l’imagination, refusant d’y
voir une manifestation de la foi, fait un usage orgueilleux de sa raison, et
comme les philosophes païens, doit être rendu fou par Dieu. Enfin, Jean
insiste sur le fait qu’une relique ne vaut qu’à proportion de la foi des
fidèles et n’agit pas mécaniquement comme une cause naturelle ordinaire.
C’est sans doute le sens de l’allusion à S. Lubin. Il ne suffit pas de faire
toucher une relique au malade (ici le tombeau du saint), mais il faut en
outre un acte de prière collectif. Il faut croire à l’efficacité de la relique,
tout autant que dans le pouvoir de Dieu197.
Les principes du scepticisme 103
sans doute puni par Dieu car il refuse de se comporter comme vecteur de
la gloire divine. Ce critère de la gloire de Dieu permet ainsi de discriminer
les faits relevant ou non du miraculeux. Si Jean n’exclut pas absolument
l’idée d’un miracle profane (qui ne serait pas réalisé par le vecteur d’un
membre de la turba sanctorum199), il exclut absolument en revanche que
des impies puissent accomplir des miracles. Par exemple, Anchise qui se
signale par ses mauvaises mœurs ne peut être considéré comme auteur
de miracles200. C’est donc bien la gloire de Dieu qui produit la certitude
du miracle, devant laquelle la raison doit s’incliner :
On pourrait certes lire dans ces lignes une critique de Pierre Abélard,
ou du moins un écho des nombreuses disputes sur La Trinité, dont
Jean fut le témoin, à commencer par le procès intenté à Gilbert de
Poitiers, qu’il rapporte dans l’Historia pontificalis206. En fait, le but pour
Jean n’est pas tant de jeter l’anathème207 que de rappeler un principe
herméneutique qui traverse l’ensemble de son œuvre : chaque méthode
ne vaut que dans un contexte déterminé, au-delà duquel elle produit
la fausseté208. Dès lors, s’il est légitime d’utiliser ponctuellement les
outils de la logique pour rendre compte des propriétés divines, il faut
106 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Mais comme le dit Augustin dans le livre De l’ordre, Dieu est mieux
connu en étant non connu. […] Ailleurs, il dit aussi que l’ignorance
de Dieu est la plus vraie des sagesses que nous pouvons avoir à son
propos. Et aussi : ce n’est pas une petite science de Dieu que de
savoir ce que Dieu n’est pas, puisque l’on ne peut absolument pas
savoir ce qu’il est211.
d’appeler l’humanisme de Jean est bien de former les esprits, mais cette
formation est sous-tendue par une conception sceptique du savoir. De
fait, l’ouverture d’esprit, la modération et le discernement, que réclame
le scepticisme, s’acquièrent via cette forme d’encyclopédisme mise en
œuvre par Jean lui-même.
Dès lors, on comprend que Jean de Salisbury attire à plusieurs reprises
l’attention sur ce que doit être une bonne éducation. Des instruments
strictement formels, comme la logique, ne peuvent suffire à mettre en
œuvre cette pluralité des points de vue. Il faut une approche plus concrète
des problèmes, que seule permet la fréquentation assidue de l’historia, des
res gestae, et de la poésie. L’encyclopédisme nécessaire à la démarche
sceptique est ainsi intimement lié au principal outil méthodologique utilisé
par Jean, à savoir l’exemplum, dont on verra dans le chapitre suivant
les enjeux éthiques. L’exemplum, en proposant la synthèse précisément
contextualisée d’une expérience, est apte à donner des éléments de
réponses concrets au problème qu’il faut résoudre ; et la multiplication
des exempla permet de circonscrire les conditions de validité de telle ou
telle solution et d’approcher la vérité. Toute la théorie éducative de Jean
de Salisbury est donc orientée par ce souci de rendre possible l’acquisition
d’un certain matériau, des exempla, qui permette d’aborder un problème
dans une perspective éminemment sceptique.
parle avec chaleur ont été en contact avec Bernard de Chartres : Guillaume
de Conches, Richard l’Évêque, Thierry de Chartres (auprès de qui il a
étudié la rhétorique), Gilbert de Poitiers. Quoique de façon indirecte, la
méthode pédagogique de Bernard revêt une importance fondamentale
pour les conceptions éducatives de Jean.
Néanmoins, cet héritage pédagogique va recevoir chez Jean une
inflexion nouvelle, dans le sens du scepticisme qui irrigue toute sa
démarche philosophique. De fait, la dimension sceptique de ce projet est
nettement affirmée, dix ans plus tard, dans un chapitre du Policraticus
qui reprend ces éléments de pédagogie :
Mais peu nombreux sont ceux qui daignent imiter les Académiciens,
puisque chacun choisit le modèle qu’il suivra davantage selon sa
fantaisie que selon la raison. Certains sont distraits par leurs propres
opinions, d’autres par celles de leurs enseignants, d’autres par leur
association avec les foules. Car de quoi peut-il douter celui qui ne
jure que par les mots de son maître, et n’est pas attentif à ce qui est dit
mais à celui qui le dit ? Tout ce dont il a été imbibé dans sa jeunesse,
il l’aboie avec véhémence, pensant l’extraire du plus profond des
secrets de la philosophie. Celui qui est captif de l’opinion de son
enseignant est prêt à disputer sur la laine du mouton, croyant qu’est
incroyable la chose inconnue qui sonne à ses oreilles, et il n’admet pas
les arguments rationnels. Tout ce que dit son maître est authentique
et sacro-saint18.
sur le seul ingenium et qui enseigne à tout savoir par soi-même. C’est
sous un pseudonyme, Sertorius21, qu’est désigné le promoteur de cette
pédagogie, mais Jean, vraisemblablement, s’inspire d’Adam du Petit-
Pont (qui est pourtant un de ses amis) ou du moins de ses disciples, qui
semblent visés ici22. Le discours qui leur est attribué fait l’éloge de la
nouveauté contre les dicta veterum, et rejette par conséquent toute forme
livresque de savoir :
permettrait de traiter toute question philosophique. Dans les deux cas, c’est
une culture universelle concrète qui est valorisée contre une technicité
formelle et vide. À l’inverse, ne retenant de l’éloquence que sa partie
élocutoire, Cornificius défend la naturalité de cette capacité et l’inutilité
des techniques mises en œuvre pour la développer. Il est donné à chaque
homme de parler, et ce don ne peut être modifié : certains sont destinés
à bien parler, d’autres non33. Il est donc inutile d’étudier les règles de
l’éloquence. En revanche, Cornificius propose de substituer à ces règles
un ensemble de techniques logiques qui permettent d’appliquer le langage
à toutes choses. Un petit nombre de matrices argumentatives permet de
disputer formellement sur tous les sujets, dès lors que la forme l’emporte
sur le fond :
Dès lors, Cornificius peut proposer à ses étudiants une sorte de méthode
de la philosophie sans peine, où la simulation et la feinte l’emportent sur
la recherche sincère de la vérité.
Cette critique du formalisme logique, propre à l’enseignement scolaire
du milieu du xiie siècle est généralisée par Jean dans le Policraticus :
ces philosophes occupent l’espace avec une ou deux règles logiques
et quelques belles paroles qui suffisent à résoudre tous les problèmes
proposés à la dispute et à séduire les étudiants. En même temps, cette
plasticité de la logique, qui permet de s’adapter facilement aux questions
disputées, ne va pas sans une certaine obscurité qui permet à ces maîtres
de dissimuler leur ignorance du fond. Cette dissimulation repose sur une
118 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
double stratégie : soit s’en tenir au détail, soit à l’inverse ne parler que de
généralités35. La stratégie qui leur permet de dissimuler leur ignorance
sous le voile des mots est analysée par Jean de Salisbury dans un chapitre
du Policraticus. À cette occasion, ce type d’enseignants est explicitement
rapporté aux sophistes, eux qui cherchent à présenter l’apparence du
sage mais qui, loin d’être des amatores sapientiae, sont des iactatores
sapientae36. Le principe recteur de cette attitude est une verbosité telle que
l’abondance des mots permet en quelque sorte de déconnecter le discours
de la réalité37. De fait, pour dissimuler son ignorance, sans se donner la
peine de chercher la vérité, il faut, en premier lieu, rendre le sens des mots
parfaitement obscur et inintelligible en les mêlant et en les multipliant38.
Cette abondance verbale, qui a pour vertu de séduire la foule, produit
moins qu’un argument probable, une imitation du probable39. À cette
verbosité s’ajoutent, en second lieu, plusieurs stratégies d’évitement qui
permettent de rester à la surface d’un problème. D’abord, il faut refuser
d’analyser un problème, d’entrer dans le détail, pour toujours se contenter
d’argumenter40. Ensuite, il faut toujours refuser l’explication du sens des
mots, l’analyse d’un texte, au prétexte que la lettre tue41. Enfin, il faut
répondre par un long discours à une question42.
Le point commun à Cornificius et à ces maîtres, c’est leur volonté
d’efficacité et de rapidité. Il faut être capable de faire face à toute forme
de situation qui se présente, et y faire face rapidement au moyen d’un
petit nombre de méthodes malléables. Sans doute une telle évolution de
l’enseignement répond-elle à une demande du public étudiant, en quête
de rentabilité immédiate pour des études coûteuses43. Il n’est donc guère
étonnant que parmi les débouchés principaux des cornificiens, on trouve,
notamment, la médecine et les fonctions curiales, qui correspondent à
cette orientation pratique de l’enseignement libéral44. On est donc loin
de la conception de l’enseignement libéral comme ce qui, libérant des
soucis mondains, permet, par cette forme de détachement, de s’adonner
à la philosophie45.
Ainsi, de façon générale, ce contre-modèle met en avant un certain
nombre de défauts qui s’opposent point par point aux qualités que Jean
exige d’un enseignement philosophique. En premier lieu, ces pseudo-
philosophes valorisent la virtuosité logique, présentée par Jean comme
L’humanisme comme éducation au scepticisme 119
Or, que certaines clés doivent être enseignées qui sont expédientes
aux apprentis philosophes qui font attention à la méthode pour trouver
une forme de la vérité, le vieillard de Chartres l’a exprimé en peu de
mots. Et bien que je ne puisse être séduit par la douceur de son vers,
j’en approuve le sens, et je crois devoir le présenter fidèlement aux
esprits des apprentis philosophes : « un esprit humble, l’application
mise à chercher, une vie paisible/l’examen silencieux/la pauvreté/une
terre étrangère/ont pour habitude de dévoiler à beaucoup les choses
obscures à la lecture58.
122 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Il est inepte, en effet, celui qui désire dominer des écrits dont
il doit s’instruire, et qui, ayant capturé leur sens, s’efforce de les
entraîner vers son propre sens qui leur répugne. Car chercher en eux
ce qu’ils n’ont pas, c’est obstruer leur sens et non apprendre ce qui
est inconnu. […] Quiconque, donc, attente à l’intégrité des Écritures
par les capacités de son intelligence ou de ses études en vue de son
propre plaisir, demeure étranger à l’intelligence du vrai60.
en effet que quelqu’un a dit : on est plus sûr de la vérité que l’on
entend que de celle que l’on affirme. En effet, en écoutant on garde
son humilité, alors que celui qui parle se laisse souvent prendre
par l’orgueil69.
Car l’Apôtre n’a pas dit : tout ce qui a été écrit est vrai, mais : tout
ce qui a été écrit l’a été en vue de notre instruction (Ro, 15, 4)78.
œuvre la méthode probable présentée par Aristote dans les Topiques. Les
vérités de la foi, et celles de la logique démonstrative, qui constituent deux
formes de nécessité, délimitent le champ du savoir probable où la liberté
d’enquête intellectuelle doit être complète, et où l’on pourra évaluer les
différents degrés de vérité jusqu’à atteindre une quasi-certitude. L’idée
que la vérité émerge, partiellement, par identification et confrontation
des contraires constitue la base de la logique sceptique mise en œuvre
par Jean. L’érudition qu’il prône prend sens dans ce cadre de l’examen
contradictoire des opinions. Chaque enseignement des Anciens est un
point de vue sur un objet incertain, point de vue qu’il faut prendre en
considération et soumettre à l’examen rationnel. Ainsi, la confrontation
des opinions, pour être réelle et approfondie, doit passer nécessairement
par une forme d’érudition.
C’est donc la multiplication des opinions qui seule permet d’approcher
la vérité. Et l’on ne doit pas craindre, au contraire, de rencontrer des
opinions contradictoires : Jean en avertit son lecteur au début du
Policraticus. Le mélange du vrai et du faux est une méthode (Jean parle
même d’une stratégie militaire) qui permet de conduire à la vérité83. Ainsi
les contradictions entre les faits relatés par les historiens sont rapportées
explicitement à la méthode sceptique de recherche du plus probable. Ce
décalage entre doctrina et veritas est, en quelque sorte, érigé en méthode
dès la préface du Policraticus, quand Jean explique qu’il a mêlé le vrai
au faux dans la perspective d’être utile à son lecteur :
Mais j’ai pris soin d’insérer la matière pertinente tirée de divers auteurs
pourvu qu’ils fussent profitables et secourables, parfois en taisant leur
nom, non seulement parce que tu reconnaîtras pleinement que la plupart
d’entre eux te sont connus, en raison de ton entraînement dans les lettres,
mais aussi pour inciter l’ignorant à une lecture plus assidue. Si certaines
choses s’éloignent trop largement de la vraie foi, j’ai confiance en ton
indulgence pour moi qui n’ai pas promis que tout ce qui est écrit ici est
vrai, mais, vrai ou faux, je l’ai inséré à l’usage des lecteurs84.
Dès lors, il ne s’agit plus tant de statuer sur le vrai que partager
avec le lecteur divers points de vue représentés par des auctores et qui
L’humanisme comme éducation au scepticisme 131
La nature de l’exemplum88
Au sens large, l’exemple relève du genre de l’induction. À la suite
d’Aristote et de Cicéron, Jean semble estimer qu’il y a deux méthodes
de recherche du vrai, à savoir l’induction et la déduction89. Pour autant,
son vocabulaire est un peu fluctuant, puisqu’à une occasion il qualifie
l’induction de syllogisme rhétorique (en se réclamant des Premiers
Analytiques90), et dans une perspective semblable, il réserve l’induction
à la seule rhétorique et le syllogisme à la dialectique91. Mais de façon
générale, l’induction semble bien être le terme générique qui permet de
désigner la méthode de découverte et d’application du probable. Sur ce
point, Jean semble avoir profité des leçons de Thierry de Chartres. Ce
dernier, dans son Commentaire du De inventione de Cicéron élabore une
théorie de l’induction assez semblable :
Mais la force de cet art est plus efficace dans les argumentations.
Il est même plus contraignant dans les syllogismes, qu’il soit complet
et parfait, ou que la proposition intermédiaire soit supprimée à la
manière d’un enthymème, il précipite la conclusion. C’est pourquoi
on en fait davantage usage envers autrui93.
Comme on l’a déjà vu, Jean de Salisbury, en accord avec son scepticisme
et dans une perspective éthique, est conduit à substituer le critère de l’utile
à celui du vrai. Ce n’est pas par sa vérité qu’une autorité doit se signaler,
mais par le profit qu’un lecteur peut en retirer pour lui-même. Jean renonce
donc à dire le vrai pour se contenter plus modestement d’indiquer l’utile.
La mise au jour d’autorités, dont on verra qu’elles ne peuvent avoir de
valeur que contextuelle, est liée à cette recherche de l’utile.
Dans cette perspective, si l’induction vise à approcher l’exemplaire
universel, l’archétype qui sert d’idéal régulateur, en multipliant la
fréquence des observations et en dégageant par une induction abstractive
les points communs à chaque événement, un problème se pose dans le
cas de l’exemple, quant à sa matière même, à savoir la res gesta, qui
interdit une telle fréquence110. La multiplication des exemples, ici, ne
peut complètement remplacer la fréquence des observations puisque
le contexte ne sera plus le même (or, dans un processus inductif, les
circonstances ne doivent changer que de façon marginale). Il faut donc
trouver un critère qui permette de suppléer celui de fréquence. C’est
le rôle de la familiarité qui suppose une capacité de l’écrivain ou de
l’orateur à s’adapter à l’horizon d’attente de son public. Mais plus
largement, il faut déterminer comment s’élabore le fait historique afin
de montrer comment la construction du fait historique permet d’en
augmenter la probabilité111.
140 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Certaines choses que je n’ai pas trouvées dans les livres d’autorités,
je les ai prises dans l’usage quotidien et dans l’expérience des choses,
comme dans une sorte de catalogue des comportements. Si ces
recherches semblent approcher l’exercice de la philosophie la plus
grave, l’esprit qui a animé la démarche est plus proche des pratiques
des Académiciens que du combattant-né, de telle sorte que chacun,
dans l’examen de la vérité, se sente libéré du jugement et de l’autorité
des écrivains qu’il juge inutile, quand il propose un argument plus
puissant113.
fable et l’histoire sont deux types de narration qui se distinguent par leur
rapport à la vraisemblance. La fable est indifférente à la vérité et à la
fausseté, tandis que l’histoire recherche la vraisemblance. Cette théorie
est présentée par Thierry dans son Commentaire du De inventione123. La
narratio se partage en narratio oratoria qui rapporte le fait, digressio
qui rapporte ce qui lui est extrinsèque, et enfin historia ou poema qui en
indique la cause éloignée. Cette dernière catégorie se divise à son tour
en trois sous-catégories : la fabula à laquelle fait défaut la vraisemblance
et la vérité, l’argumentum qui rapporte un fait fictif mais vraisemblable,
et enfin l’historia, report de faits éloignés temporellement. Jean fait
allusion à cette tradition dans le cadre de sa présentation de la méthode
d’enseignement de Bernard de Chartres124. Mais surtout, il distingue
explicitement le poète et l’historien par leur rapport à la vérité125.
À un niveau supérieur, donc, se trouvent les récits des historiens. Ils
attestent d’une certaine fiabilité des faits rapportés, même si l’éloignement
temporel affaiblit le critère de familiarité, qu’il faut alors renforcer en
croisant les témoignages. Le cas des références aux livres des Maccabées
présentés comme des livres historiques dans le prologue de l’Historia
pontificalis est assez explicite : ainsi, dans un cas, Jean juxtapose Énée
et Maccabées, et renforce son discours par des marqueurs de fiabilité
(« constat », « credibile »)126 ; à une autre occasion, le livre des Maccabées
est garanti par le témoignage de Grégoire le Grand127. Il y a donc, dans la
construction de l’exemplum historique, une accumulation des autorités qui
permet de renforcer leur force de conviction, en multipliant les témoins
les plus fiables128.
La question que l’on peut se poser est de savoir en quelle mesure et dans
quel but une fable peut être utilisée comme exemplum. À la fin du prologue
du premier livre du Policraticus, Jean demande l’indulgence du lecteur pour
ses fantaisies (figmenta) littéraires et celles des auteurs classiques :
On retrouve, ici, ce que l’on a déjà vu, à savoir que l’utilité de l’ins-
truction est à elle-même sa propre justification, par-delà la question du
vrai et du faux, le plus souvent indécidable. Ce primat de l’utile peut
alors permettre de valider le recours à la fiction dans une œuvre de phi-
losophie. Cette remarque intervient à un moment où il a reconnu avoir
utilisé certains mensonges dans son œuvre :
Mais si l’on découvre que ce que j’ai écrit et ce que disent les
auteurs ailleurs est différent, on ne doit pas soutenir que j’ai menti,
puisque dans les stratégies militaires, j’ai suivi les historiens qui,
fréquemment, divergent entre eux, et sur les questions philosophiques,
disputant en Académicien dans les limites de la raison, j’ai adhéré à
ce qui apparaissait probable. Et je ne rougis pas d’affirmer compter
parmi les Académiciens moi qui, à propos des choses douteuses au
sage, suit leurs traces. En effet, bien que cette secte semble introduire
l’obscurité sur toutes choses, nulle n’est plus fiable dans l’examen de
la vérité, selon Cicéron qui dans sa vieillesse s’est tourné vers elle,
nulle n’est plus parente du progrès130.
principalement sur l’opinion publique, alors même que les histoires attestent
plutôt de son mauvais caractère. Pour l’établir, Jean, reprenant Trogue
Pompée et Justin, établit un portrait croisé de Philippe et d’Alexandre.
Les qualités et les vices de l’un et de l’autre conduisent à relativiser la
valeur morale tant du père que du fils :
Or, j’ai trouvé d’après mon jugement dans une chronique historique
que nul ne fut plus célèbre que cet Alexandre, que l’opinion publique
qualifia de grand. Assurément, je continue à penser (quoique je
parle sans offense à ceux qui préfèrent la témérité à la vertu) que le
pauvre Pythagore fut plus grand que le richissime Alexandre. Afin
que tu le penses avec moi, parcours la comparaison de Philippe et
Alexandre écrite par Trogue Pompée ou (si tu préfères) son résumé
par Justin152.
Doxographie et dissension
L’œuvre de Jean de Salisbury contient deux doxographies, l’une dans
l’Entheticus (qui couvre les vers 451-1274), l’autre dans le Policraticus
(livre VII, chap. 1-7). Déjà, dans la première de ces œuvres, Jean précise
le but de l’étude des Anciens, à savoir recueillir les fruits du travail
accompli par les philosophes, tout en étant guidé par l’Esprit saint :
On est libre de douter et d’enquêter sur ces sujets [sc. les chemins
vers la béatitude], jusqu’à ce que, grâce à la confrontation des thèses,
la vérité illumine pour ainsi dire par une sorte de collision des
arguments14.
Conditions et finalités d’une éthique sceptique 157
Ainsi, on peut soutenir avec une forte probabilité que la fin de l’éthique
a été correctement identifiée et qu’il s’agit du bonheur. Jean va même
plus loin et soutient que l’on retrouve une certaine convergence entre
les trois sectes principales, stoïcienne, péripatéticienne et épicurienne,
dans l’identification d’un moyen du bonheur, à savoir la frugalité ou la
tempérance. Il y a un consensus pour faire de l’activité philosophique
une activité modératrice. Mais, par-delà ces convergences, néanmoins,
on peut identifier plusieurs divergences importantes sur la manière
d’atteindre le bonheur :
Un autre pense que la joie de l’esprit est le plus grand des biens,
Et il enseigne que toutes choses sont subordonnées au plaisir.
C’est assurément correct, si le plaisir est pur.
Si le principe de cette affirmation comprend les vrais plaisirs,
Si un état stable est désiré, de sorte que soit possible ce que veut
L’esprit, appliqué à de pieux désirs, et que ne soit pas possible ce qu’il
ne veut pas,
Si l’effort aspire à conférer un vrai repos,
Si l’esprit a tranquillement la joie de la paix.
L’effort obligeant travaille pour la paix, et désire
Ce qui peut prolonger sa joie ;
L’effort établi dans la vertu s’adoucit, et en lui
L’âme joyeuse consciente des biens qu’elle fait se renforce21.
Je pense que ceux qui veulent en toutes choses imposer leur volonté
doivent mériter le nom d’épicurien. Car, quand les choses sont au
service du désir, l’affect se transforme en volupté26.
C’est encore une grille de lecture augustinienne qui est appliquée ici
pour condamner l’épicurisme : cette philosophie est vaine après le péché
originel qui occasionne la perte de toute volonté efficace chez l’homme.
La domination post-lapsaire de la libido interdit toute vie tranquille et
toute satisfaction autonome du désir. Cette grille de lecture est encore
explicite quand Jean place au fondement de l’épicurisme une libido
comprise comme volonté perverse et vaine27. On retrouve donc l’idée que
l’épicurisme est une philosophie rendue caduque par le péché originel,
et que seule la grâce divine, en tant qu’elle permet la jouissance de biens
éternels, peut restaurer dans certains de ses aspects, en l’occurrence la
jouissance d’une volupté pure.
L’attitude face aux stoïciens est plus constante, de l’Entheticus au
Policraticus. Dans la première doxographie, c’est, encore une fois,
saint Augustin qui fournit une clé de lecture28. Si la meditatio mortis
à laquelle est principalement réduit le stoïcisme est profitable en tant
qu’elle est liée au mépris du monde qui doit caractériser la philosophie,
elle contient en germe le danger de l’orgueil qui conduit le philosophe
à se reposer entièrement sur ses propres forces et à dépasser les bornes
de la modération :
Tout le problème encore une fois tient à la modération que l’on peut
mettre dans la recherche des biens. Celui qui cherche ces biens au-delà de
ce qu’impose la nécessité, et qui les ordonne à son propre plaisir, s’adonne
au vice, tandis que celui qui soumet ces biens à la mesure et les ordonne
au bien commun pourra en faire un usage vertueux. C’est donc bien la
seule vertu qui rend heureux, mais elle s’appuie elle-même utilement sur la
dimension affective de l’homme. En ce sens, le but de l’éthique des vertus
mise en œuvre par Jean est de restreindre l’intempérance fondamentalement
présente en l’homme, de façon latente, dans l’appetitus commodi :
166 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
d’une vie philosophique, une vie moralement bonne reste possible pour
celui qui s’engage, comme Thomas Becket, destinataire des principales
œuvres de Jean, dans une carrière politique. À cet égard, Jean considère
en s’appuyant sur sa propre expérience, que le principal enjeu d’une telle
éthique est de garantir contre les perturbations qui assaillent l’esprit et
interdisent la tranquillité de l’âme. En d’autres termes, c’est la question
de la résistance à la Fortune qui est au cœur de cette réflexion 71. La
réponse à ce problème passe par un réinvestissement de la distinction entre
l’intériorité et l’extériorité qui met l’accent sur la vanité de l’extériorité et
la réalité de l’intériorité. Par ce biais, le thème classique du contemptus
mundi, qui est selon Jean l’une des constantes de toute philosophie72, est
repris dans une perspective nettement sceptique fondée sur l’opposition
entre les apparences et la réalité.
des choses, ce que nous sommes, ou pour quel genre de vie nous
sommes mis au monde […]. En effet, cette contemplation engendre
un quadruple fruit, la conscience de sa bassesse, l’amour du prochain,
le mépris du monde, et l’amour de Dieu82.
Or, tandis que l’esprit est occupé à de nombreuses choses qui sont
peu pertinentes pour lui, il se disperse loin de lui-même, et la plupart
du temps s’oublie lui-même. Assurément, il n’y a pas d’erreur plus
funeste. Car se connaître, comme le dit Apollon, est en quelque sorte
la sagesse suprême. Quelle utilité y a-t-il pour l’homme à connaître la
nature des éléments ou de ce qui est constitué d’éléments, à chercher
une théorie des proportions des grandeurs et des nombres, à observer
le conflit des vices et des vertus, à s’appliquer aux enchaînements
176 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
En effet, il y a chez tous les hommes un amour de soi non pas tant
apparié qu’inné. Cet amour, s’il a dépassé toute mesure, tend vers la
faute. En effet, toute vertu est limitée par ses propres fins, et consiste
dans la modération. Si tu les dépasses, tu es dans l’envie non dans la
voie. Si cet amour croît, personne ne peut espérer de soin. C’est en
178 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
effet une lèpre plus incurable que toute lèpre. […] Celui, donc, qui
ne tempère pas cet amour, qu’il craigne cette lèpre, et qu’il craigne
encore plus l’aveuglement qui en procède87.
Néanmoins, ce qu’il faut surtout remarquer, c’est que Jean fait subir au
platonisme sceptique de Cicéron une inflexion vers une forme chrétienne
de scepticisme. La progression est en effet la suivante : en premier lieu,
il faut s’efforcer de dépasser le niveau de la sensation car c’est ainsi
que l’âme connaît Dieu, ce qui est sa finalité ; néanmoins, en deuxième
lieu, il faut souligner qu’il n’y a pas de saisie complète de l’âme par
elle-même (comme le prouve le fait que l’œil ne se perçoit pas), mais
que l’âme appréhende ce qui est autre ; de ce fait, en troisième lieu,
l’âme ne perçoit d’elle-même que ses facultés, mais celles-ci attestent
de sa divinité. Dès lors, la connaissance de l’âme est analogue à celle
de Dieu : partielle et indirecte maintenant, elle sera complète après la
mort. La foi et la raison nous enjoignent à admettre sa dimension divine.
On a donc une thèse certaine : l’âme est image de Dieu. Mais nous ne
connaissons cette âme que par ses facultés, de façon probable. D’où la
conclusion de Jean : même si le contexte sceptique de la connaissance
interdit une connaissance complète de l’âme, il reste possible de trouver
un certain nombre de substituts à cette connaissance impossible. Ce qui
est en jeu, en filigrane ici, c’est la thèse constante de Jean selon laquelle
une substance quelle qu’elle soit, et l’âme ne fait pas exception, n’est
jamais connue que par inférence à partir de perceptions des qualités ou
des effets de cette substance97. La connaissance par l’homme de son
esprit ne résulte pas d’un savoir direct sur lui-même, par une vision qui
nous donnerait une connaissance certaine, mais relève d’une inférence
probable. Ainsi, la connaissance de soi ne peut pas être la source
d’une connaissance absolument infaillible, puisqu’elle est elle-même
faillible car indirecte et conjecturale. Par conséquent tout le savoir
sensible, y compris de nous-mêmes, est fondé sur les perceptions
sensibles, et on connaît toujours indirectement ce que l’on suppose
être fixe et stable derrière les apparences mouvantes. On voit donc que
pour Jean, contrairement à Augustin, la perception intellectuelle ne
jouit d’aucune sorte de privilège par rapport à la vision sensible. Elle
ne garantit pas davantage l’adéquation du sujet et de l’objet, dans la
mesure où ce que nous percevons, ce sont toujours des phénomènes,
spirituels et non matériels en l’occurrence, mais ceci ne change rien :
nous n’avons pas d’accès à notre substance, à ce qui fait notre nature
Conditions et finalités d’une éthique sceptique 183
Et ce qui est pire, ils s’investissent tant dans leur comédie, qu’ils ne
peuvent plus revenir à eux-mêmes quand il le faut. J’ai vu des enfants
imiter si longtemps des bègues que, même lorsqu’ils le souhaitaient,
ils ne parvenaient plus à parler correctement. Car la pratique, comme
quelqu’un l’a dit, est difficile à désapprendre, et l’habitude devient
une seconde nature, de sorte que quoique tu la rejettes avec force,
elle revient encore107.
richesses, par son mépris pour les flatteurs et les critiques, ce qui le conduit
à atteindre cet idéal de franc-parler qui doit caractériser le philosophe113.
Tous ces éléments sont repris dans une lettre, où ce franc-parler permet à
Aristippe de conserver une égalité d’âme et une joie en toutes circonstances,
ainsi qu’une capacité à philosopher au milieu des frivolités :
Or, une telle attitude devrait a fortiori être celle des chrétiens qui ont
confiance dans le royaume du Christ. La distance vis-à-vis de la comédie
sociale ne signifie donc nullement retrait hors du monde115. L’homme
véritablement vertueux pourra s’investir dans la vie publique, tout en
préservant l’intégrité de sa conscience, et le détachement nécessaire pour
faire face aux aléas de la Fortune. Cette situation est exemplifiée par
Thomas Becket lui-même, notamment dans la version hagiographique
que Jean donne de sa vie. De fait, la Vita, qui relève en partie de la
construction littéraire à visée apologétique, justifie la période curiale de
Thomas Becket en reprenant implicitement le thème du masque de théâtre.
Il souligne ainsi que, dès son entrée à la cour, après ses études, il adopta
en apparence un mode de vie curial, cédant aux codes de la courtoisie,
tout en conservant son intégrité morale en son for intérieur :
Or, bien que, étant pressé par l’aiguillon de l’âge, il fut poussé
par ses goûts juvéniles, il exerçait cependant sa force dans le zèle
de la foi et la magnificence de l’âme. Il était, pourtant, capable de
saisir la faveur populaire au-delà de toute mesure, et ce que l’on lit
à propos du bienheureux Brictius de Tours, je ne douterais pas que
l’on pût l’affirmer de lui : même s’il était orgueilleux et vain, et de
188 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
On trouve déjà ici, dans le cadre d’une réflexion sur la fortune, les
éléments qui vont constituer la base du scepticisme de Jean. Ce dernier
cherche en effet à dépasser la mutabilité trompeuse du sensible, la
confusion du vrai et du faux qu’elle produit, et l’inefficacité de la raison
qui en découle. C’est donc, encore une fois, l’examen méthodique et
multiple des choses qui, sans prétendre à la vérité, peut indiquer quand
suspendre son jugement et quand adhérer aux données des sens, c’est-
à-dire permettre un usage raisonné et pertinent de son libre arbitre. En
même temps, Jean souligne déjà ici, dans la perspective constante de
son scepticisme chrétien, que l’exercice autonome de la raison et de
l’affection, c’est-à-dire le double accès à la vérité et à la justice, n’est plus
possible après la Chute. Comme on l’a vu, il est donc nécessaire de s’en
remettre préalablement à la grâce pour mettre en œuvre le libre arbitre ;
et pratiquer véritablement la philosophie. Le philosophe, et à plus forte
raison le philosophe chrétien qui s’appuie sur la foi, ne sera pas ému par
la dimension transitoire du monde qui « passe comme une ombre126 ».
Les réflexions de Jean de Salisbury sur le theatrum mundi et la Fortune
s’inscrivent donc de façon plus générale dans la promotion d’un mode de
192 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Mais il est jadis venu un doute parmi les sages à savoir si quoi
que ce soit de l’homme est justement étranger à l’homme. Or, le
processus des vertus dénoue le nœud du doute puisque, d’une part
l’auteur de comédie estime que rien d’humain ne lui est étranger,
d’autre part le maître des cieux a enseigné que l’homme doit aimer
l’homme comme soi-même134.
par les vertus mêmes des philosophes, dont on a vu que Jean les enracine
dans la vie affective, et d’un point de vue théologique, par les exemples
et les préceptes des Écritures. Ce dernier point a été précisé auparavant :
c’est en raison de son opposition à la compassion que l’insensibilité doit
être rejetée, car la compassion est le précepte fondamental du message
chrétien, et quiconque est membre du corps du Christ ne peut rester
insensible aux douleurs de son prochain.
Dans une perspective plus restreinte, la caritas se comprend comme
la forme la plus parfaite de l’amitié141. La continuité entre l’amitié des
philosophes païens et la charité des philosophes chrétiens est nettement
soulignée par Jean. Ce qui rapproche ces deux formes d’affection, c’est
d’abord une commune relation à Dieu, dans la mesure où leur absence
rend la vie sans joie et odieuse tant à Dieu qu’aux hommes :
Et, bien que la mémoire de cet ami commun, quel qu’il soit, soit
joyeuse, et que sa théorie semble probable, il y a des choses, je pense,
dont chacun pourra tirer consolation pour son affliction. C’est en effet
une grande chose que d’être illuminé par les dignités des charges,
mais c’en est une plus grande sans doute que les mêmes hommes
soient mis en valeur par l’honneur des vertus […] Plût au ciel que si
nous n’atteignons pas la récompense de nos études, du moins nous
ne soyons pas privés du mérite qu’elles octroient157.
Une fois énoncés ces deux principes d’action, un exemplum (dont nous
ne connaissons pas la teneur) et une théorie probable, Jean en vient au
fait qui occupait la lettre de Geoffrey. Sans en rappeler les détails, il note
simplement que Geoffrey le met en garde à la fois contre la pusillanimité
et la crainte du soupçon :
Le rôle d’un ami est de faire en sorte que la pratique de la vertu soit
constante, et pour cela il faut faire l’inverse de ce que fait le flatteur :
montrer en face les vices auxquels on succombe, et surtout inciter
l’ami à rentrer en lui-même pour qu’il se découvre tel qu’il est par-
delà les apparences sociales et le confronter à sa propre conscience.
De la sorte, l’ami se trouve être l’un des principaux facteurs de la
connaissance de soi.
Conditions et finalités d’une éthique sceptique 201
Ainsi, toute l’action éthique est fondée sur la pratique de la vertu, rendue
possible d’une part par la grâce divine, et d’autre part par la connaissance
de soi. Néanmoins, si le moi et Dieu sont les deux pôles de cette éthique,
Jean ne prône aucune forme de solipsisme, mais insiste au contraire
sur l’importance d’autrui, d’une part comme bénéficiaire de la vertu,
via l’humanitas présente en tout homme vertueux, d’autre part comme
membre d’une societas amicale fondée sur des rapports intellectuels et
une sympathie mutuelle. L’éthique de la distance prônée par Jean comme
remède aux maux de la Fortune et comme condition de l’équanimité
n’est pas une mise à distance absolue du monde, mais seulement la claire
conscience des vices du monde, et en particulier de la cour. En opposant
flatterie et amitié, Jean fait effectivement de la communauté intellectuelle
amicale un contre-modèle social nécessaire.
Dès lors, comme on l’a vu168, la foi fournit en quelque sorte ses
principes à la philosophie, à partir desquels elle peut mener une enquête
rationnelle avec plus de sûreté, tant au niveau théorique qu’au niveau
pratique. Cette dimension chrétienne du scepticisme fonctionne à plus
forte raison dans le domaine de l’éthique où l’urgence de l’action suppose
de pouvoir lever le doute. C’est principalement dans les lettres les plus
tardives, celles de la période d’exil, au moment où l’urgence de l’action
se fait la plus pressante, que Jean met en avant ce primat de la foi, et
des Écritures qui en transmettent les préceptes, dans la détermination
des principes de l’action169. Le précepte négatif de toute action éthique
est énoncé dans la Lettre 177 : rien n’est licite qui mette en danger la
charité, qui est la vie de la foi, et les œuvres qui lui sont liées. C’est à
l’aune de ce principe, en particulier, qu’il faut juger tous les liens de
fidélité déterminant pour l’action dans un monde marqué par les relations
féodales170. C’est donc la loi divine qui doit être érigée en norme d’action
204 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Dans chaque cas, le débiteur est tenu par un serment ou par la publicité
de la promesse, et se trouve engagé dans une action dolente plus ou moins
malgré lui. De ces exemples, Jean déduit donc trois règles qui restreignent
le don contraignant et plus généralement la promesse. Une règle générale
qualifiée d’éthique, et reprise à Cicéron, exclut du champ de la promesse
les choses pernicieuses ou dangereuses. Elle est complétée du côté du
bénéficiaire par une loi d’amitié qui interdit de demander à un ami ce
qui n’est pas honorable. Le don contraignant est donc, en quelque sorte,
restreint au seul domaine de l’amitié où il se trouve étroitement contrôlé.
Enfin, une règle de droit achève cette clôture du don en interdisant toute
promesse dommageable :
conflit. La lettre fait donc sans doute allusion à cette attitude louvoyante,
et au risque qu’il abandonne le camp de Becket195. L’exemplum vient
illustrer une formule de Cicéron et souligne l’inutilité des regrets une fois
l’action commise, y compris dans les situations de tromperie auxquelles
est réduit le don contraignant. Il n’est plus question ici de ne pas tenir ses
promesses mais de prendre garde à ceux qui essaient de vous tromper.
C’est, de nouveau, le thème de la flatterie, largement développé au livre III
du Policraticus, et qui constitue pour ainsi dire l’essence du courtisan,
qui est dénoncé. Ainsi, la plasticité du même exemple permet d’insister
tantôt sur la contrainte du don, tantôt sur les conséquences d’une décision
prise à la légère. Dans un cas, il permet de déduire des règles éthiques
précises, dans un autre il vient seulement en illustration d’une maxime.
Comme on l’avait vu au chapitre 2, l’exemplum peut jouer à la fois un
rôle heuristique de mise au jour des règles d’action, et un rôle probatoire
d’illustration et de confirmation. C’est bien dans cette double perspective
que Jean utilise l’exemple de Phœbus .
Conclusion
(8, 17). Puis, de nouveau, Jean cite l’Ecclésiastique (3, 22) qui oppose
les prescriptions divines à l’examen de son œuvre. Si cet examen peut
être légitime, il doit être limité et subordonné à la loi divine. C’est ici
que Jean va introduire la supériorité de l’utile sur le vrai pour l’homme
marqué par la déficience. De fait, reprenant les éléments clés de son
scepticisme, il rappelle que la science dépend de la perception qui est
faillible. Cette faillibilité lui interdit de connaître l’utile, de sorte que
Dieu pour suppléer cette déficience a fait connaître sa loi. Après que la
vérité s’est rendue inaccessible aux hommes, il ne reste à ceux-ci qu’un
substitut pratique de la vérité qui est l’utile, connu par la loi divine. C’est
explicitement en réparation de l’erreur, fréquente dans la sensation et la
raison, que la loi doit intervenir :
Introduction
Chapitre premier
1. La date de naissance est calculée, par conjecture, à partir de la première date
connue avec évidence, celle de l’arrivée de Jean à Paris en 1136 pour ses études. Or, les
études supérieures commencent vers 15-16 ans, ce qui le fait naître au environ de 1120
(voir M. Demimuid, Jean de Salisbury, Paris, Ernest Thorin éditeur, 1873, p. 6). Mais
si l’on suppose qu’il a commencé ces études supérieures en Angleterre, il faut décaler
la date de quelques années, ce qui amène aux environs de 1115. Sur l’hypothèse d’un
passage de Jean à l’école cathédrale d’Exeter, voir C. Nederman, John of Salisbury,
Tempe, Arizona State University, 2005, p. 3-4.
2. Dans une lettre, il se dit « paruum nomine », sans que l’on puisse dire s’il renvoie
à un surnom ou à un statut social (Lettre 212, p. 342). Par ailleurs, dans le chapitre
autobiographique du Metalogicon, (II, chap. 10, p. 72, 54-58) il explique avoir dû enseigner
les enfants de la noblesse afin de pourvoir à sa subsistance : « Et quia nobilium liberos qui
mihi amicorum et cognatorum auxiliis destituto paupertati meae solaciante Deo alimenta
praestabant instruendos susceperam, ex necessitate officii et instantia iuuenum urgebar
quod audieram ad memoriam crebrius reuocare. » Sur le milieu familial de Jean, voir
F. Barlow, « John of Salisbury and his Brothers », Journal of Ecclesiastical History,
46/1, 1995, p. 95-109.
3. Voir Policraticus, II, 28, p. 167, 85 – 168, 103.
4. Cette date est donnée par Jean lui-même dans ce même chapitre du Metalogicon
à forte teneur autobiographique. Voir Metalogicon, II, 10, p. 70, 3-4.
5. Pour une bonne synthèse sur les années d’études de Jean de Salisbury, voir D. Bloch,
John of Salisbury on Aristotelian Science, Brepols, Turnhout, 2012, p. 1-25.
6. Deux hypothèses ont été proposées : soit il a appris le droit auprès des juristes
de Bologne lors de ses séjours italiens, soit, plus probablement, il s’est formé auprès de
Maître Vacarius, que Thibault avait fait venir auprès de lui à Canterbury. D’autres juristes
gravitaient d’ailleurs autour de la curie archiépiscopale, notamment Bartholomé d’Exeter.
Sur la question du droit chez Jean de Salisbury, voir l’introduction au premier volume
226 notes des pages 22 à 23
de The Letters of John of Salisbury, p. 20-23, et C. Brooke « John of Salisbury and His
World », in The World of John of Salisbury, p. 7-8. Sur Vacarius, voir J. Taliadoros, Law
and Theology in Twelfth-Century England. The Works of Master Vacarius (c. 1115/1120-
1200), Turnhout, Brepols, 2006. Vacarius rejoint l’évêque de Cantorbéry vers 1143-1149,
et il était présent au concile de Reims en 1148.
7. K. S. B. Keats-Rohan « John of Salisbury and Twelfth-century Education in
Paris from the Account of his Metalogicon », History of Universities, 6, 1986, p. 1-45 :
14-18.
8. Voir Historia Pontificalis, éd. et tr. Marjorie Chibnall, Oxford Medieval Texts,
Oxford, Oxford University Press, 1986, chap. 8, p. 15-17.
9. Metalogicon, III, prol. p. 101, 11-15 : « Siquidem Alpium iuga transcendi decies
egressus Angliam, Apuliam secundo peragraui, dominorum et amicorum negotia in
ecclesia Romana saepius gessi, et emergentibus uariis causis, non modo Angliam, sed
et Gallias multotiens circuiui. » Jean décrit son expérience italienne à plusieurs reprises.
Voir, en particulier, Historia pontificalis, op. cit., chap. 41, p. 80-82 (chapitre que Jean
conclut par ces mots : « Hiis presens interfui, unde ea ad gloriam Dei et honorem tanti
pontificis curaui diligentius enarrare. ») ; un épisode de son séjour à la cour du roi de
Sicile, et ses rapports avec le chancelier Robert Selby, est rapporté dans Policraticus,
VIII, 7, p. 270, 21 – 271, 10, et dans la Lettre 33, p. 57-58. A propos de Robert Selby,
voir l’exemplum anti-simonie rapporté dans Policraticus, VII, 19, p. 173, 18 – 174, 24.
Sur le contexte sicilien, voir G. A. Loud, The Latin Church in Norman Italy, Cambridge
University Press, Cambridge, 2007.
10. Voir C. Brooke, « Adrian IV and John of Salisbury », in B. Bolton et A. J. Duggan,
Adrian IV. The English Pope (1154-1159). Studies and Text, Aldershot, Ashgate, 2003,
p. 3-13. Voir la chronologie des séjours de Jean à la curie dans l’appendice de The Letters
of John of Salisbury, vol. 1, p. 253-256.
11. Voir G. Constable, « The Alleged Disgrace of John of Salisbury in 1159 »,
English Historical Review, 69, 1954, p. 67-76.
12. Sur cette querelle, voir le bel essai d’histoire intellectuelle proposé par B. Smalley,
The Becket Conflict and the Schools : A Study of Intellectuals in Politics, Oxford,
Blackwell, 1973.
13. Voir l’analyse de ses interventions par J. van Laarhoven, « Non iam decretam,
sed Evangelium ! Jean de Salisbury au Latran III », in M. Fois, Dalla Chiesa antica alla
Chiesa moderna. Miscellanea per il cinquantesimo della Facoltà di Storia Ecclesiastica
della Pontifica Università Gregoriana, Roma, 1983, p. 107-119.
14. Comme le souligne J. van Laarhoven dans son édition (p. 15), Thomas Becket
est encore qualifié de chancelier, ce qui suppose que l’ouvrage est terminé avant son
accession à l’archiépiscopat en 1162. Le poème a donc probablement été écrit entre
1154 et 1159. Néanmoins, Laarhoven admet qu’un premier jet du texte a pu être écrit
vers 1141-1145 (p. 51). De fait, pour des raisons internes, notamment le rapport au
scepticisme, il est hautement improbable qu’il soit postérieur aux autres œuvres. De façon
notes des pages 23 à 28 227
« … nous sommes sages en ce que nous suivons et que nous obéissons au meilleur des
guides, la nature en tant que dieu » (in hoc sumus sapientes, quod naturam optimam
ducem tamquam deum sequimur eique paremus).
45. Voir J. Ward, « Some Principles of Rhetorical Historiography in the Twelfth
Century », in E. Breisach (dir.), Classical Rhetoric and Medieval Historiography,
op. cit., p. 103-165.
46. Voir sur ce point, F. Lachaud, L’Éthique du pouvoir au Moyen Âge, op. cit.,
p. 179-186.
47. Le résumé des positions cicéroniennes dans l’Entheticus (v. 1215-1246, p. 185)
met l’accent sur les questions de la prescience divine et de la liberté humaine, mais il n’est
pas nécessaire de supposer une connaissance directe du De fato ou du De divinatione. En
effet, Jean semble dépendre entièrement du résumé qu’en donne Augustin dans De ciuitate
Dei, V, 9. Les exemples utilisés dans le livre II du Policraticus et susceptibles d’être
tirés du De divinatione peuvent provenir soit de Valère Maxime, soit de saint Jérôme.
Enfin, la solution « académicienne » au problème de la prescience, dans Policraticus II,
22, semble dépendre à la fois de saint Augustin et de Boèce, voire d’Abélard.
48. Policraticus, V, 4, p. 292, 12-14 ; Metalogicon, IV, 31, p. 168, 24-28.
49. En revanche, la citation de l’anecdote de Crassus (Fin. V, 92, Policraticus, VIII,
8, p. 274, 27-29) peut provenir de Jérôme ou d’Amien Marcellin, tandis que l’allusion
aux indifferentia (Fin. III, 53, Policraticus, VIII, 16, 9-10) pourrait être un emprunt
à Sénèque (Ep. 82, 10, voire 117, 9, si l’on admet une connaissance complète de la
correspondance).
50. Metalogicon, II, 13, p. 76, 44-47.
51. L. K. Barker, « Ms Bodl. Canon. Pat. Lat. 131 and a Lost Lactantius of John
of Salisbury : Evidence in Search of a French Critic of Thomas Becket », Albion, 22,
1990, p. 21-37.
52. Sur la tradition manuscrite voir L. Caeli Firmiani Lactanti, Opera omnia, pars
I, Divinae Institutiones et epitome divinarum institutionum, éd. S. Brandt, « Corpus
scriptorum ecclesiasticorum latinorum », vol. 19, Prague-Leipzig, 1880, Prolegomena,
caput I, p. 13-74.
53. Je donne un exemple de cette ingéniosité dans C. Grellard, « La seconde acculturation
chrétienne de Cicéron : la réception des Académiques du ixe au xiie siècles », Astérion,
11, 2013, http://asterion.revues.org/2350.
Chapitre 2
examinandae fidelior et, auctore Cicerone qui ad eam in senectute diuertit, nulla profectui
familiarior est ».
2. Voir l’introduction, p. 14-17.
3. Les chapitres du livre VII consacrés au scepticisme sont les chapitres 1, 2 et 7.
On trouve des éléments sur la démarche sceptique dans les chapitres 6, 8 et 9 également.
C’est au chapitre 2 que Jean reprend l’argument sceptique de la supériorité de la sensation
animale (mais dans une perspective opposée à celle des sceptiques puisqu’il s’agit de
montrer que l’homme se distingue par sa raison). Voir Policraticus, VII, 2, p. 96, 12 ;
97, 10. Il fait également allusion à l’argument du bâton brisé dans le Metalogicon, IV,
11, p. 150, 18-20.
4. Sur ce point, voir C. Grellard, « Academicus », op. cit., p. 12-14.
5. Voir Guillaume de Saint-Thierry, Disputatio adversus Petrum Abaelardum, cap. 1,
dans Opuscula adversus Petrum Abaelardum et de fide, Guillelmi a Sancto Theodorico
opera omnia, pars V, cura et studio Pauli Verdeyen, s.j. CCCM 89A, Turnhout, Brepols,
2007, p. 17. Sur cette controverse, on peut consulter, M. M. Davy, Théologie et Mystique
de Guillaume de Saint-Thierry. 1. La connaissance de Dieu, Paris, Vrin, 1954, p. 52-65 ;
C. Grellard, « Scepticisme et Incroyance. La querelle entre Guillaume de Saint-Thierry
et Pierre Abélard sur le statut de la foi », op. cit.
6. Policraticus, VII, prol., p. 93, 10-18 : « Si qua uero ad grauioris philosophiae
exercitationem uidentur accedere, Achademicorum more inuestigandi animo quam
peruicacia contendendi sic constet esse proposita ut in examinationem ueri suum cuique
iudicium liberum reseruetur et inutilis scribentium censeatur auctoritas ubi potior
refragatur. Propositum est tamen in his praecipue uersari unde perniciem error non
contrahit, et ad illorum diffinitionem praesumptione temeraria non assurgere in quibus
sine periculo non erratur. »
7. Voir par exemple, Cicéron, Academica priora, II, 3, 7.
8. Policraticus, VII, 1, p. 95, 20-22 : « Nonne ergo praeferendi sunt aliis quos
et asserendi modestia et tantorum uirorum commendat auctoritas? » ; ibid., VII, 2,
p. 95, 25-26 : « Non tamen omnes, qui Achademicorum censentur nomine, hanc dico
modestiae regulam tenuisse ; cum et professio scissa sit et pro parte tam risui pateat
quam errori. »
9. Policraticus, VIII, 12, p. 316, 20-21 : « Haec est enim fons et origo totius modestiae, sine
qua nichil recte in officiis exercetur. » Dès le chapitre 3 du livre VII, la notion de modestia
avait été inscrite dans la perspective plus large d’une éthique chrétienne en étant rapprochée
de la timor dei : « Siquidem scriptum est quia initium sapientiae et finis modestiae timor
Domini » (VII, 3, p. 101, 27-28).
10. Policraticus, VII, 1, p. 93, 29 – 94, 8 : « Antiquos quidem philosophos floruisse
ingeniis et studio profecisse iam non celebris opinio est sed omnibus in commune
persuasa sententia. Ad res enim ex natura fere incomprehensibiles studio et exercitatione
uiam sibi fecit ingenium, et illorum beneficio plurima publicata sunt posteris quibus
gaudemus et miramur inuentis. Mundum dimensi sunt, celum suis regulis subiecerunt,
232 notes des pages 40 à 41
naturae uarias scrutati sunt causas et uniuersitatis Opificem defecatis quodam modo
sunt oculis contemplati. Quasi ergo mole gigantea subuecti et iam non humanis uiribus
roborati intumuerunt indixerunt que bellum gratiae Dei de uigore rationis et libero
confisi arbitrio, ac si secundum fabulas essent celo captiuo uirtutum, quibus efferebantur,
brachia iniecturi. »
11. Entheticus, v. 721-726, p. 152 : « Sed fastus rationis obest, erroris amicus,/ quo
maculante fides evacuata perit./ Pessimus erroris comes est elata voluntas,/ quae fractas
mentes curvat ad omne malum./ Tertia praedictis adiuncta superbia vitae/ omnem virtutem
subruit atque necat. »
12. On peut voir une source possible de ce chapitre chez Augustin quand il explique,
dans les Confessions, à la fois que sa découverte de la philosophie naturelle des païens
lui a permis de comprendre la fausseté de la cosmologie manichéenne et que cette même
philosophie était incapable de reconnaître sa dette envers Dieu : « Et quoniam multa
philosophorum legeram memoriae que mandata retinebam, ex eis quaedam comparabam
illis manichaeorum longis fabulis, et mihi probabiliora ista uidebantur, quae dixerunt illi,
qui tantum potuerunt ualere, ut possent aestimare saeculum, quamquam eius dominum
minime inuenerint. […] Mente sua enim quaerunt ista et ingenio, quod tu dedisti eis, et
multa inuenerunt et praenuntiauerunt ante multos annos, defectus luminarium solis et
lunae, quo die, qua hora, quanta ex parte futuri essent, et non eos fefellit numerus. Et
ita factum est, ut praenuntiauerunt, et scripserunt regulas indagatas, et leguntur hodie
atque ex eis praenuntiatur, quo anno et quo mense anni et quo die mensis et qua hora
diei et quota parte luminis sui defectura sit luna uel sol : et ita fiet, ut praenuntiatur. Et
mirantur haec homines et stupent qui nesciunt ea, et exultant atque extolluntur qui sciunt,
et per impiam superbiam recedentes et deficientes a lumine tuo tanto ante solis defectum
futurum praeuident et in praesentia suum non uident. […] Sed non nouerunt uiam, uerbum
tuum, per quod fecisti ea quae numerant et ipsos qui numerant et sensum, quo cernunt
quae numerant, et mentem, de qua numerant ; et sapientiae tuae non est numerus. Se
autem unigenitus factus est nobis sapientia et iustitia et sanctificatio et numeratus est
inter nos et soluit tributum caesari. Non nouerunt hanc uiam, qua descendant ad illum a
se et per eum ascendant ad eum. Non nouerunt hanc uiam et putant se excelsos esse cum
sideribus et lucidos, et ecce ruerunt in terram, et obscuratum est insipiens cor eorum. »
(Augustinus Hipponiensis, Confessionum libri tredecim, V, c. 3, LLT-A).
13. Policraticus, VII, 1, p. 94, 9-13 : « Deiecti sunt itaque dum alleuarentur, et
dicentes se esse sapientes stulti facti sunt, et obscuratum est insipiens cor eorum, ut
qui omnia fere pernouerant perniciosissime errarent in maximis, et uariis distracti
opinionibus etiam minima ignorarent. » On trouvera une traduction de l’ensemble de ce
chapitre en appendice de mon étude « Le socratisme de Jean de Salisbury » in S. Mayer,
Réception philosophique de la figure de Socrate, Diagonale φ, 2, 2008, p. 35-59 : 58-59.
L’idée que certains philosophes païens ont pu, par leur seule raison, approcher certains
mystères divins est un lieu commun de la philosophie médiévale hérité notamment de
saint Augustin, De ciuitate Dei, VIII, 5-8.
notes des pages 41 à 44 233
14. Policraticus, VII, 1, p. 94, 22 – 95, 5 : « Sic et philosophi dum ingenii sui
machinas suo quodam teomachiae genere in altum erexerunt, eis uere incommutabilis
et indeficientis ueritatis subtracta est unitas, et ignorantiae nebulis obuoluti eorum quae
ab una et singulari ueritate uera sunt, maximam notitiam perdiderunt, uti in sensum
reprobum dati esse conuincerentur ab operibus suis, et tamquam recedente duce, Spiritu
scilicet ueritatis, dispergerentur in uarias sectas erroris et insanias falsas. »
15. Voir saint Augustin, Contra Academicos, II, 4, 11.
16. Policraticus, VII, 1, p. 95, 12-22 : « Achademici uero uitantes praecipitium
falsitatis in eo quidem modestiores sunt quod defectum suum minime diffitentur et in
rerum ignorantia positi fere de singulis dubitant. Quod quidem longe tutius est quam
incerta temere diffinire. Achademicorum quoque iuuat opinionem quod non modo Eraclides
Ponticus et Cicero noster, in summa ingeniosorum uirorum laude recepti, tandem ad eos
transierunt, sed et alii plures quos percurrere longum est. Nonne ergo praeferendi sunt
aliis quos et asserendi modestia et tantorum uirorum commendat auctoritas ? »
17. Entheticus, v. 1269-1274, p. 187 : « Sed cur gentiles numero, quos error adegit ?/
Omnis enim ratio deficit adsque fide./ Christicolae soli sapiunt, et philosophantur/ Vere,
quos tibi dat pagina sacra duces./ Censeo Christicolas cultu, non nomine Christi,/ quem
praestant homini vita pudica, fides. »
18. Je reviens sur le statut de l’épicurisme dans le chapitre 4.
19. Sur la place de Socrate chez Jean de Salisbury, voir C. Grellard, « Le socratisme
de Jean de Salisbury », op. cit., p. 35-60. Voir également, G. Dotto, Giovanni di Salisbury.
La filosofia come Sapienza, p. 161-167.
20. Sur la critique du scepticisme, voir en particulier saint Augustin, Contra Academicos,
II-III, passim, De Trinitate, XV, 21. Le terme academicus est repris comme accusation
d’irrationalité par G. de Saint-Thierry et B. de Clairvaux (voir ci-dessus, p. 231, n. 5).
Voir C. Grellard, « Academicus », op. cit., p. 18-19, et « Scepticisme et incroyance. La
querelle entre Abélard et Guillaume de Saint-Thierry sur le statut de la foi », op. cit.,
p. 247-249.
21. Sur la crise sceptique et ses aspects bénéfiques, voir les Confessionum libri
tredecim, V, 10 et 14. La notion de desperatio ueri apparaît dans les Retractationum libri
duo, I, 1, à propos de la motivation qui a poussé Augustin à écrire le Contra Academicos.
Il la reprend également dans la lettre 1.
22. Policraticus, VII, 7, p. 114, 24 – 115, 3 : « Quod alia sensus, alia rationis, alia
religionis auctoritate probantur ; et quod fides in omni doctrina aliquod stabile initium
uendicat quod probari non debet ; et quod alia per se doctioribus innotescunt, alia rudibus ;
et quatenus dubitandum sit ; et quod pertinacia ueritatis inquisitionem plurimum impedit.
Sunt enim nonnulla quae sensus rationis aut religionis persuadet auctoritas. Horum
dubitatio infirmitatis erroris notam habet aut criminis. Quaerere enim an sol splendeat,
albeat nix, ignis caleat, hominis est sensu indigentis. At uero an ternarius binario maior
sit ipsum que totum et medietatem eius contineat quaerere et an quaternarius sit duplus
binario, indiscreti est et cui est ratio otiosa aut deest omnino. Qui uero an Deus sit deducit
234 notes des pages 45 à 46
in quaestionem et an idem potens sapiens sit an bonus, non modo irreligiosus sed perfidus
est, et pena docente dignus est instrui. »
23. Policraticus, VII, 2, p. 96, 1-12 : « Quid enim ineptius quam fluctuare in singulis
et nullius rei habere certitudinem et nomen philosophi profiteri ? Nam qui de omnibus
dubitant, eo quod nichil habent certum, tam a fide quam a scientia aliena sunt. (…). Porro,
si de singulis Achademicus dubitat, de nullo certus est ; nisi forte et hoc ipsum incertum
habeat an contrariis existentibus in eodem circa idem posset et dubius et certus esse.
Sed an dubitet incertum habet, dum hoc ipsum nescit an nesciat. » Voir saint Augustin,
Contra Academicos, II, 9, 29.
24. Ce passage est repris littéralement par Jean de Galles dans le Compendiloquium
de vita illustrium philosophorum, Venise, 1496, f. 221 rab. Sur cet historien de la
philosophie, héritier de Jean de Salisbury, voir J. Swanson, John of Wales. A Study of
the Works and Ideas of a Thirteenth-Century Friar, Cambridge, Cambridge University
Press, 1989. Voir également, F. Lachaud, « Filiation and Context : the Medieval Afterlife
of the Policraticus », dans C. Grellard & F. Lachaud (dir.), A Companion to John of
Salisbury, Leiden-Köln, Brill, 2014.
25. Policraticus, VII, 2, p. 98, 6-15 : « Et quidem aduersus istorum ineptias magnus
pater et fidelis doctor Ecclesiae Augustinus sed et Cicero ualidis rationibus et sermone
elegantissimo copiosius disputant. Verumtamen ad illos qui de singulis dubitant quae
sapienti faciunt quaestionem, Cicero seipso teste transiuit ; nec eos noster Augustinus
persequitur, cum et ipse in operibus suis Achademico temperamento utatur frequentius
et sub ambiguitate proponat multa quae alii confidentius nec magis temerarie disputanti
non uiderentur habere quaestionem. »
26. Le texte le plus explicite à ce sujet est la question 9 des De diuersis quaestionibus
octoginta tribus, LLT-A : « Omne quod corporeus sensus adtingit, quod et sensibile
dicitur, sine ulla intermissione temporis commutatur ; uelut cum capilli capitis nostri
crescunt, uel corpus uergit in senectutem aut in iuuentutem efflorescit, perpetuo id fit
nec omnino intermittit fieri. Quod autem non manet percipi non potest ; illud enim
percipitur quod scientia conprehenditur ; conprehendi autem non potest quod sine
intermissione mutatur. Non est igitur exspectanda sinceritas ueritatis a sensibus corporis.
Sed ne quis dicat esse aliqua sensibilia eodem modo semper manentia, et quaestionem
nobis de sole atque stellis adferat, in quibus facile conuinci non potest, illud certe
nemo est qui non cogatur fateri, nihil esse sensibile quod non habeat simile falso, ita
ut internosci non possit. Nam ut alia praetermittam, omnia quae per corpus sentimus,
etiam cum ea non adsunt sensibus, imagines tamen eorum patimur, tamquam prorsus
adsint uel in somno uel in furore, quod cum patimur, omnino utrum ea ipsis sensibus
sentiamus an imagines sensibilium sint, discernere non ualemus. Si igitur sunt imagines
sensibilium falsae, quae discerni ipsis sensibus nequeunt, et nihil percipi potest nisi
quod a falso discernitur, non est constitutum iudicium ueritatis in sensibus. Quamobrem
saluberrime admonemur auerti ab hoc mundo, qui profecto corporeus est et sensibilis,
et ad deum, id est ueritatem quae intellectu et interiore mente capitur, quae semper
notes des pages 46 à 47 235
manet et eiusdem modi est, quae non habet imaginem falsi a qua discerni non possit,
tota alacritate conuerti. »
27. Policraticus, VII. 2, p. 98, 17-20 : « Sunt autem dubitabilia sapienti quae nec
fidei nec sensus aut rationis manifestae persuadet auctoritas et quae suis in utramque
partem nituntur firmamentis. » Sur la méthode de dispute in utramque partem, voir
Cicéron, notamment, parmi les textes que Jean pouvait avoir lu, De oratore, III, 80,
Tusculanes disputationes, I, 7-9 et II, 9, 2. Sur cette méthode chez Cicéron, A. Michel,
Les Rapports de la rhétorique et de la philosophie dans l’œuvre de Cicéron. Recherches
sur les fondements philosophiques de l’art de persuader, Louvain-Paris-Sterling, Peeters,
Dudley, 2003, p. 158-171 ; C. Lévy, Cicero Academicus. Recherches sur les Académiques
et sur la philosophie cicéronienne, Collection de l’École française de Rome, 162, Rome,
École Française de Rome, 1992, p. 276-290.
28. Parmi les questions théologiques soumises au doute sceptique, Jean donne l’exemple
de la nature des anges. Voir Policraticus, VII, 2, p. 99, 7-8 : « an angeli omnino sua non
habeant aut qualia habeant corpora » ; sur l’inconnaissabilité de Dieu pour la raison, voir
Policraticus, VII, 2, p. 99, 9-11 : « et quae pie quaeruntur de ipso Deo qui totius naturae
rationalis excedit inuestigationem et super omnia, quae mente possunt concipi, exaltatur »,
et Metalogicon, IV, 40, p. 181, 61-75 : « Quam utique nec plene nosse permittit immensitas
sui, et si nos non laboraremus infirmitate qua premimur, nec plene ignorare sinunt creaturae,
quae omnes quasi quadam publica attestatione Creatoris gloriam praeconantur. Hinc est
illud Salomonis in Prouerbiis. Non erigas oculos tuos ad opes quas habere non potes,
quia facient sibi pennas ut aquilae, et auolabunt in caelum. Vt autem ait Augustinus in
libro de ordine, Deus melius nesciendo scitur, quem siquis ignarus naturarum, et morum
rationum que, cupiditatum ue seruus, et rebus pereuntibus inhians aut forte caste uiuens,
et disciplinarum nescius, ingenii uiribus quaerendo et disputando inuenire confidit, procul
dubio tantum errabit, quantum errari plurimum potest. Alibi quoque. Ignorantia Dei, eius
uerissima sapientia est. Et item. Non est parua scientia de Deo scire quid non sit Deus,
quia quid sit omnino sciri non potest. » Sur les rapports entre scepticisme et théologie,
voir C. Grellard, « John of Salisbury and Theology » in C. Grellard et F. Lachaud (dir.),
A Companion to John of Salisbury, op. cit.
29. Policraticus, VII, 2, p. 99, 11-17 : « Possent in hunc modum ennarrari quam
plurima quae sic dubitationem sapeintis admittunt ut tamen dubitatio ipsa uulgum
praeterat. In his itaque facile crediderim Achademicos tanto modestius dubitasse quanto
eos temeritatis praecipitium diligentius praecauisse repperio. »
30. Policraticus, VII, 7, p. 114, 24 – 115, 7 : « Sunt enim nonnulla quae sensus rationis
aut religionis persuadet auctoritas. Horum dubitatio infirmitatis erroris notam habet aut
criminis. Quaerere enim an sol splendeat, albeat nix, ignis caleat, hominis est sensus
indigentis. At uero an ternarius binario maior sit ispumque totum et medietatem eius
contineat quaerere et an quaternarius sit duplus binario, indiscreti est et cui ratio otiosa
aut deest omnio. Qui uero an Deus sit deducit quaestionem et an idem potens sapiens
sit an bonus, non modo irreligiosus sed perfidus est, et pena docente dignus est instrui.
236 notes des pages 48 à 51
Sunt enim in omnibus philosophicis disciplinis quaedam prima et, ut ita dicatur Cratini
uerbo, primitiua principia de quibus eodem auctore dubitare non licet nisi his quorum
labor in eo uersatur ne quid sciant. »
31. Policraticus, VII, 7, p. 115, 7-16 : « Nam, sicut quaedam se corporeis sensibus
ingerunt ut apud sensatos latere non possint ; quaedam subtiliora sunt ut, nisi familiarus
adhibita et prospecta diligentius et pertracta sint, non sentiantur ; sic sunt aliqua tanta
sui luce perspicua ut latere non possint rationis aspectum sed communiter uideantur ab
omnibus magis tamen et minus pro capacitate et uiribus singulorum ; alia quidem sunt
quae quasi quodam scrutinio indigent et, quia istorum consecutiua sunt, diligentius
perscurtantem latere non possunt. »
32. Voir C. Grellard, « Argumentation topique et production de la croyance »,
op. cit., p. 232.
33. Voir ci-dessous les analyses de la théorie de l’induction proposée par Jean de
Salisbury, p. 62-63 et 70-71.
34. Policraticus, VII, 7, p. 117, 5-12 : « Sed nec de his dubitare licet quae ex principiis
consequuntur, dum ea tamen sequi planum sit ; interim namque sunt quaestionibusn
agitanda, dum illorum ad principia uel consecutiua eorum coherentia pateat Nam de
singulis istorum dubitare eorum coherentia pateat. Nam de singulis istorum dubitare
non est inutile ; et quidem in talibus, donec apprehenderent ueritatem, Achademicorum
probabilium disceptatio uertebatur. »
35. Metalogicon, II, 6, p. 65, 89 – 66, 95 : « Eo ergo miserabiliores sunt quo suam
miseriam non agnoscunt, dum se ipsos fallunt id agentes in studio ueritatis, ut nihil sciant.
Neque enim fideli humilitatis uia quaeritur ueritas. Sic Pilatus ueritatis audita mentione
quid esset interrogauit ; sed infidelitas quaerentis egit, ut docentem ante tumidus declinaret
auditor, quam sacrae responsionis instrueretur oraculo. »
36. Metalogicon, IV, 31, p. 168, 30-36 : « Academicus vero fluctuat, et quid in
singulis verum sit definire non audet. Hec tamen secta trifariam divisa est. Habet enim
qui se nihil omnino scire profiteantur, et cautela nimia demerverint philosophia philosophi
nome. Habet alios qui se sola necessaria et per se nota quae scilicet nesciri non possunt
confiteantur nosse. Tertius gradus nostrorum est qui sententiam non praecipitant in his
quae dubitabilia sapienti. » Cette tripartition du scepticisme semble correspondre aux
étapes de la nouvelle académie représentée successivement par Arcésilas, Carnéade et
Philon de Larisse.
37. Entheticus, v. 727-734, p. 152 : « Distrahitur miser Archesilas, et in omnibus
anceps/ fluctuat, et nescit, quo velit esse loco./ Pervigili studio semper fugientia quaerit/
vera, nec in studiis novit habere modum ;/ omnia perlustrat sapientum dogmata ; tandem/
ignorare docet omnia vera suos./ Perpetuo nam vera latent, si creditur illi, non ea mortalis
pervia sensus habet. »
38. Cette conception du scepticisme comme platonisme extrême est encore celle
défendue par Bonaventure, De scientia Christi, q. 4, Opera omnia, t. V, Quarrachi,
Collegium S. Bonaventurae, 1891, p. 22, 10-16.
notes des pages 51 à 54 237
Hanc autem asserit Aristotiles animae passionem, eo quod dum exercetur rerum imagines
animae passionem, eo quod dum exercetur rerum imagines animae imprimantur. Quod
si una pro altera imprimatur, pro errore quo fallitur in iudicio, fallax uel falsa opinio
nominatur. »
58. Voir par exemple, Abélard, De intellectibus, op. cit., § 59, p. 60 : « Singuli
intellectus quia cum statu rerum concordant sani sunt. Cassi uero quidem e contrario
sunt, ut si uidelicet intelligam chimeram que omnino non est. »
59. Metalogicon, IV, 36, p. 175, 5-25 : « Locutio autem falsa est, eo quod falsam
significat opinionem. Res uero falsa dicitur ab effectu, ideo quod ipsam non nisi cassus
et uanus percipiat intellectus. […] Si enim rem si esse ut est, aut non esse comprehendit,
iudicio certo et fideli usus est. Si autem uel non esse quod est, uel esse quod non est
opinatur, procul dubio fallitur et errat. Idem quoque est in sermonibus. Res autem quae
se ipsam pro ut est intellectui subicit, uera est. Quae aliter, uana et falsa. Ergo a modo
percipiendi, scilicet quo percipiuntur aut percipiunt, conuincitur ueritas aut falsitas, tam
opinionum quam rerum. Sermonum uero, a modo significandi. »
60. Metalogicon, IV, 11, p. 150, 14-20 : « Nam saepissime falluntur sensus, non modo
in paruulis ubi ratio putatur otiosa, sed et in prouecta aetate. Quod Aristotiles docens, dicit
ex eo contingere lactentes omnes uiros putare patres, feminas autem matres. Quod sensus
rudis fallitur, nec firmum potest afferre iudicium. Baculus uero in aqua fractus uidetur,
etiam perspicacissimis. » Jean de Salisbury reprend vraisemblablement, ici, mais de façon
très condensée des analyses sur le développement psychologique depuis l’enfance, que
l’on peut lire dans les Gloses sur Platon. Voir B. de Chartres, Glosae super Platonem,
op. cit., p. 204, 85-89 : « Nota quod opinio falsa non tantum pueros, sed plerosque usque
ad ultimam aetatem, comitatur. Hos Aristoteles senes pueros uocat, non discernentes
indiuiduam et diuiduam substantiam, credentes ea tantum quae oculis subiacent, quae
palpare possunt. » ; G. de Conches, Glosae super Platonem, op. cit., p. 226-233.
61. Metalogicon, IV, 12, p. 150, 3-4 : « Prudentia enim est ut ait Cicero, uirtus animae
quae in inquisitione et perspicientia sollertiaque ueri uersatur. » Voir Cicéron, De Officiis,
texte établi et traduit par M. Testard, Les Belles Lettres, Paris, 1974, I, 5, 15, p. 112 :
« Aut enim in perspicientia ueri sollertia que uersatur aut in hominum societate tuenda
tribuendo que suum cuique et rerum contractarum fide aut in animi excelsi atque inuicti
magnitudine ac robore aut in omnium quae fiunt quae que dicuntur ordine et modo in
quo inest modestia et temperantia. »
62. Metalogicon, IV, 14, p. 152, 3-7 : « Et quia ueritas prudentiae materia est, nam
in ueri comprehensione laborat, finxerunt antiqui Fronesin et Alitiam esse germanas,
eo quod prudentiae cum ueritate est quaedam diuina cognatio. Inde est quod ab aspectu
ueritatis prudentia si perfecta est, nequit arceri. » Voir B. Hendley, Wisdom and Eloquence,
op. cit., p. 51-52, H. Daniels, Die Wissenschaftslehre, op. cit., p. 40.
63. Metalogicon, IV, 12, p. 150, 4-12 : « Materia enim huius uirtutis in qua exercetur
ueritas est, reliquarum uero domesticae quaedam necessitates. Ne ergo undecumque
fallatur, ad futura prospectum intendit, et prouidentiam format, uel praeterita ad mentem
notes des pages 59 à 61 241
70. Voir Plato, Timaeus a Calcidio translatus, op. cit., p. 50, 9-10 : « Quid quod rectae
opinionis uir particeps, intellectus uero dei proprius et paucorum admodum lectorum
hominum ? »
71. Voir P. Abélard, De intellectibus, op. cit., § 21-22, p. 40 : « Est itaque intelligentia
huiusmodi intellectus quem nulla confusa perceptio animae comitatur, siue per
imaginationem siue per sensum. Deo autem clarum est nec sensum nec imaginationem
inesse posse, cum sit utrumque confusa animae perceptio, sed perpetuo eum cuncta
intellectu continere, ceu, si diligentius consideremus, idem est intelligere quod scire.
Quod uero Boethius dicit intelligentiam paucissimorum hominum esse, nequaquam, iuxta
Aristotelem, in hac uita contingere credimus, nisi forte per excessum contemplationis
reuelatio diuina alicui fiat magisque hunc excessum mentis ab Aristotele scientiam
quam intellectum appellari credimus, nec eum humani animi dicendum sed diuini ; cum
iam a Deo assumpta anima ipsum quodammodo induit, et deficiente et quodammodo in
nobis moriente homine, suscitatur Deus. » A. De Libera, L’Art des généralités, op. cit.,
p. 435-443. La source d’Abélard est Boèce, Consolation de Philosophie, V, 4, voir
ci-dessus, p. 239, n. 51.
72. Il le répète à deux reprises dans le Metalogicon, IV, 14, p. 152, 18-19 et IV, 18,
cité ci-dessus, p. 239, n. 64 et 69 ; et il résume de nouveau cette hiérarchie des facultés
dans l’Historia pontificalis, en la présentant comme la théorie des « philosophes ». Voir
Historia pontificalis, op. cit., c. 13, p. 32 : « Nam et philosophi sapientiam diffiniunt esse
comprehensionem ueritatis rerum que sunt et sui immutabilitatem essentiam sortiuntur.
Et sicut opinio in uanis fluctuat et uacillat, sic intelligentia, que solius Dei et admodum
paucorum hominum, uera comprehendit et certa. Et quidem scientia esse non potest sine
certo et solido fundamento ueritatis quam immediate, id est reualata facie contemplatur,
opinio uero incerta fluctuat, quia firmiter solide non innititur ueritati ; fides autem inter
utramque, quia media gradiens opinionem quidem superat, quia certitudinem tenet ; sed
superatur a scientia, quia ueritatem non conspicit facie reualata. »
73. Ce qui rend assez discutable, sauf à le limiter très précisément à l’intelligentia
dans son sens boécien, l’adjectif de mystique utilisé par H. Daniels pour rendre compte
de ce type d’intellectus. Voir H. Daniels, Die Wissenschaftlehre…, op. cit., p. 55-56. Au
contraire, on a plutôt affaire à une forme de naturalisme théologique, où la grâce vient
confirmer les dispositions latentes en l’homme.
74. Metalogicon, IV, 19, p. 156, 7-9 : « Patet ex his quod siquis praemissos gradus
recenseat, de scaturigine sensuum etiam sapientiam praeeunte et opitulante gratia uidebit
emanare. »
75. Policraticus, II, 18, p. 107, 18-30 : « Primo namque res quas natura creauit
discutiunt easque multipliciter inuestigant, nunc quomodo ex partibus suis, nunc quomodo
ex materia et forma constent inquirentes. Quod ut facilius possint, sensuum uires pensant
et intellectus efficaciam metiuntur. Et quia sensuum hebetudo rerum corporearum naturam
non transgreditur, paulatim aliorum beneficio ad subtiliora consurgunt. Visus etenim in
solo corpore eoque praesenti colores tantum et quantitates examinat et figuras. Sonus
notes des pages 63 à 65 243
solum contingit auditum. Gustus de saporibus iudicat. Olfaciendi uis in odoribus tota
uersatur. Quid durum […] tactus discernit. »
76. Policraticus, II, 18, p. 107, 34-37 : « Si uero corporum absentium praefatas
proprietates inquiris, eas tibi tracta similitudine ab his quas sensus agnouit poterit imaginatio
praesentare, quae tanto erit fidelior quanto expressior fuerit similitudo. »
77. Policraticus, II, 18, p. 108, 50-58 : « Verum si ad incorporea diuertendum est,
ratione opus est et intellectu, cum absque intelligentia haec non ualeant comprehendi et
uerum non possit esse de his sine ratione iudicium. Intellectus itaque aliis deficientibus
exerit uires suas, et quasi in arce animae constitutus omnia inferiora complectitur, cum ab
inferioribus superiora nequeant comprehendi. Et nunc quidem res ut sunt, nunc ut aliter
intuetur, nunc simpliciter, nunc composite, nunc disiuncta coniungit, nunc coniuncta
distrahit et disiungit. » Dans ce texte, l’intelligentia rassemble les facultés discursive et
intuitive que sont la raison et l’intellect.
78. Policraticus, II, 18, p. 109, 93-95 : « Diffinit ergo ratio quod concipit intellectus,
animal rationale mortale, quod in solos subditos cadere nemini recte sapientium ambiguum
est. »
79. Metalogicon, IV, 30, p. 167, 33-38 : « Est autem praedicamentalis inspectio,
et prima fere philosophandi uia, de qualibet re proposita quid sit attendere, itemque
quibus proprietatibus ab aliis differat, et quomodo aliis conformetur. Deinde an sit ei
quid contrarium et an ipsum susceptibile sit, contrariorum. Quae cum innotuerint, res
familiarius assignata in notitiam transit » ; Boèce, In categoria Aristotelis libri IV, 1,
PL 64, col. 161 : « Hinc est quod ad logicam tendentibus primus hic liber legendus
occurrit, idcirco quod cum omnis logica syllogismorum ratione sit constituta, syllogismi
vero propositionibus jungantur, propositiones vero sermonibus constent, prima est
utilitas quid quisque sermo significet, propriae scientiae diffinitione cognoscere. Haec
quoque nobis de decem praedicamentis inspectio, et in physica Aristotelis doctrina et
in moralis philosophiae cognitione perutilis est, quod per singula currentibus magis
liquebit. »
80. Metalogicon, II, 3, p. 60, 25-40 : « Sed demonstratiua a disciplinalibus uiget
principiis, et ad eorum consecutiua progreditur, necessitate gaudet, et quid cui uideatur dum
tamen ita esse oporteat non multum attendit. Decet haec philosophicam recte docentium
maiestatem, quae suo citra auditorum assensum roboratur arbitrio. Probabilis autem
uersatur in his quae uidentur omnibus, aut pluribus, aut sapientibus, et his uel omnibus, uel
pluribus uel maxime notis et probabilius aut consecutiuis eorum. Haec quidem dialecticam
et rhetoricam continet, quoniam dialecticus et orator persuadere nitentes, alter aduersario
alter iudici, non multum referre arbitrantur uera an falsa sint argumenta eorum dum
modo ueri similitudinem teneant. At sophistica quae apparens et non existens sapientia
est, probabilitatis aut necessitatis affectat imaginem, parum curans quid sit hoc aut illud,
dum phantasticis imaginibus, et uelut umbris fallacibus inuoluat eum cum quo sermo
conseritur. » Sur le statut de la logique chez Jean de Salisbury, voir B. Hendley, Wisdom
and Eloquence, op. cit., p. 160-180 ; H.-B. Gerl, « Zum Mittelalterlichen Spannungsfeld
244 notes des pages 66 à 69
von Logik, Dialektik und Rhetorik. Die Programmatik des Metalogicon von Johannes
von Salisbury », Tijdschrift voor Philosophie, 43, 1981, p. 306-327.
81. Voir sur ce sujet, C. Grellard, « Fides sive credulitas. Le problème de l’assentiment
chez Pierre Abélard, entre logique et psychologie », Archives d’histoire littéraire et
doctrinale du Moyen Âge, 70, 2003, p. 7-25 : 15-25.
82. Voir Aristote, Topica, I, 1, 100 b 21, translatio Boethii, dans Aristoteles latinus, V
1-3 Topica. Translatio Boethii, Fragmentum Recensionis Alterius et Translatio Anonyma,
L. Minio-Paluello et B. G. Dod, Desclée De Brouwer, Bruxelles-Paris, 1969, p. 5 : « Sunt
autem vera quidem et prima quae non per alia sed per se ipsa habent fidem (non oportet
enim in disciplinalibus principiis inquirere propter quid, sed unumquodque principiorum
ipsum esse fidem), probabilia autem quae videntur omnibus aut pluribus aut sapientibus,
et his vel omnibus vel pluribus vel maxime notis et probabilibus. » Sur cette définition
du probable, voir les travaux de P. von Moos, en particulier, « Die angesehene Meinung
IV : Johannes von Salisbury », Mittellateinisches Jahrbuch, 34/2, 1999, p. 1-55.
83. Metalogicon, II, 5, p. 62, 33-37 : « Sic ratio necessaria aut uera ad differentiam eius
quae casu potest, uel mendacio uitiari. Est autem hic ut opinor ratio quicquid adducitur,
uel adduci potest, ad statuendam opinionem, uel sententiam roborandam. Opinio enim
plerumque labitur, at sententia semper assidet ueritati. »
84. Metalogicon, II, 13, p. 75, 25-31 : « Sed demonstratiua necessarias methodos
quaerit, et quae illam rerum inhaerentiam docent, quam impossibile est dissolui. Hoc
autem dumtaxat necessarium est, quod aliter esse impossibile est. Ceterum quia uires
naturae, aut nullus plene scrutatur, aut rarus, et numerum possibilium solus Deus nouit,
de necessariis plerumque non modo incertum sed et temerarium iudicium est. Quis enim
nouit penitus, quid esse possit, aut non possit ? »
85. Sur ce point, voir C. Grellard, « Argumentation topique et production de la
croyance », op. cit., p. 233-235.
86. Metalogicon, II, 13, p. 76, 48-54 : « Vacillat itaque in naturalibus plerumque
corporalibus et mutabilibus dico ratio demonstrandi, sed in mathematicis efficacissime
conualescit. Quicquid enim in numeris, proportionibus, figuris, similibusque ab ea colligitur,
indubitanter uerum est, et aliter esse non potest. Itaque ad demonstrandi scientiam non
aspiret, cui probabilia nota non fuerint. »
87. Metalogicon, II, 14, p. 77, 10-19 : « Est autem probabile quod habenti iudicium
etiam a superficie innotescit, sic quidem in omnibus et semper, aut in paucissimis et
admodum raro aliter existens. Quod enim semper sic aut frequentissime, aut probabile
est, aut uidetur probabile, et si aliter esse possit. Tanto autem probabilius, quanto habenti
iudicium, facilius et certius innotescit. Sunt enim quaedam eo quod opinioni minus
familiaria sint, uix ascribuntur probabilibus. »
88. Metalogicon, II, 14, p. 77, 19-23 : « Siquidem si opinio tenuis iudicio uacillat
incerto. Si uehemens, transit in fidem, et ad iudicium certum aspirat. Si autem adhuc
eius uehementia inualescat, ut aut non protendi, aut parum possit, licet infra scientiam
sit, tamen scientiae quod ad certitudinem iudicii coaequatur. »
notes des pages 70 à 72 245
89. Metalogicon, II, 14, p. 77, 23-28 : « Quod quidem palam est auctore Aristotile, in
his quae sensu solo cognoscuntur et aliter esse possunt. Ignotum enim erit cum occiderit
sol, si adhuc feratur super terram, et in nostrorum sit emisperium reuersurus, eo quod
tunc cesset sensus per quem lationis eius habebatur scientia. »
90. Voir Policraticus, II, 18, p. 111, 149-155 : « In his uero quattuor speciebus
mathesis, id est doctrinalis, tota consistit, et quasi quattuor philosophiae limitibus mundanae
sapientiae perfectionem assequitur. Primus itaque gradus est ab arithmetica numerorum
uirtutem mutuare. Secundus proportionum gratiam a musica trahere. Tertius obtinere
scientiam a geometria mensurarum. Quartus idem que nouissimus ueram positionem
siderum assequitur et uim caelestium perscrutatur. »
91. Jean reconnaît avoir assez peu pratiqué le quadrivium durant ses études. Il l’a étudié
sous la direction de Hardouin l’Allemand. Voir Metalogicon, II, 10, p. 72, 49-51 : « et quae
ab aliis audieram ab eo cuncta relegi, et inaudita quaedam ad quadruuium pertinentia, in
quo aliquatenus Teutonicum praeaudieram Hardewinum. » Voir également le statut des
mathématiques dans l’Heuptatechon de Thierry de Chartres, examiné par M. Lejbowicz
dans « Le premier témoin scolaire des Éléments arabo-latins d’Euclide : Thierry de Chartres
et l’Heptateuchon », Revue d’histoire de sciences, 56/2, 2003, p. 347-368.
92. Metalogicon, IV, 6, p. 145, 2-12.
93. Metalogicon, III, 3, p. 111, 76 – 112, 101.
94. C. S. Peirce, Collected Papers, Harvard University Press, Cambridge, 1960, 8.
30. Voir B. Hendley, « John of Salisbury and the Problem of Universals », Journal of the
History of Philosophy, 8, 1970, p. 289-302. Cet article reste à ce jour le meilleur qui ait
été écrit sur la question. Dans sa dissertation de PhD, le même auteur propose quelques
rapprochements supplémentaires entre Peirce et Jean de Salisbury. Voir B. Hendley,
Wisdom and Eloquence, op. cit., p. 68-71.
95. Voir Policraticus, VII, 2, p. 96, 20-29 : « Talia [dubitabilia] quidem sunt quae
quaeruntur de statu uniuersalium. » Voir également la célèbre boutade dans Policraticus,
VII, 12, p. 141, 5-15 : « De generibus et speciebus nouam affert sententiam quae Boetium
latuit, quam doctus Plato nesciuit, et quam iste felici sorte in secretis Aristotilis nuper
inuenit. Veterem paratus est soluere quaestionem in qua laborans mundus iam senuit,
in qua plus temporis consumptum est quam in adquirendo et regendo orbis imperio
consumpserit Caesarea domus, plus effusum pecuniae quam in omnibus diuitiis suis
possederit Cresus. Haec enim tam diu multos tenuit ut, cum hoc unum in tota uita
quaererent, tandem nec istud nec aliud inuenirent ; et forte ideo quia curiositati non
sufficiebat in eis quod solum potuit inueniri. »
96. Entheticus, v. 1089-1090, p. 177 : « Principis haec tradit sapientum dogma
Platonis,/ a quo posteritas dogmata vera capit » ; Policraticus, VII, 6, p. 111, 23-26 :
« Sol e celo uisus est cecidisse qua die philosophorum princeps Plato rebus excessit
humanis, et quasi lucernam mundi extinctam defleuerunt qui ad thronum sapientiae, cui
ille diu praesederat, sua arbitrabantur studia referenda. »
97. Voir ci-dessus, p. 232, n. 13.
246 notes des pages 72 à 74
98. Voir par exemple, Metalogicon, II, 17, p. 83, 86-89 : « Est autem forma natiua,
originalis exemplum, et quae non in mente Dei consistit, sed rebus creatis inhaeret. Haec
Graeco eloquio dicitur idos, habens in se ad ideam, ut exemplum ad exemplar. »
99. Metalogicon, II, 17, p. 81, 37 – 82, 54 : « Eorum uero qui rebus inhaerent,
multae sunt et diuersae opiniones. […] Ille ideas ponit, Platonem aemulatus, et imitans
Bernardum Carnotensem, et nihil praeter eas genus dicit esse uel speciem. Est autem
idea sicut Seneca definit, eorum quae natura fiunt exemplar aeternum. Et quoniam
uniuersalia corruptioni non subiacent, nec motibus alterantur, quibus mouentur singularia,
et quasi ad momentum aliis succedentibus alia defluunt, proprie et uere dicuntur esse
uniuersalia. » Jean cite les Lettres à Lucilius, Ep. 58, 19. Sur l’influence de Sénèque sur
les conceptions de l’idée au xiie siècle, voir I. Caiazzo, « Sur la distinction sénéchienne
idea/idos au xiie siècle », Chôra. Revue d’Études anciennes et médiévales, 3-4, 2005-
2006, p. 91-116.
100. Metalogicon, IV, 35, p. 173, 15-34. Sur la question de Formes natives, héritées
de B. de Chartres, voir J. Jolivet, « La question de la matière chez Gilbert de Poitiers »,
Perspectives médiévales et arabes, Paris, Vrin, 2006, p. 131-141.
101. Entheticus, v. 381-404, p. 131 : « Forma quidem res est, ex qua res vera vocatur,/
unde fit, ut constet, quod sacra scripta docent./ Est idea boni verorum fons et origo, quorum
causa nitet in ratione Dei/ […]/ Ergo in forma nativa constat, agitve,/ quod natura manens
in ratione monet,/ esse sui generis, verum quid dicitur ; idque/ indicat effectus, aut sua
forma probat. » Voir également Metalogicon, IV, 33, 170, 21-26, où Jean explique que
la vérité d’une chose est l’accomplissement de son essence.
102. Saint Augustin, De diuersis quaestionibus octotrigenta tribus, q. 46, l. 26-30,
LLT-A : « sunt namque ideae principales quaedam formae uel rationes rerum stabiles
atque incommutabiles, quae ipsae formatae non sunt ac per hoc aeternae ac semper
eodem modo sese habentes, quae diuina intellegentia continentur. » Sur ce texte et sa
réception médiévale, voir notamment L. M. de Rijk, « Quaestio de Ideis. Some notes on
an important chapter of Platonism », Kephalaion. Studies in Greek philosophy and its
continuation, offered to professor C. J. de Voge, L. M. de Rijk et J. Mansfeld (dir.), Assen,
Van Gorcum, 1975, p. 204-213 ; et D. Doucet, « De ideis : Éclipse ou dissémination ?
Les Lectiones in Boethium De Trinitate attribuées à Thierry de Chartres (II, 35-67) »,
Revue Thomiste, 103, 2003, p. 363-384.
103. Voir Entheticus, v. 601-604, p. 145 : « Lex est causarum series : natura creata/
effectus causis assimulando parit ;/ causarum seriem disponit summa potestas/ in forma
numeri, ponderis, atque modi. »
104. Metalogicon, II, 20, p. 95, 351-359 : « Hoc idem de generibus et speciebus
protestari non uereor, quin mundo reclamante dicam quoniam a Deo sunt, aut omnino
nihil sunt. Clamat mecum et Dionisius Ariopagita, et numerum quod discernuntur, pondus
quo statuuntur, mensuram qua definiuntur omnia, Dei dicit imaginem. Siquidem Deus
sine numero numerus est, pondus sine pondere, sine quantitate mensura. In quo solo
creata sunt omnia quae facta sunt in numero, pondere, et mensura. »
notes des pages 74 à 77 247
a singularibus seorsum esse non possint. Intellectus enim quandoque rem simpliciter
intuetur, uelut si hominem per se intueatur aut lapidem, et ob hoc simplex est ; quandoque
gradatim suis incedit passibus, ut si hominem albere uel equum currere contempletur.
Et hic quidem dicitur esse compositus. »
115. Voir Policraticus, VII, 12, p. 141, 29 ; 142, 1 : « Sunt qui more mathematicorum
formas abstrahunt, et ad illas quicquid de uniuersalibus dicitur referunt. »
116. Lettre 238 (ca. 1167-1168), vol. 2, p. 450 : « Nosti pridem nominalium tuorum
eo michi minus placere sententiam, quod in sermonibus tota consistens utilitatem rerum
non assumpserit, cum rectum sapientibus indubium sit quod res quaerit philosophia, non
uerba. Vt ergo, compendiosus agam tecum meorum more realium, ex litteris quae nostro
Benedicto directae sunt colliges in quo calculo causa sacerdotii uersetur et regni. »
117. Voir C. H. Kneepkens, « Clerembald of Arras and the notionistae », in J. Biard
et I. Rosier (dir.), La Tradition médiévale des catégories, Louvain, Peeters, 2003,
p. 105-126.
118. Metalogicon, II, 20, p. 86, 46-53 : « Ergo ad significationem incomplexorum
per abstrahentem intellectum genera concipiantur et species, quae tamen siquis in rerum
natura diligentius a sensibilibus remota quaerat, nihil aget et frustra laborit. Nihil enim
tale natura peperit. Ratio autem ea deprehendit, substantialem similitudinem rerum
differentium pertractans apuds se, definitque sicut Boetius ait generale conceptum suum
quod de hominum conformitate perpendit, sic, animal rationale morale. »
119. Voir par exemple, Metalogicon, IV, 8-11 et Policraticus, II, 18.
120. Voir le passage du Policraticus, II, 18, p. 107, 18 – 109, 95, cité ci-dessus,
p. 242-243, n. 75-78.
121. Sur cette question, voir ci-dessous, p. 62-63.
122. Sur la notion de status et ses origines chez Pierre Abélard, voir, J. Marebon,
The philosophy of Peter Abelard, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 191-
197, et A. De Libera, « Abélard et le dictisme », Abélard. Le Dialogue. La philosophie
de la logique, Cahiers de la revue de théologie et de philosophie, 6, Genève-Lausanne-
Neuchâtel, 1981, p. 59-97.
123. Metalogicon, IV, 36, p. 175, 29-33 : « Nam penes essentiam Dei primitiua
ueritas, id est certitudo aut stabilitas, aut claritas est, et ab hac deriuatur quodam modo
quicquid in rebus fideliter dicitur uerum esse. Siquidem illi soli omnium tam rerum quam
sermonum cohaerentia uel discorhaerentia constat et certa est. »
124. Policraticus, II, 18, p. 108, 70-73 : « Porro cum res aliter quam sint componendo
inspicit, eo quod cassus est et a rerum ueritate deficiens, ad opinionis errorem uergit,
et si esse asserit uel non esse, pleno nomine opinio est. » La notion d’intellection vide
est centrale dans l’approche psychologique des universaux chez Pierre Abélard. Voir
le De intellectibus, op. cit., § 81, p. 78. Ce texte est analysé par A. De Libera, L’Art des
généralités, op. cit., en particulier p. 452-470.
125. Policraticus, VII, 2, p. 98, 17-29 : « Sunt autem dubitabilia sapienti quae nec
fidei nec sensus aut rationis manifestae persuadet auctoritas et quae suis in utramque
notes des pages 82 à 85 249
partem nituntur firmamentis. Talia quidem sunt quae quaeruntur […] de substantia et
forma uocis, de statu uniuersalium. »
126. Metalogicon, IV, 33, p. 170, 25-28 : « Est enim uerus homo cui uera inest
humanitas, id est conscia rationis et passibilitatis. Vera autem albedo est, quae albificat,
quae iustum facit, uera iustitia. »
127. Metalogicon, II, 20, p. 96, 389-412 : « Ergo ex sententia Aristotilis genera et
species non omnino quid sunt, sed quale quid quodam modo concipiuntur, et quasi quaedam
sunt figmenta rationis se ipsam in rerum inquisitione et doctrina subtilius exercentis. Et
hoc quidem fideliter, quia quotiens opus est agitationis suae manifestum in rebus producit
exemplum. Sic et ius ciuile sua figmenta nouit, et disciplina quaelibet ea per quae ipsius
procedat usus excogitare non erubescit, sed propriis quodam modo figmentis gaudet.
[…] Non autem sic dicitur genera et species exemplaria singularium, ut iuxta Platonici
dogmatis sensum formae sint exemplares quae in mente diuina, intelligibiliter constiterunt
antequam prodirent in corpora, sed quoniam siquis eius quod communiter concipitur
audito hoc nomine homo, aut quod definitur cum dicitur homo esse animal rationale
mortale quaerat exemplum, statim ei Plato aliusue hominum singulorum ostenditur, ut
communiter significantis, aut definientis ratio solidetur. »
128. Jean utilise le terme figmentum que l’on pourrait traduire par « création ». Yan
Thomas propose, dans le cas du droit, de traduire par « forgerie » (Y. Thomas, « Fictio
legis. L’empire de la fiction romaine et ses limites médiévales », in Les Opérations du
droit, Paris, EHESS – Gallimard – Le Seuil, 2011, p. 158). Pour conserver l’équivalence
entre les trois disiplines concernées, droit, poésie, philosophie, je préfère utiliser le terme
plus générique de fiction.
129. Policraticus, II, 18, p. 108, 62-70 : « Disiuncta coniungit ut si humano capiti
ceruicem iungat equinam, uarias inducens undique plumas, ut iuxta poetam, turpiter
atrum desinat in piscem mulier formosa superne. Hunc uero ad auditores suos uerbo
traiciunt poetae cum hircoceruum, centaurum describunt et chimaeram. Coniuncta
uero disiungit ut si formam teneat absque materia, cum tamen sine ea forma omnino
esse non possit nisi forma essendi et ei adhaerentes formae formarum ex quibus illae
fluxerunt quae in materia sunt et corpus efficiunt. » Jean cite Horace, Art poétique,
3, 4.
130. Voir M. D. Chenu, « Involucrum. Le mythe selon les théologiens médiévaux »,
Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 22, 1955, p. 75-79, E. Jeauneau,
« L’usage de la notion d’integumentum à travers les Gloses de Guillaume de Conches »,
Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 24, 1957, p. 35-100. Voir
ci-dessous, chap. 3, p. 142.
131. Sur la notion de fiction en droit, voir Y. Thomas, « Les artifices de la vérité en
droit commun médiéval », L’Homme, 175-176, 2005, p. 113-130.
132. Voir le texte cité ci-dessous, chap. 3, p. 130 et 271, n. 84.
133. Voir ci-dessus p. 40-42, l’analyse du premier chapitre du livre VII du
Policraticus.
250 notes des pages 86 à 88
134. Voir par exemple Jean de Salisbury, Metalogicon, IV, 39, p. 179, 28-29 : « Porro
haec in Deo unum quia Ratio et Verbum aeternum de se dicit : ego sum veritas. » Jean
cite Jn, 14, 6 qui constitue le fondement de la théorie augustinienne de l’illumination.
Voir saint Augustin dans De magistro, § 38.
135. Entheticus, § 44, v. 629-640, p. 147 : « Est hominis ratio summae rationis
imago,/ quae capit interius vera docente Deo./ Ut data lux oculis tam se quam cetera
monstrat,/ quae sub luce patent et sine luce latent,/ claraque fit nubes concepto lumine
solis,/ cum dependantes flatus abegit aquas,/ subdita sic ratio formam summae rationis/
sordibus expulsis induit, inde micat./ Tunc mens tota nitet, et vero lumine plena/ res
falsa abigit, et bona vera colit./ Sicut nemo potest aliquid nisi luce videre,/ sic hominis
ratio caeca fit absque Deo. »
136. Metalogicon, IV, 36, p. 175, 25-27 : « Vnde quia Deum falli impossibile est,
procul dubio constat quoniam quo fidelior est eius scientia et certior, eo minus falsa
comprehendit. »
137. Metalogicon, IV, 40, p. 179, 14-17 : « Est autem primaeua ueritas, in maiestate
diuina ; alia uero est quae in diuinitatis consistit imagine id est in imitatione. Omnis
enim res tanto uerior est, quanto imaginem Dei fidelius exprimit, et quanto ab ea magis
deficit, tanto falsior euanescit. »
138. Policraticus, VII, 2, p. 97, 12-14 : « Nam sicut ab eo quod notum est notio,
sic et ratio ab eo quod ratum est, id est certum et firmum, grammatice denominatur » ;
Metalogicon, IV, 30, 167, 28-30 : « Sed ratio uera non est, nisi sit certa et firma eo quod
ratio nomen firmitudinis est. Nam et ratum non dicitur, nisi quod firmum est. » Voir I. de
Séville, Etymologia, V, 24, 21.
139. Voir Metalogicon, IV, 31, p. 168, 4-9 : « …primitiua quaedam ratio est quae
sua uirtute res omnes tam coporales quam intelligibiles comprehendit, et naturam et
uim singulorum plene fideliterque, id est adsque omni errore examinat. Hanc siue
sapientiam siue uirtutem Dei dixero, et rerum omnium firmitudinem esse, procul dubio
non errabo. »
140. Policraticus, II, 20-26, p. 118-147. L’ensemble de ces chapitres, par-delà leur
dimension sceptique, dépend très fortement des thèses développées par Boèce dans
la Consolation de Philosophie. Sur ce point, voir C. Grellard « John of Salisbury and
Theology », op. cit.
141. Policraticus, II, 19, p. 116, 150-152 : « Longe uero commodius in caelum
ascendunt astrologi qui Academicorum more quicquid eis occurit probabile suo iure
defendant. »
142. Policraticus, II, 11, p. 89, 5-12 : « Ea tamen quae hic praenuntiantur sine praeiudicio
sententiae melioris ea intelligenda arbitror quae in his contra naturam fiunt, quale est quod
in passione Domini sol obscuratus, uelum scissum, petrae ruptae, aperte monumenta, et
sanctorum qui dormierant corpora surrexerunt. Naturalis etenim eclipsis esse non possit
nisi quae lunaris corporis obiectu contingit, cum constet pridie lunae quartam decimam
extitisse. » Sur la théorie des miracles, voir ci-dessous, la question de l’apologétique.
notes des pages 89 à 91 251
143. Policraticus, II, 19, p. 115, 118 – 116, 139 : « Verum mathematici uel planetarii,
dum professionis suae potentiam dilatare nituntur, in erroris et impietatis mendacia
perniciossime corruunt. […] Vide in quantam erroris abyssum ab ipsis caelestibus cadant.
Constellationibus suis ascribunt omnia. Tu uideris an ei fiat iniuria qui fecit caelum et
terram et omnia quae in eis sunt. Deinde ea constellatio rebus necessitatem indicit ut
arbitrii perimat libertatem. »
144. Policraticus, II, 22, p. 126, 28 – 127, 1 : « Malo cum Academicis, si tamen
alia uia non pateat, de singulis dubitare quam perniciosa simulatione scientiae quod
ignotum vel absconditum est temere diffinire, praesertim in quo assertioni meae fere
totus aduersabitur mundus. Eoque libentius Academicos audio quod eorum quae noui
nichil auferunt, et in multis faciunt cautiorem. »
145. Voir Policraticus, II, 21, p. 119, 6 – 120, 18 : « Sed ecce iam alterius difficultatis
subcrescunt cornua, et, quocumque me uertam, errore uideor inuoltus. Si enim quae
non sunt nec erunt esse possunt, profecto aut Deus potest scire quod non scit, aut eo
ignorante potest aliquid euenire. […] Si ergo Deus potest scire quod non scit, potest
utique et non scire quod scit, eo quod contraiacentium simul nulla possit esse scientia,
cum alterum eorum semper, eo quod ueritatis substantia careat, sit obnoxium falsitati.
Porro mendaciorum nulla scientia est. Quomodo ergo scientia immutabilis est cui
decessus rerum potest fieri et accessus, quae potest ignorare quod scit aut scire quod
nescit ? »
146. Policraticus, II, 21, p. 116, 21 – 27 : « Hoc equidem nec gentilium error circa
sua non tam numina quam daemonia dignabatur admittere, qui Stigiam paludem diis
peruiam esse negabant, dicentes eam omnibus uenerandam et usquequaque illicitaem a
caelestibus praeteriri. Mentes namque caelestium obliuio non contingit. Numquid ergo
fides recipiet quod de Deo uel ipsa perfidia abhorret ? » La connaissance infaillible
du vrai, y compris futur, par les dieux est défendue par les Stoïciens, et critiquée par
les Académiciens, qui défendent l’incapacité des dieux à connaître avec certitude des
événements futurs contingents. Jean ne connaissait sans doute pas les textes où Cicéron
aborde ce point (De Fato, De diuinatione), mais il pouvait avoir accès au résumé partisan
qu’en donne Augustin, De ciuitate Dei, V, 9-10.
147. Policraticus, II, 21, p. 121, 41-51 : « Manet itaque usquequaque immobilis
integritas scientiae Dei, et si quid uarietatis alicui inest, non tam scientis quam scitorum
mutabilitas est. Licet enim quae scientia Dei complectitur mutabilitati subiaceant, ipsa
tamen alterationis uices ignorat, et uno singulari aspectu et indiuiduo omnium quae dici
aut quocumque sensu excogitari possunt uniersitatem claudit et contine, adeo equidem
sine motu ut localia sine loco, nascentia sine initio, decedentia sine fine, fluctuantia sine
alteratione, temporalia sine mutabilitate aut mora, sic uniformiter comprehendat ut ei
nec praeterita transeant nec futura succedant. »
148. Sur la question des universaux, voir ci-dessus, p. 71-85.
149. J. Marenbon, Le Temps, l’éternité et la préscience de Boèce à Thomas d’Aquin,
Paris, Vrin, 2005, p. 38-39.
252 notes des pages 91 à 92
150. Policraticus, II, 22, p. 127, 61 – 130, 138 : « Homo siquidem si quid prouidet
futurorum, statim mentem eius quidam motus aggreditur ut animus quadam applicatione
sui ad aliud, apud se futuri operis speciem praefiguret, eandemque plerumque nunc
quasi in archiuis memoriae depositam reponit, nunc quasi in specula natiuae puritatis
replicat et reuoluit. Facilius enim est motum hunc ab animo omnino deficere quam
contemplatione iugi animo inhaerer. Et quidem hic motus, si non prouidentia est, aut
prouidentiam parit, aut ei cuiuscumque foederis notitia uicinatur. Cum uero motus
praecedens et ex eo concepta species futuri operis sequela frustratur, inanis est agitatio
mentis et quasi umbra in somnis sine ueritate euanescit. […] Si tamen contingentium
futurorum ulla potest esse scientia, quamuis sit indubitata opinio quae scientiam
probabiliter imitatur. »
151. Entheticus, § 72, v. 1093-1108, p. 177 : « Res ut sunt, plene novit divina potestas ;/
angelus assistens plurima vera videt ;/ spiritus immundus natura pollet et usu,/ doctus et a
sanctis plura videre solet./ Fallitur in multis privatus luminis usu,/ et pater erroris fallere
semper amat./ Corpora detrusas animas in carcere caeco/ culpaque sublato lumine scire
vetant:/ culpa, caro tenebras inducunt, lumina pellunt,/ nec miseras animas cernere vera
sinunt./ Lux oculos pascit, rationem visio veri:/ hi fugiunt tenebras, haec quoque falsa
cavet./ Est oculus menti ratio, pro lumine verum,/ usum cernendi lumina scire vocant./
Ingenio, studiis verum quaeratur, et arte ;/ praeter opinari non habet ullus homo. »
152. C’est le leitmotiv de la philosophie de saint Augustin. Voir par exemple, De
ciuitate Dei, XII, 6.
153. Metalogicon, IV, 33, p. 170, 6-10 : « At humana infirmitas quae tam ex condicione
naturae quam merito culpae multis patet erroribus, immo et capta labitur, a prima et
secunda puritate degenerat in examinatione rerum. »
154. Metalogicon, IV, 33, p. 170, 3-6 : « Natura uero angelica quae noxio corpore
non tardatur, et diuinae puritati familiarius inhaeret, rationis incorruptae, uiget acumine,
et licet non aequaliter Deo cuncta examinet, ea rationis praerogatiua ditatur, ut nullo
supplantetur errore. » Voir également Metalogicon, IV, 38, p. 178, 13 où la virtus
angelica est présentée comme parfaite par nature, et Metalogicon, IV, 39, p. 178, 3-4 :
« Veritas autem lux mentis est et materia rationis. Hanc Deus uniuersaliter, angelus
particulariter intuetur. »
155. Metalogicon, IV, 36, p. 175, 33 – 176, 39 : « Homo uero quantuscumque affectat
quidem certiorari, eo quod amor ueritatis cognatus et innatus est rationi, et ut ait Martianus,
cum Philologia illam existentem, ex non existentibus ueritatem toto pectore deprecatur.
Haec utique aliunde non prouenit quam si aliqua stilla diuinae sapientiae per gratiae
eliquationem se ipsam infundat, et mentem se quaerentis et amantis illustret. »
156. Metalogicon, IV, 34, p. 171, 9-15 : « Nos autem non semideos qui nulli sunt,
sed nec heroes ob perfidiae notam aliquos dicimus, sed translationem electorum quae
fit a fluctuatione et uanitate mundana ad gloriam uerae certitudinis et firmae stabilitatis,
uerbo significamus catholico. Eos namque a confirmatione quam adepti sunt, sanctos
appelamus. Siquidem sancire confirmare est, et sanctus confirmatus in uirtute gloria. »
notes des pages 93 à 96 253
157. Voir Metalogicon, IV, 39, p. 179, 14-17 : « Est autem primaeua ueritas, in
maiestate diuina ; alia uero est quae in diuinitatis consistit imagine, id est in imitatione.
Omnis enim res tanto uerior est, quanto imaginem Dei fidelius exprimit, et quanto ab ea
magis deficit, tanto falsior euanescit. »
158. Metalogicon, IV, 40, p. 179, 3-6 : « Si huc Peripateticorum tendit intentio, ut
omni uanitate reiecta ueritatem rerum agnoscat, et tota ratione ueritatem Dei quaerat,
ueneretur et colat, non inutiliter laboratur. Alioquin, opera perit et impensa. »
159. Metalogicon, IV, 40, p. 179, 6 – 180, 13 : « Sed quia multa sunt quae praepediunt
intelligentiam, utpote inuicibilis ignorantia eorum, quae ratione expediri non possunt,
sicut sunt Sanctae Trinitatis arcana, et item fragilitas condicionis, uita breuis, utilium
negligentia, occupatio inutilis, probabilium conflictus opinionum, culpa quae lucem
demeretur, et tandem numerositas, et immensitas inuestigabilium, adeo obductum est
cor humanum, ut ad ueri notitiam raro possit accedere. »
160. Metalogicon, IV, 41, p. 181, 2-6 : « Cum ergo sciri quaedam non possit prae eminentia
dignitatis, quaedam prae multitudine, aut magnitudine quantitatis suae, quaedam propter
inconstantiam et lubricitatem sui, cui potissime insistendum sit et quid maxime expediat,
Ecclesiasticus docet. Altiora inquit te ne quaesieris, et fortiora te ne scrutatus fueris. »
161. Voir Metalogicon, IV, 40, p. 181, 61-62 : « Quam utique nec plene nosse
permittit immensitas sui. »
162. Jean avait, bien entendu, une connaissance très limitée d’Héraclite, et des
textes anciens faisant référence au principe héraclitéen de mutabilité universelle. La
thèse du mouvement universel est citée par Arisote dans Topica, I, 11, 104, b19-21
(voir Metalogicon, II, 15, 79, 36-39 et III, prol. p. 102, 54-59). C’est par commodité
que j’appelle ainsi cette forme de scepticisme (que l’on trouve aussi chez Augustin)
qui découle de la contingence d’un sensible jamais fixé, mais toujours en mouvement.
Voir P. Porro, « Sextus latinus e l’immagine dello scetticismo antico nel medioevo »,
Elenchos, 2, 1994, p. 229-252.
163. Sur la double question de l’aliénation et du retour en soi, voir ci-dessous,
chap. 4, p. 178-192.
164. Metalogicon, IV, 40, p. 180, 13-18 : « Sed in his octo quae proposita sunt, nihil
adeo pro mea opinione scientiam eorum quae expediunt impedit, sicut culpa quae separat
inter nos et Deum, et fontem precludit ueritatis, quem tamen ratio sitire non cessat. Cor
meum inquit mens suorum conscia peccatorum dereliquit me, et lumen oculorum meorum
et ipsum non est mecum (Ps 37, 11). »
165. Voir ci-dessus, p. 41-43.
166. Metalogicon, IV, 41, p. 182, 20-24 : « Quia enim de radice sensuum, qui
frequenter falluntur, scientia manat, et decepta infirmitas quid expediat parum nouit, data
est per clementiam Dei lex quae utilium scientiam aperiret, et indicaret de Deo quantum
sciri licet, aut quantum expedit quaerere. »
167. Je reviendrai en détail sur le rôle de la croyance comme substitut de la science
à la fin du chapitre 4, p. 202-207.
254 notes des pages 96 à 98
168. Metalogicon, IV, 41, p. 182, 30-33 : « Hinc est illud Philonis in libro Sapientiae :
qui confidunt in Domino intelligent ueritatem, et fideles in dilectione adquiescent illi,
quoniam donum et pax est electis Dei. » Jean cite Sagesse, 3, 9.
169. Si le terme est fréquemment le même au Moyen Âge, à savoir astrologia, Jean
de Salisbury les distingue en utilisant mathesis, qui renvoie à l’une ou à l’autre selon
la place de l’accent. Voir Policraticus, II, 18, p. 106, 13 – 107, 18 : « Mathesim ergo
probabilem, quae paenultima breui enuntiatur, quam et natura inducit, ratio probat, et
utilitatis experientia approbat, quasi quoddam doctrinae suae iaciunt fundamentum, ut
exinde opinionum suarum lubrico quasi quadam imagine rationis in mathesim reprobam,
quae profertur extensa paenultima, perniciosissime prolabantur. »
170. Policraticus, II, 29, p. 169, 2 – 170, 22 : « Licet tamen de futuris ut aliquis
consulatur, ita quidem si aut spiritu polleat prophetiae aut ex naturalibus signis quid
in corporibus animalium eueniat phisica docente cognouit aut si qualitatem temporis
imminentis experimentorum indiciis colligit ; dum tamen his posterioribus nequaquam
quis ita aurem accomodet ut fidei aut religioni praeiudicet. […] Sed in his facile labi
possunt, quia quanticumque ingenii uires citra profunditatem difficultatis quae in his
uertitur subsistunt. Vbi uero deficit intellectus, fidei ratione deducta quae media est,
restat sola opinio. »
171. L’analogie entre l’astrologue et le sophiste est explicite au début du chapitre 18,
p. 106, 11 – 107, 18 (le texte est cité ci-dessus, n. 169). De même que le sophiste part
du vrai et utilise les outils de la logique démonstrative et de la dialectique pour se
donner les apparences de la raison, l’astrologue part d’observations fiables, et utilise
les outils mathématiques de l’astronomie pour se donner l’apparence de la vérité et de
la rationalité.
172. Policraticus, II, 1, p. 72, 12-13 : « Phisica etenim dicunt cuius occultissima
ratio est, ut humano sensu nequeat comprehendi. » Si l’on en croit le tableau dressé par
J. Bylebyl, « The Medical Meaning of Physica », in M. R. McVaugh et N. G. Siraisi,
Renaissance Medical Learning : Evolution and Tradition, Osiris, 2nd ser. 6, 1990,
p. 16-41, l’association de la notion de phisica avec l’idée de cause cachée n’est pas des
plus fréquentes.
173. Sur la définition de la magie, et la classification de ses diverses espèces par
Jean de Salisbury, voir J. P. Boudet, Entre science et nigromance, Astrologie, divination
et magie dans l’Occident médiéval (xiie-xve siècle), Publications de la Sorbonne, Paris,
2007, p. 89-107.
174. Plato, Timaeus a Calcidio translatus commentarioque instructus, p. 20, 15 ;
21, 3 : « Est igitur, ut mihi quidem uidetur, in primis diuidendum, quid sit quod semper
est, carens generatione, quid item quod gignitur nec est semper, alterum intellectu
perceptibile ductu et inuestigatione rationis, semper idem, porro alterum opinione cum
inrationabili sensu opinabile propterea que incertum, nascens et occidens neque umquam
in existendi condicione constanti et rata perseuerans. Omne autem quod gignitur ex
causa aliqua necessario gignitur; nihil enim fit, cuius ortum non legitima causa et ratio
notes de la page 98 255
praecedat. Operi porro fortunam dat opifex suus; quippe ad immortalis quidem et in statu
genuino persistentis exempli similitudinem atque aemulationem formans operis effigiem
honestum efficiat simulacrum necesse est, at uero ad natiuum respiciens generatum que
contemplans minime decorum. »
175. Policraticus, II, 1, p. 72, 14-17 : « Nichil etenim est uel fit cuius ortum legitima
causa et ratio non praecedant, et, ut alius ait, nichil fit in terra sine causa. Constat itaque
quia artificis naturae manum nichil euadit. Ex quo consequenter patet ad phisicam omnia
pertinere. »
176. Policraticus, II, 12, p. 91, 3-11 : « Si uero Platonem sequimur qui asserit naturam
esse Dei uoluntatem, profecto nichil istorum euenit contra naturam, cum ille omnia
quaecumque uoluit fecerit. Ille quidem dum rerum causas exequitur, finem omnium
diuinam astruit bonitatem. Optimus est, inquit, porro ab optimo longe relegata est omnis
inuidia. Itaque consequenter cuncta sui similia, prout natura cuiusque beatitudinus capax
esse poterat, effici uoluit, quam quidem Dei uoluntatem certissimam rerum originem esse
si quis ponat, recte eum putare consentiam. » Jean cite Platon, Timée, 29e-30a.
177. Policraticus, II, 2, p. 74, 28 – 75, 40 : « Nec mirum cum et grauiorum animalium
corpora ad exteriorum motus frequentissime disponantur et archano quodam naturae
consilio gerant elementis necessarium morem. Quae enim animalium corporibus bona uel
mala immineant si se temporaliter uel extemporaliter reddiderint tempora, ars phisicorum
regulis suis satis probabiliter comprehendit. Futuram etiam sanitatem aut aegritudinem
aut statum quem dicunt neutralitatem, fatalitatem quoque ipsam ex praecedentibus signis
agnoscunt, et interdum si causas nouerint, efficacissime curant. Si uero, ut uerbo eorum
utar, causas ignorant, quomodo curant ? Non utique artis beneficio sed fortunae. Iudicium
uero quod ex signorum cognitione proferunt, etsi difficile, saepe uerissimum est. »
178. Policraticus, II, 3, p. 76, 3-11 : « Quae uero in sole et luna secundum naturam
signa contigerint certissima sunt et auctorum multorum testimonio comprobata. Solem
dicere falsum quis audeat ? Quotiens ergo sol in caelo uidebitur geminari, inundationem
aquarum subiectus orbis expectet. Et licet a raritate sui miraculis uideatur accedere, opus
tamen naturae est, quae quidem soles non geminat sed nubem simillimam facit uocaturque
parelion. Est etenim parelion nubes similllima soli, signum quidem commune multis
etsi non generale. » On retrouve ici les critères de l’induction définis par ailleurs par
Jean de Salisbury : la connaissance scientifique obtenue par induction doit reposer sur
des témoignages multiples qui permettent, idéalement, de mettre au jour une quasi-loi
de la nature en identifiant les causes du phénomène. Que ce ne soit qu’une quasi-loi de
la nature, en raison de l’incertitude de notre connaissance des causes, Jean le souligne
en conclusion de ce chapitre, p. 76, l. 15-19 : « Sed quae et quomodo quaue de causa,
iudicium quidem difficile est et frequenter incertum et saepe altius quam ut ab homine
ualeat expediri. »
179. Sénèque, Quaestiones naturales, P. Oltramare, Paris, Les Belles Lettres,
1929, I, 11, 3, p. 38 : « Sunt autem imagines solis in nube spissa et incurua in modum
speculi. Quidam parhelion ita definiunt: nubes rotunda et splendida similisque soli.
256 notes de la page 99
Sequitur enim illum nec umquam longius relinquitur, quam fuit, cum apparuit. Num
quis nostrum miratur, si solis effigiem in aliquo fonte aut placido lacu uidit ? Non, ut
puto. Atqui tam in sublimi facies eius quam inter nos potest reddi, si modo idonea est
materia, quae reddat. »
180. Policraticus, II, 27, p. 164, 491-494 : « Porro Spiritus Sanctus disciplinae effugit
fictum, et corpus peccatis subditum sui esse habitaculum dedignatur. Quicquid uero
huiusmodi agatur, fictitium est et phantasticum et ueritatis substantiam nescit. »
181. Jean définit les hérétiques et les superstitieux comme ceux qui s’adonnent à
des religions fausses et vénèrent les démons. Cf. Policraticus, II, 15, p. 97, 108-113 :
« Sicut enim catholicae religionis uiri uero Deo eisque quae munere eius sacra sunt
piam uenerationem impedunt, ita haereticae et superstitiosae religionis homines fictus
numinibus, immo potius ueris daemonibus et execrabilibus sacris eorum non debitam
reuerentiam, quae nulla est, sed turpissimum exhibent famulatum. »
182. Les spéculaires sont les devins qui s’appuient sur des miroirs (ou des surfaces
équivalentes) pour prévoir le futur. Policraticus, I, 12, p. 59, 51-55 : « Specularios uocant
qui in corporibus leuigatis et tersis, ut sunt lucidi enses, pelues, ciathi, speculorum
que diuersa genera, diuinantes, curiosis consultationibus satisfaciunt; quam et Ioseph
exercuisse aut potius simulasse describitur, cum fratres argueret surripuisse ciphum in
quo consueuerat augurari. »
183. Policraticus, II, 28, p. 166, 40-51. Sur le rapport entre divination et démons,
voir Augustin, De ciuitate Dei, VIII, 23-27.
184. Policraticus, II, 1, p. 73, 55-56 : « His uero nugis mens incauta seducitur sed fidelis
nequaquam adquiescit. » Voir aussi, Policraticus, II, 1, p. 71, 2-4 et 17, p. 102, 2-9.
185. Policraticus, II, 28, p. 167, 85 – 168,103. On trouvera une analyse de ce fameux
chapitre du Policraticus dans Boudet, Entre science et nigromance, op. cit., p. 101-106.
186. Policraticus, II, 1, p. 73, 34-37 : « Infideles autem et reprobos aut etiam haesitantes
in fide multis permittit ludificationibus subiacere. Omnia tamen omina tantum possunt
quantum excipientis fides permittit. » Sur la notion d’efficacité symbolique, voir C. Lévi-
Strauss, « L’efficacité symbolique », Anthropologie structurale, Plon, 1958, chap. 10,
p. 205-226, en particulier, p. 223-225, ainsi que « Le sorcier et sa magie », ibid., chap. 9,
p. 197-200. Voir aussi les analyses de Jeanne Favret-Saada dans Les mots, la mort, les
sorts, Paris, Gallimard, 1985.
187. Policraticus, II, 1, p. 72, 17 – 73, 34 : « Ego quidem, quocumque modo ista
se habeant, indubitanter credo illa sola non esse respuenda quae ex fide proueniunt et
referuntur ad gloriam omnipotentis Dei, cum scriptum nouerim omnia quaecumque in
opere uel inuerbo feceritis, in nomine Domini facite in quo solo uia hominis prosperatur.
Sic omnium sanctorum turba praecessit. Cuthbertus, signifer quidam gentis nostrae in lege
Domini, euangelium Iohannis superonebat infirmis et curabantur. Beati Stephani tunica
superposita mortuum suscituit. Symbolum apostolorum daemoniacum a quo gestabatur
curauit. Oratio dominica herbis dum legebantur aut dabantur ex fide dicta saepissime
contulit optatum salutis effectum. Beatus Benedictus signo crucis uas mortiferum
notes des pages 100 à 101 257
fregit ac si pro signo lapidem intorsisset. Capitula euangelii gestata uel audita uel dicta
inueniuntur profuisse quam plurimis. […] Haec equidem et similia non modo licita sed
et utilissima sunt. Alia uero non tam contemnenda quam fugienda. Certum siquidem est
quod diligentibus Deum omnia cooperantur in bonum. »
188. Voir saint Augustin, De utilitate credendi, 16, 4. Sur le statut des miracles au
Moyen Âge, voir P.-A. Sigal, L’Homme et le Miracle dans la France médiévale (xie-
xiie siècle), Paris, Le Cerf, 1985, en particulier p. 35-45 sur les reliques. Un survol des
différentes positions théoriques sur le miracle est proposé par M. E. Goodich, Miracles
and Wonders. The Development of the Concept of Miracle, 1159-1350, Aldershot –
Burlington, Ashgate, 2007, notamment, chap. 2, p. 8-28.
189. Voir par exemple, Policraticus, VIII, 21, p. 386, 2-12 : « Cum autem adhuc
pueri Gallus et Iulianus ad sepulturam Mammae martiris opere inter se diuiso certatim
basilicam fabricarent, res dictu mirabilis et forsitan incredibilis accidisse narratur. […]
Res prodigiosa uisa est omnibus existimantibus quia non esset uir ille in Christiana
religione salubris. Nec falso ; quod patuit ex post facto. »
190. Policraticus, II, 12, p. 91, 3-6. Cité p. 255, n. 176.
191. Policraticus, II, 24, p. 139, 41-45 : « Qui enim sideribus legem dedit, qui curricula
temporum uoluntatis suae freno moderatur, qui rerum momenta temporus suis accomodat,
quando uult quomodo uult, nouum stupente natura aut rarum potest producere effectum
ex causis concurrentibus quae aliter parere consueuerant. »
192. Policraticus, II, 21, p. 124, 133-135 : « Cum uero ipsa ab aeternitatis suae statu
moueri non possit, contingentium seriem ab omni nexu necessitatis absoluit. »
193. Policraticus, II, 24, p. 139, 41-45 : « Qui enim sideribus legem dedit, qui
curricula temporum uoluntatis suae freno moderatur, qui rerum momenta temporibus
suis accommodat, quando uult et quomodo uult, nouum stupente natura aut rarum potest
producere effectum ex causis concurrentibus quae aliter parere consueuerant. » Voir
aussi l’exemple de la production du vin, que Jean reprend à Saint Augustin : « Humor
siquidem de intimis terrae uisceribus ab arborum uel uinearum radicibus appetitiua
quadam uirtute attrahitur, deinde quadam distributione naturae digeritur per plantarum
membra, et cum sua decoctione profecerit, turgescit in surculos, et quo ad sustentationem
sui non indiget, in folia et fructus emittit, qui, cum maturuerin, in musta despumant, et
sic per interualla temporum consueto usu uina parturiunt. Si uero occulta dispositine Dei
quibusdam naturae cuniculis digestus et maturatus humor absque temporis interstitio
inopinatum uertatur in uinum, miraculum quidem est quia altitudo diuinae dispensationis
nostrum transscendit intellectum » (Policraticus, II, 12, p. 91, 19 – 92, 29). Il s’agit d’une
référence à De Genesi ad litteram, VI, 15.
194. Policraticus, II, 29, p. 170, 31-36 : « Cum eos audio, uidentur michi posse
mortuos suscitare, nec Aesculapio Mercurioue creduntur inferiores. Verumtament in eo
magna mentis admiratione distrahor et pertubor quod a se ipsis tanto uerborum conflictu
et collisione rationum dissiliunt et discordant. Vnum profecto scio, contraria simul uera
esse non posse. »
258 notes des pages 101 à 104
accidentibus informetur aut formis substantialibus que ei existendi causa sint, ut ipse
merito credatur non esse omnium causa. »
211. Metalogicon, IV, 40, p. 181, 67-75. Le texte est cité ci-dessus, p. 247, n. 112.
Chapitre 3
1. Voir, par exemple, C. Haskins, The Renaissance of the Twelfth Century, Cambridge,
Harvard University Press, 1927 ; G. Paré, A. Brunet et P. Tremblay, La Renaissance
du xiie siècle. Les écoles et l’enseignement, Paris – Ottawa, Vrin – Institut d’études
médiévales, 1933. Le choix même du titre de son étude par C. Haskins se veut un défi
à l’historiographie classique (au xixe et au début du xxe siècle) qui oppose Renaissance
et Moyen Âge. Voir sa préface, p. 5-6. Pour l’application du terme d’humanisme à Jean
de Salisbury, voir G. Dotto, Giovanni di Salisbury. La filosofia come Sapienza, Assisi,
Porziuncola, 1986 et H. Liebeschütz, Medieval Humanism in the Life and Writings of
John of Salisbury, Studies of the Warburg Institute, 17, London, Warburg Institute,
1950, reprint 1980.
2. Sur ce point, voir J. Buckhardt, La Civilisation de la Renaissance en Italie, Paris,
Plon, 1958.
3. Voir M.-D. Chenu, La Théologie au xiie siècle, Paris, Vrin, 1957.
4. Par exemple, W. Wetherbee, Platonism and Poetry in the Twelfth Century. The
Literary Influence of the School of Chartres, Princeton, Princeton University Press, 1972 ;
P. Godman, Paradoxes of Conscience in the High Middle Ages : Abelard, Heloise, and
the Archpoet, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.
5. P. Boyancé, Études sur l’humanisme cicéronien, Bruxelles, Latomus, 1970,
p. 6.
6. La connaissance directe de la littérature latine par Jean de Salisbury a cependant
été nuancée par J. Martin qui met en évidence sa dépendance par rapport à des Florilèges.
Voir J. Martin, « John of Salisbury’s Manuscripts of Frontinus and of Gellius », Journal
of Warburg and Courtlaud Institutes, 40, 1977, p. 1-26.
7. Ce point avait déjà été noté par B. Hendley dans Wisdom and Eloquence, op. cit.,
p. 29-34 et 43-44 et dans « A New Look at John of Salisbury’s Educational Theory », in
J. Murdoch et al. (dir.), Knowledge and the Sciences in Medieval Philosophy, Helsinki,
Acta Philosophica Fennica, 1990, vol. 2, p. 502-511, et bien entendu dans l’ouvrage
de P. von Moos, Geschichte als Topik. Das rhetorische Exemplum von der Antike zur
Neuzeit und die historiae im Policraticus Johanns von Salisbury, Ordo, Bd2, Hildesheim
– Zürich – New York, Olms, 1996, notamment, p. 299-309.
8. La métaphore de l’auteur mercenaire est employée dans le prologue du Policraticus,
p. 24, 110-112 : « Omnes ergo qui michi in uerbo aut opere philosophantes occurrunt,
meos clientes esse arbitror et, quod maius est, michi uendico in seruitutem. »
9. Metalogicon, I, 12, p. 32, l. 15-20 : « … et liberales dictae sunt […] ex hoc quod
quaerunt hominis libertatem, ut curis liber sapientiae vacet, et saepissime liberant a curis
notes des pages 109 à 111 261
his quarum participium sapientia non admittit. Necesserias quoque saepe excludunt, ut
agitationi mentis ad philosophiam sit expeditior via. »
10. La présence à Chartres de Jean de Salisbury fait débat. Mais il ne fait aucun
doute qu’il a reçu l’enseignement de plusieurs maîtres liés, de près ou de loin, à la grande
figure de l’école chartraine Bernard de Chartres. Il s’agit en l’occurrence de Guillaume
de Conches, Thierry de Chartres et Gilbert de la Porrée. Sur cette quaestio vexata, voir
A. Clerval, Les Écoles de Chartres au Moyen Âge du ve au xvie siècle, Genève, Slatkine,
1977 ; R. Southern, « Humanism and the School of Chartres », Medieval Humanism
and Other Studies, Evanston, Harper & Row, New York, 1970, p. 60-85, K. S. B. Keats-
Rohan, « John of Salisbury and Twelfth-century Education in Paris… », op. cit. N. Häring,
« Chartres and Paris Revisited », in J. R. O’Donnell (dir.), Essays in Honour of Anton
Charles Pegis, Toronto, Pontifical Institute of medieval philosophy, 1974, p. 268-329.
11. Sauf erreur de ma part, il n’y a pas d’étude sur ce cercle de Canterbury. On trouvera
quelques éléments dans C. Rossi, Marie de France et les érudits de Cantorbéry, Paris,
Classiques Garnier, 2009, p. 23-29. De façon plus générale, sur les réseaux d’amitié de
Jean, voir J. McLoughlin, « Amicitia in Practice : John of Salisbury (c. 1120-1180) and
his Circle », in D. Williams, England in the Twelfth Century, Woodbridge, The Boydell
Press, 1990, p. 165-180, et L. Moulinier-Brogi, « Jean de Salisbury : un réseau d’amitiés
continentale », in M. Aurell (dir.), Culture politique des Plantagenêt (1154-1124), Poitiers,
Université de Poitiers, CNRS, Centre d’études supérieur de la civilisation médiévale,
2003, p. 341-361. La correspondance contient une trace des joutes littéraires qui ont
pu animer cette communauté intellectuelle de Canterbury. Voir, ci-dessous, chap. 4,
l’analyse de la Lettre 95, p. 198-200.
12. Voir Metalogicon, II, 10, p. 70-73. Sur la période étudiante de Jean en France, voir
O. Weijers, « The Chronology of John of Salisbury’s Studies in France (Metalogicon II,
10) », in M. Wilks (dir.), The World of John of Salisbury, op. cit., p. 109-125, K. S. B. Keats-
Rohan, « The Chronology of John of Salisbury’s Studies in France : A Reading of
Metalogicon, II.10 », Studi Medievali, 28, 1987, p. 193-203 ; D. Bloch, John of Salisbury
on Aristotelian Science, op. cit., p. 1-12.
13. Voir C. Nederman et T. Shogimen, « The Best Medicine? Medical Education,
Practice and Metaphor in John of Salisbury’s Policraticus and Metalogicon », Viator:
Medieval and Renaissance Studies, 42, 2011, p. 55-74.
14. Voir Policraticus, II, 29, p. 169-171. Néanmoins, si Jean de Salisbury a effectivement
étudié à Chartres, il a pu profiter de la riche bibliothèque de l’école cathédrale pour
parfaire sa culture scientifique. Voir C. Burnett « The content and affiliation of the
scientific manuscripts », in M. Wilks (dir.), The World of John of Salisbury, p. 127-160.
Sur l’ignorance de Jean en matière de quadrivium, voir D. Bloch, John of Salisbury on
Aristotelian Science, op. cit., p. 7-10.
15. Metalogicon, II, 10, p. 71, 35-42 : « Apud hos toto exercitatus biennio, sic locis
assignandis assueui et regulis, et aliis rudimentorum elementis quibus pueriles animi
imbuuntur, et in quibus praefati doctores potentissimi erant et expeditissimi, ut haec
262 notes des pages 111 à 115
omnia mihi uiderer nosse tanquam ungues digitos que meos. Hoc enim plane didiceram,
ut iuuenili leuitate pluris facerem scientiam meam quam erat. Videbar mihi sciolus, eo
quod in his quae audieram promptus eram. »
16. Metalogicon, II, 10, p. 72, 42-45 : « Deinde reuersus in me et metiens uires meas,
bona praeceptorum meorum gratia consulto me ad grammaticum de Conchis transtuli,
ipsum que triennio docentem audiui. Interim legi plura, nec me unquam paenitebit
temporis eius. »
17. Metalogicon, II, 10, p. 71, 45 – 72, 51 : « Postmodum uero Ricardum cognomento
Episcopum, hominem fere nullius disciplinae expertem et qui plus pectoris habet
quam oris, plus scientiae quam facundiae, plus ueritatis quam uanitatis, uirtutis quam
ostentationis, secutus sum, et quae ab aliis audieram ab eo cuncta relegi, et inaudita
quaedam ad quadruuium pertinentia, in quo aliquatenus Teutonicum praeaudieram
Hardewinum. »
18. Policraticus, VII, 9, 122, 20 – 123, 2 : « Pauci tamen sunt qui Achademicorum
imitatores esse dignentur, cum unusquisque pro libitu potius quam ratione eligat quid
sequatur. Alii namque propriis, alii doctorum opinionibus, alii multitudinis consortio
distrahuntur. Quid enim dubitat qui iuratus in uerba magistri non quid sed a quo quid
dicatur attendit? Quiduis enim elatrat acriter et quo imbuta est puerilis etas, de intimis
philosophiae abditis erutum putat. Paratus et de lana caprina contendere, credens inopinabile
si quid ignotum auribus eius insonuit, nec rationibus adquiescit quem doctoris captiuauit
opinio. Quicquid enim ille protulit, autenticum et sacrosanctum est. »
19. Policraticus, VII, 9, 123, 13-15 : « Error enim dupplicem laborem exigit, cum et
delenda sint peruersae institutionis semina et bonae sint fidelius inserenda. »
20. Voir ci-dessus, chap. 1, p. 23.
21. Sur les sens possibles de ce pseudonyme, voir J. van Laarhoven, John of Salisbury’s
Entheticus maior and minor, vol. 2, p. 269.
22. Sur Adam de Balsham, et ses rapports avec Jean de Salisbury, voir D. Bloch,
John of Salisbury on Aristotelian Science, op. cit., p. 191-205. Adam insiste, en effet,
sur l’importance de l’ingenium comme point de départ de toute connaissance, mais sans
le séparer de la pratique (usus) et de la technique (ars). Voir Ars disserendi, I, § 1-6,
in L. Minio-Paluello, Twelfth Century Logic. Text and Studies. I. Adam Balsamiensis
Parvipontanis, Ars disserendi (dialectica Alexandri), Roma, Edizioni di Storia e Letteratura,
1956, p. 3-5.
23. Entheticus, v. 45-66, p. 109 : « A nobis sapimus, docuit se nostra iuventus,/ non
recipit veterum dogmata nostra cohors./ Non onus accipimus, ut eorum verba sequamur,/
quos habet auctores Graecia, Roma colit. […] Cum sit ab ingenio totum, non sit tibi
curae,/ quid prius addiscas, posteriusve legas./ Haec schola non curat, quid sit modus,
ordove quid sit,/ quam teneant doctor discipulusque viam./ Expedit ergo magis varias
confundere linguas,/ quam veterum studiis insipienter agi. »
24. Entheticus, v. 49-54, p. 109 : « Incola sum Modici Pontis, novus auctor in arte,/
dum prius inventum glorior esse meum:/ quod docuere senes, nec novit amica iuventus,/
notes des pages 115 à 116 263
pectoris inventum iuro fuisse mei !/ Sedula me iuventum cirumdat turba, putatque/
grandia iactantem non nisi vera loqui. » Sur la satire chez Jean de Salisbury, P. von Moos,
Geschichte als Topik…, op. cit., p. 547-556 ; R. Pépin, « John of Salisbury’s Entheticus
and the Classical Tradition of Satire », Florilegium, 3, 1981, p. 215-227.
25. Sur ce point, P. von Moos, Geschichte als Topik…, op. cit., p. 289-292 ;
H. Liebeschütz, Medieval Humanism, op. cit., p. 118. Pour une mise en relation précise
du mouvement cornificien avec la chronologie des études parisiennes de Jean, voir
J. O. Ward, « The Date of the Commentary on Cicero’s De inventione by Thierry of
Chartres (ca. 1095-1160) and the Cornifician Attack on the Liberal Arts », Viator, 3,
1972, p. 219-273 : 227. On trouvera également chez Ward une bonne synthèse des débats
sur la nature de Cornificius.
26. Metalogicon, I, 2, p. 14, 2 – 15, 27 : « Ipsum uero uulgato designarem ex nomine,
et tumorem uentris et mentis, oris impudicitiam, rapacitatem manuum, gestus leuitatem,
foeditatem morum quos tota uicinia despuit, obscenitatem libidinis, deformitatem corporis,
turpitudinem uitae, maculam famae publicis aspectibus ingerens denudarem, nisi me
Christiani nominis reuerentia cohiberet. […] Vt libet ergo ille stertat in dies medios,
cotidianis conuiscerationibus ingurgitetur ad crapulam, et in illis immunditiis uolutatus
incumbat, quae nec porcum deceant Epicuri. »
27. Metalogicon I, 3, p. 15, 2-6 : « Ego quidem omnino non miror, si credulos
auditores suos multa mercede conductus et multo tempore aerem uerberans docuit nihil
scire, cum et ipse sic edoctus sit a magistris. Siquidem non facundus est sed uerbosus,
et sine fructu sensuum, uerborum folia in uentum continue profert. » Voir la liste des
faux sceptiques, ci-dessus, chap. 2, p. 50-51.
28. La définition générale de l’éloquence est donnée dans Metalogicon, I, 7, p. 24,
9-15 : « Est enim eloquentia facultas dicendi commode quod sibi uult animus expediri.
Quod enim in abdito cordis est, hoc quodam modo in lucem profert et producit in publicum.
Siquidem non est eloquens quisquis loquitur, aut qui quod uoluerit utcumque loquitur,
sed ille dumtaxat qui animi sui arbitrium commode profert. »
29. Cicéron, De oratore, texte établit et traduit par E. Courbaud, Paris, Les Belles
Lettres, 1922, I, 2, 5, p. 9 : « solesque non numquam hac de re a me in disputationibus
nostris dissentire quod ego eruditissimorum hominum artibus eloquentiam contineri
statuam, tu autem illam ab elegantia doctrinae segregandam putes et in quodam ingenii
atque exercitationis genere ponendam. »
30. Cicéron, De oratore, op. cit., I, 5, 17-18, p. 13 : « Est enim et scientia comprendenda
rerum plurimarum sine qua verborum volubilitas inanis atque inridenda est et ipsa oratio
conformanda non solum electione sed etiam constructione verborum et omnes animorum
motus quos hominum generi rerum natura tribuit penitus pernoscendi, quod omnis vis
ratio que dicendi in eorum qui audiunt mentibus aut sedandis aut excitandis expromenda
est. […] Tenenda praeterea est omnis antiquitas exemplorum que vis neque legum ac
iuris civilis scientia neglegenda est. » Sur le rapport entre éloquence et culture chez
Cicéron, voir E. Gilson, « Eloquence et sagesse selon Cicéron », Phoenix, 7/1, 1953,
264 notes des pages 116 à 118
40. Ibid., VII, 12, p. 138, 7-9 : « Nec refert qua quisque ratione nitatur, dum non
instantiam sed umbram eius quisque dare sufficiat. »
41. Ibid., VII, 12, p. 137, 27 – 138, 2 : « Accede ut docearis; quid in scriptis suis
auctores senserunt diligenter inquire; excute litteram; statim increpabit duritiam tuam et
asino Archadiae te dicet tardiorem. Plumbo ebetior es, dum quid in littera latet interrogas;
littera inutilis est, nec curandum est quid loquatur. »
42. Ibid., VII, 12, p. 143, 21-24 : « Nec illos ad philosophandum crediderim aptiores
qui omni uerbulo longam orationem obiciunt ac si ad omnia quae quaeruntur sermo sit
ad populum faciendus. »
43. Voir J. Cadden, « Science and Rhetoric in the Middle Ages: The Natural Philosophy
of William of Conches », Journal of the History of Ideas, 56, 1995, p. 1-24 : 15 et 17 ;
G. Paré, A Brunet, et P Tremblay, La Renaissance du xiie siècle, op. cit., p. 83-84.
Cornificius m’intéresse au titre de contre-modèle pédagogique, mais d’un point de vue
d’histoire de l’enseignement, la critique de Cornificius atteste plutôt du conservatisme
éducatif de Jean qui ne perçoit pas certaines évolutions des écoles, comme l’augmentation
du nombre d’étudiants et la nécessité de rentabiliser les études.
44. Voir la typologie des débouchés professionnels recherchés par les cornificiens dans
Metalogicon, I, 4 : carrière monastique, carrière médicale, carrière curiale. Dans chaque
cas, ce qui compte, c’est de s’enrichir. Cf. p. 18, 12 - 20, 75 : « Si mihi non credis, claustra
ingredere, scrutare mores fratrum, et inuenies ibi superbiam Moab et eam intensam ualde,
ut arrogantia absorbeat fortitudinem eius. […] Alii autem suum in philosophia intuentes
defectum, Salernum uel ad Montem Pessulanum profecti, facti sunt clientuli medicorum,
et repente quales fuerant philosophi, tales in momento medici eruperunt. […] Alii profecto
similes mei se nugis curialibus mancipauerunt, ut magnorum uirorum patrocinio freti possent
ad diuitias aspirare, quibus se uidebant et iudicio conscientiae quicquid lingua dissimulet
fatebantur indignos. […] Exercent faenebrem pecuniam alternis uicibus inaequalia rotundantes,
et adiectione multiplici quod rotundauerant abaequantes. Nihil enim sordidum putant, nihil
stultum, nisi paupertatis angustias, et solas opes ducunt esse fructum sapientiae. »
45. Ibid., I, 12, p. 32, 15-18, cité au début de ce chapitre, p. 261, n. 9.
46. Sur le « conservatisme » de Jean, et des maîtres de la génération précédente
(Guillaume de Conches notamment), voir J. Cadden, « Science and Rhetoric… », art. cit.,
p. 17 ; S. Jaeger, Scholars and Courtiers: Intellectuals and Society in Medieval West,
Aldershot – Burlington, Ashgate, 2003, p. 601-608.
47. Entheticus, 167-170, p. 117 : « Ingenii natura potens cito possidet omnes/ artes,
si fuerit ista sequela comes/ auditus verbi, quies studiis apta, fidelis amor. »
48. Metalogicon, I, 24, p. 54, 117-120 : « Ad huius magistri formam praeceptores
mei in grammatica Willelmus de Conchis et Ricardus cognomento Episcopus, officio
nunc archidiaconus Constantiensis, uita et conuersatione uir bonus, suos discipulos
aliquamdiu informauerunt ».
49. Ibid., I, 23, p. 50, 3-10 : « Praecipua autem sunt ad totius philosophiae et uirtutis
exercitium, lectio, doctrina, meditatio, et assiduitas operis. Lectio uero scriptorum
266 notes des pages 120 à 121
Carnotensis paucis expressit. Et, licet metri eius suauitate non capiar, sensum approbo et
philosophantium credo mentibus fideliter ingerendum : Ait ergo: Mens humilis, studium
quaerendi, uita quieta, /scrutinium tacitum, paupertas, terra aliena, /haec reserare solent
multis obscura legendo. » Sur la notion de Philosophans, voir P. Michaud-Quantin et
M. Lemoine « Pour le dossier des philosophantes », Archives d’histoire doctrinale et
littéraire du Moyen Âge, 35, 1968, p. 17-22. La même citation, attribuée par Jean à Bernard
de Chartres, est utlisée par H. de Saint-Victor dans le Didascalicon, III, chap. 12. Hugues
y distingue d’une part des règles d’étude (l’humilité et l’application), et d’autre part des
règles de vie (les quatre dernières). Les règles d’étude sont longuement étudiées dans les
chap. 13 et 14, respectivement. Hugues y critique l’arrogance de celui qui croit savoir, et
invite à se mettre à l’écoute d’autrui. Les quatre dernières règles sont divisées en règles
de discipline et règles d’exercice (chap. 15-19). La tranquillité et l’approfondissement
sont rapportés à la pratique de la méditation, tandis que la pauvreté (le rejet du superflu)
et l’exil (qui conduit au contemptus mundi) permettent une réelle pratique de l’étude.
La perspective, explicitement et directement pédagogique, est assez différente de celle
de Jean de Salisbury.
59. Policraticus, VII, 13, p. 146, 7-14 : « Quisquis ergo uiam philosophandi ingreditur,
ad hostium gratiae eius humiliter pulset, in cuius manu liber omnium sciendorum est,
quem solus aperit Agnus qui occisus est ut ad uiam sapientiae et uerae felicitatis seruum
reduceret aberrantem. Frustra quis sibi de capacitate ingenii, de memoriae tenacitate, de
assiduitate studii, de linguae uolubilitate blanditur. » Entheticus, v. 170-173, p. 117 :
« Optat in eloquio si quis praeclerus haberi,/ indubitanter ei, quod cupit, ista dabunt:/
ingenium pollens, memoris quoque pectoris usus,/ artis opes, vocis organa, sermo
frequens. »
60. Policraticus, VII, 13, p. 147, 1-20 : « Ineptus enim est qui scripturis, a quibus
instruendus est, appetit dominari et captiuato sensu earum ad intellectum suum eas nititur
trahere repugnantes. Nam in eis quaerere quod non habent, proprium sensum obstruere
est, non addiscere alienum. […] Quisquis enim ad uoluptatem suam ingenii aut studii
uiribus Scripturarum integritatem attemptat, quasi a sacrario philosophiae exclusus, ab
intelligentia ueri alienus extat. »
61. Ibid., VII, 13, p. 147, 21 – 148, 3 : « Sic, dum elati et maligni oberrant ad
parietem Scripturarum, sensum fidelem, qui in domo simplicis, cum quo est sermocinatio
Dei et qui correptorem malitiae uidet angelum, non adtingunt. Angelus siquidem
Scriptura est, quam Deo mittente constat ad increpandam malitiam hominum in
mundi Sodomam descendisse. Audite, inquit, uerbum Domini, principes Sodomorum;
auribus percipe uerba mea, populus Gomorrae. Seruiendum est ergo Scripturis, non
dominandum, nisi forte quis se ipsum dignum credat ut angelis debeat dominari. »
Voir Genèse, 18-19.
62. Policraticus, VII, 13, p. 149, 1-13 : « Porro ad studium quaerendi non modo
domesticis sed etiam extraneis animamur exemplis. […] Carneades laboriosus et
diuturnus sapientiae miles in studio nonaginta expleuit annos; ei siquidem idem uiuendi et
268 notes des pages 123 à 126
73. Policraticus, VII, 9, p. 125, 16-27 : « Sic tamen omnia legenda sunt ut eorum
aliqua, cum lecta fuerint, negligantur, reprobentur nonnulla, aliqua uideantur in transitu
ne sint omnino incognita; sed prae omnibus maiori diligentia insistendum est quae aut
politicam uitam siue in iure ciuili siue in aliis ethicae praeceptis instituunt aut procurant
corporis aut animae sanitatem. Cum enim illa quae praecipua est inter liberales disciplinas,
sine qua nemo recte docere aut doceri potest, sit in transitu et quasi a limine salutanda,
quis in aliis censeat immorandum quae aut intellectu difficiles aut effectu inutiles et
perniciosae non faciunt hominem meliorem ? »
74. Ibid., VII, 9, p. 128, 31 – 129, 32 : « Vnde et doctor ille Ecclesiae, cuius nemo
satis memor esse potest, Augustinus Varronem arguit, quem tamen ut litteratissimum
fuisse doceat, ait post cetera quibus singulari praeconio commendatur: Denique et
ipse Tullius huic tale testimonium perhibet ut in libris Achademicis dicat eam quae ibi
uersatur disputationem se habuisse cum M. Varrone, homine (inquit) omnium facile
acutissimo et sine dubitatione doctissimo. […] Cum ergo uiri acutissimi et sine ulla
dubitatione, Cicerone teste, doctissimi superstitio scriptis propriis eam conuincentibus
arguatur constet que superstitionem falsitatis uitio uirtuti, quae in sola ueritate consistit,
esse oppositam et sapientiam sine uirtute esse non posse, quis ex sola lectione, nisi
adsit gratia illustratrix creatrix uiuificatrix que uirtutum, credat posse fieri hominem
sapientem ? »
75. Entheticus, v. 1177-1198, p. 181-183 : « Inferior nullo Graecorum Varro fuisse/
scribitur ; hunc patrem Roma vocare solet./ Plura quidem nullus scripsit, nullus meliora,/
nec potuit quisquam deteriora loqui./ Mistica natura pandit, ritusque sacrorum,/ officiumque
Dei, gestaque prisca patrum. Numina virtutum, quae fingit, vanus adorat,/ et quot sunt
pestes, tot putat esse deos./ […] Romanos Varro, Graecos Musaeus, Ebraeos/ instituit
Moyses vivere more suo./ Errat Musaeus nimium, Varroque coerrat,/ sed Moysi mentem
spiritus almus agit. »
76. Historia pontificalis, op. cit., p. 27 : « Vtebatur, prout res exigebat, omnium
adminiculo disciplinarum, in singulis quippe science auxiliis mutuis uniuersa constare.
Habebat enim connexas disciplinas easque theologie seruire faciebat, et cohibebat omnium
regulas infra proprii generis limitem. Sunt enim singule suis addicte generibus et statim
ut alio traducte fuerint uiciantur. Proprietates figurasque sermonum et in theologia tam
philosophorum et oratorum quam poetarum declarabat exemplis. » Ce texte est analysé
par J. Jolivet, « Le jeu des sciences théorétiques selon Gilbert de Poitiers », Perspectives
médiévales et arabes, Paris, Vrin, 2006, p. 117-119.
77. Voir L. Valente, Logique et Théologie. Les écoles parisiennes entre 1150 et
1220, Paris, Vrin, 2008, p. 123.
78. Policraticus, VII, prol. p. 93, 2-4 : « Nam et Apostolus non : Quaecumque scripta
sunt vera sunt, ait, sed : Quaecumque scripta sunt ad nostram doctrinam scripta sunt. »
79. Metalogicon, I, 9, p. 27, 5-11 : « Vtique si eloquentem esse bonum est, et
eloquentissimum esse melius erit […] et eloquentiae quantum excrescit comparatio
tantum decrescit sapientia, et eloquii fluvius inarescit. »
270 notes des pages 128 à 130
vero est quod haec descriptio inductionis data est secundum usum philosophorum, qui
interrogando inducunt, usum vero oratorium docebit exemplo. » Sur ce commentaire,
et ses rapports à Jean, voir J. O. Ward, « The Date of the Commentary on Cicero’s De
inventione », op. cit., p. 219-273.
93. Metalogicon, III, 10, p. 132, 77-81 : « Sed uis artis, in argumentiationibus amplius
uiget. In ipsis quoque sillogismis uiolentior est, siue integritate sui perfectus sit, siue
media propositione subtracta ad modum enthimatis conclusionem acceleret. Ideoque
usus eius magis facit ad alterum. »
94. Metalogicon, III, 9, p. 129, 44 – 130, 79.
95. Ibid., III, 10, p. 132, 81 – 133, 84 : « Inductio uero lenior est, siue maturiori
incessu a pluribus progrediatur ad unum uniuersale, aut particulare, siue acriori impetu
ab uno ad exempli formam inducto ad unum inferendo prosiliat. »
96. Ibid., IV, 8, 147, 34-48 : « Communes enim conceptiones a singulorum
inductione fidem sortiuntur. Impossibile enim est uniuersalia speculari, non per
inductionem. Quoniam ut ait quae ex abstractione dicuntur, per inductiones nota fiunt.
Inducere autem non habentes sensum, impossibile, est. Singularium enim sensus est.
Nec contingit ipsorum accipere scientiam, neque ex uniuersalibus sine inductione
nec per inductionem sine sensu. Fit ergo ex sensu memoria, ex memoria mutlorum
saepius iterata, experimentum, ab experimentis scientiae aut artis, ratio manat. Porro
ab arte quae usu et exercitatione firmata est prouenit facultas exequendi ea quae ex
arte gerenda sunt. Sic itaque sensus corporis qui prima uis, aut primum exercitium
animae est, omnium artium praeiacit fundamenta, et praeexistentem format cognitionem
quae primis principiis uiam non modo aperit, sed et parit. » Sur la construction de
l’universel, voir l’important chap. 18 du livre du Policraticus et les analyses du
chapitre 2, ci-dessus, p. 62-63.
97. Metalogicon, III, 10, p. 133, 84-88 : « Hic autem modus magis oratoribus
congruit, interdum tamen ornatus aut explanationis causa, conducit et dialectico. Magis
enim persuasorius est, quam urgens. Unde sicut Marcus Tullius in rethoricis testis est,
Socrates hoc argumentandi genere saepissime utebatur. »
98. Aristote, Rhetorica, II, 20, 1393a ; Quintilien, Institutiones oratoria, V 11 3 ;
Cicéron, De inventione, I, 31 53, Topica, 10, 42.
99. Metalogicon, I, prol., p. 11, 82-83 : « Tu ut libuerit uniuersa examinabis et
singula, quia te iudicem meis opusculis consecraui, dum intelligam quod mihi opera
non pereat et impensa. » ; II, prol., p. 56, 17-21 : « Tu uero cui de re constat, de
nomine iudicabis, eam que cunctis applicabis sermonibus, aut circa rationum dumtaxat
instantiam coartabis. Non formido iudicium, qui et de aequitate causae, et iudicis peritia
et sinceritate confido. » ; IV, prol., p. 140, 12-14 : « Quia tamen uisum est tibi meum,
et Cornificii examinare conflictum, inuitus et quodam modo tractus in huius palaestrae
descendo harenam. »
100. Voir ci-dessous, p. 146-151, les analyses du chapitre 12 du livre V du
Policraticus.
notes des pages 136 à 139 273
des 12. Jahrhunderts, Leiden – Boston, Brill, 2005, en particulier p. 596-629 pour Jean
de Salisbury.
119. Entheticus, v. 187-190, p. 117-119 : « Vera latent rerum variarum tecta figuris;/
nam sacra vulgari publica iura vetant./ Haec ideo veteres propriis texere figuris,/ ut
meritum possit conciliare fides. »
120. Policraticus, VI, 22, p. 63, 9-10 ; VIII, 24, p. 415, l. 10 – 417, 17. Voir les
analyses de S. Gersh, « (Pseudo-?) Bernard Silverstris and the Revival of Neoplatonic
Virgilian Exegesis », in M-O. Goulet-Cazé, G. Madec, et D. O’Brien (dir.), Chercheurs
de sagesse. Hommage à Jean Pépin, Paris, Institut des Études augustiniennes, 1992,
p. 573-593 : 590-592.
121. Metalogicon, I, 20, p. 47, 32-39 : « Sed quid docebant noui doctores, et qui plus
somniorum quam uigiliarum in scrutinio philosophiae consumpserant, et facilius instituti
quam illi iuxta narrationes fabulosas qui somniantes in Parnaso repente uates progrediebantur,
aut citius quam hi qui de Castalio fonte Musarum hauriebant munus poeticum, aut quam
illi qui uiso Phoebo Musarum nedum musicorum meruerunt ascribi consortio ? »
122. Cicéron, De inuentione, op. cit., I, 19, 27 ; M. Victorinus, Explanationes in
Ciceronis Rhetoricam, A. Ippolito (éd.), CCSL 132, Turnhout, Brepols, 2006, I, 19 ;
M. Capella, De nuptiis Philologiae et Mercurii, V, § 550.
123. T. de Chartres, Commentarius…, op. cit., p. 23-25
124. Metalogicon, I, 24, p. 52, 27-32 : « Illi enim per diacrisim quam nos illustrationem
siue picturationem possumus appellare, cum rudem materiam historiae aut argumenti
aut fabulae aliam ue quamlibet suscepissent, eam tanta disciplinarum copia, et tanta
compositionis et condimenti gratia excolebant, ut opus consummatum omnium artium
quodam modo uideretur imago. »
125. Policraticus, II, 19, p. 113, 58-61 : « Innuit enim poeta doctissimus, si tamen
poeta dicendus est qui uera narratione rerum ad historicos magis accedit, illius malitiam
irrefragabiliter adimplendam qui solus in throno sui domicilii residebat. »
126. Ibid., VI, 19, p. 55, 10-14 : « Eneas a digitis gemmas ad ensem, Virro ad
pocula legitur transtulisse. Machabeos quoque constat clipeos inaurasse et ex fulgore
eorum fortitudinem gentium dissipatam; eos tamen credibile est ueste communi fuisse
contentos. »
127. Ibid., VII, 20, p. 188, 8-16 : « Si dicas quia ignis, qui per septuaginta annos
Babilonicae captiuitatis sub aqua uixerat, demum extinctus est Antiocho uendente
Iasoni sacerdotium; aut (quod beatus Gregorius testatur) quia pestilentiae et fames,
concussiones gentium, collisiones regnorum et quamplurima aduersa terris proueniunt
ex eo quod honores ecclesiastici ad pretium uel humanam gratiam conferuntur personis
non meritis. »
128. Il faudrait peut-être ajouter un troisième niveau, fondé sur le témoignage direct
de Jean lui-même. Mais, finalement, même dans l’Historia pontificalis, Jean répugne à
se mettre directement en scène comme témoin. L’exception la plus connue est le texte,
276 notes des pages 142 à 145
sic tamen ut ex cautela malorum utilitatem inducerent aut ex lepore poematis uoluptatem. »
(l. 1-12) ; puis, l’exigence de conviction conduit aux exempla bibliques (l. 159) : « Quod
si historiis quas suis poetae decolorauere figmentis fides subtrahitur, illi utique credi
necesse est quae ex eo quod scripta est digito Dei irrefragibilem apud omnes gentes
sortita est auctoritatem. » ; enfin, Jean ajoute les exempla contemporains : (l. 240)
« Regibus quoque ipsis manus Domini non percipi […] Domestica namque sunt exempla
quam plurimis ». En une courte transition, Jean indique qu’il ne veut pas condamner
absolument la chasse : (l. 281-285) : « Verum ne uenaticam et alias curialium nugas non
tam iudicio quam odio stilus persequi uideatur, eam indifferentibus connumerandam
facile libensque consentio, nisi quia immoderato uoluptatis incursu uirilem animum
concutit et fundamentum subuertit rationis. » Il ajoute alors un ensemble d’exempla en
faveur du bon usage de la chasse, lié à un éloge de la modération (l. 285-384) : « Potes
igitur uenatica esse utilis et honesta, sed ex loco tempore, modo persona et causa. »
Sur la critique de la chasse au Moyen Âge, voir F. Lachaud, L’Éthique du pouvoir au
Moyen Âge, op. cit., p. 299-316.
137. Policraticus, I, 4, p. 36, 200-207 : « Egregie siquidem bella gessit, fratribus
restituit libertatem, leges erexit, caerimonias innouauit, mundauit sancta, templi faciem
unde sibi credebat prouenisse uictoriam coronis aureis decorauit, nullos que illius in
actus surrepsit partem que tulit sibi nata uoluptas. »
138. Ibid., I, 4, p. 36, 200-206 : « Venationis aeriae auctorem iactitant fuisse
Machabeum, qui maioribus occupatus huius uoluptatis ut creditur uitam duxit exortem.
Egregie siquidem bella gressit, fratribus restituit libertatem, leges erexit, caerimonias
innouauit, munduit sancta, templi faciem unde sibi credebat prouenisse uictoriam coronis
aureis decorauit, nullosque illius in actus suerrpsit partemque tulit sibi nata uoluptas. »
139. Ici se pose un autre problème qu’il n’est pas possible de développer, à savoir le
refus de nommer les personnes impliquées. Sur ce point voir le prologue du premier livre
du Policraticus, p. 24, 95-98 : « tacitis interdum nominibus auctorum, tum quia tibi utpote
exercitato in litteris pleraque plenissime nota esse noueram, tum ut ad lectionem assiduam
magis accenderetur ignarus. » L’usage d’un pseudonyme ou d’un nom interchangeable a
aussi pour fonction de détacher l’exemple du strict contexte où il est apparu la première
fois, et de transformer le cas en type. Voir le cas de Pythagore et Protagoras, analysé
ci-dessous.
140. Sur ce point, voir Metalogicon, II, 12, p. 74, 6-8 : « Sunt autem circumstantiae
quas Boetius in quarto topicorum enumerat, quis, quid, ubi, quibus adminiculis, cur,
quomodo, quando. » Voir, à ce sujet, G. Navaud, Le Théâtre comme métaphore théorique
de Socrate à Shakespeare, Genève, Droz, 2010, p. 145-146.
141. Je reviens dans le chapitre suivant sur cette « plasticité » de l’exemple.
142. Par exemple, H. Liebeschütz, Medieval Humanism…, op. cit., p. 116-117.
143. Denis Foulechat, Le Policratique de Jean de Salisbury, op. cit., p. 92-100.
144. Sur le sens du recours massif et systématique au droit romain chez Jean de
Salisbury, voir J. Krynen, « Princeps pugnat pro legibus…, un aspect du Policraticus »,
278 notes des pages 147 à 149
Études d’histoire du droit et des idées politiques, 3, 1999, p. 89-99 et « Sur la leçon
de législation ecclésiastique du Policraticus », in G. Constable et M. Rouche (dir.),
Auctoritas. Mélanges offerts au professeur Olivier Guillot, Paris, Presses de l’université
Paris Sorbonne, 2006, p. 497-502, ainsi que M. Kerner, « Johannes von Salisbury und das
gelehrte Recht », in P. Landau et J. Müller (dir.), Proceedings of the ninth international
Congress of Medieval Law, Monumenta iuris canonici series C subsidia 10, Vatican,
1997.
145. Policraticus, V, 12, p. 334, 13-21 : « Et quidem iudices sacramento legibus
alligantur iurati, quia omni modo iudicium cum ueritate et legum obseruatione disponent.
Ipso que iure cautum est ut sacrorum Euangeliorum scripturae terribiles ante sedem
iudicialem deponantur ibi que ab initio litium ad finem usque permaneant nec amoueantur
nisi sententia recitata, quo totius consistorii latitudo Dei ipsius repleta praesentia omnibus
ad sacrosanctas scripturas metum incutiat et reuerentiam et ab inquisitione ueritatis omnis
iniquitas propulsetur. » Sur la notion de serment, voir F. Lachaud, L’Éthique du pouvoir…,
op. cit., p. 210-214, C. Grellard, « La religion comme technique de gouvernement chez
Jean de Salisbury », Cahiers de civilisation médiévale, 53, 2010, p. 237-254.
146. Policraticus, V, 12, p. 334, 22-23 : « Omnes quoque carnis et sanguinis religio
iudiciaria propellit affectus euacuans iram et odium, metum et amicitiam. »
147. Ibid., V, 12, p. 334, 27-29 : « Aequitas enim, cui iudex obsequium debet, odii
sinistram aut amoris dexteram nescit; nam a ueritate non licet in iudiciis declinare. »
148. Sur ce schéma, voir les analyses que je propose dans C. Grellard, « La religion
comme technique de gouvernement… », op. cit.
149. Policraticus, V, 12, p. 334, 24-27 : « [Q]uia, ut ait Iulius Cesar, haud facile
animus uerum prouidet, ubi ista proficiunt. Hinc est illud prouerbium auctore Cicerone
apud antiquos celeberrimum: Exuit personam iudicis quisquis amicum induit. »
150. Ibid., V, 12, p. 334, 30 – 335, 2 : « Vt uero plurimum indulgeatur amicitiae, amico
interdum dilationis gratiam facit. Hoc tamen ipsum raro et non nisi causa cognita. »
151. Ibid., V, 12, p. 335, 10-15 : « Sed nec iudicem terreat auctoritas ligatorum, cum
Pitagorae in longissimum tempus sit dilata petitio, et Alexandri Macedonis in castrensi
iudicio sit causa dampnata; quod et ille acceptum habuit, iudicibus agens gratiam, quorum
in eo fidem probauerat, quod iustitiam omni potentatui praeferebant. »
152. Ibid., V, 12, p. 335, 15-22 : « Nichil uero praeclarius de Alexandro illo, quem
publica opinio magnum asserit, in aliqua historia meo iudicio repperi. Michi quidem semper
(ut tamen pace eorum loquar, qui temeritatem uirtuti praeferunt) ditissimo Alexandro
pauper Pitagoras maior erit. Quod ut me cum conicias, collationem Philippi et Alexandri
Trogo Pompeio uel Iustino compendiario eius (si mauis) auctore reuoluas. »
153. Sur la fortune médiévale d’Alexandre, voir G. Cary, « Alexander the Great
in medieval theology », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 17, 1954,
p. 98-114. La figure d’Alexandre n’occupe pas une place particulièrement importante
dans le Policraticus. Jean de Salisbury cite une demi-douzaine d’exempla, principalement
inspirés de Valère Maxime, Suétone, Justin, et Augustin (l’exemple fameux du pirate,
notes des pages 149 à 153 279
dans De ciuitate Dei, IV, 4). En général, ces exemples visent à souligner la vanité d’un
pouvoir presque illimité.
154. Policraticus, V, 12, p. 336, 30 – 337, 6 : « At Pitagoras apud philosophos tantae
extitit auctoritatis ut ad omnium quaestionum decisionem sufficeret, si in parte crederetur
Pitagoras extitisse. Tantum namque opinio praeiudicata poterat ut nichil conualesceret ab
opposito, dum hoc ipse dixisse diceretur, et ex usu adquiescentium uox ipsa pronominis
Pitagoram indicabat. Cum enim simpliciter dicebatur: Ipse hoc dixit; ex praecepta
auctoritate, teste Tullio, Pitagoram intelligi oportebat. »
155. Ibid., V, 12, p. 337, 10 – 338, 14.
156. Ibid., V, 12, p. 338, 14-17 : « Nec multum refert ad propositum Pitagoras an
Protagoras, sicut Quintiliano placet et Agellio, litigauerit; neque enim uis est in nomine,
dum constet rem ambiguam sine temeritate diffiniri non posse. » Pour un autre exemple de
confusion entre Pythagore et Protagoras, voir Metalogicon, III, 10, p. 139, 264-269.
157. Policraticus, « Entheticus in Policraticum », v. 37-42, p. 10 : « ut que uirum
uirtus animi, sic gratia formae / undique mirandum gentibus esse facit; / tardus ad hunc
Samius, si certet acumine mentis, / indoctus que Plato, Varro que stultus erit; / Curio si
certet uerbis, uincetur ab ipso; / uictus, si certet, Quintilianus erit. »
Chapitre 4
5. Policraticus, VII, 2, p. 98, 17 – 99, 13. Voir ci-dessus, chap. 2, p. 234, n. 27 –
p. 236, n. 29.
6. Voir Cicéron, Lucullus, 108-109, De natura deorum, I, 12, De officiis, I, 8. On reviendra
sur cette question dans la troisième partie de ce chapitre. Sur le problème du probable et
son rapport à l’action, on consultera C. Lévy, Cicero Academicus, op. cit., p. 277-290. Sur
l’absence de connaissance des Académiques par Jean, voir ci-dessus, chap. 1, p. 34.
7. Ci-dessus, chap. 2, p. 85-106.
8. Policraticus, VII, 7, p. 116, 27 – 117, 5 : « Habet et religio quaelibet principia sua quae
aut ratio communis aut pietas persuasit quibus proficit in cultu Dei et morum exercitio ad
beatitudinem optinendam. Est autem unum omnium religionum principium quod pietas gratis
et sine ulla probatione concedit, Deum scilicet potentem, sapientem, bonum, uenerabilem et
amabilem esse. Nam Epicureorum Deum esse negantium et casui subicientium omnia iam
pridem auctore Deo homine explosa sententia est. Obuiare ergo principiis aut rebus per se
notis siue de his ambigere insensati est aut uecordis siue (quod deterius est) criminosi. »
9. Sur la notion de prudence, reprise à Cicéron, voir le chapitre 2, p. 58-59.
10. Entheticus, v. 11-18, p. 105 : « Est Alethia soror Fronesis, virtutis origo,/ grata
sui specie, semper amica Deo ;/ nam deformatur, quotiens extrinsecus illi/ cultus adest :
fucos virgo beata fugit. »
11. Policraticus, III, 1, p. 175, 78-82 : « Agnitio igitur ueritatis cultus que uirtutis
publica singulorum et omnium et rationalis naturae uniuersalis incolumitas est. Contrarium
uero eius ignorantia, et odibilis et inimica propago eius uitium est. Et recte quidem
ignorantia mater uitii est, quia numquam adeo sterilis est ut non odibilium fructum
pariat infelicem. »
12. Entheticus, v. 699-700 ; Policraticus, VII, 8, p. 120, 6-10. Voir Augustin, De
ciuitate Dei, VIII, 1.
13. Entheticus, v. 1-4, p. 105 : « Dogmata discuties veterum fructumque laboris,/
quem capit ex studiis Philosophia suis./ Spiritus ille bonus linguam mentemque gubernet,/
qui bona verba docet et pia vota facit. »
14. Policraticus, VII, 8, p. 122, 11-13 : « De quibus dubitare et quaerere liberum est,
donec ex collatione propositorum quasi ex quadam rationum collisione ueritas illucescat ».
Sur la notion de collatio, voir ci-dessus chap. 3, p. 120-121.
15. Sur l’usage sceptique de la doxographie chez Cicéron, voir C. Lévy, Cicero
Academicus, op. cit., p. 337-376.
16. Policraticus, VII, 8, p. 118, 9-12 : « Illud autem quo omnium rationabilium
uergit intentio uera beatitudo est. Nemo etenim est qui non uelit esse beatus ; sed ad
hoc quod desiderant non una uia omnes incedunt. » L’affirmation qu’il n’est personne
qui ne veuille être heureux est un leitmotiv de la philosophie augustinienne. Voir, par
exemple, De ciuitate Dei, XI, 26.
17. Policraticus, VII, 8, p. 118, 12-14 : « Vna tamen est omnibus uia proposita sed
quasi strata regia scinditur in semitas multas. Haec autem uirtus est ; nam nisi per uirtutem
nemo ad beatitudinem pergit. »
notes des pages 158 à 159 281
18. Sur le premier point, voir Ibid., III, 14, p. 221, 35-37 : « In quo quantum a
uirtute maiorum aetas nostra degenerauerit perspicuum est, cum sine patientia aut
nullum aut rarum esse opus uirtutis uerbis docuerint et exemplis. » ; ainsi que VII, 8,
p. 119, 30 – 120, 4, sur le culte rendu à Dieu par Platon : « Cum enim Plato sapientem
dicat esse cultorem Dei, quis alius habendus est sapiens quam ille qui moratur in
iustificationibus Domini et mulcente se conscientia bonorum operum uerae felicitatis
saporem tota mentis auiditate iam praegustat et sentit ? » ; sur le second, VII, 23,
p. 205, 2-8 : « Quodam igitur modo eo que glorioso perfectus est qui praeuidet unde
ualeat satiari ; quod etsi neminem uel admodum paucos gentilium assecutos credam,
huic tamen nonnullos institisse proposito certum habeo, cum et ethicus dicat : Certum
uoto pete finem ; sine quo in infinitum animi humani conatus protenditur et in id quod
omnino nequeat apprehendi. »
19. Ibid., VII, 8, 121, 26 – 122, 3 : « Sed quia ueteres, licet ex parte animas crederent
immortales, uitae eternae, quae post istam futura est, nondum instructionem acceperant ;
summum bonum in uirtute constituerunt quo plane nichil melius est nisi frui eo qui
summe bonus et summum bonum est. »
20. Lettre 158 (à Maître Gérard Pucelle, 1168), p. 70 : « In eo namque totius ethicae
gentilis praecepta uigent ut carnalium passiones affectionum, quas nequeunt penitus
extinguere, reprimant et subiciant rationi. Quod si cui diuinitus datum fuerit, quia ad
hoc natura impotens est, non ambigitur eum recte philosophantis uia ad uitam incedere,
ut aeternaliter uideat dies bonos ; et quatenus in eo quisque profecerit eatenus ad ueram
philosophiam accedit. »
21. Entheticus, v. 527-538, p. 141 : « Esse boni summam putat alter gaudia mentis,/
atque voluptati cuncta subesse docet./ Hoc equidem recte, sed si sit pura voluptas,/ si ratio
dicti gaudia vera capit,/ si status appetitur, ut quod vult assit, et absit/ quod non vult animus,
ad pia vota studens,/ si labor aspirat veram conferre quietem,/ si mens tranquille gaudia
pacis habet./ Militat ad pacem labor officiosus, et ambit,/ quod sibi laetitiam perpetuare
queat ;/ in virtute labor positus dulcescit, et in se/ mens benefactorum conscia laeta viget ».
Voir C. Lévy, Cicero Academicus, op. cit., p. 400. L’une des sources possibles de Jean
de Salisbury est sans doute la défense d’Épicure par le philosophe dans les Collationes
de Pierre Abélard, J. Marenbon et G. Orlandi (éd. et trad.), Oxford, Clarendon Press,
2001, § 87, p. 108 : « Et fortassis hec fuit Epicuri sententia summum bonum uoluptatem
dicentis, quando uidelicet tanta est anime tranquillitas, ut nec exterius eam corporalis
afflictio nec interius mentem aliqua peccati conscientia inquietet uel uitium obstet, sed
optima eous uoluntas omnino compleatur. »
22. Dans De ciuitate Dei, XIV, c. 2-3, Augustin explique que, dans un premier sens,
la chair est strictement matérielle et renvoie au corps animal c’est-à-dire terrestre (par
opposition au corps spirituel mais aussi aux astres) et mortel. Cependant, dans un sens
plus large, et par synecdoque, la chair peut aussi renvoyer à l’homme pris comme un tout,
la nature humaine ou ce qui est appelé une personne : c’est ce sens qui est employé dans
le cas de l’Incarnation. Il n’en reste pas moins que, conformément à ce que dit l’Apôtre
282 notes des pages 159 à 161
(Gal., 5, 19-22), vivre selon la chair, c’est vivre dans le péché, puisque c’est vivre selon
l’homme et non selon Dieu.
23. Entheticus, v. 543-548, p. 141 : « Vera quies tunc, cum caro subdita menti/ morte
triumphata spiritualise rit ;/ et caro nil recipit, nisi quod ratione probatur,/ et mentem
puram firmat agitque Deus ;/ unitur menti caro subdita, mensque beatur/ plena Deo.
Finem non habet ista quies. »
24. Policraticus VII, 15, p. 154, 5-12 : « Siquidem Epicurus et totus grex sodalium eius
uitam beatam asserit quae semper tanta iocunditate letatur ut tristitiae et perturbationis
non interueniat uel tenuis motus. Vera quidem diffinitio est et qua nichil potest esse
rotundius. Ab ea tamen plebs, quae eum sequitur, defluxit in uoluptates, reputans se
earum usu beatissimam esse futuram. » ; VIII, 25, p. 418, 6-11.
25. Ibid., VIII, prol., p. 227, 19-23 : « Nunc transeamus in Epicureorum castra,
et quod ibi pro certo fuerit exploratum in medium proferatur. Nam ad eorum sectam
indubitanter pertinere noscuntur qui in omnibus propriae seruiunt uoluntati » ; VIII, 24,
p. 412, 2-7. Sur la notion de tyran, dont la portée est autant morale que politique, voir
K. Langdon Forhan, « Salisburean Stakes : The Uses of “Tyrany” in John of Salisbury’s
Policraticus », History of Political Thought, 11, 1990, p. 397-407, et C. Nederman et
K. Bollermann, « The Extravagance of the Senses : Epicureanism, Priestly Tyranny,
and the Becket Problem in John of Salisbury’s Policraticus » Studies in Medieval and
Renaissance History, forthcoming.
26. Policraticus, VIII, 24, p. 412, 8-11 : « Illos quoque Epicureorum nomine censendos
arbitror qui suam uolunt in omnibus implere uoluntatem. Nam, cum res libidini seruiunt,
in uoluptatem transit affectus. »
27. Ibid., VIII, 24, p. 412, 14-20 : « Mundus itaque Epicureis plenus est, eo quod
in tanta multitudine hominum pauci sunt qui non famulentur libidini, id est corruptae
uoluntati, sed laboriosae uoluntatis nexibus non impliciti aut nulli aut pauciores sunt.
De loco uoluptatis exclusus est homo, ex quo libido praeualuit, eo quod uita iocunda et
tranquilla frui non potest cui coeperit libido dominari. »
28. Entheticus, v. 451-526, p. 137-139.
29. Ibid., v. 461-468, p. 135-137 : « Omnia contemnit leviter, qui se moriturum/
cogitat, et recolit cuncta perire brevi./ Si tamen absque modo fuerit meditatio mortis,/
subruat ut nimio corda pavore stupor,/ spesque perempta cadat variis turbata procellis,/
excedit licitum mortis imago modum ;/ excedit fines quos lex praescripsit ad usum/ et
mortem veram mortis imago parit. »
30. Ibid., v. 485-490, p. 137 : « Qui negat esse Deum, plane blasphemat, et ignes/
in se succendit, tela crucemque parat,/ provocat aeternam mortem, quam nemo cavere/
sufficit absque Deo, quem furor esse negat./ Proficit ergo bonis iugis meditatio mortis,/
unde perit stultus, qui timet absque modo. »
31. Sur l’histoire et la diffusion de cet exemplum qui se lit dans les Noctes Atticae
d’Aulu-Gelle, voir C. Casagrande, « Le philosophe dans la tempête. Apathie et contrôle
des passions dans les exempla », in Th. Ricklin, E. Babey et D. Carron (dir.), Exempla
notes des pages 161 à 164 283
aggregatur, nisi assiduitate faciendi uertatur in usum. Hic autem uirtutes et uitia aeque
complectitur, licet uitia non mores esse sed a plerisque dicantur moribus obuiare. In quo
planum est solas uirtutes censeri nomine morum, cum bonos tamen aut malos dicimus
mores, uitia distinguimus et uirtutes. »
42. Voir ci-dessus, chap. 2, p. 58-59.
43. Voir Metalogicon, IV, 12, p. 150, 4-20, cité et analysé ci-dessus,p. 238, n. 46
et p. 240-241, n. 63.
44. Voir Cicéron, De officiis, I, 40, 143, p. 180, III, 8, 18, p. 21-22. On ne trouve,
à ma connaissance, qu’une seule mention explicite des quatre vertus cardinales chez
Jean de Salisbury, Policraticus, IV, 12, p. 273, 45-48 : « Hae sunt quattuor uirtutes quas
philosophi cardinales appellant, eo quod a primo fonte honestatis quasi primi riuuli
manare credantur, et de se bonorum omnium fluenta propagare. »
45. Cette distinction de la prudence et des vertus morales peut être lue, encore une
fois, comme une influence de la philosophie de Pierre Abélard. Comme le souligne
J. Marenbon (The Philosophy of Peter Abelard, op. cit., p. 285-286), le philosophe du
Pallet distingue, à la suite d’une lecture d’Aristote orientée par Boèce, la connaissance
et la vertu. De la sorte, et c’est notamment la thèse défendue par le philosophe des
Collationes, op. cit., (§ 124, p. 138), la prudence n’est pas en tant que telle une vertu,
mais la condition et l’origine des vertus.
46. Policraticus, VIII, 5, p. 244, 11 : « Ad hoc duplici fonte mores oriuntur. »
47. Ibid., VIII, 5, p. 239, 29 -240, 11 : « Duos quidem affectus in homine ab initio
extitisse sacrae Scripturae designat auctoritas, appetitum scilicet iusti et commodi
appetitum. Quorum alter in uoluntate, alter in necessitate consistit ; et quanto appetitus
iusti qui in uoluntate est amplius crescit, tanto melior est et dignus beatitudine ampliori.
Nam nimis uelle quod iustum est nemo potest, nisi forte quis queat esse iustus nimium
aut beatus. Porro, si appetitus commodi mensuram necessitatis excedat, uergit ad culpam
et cupiditatis conscius sibi uitiorum parit originem. Alter ergo istorum, quoniam militat
caritati, quaerit quae Dei sunt ; alter in propria utilitate uersatur, postponens quae Dei
sunt aut proximorum. Ab hoc duplici fonte mores oriuntur. »
48. Dès l’Entheticus, la vaine gloire était présentée comme l’un des principaux
vices, directement opposé à la vertu et à l’amour de Dieu. Jean de Salisbury y décrit
avec précision le mécanisme qui mène de la libido à la vana gloria, puis à une multitude
d’autres vices (v. 875-896), p. 163. À ce vice fondamental, en tous les sens du terme,
il faut opposer l’amour de Dieu, le mépris du monde et la contemplation (v. 919-932),
p. 165-167. C’est de nouveau l’opposition augustinienne entre l’orgueil et l’humilité qui
structure ce confilt entre vices et vertus.
49. Policraticus, VIII, 15, p. 338, 23-25 : « Stoicis tamen placet sibi uirtutem sufficere
ad beatitudinem ; nec ego eos erroris arguo, sed expeditiorem dico per instrumenta
uirtutem. »
50. Ibid., VIII, 15, p. 338, 15-17 : « Ex his patet quia nec ualitudinis nec generositatis
nec copiae est laus prima sed uirtutis, cuius haec instrumenta sunt et ideo appetenda. »
notes des pages 166 à 168 285
51. Policraticus, VIII, 16, p. 343, 4-10 : « Non quod appetitum commodi, si temperatus
sit, dicam esse culpabilem, aut copiam rerum sufficientem aut letitiam mentis aut naturalem
libertatis amorem aut eminendi meritum ducam in crimine ; sed nichil istorum quod
pollicetur affert ; eo quidem modo quo quaeritur, contrarium potius operatur effectum. »
Voir également, VIII, 8, p. 279, 8-14.
52. Voir ci-dessus, chap. 2, p. 92, n. 153-154, p. 252 et n. 158-159, p. 253, les citations
de Metalogicon, IV, 33 et 40.
53. Entheticus, v. 273-276, p. 123 : « Gratia naturam reparans rationis acumen,/
purgat, et affectus temperat atque regit ;/ liberat arbitrium, sed eorum quos pia mater
consecrat ad cultum, Philosophia, tuum. »
54. Ibid., v. 1809-1818, p. 223 : « Gratia sola pium parit et confirmat amorem,/ cui
timor inservit ingenuusque pudor./ [...]/ Arbitrium carnis est gratia, mentis imago ; mente
caro vivit, arbitriumque Deo. »
55. Lettre 148 (à Robert, fils de Gilles, s.d.), p. 44 : « Sine ea [gratia] nichil potest
humana fragilitas, et per eam quaeuis infirmitas ad quantumlibet grandia conualescit,
ut exigente necessitate uel utilitate “saliat sicut ceruus claudus, et eloquens sit lingua
mutorum” (Is. 35, 6). »
56. Policraticus, VIII, p. 420, 28 – 421, 4 : « Hoc ipsum forte sensit et Maro, qui, licet
ueritatis esset ignarus et in tenebris gentium ambularet, ad Eliseos campos felicium et cari
genitoris conspectum Eneam admittendum esse non credidit, nisi docente Sibilla, quae
quasi siosbole consilium Iouis uel sapientia Dei interpretatur, ramum hunc Proserpinae,
quae proserpentem et erigentem se a uitiis uitam innuit, consecraret. » Sur ce texte, voir
J. Martin, « John of Salisbury as Classical Scholar », op. cit., p. 200-201.
57. Policraticus, VIII, 25, p. 421, 14-18 : « Plane quid penarum lateat in terrenis uel
quid in his possit mereri solus agnoscit qui de arbore scientiae ramum bonae operationis
auellit. Eo que auulso alter non deficit, quia quo amplius exercentur, eo magis subcrescunt
et proficiunt scientiae et uirtutes. »
58. Ibid., VIII, 25, p. 421, 18-24 : « Non tamen eatenus Maronis aut gentium insisto
uestigiis ut credam quempiam ad scientiam aut uirtutem propriis arbitrii sui uiribus
peruenire. Fateor gratiam in electis operari et uelle et perficere ; ipsam ueneror tamquam
uiam immo reuera uiam quae sola ducit ad uitam et quemque boni uoti compotem
facit. »
59. C’est tout l’enjeu du chapitre 5 du livre VIII des Confessionum libri tredecim
que de rappeler que la connaissance du bien ne suffit pas à la conversion, c’est-à-dire à
l’effectivité d’une volonté qui accomplit ce qu’elle sait être bon. De fait, la volonté est
divisée, et partiellement soumise à la loi du péché qui a la force de l’habitude. Tout le
parcours d’Augustin, qui aboutit à la fameuse scène du jardin de Milan et au « Tolle,
lege » (chap. 12), vise à montrer que seules l’humilité et la repentance mettent le pécheur
en état de recevoir la grâce qui dissipe les ténèbres de l’incertitude et rend la volonté
efficace. Une description plus théorique du fonctionnement de la grâce est donnée
dans un texte plus tardif (vers 412), dans le contexte de la querelle anti-pélagienne. Il
286 notes des pages 168 à 169
s’agit du De spiritu et littera, § 52. La grâce est ce qui rend possible la mise en œuvre
d’un véritable libre arbitre, c’est-à-dire, d’une volonté qui n’est plus soumise au péché.
De même que, la foi est un renouvellement et une refondation de la loi (de l’ancienne
alliance entre Dieu et son peuple), de même le libre arbitre est refondé et renouvelé par
la grâce. Celui qui reçoit la foi reçoit aussi la grâce, c’est-à-dire la guérison. La guérison
efface l’esclavage du péché et rend libre notre arbitre, notre pouvoir de choix (passage
du libre arbitre à la liberté). Cet accès à la liberté rend possible l’amour de la justice qui
est accomplissement de la loi avec délectation.
60. Entheticus, v. 226-234, p. 121 : « Ad mala namque sumus faciles, aptique perire ;/
gratia si desit, est opus omne malum ;/ gratia si desit, mens et manus officiosa/ non erit.
Haec mentem praevenit atque regit,/ haec monet affectus, operum quoque promovet
usus,/ linguam custodit, nec sinit esse ream,/ erigit affectum, rationem dirigit, actus/
componit, reserat abdita, vera docet. »
61. R. Saccenti, « Quattro gradi di virtù : il modello etico dei Commentarii di Macrobio
nel xii secolo », Medioevo, 31, 2006, p. 69-102.
62. Voir Collationes, op. cit., § 109, p. 128 : « Ecce secundum te summum bonum
illa superne uite quies intelligenda est, sicut e contrario summum malum illa malorum
dampnatio futura. Quorum utrumque, sicut meministi, ipsi nostris adquirimus meritis, per
que uidelicet quasi quibusdam uiis illuc peruenitur ». Voir J. Marenbon, The philosophy
of Peter Abelard, op. cit., p. 295-297.
63. On pourrait sans doute ajouter Prosper d’Aquitaine qui est vraisemblablement
la source de Rupert. Voir Prosper d’Aquitaine, Liber Sententiarum, c. 106, Corpus
Christianorum 68A, Brepols, Turnhout, LLT-A : « Omnis infidelium uita peccatum est,
et nihil est bonum sine summo bono. Vbi enim deest agnitio aeternae et incommutabilis
ueritatis, falsa uirtus est, etiam in optimis moribus. »
64. Voir le dossier de textes rassemblés par O. Lottin, Psychologie et morale aux xiie
et xiiie siècles. Tome II, Problèmes de morale, Abbaye du Mont-César, Louvain, 1948,
p. 109-120. Sur Alain de Lille, P. Delhaye, « La vertu et les vertus dans les oeuvres
d’Alain de Lille », Cahiers de civilisation médiévale, 6, 1963, p. 13-25.
65. Policraticus, III, 9, p. 196, 10 - 197, 34 : « Absit enim ut quisquam uere sit gloriosus
nisi qui in Domino gloriatur. Non enim qui se ipsum aut quem homo commendat, ille
probatus est, sed quem Deus commendat. Quod utique uera et sola uirtus meretur, non
quantacumque uirtutis imago. […] Ex quo patet quod nisi in ueri Dei notitia et cultu
uera uirtus esse non possit. »
66. Sur le premier point, Policraticus, III, 9, p. 197, 40 – 198, 45 : « Et utinam
inueniatur in nobis qui uel uirtutis imaginem teneat. Quis enim uirtutem amplectitur
ipsam ? Quis etiam umbras uirtutum induit quibus uidemus floruisse gentiles, licet eis
subtracto Christo uerae beatitudinis non apprehenderint fructum ? » ; sur le second,
p. 198, 49-57 : « Porro praedicti et consimiles, magni quidem et laudabiles uiri, quasi
quaedam saeculorum suorum sidera splenduerunt, illustrantes tempora sua, praeambuli
coaetaneorum suorum in id iustitiae et ueritatis quod dispositione diuina illuxerat eis.
notes des pages 169 à 171 287
Sic quoque in successionibus fidelis populi numquam humano generi ad noctis suae
tenebras caecitatis que molestias depellendas sua sidera defuerunt, uiri quidem uirtutis
titulo nobiles magnorum que operum fulgentes insignibus, quorum exemplis ad cultum
iustitiae semper alii prouehantur. »
67. Ibid., VII, 8, p. 119, 2-9 : « Vnum igitur et singulare summum omnium bonorum
beatitudo est, sed ab eo est aliud quodammodo quorundam collatione summum et eo
ipso superius aliis quod ad illud, quod uere singulariter et unice summum est, familiarius
accedit. Ceterum ad neutrius apprehensionem nisi philosophia duce humana infirmitas
conualescit. Quisquis enim sine ea ad beatitudinis uiam tendit, quasi cecus in lubrico
tendens ad alta praesumptuosus cadit. »
68. Ibid., VII, 8, p. 119, 30 – 120, 3, cité ci-dessus, p. 192, n. 2 ; VII, 11, p. 135,
3-7 : « Hoc autem reuera philosophari est, et hic est multae lectionis iocundissimus et
saluberrimus fructus. Ipsa siquidem rerum omnium continet disciplinam et omnium
moderatrix uniuersis humanae uitae actibus et uerbis et cogitationibus modum et terminos
ipsa constituit. »
69. Ibid., VII, 8, p. 120, 6-10 : « Philosophus autem, cuius intentio dirigitur illuc ut
sapiat, eodem auctore amator Dei est et uitia subigens rebus agnoscendis applicat animum
ut his agnitis ad ueram beatitudinem possit accedere. Haec enim hominem beatum faciunt
si et uitiorum soluantur uincula, et quasi quibusdam gradibus contemplationis lucidum
et indeficientem fontem boni detur inuisere. »
70. Ibid., VII, 24, p. 211, 3-9 : « Patribus siquidem pridem placuit beatitudinem
consistere in uirtute, et nullam sine caritate posse esse uirtutem, cuius utique fructus
iocundissimus est, Apostolo testante qui operibus carnis haec opera Spiritus quae ad uitam
proficiunt euidenter opponit ; quae sunt pax, patientia, longanimitas, bonitas, gaudium,
mansuetudo, continentia, castitas. »
71. Voir par exemple, Ibid, III, prol., p. 172, 2-16 : « Qua de causa otiari decreueram
et silere, sed alterum michi negotiorum tumultus excutit, alterum motus animi
interrumpit. Qui enim sub potestate constitutus est, si sapit, obtemperat imperio
praesidentis ; quem stimuli affectuum pungunt, dissimulare non potest quin moueatur
ad formam passionis. […] Quis est enim qui malorum asperitate saepius non uratur
quam demulceatur fomento bonorum ? Rarus est qui totius fortunae impetum a se
toto possit arcere. Qui suis uiribus praeualet, in amici aut familiaris corpore uel
sorte temptatur, licet parum humanus sit quem extraneorum iactura non concutit. »
Ce thème des variations de la Fortune est également au cœur de plusieurs lettres,
notamment celles de la période d’exil. Voir, par exemple, les Lettres 31 (à Pierre de
Celle, 1157), p. 49, 96 (à un ami intime, s.d.), p. 149-150, et 301 (à Thomas Becket,
juin-juillet 1170), p. 708-710.
72. Par exemple, Lettre 256 (à Jean de Tilbury, ca. 1168) p. 518 : « Et quidem (ut ad
tuos gentiles transeam) non modo Stoici sed etiam Epicurei et omnium philosophantium
sectae rerum mundialium contemptum praedicant, etsi eis utendum pro necessitate
conditionis et temporis probabiliter arbitrentur. »
288 notes des pages 171 à 173
et locus suus expectat. Ceterum scientia sui notitiam habet. Quod euenire non potest si
non metiatur uires suas, si ignorat alienas. »
79. C’est par ailleurs un schéma que Jean attribue à Socrate, voir Entheticus, v. 797-
800, p. 157 : « Nam carni mundus, servitque caro rationni,/ quae pars est animi participata
Deo./ Omnia sic laeto Socrati famulantur, eique,/ quem vis nulla potest laedere, mundus
obit. » Sur le socratisme de Jean, C. Grellard, « Le socratisme de Jean de Salisbury »,
op. cit.
80. Voir sur ce point la critique de la folie du sage qui cherche à connaître l’inconnaissable,
Policraticus, VII, 1, et l’analyse de ce texte ci-dessus, chap. 1, p. 40-41.
81. Juvénal, Satires, 11, 27 ; Perse, Satires, 3, 66-72.
82. Policraticus, III, 2, 175, 3 – 176, 37 : « Est ergo primum hominis sapientiam
affectantis quid ipse sit, quid intra se quid extra, quid infra quid supra, quid contra, quid
ante uel postea sit contemplari. […] Verum qui se ipsum ignorat, quid utiliter nouit ?
[…] Oraculum Apollinis est descendisse de caelo creditur : Notiseliton, id est, Scito te
ipsum. Non nesciuit hoc ethicus dicens : Discite et, o, miseri, causas cognoscite rerum/
quid sumus aut quidnam uicturi gignimur […] Haec etenim contemplatio quadripartitum
parit fructum, uilitatem sui, caritatem proximi, contemptum mundi, amorem Dei. »
83. E. Gilson, L’Esprit de la philosophie médiévale, Vrin, Paris, 1998, p. 214-233 :
« La connaissance de soi-même et le socratisme chrétien ».
84. Pour une mise en perspective du thème du contemptus mundi, voir R. Bultot,
Christianisme et valeurs humaines. A. La doctrine du mépris du monde, en Occident, de
S. Ambroise à Innocent II, t. 4, vol. 1 et 2. Sauf erreur de ma part, seuls ces deux volumes,
consacrés au xie siècle, ont été publiés. On trouvera, néanmoins, du même auteur, un article
sur la diffusion du thème du mépris du monde dans les écoles : R. Bultot, « Grammatica,
ethica et contemptus mundi aux xiie et xiiie siècles », Arts libéraux et philosophie
au Moyen Âge, actes du quatrième Congrès international de philosophie médiévale,
Université de Montréal, Montréal, Canada, 27 août-2 septembre 1967, Montréal-Paris,
Institut d’études médiévales-Vrin, 1969, p. 815-827.
85. Metalogicon, IV, 40, p. 180, 34 – 181, 56 : « Dum autem mens circa multa et
non multum ad se pertinentia amplius occupatur, euagatur longius a se, et plerumque
obliuiscitur sui. Quo quidem nullus error perniciosior est. Nam se nosse, sicut ait Apollo,
fere summa sapientia est. Quid autem prodest homini elementorum, aut elementatorum
nosse naturam, magnitudinis et multitudinis proportiones doctrinaliter quaerere, uirtutum
uitiorum que speculari conflictum, complexiones attendere rationum, et de omnibus
probabiliter disputare, et sui ipsius esse ignarum ? Nonne stultus reputabitur qui aliena
lustrat hospitia, et quo sibi in necessitate diuertendum sit obliuiscitur ? Nimis utique
curiosus est et sui negligens qui aliena miratur, et propria non attendit. Qui uero ad
usum uitae conuertit extrinseca, ut eorum agnoscat et ueneretur auctorem, suum metiatur
imperfectum, qui uix pauca comprehendere potest, et rebus transitoriis cum quibus et
ipse transit, non nisi precario utitur et ad horam, qui concupiscentias cohibet, reprimit,
aut extinguit, qui imaginem Dei uitio corruptam, diligenti studio nititur reformare, qui
290 notes des pages 177 à 178
uirtutum toto nisu colit et exercet officia, rectissime philosophatur. Sobria est illius
inuestigatio, qui primo se ipsum excutit, et quae inferiora sunt diligenter examinat, et
coaequalia sine negligentia intuetur, et superiora contemplatur cum ueneratione, ut ausu
temerario in ea quae inscrutabilia sunt non irrumpat. »
86. Sur la question de la flatterie, voir C. Nederman, « Friendship in Public Life
during the Twelfth Century : Theory and Practice in the Writings of John of Salisbury »,
Viator : Medieval and Renaissance Studies 38, 2007, p. 385-397 et F. Lachaud, L’Éthique
du pouvoir…, op. cit., p. 241-243.
87. Policraticus, III, 3, p. 177, 11 – 178, 33 : « Est enim omnibus non tam cognatus
quam innatus amor sui. Qui si modum excesserit, uergit ad culpam. Omnis enim uirtus
suis finibus limitatur et in modo consistit. Si excesseris, in inuio es et non in uia. Si amor
hic inualuerit, nemo speret de cura. Lepra siquidem est, incurabilior omni lepra. […]
Qui ergo hunc amorem non temperat, timeat lepram, et caecitatem oculorum quae ex ea
imminet pertimescat. » Sur la métaphore de la lèpre, et son rôle dans la mise en ordre
de la société médiévale, voir les pages pénètrantes de R. I. Moore, La Persécution. Sa
formation en Europe. xe-xiiie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 55-72.
88. Policraticus, III, 4, p. 181, 79-85 : « Sed hoc potius duco mirabile quod populum
qui sibi credat habent, qui de se magis alienae linguae adquiescat quam propriae iudicio
conscientiae, dum se ipsum quilibet extra se quaerit, et nosse dedignatur quam sit sibi
curta supellex. »
89. Ibid., III, 4, p. 179, 3-7 : « Adulator enim omnis uirtutis inimicus est et quasi
clauum figit in oculo illius cum quo sermonem conserit, eo que magis cauendus est quo
sub amantis specie nocere non desinit donec rationis obtundat acumen et modicum id
luminis quod adesse uidebatur extinguat. »
90. Ibid., III, 5, p. 183, 56-68 : « Porro cum omnis assentatio turpis sit, perniciosior est
cum ab subornandum uitium personae uel naturae uel dignitatis accedit auctoritas. Nempe
philosophi probabile dicunt quod uideatur uel omnibus uel pluribus aut sapientioribus, aut
quod in propria facultate artifici. […] His tamen sui compos animus non seducitur, certus quia
nemo nouit quid sit in homine praeter spiritum hominis qui in ipso est (1 Cor. 2, 11). »
91. Lettre 301 (à Thomas Becket, ca. 1170), p. 708-710 : « Utinam non sit deceptionis
huius morbus irreparabilis, sed nisi caelitus data, reuelatio seu consolatio non occurrit ; et
quidem recte, ut arbitror, cum nos alieni ingenii imaginationibus uanis praesumeremus
euoluere cordis humani latebras, quarum solus Deus arbiter est. Quid, quaeso, magis
temerarium aut in Deum qui hoc singularis eminetiae priuilegio uendicat, iniuriosius est ?
Nam se ipsum nosse, etiam Apollinis oraculo, summam esse sapientiam, adeo celebris
sententia est apud philosophos, ut ei nemo ueterum ausus sit refragari. De coelo siquidem
(ut aiunt) descendit notis elyton, id est, Scito te ipsum. Quia ergo hic humana deficit et
angelica eatenus non attingit, sola Dei sapientia est quae consilia et cogitationes hominum
non imaginatione fantastica conicit, sed sicut sunt usquequaque cognoscit. Vaticiniis
ergo renuntiemus in posterum, quia nos in hac parte gruius infortunia perculerunt. Qui
corda finxit, illa examinet ; nos quid domi nostrae sit exploremus. »
notes des pages 179 à 181 291
92. Sur la connaissance angélique, voir Metalogicon, IV, 33, p. 170, 3-6 : « Natura
uero angelica quae noxio corpore non tardatur, et diuinae puritati familiarius inhaeret,
rationis incorruptae uiget acumine, et licet non aequaliter Deo cuncta examinet, ea
rationis praerogatiua ditatur, ut nullo supplantetur errore. ». Jean s’inspire sur ce point
d’Augustin, De ciuitate Dei, XI, 29, 11.
93. On reviendra sur ce point plus bas, p. 202-204.
94. Policraticus, VII, p. 98, 17-24 : « Sunt autem dubitabilia sapienti quae nec fidei
nec sensus aut rationis manifestae persuadet auctoritas et quae suis in utramque partem
nituntur firmamentis. Talia quidem sunt quae quaeruntur de prouidentia, de substantia
quantitate uiribus efficacia et origine animae, de fato et facilitate naturae, casu et libero
arbitrio, de materia et motu et principiis corporum […]. »
95. Voir Metalogicon, IV, 20, p. 157, 3 ; 158, 31 : « Vnde et quidam minuti philosophi,
eo quod a sensibus ad scientiam sit processus, nisi eorum quae sentiuntur ullam negant
esse scientiam. Quod quantum philosophandi proposito aduersetur, perspicuum est.
Perit enim exercitium rationis, quo rerum apud se notiones quas Graeci ennoias dicunt
quaerit et tenet, sine quo nec nomen constare potest. Est ergo ut ait Cicero in Tusculanis
magni ingenii reuocare mentem a sensibus, et cogitationem a consuetudine abducere.
Nec enim Deus ipse qui intelligitur a nobis alio modo intelligi potest, nisi mens soluta
quidem sit et libera et segregata ab omni concretione mortali. Singularis est quaedam
natura atque uis animi seiuncta ab his usitatis notis que naturis. Quicquid illud sit,
profecto diuinum est. Non ualet tamen animus ut plene se ipsum uideat. Sed ut oculus,
sic animus, se non uidens alia cernit. Non uidet autem quod minimum est, formam suam
fortasse, quamquam id quoque ; sed relinquamus. Vim certe, sagacitatem, memoriam,
motum, celeritatem uidet. Haec magna, haec diuina, haec sempiterna sunt. Qua facie
quidem sit, aut ubi habitet, ne quaerendum est quidem. Itaque sic mentem hominis
quamuis eam non uideas, ut Deum non uides, tamen ut Deum agnoscis ex operibus eius,
sic ex memoria rerum et inuentione et celeritate motus omni que pulchritudine uirtutis,
uim diuinam mentis agnoscito. In animi autem cognitione dubitare non possumus nisi
plane in phisicis plumbei sumus, quin nihil sit animus admixtum, nihil concretum, nihil
copulatum, nihil coagmentatum, nihil duplex. Quod cum ita sit, certe nec secerni, nec
diuidi, nec discerpi, nec distrahi potest. Igitur, nec interire. Haec ille in Tusculanis, ut et
uim deliberatiuam, rationem scilicet diuinam quidem et animas hominum esse doceat
immortales. » Jean cite successivement les passages suivants des Tusculanes, I : § 57,
§ 16, § 66, § 67, § 70, § 71. Les citations sont en italiques dans le texte.
96. Cicéron, Tusculanes, texte établi par G. Fohlen, Paris, Les Belles Lettres, 1968,
V, 13, 38, p. 125 : « Facilius vero etiam in bestiis, quod is sensus a natura est datus, vis
ipsius naturae perspici potest. Namque alias bestias nantis aquarum incolas esse voluit,
alias volucres caelo frui libero, serpentis quasdam, quasdam esse gradientis, earum
ipsarum partim solivagas, partim congregatas, inmanis alias, quasdam autem cicures,
non nullas abditas terra que tectas. Atque earum quaeque suum tenens munus, cum in
disparis animantis vitam transire non possit, manet in lege naturae, et ut bestiis aliud
292 notes des pages 182 à 185
alii praecipui a natura datum est, quod suum quaeque retinet nec discedit ab eo, sic
homini multo quiddam praestantius ; etsi praestantia debent ea dici, quae habent aliquam
comparationem, humanus autem animus decerptus ex mente divina cum alio nullo nisi
cum ipso deo, si hoc fas est dictu, comparari potest. »
97. Par exemple, Metalogicon, III, 8, p. 127, 76-79 : « Est autem difficile nisi multam
rerum notitiam habenti regulariter definire, cum substantialia saepe incerta sint, uel ob
difficultatem rerum et ignorantiam, uel propter ambiguitatem sermonum. »
98. Voir ci-dessus, p. 159-160.
99. Policraticus, III, 8, p. 192, 45-48 : « In eo que uita hominum tragediae quam
comediae uidetur esse similior quod omnium fere tristis est exitus, dum omnia mundi
dulcia quantacumque fuerint amarescunt et extrema gaudii luctus occupat. »
100. Horace, Sat. II, 7, 82 ; Augustin, En. in Psalmos, 1, 1, 3. Le thème du theatrum
mundi avait déjà été signalé par E. Curtius, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin,
Presse universitaires de France, Paris, 1956, p. 235-244. Une bonne analyse transversale
de la question est donnée par G. Navaud, Le Théâtre comme métaphore théorique…,
op. cit. Voir aussi, D. Dox, The Idea of the Theater in Latin Christian Thought. Augustine
to the Fourteenth Century, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 2004.
101. G. Navaud met bien en évidence l’ancrage platonicien de la position de Jean de
Salisbury, mais aussi le tournant métaphysique qu’il fait subir à la métaphore en instituant
le point de vue divin comme juge transcendant ; voir Le Théâtre comme métaphore,
op. cit., p. 361-364 et 452-454.
102. Policraticus, III, 8, p. 190, 2 – 191, 7 : « Et quidem eleganti utitur similitudine,
quia fere quicquid in turba prophanae multitudinis agitur, comediae quam rei gestae
similius est. Militia, inquit, est uita hominis super terram. At si nostra tempora propheticus
spiritus concepisset, diceretur egregie quia comedia est uita hominis super terram, ubi
quisque sui oblitus personam exprimit alienam. »
103. Voir G. Navaud, Le Théâtre comme métaphore, op. cit., p. 364-365.
104. Lettre 217 (à Reginald, archidiacre de Canterbury, ca. 1167), p. 362 : « Huius
rei testis est conscientia, testis est conscientiae scrutator et arbiter Deus, qui forte citius
quam credatur illustrabit abscondita tenebrarum et manifestabit consilia cordium. Et
iam quidem stamus ante tribunal eius, ut eum in causa nostra iudicem expectemus, ut
in conspectu ipsius stultum sit et temerarium mentiendo totius laboris et uitae, si quid
tamen salubriter patimur aut recte agimus, mercedem perdere. »
105. Comme le fait remarquer G. Navaud, dans l’Entheticus, Jean utilise d’ailleurs
le terme de larva de préférence à celui de persona afin de souligner la part d’illusion
inhérente au rôle que l’on doit jouer. G. Navaud, Le Théâtre comme métaphore, op. cit.,
p. 364. Sur les évolutions de la notion de persona, ibid., p. 45-47 et 497-498.
106. Voir la définition de l’alienum comme ce qui ne relève ni de la raison, ni de
l’officium, dans Policraticus, I, 2, p. 28, 3-4 : « Alienum profecto est quod ratio naturae
uel officii non inducit, si tamen interdum recte dicitur alienum quod rectius fuerat semper
fuisse nullius. »
notes des pages 185 à 187 293
107. Ibid., III, 8, p. 191, 27 – 192, 32 : « Et quod deterius est, eo usque comediae suae
insistunt ut in se cum opus fuerit redire non possint. Vidi pueros tam diu balbutientium
uitia imitari ut postmodum nec cum uellent recte loqui potuerint. Et quod deterius est,
eo usque comediae suae insistunt ut in se cum opus fuerit redire non possint.Vidi pueros
tam diu balbutientium uitia imitari ut postmodum nec cum uellent recte loqui potuerint.
Vsus enim, ut ait quidam, aegre dediscitur et consuetudo alteri naturae assistit, quam
licet expellas furca, tamen usque recurret. »
108. Ibid., III, 10, p. 200, 10-12 : « Si enim personas quae sibi assueuerunt sibi
que faciunt, decretum fortunae dissociet, fit plerumque ut utraque ad omnia agenda sua
uideatur inepta, et quasi exclusa ratione officii depretiatur. »
109. Lettre 124 (à Raoul de Sarre, ca. 1160), p. 212 : « Cui non haec ridicula uideantur ?
Scenae theatralis haec species est potius quam reuerendi imago concilii. »
110. Policraticus, III, 8, p. 196, 147-153 : « Sed quid est quod Elisios campos a
mutabilium rerum saeptis uerbis excludo ? Certe pro parte inclusi sunt, patentes in
latitudine bonarum mentium quibus a Patre luminum datum est ut in notitia et amore
boni toto sui agitatu uersentur. Vnde ethicus inquieto extra se ineptam beatitudinem
inquirenti : Quod quaeris ubique est, est Vlubris, animus si te non deficit aequus. » Sur
ce point, voir D. Dox, The Idea of the Theater, op. cit., p. 91.
111. Voir G. Navaud, Le Théâtre comme métaphore, op. cit., p. 453, 491.
112. Policraticus, III, 9, p. 199, 78-87 : « Hi sunt forte qui de alto uirtutum
culmine theatrum mundi despiciunt, ludum que fortunae contemnentes nullis illecebris
impelluntur ad uanitates et insanias falsas. Hi iam in suis gaudent Elisiis, ad utilitatem
suam uident plurima, et ad eam omnia uisa retorquent. Cum enim fidelis anima
exaltatur a terra, tunc demum omnia trahit ad se ipsam. Speculantur isti comediam
mundanam cum eo qui desuper astat ut homines actus que eorum et uoluntates
indesinenter prospiciat. Cum enim omnes exerceant histrionem, necesse est aliquem
esse spectatorem. » Il faut mettre ce texte en parallèle avec ce que Jean dit du sage
au début du prologue du livre II du Policraticus, p. 71, 3-7 : « Omnia cedunt in usum
sapientis habent que materiam uirtutis exercendae quaecumque dicuntur aut fiunt.
Nam et otia eius negotia sunt et dum rationis libramine rerum omnium uires pensat,
prouida dispensatione quicquid ad beatitudinem proficit quadam quasi manu uirtutis
apprehendit. »
113. Ibid., III, 14, p. 221, 37 – 222, 39 : « Vnde et Aristippus a maledicente se
discedens dixisse legitur : Vt tu linguae tuae, sic ego mearum aurium dominus sum. » ;
V, 17, p. 366, 21-22 : « Quid, inquit curiosus philosophiae perscrutator, tibi philosophia
contulit? Et Aristippus : Vt cum omnibus, ait, hominibus intrepide fabularer. » ; VII,
3, p. 100, 24-28 : « At ille Aristippi Socratici responsum retulit, qui, cum in re simili
similiter et a consimili argueretur, respondit illum pro anima nequissimi nebulonis merito
non fuisse sollicitum, se autem debuisse timere pro anima Aristippi. »
114. Lettre 210 (à Raoul de Beaumont, ca. 1167), p. 338-340 : « Credideram profecto
te philosophantis habere uerba, non animum ; sed nunc recolo te aliquatenus esse magni
294 notes des pages 187 à 189
uitare non possum aequanimiter sustinere et, ubi me conscientia non remordet, gaudere
in tribulationibus et in rapina bonorum diuinae dispensationi gratias agere. »
127. Par exemple, dans la Lettre 159, mentionnée ci-dessus, où Jean met en avant
sa volonté de résister à la Fortune, liée au monde transitoire, il souligne que, parmi tous
les maux qui l’affectent, c’est la perte des amis et de leur conversation qui lui coûte le
plus, p. 72 : « Sed licet me super iniuriis et dampnis illatis tristitia non absorbeat, moueor
tamen quod amicos uidere non licet, quod grata beniuolorum colloquia subtrahuntur,
quod eorum quae michi essent ex officio gerenda denegatur materia et facultas ; super
his, inquam, moueor. » Il faut probablement voir bien plus qu’une captatio benevolentiae
dans cette remarque. La théorie de l’amitié de Jean n’a pas fait l’objet de beaucoup
d’analyses (voir, cependant, C. Nederman, « Friendship in public life during the Twelfth
century : Theory and practice in the Writings of john of Salisbury », Viator : Medieval
and Renaissance Studies, 38, 2007, p. 385-397, où le lien entre le De amicitia de Cicéron
et le livre III du Policraticus est bien mis en évidence). En général, les historiens se sont
davantage intéressés à la pratique de l’amitié, c’est-à-dire aux réseaux amicaux, de Jean
de Salisbury. Voir, notamment, L. Moulinier-Brogi, « Jean de Salisbury : un réseau
d’amitiés continentale », op. cit. ; J. Mc Loughlin, « Amicitia in Practice… », op. cit. ;
Y. Hirata, « John of Salisbury, Gerard Pucelle and amicitia », in J. Haseldine (dir.),
Friendship in Medieval Europe, Stroud, Sutton, 1999, p. 153-165.
128. Voir la reprise de la distinction entre les hommes en fonction de leur usage
de la raison, due à Chrysippe, dans Policraticus, VII, 8, p. 119, 18-23 : « Tria uero
genera hominum qui homines sunt (alios enim brutos dicit) esse asseruit. Alii enim
iam iocunditate sapientiae perfruuntur, et hii sapientes sunt ; alii accedunt ut fruantur,
et hii sunt philosophi ; alii adspirant ad accedendum, scilicet qui nondum sunt et esse
philosophi concupiscunt. »
129. Metalogicon, I, 1, p. 14, 23-29 : « Cum uero beatitudo communionis ignara
quae aut qualis extra societatem sit ne fingi quidem possit, quisquis ea quae ad ius
humanae societatis quae quodam modo filiorum naturae unica et singularis fraternitas
est conciliandum et fouendum proficiunt impugnat, uiam adipiscendae felicitatis
omnibus uidetur obstruere, et praecluso pacis aditu ut in se concurrant ad interitum
orbis, naturae uiscera incitare. » Sur ce texte qui reprend le De inventione de Cicéron,
voir les analyses de C. Nederman, « Nature, Sin and the Origins of Society : The
Ciceronian Tradition in Medieval Political Thought », Journal of the History of Ideas,
49, 1988, p. 3-26.
130. Lettre 254 (à Guillaume de Diceia, ca. 1168), p. 512 : « At in illis omnibus
obtinet caritas principatum, quam ego nichil aliud esse quam ueram amicitiam dixerim
confidenter et recte, quae non modo sui maiestate, sed etiam raritate, omnia in terris
expetenda transcendit. » ; voir aussi, Lettre 258 (à Raoul de Wingham, ca. 1168), p. 522 :
« Omnia autem quae magistra caritate fiunt expediunt, quia ‘diligentibus Deum omnia
cooperantur in bonum’ et oblectant animum, quoniam haec cuique sic arbitrii laxat
habenas, ut agere liceat impune quod libeat. »
notes des pages 193 à 194 297
131. Lettre 254, p. 512 : « Nec tamen praesumo me solidatum esse in caritate quae
religionis culmen est, licet illam sitiat anima mea ; sed michi teneram quandam fateor
adesse affectionem beniuolentiae qua conuiuentibus etiam nonnullos gentiles legimus
placuisse. Haec autem etsi non radicis firmitudine, naturae tamen genere et intentionis
fine, praesertim in Christiano, caritas est. »
132. Policraticus, III, prol., p. 172, 2-10 : « Qua de causa otiari decreueram et silere,
sed alterum michi negotiorum tumultus excutit, alterum motus animi interrumpit. Qui
enim sub potestate constitutus est, si sapit, obtemperat imperio praesidentis ; quem stimuli
affectuum pungunt, dissimulare non potest quin moueatur ad formam passionis. Exultat
ergo quem gaudii aura demulcet, spes inducit hilaritatem, metus trepidat, dolentis animus
maerore confunditur. Haec apud singulos alternat facies boni aut mali. »
133. Ibid., 14-17 : « Rarus est qui totius fortunae impetum a se toto possit arcere.
Qui suis uiribus praeualet, in amici aut familiaris corpore uel sorte temptatur, licet parum
humanus sit quem extraneorum iactura non concutit. Non satis homo est quem aliena
non mouent. »
134. Ibid., 17-21 : « Sed sapientioribus iam uenit in dubium an quicquam hominis recte
sit homini alienum. Virtutis uero processus ambiguitatis huius nodum soluit, cum et comicus
nichil humani alienum a se reputet et magister caelestis hominem homini diligendum
docuerit ut se ipsum. » Jean cite, respectivement, Térence, Heautontimoroumenos, I, 1,
77 et Matthieu, 19, 19.
135. Lettre 214 (à Milo, évêque de Thérouanne, ca. 1167), p. 352 : « Sic enim et
apostolus scandalizatis couritur et fratribus coinfirmatur infirmis et per compassionem fit in
Christo omnibus omnia, dum ad formam ethicae purioris et consummatioris philosophiae
humanum a se nichil reputat alienum. »
136. Lettre 195 (à Maître Osbert de Faversham, ca. 1166), p. 274 : « Humanum, teste
comico, nichil caritas a se reputat alienum, sed per congratulationem recte gaudentibus
adest et per compassionem dolentibus congemiscit ; suas tamen affectiones ordinatissima
ratione dispensat ut sint omnes in Domino, et humanitatis officia in singulos lege naturae
et gratiae informantis magis aut minus exercet. »
137. Policraticus, VIII, 13, p. 325, 3-10 : « Qui uero humanitatem exhibet hospiti et
caritatem implet, nichil eorum subtrahit quae ratio permittit exponi. Effundit quidem in
hospites uiscera sua ; sed memor officii, si discretus est, ad turpia non impellit, nec urget
quempiam in id in quod se nollet urgeri. Est itaque in hospitem peregrinum omnis humanitas
et sobria liberalitas exercenda ; et indigenae hospiti gratiam pleniorem referre debet tenaci
beneficiorum memoria peregrinus. Hanc quoque gratiam nec aduersae religionis nec
praecedentis inimicitiae titulus perimit. » Sur l’anecdote du prêtre d’Apollon qui suit, et
qui illustre ce thème, voir P. von Moos, « L’anecdote philosophique », op. cit., p. 143.
138. Policraticus, III, prol., p. 172, 13-16 : « Rarus est qui totius fortunae impetum a
se toto possit arcere. Qui suis uiribus praeualet, in amici aut familiaris corpore uel sorte
temptatur, licet parum humanis sit quem extraneorum iactura non concutit. »
139. Par exemple, Augustin, De civitate Dei, XIV, 9, 4.
298 notes des pages 194 à 196
147. Lettre 261 (à Robert de Inglesham, ca. 1168), p. 528 : « Hanc inter amicos ratio
praefinit legem, ut ab inuicem non nisi honesta petuntur et, si inhonesta petita fuerint,
non admittantur. Vbi autem amici petitionibus honestas suffragatur et eas admittendi
facultas suppetit, adhibendus est sine difficultate consensus, et adimpletione uoti, si potest
fieri, praeuenienda est molestia exigendi. » ; Policraticus, V, 12, p. 335, 29 : « Amicitias
utilitate non fide colebat. »
148. Lettre 199 (à Adam, abbé de Evesham, ca. 1166), p. 287 : « Praeter eam quam
ab inicio mutuae cognitionis ad inuicem contraximus caritatem, ulterior quaedam iure
societatis initae conciliata est inter nos amicitia, ut alter alterius fortunam sic in utriusque
sortis calculo excipere debeat uelut suam ; nam affectionem, quam studiorum communicatio
peperit, promouit in peregrinatione similitudo morum, et familiaritatis non tam frequens
quam iugis et perpetua ad inuicem exhibitio. »
149. Voir Cicéron, De amicitia, VI, 22, Les Belles Lettres, Paris, 1983, p. 15 :
« Aduersas uero ferre difficile esset sine eo, qui illas grauius etiam quam tu ferret. »
150. Policraticus, VIII, 10, p. 293, 12-18 : « Vitet etiam qui conuiua comis esse
uoluerit consiliandi consuetudinem uerbi que secreti faciendi morem, eo quod in conuiuiis,
id est in iocundo amicorum conuiuantium cetu, debent omnia esse nuda, et in amore
et fide nichil debet esse absconditum sed, si fieri posset, oculos in pectora sua inuicem
mutuo transferre conspectu. »
151. Lettre 111 (à Pierre de Celle, 1159), p. 180 : « Quis enim res ambigit participandas
eis, quorum unus est animus, si ueritas professionis in amoris fide seruatur ? Siquidem
is est qui compage caritatis animos unit facit que, ut ait Calcidius, ut mirabili nexu
gratiae animus unus fiat ex pluribus, et sicut Plato auctor est, eundem spiritum multis
uere amantium corporibus praesidere, qui licet unus sit ad innatae uel cognatae uirtutis
officia, interdum amplius conualescit in singulis, aut pro qualitate corporum retardatur.
Cum ergo me uobis amicum esse professus sim, participium rerum et animorum libens
agnosco, excepto affectu molestiae quam de domini et patris mei diuturna et dubia
infirmitate concepi, cuius miseria eo cupio omnes esse expertiores quo in fide et ueritate
fuerint cariores. »
152. Par exemple, Lettre 159 (à Maître Nicolas, 1166), p. 72 : « Sed licet me super
iniuriis et dampnis illatis tristitia non absorbeat, moueor tamen quod amicos uidere non
licet, quod grata beniuolorum colloquia subtrahuntur, quod eorum quae michi essent ex
officio gerenda denegatur materia et facultas ; super his, inquam, moueor. »
153. Policraticus, I, prologue, p. 21, 2-5 : « Iocundissimus cum in multis tum in
eo maxime est litterarum fructus, quod omnium interstitiorum loci et temporis exclusa
molestia, amicorum sibi inuicem praesentiam exhibent et res scitu dignas situ aboleri
non patiuntur. »
154. Lettre 271 (à Maître Odon, s.d.), p. 546 : « Ad exilii et proscriptionis meae
cumulum nichil acerbius potuit accessisse quam ut michi subtrahatur solacium litterarum,
quae praeeunte gratia mentem purgant a uitiis, notitia ueritatis illustrant, accendunt
caritatem et exercitio sui uirtutes stabiliunt et confirmant. » Cette lettre fait écho au
300 notes des pages 198 à 203
167. Policraticus, VII, 2, p. 96, 5-8 : « Licet enim fides ad scientiae brauium non
perueniat, dum quasi per speculum ueritatem absentium contuetur, habet tamen certitudinem
caligine ambiguitatis exclusa. »
168. Voir ci-dessus, chap. 2.
169. Julie Barau a bien montré les raisons et les effets de cette radicalisation de Jean
en exil, et l’usage militant de la Bible qui en découle. Voir J. Barrau, « La conversio de
Jean de Salisbury », op. cit.
170. Lettre 177 (à Jean de Canterbury, évêque de Poitiers), p. 182 : « quia Christiano,
nedum sacerdoti, nichil licitum est ex optentu fidelitatis ubi caritas periclitetur, quae
uita fidei est, et operum testimonio declaratur ; nam “fides sine operibus mortua est”. »
Sur la question de la fidélité, voir C. Grellard, « La religion comme technique de
gouvernement… », op. cit., p. 250-252.
171. Lettre 281 (à Baudoin de Totnes, 1166), p. 616 : « Consilium in ambiguis
dumtaxat habet locum, nec debet esse ambiguum quod gerendum praescribit lex diuina ;
nam nec minimum de mandatis Dei (si quod tamen, quod uix crediderim, paruum est) pro
temporali uita, nedum pro mundana suppellectili uel uana quiete, consiliose deseritur ; nam
et minima seruata uitam adquirunt et plerumque martirii gloriam promerentur, neglecta
uero ex crimine inobedientiae et contemptus aeternam ingerunt mortem. »
172. Voir par exemple, Lettre 31 (à Pierre de Celle, 1154), p. 49 : « Vnde hoc aut
nullam arbitror aut leuem culpam, cum et Altissimus sententiam mutet, cuius consilium
manet in aeternum » ; également Lettre 156 (à Robert, prieur de Merton, 1165), p. 62.
Néanmoins, dans Policraticus, II, 26, Jean distingue les deux dans la mesure où le consilium
est immuable alors que la sententia peut changer. Voir p. 143, 5-7 : « Sed quocumque
modo sententia moueatur, consilium Domini manet in aeternum. »
173. Sénèque, De beneficiis, IV, 34, 4, 1 ; IV, 38, 2, 1.
174. Voir par exemple Metalogicon, II, 10, p. 72, 75-77 : « Extraxerunt me hinc
rei familiaris angustia, sociorum petitio, et consilium amicorum, ut officium docentis
aggrederer » ; IV, 19, p. 157, 18-19 : « Vt autem obsequium rationabile quod gratissimum
est praestet, consilium deliberationis super actis uel agendis oboritur. »
175. Isidor Hispalensis, Etymologia, L. X, § 39, LLT-A : « Consultus est qui consulitur ;
cui contrarius est inconsultus, qui non accipit consilium. »
176. Cicero, De inventione, I, 25, 36, p. 93 : « Consilium est ratio excogitata faciendi
aliquid, aut non faciendi » ; M. Victorinus, Explanationes…, op. cit., p. 220, 9-12 : « Sed
quia cum de re aliqua dubitamus, incerta quaedam ratio in anticipiti, cogitatione versatur,
postquam id ipsum statueris, erit excogitata ratio, et ideo excogitata, quia fuerat iam ante
cogitata ratio, quod consilium est. » ; T. de Chartres, Commentarius…, op. cit., p. 13,
19-20 : « Consilium est ratio id est discretio vere excogitata id est veraciter inventa ad
faciendum aliquid vel non faciendum. ». H. de Saint Victor, Didascalicon, III, 10, définit
la meditatio comme cogitatio frequens cum consilio.
177. Lettre 17 (à un membre du chapitre de Sens, 1156), p. 29 : « Verumtamen sine
consilii praeiudicio sanioris, interuentu domini Altisiodorensis, archiepiscopum, ut preces
302 notes des pages 205 à 208
domini papae pro te porrectas admittat, studiosius sollicitabis, et per eundem et alios
misterium consilii partis aduersae diligenter inquires, ut ex eo causam tuam facilius et
felicius possis instruere. »
178. Lettre 37 (à Henri, évêque de Winchester, 1157), p. 67 : « Amicis nostris, urgente
temptationis articulo, illam consilii uiam credimus ostendendam, quae honestatis specie
aut utilitatis fructu uidetur prae ceteris eligenda. […] Sic nos, reuerende et amantissime
frater in Domino, fraternitatem uestram ad propria redire monuimus, omnino non credentes
honestati uestrae aut ecclesiae utilitati magis aliquid expedire. »
179. Lettre 217 (à Reginald, archidiacre de Salisbury, 1167), p. 362 : « Huius rei
testis est conscientia, testis est conscientiae scrutator et arbiter Deus, qui forte citius
quam credatur illustrabit abscondita tenebrarum et manifestabit consilia cordium. » Une
telle remarque rejoint l’esquisse d’une hiérarchie des autorités proposée par Jean dans
une lettre à Pierre de Celle, Lettre 31, p. 50 : « Ad summum, testimonium innocentis
conscientiae, auctoritas Romani pontificis, prudentum consilia, familiarium preces tandem
persuaserunt, ut examen causae, si fieri potest, domi expectem, ubi finis poterit esse et
sumptu facilior et copia amicorum felicior. »
180. Lettre 156, p. 62 : « Vbi humanum consilium deficit, ex necessitate confugitur
ad diuinum, quod, ut opinor, nulla uia facilius aut felicius optinetur, quam si amici Dei
illud precibus studeant optinere quod culpa patrocinio indigentium demeretur. »
181. Lettre 300 (à la communauté de Christ Church, 1170), p. 700 : « Euoluat
unusquisque et relegat propriae conscientiae librum ; in ambiguis, si qua sunt, interpretem
quaerat et inuocet Spiritum Sanctum, qui docet hominem scientiam et absconditam
reuelat ueritatem, ut eo docente sibi fidelius et familiarius innotescat, et (ut arbitror)
plane et plene deprehendet quid ab accensa uel intensa, quid a tepida uel remissa, quid
ab extincta uel fugata et perdita sibi prouenerit caritate. »
182. Lettre 174 (à Bartholomée, évêque d’Exeter, 1166), p. 150 : « Vos utramque
partem ponderate et de consilio eius et nostro semper sequimini meliora, id est, quae
Deo, si innotuerint uobis, magis placita fuerint. Quod si et illud ambiguum est aut
occultum, fides sequenda est, quia quod non est ex ea, peccatum est. » Voir également,
les Lettres 124, p. 213-214 ; et 305, p. 738 sur l’idée que les livres saints et les jugements
des prêtres qui les interprètent sont une solution aux situations de doute.
183. Lettre 217, p. 364-366 : « Respondeo quod in omni ardua dubietate censeo
faciendum, scilicet, ut primo omnium quaeramus et sequamur quid super hoc lex diuina
praescripserit ; quae si nichil certum exprimit, recurratur ad canones et exempla sanctorum
ubi, si nichil certum occurrit, tandem explorentur ingenia et consilia sapientum in timore
Dominis illi que, seu pauciores seu plures sint, ceteris praeferantur qui honorem Dei
commodis omnibus anteponunt. »
184. Policraticus, VIII, 12, p. 307, 14-20 : « Sicut enim uera et unica libertas est
seruire uirtuti et ipsius exercere officia, ita unica et singularis seruitus est uitiis subiugari.
Errat plane quisquis aliunde conditionem alterutram opinatur accidere ; siquidem omne
hominum genus in terris simili ab ortu surgit, eisdem constat et alitur elementis, eundem
notes des pages 208 à 211 303
que spiritum ab eodem principio carpit, eodem que fruitur celo, aeque moritur, aeque
uiuit. »
185. Policraticus, VIII, 12, p. 309, 12-14 : « Nichil enim decorum est quod non a uirtute
profluxerit, et se inuicem turpitudo et uitium infausto ambitu circumscribunt. » ; p. 315,
20-22 : « Verum, si moderatio adhibeatur, in his interdum sensuum uoluptate uersari sapienti
non arbitror indecorum ; ut saepenumero dictum est, nichil decorum est sine modo. »
186. Policraticus, VIII, 12, p. 314, 2-9 : « Non tamen arguitur quod necessitas
introducit, quia non omnes omnia possunt, et est cuius natura exigit unde alius honeratur
aut quod omnino ferre non potest. Hoc autem philosophia praecipit obseruari, ut quisque
in omnibus fugiat notam, indicens actioni rectitudinem ne sit reprehensibilis, sermoni
cautelam ne sit contemptibilis, habitui modestiam ne sit notabilis ; intemperantiam
namque nota conuincit. »
187. Policraticus, VIII, 12, p. 316, 16-22 : « Sed delectari in eis nunc ad otia, nunc
ad flagitia accedit. Si enim modeste fiat ad recreationem, sub otiandi licentia excusatur ;
si ad lasciuientis animi uoluptatem, cadit in crimen. Haec autem facillime distinguit loci
temporis modi personae et causae superius memorata discretio, quam forte nimis reuoluere
posset lingua uerbosior, sed eam mens cauta reuoluere nimis aut continere non potest.
Haec est enim fons et origo totius modestiae, sine qua nichil recte in officiis exercetur.
Ab hac alios alia decere uel dedecere certum est. » Voir G. Navaud, Le Théâtre comme
métaphore, op. cit., p. 145-146.
188. Policraticus, VIII, 13, p. 318, 12-13 : « Est autem frugalitas uirtus moderatrix
utendi et abuntedi ignara. »
189. Policraticus, VIII, 13, p. 317, 18-28 : « Sunt tamen quibus frugalitas est inhibenda,
ut quorum natura procliuior est ad auaritiam. Sunt tamen quibus est indicenda calcatius,
ut qui sua prodigunt et ratione contempta effundunt, non discernentes quid usus sit uel
abusus. Simpliciter tamen constat frugalitatem in bonis numerandam, utpote illam quae
Saturno regnante regna aurea temperauit et eorundem omnia dispensauit officia. »
190. Voir P. von Moos, Geschichte als Topik…, op. cit., p. 3.
191. Voir Cicéron, De officiis, I, 10, 32 et III, 25, 94. Voir, sur la question du don
contraignant, C. Cooper-Deniau, « Culture cléricale et motif du “don contraignant”.
Contre-enquête sur la théorie de l’origine celtique de ce motif dans la littérature française
du xiie siècle et dans les romains arthuriens », Le Moyen Âge, 111, 2005, p. 9-38.
192. Policraticus, III, 11, p. 207, 53 – 208, 66 : « In his mutare propositum, saepe
non criminis est sed uirtutis. Nam, ut a fabulis doceamur, Theseus unico filio suo non
fuisset orbatus si uoluisset mutare propositum, et Phoebus, urgente doloris stimulo quem
de Phaetontis ruina conceperat, exul a caeli regione Admeti non pauisset armenta, si ei
uotum quo se Stigis interposito sacramento filio ambitioso obligauerat mutare licuisset.
Et ne fabularum instrumenta contemnas, rex incredulus, quod ex euangelica habes
historia, salubrius incautum et perfidum soluisset iuramentum quam in extinguenda
lucerna uerbi, auferendo praeambulum gratiae, ueritatis occidendo praeconem, mensam
pollueret, conuiuium incestaret, regiam pessumdaret maiestatem, dum incestui cuncta
304 notes des pages 211 à 221
Conclusion
Sources
Sources antiques
Aristoteles Latinus, Categoriae uel praedicamenta, translatio Boethii ;
editio composia translatio Guillelmi de Moerbeka lemmata e Simplicii
commentario decerpta ; Pseudo-Augustini paraphrasis Themistiana ;
Minio-Paluello L. (éd.), Bruges-Paris, Desclée De Brouwer, 1961
Aristoteles Latinus, Analytica priora, translatio Boethii (recensiones
duae), Pseudo-Philoponi aliorumque Scholia, Minio-Paluello L.
(éd.), Bruges-Paris, Desclée De Brouwer, 1962.
Aristoteles Latinus, De interpretatione vel Periermenias, translatio
Boethii, Minio-Paluello L. et Verbeke G. (éd.), Bruges-Paris,
Desclée De Brouwer, 1965.
Aristoteles Latinus, Analytica posteriora, translationes Iacobi, Anonymi
sive « Ioannis », Gerardi et Recensio Guillelmi de Moerbeka, Minio-
Paluello L. et Dod B. G. (éd.), Desclée Bruges-Paris, Desclée De
Brouwer, 1968.
Aristoteles Latinus, Topica, translatio Boethii, Fragmentum Recensionis
Alterius et translatio anonyma, Minio-Paluello L. et Dod B. G. (éd.),
Desclée Bruges-Paris, Desclée De Brouwer, 1969.
306 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Sources médiévales
Adam du Petit-Pont, Ars disserendi, in Minio-Paluello L. (dir.),
Twelfth Century Logic. Text and Studies. I. Adam Balsamiensis
Parvipontanis, Ars disserendi (dialectica Alexandri), Rome, Edizioni
di Storia e Letteratura, 1956.
308 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Littérature secondaire
Antisthènes : 237 78, 89, 96, 107, 116, 123, 132, 135,
Arcésilas : 15, 25, 51, 202, 236 142, 144, 147, 149, 154, 156, 157,
Aristote :14, 18, 24, 25, 31-32, 54, 55, 161, 162, 171, 181, 182, 199, 205,
57, 64, 66, 74, 76-79, 81-82, 129, 210, 211, 213, 215, 216, 217, 218,
130, 132-134, 137, 162-163, 216, 229, 230, 231, 233, 234, 240, 241,
238-245, 247, 249, 271-273, 276, 251, 258, 260, 264, 268, 269, 276,
283, 284 278, 283, 284, 291, 296, 298, 299,
Augustin d’Hippone : 14-18, 24, 34, 300, 301, 303, 304
43-46, 51-52, 60, 71-76, 85-86, 91,
96, 106, 142, 125, 142, 155, 159- Epicure : 25, 29, 34, 43, 101, 115, 157-
160, 167-169, 171, 172, 173, 176, 162, 183, 208, 233, 263, 280, 281,
182, 183, 192, 194, 220, 224, 230, 282, 287
232, 233, 234, 235, 237, 239, 241,
246, 247, 250, 251, 252, 253, 256, Lactance : 17, 34, 35, 38, 220, 230,
257, 268, 269, 274, 278, 280, 281, 237
285, 291, 292, 297 Lucain : 136, 137, 273
Carnéade : 15, 122, 123, 236, 267, Macrobe : 32, 33, 142, 168, 208, 229,
268 237, 286
Calcidius : 32, 55, 61, 216, 237, 238, Marius Victorinus : 142, 275, 301
239, 242, 254, 299 Martianus Capella : 142, 275
Chrysippe : 296
Cicéron : 12, 14, 17, 18, 24, 25, 32, Philon d’Alexandrie : 96, 221, 254
33, 34, 37, 38, 39, 42, 45, 52, 58, Philon de Larisse : 236
326 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Platon : 15, 25, 32, 56, 60, 61, 71-74, Sénèque : 32, 72, 73, 74, 98, 205, 229,
76-77, 79, 82, 83, 98, 145, 169, 229, 230, 246, 255
238-240, 245-247, 255, 259, 276
Plutarque (Pseudo) : 28 Virgile : 26, 107, 115, 136, 137, 142,
Prosper d’Aquitaine : 286 145, 167, 168, 238, 270, 273, 275
Pierre Abélard : 13, 21, 39, 56, 60, 61, Rupert de Deutz : 168, 286
66, 78, 89, 105, 110, 163, 168, 169,
223, 224, 230, 233, 239, 240, 242, Thierry de Chartres : 21, 33, 112, 132,
244, 248, 259, 281, 283, 284, 245, 261, 271, 273, 275, 301
Pierre de Celle : 22, 29, 34, 190, 197, Thomas Becket : 22, 29, 101, 102, 103,
219, 287, 295, 299, 301, 302 128, 135, 150, 162, 171, 178, 187,
188, 189, 197, 207, 212, 213, 218,
Robert de Melun : 110 226, 283, 287, 290, 294, 295
Robert Pullen : 21
Robert de Selby : 226 Vacarius : 21, 110, 225, 226
Index des auteurs modernes et contemporains
Ebbesen, S. : 19, 228, 229, 237 Lachaud, F. : 19, 225, 228, 230, 234,
235, 277, 278, 290
Faes de Mottoni, B. : 224 Langdon Forhan, K. : 282
Favret-saada, J. : 256 Lépinois, E. de : 228
Feldwick, A. : 227 Lejbowicz, M. : 20, 237, 245
Laarhoven, J. van : 20, 226, 227, 262,
Gerl, H.-B. : 243 295
Gersh, S. : 275 Lagerlund, H. : 223
Gilson, E. : 175, 263, 289 Lemoine, M. : 229, 267
Godman, P. : 260 Lévi-Strauss, C. : 256
Goodich, M. E. : 257 Lévy, C. : 19, 235, 237, 280, 281
Gregory, T. : 223 Liebeschütz, H. : 28, 260, 263, 277
Grellard, C. : 223, 224, 225, 229,230, Lottin, O. : 286
231, 233, 234, 235, 236, 244, 250, Loud, G. A. : 226
271, 278, 279, 289, 301, 304
McLoughlin, J. : 261
Häring, N. : 261 Marenbon, J. : 251, 281, 283, 284, 286
Haskins, C. : 260 Martin, J. : 30, 228, 260, 285
Heinze, R. : 273 Merlet, L. : 228
Hendley, B. : 237, 240, 243, 245, Mews, C. : 298
260 Michaud-Quantin, P. : 267
Hirata, Y. : 296 Michel, A. : 235, 264
Hunt, T. J. : 224 Monagle, C. : 228
Moulinier-Brogi, L. : 261, 296
Illich, I. : 273
Imbach, R. : 19, 223, 224 Navaud, G. : 277, 292, 293, 303
Nederman, C. : 32, 163, 225, 227, 228,
Jaeger, S. : 265, 294 229, 261, 279, 282, 283, 290, 296,
James, M. : 238 298
Jeauneau, E. : 32, 229, 238, 249, 268,
271, 274 Peirce, C. S. : 71, 245
Jolivet, J. : 246, 269 Pépin, R. : 263
Jourdain, C. : 224 Perler, D. : 19, 223, 224
Picard-Parra, C. : 229
Keats-Rohan, K. : 21, 31, 226, 261 Piron, S. : 19, 304
Kerner, M. : 227, 278 Popkin, R. : 11, 223
Kneepkens, C. H. : 248 Porro, P. : 253
Krynen, J. : 277 Pouzet, Ph. : 304
index des auteurs modernes et contemporains 331
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Chapitre premier : Le contexte historique et sociologique . . . . . . . 21
Vie et mort d’un philosophe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
L’œuvre de Jean de Salisbury . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Les sources du scepticisme de Jean de Salisbury . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Préalables méthodologiques : comment établir les sources
utilisées ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Les sources grecques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Les sources latines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Chapitre 2 : Les principes du scepticisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Scepticisme et prudence épistémique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
La place du scepticisme dans l’histoire de la philosophie . . . . . . 40
Les différentes formes de l’attitude sceptique . . . . . . . . . . . . . . . . 43
L’épistémologie faillibiliste de Jean de Salisbury . . . . . . . . . . . . . . . . 53
Genèse et nature de la connaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Probabilité et degrés d’assentiment : les formes de justification . 65
Pratiquer le scepticisme : l’exemple du problème des universaux . . . 71
L’idée comme archétype : le platonisme chrétien de Jean de
Salisbury . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
Les idées abstraites : l’aristotélisme de Jean de Salisbury . . . . . . 78
Vers une conception sceptique des idées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
334 jean de salisbury et la renaissance médiévale du scepticisme
Sources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
Sources antiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
Sources médiévales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307
Littérature secondaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 310
Index des auteurs antiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Index des auteurs médiévaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327
Index des auteurs modernes et contemporains . . . . . . . . . . . . . . . . 329
Ce volume,
le cent vingt-deuxième
de la collection « Histoire »
publié aux Éditions Les Belles Lettres,
a été achevé d’imprimer
en xxxxxxxxx 2013
sur les presses
de l’imprimerie SEPEC
01960 Peronnas
N° d’éditeur : xxxx
N° d’imprimeur :
Dépot légal : xxxxxxx 2013
Imprimé en France