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et si est une collection d’ouvrages mode d’emploi, écrits dans un style simple et
dynamique, destinée à vous faciliter la vie au boulot, dans votre vie perso et dans vos
relations.
Rédigé par un ou des experts du sujet, chaque ouvrage propose des méthodes, des outils, des
conseils et des exercices pour dépasser vos blocages et changer durablement.
au sommaire
L’avant, la phase préparatoire
Pendant, prendre la parole
L’après, débriefer au mieux
l’auteur
Gracco Gracci est né à Caracas. Il a fait ses études en France et, une
fois diplômé de l’ESCP, a décidé de suivre des cours de théâtre et de se
lancer dans une carrière artistique. Devenu comédien et auteur il exerce
également depuis vingt ans ses activités en entreprise. Il écrit, joue ou met en
scène les collaborateurs dans des saynètes qui illustrent les
dysfonctionnements de l’entreprise. Coach et formateur, il intervient notamment
dans le domaine de la prise de parole.
et si
une collection dirigée par
Prise de parole
mode d’emploi
À paraître :
Et si je matais mon chef !, de Nathalie Schipounoff et Stéphane Malochet
Et si je prenais mon temps !, de Catherine Berliet
Et si je me mettais à la formation !, de Stéphanie Brouard
Introduction IX
Chapitre 1
L’avant, la phase préparatoire
Êtes-vous de ceux qui... 3
Les clés pour changer 8
Trois points fondamentaux 8
Oubliez-vous ! 8
Faites comme bon vous semble ! 10
Développez votre palette d’expressions ! 11
Structurer le contenu du message 13
Quel est mon objectif ? 13
Quel est mon angle d’attaque ? 14
Quel est mon fil rouge ? 15
Délivrer des faits, des opinions et des sentiments 15
La chair du discours 16
Slides... ou pas slides 16
Travailler la forme du message 17
D’indispensables répétitions 17
Veiller à son image visuelle et sonore 18
Les vertus du silence 24
Un mauvais réflexe à gommer 25
Et pourquoi changer ? 27
Essayez quand même 31
Petite anecdote 31
Une question de perception 31
Naturel/pas naturel 32
Aiguiser son écoute et son regard 33
Mettre en scène ses déplacements 34
Chapitre 2
Pendant, prendre la parole
Et c’est parti ! 41
Panique à bord 41
Dans l’arène, face aux fauves 43
Sortie de l’arène 44
Les clés pour changer 47
Le trac n’est pas une maladie 47
Vos points de vigilance 52
Cet étrange espace qu’est la scène 52
L’entrée en scène, une occasion de séquencer vos actions 55
Écoute versus petite voix intérieure 57
Vous commencez à parler : lâchez prise ! 59
Avancez pas à pas et « soyez là » 60
Advienne que pourra : les accidents de parcours 62
Et pourquoi changer ? 65
Essayez quand même 68
L’écoute, un travail de chaque instant 68
Écoute et interprétation 70
Témoignage d’entretien oral 71
La préparation mentale 72
La visualisation positive 72
La respiration « par le ventre » 73
La présentation à plusieurs 74
Parallèle avec le métier de comédien 74
Exemple de cas professionnel 76
Exemple fictif de cas privé 77
Chapitre 3
L’après, débriefer au mieux
L’heure du bilan a sonné 81
Les clés pour changer 83
Votre retour personnel 83
Les points d’amélioration 84
Que faire si vous n’arrivez pas à donner un retour ? 84
Le retour des autres 85
Et après ? Entraînez-vous ! 86
Et pourquoi changer ? 87
Essayez quand même 88
La notion de jeu 88
Vu et entendu
Les clés pour changer
Mettons que vous décidiez de préparer votre prise de parole parce que vous
vous dites qu’après tout, c’est une étape importante. Tout d’abord, je vous
invite à considérer trois points fondamentaux qui optimiseront votre préparation.
À noter
Ce n’est pas un hasard si ma grand-mère disait : « En amour comme en prise de parole, c’est
l’autre qui passe avant tout. En amour comme en prise de parole, atteindre l’excellence revient à
faire don de soi. »
Soyez persuadé que si vous préparez votre prise de parole en pensant aux
autres et pas à vous, si vous travaillez dans un esprit de service, dans le sens :
« Je suis au service des personnes qui vont m’écouter et je vais à leur
rencontre », alors, le jour « J », votre public le sentira très vite et vous en sera
reconnaissant. Prenons l’exemple d’un chef d’entreprise qui prépare son
intervention et précisons, par ailleurs, qu’il se sent très à l’aise derrière un
pupitre car il a l’habitude d’y faire ses interventions. Si l’objectif de sa prise de
parole est de convaincre ses collaborateurs que, dorénavant, il descendra de
sa tour d’ivoire et qu’il s’efforcera d’être proche d’eux, il est primordial qu’il se
pose la question du pupitre en amont de son intervention : « Pour mon public,
et en fonction de l’objectif de mon message, vaut-il mieux que je sois derrière le
pupitre ou en avant-scène ? » Réponse : « Oubliez votre pupitre. Vous vous
adresserez à vos troupes depuis l’avant-scène. Que vous soyez à l’aise ou pas
avec cela est secondaire, la question n’a même pas lieu d’être. Si vous voulez
être cohérent avec vous-même et avec votre message, vous vous devez de
vous oublier, d’oublier vos habitudes, d’oublier votre confort, et de vous mettre
à nu devant vos collaborateurs. »
Bon à savoir
Dans la mesure où, par rapport à ce que vous direz et ferez pendant votre intervention, vous
aurez autant de ressentis que de personnes qui vous verront et vous écouteront, il est impossible
que vous prépariez l’intervention idéale. Vous aurez toujours des personnes à qui votre
intervention plaira beaucoup et d’autres à qui elle plaira un peu moins, voire pas du tout. Donc,
autant décider vous-même de ce que vous voulez faire en fonction de votre auditoire, de votre
objectif et de la circonstance.
Vous ne pouvez pas préparer l’intervention idéale qui fera l’unanimité, parce
que vous ne pouvez pas dicter et contrôler le ressenti d’autrui. Mais vous
pouvez préparer l’intervention qui vous semble la plus pertinente, la plus
adaptée.
Préparez ce qui vous semble le mieux en fonction de votre auditoire, de votre objectif et de la
circonstance, puis appliquez les dires, faits et gestes que vous aurez préalablement déterminés et
répétés.
À noter
Ma grand-mère disait : « Ce qui crée la monotonie, en amour comme en prise de parole, c’est le
systématisme, le “toujours de la même chose” ! »
Si vous n’avez rien à dire, essayez de rester à la maison. Au-delà de la boutade, avant de prendre la
parole, posezvous la question du message que vous voulez faire passer. Trop de gens parlent pour ne
rien dire...
Attention
Tout ce qui vous semble important, mais qui n’a rien à voir avec votre objectif, ne doit pas figurer
dans votre présentation.
La chair du discours
Si vous trouvez un chiffre, un événement, une histoire drôle en rapport direct
avec votre objectif et que vous pensez que cela vous aidera à surprendre,
interpeller votre auditoire, à le mettre sous tension, à piquer sa curiosité, à
donner le ton de votre intervention, n’hésitez pas. Cela vous servira d’accroche.
L’utilisation d’anecdotes, d’analogies, d’images, d’exemples participera à rendre
votre message concret et vivant. Enfin, si vous trouvez une chute qui fait écho à
l’accroche, ouvre sur autre chose, surprend, donne à réfléchir, incite votre
auditoire à l’action, cela vous permettra de conclure en marquant les esprits.
D’indispensables répétitions
Bon à savoir
Si vous avez le luxe de pouvoir répéter face à une ou plusieurs personnes bienveillantes, n’hésitez
pas, elles vous donneront des retours précieux. Elles vous permettront notamment de valider la
clarté de votre objectif. Pour cela, à la fin de votre répétition, posezleur la question : « Quel est
l’objectif de mon intervention ? » Si votre objectif est clair, vos auditeurs vous le restitueront tel que
vous l’avez vous-même écrit.
Tout comme une troupe de comédiens qui répètent leur spectacle avant de le
jouer en public, il est important que vous répétiez votre message, que vous
l’incarniez déjà, avant même de le délivrer à vos auditeurs. Ainsi vos intentions
ne resteront pas uniquement au niveau intellectuel. Il ne suffit pas de penser,
par exemple, à un geste, à un déplacement ou à un silence pour être capable
de le réaliser. Vous devez mettre en pratique : faire, tester, refaire et refaire
encore.
À noter
Un retour est bienveillant lorsque la personne qui vous le donne commence par vous fournir des
faits puis, dans un second temps seulement, vous délivre son ressenti. Exemple de retour stérile :
« J’ai trouvé ta présentation super. » Exemple de retour bienveillant : « Parce que ton objectif est
clair – tu veux convaincre ton auditoire de louer un chalet à Serre Chevalier du 3 au 10 février
prochains –, parce que je me suis senti concerné par tes paroles et j’y ai vu mon intérêt, parce
que tu nous as donné ton opinion avec conviction, et que tu l’as étayée avec des faits pertinents et
marquants, je trouve ta présentation super. »
Si vous êtes face à un grand groupe, regardez plutôt le fond de la salle, balayez le dernier rang du
regard. Vous donnerez ainsi l’impression à tout le groupe de l’englober du regard.
Il n’y a pas une seule façon de faire, il y a autant de façons de faire que de
messages à transmettre. C’est à vous de décider. Cela étant, sachez que si
vous ne maîtrisez pas votre image visuelle, vous risquez de parasiter votre
message. Voici une liste non exhaustive d’éléments qui, lorsqu’ils sont subis,
non maîtrisés, sont susceptibles d’affaiblir votre message, c’est-à-dire de
distraire votre auditoire, qui va focaliser son attention sur ces éléments-là et ne
va plus vous écouter :
Au niveau de l’ANCRAGE : vous occupez l’espace et, sans vous en rendre
compte, vous piétinez, vous faites des petits pas en avant, en arrière, sur
les côtés, vous posez tout le poids de votre corps sur votre jambe gauche
puis sur votre jambe droite, vous vous dandinez, vous remuez un genou,
vous oscillez votre bassin, vous le bougez en avant et en arrière...
Au niveau de la GESTUELLE : ne sachant que faire de vos mains, vous les
mettez dans vos poches et commencez à tripoter les pièces de monnaie
qui s’y trouvent, ou vous les placez derrière le dos, puis le long du corps,
ou encore vous les croisez devant vous dans la position du nudiste ou du
footballeur, puis vous croisez les bras, ensuite vous commencez à vous
triturer les mains... Ou, dans la série des AUTO-CONTACTS : vous joignez
vos mains une fois, deux fois, quinze fois, vous jouez avec votre alliance,
vous vous caressez le lobe de l’oreille, vous vous grattez le nez, vous vous
passez la main dans les cheveux, vous flattez le revers de votre veste,
vous resserrez le nœud de votre cravate à tout bout de champ...
Au niveau du VISAGE : vous ne souriez pas, ou vous souriez alors que,
dans la circonstance, cela ne s’y prête pas. De même, votre visage est
fermé ou pas, exprime de la convivialité ou pas, alors que, dans la
circonstance, cela ne convient pas.
Au niveau du REGARD : votre regard décroche vers le plafond ou le sol. Il
se perd dans le vague, par la fenêtre, il est fuyant. Vous balayez
machinalement du regard les personnes qui vous écoutent sans vraiment
les regarder...
« LE MIROIR »
Attention au regard mécanique. Regardez vraiment les personnes qui vous écoutent. Afin de tester si
votre regard est mécanique ou pas, si votre regard est un vrai regard, faites le jeu suivant : racontez
ce qui vous passe par la tête à un groupe de six personnes assises. Pendant que vous leur parlez,
debout ou assis, proposez-leur une gestuelle qui n’a rien à voir avec ce que vous dites (par exemple :
levez un bras, puis fermez le poing, desserrez le poing, montez le second bras, etc.) et demandez-
leur de la reproduire en miroir (quand vous lèverez votre bras gauche, elles lèveront leur bras droit,
quand vous ouvrirez votre poing gauche, elles ouvriront leur poing droit, etc.).
Dans cet exercice, pendant votre prise de parole, votre objectif numéro un est
de vous assurer que les six personnes reproduisent simultanément votre
gestuelle en miroir. Si d’aventure, tout en parlant, vous voyez que l’une d’elles
ne le fait pas correctement, alors arrêtez-vous de parler, jetez-lui un regard
bienveillant pour lui signifier qu’elle ne reproduit pas votre gestuelle en miroir.
Lorsqu’elle rectifie le tir, remettez-vous à parler. Le but du jeu est que les
personnes qui vous écoutent, de temps en temps, fassent exprès de ne pas
reproduire votre gestuelle en miroir. Si vous les regardez vraiment, vous vous
en apercevrez. Si vous êtes absorbé par votre discours, vous ne le verrez pas.
Voyons à présent votre image sonore. Elle est déterminée par le rythme de
votre parole, votre articulation, votre volume de voix, vos intonations, vos
silences. En fonction de votre auditoire, de votre objectif et de la circonstance,
décidez-vous d’utiliser le même rythme ? le même ton ? le même volume tout
au long de votre prise de parole ? Ou, au contraire, décidez-vous de varier les
rythmes, en accélérant ou en ralentissant votre débit de parole, selon les
passages ? De hausser ou baisser le volume de votre voix ? De répéter
certains mots, d’en valoriser d’autres ? De prévoir des silences ?
Comme pour l’image visuelle, il n’y a pas une seule façon de faire, mais autant
que de messages à transmettre. Encore une fois, c’est à vous de décider. Et,
de même que pour l’image visuelle, si vous ne maîtrisez pas votre image
sonore, vous risquez de parasiter votre message. Voici une liste non exhaustive
d’éléments qui, lorsqu’ils sont subis, non maîtrisés, sont susceptibles d’affaiblir
votre message : toujours le même rythme, un débit rapide tout le temps ou lent
tout le temps ; un ton monotone, monocorde, linéaire ; un volume trop fort tout
le temps ou trop bas tout le temps ; des fins de phrases qui chutent
systématiquement ; un ronronnement qui s’installe ; pas de silences et, à leur
place, des mots étirés en longueur, des « euh... », des « eh bien » ; des mots
parasites comme « en effet », « effectivement », « quand même » ; des mots
dévalorisants comme « petit », « pas tout à fait » ; des soupirs.
À noter
Si la notion d’« angle » vous intéresse, vous trouverez un complément d’information dans le livre
de Chilina Hills Cultivez votre charisme1 au chapitre 9 : « À qui parlez-vous ? » et au chapitre 10,
page 104 : « Identifier l’angle d’intérêt ».
Pour des troubles de la parole (bégaiement, etc.), voir le film Le discours d’un roi.
À ceux qui se demandent ce qu’ils peuvent bien faire de leurs mains pendant leur prise de parole,
je conseille de lire Le Guide de la communication2 de Jean-Claude Martin, page 90 : « Les gestes
qui parlent. » Et si vous n’êtes toujours pas convaincu de l’utilité d’une bonne préparation, lisez
aussi les pages 280 et suivantes : « Préparer sa réunion » du même ouvrage.
Pour les studieux déterminés à développer et enrichir leur voix, je recommande la lecture de
l’ouvrage Trouver sa voix 3 de Louis-Jacques Rondeleux.
D’accord/pas d’accord
LES EXTRAVERTIS SONT DE MEILLEURS ORATEURS QUE LES
INTROVERTIS
Évidemment ! Les personnalités extraverties auront toujours plus de facilité à s’exprimer en public.
Elles aiment être sur scène, se montrer. Cette aisance et ce plaisir d’être là se ressentent, et
contribuent au plaisir de les écouter et de les comprendre. Ces personnalités-là puisent leur énergie
dans leur relation aux autres. Il leur est donc facile et naturel d’interagir avec l’auditoire, de créer un
dialogue, de répondre aux questions.
Moi, je dirais que les personnalités introverties, quant à elles, parce qu’elles savent qu’elles doivent se
préparer pour être à l’aise, ont tendance à être plus structurées dans leurs discours. Elles ne courent
pas le risque de « trop en faire » et sont parfois de meilleurs porte-parole quand il s’agit de faire preuve
d’écoute et de compréhension. Et, bien souvent, elles sont plus modestes !
À noter
Comme le disait ma grand-mère : « Si la parole est d’argent, le silence est d’or. » Votre message
passe par vos mots, mais aussi, lors de vos silences, par l’intensité de votre regard et
l’expression de votre visage.
Attention
Pendant les moments de recherche d’un mot ou d’une idée, nous avons tendance à retenir notre
respiration, à être en apnée. Pensez donc à bien respirer, à vous oxygéner tout au long de votre
prise et parole.
Et pourquoi changer ?
« Oubliez-vous, oubliez-vous, oubliez-vous, vous me faites marrer : pendant ma
prise de parole, c’est tout de même moi qui serai en première ligne... Et je n’ai
pas intérêt à me louper, parce que, sinon, je vous prie de croire que l’on ne me
loupera pas, à commencer par ma hiérarchie. Donc, penser à l’auditoire avant
tout, d’accord, mais pas question de m’oublier, parce que si moi je ne suis pas
à l’aise, eh bien mon auditoire le sentira. Et c’est sur moi que ça retombera !
C’est pour ça que je n’ai pas du tout envie de m’oublier.
Ni de changer mes habitudes. Si c’est pour me sentir mal à l’aise, non merci ! À
commencer par mon habitude d’utiliser le pupitre. Moi, sans pupitre, je ne suis
pas bien. Figurez-vous que je suis de ceux qui, justement, trouvent que le
pupitre, c’est bien pratique. Pour la bonne et simple raison que, au moins, je
n’ai pas à me préoccuper de savoir si je suis bien ancré, si j’oscille du bassin ou
si mes mains sont là où il faut. Derrière le pupitre, mes jambes, on ne les voit
pas, et mes mains non plus, donc le problème est réglé, je fais d’une pierre
deux coups. Et, avec le pupitre, je peux avoir mes documents sous les yeux, ce
qui est très, mais alors très rassurant, surtout en cas de trou.
Et puis vous me faites bien rigoler avec votre : « Mettez-vous en quatre pour
votre auditoire. » L’entreprise, ce n’est pas le monde des Bisounours. Si vous
saviez le nombre de personnes qui m’attendent au tournant et qui sont prêtes à
me jeter des peaux de banane, à déblatérer sur mon compte, à guetter la
moindre faute de carre. En quel honneur devrais-je me mettre en quatre pour
elles ? En quel honneur devrais-je me préoccuper de savoir si elles trouveront
ou pas un intérêt à ce que je leur raconte ? En plus, moi, ma mission, dans bien
des cas, c’est de leur demander de faire telle ou telle chose, d’appliquer telle
ou telle directive... Que ça leur plaise ou non, qu’elles y trouvent un intérêt ou
non. C’est pour ça qu’elles sont payées, un point c’est tout ! Si elles veulent
m’écouter, elles m’écoutent ; si elles ne veulent pas, elles ne m’écoutent pas.
Ce n’est pas mon problème, elles sont bien assez grandes pour assumer leurs
responsabilités.
Vous me faites bien marrer aussi quand vous dites que « tout est ressource ».
Tu parles, et quand on rougit, c’est une ressource, peut-être ? Et au niveau de
l’objectif, permettez-moi de vous dire que le monde de l’entreprise est de plus
en plus complexe et que ce n’est pas évident du tout de déterminer un objectif.
Ce n’est pas si simple, car, la plupart du temps, il y a plusieurs sujets à traiter
et plusieurs messages à faire passer !
Quant à « développer sa palette d’expressions »... Là aussi, c’est bien joli de
vouloir faire des effets, mais je ne vais pas me mettre à hurler, si pour moi ce
n’est pas naturel. Sans compter que je n’ai guère envie de casser les oreilles
aux gens. Pareil pour le rythme. J’ai l’habitude de parler vite, je ne vais pas me
mettre à ralentir artificiellement mon débit. Je n’ai pas envie de prendre des
plombes pour faire passer mes messages. Quant aux vertus du silence, très
bien, sauf que je n’y arrive pas. Les blancs, j’ai essayé d’en faire, non
seulement je ne me sens pas à l’aise, voire je panique, mais ça dure une
éternité, c’est trop long, ça plombe mon intervention. Et chercher mes idées en
regardant les autres, c’est mission impossible : ça me bloque encore plus.
Plus globalement, je dirais deux choses. La première, c’est que je n’ai pas
envie de perdre de l’énergie à penser à ces choses-là. C’est trop contraignant,
d’autant plus que c’est le fond qui prime sur la forme. Entendons-nous bien, en
entreprise, on n’est pas au spectacle, on n’est pas là pour divertir les gens.
L’auditoire est présent pour fournir un effort, pas pour passer du bon temps.
Seconde chose : la phase de préparation, en théorie, oui, elle est importante,
mais dans les faits, elle ne sert à rien puisque, de toute façon, ça ne se passe
jamais comme prévu. Je me sens d’autant plus à l’aise d’affirmer cela que j’ai
essayé de me préparer. J’y ai passé du temps, j’ai tout fait comme il faut, sauf
que le jour « J », j’ai essayé de reproduire ce que j’avais préparé, et rien ne
s’est passé comme prévu, la cata ! »
Vu et entendu
Essayez quand même
PETITE ANECDOTE
Récemment, un ami à moi, d’origine calabraise, extrêmement sympathique et
volubile dans la vie de tous les jours, un extraverti de première – naturellement
éloquent, diraient certains –, vient me voir et me dit quelque peu troublé : « Je
ne comprends pas, je dois faire une courte présentation pour un film
institutionnel et lorsque je me trouve face à la caméra, je suis incapable
d’aligner deux mots correctement. » Je lui demande s’il a préparé sa
présentation, il me répond : « Pourquoi faire ? Je dois parler pendant trois
minutes à peine. Et sur mon boulot de tous les jours en plus... » Suite à notre
entretien, mon ami a pris quelques heures pour préparer son intervention de
trois minutes, et lorsqu’il s’est retrouvé à nouveau face à la caméra, tout s’est
très bien passé.
À noter
Sachez que dans la vie de tous les jours, vous entendez votre voix avec votre oreille interne, alors
que quand elle est enregistrée, vous l’écoutez avec votre oreille externe... D’où une différence de
perception. De la même façon, lorsque vous vous regardez dans un miroir, vous voyez votre
visage à l’envers, et sur un écran vous le voyez à l’endroit ! Une différence de perception
également, car notre visage n’est pas parfaitement symétrique.
NATUREL/PAS NATUREL
Si vous n’avez pas l’habitude de faire telle ou telle chose, Monsieur de la
Palisse vous le dirait lui-même : il est normal que cela ne soit pas naturel pour
vous de le faire. Par exemple, si vous n’avez pas l’habitude d’adopter une
gestuelle haute et ouverte – c’est-à-dire de monter vos mains à hauteur du
bassin en pliant vos bras, en relâchant vos avant-bras et vos mains – il est
normal que les premières fois où vous le ferez, vous ne ressentiez pas cette
posture comme étant naturelle. La question est de savoir si vous donnerez à
votre auditoire l’impression de l’être. Pour cela, testez ce que vous avez envie
d’expérimenter face à un petit groupe de deux à six personnes. Si vous vous
rendez compte, par exemple, que tel geste, qui n’est pas naturel pour vous,
paraît naturel à ceux qui vous écoutent et vous regardent, eh bien adoptez-le,
intégrez-le dans votre palette d’expressions, et refaites-le dix, cent, mille fois !
Vous verrez qu’avec le temps, ce geste deviendra on ne peut plus naturel pour
vous.
À noter
Quelques superstitions dans le monde du théâtre :
Pro/perso
AMUSEZ-VOUS À VOUS OUBLIER DANS VOS RELATIONS PRIVÉES
Si nous ne le faites pas déjà naturellement, amusez-vous, dans vos discussions
avec vos parents, vos proches, vos amis, à vous « oublier », à vous intéresser
aux autres avant tout. Il y a de fortes chances pour que votre, ou vos
interlocuteurs, vous trouvent beaucoup plus intéressant et sympathique, voire
profond et attractif, que ceux qui ne parlent que d’eux et ne s’intéressent qu’à
leur personne.
Bon à savoir
Les jugements, les ordres, les attaques, les critiques qui nous viennent spontanément à l’esprit
lorsque nous sommes confrontés à un événement qui nous déplaît ne favorisent pas l’écoute de
l’autre, bien au contraire. Quand l’autre se sent jugé, critiqué, attaqué, il a tendance à se braquer, à
vouloir répliquer, se justifier ou contre-attaquer. Quand je lui dis ce que son attitude, son
comportement ou ses mots provoquent en moi, les chances de ne pas le braquer augmentent.
Mais dire ces choses-là ne nous vient pas spontanément à l’esprit. Cela nous demande une prise
de recul nécessaire. Et pour bien le formuler, cela réclame une préparation et un entraînement.
Pro/perso
Un client, au bout du fil, me fait une réclamation de façon agressive et virulente.
Comme, personnellement, je ne supporte pas cela, mon réflexe est de lui dire :
« Monsieur, je ne vous permets pas de me parler sur ce ton », ou : « Restez
poli », « Calmez-vous », ou encore : « Si vous continuez, je raccroche. » Mots
qui, dans la majorité des cas, n’ont pas précisément pour effet de calmer le
client. Si une expérience similaire se présente à vous, amusez-vous à préparer
votre réponse en ces termes : « Monsieur, quand vous employez ces mots et
ce ton, j’ai du mal à rester concentré, je vous propose d’arrêter d’agir ainsi.
L’avantage, pour vous, est que je vais pouvoir traiter votre réclamation et
l’avantage, pour moi, est que je vais pouvoir faire correctement mon travail. »
Testez-le, au pire votre interlocuteur réagira comme les autres, mais il aura
plus de mal à vous reprocher quoi que ce soit, à vous personnellement.
Après avoir lu ce chapitre, vous saurez que votre trac est une ressource et
vous saurez l’accueillir. Vous développerez votre écoute de vous-même
afin de gagner en maîtrise. Vous comprendrez et accepterez que chaque
prise de parole est un acte unique (et donc impossible à reproduire à
l’identique).
Et c’est parti !
PANIQUE À BORD
Votre prise de parole va commencer... Et... Ça y est, vous stressez. Pourtant,
vous vous êtes préparé. Ce n’est pas comme si vous ne maîtrisiez pas du tout
votre sujet et saviez, par avance, que vous allez au casse-pipe. Non, votre
prise de parole, vous l’avez pensée, construite, répétée. Mais c’est plus fort
que vous, vous stressez. Bien entendu, vous vous dites : « C’est bête. Il faut à
tout prix que j’arrête de stresser. » Eh oui, parce que, forcément, stresser, ça
vous stresse. Mais vous avez beau dire et beau faire, vous avez beau vous
raisonner, vous avez beau vous prouver par A plus B qu’il n’y a pas de raison
de stresser, rien n’y fait. Pas moyen de diminuer le stress. Pire : plus vous
voulez le combattre, plus vous stressez. Du coup, panique à bord. Votre corps
subit une révolution, voire vos muscles commencent légèrement à se tétaniser.
Et vous vous surprenez à ressasser à nouveau : « Mais bon sang, que suis-je
venu faire dans cette galère ! Pourquoi ai-je accepté de mener cette
intervention ? Pourquoi ai-je accepté cette nouvelle fonction, dans laquelle je
suis forcé de prendre la parole pour un oui ou pour un non ? Et dans les
configurations les plus diverses : dans des bureaux, en face à face, avec juste
un individu ; dans des salles de réunion, avec de petits groupes de personnes
parfois connues, parfois pas ; ou carrément dans des salles énormes, sur des
scènes gigantesques, face à des centaines de visages pour la plupart inconnus
au bataillon. »
En même temps, vous êtes bien décidé à assurer en prise de parole, vous
avez même acheté un bouquin sur le sujet, d’un auteur au nom à dormir debout
(Couci Couça, Groucho Grocky, ou un truc dans le genre)... Bref, une chose
est sûre : aujourd’hui, l’enjeu de votre prise de parole est de taille. C’est
précisément la raison pour laquelle vous vous êtes préparé à fond. Et c’est
précisément la raison pour laquelle, hélas, votre supérieur hiérarchique direct
sera présent. Si seulement il pouvait ne pas être là. Vous êtes sûr que ça irait
mieux. Ce n’est pas qu’il soit malveillant, non, mais il vous impressionne. Et puis
vous aimeriez tellement éviter de le décevoir. Forcément, c’est grâce à lui si
vous avez obtenu votre promotion. Manque de bol, vous l’avez croisé pas plus
tard qu’il y a dix minutes, et, sans le vouloir, il vous a mis une pression énorme.
« J’ai hâte de vous entendre, je suis sûr que vous allez assurer », vous a-t-il
déclaré, l’inconscient. « Je suis sûr que vous allez assurer » ! Ô, la phrase
malheureuse. S’il y en a bien une que vous ne souhaitiez pas entendre, c’est
celle-là. Elle résonne encore dans votre tête. Et au moment où vous vous dites
que vous n’avez pas droit à l’erreur, que vous devez assurer, vos jambes vous
lâchent. Heureusement, vous êtes déjà assis, sinon vous vous seriez écroulé
par terre. À cet instant précis – décidément, ce n’est pas votre jour –, on vous
annonce que c’est votre tour ! « Quoi ? », demandez-vous avec un filet de voix
inaudible, au bord de l’évanouissement... « Vite, c’est à vous ! », vous répètet-
on d’un ton angoissé : « C’est à vous d’intervenir ! »
SORTIE DE L’ARÈNE
Après le cauchemar que vous venez de vivre, vous pensez naïvement que le
pire est derrière vous, mais pas du tout. Pour votre plus grand désarroi,
certaines personnes, dont votre supérieur hiérarchique direct, viennent vous
voir et vous félicitent. Vous félicitent ! L’air sincère en plus. Vous n’en revenez
pas. Ils vous l’assurent, votre présentation leur a plu. Comme vous ignorez si
c’est du lard ou du cochon, vous interrogez Odile, qui a pour habitude de parler
« cash » et de vous dire ce qu’elle pense vraiment : « Tu n’as pas vu que rien
ne s’est passé comme prévu ? » « Comme prévu, comment ? », vous demande
Odile, dépitée. Vous avez beau lui expliquer que vous n’avez rien fait de ce que
vous comptiez faire, elle insiste : ce qu’elle a entendu et vu lui a semblé tout à
fait bien. « Mais enfin, Odile, tu n’as pas vu comme je tremblais ! » « J’ai senti
que, au début, tu avais le trac, ça oui, mais trembler, non, je pense que tu y
vas un peu fort. » « Et quand j’ai bafouillé, tu ne vas pas me dire que c’était
bien ! » « À quel moment tu as bafouillé ? Je n’ai pas entendu. » « Et l’incident
avec ma slide, tu l’as bien vu, l’incident avec ma slide ! » « J’ai vu qu’à un
moment, tu semblais chercher quelque chose dans ton ordinateur, mais je ne
qualifierais pas ça d’incident. » « En plus, les gens s’ennuyaient ! » « Non, ils
étaient attentifs. » « Non, Marcel n’était pas attentif, non seulement il bâillait,
mais il est sorti de la salle en plein milieu de ma présentation ! » « Le pauvre,
ne lui en veux pas, sa femme vient d’accoucher de triplés, il n’a pas dormi de la
nuit. » Bien entendu, vous tombez des nues, vous ignoriez que Marcel allait être
papa. Forcément, on ne vous dit jamais rien...
Toujours est-il que, résultat des courses, vous êtes totalement déboussolé. Et
pour cause : dans le bouquin que vous venez de lire, il est écrit que l’important,
dans une prise de parole, c’est de « maîtriser ». Vous étiez d’accord avec ça,
mais vous n’avez rien maîtrisé du tout et les gens vous font des compliments.
C’est à n’y rien comprendre.
Pour ajouter de la confusion à la confusion, quelque temps plus tard, vous
reprenez la parole en public, vous êtes plutôt content de votre prestation, vous
réussissez notamment à caser l’anecdote qui vous tenait tant à cœur, et, une
fois votre prise de parole terminée, vous croisez Odile... « Alors ? »,
l’interrogez-vous, plutôt sûr de vous... Et là, c’est la douche froide : elle ne vous
a pas trouvé très en forme, vous avoue-t-elle de but en blanc. Par rapport aux
fois précédentes, vous lui avez semblé un peu en dessous. Elle a même trouvé
que votre anecdote du début n’avait aucun intérêt... Votre sang ne fait qu’un
tour. « Pourtant, j’ai maîtrisé, là !, vous offusquez-vous intérieurement, j’ai
quasiment reproduit à l’identique ce que j’avais préparé ! » Vous reprenez votre
bouquin sur la prise de parole, bien décidé à vous le faire rembourser, et...
vous vous ravisez... Peut-être avez-vous lu le deuxième chapitre un peu vite ?
Vu et entendu
Les clés pour changer
Procédons pas à pas. ÇA COMMENCE « EN COULISSES ». Entendons par
« coulisses » tous les lieux où, avant votre prise de parole, vous pouvez vous
préparer, vous concentrer, vous échauffer : votre bureau, votre voiture, un
couloir, les toilettes, de vraies coulisses... Quel que soit ce lieu, c’est « en
coulisses » – et non une fois que vous êtes face à votre ou vos interlocuteurs –
que votre prestation commence. Et, en guise de premier pas, il est important
que vous puissiez y accueillir votre trac.
D’accord/pas d’accord
LES MEILLEURS SONT CEUX QUI N’ONT PLUS LE TRAC
Je préfère écouter ceux qui maîtrisent complètement leur trac. Leur message est plus clair, carré, net
et précis.
Moi, je trouve que ceux qui prennent la parole en laissant paraître des signes de trac font passer plus
d’humanité et de sensibilité.
À noter
Si vous maîtrisez votre image visuelle et sonore – c’est-à-dire si vous êtes ancré au sol (assis ou
debout) ; si votre gestuelle est haute, ouverte, précise ; si votre corps est stable ; si vous regardez
votre auditoire ; si vous prenez le temps de marquer des silences et de respirer ; si vous contrôlez
votre débit de parole –, il y a de fortes chances que votre auditoire ne perçoive pas votre trac, et
toutes les sensations qui vont avec – poitrine qui se soulève, tremblements en tout genre, mains
moites, etc.
Notre corps est tellement étonnant que, lorsque nous sommes face à un
événement important, où l’enjeu est capital, il se prépare de lui-même. Il nous
met en condition afin que nous puissions être à la hauteur. Il nous met en
condition afin que nous soyons plus grand qu’à l’ordinaire. Plus en éveil. Plus à
l’écoute. Plus concentré. La seule chose que nous puissions faire alors, c’est
d’accueillir le trac et de le remercier d’être là. Car il nous est utile.
À noter
Si, d’aventure, votre auditoire perçoit votre trac, est-ce la « cata » assurée ? Pas du tout, car,
bonne nouvelle, c’est le signe que vous êtes bel et bien un être vivant. Un être humain doté
d’émotions. Un être humain qui, face à un enjeu décisif, se mobilise et fait de son mieux pour
mener sa prise de parole à bien.
Les personnes qui sont tétanisées par le trac sont souvent celles qui
s’obstinent à vouloir s’en débarrasser. Or, le combat est perdu d’avance. Le
corps sait ce qu’il fait et c’est lui qui décide.
À noter
Au cas où vous ressentiriez un trac énorme : si le cœur vous en dit, et si vous jugez que la
circonstance s’y prête, n’hésitez pas à le partager avec votre auditoire ! Au pire, cela vous fera le
plus grand bien !
Exercice de vocalises
« LE DING DONG, BING BONG »
Parmi les nombreuses vocalises que vous pouvez faire, il y a celle du « DING DONG, BING BONG ».
Sur chaque expiration, prononcez une syllabe, en jouant à faire varier votre voix dans les tons graves
ou aigus, et en cherchant à faire résonner votre tête et votre thorax.
Pour conclure, l’idée, afin d’accueillir le trac, est de mettre votre activité
cérébrale en sourdine et de vous occuper de votre corps, qui se met en
« ébullition », qui passe d’un état « normal » à celui de « plus en éveil qu’à
l’ordinaire ».
Attention
Remarque sur les rituels : les coachs sportifs invitent parfois les athlètes de haut niveau à adopter
des rituels, à savoir des gestes, ou des actions, qu’ils vont systématiquement répéter avant ou
pendant une compétition. Un rituel, pour un nageur, ce peut être la façon – toujours la même –
dont il va ranger ses affaires, sur la chaise face à son plot de départ, avant le début de la course.
Un rituel, pour un joueur de tennis, ce peut être la façon dont il va poser ses bouteilles d’eau près
de son sac, sa façon de manger un bout de banane, de nettoyer la ligne de fond de cour, avant de
faire son service. Attacher la plus grande importance à ces rituels est, pour le sportif, un moyen
d’évacuer la pression, de ne pas l’avoir sur le dos au moment du départ pour le nageur, ou du
service pour le joueur de tennis. Accueillir votre trac en respirant, en vous frictionnant le corps, en
faisant des vocalises ou en sautant sur place peut devenir pour vous un rituel.
VOS POINTS DE VIGILANCE
Imaginons que vous ayez tendance à parler vite, et que vous ayez décidé, au
début de votre prise de parole, de parler plus lentement qu’à l’accoutumée.
Imaginons que, pendant votre préparation, vous vous soyez entraîné à parler
lentement, car la chose ne vous est pas naturelle. Parler doucement constitue
un point de vigilance pour vous. Et c’est « en coulisses » que vous devez vous
le remémorer. C’est « en coulisses » que vous allez penser à attaquer votre
prise de parole en parlant lentement.
Imaginons un autre point de vigilance : vous savez que vous avez tendance à
faire des petits pas, devant, derrière, sur les côtés. Or, vous avez décidé de
rester ancré tout au long de votre prise de parole. Pendant votre préparation,
vous vous y êtes entraîné car « rester ancré au sol » n’est pas naturel pour
vous. C’est « en coulisses » que vous allez penser à votre ancrage au sol.
C’est « en coulisses » que vous allez vous remémorer votre ou vos points de
vigilance (trois à quatre maximum) afin de pouvoir réellement mettre en œuvre
ce que vous avez décidé de faire, ce que vous avez répété et qui n’est pas
naturel pour vous. Si vous ne vous pliez pas à cette discipline, votre « naturel »
risque de revenir au galop.
Attention
Lors d’une discussion, d’un échange avec des collègues ou des amis, ou lorsque vous allez chez
le boulanger, vous proférez une parole que vous élaborez presque instantanément, ou qui vous
vient spontanément à l’esprit. Cela, oui, pour la plupart d’entre nous, est de l’ordre du naturel. En
revanche, parler devant un auditoire – qui est là pour vous regarder et vous écouter, et qui s’attend
à ce que vous soyez « naturel » – et lui communiquer, en ayant l’air « naturel », quelque chose
que vous avez préparé et parfois beaucoup répété, n’est pas de l’ordre du « naturel » !
2. Imaginons que mettre vos deux mains dans les poches et balancer votre
bassin en avant et en arrière soit naturel pour vous. Je vous garantis que, sur
« scène », cela ne passera pas inaperçu. Votre auditoire ne trouvera pas cela
« naturel » du tout. Cela va parasiter votre message, dans la mesure où votre
auditoire : un, va focaliser son attention sur « vos mains dans les poches et
votre balancement de bassin » et, deux, ne vous écoutera pas ! – Sachez que
le point commun de toutes les assemblées est d’avoir la faculté de se dissiper
extrêmement vite ! – Votre auditoire, automatiquement, se demandera pourquoi
vous gardez vos mains dans vos poches et n’arrêtez pas de vous balancer.
(Avec un peu de chance, vous aurez même de fins pseudo psychologues,
adeptes de je ne sais quelle discipline « neuro machin chose », qui trouveront la
réponse. Après avoir décortiqué votre posture et mûrement réfléchi, ils
déclareront sans sourciller que, lors de votre tendre enfance, vous vous êtes
brûlé les doigts avec le fer à repasser de votre maman, et que depuis ce
temps-là vous en voulez terriblement à votre père qui le lui avait offert pour la
fête des mères ! D’où, logique, les mains dans les poches et le balancement du
bassin !) Imaginons, a contrario, qu’utiliser votre gestuelle – par exemple en
mettant vos mains en avant, paumes vers le ciel, en faisant des gestes ronds,
des gestes compteurs, des gestes de précision, des gestes tranchants,
verticaux ou horizontaux – et garder votre corps relâché et immobile ne soit pas
naturel pour vous. Je vous garantis que – dans la mesure où vous vous êtes
exercé un minimum – sur « scène », ces gestes et cette posture du corps ont
de fortes chances de passer inaperçus, et donc de ne pas parasiter votre
message. Et votre auditoire les trouvera naturels.
3. La « scène » est un espace bizarre parce que, nous l’avons déjà également
évoqué, le temps qui s’y déroule ne semble pas avoir la même durée que
d’habitude. Sur « scène », le temps nous semble s’écouler parfois plus vite,
parfois moins vite qu’à l’ordinaire. Une minute de silence sur « scène », passée
à chercher une idée, face à quatre cents spectateurs silencieux et pendus à
nos lèvres, nous semblera très probablement une éternité. Un quart d’heure
d’exposé, sur un sujet qui nous passionne, nous semblera très probablement
avoir duré trois minutes. Cette perception du temps sur « scène » nous pousse
parfois à précipiter les choses – à parler trop vite, à ne pas marquer de
silences, à faire plusieurs choses en même temps, ce qui brouille notre
message –, et parfois à traîner en longueur – par exemple quand l’orateur
parle une demi-heure alors qu’on lui avait bien dit qu’il ne disposait que de dix
minutes !
4. La scène est un espace étrange parce que tout ce que nous y faisons, par
un effet de loupe mystérieux, est grossi. Ainsi, l’auditoire le perçoit avec
beaucoup plus d’acuité que dans la vie de tous les jours. Un geste, un
mouvement, un déplacement prend beaucoup plus d’importance sur « scène »
que dans la vie courante. Il se verra, se remarquera. Mais, paradoxalement, si,
sur « scène », nous faisons trop de choses en même temps, ou trop vite,
l’auditoire ne les percevra pas toutes distinctement, car cela brouillera notre
message, retirera de la clarté à nos actes.
Conclusion sur la « scène » : elle n’est pas un espace « normal ». Il est
important de l’apprivoiser et d’accepter de ne pas s’y sentir soi-même. Vous
devez l’apprivoiser pour apprendre à prendre votre temps, apprendre à
séquencer vos actions, à économiser vos gestes et vos déplacements, à
privilégier ceux qui font sens, qui contribuent à donner de la clarté, du
dynamisme, de la force à votre message. Pour le dire autrement, sur « scène »
il est important d’apprendre à dire et à faire « l’essentiel », en fonction de votre
auditoire, de votre objectif et de la circonstance.
À noter
Si vous entrez en « scène » en pensant que votre auditoire est composé d’« abrutis et de gros
nuls », ce dernier le sentira, même (ou surtout !) si vous arborez le plus grand des sourires ! Si
vous entrez en « scène » dans un état d’esprit de bienveillance, si vous êtes content d’être là
parce que vous jugez que votre prise de parole fait sens, qu’elle a son utilité dans la circonstance
et pour les personnes qui vous écoutent, cela se sentira. Si vous entrez en « scène » avec un
problème en tête, problème qui n’a rien à voir avec votre prise de parole, cela se sentira. Si vous
entrez en « scène » avec envie, cela se sentira. Quel que soit l’état d’esprit avec lequel vous
entrez en « scène » – positif ou négatif –, cela se sentira.
À noter
Quand vous ne suivez pas la trame prévue, quand vous oubliez telle ou telle idée, dites telle chose
avant une autre, etc., souvenez-vous que vous êtes le seul à avoir un point de comparaison entre
ce que vous aviez prévu et ce que vous faites et dites lors de votre prise de parole. Donc, il y a de
fortes chances pour que l’auditoire soit incapable de s’apercevoir que « ça ne se passe pas
comme prévu » !
De même que vous avez soigné votre entrée, notamment en prenant votre temps, soignez votre
sortie ! C’est la dernière image que vous laisserez de vous ! Prenez le temps de conclure, de
remercier votre auditoire pour son attention, de prendre congé de lui, en le regardant une dernière
fois, et seulement alors, sans vous précipiter, rejoignez les « coulisses ».
Et pourquoi changer ?
Avant de lire ce livre, vous n’étiez peut-être pas le roi de la prise de parole,
mais, au moins, vous aviez les idées claires. À présent, avec le nombre
d’injonctions contradictoires que vous venez de relever, vous êtes carrément
paumé. Non, parce qu’il faudrait savoir : faut-il « maîtriser » ou « lâcher
prise » ? Faut-il s’oublier ou s’écouter ? Faut-il être vigilant ou pas ? Faut-il
éviter de faire certains trucs, ou s’en moquer ?
D’abord, on vous martèle que vous devez impérativement vous préparer à fond,
que la préparation, c’est fon-da-men-tal, qu’il faut que vous y passiez du temps,
des heures et des heures – que vous pourriez précieusement consacrer à autre
chose ! – et puis après, on vous ordonne, le plus sérieusement du monde,
d’oublier tout. Ce n’est pas beau, ça. « Oubliez tout » ! Bonjour le retour sur
investissement ! Et ce n’est pas tout. L’auteur pousse le bouchon à vous inviter
à savourer votre entrée en « scène » ! Fastoche, surtout avec le trac ! Et
d’ajouter : « Entrez-y l’esprit libre, cool, détendu, en mode “peace and love”. »
Ben voyons ! Lors de votre prochain affrontement avec les représentants
syndicaux, ou avec les membres de la direction, vous allez vous faire un devoir
de suivre cette invitation à la lettre ! Vous allez entrer en « scène » la fleur au
fusil, en pensant très fort « je vous aime », histoire de bien vous faire laminer !
Comble du n’importe quoi, d’un côté on vous assène : « Pointezvous sur
“scène” les mains dans les poches si le cœur vous en dit. » Et puis, tout de
suite après, on vous alerte : « Attention, les mains dans les poches ne
passeront pas inaperçues ! » D’un côté on vous suggère « de rester ancré, de
ne pas bouger dans tous les sens, de “tenir” votre corps, d’être précis dans
votre gestuelle », et de l’autre on vous sort : « Faites-vous plaisir ! Ne vous
imposez pas de contraintes ! Monsieur le perfectionniste, lâchez le “pirate” qui
sommeille en vous ! Même si vous en faites des tonnes, pas de souci ! Même
si vous grimpez au rideau, pas de souci ! Même si tout se met à partir en
sucette, pas de souci ! On n’est pas là pour se faire du mal ! Tracez ! Advienne
que pourra ! L’essentiel, c’est que vous soyez là ! »
« Être là », ça aussi quelle rigolade ! « LOL » ! Et de vous interroger mort de
rire : « Parce que ce Royco Minute Soup d’auteur, pendant nos prises de
parole, il s’imagine que l’on est où, au juste ? Que l’on va où, au juste ? Je ne
savais pas que l’on pouvait être ailleurs que “là” où l’on est. Et puis, tiens, je me
vois bien dire à mon boss : « Chef, aujourd’hui, avec les collègues, on va
s’entraîner à “être là”. On va s’enfermer dans une salle, et on va se regarder.
On va se regarder sans rien dire le matin, et pis, l’après-midi, histoire d’être
bien productifs, on va marcher tous ensemble en fermant les yeux. On va jouer
aux aveugles. Un vrai travail d’équipe ! » Mais c’est un coup à se faire botter
les fesses et à se faire accuser de discrimination primaire par toutes les
associations de France et de Navarre de protection de l’handicap !
Autre sujet de franche « poilade » : la petite voix intérieure versus l’écoute.
Vous aimeriez bien que l’on vous explique la méthode magique pour être à
l’écoute de soi sans avoir de petite voix intérieure. En ce qui vous concerne,
soit vous ne pensez à rien, et là, ok, encéphalogramme plat, rien ne se passe,
soit vous vous écoutez, et forcément il y a votre petite voix intérieure qui entre
en « scène » dans votre cerveau. L’une ne va pas sans l’autre !
Quant aux fameuses « coulisses », là, vous le proclamez haut et fort : « On
nage en plein délire ! » En effet, tout le monde vous le dira, rien de plus naturel
que de faire des exercices de respiration et des vocalises dans les toilettes de
l’entreprise. Discrétion assurée ! C’est bien connu, il n’y a rien qui passe plus
inaperçu qu’un type qui pousse des soupirs, des « Ah ! Ah ! Ah ! », des « Oh !
Oh ! Oh ! », ou fait « DING DONG BING BONG » dans les chiottes. Vous vous
voyez bien, aussi, en train de vous frictionner et de sautiller en plein milieu de
votre « open space » ou de la ligne de production face à tous vos collègues.
Vous n’allez pas avoir l’air bête ! Nooooon, pensez-vous ! Et puis si, à chacune
de leurs prises de parole respectives, tous vos collègues s’y mettent, ça va
être sympa de vous concentrer sur vos dossiers ou vos machines. Ce n’est
plus dans une SA ou une SARL que vous allez bosser, mais chez « Circus and
co ». Enfin, d’aussi loin qu’il vous en souvienne, on vous a toujours conseillé de
tourner plusieurs fois votre langue dans votre bouche avant de l’ouvrir. On vous
a toujours recommandé, avant de parler, de réfléchir à ce que vous alliez dire.
Mais jamais, au grand jamais, on ne vous a dit de réfléchir à la question : « Où
mettrez-vous vos mains ou vos pieds ? » Non, franchement, de qui se moque-t-
on !
Essayez quand même
À noter
Si c’est le P-DG de votre entreprise qui pianote sur son portable, ou trois des plus gros clients de
l’entreprise, et que, en tant que nouvel embauché, vous animez votre première réunion avec eux,
estimez si ça vaut vraiment le coup de les interpeller ! Si le sujet vous intéresse, je vous renvoie
au chapitre 3, intitulé « Observez sans évaluer », de l’ouvrage de Marshall B. Rosenberg Les Mots
sont des fenêtres 7.
LA PRÉPARATION MENTALE
Le principe : il s’agit de penser de façon systématique à toutes les étapes qui
vous conduiront à prendre la parole. Vous vous imaginez en situation ; vous
vivez dans votre tête toutes les étapes de votre intervention ; vous laissez les
images défiler comme si vous regardiez un film ; vous vous trouvez convaincant
et ça se déroule correctement. Si l’exercice vous fait du bien, répétez-le sans
modération.
LA VISUALISATION POSITIVE
Le principe : elle consiste, au moment où vous le souhaitez, à imposer des
images positives à votre cerveau.
À noter
Le cerveau ne fait aucune différence entre l’expérience réelle et l’expérience vécue dans votre tête.
C’est vous qui lui donnez intentionnellement vos instructions : c’est un processus
conscient. À ces images le cerveau va associer des expériences passées, des
émotions, d’autres images, des saveurs, des odeurs. Plus vous êtes détendu,
plus vous permettez à votre cerveau de faire le lien avec tous ces éléments et,
par conséquent, vous favorisez votre bien-être.
LA PRÉSENTATION À PLUSIEURS
Si vous êtes deux, ou plus, à prendre la parole : que faire quand l’autre parle ?
Afin de ne pas parasiter la parole de l’autre, à part l’écouter, je vous conseille
de ne rien faire. Même si vous avez le sentiment d’être « en carafe », le mieux
est de rester ancré, les bras le long du corps par exemple, et de le soutenir du
regard quand il parle, en observant votre auditoire de temps en temps.
À noter
Il existe une différence entre une personne qui prend la parole en public et un comédien. Sur
scène, le comédien interprète un personnage de fiction. Dans la vraie vie, il n’est pas son
personnage. La personne qui prend la parole en public, même si elle est dans sa fonction, est elle-
même. « Sur scène » ou dans la vraie vie, elle est la même personne. Je précise ce point, tout
d’abord parce que, à mon avis, la personne qui prend la parole en public s’expose davantage que
le comédien dans son rôle ; ensuite pour souligner le fait que, même s’il y a des similitudes entre
le travail du comédien et celui de l’orateur, il reste cette différence de taille. De mon point de vue,
un orateur qui théâtraliserait sa prise de parole perdrait en crédibilité.
Suggestion de lecture : l’ouvrage au titre évocateur Le Diable, c’est l’ennui, propos sur le théâtre
de Peter Brook, avec Jean-Gabriel Carasso et Jean-Claude Lallias, Actes Sud-Papiers, 1991. Un
second ouvrage, pour approfondir la réflexion sur ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas :
Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot, Éditions Flammarion, 1994.
Pro/perso
Dans notre vie professionnelle, comme dans notre vie privée, avant de
transmettre un message, de communiquer une décision, un plan d’action, nous
aimerions avoir toutes les cartes en main ou contrôler la situation un
« minimum ». Or, dans bien des cas, à l’heure de nous prononcer, soit nous
n’avons pas toutes les données nécessaires en notre possession, soit nous en
avons trop et n’avons pas le temps de toutes les analyser. C’est dans des
situations comme celles-là qu’il est bon de lâcher prise : de prendre la parole et
d’assumer de « dire », quand bien même nous ne contrôlons pas, ne maîtrisons
pas tout totalement.
Sans tomber dans le piège de la généralisation, nous pouvons affirmer que
nous vivons une époque où notre environnement se transforme très vite – ne
serait-ce qu’au niveau des outils technologiques que nous utilisons –, où nous
pouvons disposer d’une masse importante d’informations... Dans ce contexte,
tout contrôler, tout savoir, tout maîtriser s’avère de plus en plus difficile. Nous
devons donc nous habituer à nous jeter à l’eau, même si nous avons
l’impression de piloter à vue. Dans bien des cas, nous ne pouvons qu’avancer
pas à pas, et gérer les événements au fur et à mesure qu’ils se présentent.
6. À ceux qui voudraient en savoir plus sur l’amygdale, et qui lisent l’anglais, je
conseille la lecture des pages 8 et 9 de l’ouvrage Brilliant presentations de
Richard Hall, Éditions Pearson Prentice Hall, 2007.
7. Marshall B. Rosenberg, Les Mots sont des fenêtres, op. cit.
8. Louis-Jacques Rondeleux, Trouver sa voix, op. cit.
Chapitre 3
Vu et entendu
Les clés pour changer
À noter
Pourquoi s’attarder sur ce qui va ? Eh bien, parce qu’il est indispensable de capitaliser les acquis.
Ce sont sur vos points forts que vous allez pouvoir compter et prendre appui lors de votre
prochaine prise de parole. Ils vont constituer vos repères. Grâce à eux, vous allez gagner en
assurance et en sérénité.
D’accord/pas d’accord
IL NE FAUT PAS TROP CONSIDÉRER LES AVIS DES AUTRES
Tout le monde a un avis et il y a autant d’avis que de gens qui écoutent. À trop écouter les autres, on
est influencé.
Mais le feed-back des gens permet aussi d’avancer et de progresser. Et on ne perd jamais son temps
à demander à quelqu’un en qui on a confiance de nous donner son avis.
ET APRÈS ? ENTRAÎNEZ-VOUS !
Fort de ces retours, vous allez, au quotidien, vous entraîner. Comment ? Voici
trois pistes possibles :
1. En observant autrui. Qu’est-ce qui fait – concrètement, de façon factuelle
– que vous trouvez tel orateur brillant et tel autre médiocre ?
2. En étant vigilant, en étant à votre « écoute », au jour le jour, lors de vos
conversations journalières professionnelles ou privées.
3. En préparant votre prochaine prise de parole. Vous ne progresserez qu’à
ce prix-là. Les fondamentaux de la prise de parole ne sont pas compliqués à
comprendre. En revanche, pour les intégrer, les assimiler, les incarner, vous ne
pouvez pas faire l’économie de la pratique et du fait de « les vivre ». En outre,
votre marge de progression sera fonction de votre degré de vigilance, de votre
capacité à « écouter ». « Écouter » les autres faire leurs prises de parole et
vous « écouter » faire les vôtres.
Et pourquoi changer ?
En ce qui vous concerne, une fois votre prise de parole terminée, vous vous
êtes donné comme règle de ne pas « chercher midi à quatorze heures ». Vous
avez fait de votre mieux, c’est l’essentiel. Vous n’avez pas d’avis. Quant à ce
que les gens en pensent... Vous préférez ne pas le savoir. Surtout que vous ne
vous faites pas d’illusion : les gens ne disent jamais ce qu’ils pensent. Soit ils
vous font des courbettes, pour bien se faire voir et être sûr d’être dans vos
petits papiers, soit ils se taisent, de peur que les compliments, qu’ils seraient
susceptibles de vous faire par inadvertance, ne leur écorchent la bouche. Leur
demander leur retour, vous en êtes persuadé, ne servirait qu’à vous embrouiller
les idées. Et puis les « feed-back », c’est bien joli, mais c’est un tantinet
chronophage. Vous ne pouvez pas vous payer ce luxe. Vous, vous avez des
piles de dossiers qui vous attendent sur votre bureau.
LA NOTION DE JEU
Demandez à un enfant de quatre ans de vous faire le cri du lion. Il vous fera le
cri du lion. Demandez-le à un adulte, il vous questionnera : « Pourquoi faire le
cri du lion ? Et de quel lion d’abord ? Le lion de la savane ou celui du zoo ? »
L’enfant joue spontanément, l’adulte moins. L’enfant n’a pas besoin de
comprendre ni d’analyser pour galoper sur son cheval blanc, conduire sa
voiture de course rouge, voler dans les airs, faire des grimaces...
C’est d’ailleurs quand l’enfant cesse de jouer, de s’amuser à jouer, de prendre
du plaisir à jouer, qu’il entre dans l’adolescence et commence à se poser des
questions.
La majorité d’entre nous, adolescent, puis adulte, sollicitons avant tout notre
cerveau gauche. Et cela par la force des choses, parce que nous n’avons plus
beaucoup le temps de jouer et que nous devons penser à notre avenir, puis
réfléchir à comment joindre les deux bouts. Cela étant, dans certaines
circonstances – par exemple lorsque nous prenons la parole en public, ou
lorsque, en pleine réunion, notre supérieur hiérarchique nous pose une question
à laquelle nous ne nous attendions pas du tout – nous avons besoin aussi bien
de nos ressources cartésiennes, rationnelles, que de notre imagination, notre
créativité, notre intuition. Nous avons besoin aussi bien de notre cerveau
gauche que de notre cerveau droit. Nous avons besoin de toutes nos facultés
mentales, afin de réagir avec souplesse et nous adapter à la circonstance.
Mais dans la mesure où, comme nous venons de le voir, la majorité d’entre
nous développons surtout des facultés cartésiennes, notre cerveau droit est
« un peu rouillé ». Et en situation difficile, complexe, lorsque le rationnel seul ne
suffit pas – et que « ce qui n’est pas de l’ordre du rationnel » a du mal à
émerger – nous avons tendance à nous bloquer, à nous rigidifier, à foncer tout
droit dans une impasse, avec tous les voyants de « panique à bord » qui
passent et clignotent au rouge.
Pour faire face à de pareilles situations, il est important que nous apprenions et
nous exercions à lâcher prise, à laisser advenir, à laisser une place à notre
créativité, notre imagination, notre intuition. C’est en combinant nos facultés
cartésiennes et « les autres » que nous aurons le plus de chance de trouver
une réponse pertinente à une question difficile inattendue, une solution à un
problème complexe, ou une façon élégante de nous sortir d’affaire. (Si les
notions de cerveau gauche et de cerveau droit vous intéressent, vous trouverez
sur Internet une information abondante.)
Exercice du détour
« S’EXERCER AU LÂCHER PRISE »
Personnellement, j’envisage deux pistes.
Première piste : je vous invite à jouer avec des enfants, ou de « grands
enfants », à faire du sport, de la cuisine, du bricolage, de la couture, à
dessiner, peindre, chanter, écrire, faire du théâtre...
Seconde piste : dans des contextes et circonstances sans enjeu pour
vous, où vous ne courez aucun risque, où vos actes, faits et gestes ne
nuiront à personne, amusez-vous à faire ce que vous n’avez pas l’habitude
de faire. Exemples (liste non exhaustive) : engager une conversation avec
un inconnu à qui vous n’auriez jamais osé, ou eu envie, d’adresser la
parole ; libérer quelques heures dans votre agenda pour vous aérer la tête
(c’est votre boss qui va être content !) ; chanter une chanson ou entamer
une danse devant votre femme, vos enfants, vos amis, alors que vous
savez bien que vous chantez comme une casserole ou dansez comme un
pied ; aller au cinéma, ou vous faire une « expo », un matin en plein milieu
de la semaine un jour non férié (là aussi, votre boss va être ravi !) ; faire
des grimaces complètement ridicules devant la glace ; faire le singe,
l’éléphant, la tortue, seul dans votre chambre (au besoin, informez vos
proches !).
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