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Que vous soyez de ceux qui préparent à fond leur intervention et

prévoient tout dans le moindre détail, ou de ceux qui préfèrent


l’improvisation et ne jurent que par la spontanéité, vous rêvez de captiver
votre auditoire, de l’émouvoir et de le faire rire.
Comment développer votre charisme et vous sentir à l’aise en public ?
Comment conserver votre spontanéité et faire passer vos convictions et vos
émotions ? Comment ne plus avoir la gorge sèche et les mains moites et vous
débarrasser de ce fichu trac ?
Écrit par un formateur, comédien et scénariste, cet ouvrage est rédigé comme
un scénario, une histoire, votre histoire ! Dans un style enlevé, il répond à
toutes vos questions et vous aide, à l’aide de nombreux exercices, à préparer
votre présentation et à acquérir les bons réflexes pour surmonter vos blocages.
Vous ne manquerez plus d’aplomb et serez définitivement serein en public.

et si est une collection d’ouvrages mode d’emploi, écrits dans un style simple et
dynamique, destinée à vous faciliter la vie au boulot, dans votre vie perso et dans vos
relations.
Rédigé par un ou des experts du sujet, chaque ouvrage propose des méthodes, des outils, des
conseils et des exercices pour dépasser vos blocages et changer durablement.
au sommaire
L’avant, la phase préparatoire
Pendant, prendre la parole
L’après, débriefer au mieux

l’auteur

Gracco Gracci est né à Caracas. Il a fait ses études en France et, une
fois diplômé de l’ESCP, a décidé de suivre des cours de théâtre et de se
lancer dans une carrière artistique. Devenu comédien et auteur il exerce
également depuis vingt ans ses activités en entreprise. Il écrit, joue ou met en
scène les collaborateurs dans des saynètes qui illustrent les
dysfonctionnements de l’entreprise. Coach et formateur, il intervient notamment
dans le domaine de la prise de parole.
et si
une collection dirigée par

Stéphanie Brouard. Avec une formation initiale en ingénierie


économique et gestion des ressources humaines, et plus de 12 ans
d’expérience dans différents cabinets de conseil et formation (Cegos, EFE-
CFPJ, BPI Groupe), Stéphanie est aujourd’hui consultante au sein de Kea
Prime, filiale de Kea&Partners. Elle conçoit des dispositifs à destination des
managers et de leurs équipes pour les accompagner dans le développement
de leur efficacité professionnelle et personnelle. Elle est spécialisée en
ingénierie pédagogique, toujours à la recherche d’approches et de solutions
innovantes avec deux idées forces : l’efficacité et le plaisir.

Fabrice Daverio. Après avoir été manager chez L’Oréal et LVMH,


Fabrice Daverio est devenu consultant, formateur et coach. Formé au
coaching, analyse transactionnelle, approche systémique et communication
d’adhésion, il dirige aujourd’hui le CFPJ Entreprises et Leadership, département
du Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes qui forme à la
communication. Fabrice conçoit et anime des formations au leadership et à la
communication d’influence. Il a traduit avec d’autres consultants l’ouvrage de
référence sur la Théorie Organisationnelle de Berne, co-écrit et co-coordonné
plusieurs ouvrages de communication, développement personnel et
management.

dans la même collection


Gracco Gracci
Et si j’assurais en public !

Prise de parole
mode d’emploi

Sous la direction de Stéphanie Brouard et Fabrice


Daverio
Groupe Eyrolles
61, Bd Saint-Germain
75240 Paris Cedex 05
www.editions-eyrolles.com

Dans la même collection :


Et si je supportais mieux les cons !, de Bruno Adler
Et si je choisissais ma vie !, de Gilles Noblet

À paraître :
Et si je matais mon chef !, de Nathalie Schipounoff et Stéphane Malochet
Et si je prenais mon temps !, de Catherine Berliet
Et si je me mettais à la formation !, de Stéphanie Brouard

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire


intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce
soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre Français d’Exploitation du Droit
de Copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Groupe Eyrolles, 2012


ISBN : 978-2-212-55413-7
Sommaire

Introduction IX

Chapitre 1
L’avant, la phase préparatoire
Êtes-vous de ceux qui... 3
Les clés pour changer 8
Trois points fondamentaux 8
Oubliez-vous ! 8
Faites comme bon vous semble ! 10
Développez votre palette d’expressions ! 11
Structurer le contenu du message 13
Quel est mon objectif ? 13
Quel est mon angle d’attaque ? 14
Quel est mon fil rouge ? 15
Délivrer des faits, des opinions et des sentiments 15
La chair du discours 16
Slides... ou pas slides 16
Travailler la forme du message 17
D’indispensables répétitions 17
Veiller à son image visuelle et sonore 18
Les vertus du silence 24
Un mauvais réflexe à gommer 25
Et pourquoi changer ? 27
Essayez quand même 31
Petite anecdote 31
Une question de perception 31
Naturel/pas naturel 32
Aiguiser son écoute et son regard 33
Mettre en scène ses déplacements 34

Chapitre 2
Pendant, prendre la parole
Et c’est parti ! 41
Panique à bord 41
Dans l’arène, face aux fauves 43
Sortie de l’arène 44
Les clés pour changer 47
Le trac n’est pas une maladie 47
Vos points de vigilance 52
Cet étrange espace qu’est la scène 52
L’entrée en scène, une occasion de séquencer vos actions 55
Écoute versus petite voix intérieure 57
Vous commencez à parler : lâchez prise ! 59
Avancez pas à pas et « soyez là » 60
Advienne que pourra : les accidents de parcours 62
Et pourquoi changer ? 65
Essayez quand même 68
L’écoute, un travail de chaque instant 68
Écoute et interprétation 70
Témoignage d’entretien oral 71
La préparation mentale 72
La visualisation positive 72
La respiration « par le ventre » 73
La présentation à plusieurs 74
Parallèle avec le métier de comédien 74
Exemple de cas professionnel 76
Exemple fictif de cas privé 77

Chapitre 3
L’après, débriefer au mieux
L’heure du bilan a sonné 81
Les clés pour changer 83
Votre retour personnel 83
Les points d’amélioration 84
Que faire si vous n’arrivez pas à donner un retour ? 84
Le retour des autres 85
Et après ? Entraînez-vous ! 86
Et pourquoi changer ? 87
Essayez quand même 88
La notion de jeu 88

Table des exercices


93
Introduction

Chère lectrice, cher lecteur,


J’espère que vous éprouverez autant de plaisir à lire cet ouvrage que j’en ai eu
à l’écrire, mais, surtout, que vous en verrez l’utilité pour vos prises de parole
futures. Car mon ambition, mon objectif, est que ce livre vous serve à quelque
chose. Voilà pourquoi je l’ai écrit, voilà mon but principal.
Ouvrons tout de suite une parenthèse : bien entendu, je souhaite que Et si
j’assurais en public ! se vende, car je compte bien retirer un retour sur
investissement de mon travail d’écriture. Mais il se vendra d’autant mieux que
vous en tirerez bénéfice vous-même. D’ailleurs, si c’est le cas, n’hésitez pas à
lui faire de la pub et à l’offrir à vos amis, vos parents, vos enfants, vos
collaborateurs, voire même à vos supérieurs hiérarchiques, à condition que
vous leur présentiez votre cadeau avec tact, humour, et fassiez preuve de
beaucoup d’ingéniosité. Personnellement, si je devais l’offrir à mon DG, je lui
dirais : « Cher DG, comprenez-moi bien, Et si j’assurais en public ! ne vous est
pas destiné directement, cela va de soi. Non, l’idée est que vous puissiez briller
en société en l’offrant vous-même, ce bouquin est tellement top. » Fermons la
parenthèse avant que cette page d’introduction ne se transforme en
argumentaire de vente.
Blague à part, et pour en revenir à ma motivation principale dans l’écriture de
cet ouvrage, et dans mes activités diverses et variées en entreprise, ce qui est
fondamental pour moi est d’avoir le sentiment de contribuer à aider autrui à
mieux accomplir ou à mieux vivre son travail. Si tel est le cas, alors oui, cela fait
sens pour moi, oui je suis satisfait et motivé pour poursuivre mon action.
Je vous souhaite donc une excellente et utile lecture chers lectrice et lecteur.

Bien à vous, Gracco


Chapitre 1

L’avant, la phase préparatoire

Après avoir lu ce chapitre, vous saurez que la préparation de votre prise


de parole est une étape fondamentale qui détermine le succès de votre
intervention. Et, bien entendu, vous saurez comment préparer votre prise
de parole.
Êtes-vous de ceux qui...
Les journées n’ont que 24 heures, et, dans la vraie vie, vous, Madame ou
Monsieur, êtes peut-être de ceux qui n’ont pas de temps à perdre, de ceux qui,
entre leurs obligations professionnelles et leurs projets privés, sont déjà très
occupés. Donc, votre objectif n’est pas de perdre du temps mais d’en gagner.
Et préparer votre prochaine prise de parole, qui vous enquiquine déjà
suffisamment comme ça, n’est pas vraiment votre priorité. Résultat : vous ne
vous préparez pas.
D’autant plus que vous êtes peut-être de ceux qui sont convaincus que la
préparation ne sert à rien, puisque dans le domaine de la prise de parole,
comme dans bien d’autres, il y a des gens qui sont faits pour et d’autres pas.
Oui, vous pensez peut-être qu’il y a des gens qui ont un charisme inné et
d’autres pas, des gens talentueux et d’autres pas, des gens qui se sentent à
l’aise et d’autres pas. D’ailleurs, si vous n’avez pas déjà toutes les réponses en
tête, peut-être vous demandez-vous ce que cela signifie que d’être fait pour la
prise de parole, que d’avoir du charisme, du talent, de se sentir à l’aise ?
Peut-être êtes-vous même de ceux qui, n’étant pas très sûrs d’euxmêmes,
rêveraient d’avoir confiance en eux. Comme Madame Untel ou Monsieur Machin
qui ne manquent pas d’aplomb et ont l’air si sereins en public. Alors que,
franchement, un petit régime ne leur ferait pas de mal. Sans compter qu’ils sont
sapés comme des as de pique ! C’est dingue, malgré leur embonpoint, leurs
fringues mal coupées, ils se permettent de ces trucs... Alors que vous, à leur
place, vous n’oseriez pas avoir le quart de leur toupet. D’accord pour être
confiant, mais un peu de décence tout de même, non ? On ne peut quand
même pas tout se permettre... Peut-être êtesvous de ceux qui se posent ces
questions... Ou pas !
Peut-être êtes-vous de ceux qui s’efforcent de ne pas trop se préparer car ils
ne jurent que par l’improvisation. Ils improvisent un maximum pour la simple et
bonne raison qu’ils souhaitent rester eux-mêmes, afin de ne pas perdre de leur
spontanéité, de leur naturel. Voilà, le mot est lâché : « naturel. » Être ou ne pas
être naturel, telle est la vraie question pour vous. Car, pour rien au monde vous
ne souhaitez ressembler à certains de vos collègues qui, une fois sortis de leur
formation à la prise de parole, essayent d’appliquer, de plaquer « ce qu’il faut
faire », « ce que l’on se doit de faire ». Les pauvres, s’ils se voyaient, ils sont
antinaturels au possible ! Ils ressemblent à des robots tant ce qu’ils font est
mécanique, artificiel. De plus, dans leurs interventions, non seulement il n’y a
aucune émotion qui passe, mais ce qu’ils racontent sonne terriblement faux.
Contrairement à Madame Grégoire, tenez ! Voilà une femme qui n’a jamais eu
de sa vie de formation à la prise de parole, qui ne s’est jamais adressée à un
public, mais qui, pour le départ à la retraite de son boss, s’est fait violence et,
pour la première fois de son existence, s’est adressée à toute l’entreprise... Eh
bien, même si elle en était malade, même si elle a fait trembler la feuille qu’elle
lisait pendant toute la durée de son discours, même si elle était morte de trac –
elle vous l’a confessé elle-même –, elle vous a ému aux larmes.
Cela dit, vous êtes peut-être de ceux qui, au moins une fois dans leur vie, parce
que l’enjeu de leur prise de parole était extrêmement important, ont pris le
temps de se préparer un minimum. Et alors vous avez peut-être senti que, pour
une fois, connaissant votre sujet et sachant ce que vous alliez dire, vous aviez
un peu moins le trac. Parce que le trac, mon Dieu ce fichu trac, si au moins
vous saviez comment vous en débarrasser... Au cours de vos prises de parole,
vous ne supportez pas d’avoir les jambes, voire les fesses, qui tremblent. Vous
ne supportez pas d’avoir les mains moites, la gorge sèche. Mais c’est plus fort
que vous, dès que vous êtes face à un public, vous ne savez plus où vous
mettre tellement votre corps se met à agir bizarrement. Vous avez chaud, votre
voix chevrote, l’air vous manque. Du coup, vous vous demandez ce que les
gens qui vous écoutent peuvent bien penser de vous, surtout si vous
commencez à rougir ! Du coup, vous oubliez la moitié de ce que vous vouliez
dire. Du coup, rien ne se passe comme prévu, c’est l’horreur... Et cela finit par
conforter votre analyse : rien ne sert de vous préparer puisque, de toute façon,
vous serez nul, comme d’habitude.
Parvenu à cette conclusion, vous n’êtes pas satisfait pour autant, parce qu’à la
prochaine réunion, à la prochaine convention, au prochain séminaire, au
prochain entretien ou au prochain mariage, celui de votre meilleur ami, il va
falloir vous y « coller », il va falloir que vous preniez la parole, quoi qu’il arrive.
Et vous êtes peut-être de ceux qui, avant la terrible échéance, au lieu de se
préparer, se prennent passablement la tête, perdent pas mal de temps à se
triturer les méninges avec des questions sur le talent, le charisme, la confiance
en soi, la capacité à être à l’aise, la capacité à plaire, à satisfaire tout le
monde, la spontanéité, le naturel... Autant de questions qui, excusez la brutalité
de l’affirmation, ne font avancer la prise de parole en rien et n’ont aucun intérêt
pratique de surcroît.
Maintenant, vous êtes peut-être de ceux qui se disent qu’ils sont tellement bons
qu’ils n’ont pas besoin de se préparer. Alors, vous êtes persuadé que vous
arriverez toujours à broder puisque vous connaissez votre sujet sur le bout des
doigts. En outre, vous adresser à Pierre, Paul ou Jacques vous est totalement
indifférent. L’important c’est vous, votre message, peu importe qui vous écoute.
Qui que vous ayez en face de vous, vous assurerez de toute façon.
Ou alors, vous êtes de ceux qui, perfectionnistes dans l’âme, se préparent à
fond, ne laissent rien au hasard, prévoient tout dans leur tête et dans le
moindre détail. Si vous êtes de ceux-là, vous bossez le fond de votre message
– puisque c’est lui qui prime sur la forme – vous rédigez avec la plus grande
minutie, pesant l’importance, voire le pour et le contre, de chaque mot, et vous
apprenez le tout par cœur. Eh oui, l’excellence a un prix, on se donne les
moyens de l’atteindre ou pas. C’est super, votre sujet vous passionne et vous
avez plein de choses très intéressantes à dire. Bon, il est vrai que, souvent, on
vous donne une contrainte de temps et que, dans ces cas-là, vous n’êtes pas
sûr d’arriver à tout dire au cours des dix ou quinze petites minutes qui vous sont
imparties. Qu’à cela ne tienne, pas question de sacrifier quoi que ce soit, tout
ce que vous avez préparé est essentiel, vous parlerez plus vite qu’à
l’accoutumée. Et puis votre sujet est tellement passionnant que tout le monde
sera pendu à vos lèvres. Certes, les journées n’ont que 24 heures et, par
manque de temps, il arrive que vous ne puissiez ni préparer votre prise de
parole à la perfection, ni tout anticiper, ni tout mémoriser. Que faites-vous dans
ces cas-là ? Ni une ni deux, vous transcrivez tout votre discours, toute votre
présentation sur des slides. Ouf ! Même plus besoin de vous soucier des trous
de mémoire, vous aurez vos slides sous les yeux... Elles vous serviront
d’antisèches !

Vu et entendu
Les clés pour changer
Mettons que vous décidiez de préparer votre prise de parole parce que vous
vous dites qu’après tout, c’est une étape importante. Tout d’abord, je vous
invite à considérer trois points fondamentaux qui optimiseront votre préparation.

TROIS POINTS FONDAMENTAUX


Oubliez-vous !
En amont de votre intervention, pendant la phase de préparation, ayez tout de
suite en tête la lapalissade suivante – au besoin, marquez-la en gros et en
rouge sur une feuille que vous aurez sous les yeux en permanence : « Ma
présentation, je la ferai pour les autres, pas pour moi. » Puis, en prenant appui
sur cette lapalissade, oubliez-vous, oubliez-vous, oubliez-vous ! Autrement dit,
dans la phase préparatoire, et durant votre prise de parole, pensez avant tout
à votre auditoire. Vous n’êtes pas la priorité. Votre confort n’est pas la priorité.
Votre ressenti, ce que vous pensez de vous-même n’est pas la priorité. Votre
manque ou pas de confiance n’est pas la priorité. Votre volonté de montrer à
quel point vous êtes bon ou pas, beau ou pas, brillant ou pas, intelligent ou pas,
n’est pas la priorité. Votre priorité, votre préoccupation numéro un, ce sont les
personnes qui vont vous écouter.
Vous construisez, et vous ferez votre prise de parole pour les autres, pas pour
vous, pour la simple et bonne raison que ce que vous allez préparer, ce que
vous direz, vous le connaîtrez. Donc, de toute évidence, vous le destinez aux
autres, pas à vous. Estimez que vous allez concevoir un message et en faire
don à votre auditoire. Estimez qu’il est indispensable que vous vous mettiez en
quatre pour le préparer au mieux, afin que votre auditoire le reçoive au mieux.

À noter
Ce n’est pas un hasard si ma grand-mère disait : « En amour comme en prise de parole, c’est
l’autre qui passe avant tout. En amour comme en prise de parole, atteindre l’excellence revient à
faire don de soi. »

Soyez persuadé que si vous préparez votre prise de parole en pensant aux
autres et pas à vous, si vous travaillez dans un esprit de service, dans le sens :
« Je suis au service des personnes qui vont m’écouter et je vais à leur
rencontre », alors, le jour « J », votre public le sentira très vite et vous en sera
reconnaissant. Prenons l’exemple d’un chef d’entreprise qui prépare son
intervention et précisons, par ailleurs, qu’il se sent très à l’aise derrière un
pupitre car il a l’habitude d’y faire ses interventions. Si l’objectif de sa prise de
parole est de convaincre ses collaborateurs que, dorénavant, il descendra de
sa tour d’ivoire et qu’il s’efforcera d’être proche d’eux, il est primordial qu’il se
pose la question du pupitre en amont de son intervention : « Pour mon public,
et en fonction de l’objectif de mon message, vaut-il mieux que je sois derrière le
pupitre ou en avant-scène ? » Réponse : « Oubliez votre pupitre. Vous vous
adresserez à vos troupes depuis l’avant-scène. Que vous soyez à l’aise ou pas
avec cela est secondaire, la question n’a même pas lieu d’être. Si vous voulez
être cohérent avec vous-même et avec votre message, vous vous devez de
vous oublier, d’oublier vos habitudes, d’oublier votre confort, et de vous mettre
à nu devant vos collaborateurs. »

Faites comme bon vous semble !


J’attire votre attention sur le fait qu’en prise de parole, il n’y a pas des choses à
faire et des choses à ne pas faire. Oubliez les « il faut » et les « on doit ». Il n’y
a pas à rester assis ou pas, à se déplacer ou pas, à mettre la main dans la
poche ou pas, à croiser les bras ou pas, à parler vite ou pas... Faites ce que
vous voulez, dans la mesure où vous ne « subissez » pas, où vous n’agissez
pas contre votre gré. Faites ce que vous voulez, dans la mesure où vous
« maîtrisez » et ce, en fonction de votre auditoire, de votre objectif et de la
circonstance dans laquelle vous vous exprimez.
C’est pendant la phase préparatoire que vous décidez de ce que vous allez dire
et faire, et comment vous allez le dire et le faire. Par exemple : vous décidez
qu’au début de votre prise de parole, vous vous mettrez le doigt dans le nez
parce que vous serez face à des élèves de maternelle et que votre objectif est
de les convaincre de se laver les mains avant de déjeuner. Pourquoi pas !
Surtout si vous pensez que ce geste va vous permettre d’amuser votre jeune
auditoire, de détendre l’atmosphère et de stimuler leur écoute. Maintenant, si
vous vous adressez à un public d’industriels préoccupés par la hausse des prix
des matières premières et que vous vous mettez le doigt dans le nez, non
parce que vous l’avez prévu, non parce que vous maîtrisez ce geste, mais
parce qu’il vous échappe sans même que vous vous en rendiez compte, pas de
doute que ce comportement malencontreux, subi, parasitera votre message.

Bon à savoir
Dans la mesure où, par rapport à ce que vous direz et ferez pendant votre intervention, vous
aurez autant de ressentis que de personnes qui vous verront et vous écouteront, il est impossible
que vous prépariez l’intervention idéale. Vous aurez toujours des personnes à qui votre
intervention plaira beaucoup et d’autres à qui elle plaira un peu moins, voire pas du tout. Donc,
autant décider vous-même de ce que vous voulez faire en fonction de votre auditoire, de votre
objectif et de la circonstance.

Vous ne pouvez pas préparer l’intervention idéale qui fera l’unanimité, parce
que vous ne pouvez pas dicter et contrôler le ressenti d’autrui. Mais vous
pouvez préparer l’intervention qui vous semble la plus pertinente, la plus
adaptée.
Préparez ce qui vous semble le mieux en fonction de votre auditoire, de votre objectif et de la
circonstance, puis appliquez les dires, faits et gestes que vous aurez préalablement déterminés et
répétés.

Développez votre palette d’expressions !


Tout est ressource. Vous parlez vite, super, tout le monde n’en est pas
capable. Vous parlez lentement, parfait, dans bien des circonstances, c’est
plus que nécessaire. La question n’est pas de changer vos façons de faire,
d’oublier ce que vous savez faire, mais de développer votre palette
d’expressions. Et ce, primo, pour varier les plaisirs, pour donner du rythme à
votre prise de parole. Une personne qui parle vite, tout le temps, a tendance à
fatiguer son auditoire ; une personne qui parle lentement, tout le temps, a
tendance à l’endormir.

À noter
Ma grand-mère disait : « Ce qui crée la monotonie, en amour comme en prise de parole, c’est le
systématisme, le “toujours de la même chose” ! »

Secundo, il est utile de développer votre palette d’expressions pour pouvoir


adapter votre prise de parole aux circonstances et aux personnes qui vous
écoutent. Par exemple : vous préparez une intervention afin d’accueillir
chaleureusement de nouveaux collaborateurs. Si vous vous entraînez à être
souriant, à adopter une gestuelle ouverte, à parler avec un volume de voix fort
et soutenu, vous avez de fortes chances, le jour « J », de remplir votre mission.
En revanche, si vous préparez une intervention afin d’annoncer une perte de
bénéfices de 50 % aux représentants sexagénaires du fonds d’investissement
américain qui détient le capital de votre entreprise, à votre place, j’éviterais de
m’entraîner à avoir la banane, de trop faire de moulinets dans tous les sens
avec les mains et de trop hausser le ton. À moins, bien sûr, que, anticipant leur
décision, votre objectif ne soit de les envoyer balader et de rompre
définitivement les relations avec eux, avant qu’ils ne le fassent eux-mêmes !
Bien entendu, vous ne développerez pas votre palette d’expressions du jour au
lendemain. Cela vous demandera du travail. Plus précisément, cela
nécessitera, dans une première phase, l’avant, de préparer et de répéter vos
interventions « au mieux » ; dans une deuxième phase, le pendant, d’agir au
« mieux » ; et dans une troisième phase, l’après, d’en tirer les enseignements
« au mieux ». C’est grâce à la répétition de ce cycle – un, je me prépare « au
mieux » ; deux, je fais « au mieux » ; trois, je débriefe « au mieux » – que vous
progresserez.
Vous l’aurez compris, l’objet de ce livre est de détailler et d’expliciter les vertus
de chacune de ces trois phases, et de préciser ce que j’entends par « se
préparer, faire et débriefer au mieux ».

STRUCTURER LE CONTENU DU MESSAGE


À présent que vous avez ces trois points fondamentaux en tête, commencez
votre préparation. Comme ce qui prime dans une intervention, c’est le fond,
vous allez tout d’abord préparer et structurer le contenu de votre message.

Si vous n’avez rien à dire, essayez de rester à la maison. Au-delà de la boutade, avant de prendre la
parole, posezvous la question du message que vous voulez faire passer. Trop de gens parlent pour ne
rien dire...

Pour ce faire, vous allez commencer par répondre à deux questions


primordiales : à qui est-ce que je m’adresse ? Pourquoi, dans quel but je
m’adresse à eux ? Vous allez déterminer ainsi l’objectif de votre intervention et
votre angle d’attaque.

Quel est mon objectif ?


Prenez le plus grand soin à déterminer votre objectif. Cette notion est tellement
évidente que nous avons tendance à la délaisser dans l’implicite. Or, il est
fondamental que vous rendiez explicite votre objectif : votre auditoire doit
comprendre très vite pourquoi, dans quel but vous êtes là à lui parler, et
pourquoi ils sont là à vous écouter. Attention à bien définir l’objectif réel de
votre intervention, qui se cache souvent derrière le ou les moyens de
l’atteindre. En effet, méfiez-vous, l’objectif réel n’apparaît pas toujours de prime
abord. Posez-vous la question suivante plutôt trois fois qu’une : « Est-ce bien là
mon objectif, ou n’est-ce qu’un moyen pour y parvenir ? » Prenons quelques
exemples : l’objectif de votre intervention est-il de présenter les chiffres du
dernier semestre à vos commerciaux, ou n’est-ce là qu’un moyen de les
convaincre de passer 20 % de plus de leur temps de travail chez les clients ?
L’objectif de votre intervention est-il de vanter les avantages du dernier-né des
outils de travail élaboré par votre département à des collègues d’un autre
département, ou de les convaincre d’utiliser cet outil afin d’améliorer le service
qu’ils rendent à l’entreprise ? L’objectif de votre intervention est-il de souligner
les attraits de l’île de la Réunion, ou de convaincre votre boss d’organiser le
prochain séminaire là-bas ?

Quel est mon angle d’attaque ?


Parallèlement à l’objectif, posez-vous la question de l’angle de vue choisi pour
votre intervention. Pour le déterminer, voici quelques questions : quel intérêt
mon auditoire a-t-il à m’écouter ? En quoi ce que je raconte va-t-il l’intéresser,
le concerner, l’interpeller ? Si mon public est composé d’individus qui, dans
l’absolu, n’ont pas les mêmes attentes ni le même profil, sur quel élément
fédérateur puis-je bâtir mon angle d’attaque ?
Par exemple : votre objectif est de convaincre les membres de votre auditoire
de ne plus utiliser leur voiture personnelle pour se rendre à leur lieu de travail.
Vous mettrez en avant tout ce qui vous semble aller dans le sens de leur
intérêt. Ainsi, si votre auditoire est composé de chefs d’entreprise, vous allez
aborder le sujet, par exemple, sous l’angle de leur rôle de dirigeant d’une
entreprise citoyenne qui s’engage concrètement dans le développement
durable, sous l’angle de la valeur d’exemple qu’ils donneront à tous leurs
salariés et des avantages qu’ils tireront de cette mesure en termes d’image. Si
votre auditoire est composé de jeunes salariés, vous allez aborder le sujet, par
exemple, sous l’angle des économies en temps et en argent, et de la réduction
du stress. Si votre auditoire est composé de chefs d’entreprise et de jeunes
salariés, vous allez aborder le sujet, par exemple, sous l’angle de la
responsabilité écologique des entreprises vis-à-vis des générations futures.

Quel est mon fil rouge ?


Une fois l’objectif et l’angle trouvés, vous allez structurer votre message en
suivant un fil rouge qui doit leur être directement lié ; tout ce que vous allez dire
est en rapport direct avec votre objectif et votre angle.

Attention
Tout ce qui vous semble important, mais qui n’a rien à voir avec votre objectif, ne doit pas figurer
dans votre présentation.

DÉLIVRER DES FAITS, DES OPINIONS ET DES


SENTIMENTS
Afin de rendre votre propos convaincant, n’hésitez pas à donner votre opinion
en l’étayant de faits. Surtout si vous-même êtes convaincu par votre message
et estimez que, dans la circonstance, il sera pertinent de le dire de façon
explicite. Par exemple : votre objectif est de convaincre votre famille d’aller à la
mer demain. Vous pourrez bâtir votre argumentation de la façon suivante :
« Parce que demain est le seul jour où il fera beau de la semaine – c’est un
fait, vous avez pris la peine de vérifier la météo –, parce que vous savez que
les parents de la petite amie de votre fils aîné iront à la mer demain avec leur
fille – vous les avez eus au bout du fil –, parce qu’un tournoi de volley sera
organisé demain sur la plage – vous avez contacté le syndicat d’initiative – et
vos deux filles jumelles pourront ainsi s’adonner à leur activité préférée, parce
que, comparativement, aller à la mer demain est la sortie qui grèvera le moins
le budget familial – vous avez fait le calcul : aller au cinéma ou au parc
d’attraction le plus proche serait plus cher respectivement de 50 % et de
230 % –, vous êtes persuadé qu’aller à la mer demain est une excellente
idée... » Et si, en plus, vous dites tout cela avec émotion, vous aurez des
chances de convaincre votre auditoire à différents niveaux : au niveau de la
raison avec vos arguments, au niveau du jugement avec votre opinion et au
niveau du cœur avec vos tripes.

La chair du discours
Si vous trouvez un chiffre, un événement, une histoire drôle en rapport direct
avec votre objectif et que vous pensez que cela vous aidera à surprendre,
interpeller votre auditoire, à le mettre sous tension, à piquer sa curiosité, à
donner le ton de votre intervention, n’hésitez pas. Cela vous servira d’accroche.
L’utilisation d’anecdotes, d’analogies, d’images, d’exemples participera à rendre
votre message concret et vivant. Enfin, si vous trouvez une chute qui fait écho à
l’accroche, ouvre sur autre chose, surprend, donne à réfléchir, incite votre
auditoire à l’action, cela vous permettra de conclure en marquant les esprits.

SLIDES... OU PAS SLIDES


Si vous décidez d’utiliser des slides, souvenez-vous qu’une slide est un
document conçu pour être vu, non pour être lu. Une slide impacte la rétine de
votre auditoire et fait son effet au maximum en quelques secondes. Elle étaye
votre propos, met l’accent sur un élément important de votre présentation,
synthétise une idée-force. Ne confondez pas « slides» et « documents à lire »,
lesquels seront donnés à vos auditeurs afin qu’ils aient toutes les informations
nécessaires. Ne confondez pas « slides » et « antisèches » ; vous ne faites
pas des slides pour vous, mais pour votre auditoire afin qu’il retienne au mieux
votre message. Sur une slide figurent souvent un graphique, une image,
quelques mots, deux à trois phrases grand maximum.

TRAVAILLER LA FORME DU MESSAGE


Une fois votre message structuré, vous allez préparer et répéter la forme, à
savoir la façon dont vous allez le transmettre.

D’indispensables répétitions

Bon à savoir
Si vous avez le luxe de pouvoir répéter face à une ou plusieurs personnes bienveillantes, n’hésitez
pas, elles vous donneront des retours précieux. Elles vous permettront notamment de valider la
clarté de votre objectif. Pour cela, à la fin de votre répétition, posezleur la question : « Quel est
l’objectif de mon intervention ? » Si votre objectif est clair, vos auditeurs vous le restitueront tel que
vous l’avez vous-même écrit.

Tout comme une troupe de comédiens qui répètent leur spectacle avant de le
jouer en public, il est important que vous répétiez votre message, que vous
l’incarniez déjà, avant même de le délivrer à vos auditeurs. Ainsi vos intentions
ne resteront pas uniquement au niveau intellectuel. Il ne suffit pas de penser,
par exemple, à un geste, à un déplacement ou à un silence pour être capable
de le réaliser. Vous devez mettre en pratique : faire, tester, refaire et refaire
encore.

À noter
Un retour est bienveillant lorsque la personne qui vous le donne commence par vous fournir des
faits puis, dans un second temps seulement, vous délivre son ressenti. Exemple de retour stérile :
« J’ai trouvé ta présentation super. » Exemple de retour bienveillant : « Parce que ton objectif est
clair – tu veux convaincre ton auditoire de louer un chalet à Serre Chevalier du 3 au 10 février
prochains –, parce que je me suis senti concerné par tes paroles et j’y ai vu mon intérêt, parce
que tu nous as donné ton opinion avec conviction, et que tu l’as étayée avec des faits pertinents et
marquants, je trouve ta présentation super. »

Veiller à son image visuelle et sonore


En fonction de votre auditoire, de votre objectif et de la circonstance dans
laquelle vous vous exprimerez, vous allez décider de la forme, du comment
vous allez transmettre votre message. Plus précisément, vous allez travailler
votre image visuelle et votre image sonore.
Commençons par votre image visuelle. Elle est déterminée par votre
ancrage au sol, votre gestuelle, votre visage et votre regard.
L’ancrage : est-ce que je décide de rester ancré au sol tout au long de ma
présentation ou est-ce que, en fonction de mon auditoire, de mon objectif et de
la circonstance, il est préférable que je me déplace ? Si je pense qu’il est bon
de me déplacer, que cela peut faire sens, à quel moment vais-je le faire et vers
où ? Si je décide de rester assis, comment vais-je m’asseoir sur la chaise ?
Vais-je garder les deux pieds au sol, jambes parallèles ? Vais-je croiser les
jambes et toucher le sol uniquement avec la pointe d’un pied ? Vais-je poser
mes fesses à l’arrière de la chaise, ou plutôt à l’avant ? Vais-je tenir mon buste
en arrière, ou plutôt l’incliner vers le devant ?
La gestuelle : quel type de gestuelle vais-je adopter ? Ai-je intérêt à la jouer
« profil bas » et à laisser mes bras le long du corps ou, étant donné mon
objectif, à montrer du dynamisme et de l’enthousiasme ?
Le visage : ai-je intérêt, ou cela fait-il sens, que je sois souriant, ou pas ?
Le regard : si, durant votre prise de parole, vous vous adressez à une seule
personne, vous sentirez si elle est gênée par votre regard ou pas. Si votre
regard ne la gêne pas, vous avez intérêt à le soutenir tout au long de votre
présentation. Si vous êtes face à un groupe, de deux à trente personnes,
sachez que chaque fois que vous regarderez le plafond, le sol ou sur les côtés,
leur attention faiblira. Donc, un conseil : regardez-les.

Si vous êtes face à un grand groupe, regardez plutôt le fond de la salle, balayez le dernier rang du
regard. Vous donnerez ainsi l’impression à tout le groupe de l’englober du regard.

Il n’y a pas une seule façon de faire, il y a autant de façons de faire que de
messages à transmettre. C’est à vous de décider. Cela étant, sachez que si
vous ne maîtrisez pas votre image visuelle, vous risquez de parasiter votre
message. Voici une liste non exhaustive d’éléments qui, lorsqu’ils sont subis,
non maîtrisés, sont susceptibles d’affaiblir votre message, c’est-à-dire de
distraire votre auditoire, qui va focaliser son attention sur ces éléments-là et ne
va plus vous écouter :
Au niveau de l’ANCRAGE : vous occupez l’espace et, sans vous en rendre
compte, vous piétinez, vous faites des petits pas en avant, en arrière, sur
les côtés, vous posez tout le poids de votre corps sur votre jambe gauche
puis sur votre jambe droite, vous vous dandinez, vous remuez un genou,
vous oscillez votre bassin, vous le bougez en avant et en arrière...
Au niveau de la GESTUELLE : ne sachant que faire de vos mains, vous les
mettez dans vos poches et commencez à tripoter les pièces de monnaie
qui s’y trouvent, ou vous les placez derrière le dos, puis le long du corps,
ou encore vous les croisez devant vous dans la position du nudiste ou du
footballeur, puis vous croisez les bras, ensuite vous commencez à vous
triturer les mains... Ou, dans la série des AUTO-CONTACTS : vous joignez
vos mains une fois, deux fois, quinze fois, vous jouez avec votre alliance,
vous vous caressez le lobe de l’oreille, vous vous grattez le nez, vous vous
passez la main dans les cheveux, vous flattez le revers de votre veste,
vous resserrez le nœud de votre cravate à tout bout de champ...
Au niveau du VISAGE : vous ne souriez pas, ou vous souriez alors que,
dans la circonstance, cela ne s’y prête pas. De même, votre visage est
fermé ou pas, exprime de la convivialité ou pas, alors que, dans la
circonstance, cela ne convient pas.
Au niveau du REGARD : votre regard décroche vers le plafond ou le sol. Il
se perd dans le vague, par la fenêtre, il est fuyant. Vous balayez
machinalement du regard les personnes qui vous écoutent sans vraiment
les regarder...

Exercice sur le regard

« LE MIROIR »
Attention au regard mécanique. Regardez vraiment les personnes qui vous écoutent. Afin de tester si
votre regard est mécanique ou pas, si votre regard est un vrai regard, faites le jeu suivant : racontez
ce qui vous passe par la tête à un groupe de six personnes assises. Pendant que vous leur parlez,
debout ou assis, proposez-leur une gestuelle qui n’a rien à voir avec ce que vous dites (par exemple :
levez un bras, puis fermez le poing, desserrez le poing, montez le second bras, etc.) et demandez-
leur de la reproduire en miroir (quand vous lèverez votre bras gauche, elles lèveront leur bras droit,
quand vous ouvrirez votre poing gauche, elles ouvriront leur poing droit, etc.).

Dans cet exercice, pendant votre prise de parole, votre objectif numéro un est
de vous assurer que les six personnes reproduisent simultanément votre
gestuelle en miroir. Si d’aventure, tout en parlant, vous voyez que l’une d’elles
ne le fait pas correctement, alors arrêtez-vous de parler, jetez-lui un regard
bienveillant pour lui signifier qu’elle ne reproduit pas votre gestuelle en miroir.
Lorsqu’elle rectifie le tir, remettez-vous à parler. Le but du jeu est que les
personnes qui vous écoutent, de temps en temps, fassent exprès de ne pas
reproduire votre gestuelle en miroir. Si vous les regardez vraiment, vous vous
en apercevrez. Si vous êtes absorbé par votre discours, vous ne le verrez pas.
Voyons à présent votre image sonore. Elle est déterminée par le rythme de
votre parole, votre articulation, votre volume de voix, vos intonations, vos
silences. En fonction de votre auditoire, de votre objectif et de la circonstance,
décidez-vous d’utiliser le même rythme ? le même ton ? le même volume tout
au long de votre prise de parole ? Ou, au contraire, décidez-vous de varier les
rythmes, en accélérant ou en ralentissant votre débit de parole, selon les
passages ? De hausser ou baisser le volume de votre voix ? De répéter
certains mots, d’en valoriser d’autres ? De prévoir des silences ?
Comme pour l’image visuelle, il n’y a pas une seule façon de faire, mais autant
que de messages à transmettre. Encore une fois, c’est à vous de décider. Et,
de même que pour l’image visuelle, si vous ne maîtrisez pas votre image
sonore, vous risquez de parasiter votre message. Voici une liste non exhaustive
d’éléments qui, lorsqu’ils sont subis, non maîtrisés, sont susceptibles d’affaiblir
votre message : toujours le même rythme, un débit rapide tout le temps ou lent
tout le temps ; un ton monotone, monocorde, linéaire ; un volume trop fort tout
le temps ou trop bas tout le temps ; des fins de phrases qui chutent
systématiquement ; un ronronnement qui s’installe ; pas de silences et, à leur
place, des mots étirés en longueur, des « euh... », des « eh bien » ; des mots
parasites comme « en effet », « effectivement », « quand même » ; des mots
dévalorisants comme « petit », « pas tout à fait » ; des soupirs.

À noter
Si la notion d’« angle » vous intéresse, vous trouverez un complément d’information dans le livre
de Chilina Hills Cultivez votre charisme1 au chapitre 9 : « À qui parlez-vous ? » et au chapitre 10,
page 104 : « Identifier l’angle d’intérêt ».
Pour des troubles de la parole (bégaiement, etc.), voir le film Le discours d’un roi.
À ceux qui se demandent ce qu’ils peuvent bien faire de leurs mains pendant leur prise de parole,
je conseille de lire Le Guide de la communication2 de Jean-Claude Martin, page 90 : « Les gestes
qui parlent. » Et si vous n’êtes toujours pas convaincu de l’utilité d’une bonne préparation, lisez
aussi les pages 280 et suivantes : « Préparer sa réunion » du même ouvrage.
Pour les studieux déterminés à développer et enrichir leur voix, je recommande la lecture de
l’ouvrage Trouver sa voix 3 de Louis-Jacques Rondeleux.
D’accord/pas d’accord
LES EXTRAVERTIS SONT DE MEILLEURS ORATEURS QUE LES
INTROVERTIS

Évidemment ! Les personnalités extraverties auront toujours plus de facilité à s’exprimer en public.
Elles aiment être sur scène, se montrer. Cette aisance et ce plaisir d’être là se ressentent, et
contribuent au plaisir de les écouter et de les comprendre. Ces personnalités-là puisent leur énergie
dans leur relation aux autres. Il leur est donc facile et naturel d’interagir avec l’auditoire, de créer un
dialogue, de répondre aux questions.

Moi, je dirais que les personnalités introverties, quant à elles, parce qu’elles savent qu’elles doivent se
préparer pour être à l’aise, ont tendance à être plus structurées dans leurs discours. Elles ne courent
pas le risque de « trop en faire » et sont parfois de meilleurs porte-parole quand il s’agit de faire preuve
d’écoute et de compréhension. Et, bien souvent, elles sont plus modestes !

Les vertus du silence

À noter
Comme le disait ma grand-mère : « Si la parole est d’argent, le silence est d’or. » Votre message
passe par vos mots, mais aussi, lors de vos silences, par l’intensité de votre regard et
l’expression de votre visage.

Primo, le silence permet à votre auditoire de mieux intégrer et comprendre ce


que vous lui dites. Souvenez-vous que vous vous êtes imprégné du sujet que
vous présentez. Quoi qu’il arrive, vous avez une longueur d’avance sur votre
auditoire – vous maîtrisez votre sujet, vous le connaissez un minimum ou vous
avez une petite idée de ce que vous allez raconter.
Secundo, le silence vous permet de mettre un mot ou une idée en valeur.
Faites le test de prononcer devant une ou plusieurs personnes la phrase
suivante sans faire de silence : « Demain je vous propose d’aller à la mer et
ensuite au cinéma. » Puis répétez cette phrase en marquant un silence avant et
après les mots « la mer » et « cinéma ». Vous verrez que, grâce aux silences,
ces mots auront plus d’impact dans la seconde version.
Tertio, le silence vous est nécessaire parce que vous n’êtes pas un robot et
qu’il arrive que votre cerveau, souvent pour des raisons que vous et moi
ignorons, ne vous donne pas tout de suite le mot ou l’idée dont vous avez
besoin. Dans ces cas-là, je vous invite à être patient, à faire preuve d’humilité
et à laisser votre cerveau faire son boulot. Respirez pour l’oxygéner et marquez
un silence.

Attention
Pendant les moments de recherche d’un mot ou d’une idée, nous avons tendance à retenir notre
respiration, à être en apnée. Pensez donc à bien respirer, à vous oxygéner tout au long de votre
prise et parole.

À ce propos, une remarque me vient à l’esprit...

Un mauvais réflexe à gommer


Lorsque nous nous adressons à une ou plusieurs personnes et que, tout à
coup, nous cherchons un mot ou une idée, nous déplaçons souvent notre
regard, la plupart du temps sans même nous en rendre compte, vers le sol, le
plafond ou la fenêtre et ne regardons alors plus nos interlocuteurs. Et ce
réflexe s’accompagne généralement d’un, voire de plusieurs « euh » bien
sonores.
Autrement dit, quand nous cherchons un mot ou une idée, nous tendons
systématiquement, par habitude, à interrompre notre communication.
Pourquoi ? Peut-être parce que nous avons un a priori sur le silence, que nous
l’estimons synonyme d’hésitation, de lacune, de faiblesse. Du coup, nous
cherchons à l’éviter et le comblons de « euh » néfastes et de regards perdus.
Peut-être aussi parce que le temps que nous ressentons en tant qu’orateur
n’est pas le même que celui ressenti par nos auditeurs. Une minute de silence,
pour nous orateur, nous semble beaucoup plus longue que pour les personnes
qui nous écoutent et nous regardent. Quand nous « faisons » un silence, ce
silence nous pèse, nous vivons un long moment de solitude, car, contrairement
à nos auditeurs, nous ne voyons pas tous les signaux que nous émettons alors.
Nous ne voyons ni l’intensité et la lueur – plus ou moins forte – de nos yeux, ni
l’expression de notre visage, ni notre sourire ou notre manque de sourire...
Autant de signaux qui racontent quelque chose, grâce et par lesquels nous
communiquons. Donc, comme nous ne voyons pas nous-mêmes tous les
signaux que nous émettons lors d’une recherche et dans le silence, nous avons
tendance à interrompre tout contact visuel et à combler les silences.

Exercice sur la gestion du regard et du silence


« LE MOT LANCÉ »
Réunissez trois à six personnes, placez-vous debout devant elles. Proposez-leur la consigne
suivante : « Vous allez me donner un mot. Dès que vous l’aurez fait, je commencerai une prise de
parole autour de ce mot qui durera trois minutes. Pendant cette prise de parole, je devrai vous
regarder dans les yeux constamment, a fortiori aussi pendant les moments où je chercherai une
idée. Si mon regard dévie – vers le sol, le plafond ou la fenêtre –, vous me direz “regard” afin que je
vous regarde à nouveau. Par ailleurs, mon objectif est de dire le moins de “euh” possible. Je vous
demande donc de compter le nombre de fois où je prononcerai cette interjection pendant les trois
minutes de ma prise de parole. »
Répétez cet exercice à intervalles réguliers, une fois par semaine, une fois par mois... Votre objectif
est de maîtriser votre regard et les silences pendant la recherche d’un mot ou d’une idée. Une fois
cette maîtrise acquise, à vous de choisir, pendant votre prise de parole, à quels moments vous
déciderez de ne pas regarder votre public et à quels moments vous déciderez de le regarder.

Et pourquoi changer ?
« Oubliez-vous, oubliez-vous, oubliez-vous, vous me faites marrer : pendant ma
prise de parole, c’est tout de même moi qui serai en première ligne... Et je n’ai
pas intérêt à me louper, parce que, sinon, je vous prie de croire que l’on ne me
loupera pas, à commencer par ma hiérarchie. Donc, penser à l’auditoire avant
tout, d’accord, mais pas question de m’oublier, parce que si moi je ne suis pas
à l’aise, eh bien mon auditoire le sentira. Et c’est sur moi que ça retombera !
C’est pour ça que je n’ai pas du tout envie de m’oublier.
Ni de changer mes habitudes. Si c’est pour me sentir mal à l’aise, non merci ! À
commencer par mon habitude d’utiliser le pupitre. Moi, sans pupitre, je ne suis
pas bien. Figurez-vous que je suis de ceux qui, justement, trouvent que le
pupitre, c’est bien pratique. Pour la bonne et simple raison que, au moins, je
n’ai pas à me préoccuper de savoir si je suis bien ancré, si j’oscille du bassin ou
si mes mains sont là où il faut. Derrière le pupitre, mes jambes, on ne les voit
pas, et mes mains non plus, donc le problème est réglé, je fais d’une pierre
deux coups. Et, avec le pupitre, je peux avoir mes documents sous les yeux, ce
qui est très, mais alors très rassurant, surtout en cas de trou.
Et puis vous me faites bien rigoler avec votre : « Mettez-vous en quatre pour
votre auditoire. » L’entreprise, ce n’est pas le monde des Bisounours. Si vous
saviez le nombre de personnes qui m’attendent au tournant et qui sont prêtes à
me jeter des peaux de banane, à déblatérer sur mon compte, à guetter la
moindre faute de carre. En quel honneur devrais-je me mettre en quatre pour
elles ? En quel honneur devrais-je me préoccuper de savoir si elles trouveront
ou pas un intérêt à ce que je leur raconte ? En plus, moi, ma mission, dans bien
des cas, c’est de leur demander de faire telle ou telle chose, d’appliquer telle
ou telle directive... Que ça leur plaise ou non, qu’elles y trouvent un intérêt ou
non. C’est pour ça qu’elles sont payées, un point c’est tout ! Si elles veulent
m’écouter, elles m’écoutent ; si elles ne veulent pas, elles ne m’écoutent pas.
Ce n’est pas mon problème, elles sont bien assez grandes pour assumer leurs
responsabilités.
Vous me faites bien marrer aussi quand vous dites que « tout est ressource ».
Tu parles, et quand on rougit, c’est une ressource, peut-être ? Et au niveau de
l’objectif, permettez-moi de vous dire que le monde de l’entreprise est de plus
en plus complexe et que ce n’est pas évident du tout de déterminer un objectif.
Ce n’est pas si simple, car, la plupart du temps, il y a plusieurs sujets à traiter
et plusieurs messages à faire passer !
Quant à « développer sa palette d’expressions »... Là aussi, c’est bien joli de
vouloir faire des effets, mais je ne vais pas me mettre à hurler, si pour moi ce
n’est pas naturel. Sans compter que je n’ai guère envie de casser les oreilles
aux gens. Pareil pour le rythme. J’ai l’habitude de parler vite, je ne vais pas me
mettre à ralentir artificiellement mon débit. Je n’ai pas envie de prendre des
plombes pour faire passer mes messages. Quant aux vertus du silence, très
bien, sauf que je n’y arrive pas. Les blancs, j’ai essayé d’en faire, non
seulement je ne me sens pas à l’aise, voire je panique, mais ça dure une
éternité, c’est trop long, ça plombe mon intervention. Et chercher mes idées en
regardant les autres, c’est mission impossible : ça me bloque encore plus.
Plus globalement, je dirais deux choses. La première, c’est que je n’ai pas
envie de perdre de l’énergie à penser à ces choses-là. C’est trop contraignant,
d’autant plus que c’est le fond qui prime sur la forme. Entendons-nous bien, en
entreprise, on n’est pas au spectacle, on n’est pas là pour divertir les gens.
L’auditoire est présent pour fournir un effort, pas pour passer du bon temps.
Seconde chose : la phase de préparation, en théorie, oui, elle est importante,
mais dans les faits, elle ne sert à rien puisque, de toute façon, ça ne se passe
jamais comme prévu. Je me sens d’autant plus à l’aise d’affirmer cela que j’ai
essayé de me préparer. J’y ai passé du temps, j’ai tout fait comme il faut, sauf
que le jour « J », j’ai essayé de reproduire ce que j’avais préparé, et rien ne
s’est passé comme prévu, la cata ! »

Vu et entendu
Essayez quand même

PETITE ANECDOTE
Récemment, un ami à moi, d’origine calabraise, extrêmement sympathique et
volubile dans la vie de tous les jours, un extraverti de première – naturellement
éloquent, diraient certains –, vient me voir et me dit quelque peu troublé : « Je
ne comprends pas, je dois faire une courte présentation pour un film
institutionnel et lorsque je me trouve face à la caméra, je suis incapable
d’aligner deux mots correctement. » Je lui demande s’il a préparé sa
présentation, il me répond : « Pourquoi faire ? Je dois parler pendant trois
minutes à peine. Et sur mon boulot de tous les jours en plus... » Suite à notre
entretien, mon ami a pris quelques heures pour préparer son intervention de
trois minutes, et lorsqu’il s’est retrouvé à nouveau face à la caméra, tout s’est
très bien passé.

UNE QUESTION DE PERCEPTION


Si vous n’avez pas l’habitude de faire telle ou telle chose (par exemple « faire
des silences », parler fort ou à voix basse, lentement ou vite, etc.), testez ce
que vous souhaitez expérimenter face à un petit groupe de deux à six
personnes. Vous verrez qu’il y a souvent une différence entre votre ressenti et
celui des personnes qui vous écoutent. Plus précisément, vous aurez
l’impression d’avoir exagéré en marquant des silences trop longs, d’avoir hurlé,
d’avoir parlé lentement, mais ce ne sera pas forcément l’avis de votre public.
Vous pouvez également vous filmer. Vous verrez qu’entre ce que vous
ressentez pendant votre prise de parole et ce que vous constatez en vous
regardant et en vous écoutant, la perception n’est pas la même. Par exemple,
dans l’action, vous aurez l’impression d’avoir marqué les silences que vous
aviez prévus, mais ensuite, en vous regardant et en vous écoutant, il y a des
chances que vous vous rendiez compte que vous n’avez pas agi de la sorte.

À noter
Sachez que dans la vie de tous les jours, vous entendez votre voix avec votre oreille interne, alors
que quand elle est enregistrée, vous l’écoutez avec votre oreille externe... D’où une différence de
perception. De la même façon, lorsque vous vous regardez dans un miroir, vous voyez votre
visage à l’envers, et sur un écran vous le voyez à l’endroit ! Une différence de perception
également, car notre visage n’est pas parfaitement symétrique.

NATUREL/PAS NATUREL
Si vous n’avez pas l’habitude de faire telle ou telle chose, Monsieur de la
Palisse vous le dirait lui-même : il est normal que cela ne soit pas naturel pour
vous de le faire. Par exemple, si vous n’avez pas l’habitude d’adopter une
gestuelle haute et ouverte – c’est-à-dire de monter vos mains à hauteur du
bassin en pliant vos bras, en relâchant vos avant-bras et vos mains – il est
normal que les premières fois où vous le ferez, vous ne ressentiez pas cette
posture comme étant naturelle. La question est de savoir si vous donnerez à
votre auditoire l’impression de l’être. Pour cela, testez ce que vous avez envie
d’expérimenter face à un petit groupe de deux à six personnes. Si vous vous
rendez compte, par exemple, que tel geste, qui n’est pas naturel pour vous,
paraît naturel à ceux qui vous écoutent et vous regardent, eh bien adoptez-le,
intégrez-le dans votre palette d’expressions, et refaites-le dix, cent, mille fois !
Vous verrez qu’avec le temps, ce geste deviendra on ne peut plus naturel pour
vous.

AIGUISER SON ÉCOUTE ET SON REGARD


Exercez-vous à écouter et à regarder autrui, et détectez de façon factuelle
(nommez aussi bien au niveau du fond que de la forme, aussi bien au niveau de
l’image visuelle que sonore) ce qui fait que vous trouvez tel orateur brillant et tel
autre un peu moins.
L’objectif de l’orateur est-il clair ? Est-ce que je comprends le pourquoi de sa
présence et de ma présence ? Est-ce que je me sens « accroché » par son
discours dès le départ ? Donne-t-il son opinion en l’étayant de faits ? Raconte-
t-il des anecdotes ? Est-ce que sa chute, sa conclusion m’incite à agir, à
réfléchir ? Est-il ancré ? Se déplace-t-il ? Si oui, par rapport à ce qu’il dit, ses
déplacements font-ils sens ? Rendent-ils plus clair son propos ? Quelle
gestuelle adopte-t-il ? Regarde-t-il son auditoire ? Quand il cherche un mot ou
une idée, que fait-il ? Marque-t-il des silences ? Lâche-t-il systématiquement
des « euh » ? Est-il souriant ? Si oui, par rapport à son message, cela est-il
cohérent ? Son volume de voix, son débit de parole varient-ils ? Change-t-il
d’intonation ? Répète-t-il des mots ? Met-il en valeur certains mots en les
faisant suivre de silences, en les accentuant ?

METTRE EN SCÈNE SES DÉPLACEMENTS


Si vous prenez la parole sur une grande scène, dans un palais des congrès par
exemple, et que vous décidiez de vous déplacer, sachez que le côté qui se
trouve à votre gauche, du côté de votre cœur, quand vous regardez le public,
est appelé le côté « cour ». Et celui qui se trouve sur votre droite, le côté
« jardin ». L’espace devant vous est l’« avant-scène » et, derrière vous, le fond
de scène. Il n’y a pas une seule mise en scène possible de vos déplacements,
mais plusieurs.
Vous pouvez choisir de vous déplacer en parlant ou en silence. Dans ce dernier
cas, ce peut être pour marquer une transition entre votre introduction et la
première partie de votre présentation, ou entre deux parties. Cela vous aidera
à rendre encore plus claire la structure de votre message. Pour mettre en
valeur une idée-force, vous pouvez vous déplacer vers l’avant-scène en silence,
puis, une fois ancré et face au public, énoncer l’idée en question. Si vous vous
déplacez en parlant, vous pouvez dire « à jardin » tout ce qui concerne le
passé, la concurrence, le négatif, tout ce qui est du registre des mauvaises
nouvelles. Et annoncer « à cour » tout ce qui concerne le futur, votre
entreprise, le positif, tout ce qui est du registre des bonnes nouvelles. Votre
auditoire ne percevra pas forcément ces subtilités de mise en scène. En
revanche, dans la mesure où vos déplacements feront sens pour vous, où ils
seront en cohérence avec votre parole, ils clarifieront et dynamiseront votre
présentation.

À noter
Quelques superstitions dans le monde du théâtre :

le vert porte malheur ;


ne jamais souhaiter « bonne chance » à un comédien ou à un
membre de la production. Pour éviter la catastrophe, il faut lui dire
« merde » ;
parler de cordes sur scène est interdit (superstition héritée des
marins : autrefois, de nombreux machinistes et monteurs de décors
de théâtre étaient recrutés parmi les anciens charpentiers de la
marine).
Si vous voulez en savoir plus sur les superstitions au théâtre, vous trouverez des informations
détaillées sur Internet.
Par rapport aux remarques qui suivent sur la gestion des messages difficiles, je vous conseille
Les Mots sont des fenêtres 4 de Marshall B. Rosenberg, pages 17 à 162.

Pro/perso
AMUSEZ-VOUS À VOUS OUBLIER DANS VOS RELATIONS PRIVÉES
Si nous ne le faites pas déjà naturellement, amusez-vous, dans vos discussions
avec vos parents, vos proches, vos amis, à vous « oublier », à vous intéresser
aux autres avant tout. Il y a de fortes chances pour que votre, ou vos
interlocuteurs, vous trouvent beaucoup plus intéressant et sympathique, voire
profond et attractif, que ceux qui ne parlent que d’eux et ne s’intéressent qu’à
leur personne.

AMUSEZ-VOUS À VOUS ENTRAÎNER LORS DE SOIRÉES


Habituez-vous à adopter telle ou telle gestuelle au cours d’un cocktail, à
marquer des silences lors d’une soirée. Observez-vous et observez les autres
faire.

AMUSEZ-VOUS À PARLER DE VOUS DANS LES SITUATIONS


DIFFICILES
Si vous ne le faites pas déjà naturellement, avant de passer un savon à votre
ado de fille ou de fils aîné, qui ne daigne toujours pas ranger sa chambre,
amusez-vous à préparer votre échange avec lui. Plutôt que de lui donner un
ordre – « Tu vas me faire le plaisir de ranger ta chambre tout de suite ! » –, de
le critiquer, de le juger – « Tu es décidément aussi bordélique que ton père (ou
ta mère) ! » –, de le menacer – « Pas de sortie samedi si ta chambre n’est pas
rangée dans la demi-heure qui vient ! » –, amusez-vous à lui parler de vous, à
lui dire ce que vous éprouvez quand vous rentrez à la maison, après une longue
et dure journée de travail, et que vous voyez sa chambre aussi mal rangée.
Attention, pas d’illusion, cela ne servira à rien, car de toute façon sa chambre, il
ne la rangera pas ! Mais, au moins, observez ce qui se passe au niveau de
votre relation avec lui en adoptant cette stratégie.

Bon à savoir
Les jugements, les ordres, les attaques, les critiques qui nous viennent spontanément à l’esprit
lorsque nous sommes confrontés à un événement qui nous déplaît ne favorisent pas l’écoute de
l’autre, bien au contraire. Quand l’autre se sent jugé, critiqué, attaqué, il a tendance à se braquer, à
vouloir répliquer, se justifier ou contre-attaquer. Quand je lui dis ce que son attitude, son
comportement ou ses mots provoquent en moi, les chances de ne pas le braquer augmentent.
Mais dire ces choses-là ne nous vient pas spontanément à l’esprit. Cela nous demande une prise
de recul nécessaire. Et pour bien le formuler, cela réclame une préparation et un entraînement.

Pro/perso
Un client, au bout du fil, me fait une réclamation de façon agressive et virulente.
Comme, personnellement, je ne supporte pas cela, mon réflexe est de lui dire :
« Monsieur, je ne vous permets pas de me parler sur ce ton », ou : « Restez
poli », « Calmez-vous », ou encore : « Si vous continuez, je raccroche. » Mots
qui, dans la majorité des cas, n’ont pas précisément pour effet de calmer le
client. Si une expérience similaire se présente à vous, amusez-vous à préparer
votre réponse en ces termes : « Monsieur, quand vous employez ces mots et
ce ton, j’ai du mal à rester concentré, je vous propose d’arrêter d’agir ainsi.
L’avantage, pour vous, est que je vais pouvoir traiter votre réclamation et
l’avantage, pour moi, est que je vais pouvoir faire correctement mon travail. »
Testez-le, au pire votre interlocuteur réagira comme les autres, mais il aura
plus de mal à vous reprocher quoi que ce soit, à vous personnellement.

Exercice sur le « comment dire »


« LE DESC5 »
Pour vous simplifier les choses, vous pouvez appliquer le DESC :

1. Décrivez de façon factuelle ce qui se passe.


2. Exprimez ce que vous ressentez, votre Émotion, ce que cela
provoque en vous : ce n’est pas un aveu de faiblesse, vous donnez à
l’autre des explications sur votre façon d’être, des clés de lecture de
vous-même.
3. Vous lui proposez une Solution, une autre façon de faire.
4. Vous lui présentez les Conséquences positives de cette solution, pour
lui et pour vous.

1. Chilina Hills, Cultivez votre charisme, Éditions d’Organisation, 2005.


2. Jean-Claude Martin, Le Guide de la communication, Marabout, 1999.
3. Louis-Jacques Rondeleux, Trouver sa voix, Seuil, 2004.
4. Marshall B. Rosenberg, Les Mots sont des fenêtres, La Découverte, 2004.
5. Source : Gordon H. et Sharon A. Bower.
Chapitre 2

Pendant, prendre la parole

Après avoir lu ce chapitre, vous saurez que votre trac est une ressource et
vous saurez l’accueillir. Vous développerez votre écoute de vous-même
afin de gagner en maîtrise. Vous comprendrez et accepterez que chaque
prise de parole est un acte unique (et donc impossible à reproduire à
l’identique).
Et c’est parti !

PANIQUE À BORD
Votre prise de parole va commencer... Et... Ça y est, vous stressez. Pourtant,
vous vous êtes préparé. Ce n’est pas comme si vous ne maîtrisiez pas du tout
votre sujet et saviez, par avance, que vous allez au casse-pipe. Non, votre
prise de parole, vous l’avez pensée, construite, répétée. Mais c’est plus fort
que vous, vous stressez. Bien entendu, vous vous dites : « C’est bête. Il faut à
tout prix que j’arrête de stresser. » Eh oui, parce que, forcément, stresser, ça
vous stresse. Mais vous avez beau dire et beau faire, vous avez beau vous
raisonner, vous avez beau vous prouver par A plus B qu’il n’y a pas de raison
de stresser, rien n’y fait. Pas moyen de diminuer le stress. Pire : plus vous
voulez le combattre, plus vous stressez. Du coup, panique à bord. Votre corps
subit une révolution, voire vos muscles commencent légèrement à se tétaniser.
Et vous vous surprenez à ressasser à nouveau : « Mais bon sang, que suis-je
venu faire dans cette galère ! Pourquoi ai-je accepté de mener cette
intervention ? Pourquoi ai-je accepté cette nouvelle fonction, dans laquelle je
suis forcé de prendre la parole pour un oui ou pour un non ? Et dans les
configurations les plus diverses : dans des bureaux, en face à face, avec juste
un individu ; dans des salles de réunion, avec de petits groupes de personnes
parfois connues, parfois pas ; ou carrément dans des salles énormes, sur des
scènes gigantesques, face à des centaines de visages pour la plupart inconnus
au bataillon. »
En même temps, vous êtes bien décidé à assurer en prise de parole, vous
avez même acheté un bouquin sur le sujet, d’un auteur au nom à dormir debout
(Couci Couça, Groucho Grocky, ou un truc dans le genre)... Bref, une chose
est sûre : aujourd’hui, l’enjeu de votre prise de parole est de taille. C’est
précisément la raison pour laquelle vous vous êtes préparé à fond. Et c’est
précisément la raison pour laquelle, hélas, votre supérieur hiérarchique direct
sera présent. Si seulement il pouvait ne pas être là. Vous êtes sûr que ça irait
mieux. Ce n’est pas qu’il soit malveillant, non, mais il vous impressionne. Et puis
vous aimeriez tellement éviter de le décevoir. Forcément, c’est grâce à lui si
vous avez obtenu votre promotion. Manque de bol, vous l’avez croisé pas plus
tard qu’il y a dix minutes, et, sans le vouloir, il vous a mis une pression énorme.
« J’ai hâte de vous entendre, je suis sûr que vous allez assurer », vous a-t-il
déclaré, l’inconscient. « Je suis sûr que vous allez assurer » ! Ô, la phrase
malheureuse. S’il y en a bien une que vous ne souhaitiez pas entendre, c’est
celle-là. Elle résonne encore dans votre tête. Et au moment où vous vous dites
que vous n’avez pas droit à l’erreur, que vous devez assurer, vos jambes vous
lâchent. Heureusement, vous êtes déjà assis, sinon vous vous seriez écroulé
par terre. À cet instant précis – décidément, ce n’est pas votre jour –, on vous
annonce que c’est votre tour ! « Quoi ? », demandez-vous avec un filet de voix
inaudible, au bord de l’évanouissement... « Vite, c’est à vous ! », vous répètet-
on d’un ton angoissé : « C’est à vous d’intervenir ! »

DANS L’ARÈNE, FACE AUX FAUVES


Et là, sans trop savoir comment, vous vous retrouvez dans l’arène, face aux
fauves... Votre cœur bat si fort qu’il vous soulève la poitrine, vous tremblez de
la tête aux pieds, vous avez la sensation d’avoir au moins 40 de fièvre, vos
joues vous brûlent... Un vrai plaisir. Surtout que, quand vous commencez à
parler, votre gorge est tellement nouée que votre voix n’a pas l’air de se
décider à sortir. Ou à peine. Et, mon Dieu !, comme elle chevrote. Si vous aviez
une baguette magique, aucune hésitation, vous disparaîtriez sous terre. Mais
comme vous n’êtes ni le grand Houdini ni David Copperfield, et que vous savez
que faire marche arrière serait suicidaire, vous faites contre très mauvaise
fortune bon cœur.
Et là, le supplice commence. Vous ne savez même pas d’où vous viennent les
mots qui vous sortent de la bouche. Rien ne se passe comme prévu. Au lieu de
commencer, comme vous le désiriez et comme vous l’avez répété, par une
accroche – vous souhaitiez raconter une anecdote tout à fait pertinente, et en
étroite relation avec l’objectif de votre présentation –, vous attaquez la
présentation du plan de votre intervention. Vous vous en voulez à mort, vous y
teniez tant à cette anecdote ! Vous abordez la première partie de votre
présentation la mort dans l’âme. « Mais quel nul !, vous assène votre petite voix
intérieure, tu as tout gâché ! » Malgré ce départ calamiteux, vous poursuivez
tant bien que mal votre présentation, mais vous sentez bien que votre auditoire
est déçu. Vous voyez bien que Pierre, qui ne sourit pas du tout, trouve que ce
que vous dites n’a strictement aucun intérêt. Vous voyez bien que Robert se
marre intérieurement, voire se moque ouvertement de vous. La preuve, il vous
regarde niaisement avec un grand sourire. Quant à votre supérieur hiérarchique
direct, ce n’est pas compliqué, vous préférez ne pas le regarder tant il doit être
dans tous ses états... Pris dans la tourmente, le mal étant fait, vous déroulez et
allez jusqu’au bout de votre présentation, mais vous n’y croyez absolument pas.
Vous n’êtes tellement pas dans le coup que vous vous mettez à bafouiller, à
chercher vos mots ; vous ne vous entendez pas, mais vous êtes certainement
en train de tomber dans vos pires travers, de dire des « euh » à tout bout de
champ.
Comme si ce n’était pas suffisamment pénible comme ça, vous faites une
mauvaise manipulation et vous envoyez la mauvaise slide. Au même moment,
signe qui tue, Marcel se lève et sort de la salle. Vous vous rendez compte alors
que vous n’avez plus la slide que vous vouliez projeter. Disparue ! Vous
aimeriez essayer de faire comme si de rien n’était, mais vous voyez bien que
les gens ne sont pas dupes. Certains soupirent... Ou alors, c’est tout comme.
En tout cas, vous êtes totalement déconcentré, vous avez énormément de mal
à raccrocher les wagons... Vous reprenez, quand même, à grand-peine, le fil
de vos vagues idées... Une fois le massacre terminé, vous quittez les lieux au
plus vite. Il vous semble entendre des applaudissements... Vous vous doutez
bien qu’ils ne vous sont pas adressés... À moins que votre auditoire soit
tellement poli qu’il se sente obligé d’applaudir...

SORTIE DE L’ARÈNE
Après le cauchemar que vous venez de vivre, vous pensez naïvement que le
pire est derrière vous, mais pas du tout. Pour votre plus grand désarroi,
certaines personnes, dont votre supérieur hiérarchique direct, viennent vous
voir et vous félicitent. Vous félicitent ! L’air sincère en plus. Vous n’en revenez
pas. Ils vous l’assurent, votre présentation leur a plu. Comme vous ignorez si
c’est du lard ou du cochon, vous interrogez Odile, qui a pour habitude de parler
« cash » et de vous dire ce qu’elle pense vraiment : « Tu n’as pas vu que rien
ne s’est passé comme prévu ? » « Comme prévu, comment ? », vous demande
Odile, dépitée. Vous avez beau lui expliquer que vous n’avez rien fait de ce que
vous comptiez faire, elle insiste : ce qu’elle a entendu et vu lui a semblé tout à
fait bien. « Mais enfin, Odile, tu n’as pas vu comme je tremblais ! » « J’ai senti
que, au début, tu avais le trac, ça oui, mais trembler, non, je pense que tu y
vas un peu fort. » « Et quand j’ai bafouillé, tu ne vas pas me dire que c’était
bien ! » « À quel moment tu as bafouillé ? Je n’ai pas entendu. » « Et l’incident
avec ma slide, tu l’as bien vu, l’incident avec ma slide ! » « J’ai vu qu’à un
moment, tu semblais chercher quelque chose dans ton ordinateur, mais je ne
qualifierais pas ça d’incident. » « En plus, les gens s’ennuyaient ! » « Non, ils
étaient attentifs. » « Non, Marcel n’était pas attentif, non seulement il bâillait,
mais il est sorti de la salle en plein milieu de ma présentation ! » « Le pauvre,
ne lui en veux pas, sa femme vient d’accoucher de triplés, il n’a pas dormi de la
nuit. » Bien entendu, vous tombez des nues, vous ignoriez que Marcel allait être
papa. Forcément, on ne vous dit jamais rien...
Toujours est-il que, résultat des courses, vous êtes totalement déboussolé. Et
pour cause : dans le bouquin que vous venez de lire, il est écrit que l’important,
dans une prise de parole, c’est de « maîtriser ». Vous étiez d’accord avec ça,
mais vous n’avez rien maîtrisé du tout et les gens vous font des compliments.
C’est à n’y rien comprendre.
Pour ajouter de la confusion à la confusion, quelque temps plus tard, vous
reprenez la parole en public, vous êtes plutôt content de votre prestation, vous
réussissez notamment à caser l’anecdote qui vous tenait tant à cœur, et, une
fois votre prise de parole terminée, vous croisez Odile... « Alors ? »,
l’interrogez-vous, plutôt sûr de vous... Et là, c’est la douche froide : elle ne vous
a pas trouvé très en forme, vous avoue-t-elle de but en blanc. Par rapport aux
fois précédentes, vous lui avez semblé un peu en dessous. Elle a même trouvé
que votre anecdote du début n’avait aucun intérêt... Votre sang ne fait qu’un
tour. « Pourtant, j’ai maîtrisé, là !, vous offusquez-vous intérieurement, j’ai
quasiment reproduit à l’identique ce que j’avais préparé ! » Vous reprenez votre
bouquin sur la prise de parole, bien décidé à vous le faire rembourser, et...
vous vous ravisez... Peut-être avez-vous lu le deuxième chapitre un peu vite ?

Vu et entendu
Les clés pour changer
Procédons pas à pas. ÇA COMMENCE « EN COULISSES ». Entendons par
« coulisses » tous les lieux où, avant votre prise de parole, vous pouvez vous
préparer, vous concentrer, vous échauffer : votre bureau, votre voiture, un
couloir, les toilettes, de vraies coulisses... Quel que soit ce lieu, c’est « en
coulisses » – et non une fois que vous êtes face à votre ou vos interlocuteurs –
que votre prestation commence. Et, en guise de premier pas, il est important
que vous puissiez y accueillir votre trac.

LE TRAC N’EST PAS UNE MALADIE


Lorsque l’on s’apprête à prendre la parole, ce que certains qualifient parfois de
« stress » s’appelle en réalité le « trac ». Le trac n’est pas une maladie ni un
dysfonctionnement caractéristique de certains individus à problèmes. C’est un
phénomène biologique qui touche tout le monde, ou à peu près.

D’accord/pas d’accord
LES MEILLEURS SONT CEUX QUI N’ONT PLUS LE TRAC

Je préfère écouter ceux qui maîtrisent complètement leur trac. Leur message est plus clair, carré, net
et précis.

Moi, je trouve que ceux qui prennent la parole en laissant paraître des signes de trac font passer plus
d’humanité et de sensibilité.

Avant une prise de parole, surtout si l’enjeu est important, voici


schématiquement ce qui se passe (par avance, que les scientifiques
pardonnent mes libertés de langage et mes imprécisions de vocabulaire !) :
l’amygdale, « substance » qui se trouve dans le cerveau reptilien, « se met en
marche »6, alors que le cortex est « court-circuité » – ou, dit plus
prosaïquement, que nous le voulions ou non, tout un tas d’hormones sont
« relâchées » dans le corps, notamment l’adrénaline. Les battements de cœur
s’accélèrent, un afflux de sang « arrive » aux muscles... Ce qui a pour effet de
nous mettre en effervescence et « de nous faire sentir tout drôle ». (C’est
comme si, habitué à conduire une petite cylindrée, nous nous retrouvions tout à
coup au volant d’une formule un ! Forcément ça change et quand vous appuyez
sur le champignon, ça bouscule.) Saisi par le trac, notre corps peut être pris de
tremblements, nous pouvons avoir une bouffée de chaleur, nos mains peuvent
devenir moites... En fait, notre corps se met à réagir de lui-même, sans que
nous ne lui demandions (et n’y puissions) rien.

À noter
Si vous maîtrisez votre image visuelle et sonore – c’est-à-dire si vous êtes ancré au sol (assis ou
debout) ; si votre gestuelle est haute, ouverte, précise ; si votre corps est stable ; si vous regardez
votre auditoire ; si vous prenez le temps de marquer des silences et de respirer ; si vous contrôlez
votre débit de parole –, il y a de fortes chances que votre auditoire ne perçoive pas votre trac, et
toutes les sensations qui vont avec – poitrine qui se soulève, tremblements en tout genre, mains
moites, etc.

Notre corps est tellement étonnant que, lorsque nous sommes face à un
événement important, où l’enjeu est capital, il se prépare de lui-même. Il nous
met en condition afin que nous puissions être à la hauteur. Il nous met en
condition afin que nous soyons plus grand qu’à l’ordinaire. Plus en éveil. Plus à
l’écoute. Plus concentré. La seule chose que nous puissions faire alors, c’est
d’accueillir le trac et de le remercier d’être là. Car il nous est utile.

À noter
Si, d’aventure, votre auditoire perçoit votre trac, est-ce la « cata » assurée ? Pas du tout, car,
bonne nouvelle, c’est le signe que vous êtes bel et bien un être vivant. Un être humain doté
d’émotions. Un être humain qui, face à un enjeu décisif, se mobilise et fait de son mieux pour
mener sa prise de parole à bien.

Les personnes qui sont tétanisées par le trac sont souvent celles qui
s’obstinent à vouloir s’en débarrasser. Or, le combat est perdu d’avance. Le
corps sait ce qu’il fait et c’est lui qui décide.

À noter
Au cas où vous ressentiriez un trac énorme : si le cœur vous en dit, et si vous jugez que la
circonstance s’y prête, n’hésitez pas à le partager avec votre auditoire ! Au pire, cela vous fera le
plus grand bien !

Cela étant, il y a différentes façons d’accueillir le trac : la plus simple, la moins


voyante, la plus pratique, est de respirer. Que ce soit en deux temps : j’inspire,
j’expire ; en quatre temps : j’inspire, je bloque les poumons quelques secondes,
j’expire tout l’air emmagasiné, je bloque les poumons quelques secondes, et je
recommence ; ou en trois temps : j’inspire, je bloque les poumons quelques
secondes, j’expire. Le tout, c’est de respirer.
Bon à savoir sur l’expiration
Vous pouvez expirer en soufflant régulièrement, expirer par à-coups, expirer en créant, de façon
imaginaire, un filet d’air que vous projetez devant vous le plus loin et le plus longtemps possible...
Entre parenthèses, au-delà de vous aider à accueillir le trac, la respiration va vous permettre de
chauffer vos cordes vocales, outil indispensable à l’émission de votre voix !

Si les circonstances vous le permettent, vous pouvez aussi – ça marche pour


certaines personnes – accueillir votre trac en vous frictionnant le corps, en
sautant sur place, en faisant des exercices d’articulation ou des vocalises...
(Pour tout savoir sur ces exercices, je vous renvoie plus loin à « la préparation
mentale », « la visualisation positive », « la respiration par le ventre ».)

Exercice de vocalises
« LE DING DONG, BING BONG »
Parmi les nombreuses vocalises que vous pouvez faire, il y a celle du « DING DONG, BING BONG ».
Sur chaque expiration, prononcez une syllabe, en jouant à faire varier votre voix dans les tons graves
ou aigus, et en cherchant à faire résonner votre tête et votre thorax.

Pour conclure, l’idée, afin d’accueillir le trac, est de mettre votre activité
cérébrale en sourdine et de vous occuper de votre corps, qui se met en
« ébullition », qui passe d’un état « normal » à celui de « plus en éveil qu’à
l’ordinaire ».

Attention
Remarque sur les rituels : les coachs sportifs invitent parfois les athlètes de haut niveau à adopter
des rituels, à savoir des gestes, ou des actions, qu’ils vont systématiquement répéter avant ou
pendant une compétition. Un rituel, pour un nageur, ce peut être la façon – toujours la même –
dont il va ranger ses affaires, sur la chaise face à son plot de départ, avant le début de la course.
Un rituel, pour un joueur de tennis, ce peut être la façon dont il va poser ses bouteilles d’eau près
de son sac, sa façon de manger un bout de banane, de nettoyer la ligne de fond de cour, avant de
faire son service. Attacher la plus grande importance à ces rituels est, pour le sportif, un moyen
d’évacuer la pression, de ne pas l’avoir sur le dos au moment du départ pour le nageur, ou du
service pour le joueur de tennis. Accueillir votre trac en respirant, en vous frictionnant le corps, en
faisant des vocalises ou en sautant sur place peut devenir pour vous un rituel.
VOS POINTS DE VIGILANCE
Imaginons que vous ayez tendance à parler vite, et que vous ayez décidé, au
début de votre prise de parole, de parler plus lentement qu’à l’accoutumée.
Imaginons que, pendant votre préparation, vous vous soyez entraîné à parler
lentement, car la chose ne vous est pas naturelle. Parler doucement constitue
un point de vigilance pour vous. Et c’est « en coulisses » que vous devez vous
le remémorer. C’est « en coulisses » que vous allez penser à attaquer votre
prise de parole en parlant lentement.
Imaginons un autre point de vigilance : vous savez que vous avez tendance à
faire des petits pas, devant, derrière, sur les côtés. Or, vous avez décidé de
rester ancré tout au long de votre prise de parole. Pendant votre préparation,
vous vous y êtes entraîné car « rester ancré au sol » n’est pas naturel pour
vous. C’est « en coulisses » que vous allez penser à votre ancrage au sol.
C’est « en coulisses » que vous allez vous remémorer votre ou vos points de
vigilance (trois à quatre maximum) afin de pouvoir réellement mettre en œuvre
ce que vous avez décidé de faire, ce que vous avez répété et qui n’est pas
naturel pour vous. Si vous ne vous pliez pas à cette discipline, votre « naturel »
risque de revenir au galop.

CET ÉTRANGE ESPACE QU’EST LA SCÈNE


Entendons par « scène » tout espace où vous allez prendre la parole : une
vraie scène, une salle de réunion, un bureau, un lieu de rendez-vous... Il est
essentiel que vous compreniez que cet espace est « étrange », éminemment
paradoxal. Illustrons cela de quatre façons.
1. La « scène » est un espace où vous venez dire quelque chose que vous
avez préparé, devant des personnes qui savent très bien que vous savez déjà
ce que vous allez leur dire. Cependant, même si votre auditoire sait
pertinemment que votre parole ne sera pas spontanée, puisqu’elle est
préparée, il s’attend à ce que vous la profériez de façon naturelle. Ce qui est
complètement paradoxal. Il n’y a rien de plus antinaturel que de dire quelque
chose de préparé.

Attention
Lors d’une discussion, d’un échange avec des collègues ou des amis, ou lorsque vous allez chez
le boulanger, vous proférez une parole que vous élaborez presque instantanément, ou qui vous
vient spontanément à l’esprit. Cela, oui, pour la plupart d’entre nous, est de l’ordre du naturel. En
revanche, parler devant un auditoire – qui est là pour vous regarder et vous écouter, et qui s’attend
à ce que vous soyez « naturel » – et lui communiquer, en ayant l’air « naturel », quelque chose
que vous avez préparé et parfois beaucoup répété, n’est pas de l’ordre du « naturel » !

2. Imaginons que mettre vos deux mains dans les poches et balancer votre
bassin en avant et en arrière soit naturel pour vous. Je vous garantis que, sur
« scène », cela ne passera pas inaperçu. Votre auditoire ne trouvera pas cela
« naturel » du tout. Cela va parasiter votre message, dans la mesure où votre
auditoire : un, va focaliser son attention sur « vos mains dans les poches et
votre balancement de bassin » et, deux, ne vous écoutera pas ! – Sachez que
le point commun de toutes les assemblées est d’avoir la faculté de se dissiper
extrêmement vite ! – Votre auditoire, automatiquement, se demandera pourquoi
vous gardez vos mains dans vos poches et n’arrêtez pas de vous balancer.
(Avec un peu de chance, vous aurez même de fins pseudo psychologues,
adeptes de je ne sais quelle discipline « neuro machin chose », qui trouveront la
réponse. Après avoir décortiqué votre posture et mûrement réfléchi, ils
déclareront sans sourciller que, lors de votre tendre enfance, vous vous êtes
brûlé les doigts avec le fer à repasser de votre maman, et que depuis ce
temps-là vous en voulez terriblement à votre père qui le lui avait offert pour la
fête des mères ! D’où, logique, les mains dans les poches et le balancement du
bassin !) Imaginons, a contrario, qu’utiliser votre gestuelle – par exemple en
mettant vos mains en avant, paumes vers le ciel, en faisant des gestes ronds,
des gestes compteurs, des gestes de précision, des gestes tranchants,
verticaux ou horizontaux – et garder votre corps relâché et immobile ne soit pas
naturel pour vous. Je vous garantis que – dans la mesure où vous vous êtes
exercé un minimum – sur « scène », ces gestes et cette posture du corps ont
de fortes chances de passer inaperçus, et donc de ne pas parasiter votre
message. Et votre auditoire les trouvera naturels.
3. La « scène » est un espace bizarre parce que, nous l’avons déjà également
évoqué, le temps qui s’y déroule ne semble pas avoir la même durée que
d’habitude. Sur « scène », le temps nous semble s’écouler parfois plus vite,
parfois moins vite qu’à l’ordinaire. Une minute de silence sur « scène », passée
à chercher une idée, face à quatre cents spectateurs silencieux et pendus à
nos lèvres, nous semblera très probablement une éternité. Un quart d’heure
d’exposé, sur un sujet qui nous passionne, nous semblera très probablement
avoir duré trois minutes. Cette perception du temps sur « scène » nous pousse
parfois à précipiter les choses – à parler trop vite, à ne pas marquer de
silences, à faire plusieurs choses en même temps, ce qui brouille notre
message –, et parfois à traîner en longueur – par exemple quand l’orateur
parle une demi-heure alors qu’on lui avait bien dit qu’il ne disposait que de dix
minutes !
4. La scène est un espace étrange parce que tout ce que nous y faisons, par
un effet de loupe mystérieux, est grossi. Ainsi, l’auditoire le perçoit avec
beaucoup plus d’acuité que dans la vie de tous les jours. Un geste, un
mouvement, un déplacement prend beaucoup plus d’importance sur « scène »
que dans la vie courante. Il se verra, se remarquera. Mais, paradoxalement, si,
sur « scène », nous faisons trop de choses en même temps, ou trop vite,
l’auditoire ne les percevra pas toutes distinctement, car cela brouillera notre
message, retirera de la clarté à nos actes.
Conclusion sur la « scène » : elle n’est pas un espace « normal ». Il est
important de l’apprivoiser et d’accepter de ne pas s’y sentir soi-même. Vous
devez l’apprivoiser pour apprendre à prendre votre temps, apprendre à
séquencer vos actions, à économiser vos gestes et vos déplacements, à
privilégier ceux qui font sens, qui contribuent à donner de la clarté, du
dynamisme, de la force à votre message. Pour le dire autrement, sur « scène »
il est important d’apprendre à dire et à faire « l’essentiel », en fonction de votre
auditoire, de votre objectif et de la circonstance.

L’ENTRÉE EN SCÈNE, UNE OCCASION DE


SÉQUENCER VOS ACTIONS
L’entrée en « scène » – entendons par là, je vous le rappelle, le lieu où vous
allez prendre la parole – est un moment décisif : c’est à cette occasion que
vous allez donner la première image de vous. Autant la réussir, ne serait-ce
que pour ne pas avoir à « ramer » ensuite pour faire bonne impression. Un
conseil : savourez ce moment. Prenez le temps d’agir. Prenez le temps d’entrer
en « scène ». Concrètement, entrez en scène en quatre temps. Premier
temps : si vous êtes debout, vous avancez vers votre interlocuteur ou votre
auditoire en faisant le nombre de pas voulus ; si vous êtes assis, vous
redressez et avancez votre buste, puis votre tête. Deuxième temps : vous
regardez votre interlocuteur ou votre auditoire. Soyez attentif à lui, témoignezlui
de l’intérêt, de la considération, d’entrée de jeu. Souvenezvous : c’est pour lui
que vous êtes là. Troisième temps : que vous soyez debout ou assis, prenez
vos appuis. Ancrez vos pieds au sol. (Ayez à l’esprit l’égalité suivante :
STABILITÉ = APPUIS AU SOL + REGARD POSÉ SUR L’AUDITOIRE.)
Quatrième temps : respirez. Ce n’est pas rien que de prendre la parole, surtout
si l’enjeu est important pour vous. En pareille circonstance, nous avons le
réflexe de « plonger en apnée » et de nous raidir. Il faut donc faire l’effort de
penser à respirer et à nous détendre. Seulement alors, commencez à parler
(en souriant ou pas, en fonction de votre objectif, de votre auditoire et de la
circonstance). Bien entendu, quand je vous invite à « prendre le temps de faire
votre entrée », je ne vous dis pas d’y passer la journée ! C’est une question de
secondes, le temps de prendre contact, si ce n’est pas déjà fait, avec le lieu –
où vous allez prendre la parole – et avec les personnes qui vont vous écouter.

À noter
Si vous entrez en « scène » en pensant que votre auditoire est composé d’« abrutis et de gros
nuls », ce dernier le sentira, même (ou surtout !) si vous arborez le plus grand des sourires ! Si
vous entrez en « scène » dans un état d’esprit de bienveillance, si vous êtes content d’être là
parce que vous jugez que votre prise de parole fait sens, qu’elle a son utilité dans la circonstance
et pour les personnes qui vous écoutent, cela se sentira. Si vous entrez en « scène » avec un
problème en tête, problème qui n’a rien à voir avec votre prise de parole, cela se sentira. Si vous
entrez en « scène » avec envie, cela se sentira. Quel que soit l’état d’esprit avec lequel vous
entrez en « scène » – positif ou négatif –, cela se sentira.

ÉCOUTE VERSUS PETITE VOIX INTÉRIEURE


Distinguons la petite voix intérieure (souvent assassine) de l’écoute. Et
commençons par définir cette petite voix intérieure. Elle résonne (et raisonne !)
dans votre tête, vous juge, alors même que vous êtes en train de parler. Elle
vous critique parce vous avez oublié de dire telle ou telle chose, parce que vous
employez un mot pour un autre, parce que vous bafouillez, parce que ce n’est
pas aussi parfait qu’elle le voudrait. La petite voix intérieure a idéalisé votre
prise de parole et voudrait que vous reproduisiez cet idéal à l’identique. Elle
vous pousse à entamer une conversation avec vous-même, au moment même
où vous vous adressez à votre auditoire. Elle vous met dans une « bulle » et
vous empêche d’établir un vrai contact avec lui. À cause d’elle, vous vous
repliez sur vous-même, au lieu d’être avec les personnes qui vous écoutent.
Pendant votre prise de parole, il est impératif que vous vous débarrassiez de
votre petite voix intérieure. À la poubelle ! Une fois que vous êtes sur
« scène », elle n’a plus droit au chapitre, elle est interdite de cité. Et s’il fallait
avancer une seule raison pour le justifier, je vous dirais que vous ne pouvez pas
à la fois être juge et partie.
À présent, définissons l’écoute, qui se fait à trois niveaux : il y a celle de votre
environnement, celle de votre auditoire et celle de vous-même. Vous êtes en
« mode écoute », pour employer un langage de « djeuns », quand vous vous
mettez en « métacommunication », pour employer un langage de spécialiste.
C’est comme si une caméra sortait de votre tête et vous permettait de vous
voir et de vous entendre (sans porter de jugement !), mais aussi de voir et
d’entendre votre auditoire et l’environnement dans lequel vous vous trouvez.
L’écoute vous permet d’entendre un marteau-piqueur vrombir dans la rue et
d’aller fermer une fenêtre ouverte. Elle vous permet de prendre conscience que
l’acoustique du lieu n’est pas bonne : même avec la fenêtre fermée, il va falloir
que vous parliez fort pour vous faire entendre. Elle vous permet de percevoir
des sourires malicieux dans l’assemblée et de réaliser que votre braguette
étant ouverte, il serait bon que vous la fermiez (la braguette !). L’écoute vous
permet alors de prendre conscience que vous piquez un fard. Elle vous permet
de vivre l’instant présent. « D’être là » ! Oui, d’être là, dans l’ici et maintenant,
et en contact avec les personnes qui vous écoutent et vous regardent !
Autant votre petite voix intérieure vous isole, vous éloigne de votre auditoire,
autant votre écoute vous rapproche, vous connecte à lui. Autant vous devez
bannir votre petite voix intérieure, autant vous devez développer votre écoute.
C’est le premier pas, essentiel, qui vous permettra d’emprunter le chemin de
l’excellence ! Car c’est grâce à votre écoute que vous serez en mesure de
mettre à profit la troisième phase de votre prise de parole, à savoir l’« après »
(cf. chapitre 3 de cet ouvrage).

Exercice d’entraînement au « être là »


« LA CARAFE »
Réunissez-vous avec un groupe de personnes (nombre illimité !) dans une salle. Faites asseoir les
personnes de façon à ce que vous puissiez être seul face à elles. Choisissez un coin de la salle qui
vous servira de « coulisses ». Une fois les personnes assises, allez « en coulisses » puis, à votre
convenance, faites votre entrée : avancez-vous vers votre auditoire. Lorsque vous jugez être à la
bonne distance, arrêtez-vous et ancrez-vous au sol. À partir de ce moment-là, l’exercice consiste à
« être là ». Il n’y a rien à faire, rien à dire, simplement à « être là » face aux personnes qui vous
regardent. Au besoin, désignez un « maître du temps » qui, au bout de deux ou trois minutes, vous
donnera le signal de fin, afin que vous retourniez « en coulisses ». Il n’y a pas une bonne ou une
mauvaise façon de faire cet exercice. Il est à vivre. Voici, par exemple, une façon de le vivre : restez
ancré face à votre auditoire, puisez votre énergie dans le sol. Afin d’assurer votre stabilité, regardez
les personnes assises en face de vous. Intéressez-vous à elles. Laissez vos bras le long du corps.
Relâchez vos mains. Essayez de vous détendre. Respirez « par le ventre » (cf. p. 75).

VOUS COMMENCEZ À PARLER : LÂCHEZ PRISE !


Le piège dans lequel je vous invite à ne pas tomber, une fois que vous
commencez à parler à votre auditoire, est de chercher à reproduire à
l’identique ce que vous avez prévu et répété. Cela est d’autant plus difficile à
réaliser que c’est paradoxal. En effet, la logique voudrait que vous mettiez à
profit votre préparation et vos répétitions, et reproduisiez ce que vous avez
prévu, à la virgule près. Sauf que, à l’instant où vous prenez la parole, vous
êtes face à votre vrai auditoire, ce qui influe sur vous, qui, entre parenthèses,
n’êtes plus dans le même état que lors de votre préparation et de vos
répétitions.
Donc, par la force des choses, votre prise de parole, le jour « J » et à l’instant
« T », sera un acte unique en son genre. Ce point est essentiel. Lorsque, face
à votre auditoire, votre prise de parole commence, il est primordial que vous
acceptiez d’être dans le « lâcher prise ». Ne cherchez plus à contrôler quoi que
ce soit, ce n’est plus le moment. Laissez-vous aller. Ayez confiance, vous le
pouvez, précisément parce que vous vous êtes préparé. Soyez convaincu d’une
chose : la préparation et les répétitions ne sont pas faites pour vous mettre
dans un carcan, mais pour vous donner un maximum de liberté le jour « J ».
C’est parce que vous vous êtes préparé à fond que vous saurez vous adapter à
votre auditoire, que vous saurez gérer l’imprévu et les accidents de parcours,
que vous aurez l’humilité d’accepter de bafouiller, d’employer un mot pour un
autre, de dévier du sujet puis de rectifier le tir et retomber sur vos pieds, que
vous saurez donner de la vie à votre prise de parole. Une prise de parole est
vivante non parce qu’elle est la copie conforme de ce que vous aviez prévu ou
fait auparavant, mais parce qu’elle est unique.

AVANCEZ PAS À PAS ET « SOYEZ LÀ »


C’est donc dans un état d’esprit de « lâcher prise » que vous allez dérouler
votre prise de parole. Et vous allez avancer. Et à chaque pas, tout votre être
sera dédié à ce pas-là, vous ne penserez à rien d’autre qu’à ce pas-là, sans
vous projeter ni dans le passé ni dans le futur. Sans anticiper. Sans
préconcevoir. En étant à l’écoute de l’instant présent. Cheminer comme cela,
pas à pas, revient à « être là », seconde après seconde. C’est très simple à
formuler, cela tient en deux mots « être là », mais c’est le travail d’une vie.
Comment y parvient-on ? Je l’ignore. Mais je peux vous assurer que la pratique
est indispensable.

Exercice sur le lâcher prise


« LA MARCHE AVEUGLE »
Réunissez-vous avec quelques personnes (trois à six) dans une salle ou une pièce fermée, où vous
ne courez aucun risque, où il n’y a pas d’obstacles dangereux, du genre : trous, objets pointus sur le
sol, fils électriques dénudés, ouverture vers le vide ! Nommez un maître du jeu.
À son premier signal, marchez lentement dans cette pièce tous ensemble, quelques minutes. À son
second signal, fermez les yeux et continuez à marcher jusqu’à ce qu’il vous dise d’arrêter. (Dans la
mesure où tous les participants marchent lentement, vous ne courez aucun risque de vous blesser.
Au besoin, retirez vos lunettes si vous en portez.)
Votre objectif est de rester détendu tout au long de la marche « aveugle » ! Le maître du jeu veillera à
ce que tous les participants marchent normalement, les bras le long du corps, avancent pas à pas –
sans chercher à se protéger – et gèrent les événements au fur et à mesure qu’ils se présentent à
eux, notamment lorsqu’un participant rencontre un obstacle – chaise, table, mur ou autre personne.

ADVIENNE QUE POURRA : LES ACCIDENTS DE


PARCOURS
Mesdames et Messieurs les perfectionnistes, recevez toute mon admiration et
toutes mes félicitations, la recherche de la perfection est un acte louable, tout à
votre honneur. Cela dit, sachez que je me permets d’écrire ce paragraphe en
votre nom, car vous ne me contredirez pas, j’en suis sûr, si j’affirme qu’un
accident est la voie royale pour atteindre la perfection.
En effet, vous le savez, c’est une chose que d’être parfait quand tout va bien,
quand tout se déroule sans accrocs... Mais faire preuve de perfection quand
l’incident survient, ça, c’est une autre paire de manche. Cela requiert tout un
savoir-faire. C’est dans ces moments-là qu’il est primordial de garder la tête
froide, de considérer l’incident avec attention et minutie, au besoin d’en parler
en toute transparence, et de le retourner à son avantage. Ainsi, plutôt que de
considérer l’incident qui survient spontanément comme une tuile, plutôt que de
paniquer et de chercher à faire comme s’il n’avait pas eu lieu, vous, les
perfectionnistes, savez que c’est une extraordinaire opportunité. Une occasion
en or à ne pas louper. Un moment à privilégier. Car il vous permettra de
rebondir et de montrer à quel point vous aimez le travail bien fait. Voilà pour
l’état d’esprit préconisé en cas d’incident. Donnons-en à présent quelques
exemples :
1. L’orateur bafouille. Et alors ? Il ne l’a pas voulu, c’est comme ça, on ne va
pas en faire tout un fromage. D’autant plus que : « C’est fait, c’est fait. » Et
puis, l’orateur est un être humain, pas une machine. La preuve, il a un cerveau
qui n’en fait qu’à sa tête. Conclusion : l’orateur expérimenté et perfectionniste
sait qu’il a bafouillé parce qu’il a une excellente écoute, mais il est au-dessus de
ça, il s’en moque. Il enchaîne.
2. L’orateur fait un lapsus. Comment réagit-il ? D’abord, il l’entend parce qu’il
a une excellente écoute. Puis, de deux choses l’une : soit le lapsus appartient
au registre du « correct », du « mignon », du « rigolo » et l’orateur peut se
permettre de faire de l’autodérision ; soit il est de l’ordre du « très incorrect »,
« graveleux », « obscène ». Dans ce cas, soit l’orateur ne le relève pas et fait
comme si de rien n’était, soit il se confond en excuses.
3. L’orateur a un trou. Soit c’est une idée secondaire et il enchaîne l’air de
rien – il y a de fortes chances pour qu’il soit le seul à s’en rendre compte ; soit
c’est une idée fondamentale, capitale, essentielle. Là encore, deux cas de
figure se présentent à lui : soit il enchaîne parce qu’il est sûrement le seul à
savoir qu’il a un trou ; soit il estime qu’il doit absolument communiquer cette
idée. Dans ce cas, que fait-il ? Eh bien il dit, en toute transparence, ce qu’il vit,
à savoir qu’il a un trou, et il prend le temps de retrouver son idée, quitte à
remuer ciel et terre – il consulte un document, cherche dans son ordinateur,
voire décroche son téléphone portable et s’adresse à qui de droit.
4 . L’orateur est confronté à un incident technique, du style panne
d’ordinateur, panne de micro, panne de « Barco ». Soit il est expérimenté et,
ayant envisagé cette éventualité, il a prévu un plan B – deuxième ordinateur,
deuxième micro à portée de main, documents papier pour tout le monde afin de
remplacer les visuels. Soit il est inexpérimenté (et non perfectionniste) et il est
mal. Dans le cas où il n’y a aucune solution en vue, l’orateur novice va passer
des minutes difficiles, vivre un grand moment de solitude, et il s’en souviendra
longtemps. Côté positif de la chose, l’incident lui servira de leçon. Ma foi, après
tout, il faut bien que jeunesse se passe.

5. L’orateur a décidé, au cours de sa prise de parole, d’avoir un point de


vigilance, par exemple il s’est juré de ne dire aucun « euh ». Or, ne voilà-t-il
pas qu’il s’entend en dire plusieurs, plusieurs fois de suite. Que fait-il ?
Réponse : rien. Il a entendu ses « euh », c’est déjà beaucoup, c’est signe qu’il
a développé son écoute. Le progrès est énorme : avant de s’être fixé ce point
de vigilance, il n’entendait certainement pas ses « euh ».

À noter
Quand vous ne suivez pas la trame prévue, quand vous oubliez telle ou telle idée, dites telle chose
avant une autre, etc., souvenez-vous que vous êtes le seul à avoir un point de comparaison entre
ce que vous aviez prévu et ce que vous faites et dites lors de votre prise de parole. Donc, il y a de
fortes chances pour que l’auditoire soit incapable de s’apercevoir que « ça ne se passe pas
comme prévu » !
De même que vous avez soigné votre entrée, notamment en prenant votre temps, soignez votre
sortie ! C’est la dernière image que vous laisserez de vous ! Prenez le temps de conclure, de
remercier votre auditoire pour son attention, de prendre congé de lui, en le regardant une dernière
fois, et seulement alors, sans vous précipiter, rejoignez les « coulisses ».
Et pourquoi changer ?
Avant de lire ce livre, vous n’étiez peut-être pas le roi de la prise de parole,
mais, au moins, vous aviez les idées claires. À présent, avec le nombre
d’injonctions contradictoires que vous venez de relever, vous êtes carrément
paumé. Non, parce qu’il faudrait savoir : faut-il « maîtriser » ou « lâcher
prise » ? Faut-il s’oublier ou s’écouter ? Faut-il être vigilant ou pas ? Faut-il
éviter de faire certains trucs, ou s’en moquer ?
D’abord, on vous martèle que vous devez impérativement vous préparer à fond,
que la préparation, c’est fon-da-men-tal, qu’il faut que vous y passiez du temps,
des heures et des heures – que vous pourriez précieusement consacrer à autre
chose ! – et puis après, on vous ordonne, le plus sérieusement du monde,
d’oublier tout. Ce n’est pas beau, ça. « Oubliez tout » ! Bonjour le retour sur
investissement ! Et ce n’est pas tout. L’auteur pousse le bouchon à vous inviter
à savourer votre entrée en « scène » ! Fastoche, surtout avec le trac ! Et
d’ajouter : « Entrez-y l’esprit libre, cool, détendu, en mode “peace and love”. »
Ben voyons ! Lors de votre prochain affrontement avec les représentants
syndicaux, ou avec les membres de la direction, vous allez vous faire un devoir
de suivre cette invitation à la lettre ! Vous allez entrer en « scène » la fleur au
fusil, en pensant très fort « je vous aime », histoire de bien vous faire laminer !
Comble du n’importe quoi, d’un côté on vous assène : « Pointezvous sur
“scène” les mains dans les poches si le cœur vous en dit. » Et puis, tout de
suite après, on vous alerte : « Attention, les mains dans les poches ne
passeront pas inaperçues ! » D’un côté on vous suggère « de rester ancré, de
ne pas bouger dans tous les sens, de “tenir” votre corps, d’être précis dans
votre gestuelle », et de l’autre on vous sort : « Faites-vous plaisir ! Ne vous
imposez pas de contraintes ! Monsieur le perfectionniste, lâchez le “pirate” qui
sommeille en vous ! Même si vous en faites des tonnes, pas de souci ! Même
si vous grimpez au rideau, pas de souci ! Même si tout se met à partir en
sucette, pas de souci ! On n’est pas là pour se faire du mal ! Tracez ! Advienne
que pourra ! L’essentiel, c’est que vous soyez là ! »
« Être là », ça aussi quelle rigolade ! « LOL » ! Et de vous interroger mort de
rire : « Parce que ce Royco Minute Soup d’auteur, pendant nos prises de
parole, il s’imagine que l’on est où, au juste ? Que l’on va où, au juste ? Je ne
savais pas que l’on pouvait être ailleurs que “là” où l’on est. Et puis, tiens, je me
vois bien dire à mon boss : « Chef, aujourd’hui, avec les collègues, on va
s’entraîner à “être là”. On va s’enfermer dans une salle, et on va se regarder.
On va se regarder sans rien dire le matin, et pis, l’après-midi, histoire d’être
bien productifs, on va marcher tous ensemble en fermant les yeux. On va jouer
aux aveugles. Un vrai travail d’équipe ! » Mais c’est un coup à se faire botter
les fesses et à se faire accuser de discrimination primaire par toutes les
associations de France et de Navarre de protection de l’handicap !
Autre sujet de franche « poilade » : la petite voix intérieure versus l’écoute.
Vous aimeriez bien que l’on vous explique la méthode magique pour être à
l’écoute de soi sans avoir de petite voix intérieure. En ce qui vous concerne,
soit vous ne pensez à rien, et là, ok, encéphalogramme plat, rien ne se passe,
soit vous vous écoutez, et forcément il y a votre petite voix intérieure qui entre
en « scène » dans votre cerveau. L’une ne va pas sans l’autre !
Quant aux fameuses « coulisses », là, vous le proclamez haut et fort : « On
nage en plein délire ! » En effet, tout le monde vous le dira, rien de plus naturel
que de faire des exercices de respiration et des vocalises dans les toilettes de
l’entreprise. Discrétion assurée ! C’est bien connu, il n’y a rien qui passe plus
inaperçu qu’un type qui pousse des soupirs, des « Ah ! Ah ! Ah ! », des « Oh !
Oh ! Oh ! », ou fait « DING DONG BING BONG » dans les chiottes. Vous vous
voyez bien, aussi, en train de vous frictionner et de sautiller en plein milieu de
votre « open space » ou de la ligne de production face à tous vos collègues.
Vous n’allez pas avoir l’air bête ! Nooooon, pensez-vous ! Et puis si, à chacune
de leurs prises de parole respectives, tous vos collègues s’y mettent, ça va
être sympa de vous concentrer sur vos dossiers ou vos machines. Ce n’est
plus dans une SA ou une SARL que vous allez bosser, mais chez « Circus and
co ». Enfin, d’aussi loin qu’il vous en souvienne, on vous a toujours conseillé de
tourner plusieurs fois votre langue dans votre bouche avant de l’ouvrir. On vous
a toujours recommandé, avant de parler, de réfléchir à ce que vous alliez dire.
Mais jamais, au grand jamais, on ne vous a dit de réfléchir à la question : « Où
mettrez-vous vos mains ou vos pieds ? » Non, franchement, de qui se moque-t-
on !
Essayez quand même

L’ÉCOUTE, UN TRAVAIL DE CHAQUE INSTANT


L’écoute de soi, des autres, de l’environnement dans lequel nous nous trouvons
est un travail de tous les instants, qui peut se faire partout, en toutes
circonstances. Le principe est simple, il suffit d’y penser et de se mobiliser pour
être attentif à ce qui se passe autour de nous ; pour observer le monde et les
êtres vivants qui nous entourent, et être curieux des réactions que cela
provoque en nous. Certes, cela demande de l’énergie. Surtout après une
journée de boulot, où nous avons plutôt envie de faire abstraction du monde
extérieur, de nous replier sur nous-mêmes, de nous réfugier dans nos pensées,
un livre, ou derrière l’écran de l’un de nos appareils électroniques préférés.

Exercice sur l’écoute


« LA PHRASE GLISSÉE »
Il s’agit d’un jeu qui met en scène deux participants devant un public (quatre à douze personnes). La
règle est la suivante : un participant A et un participant B vont improviser une discussion, d’une durée
de trois minutes, dans une situation donnée, décidée par le maître du jeu. Exemples de situation : les
participants sont sur un télésiège ; en voiture, bloqués dans les embouteillages ; dans une navette
spatiale (comme le propose souvent l’ami comédien et metteur en scène qui m’a initié à ce jeu).

La mission des participants A et B consiste à glisser, au cours de la


conversation, une phrase que le maître du jeu aura donnée à chacun, en
secret. Exemples de phrase : « J’adore les lasagnes », « Elle a fait piquer
son chien », « On a passé les vacances à la montagne ».
Bien entendu, le but des participants A et B est de glisser leur phrase à
l’insu de tous. Ils pourront d’autant mieux y parvenir qu’ils seront à l’écoute
l’un de l’autre et qu’ils saisiront la bonne occasion.
À la fin de l’exercice, le maître du jeu demande tout d’abord à B s’il a
repéré la phrase de A, puis il interroge le public. De même, il interroge A
sur la phrase de B, et ensuite le public.
ÉCOUTE ET INTERPRÉTATION
Écouter notre auditoire signifie s’intéresser à lui et l’observer avec attention.
Cela étant, méfions-nous des interprétations qui peuvent en découler. Observer
qu’une personne ne sourit pas est une chose, penser que cette personne est
mécontente, ou s’ennuie, en est une autre. « Une personne ne sourit pas » est
un fait. Nous interprétons ce fait si nous pensons, a priori, sans avoir interrogé
la personne, qu’« elle est mécontente ». Notre interprétation peut s’avérer
juste, mais elle peut aussi s’avérer fausse.
Il est donc important : dans un premier temps, d’avoir conscience que nous
sommes en train d’interpréter un fait ; dans un deuxième temps, d’avoir
conscience que ce que nous pensons n’est pas forcément vrai ; et, au besoin,
dans un troisième temps, d’élucider la situation, ou de comprendre, voire de
mettre fin à ce fait. En l’occurrence, si, pendant votre prise de parole, vous
observez un événement qui, selon vous, mérite et demande à être élucidé,
plutôt que de l’interpréter en silence, nommez-le si nécessaire, et surtout
interrogez, avec tact et diplomatie, la ou les personnes concernées.
Prenons un exemple. Vous animez une réunion et vous observez que, depuis le
début de votre prise de parole, Michel, un de vos collaborateurs, regarde par la
fenêtre. Cela vous gêne, car il est important pour vous d’être sûr que tout votre
auditoire comprend l’objectif de votre réunion. Alors, si la circonstance le
permet, si vous estimez que vous n’allez embarrasser personne, n’hésitez pas,
avec diplomatie et tact, à vous assurer que l’objectif de la réunion est clair pour
Michel.
Autre exemple. Vous animez une réunion et vous observez que, depuis le début
de votre prise de parole, une ou plusieurs personnes ont les yeux rivés et
pianotent sur leur téléphone, ou leur ordinateur portable. Cela vous gêne, ou
vous pensez que ça peut gêner les autres participants, ou entraver le bon
déroulement de la réunion. Alors, dans la mesure où vous estimez pouvoir vous
le permettre, n’hésitez pas à interroger les personnes concernées.
Souhaitentelles sortir de la réunion et terminer ce qu’elles ont à faire ailleurs ?
Ou peuvent-elles interrompre leur tâche maintenant ?

À noter
Si c’est le P-DG de votre entreprise qui pianote sur son portable, ou trois des plus gros clients de
l’entreprise, et que, en tant que nouvel embauché, vous animez votre première réunion avec eux,
estimez si ça vaut vraiment le coup de les interpeller ! Si le sujet vous intéresse, je vous renvoie
au chapitre 3, intitulé « Observez sans évaluer », de l’ouvrage de Marshall B. Rosenberg Les Mots
sont des fenêtres 7.

TÉMOIGNAGE D’ENTRETIEN ORAL


Un ami de trente ans me racontait récemment que, lorsqu’il était étudiant, il
avait intégré son école de commerce grâce à l’épreuve de l’« entretien oral ».
Admissible, suite à l’écrit, mais en très mauvaise position, il était primordial
pour lui de bien réussir les oraux, notamment le fameux entretien au coefficient
important. Le jour de son entretien, il s’était mis dans un état d’esprit
« positif ». Avant d’entrer dans la salle où se trouvaient les examinateurs, il a
pensé à tout ce qui lui faisait plaisir dans la vie... Il est entré « en scène »
chargé d’une énergie positive, détendu, heureux. Son entretien s’est très, très
bien passé. Cela lui ayant réussi, il s’est habitué, par la suite, avant chacune de
ses prises de parole, à adopter la même technique. Aujourd’hui – soit dit en
passant et sans vouloir vous induire à penser qu’il existe une quelconque
relation de cause à effet – cet ami a fait fortune.

LA PRÉPARATION MENTALE
Le principe : il s’agit de penser de façon systématique à toutes les étapes qui
vous conduiront à prendre la parole. Vous vous imaginez en situation ; vous
vivez dans votre tête toutes les étapes de votre intervention ; vous laissez les
images défiler comme si vous regardiez un film ; vous vous trouvez convaincant
et ça se déroule correctement. Si l’exercice vous fait du bien, répétez-le sans
modération.

LA VISUALISATION POSITIVE
Le principe : elle consiste, au moment où vous le souhaitez, à imposer des
images positives à votre cerveau.
À noter
Le cerveau ne fait aucune différence entre l’expérience réelle et l’expérience vécue dans votre tête.

C’est vous qui lui donnez intentionnellement vos instructions : c’est un processus
conscient. À ces images le cerveau va associer des expériences passées, des
émotions, d’autres images, des saveurs, des odeurs. Plus vous êtes détendu,
plus vous permettez à votre cerveau de faire le lien avec tous ces éléments et,
par conséquent, vous favorisez votre bien-être.

Exercice de préparation mentale


« DÉROULER LE FILM »
Déroulez le film de votre prise de parole, étape par étape. Identifiez les écueils possibles et anticipez
les parades.

LA RESPIRATION « PAR LE VENTRE »


Naturellement, lorsque nous dormons par exemple, nous respirons « par le
ventre ». Plus précisément, lorsque nous inspirons, notre ventre se gonfle ;
lorsque nous expirons, il se dégonfle (au besoin, faites le test avant de vous
coucher). En prise de parole, c’est cette respiration qu’il convient d’adopter,
notamment parce qu’elle présente l’avantage de ne pas nous créer de tensions
au niveau du thorax ou du cou (siège de nos cordes vocales !). Je renvoie ceux
d’entre vous qui voudraient en savoir plus sur cette méthode de respiration et
s’y exercer à l’ouvrage Trouver sa voix8 de Louis-Jacques Rondeleux.
Si vous utilisez un micro main, pensez à le maintenir sur votre menton en permanence. Pourquoi ?
Parce que si vous le tenez loin de vous et que vous tournez la tête, il ne captera plus votre voix.

LA PRÉSENTATION À PLUSIEURS
Si vous êtes deux, ou plus, à prendre la parole : que faire quand l’autre parle ?
Afin de ne pas parasiter la parole de l’autre, à part l’écouter, je vous conseille
de ne rien faire. Même si vous avez le sentiment d’être « en carafe », le mieux
est de rester ancré, les bras le long du corps par exemple, et de le soutenir du
regard quand il parle, en observant votre auditoire de temps en temps.

PARALLÈLE AVEC LE MÉTIER DE COMÉDIEN


Première observation : CHAQUE REPRÉSENTATION EST UNIQUE.
Lorsqu’une troupe de théâtre monte une pièce, la plupart du temps son objectif
est de la jouer plusieurs fois de suite, en espérant, « si ça marche », la jouer
pendant plusieurs mois. Ainsi, chaque comédien de la troupe interprète le
même personnage, et joue la même pièce, soir après soir. Mais chaque
représentation est unique. Parce que chaque soir le public est différent, chaque
soir les comédiens ajustent leur jeu. Et comme il s’agit de spectacle vivant, il
est impératif que, à chaque représentation, afin que les personnages prennent
vie, les comédiens recommencent à jouer la pièce comme s’il s’agissait de la
première fois.
Seconde observation : IL FAUT LÂCHER PRISE. Imaginons qu’une troupe
monte un spectacle d’une durée de quatre heures et que le personnage
principal soit présent sur scène pendant pratiquement toute la pièce. Si, avant
d’entrer en scène, ce comédien essaye de se remémorer toutes les répliques
de toutes ses scènes d’un coup, il y a fort à parier qu’il fera une attaque
cérébrale. Il est obligé de lâcher prise, de faire confiance à sa mémoire. Et il le
peut : les répétitions, entre autres, servent à ça. Lorsque le spectacle va
commencer, il va avancer pas à pas et, bien entendu, dire ses répliques, une
par une.

À noter
Il existe une différence entre une personne qui prend la parole en public et un comédien. Sur
scène, le comédien interprète un personnage de fiction. Dans la vraie vie, il n’est pas son
personnage. La personne qui prend la parole en public, même si elle est dans sa fonction, est elle-
même. « Sur scène » ou dans la vraie vie, elle est la même personne. Je précise ce point, tout
d’abord parce que, à mon avis, la personne qui prend la parole en public s’expose davantage que
le comédien dans son rôle ; ensuite pour souligner le fait que, même s’il y a des similitudes entre
le travail du comédien et celui de l’orateur, il reste cette différence de taille. De mon point de vue,
un orateur qui théâtraliserait sa prise de parole perdrait en crédibilité.
Suggestion de lecture : l’ouvrage au titre évocateur Le Diable, c’est l’ennui, propos sur le théâtre
de Peter Brook, avec Jean-Gabriel Carasso et Jean-Claude Lallias, Actes Sud-Papiers, 1991. Un
second ouvrage, pour approfondir la réflexion sur ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas :
Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot, Éditions Flammarion, 1994.

Pro/perso
Dans notre vie professionnelle, comme dans notre vie privée, avant de
transmettre un message, de communiquer une décision, un plan d’action, nous
aimerions avoir toutes les cartes en main ou contrôler la situation un
« minimum ». Or, dans bien des cas, à l’heure de nous prononcer, soit nous
n’avons pas toutes les données nécessaires en notre possession, soit nous en
avons trop et n’avons pas le temps de toutes les analyser. C’est dans des
situations comme celles-là qu’il est bon de lâcher prise : de prendre la parole et
d’assumer de « dire », quand bien même nous ne contrôlons pas, ne maîtrisons
pas tout totalement.
Sans tomber dans le piège de la généralisation, nous pouvons affirmer que
nous vivons une époque où notre environnement se transforme très vite – ne
serait-ce qu’au niveau des outils technologiques que nous utilisons –, où nous
pouvons disposer d’une masse importante d’informations... Dans ce contexte,
tout contrôler, tout savoir, tout maîtriser s’avère de plus en plus difficile. Nous
devons donc nous habituer à nous jeter à l’eau, même si nous avons
l’impression de piloter à vue. Dans bien des cas, nous ne pouvons qu’avancer
pas à pas, et gérer les événements au fur et à mesure qu’ils se présentent.

Exemple de cas professionnel


On vous demande, à l’improviste, d’animer une réunion, ou de remplacer
quelqu’un pour faire une présentation, ou encore de vous exprimer sur un
domaine d’expertise qui n’est pas tout à fait le vôtre. La situation est délicate,
certes, mais vous met-elle en péril ? Saurez-vous vous débrouiller ? Faire
passer l’essentiel du message ? Donner votre opinion ? Donner les réponses
aux questions qui vous seront posées quand vous les aurez ? Ou dire que vous
n’avez pas de réponse, mais que vous vous engagez à en trouver une dans les
meilleurs délais ? Que risquez-vous si vous relevez ce défi, et donc si vous
faites preuve de souplesse et de flexibilité ? Que risquez-vous à vivre
l’expérience ? À marcher un peu en aveugle et à affronter les « diverses zones
d’inconnu » inhérentes à la situation ?

Exemple fictif de cas privé


Une amie, éventuelle future petite amie, vous laisse un message à l’improviste.
Elle vous convie à un dîner, à une soirée, parce qu’elle sait que, pour mettre de
l’ambiance, il n’y en a pas deux comme vous. Elle compte vraiment sur vous
pour l’accompagner. Cette jeune femme vous fait « kiffer », vous seriez le plus
heureux des hommes si vous parveniez à être à la hauteur de ses
espérances... Le problème, c’est que vous ne vous sentez pas dans une forme
olympienne. Et puis, vous ne savez ni où la soirée a lieu, ni qui sera présent, ni
si vous risquez d’y rencontrer votre ex-petite amie qui a promis de vous faire
passer un sale quart d’heure la prochaine fois qu’elle vous croisera. Vous ne
savez rien de rien... « Que faire ? », vous demandez-vous, bien embêté, tandis
que votre téléphone sonne, et que... c’est votre « éventuelle future petite
amie » qui vous appelle à nouveau.

6. À ceux qui voudraient en savoir plus sur l’amygdale, et qui lisent l’anglais, je
conseille la lecture des pages 8 et 9 de l’ouvrage Brilliant presentations de
Richard Hall, Éditions Pearson Prentice Hall, 2007.
7. Marshall B. Rosenberg, Les Mots sont des fenêtres, op. cit.
8. Louis-Jacques Rondeleux, Trouver sa voix, op. cit.
Chapitre 3

L’après, débriefer au mieux

Après avoir lu ce chapitre, vous saurez « débriefer » votre prise de parole


et vous saurez aussi qu’il est indispensable de le faire pour progresser.
Vous saurez que la prise de parole est un cycle en trois temps – avant,
pendant et après – et que c’est en répétant ce cycle en boucle que vous
vous améliorerez.
L’heure du bilan a sonné
Votre prise de parole est terminée. Vous vous sentez libéré et vous n’avez
qu’une envie : passer à autre chose. Vous avez bien un avis sur ce que vous
venez de dire et de faire, vous êtes plutôt content de vous, ou le contraire,
mais vous n’y prêtez pas plus d’attention que cela. En effet, d’expérience, vous
savez qu’il est fort probable que votre ressenti ne corresponde pas du tout aux
ressentis des personnes qui vous ont écouté, chacune d’elles ayant sa propre
perception des événements. Alors, à quoi bon s’en soucier ? Le mieux est de
tourner la page.
Et vous la tournez d’autant plus aisément qu’en matière de prise de parole,
vous l’avez constaté, pour progresser, il n’y a vraiment rien à faire. Vous
l’affirmez en connaissance de cause : des bouquins sur la prise de parole, vous
en avez lus. Des formations, vous en avez suivies. Sur le moment, vous ne le
niez pas, c’était sympa, mais, concrètement, ça ne vous a pas servi à grand-
chose. C’est comme si vous aviez donné un grand coup d’épée dans l’eau. Et
cela, dans une certaine mesure, vous fait rager parce que, franchement, en
matière de prise de parole, il n’y a rien de bien compliqué. Que ce soit au
niveau de l’image visuelle et sonore, ou au niveau de la structuration du
message, c’est facile à comprendre. Comme disent les Anglais, ce n’est pas
de la « rocket science » !

Vu et entendu
Les clés pour changer

VOTRE RETOUR PERSONNEL


Votre prise de parole est terminée ? Efforcez-vous de vous donner un retour...
bienveillant (cf. chapitre 1 : RETOUR BIENVEILLANT ET CONSTRUCTIF = 1.
FAITS puis 2. RESSENTI). Et plutôt que de céder à la tentation (bien de chez
nous) de commencer, bille en tête, par le négatif, commencez par le positif : de
quoi êtesvous satisfait ? Qu’avez-vous fait de ce que vous aviez prévu ? Je
vous invite à passer en revue vos « fondamentaux ». Qu’estce qui est en place
au niveau de l’image visuelle : l’ancrage ? la gestuelle ? le regard ? le sourire,
ou le manque de sourire, adapté à la circonstance ? Au niveau de votre image
sonore : la gestion du silence ? le volume de votre voix ? votre débit de
parole ? Au niveau de votre message : avez-vous dit ce que vous vouliez dire ?
Comme vous vouliez le dire ? Vous en êtes-vous tenu à votre fil rouge sans
digresser ? Avez-vous répété, plutôt trois fois qu’une, les messages
importants ? Avez-vous respecté votre temps de parole ?

À noter
Pourquoi s’attarder sur ce qui va ? Eh bien, parce qu’il est indispensable de capitaliser les acquis.
Ce sont sur vos points forts que vous allez pouvoir compter et prendre appui lors de votre
prochaine prise de parole. Ils vont constituer vos repères. Grâce à eux, vous allez gagner en
assurance et en sérénité.

LES POINTS D’AMÉLIORATION


Une fois que vous avez analysé ce qui, dans votre prise de parole, vous a
satisfait, abordez les points à améliorer. Ils deviendront les points de vigilance
auxquels vous serez particulièrement attentif, notamment lors de votre
prochaine préparation et lors de votre prochain séjour « en coulisses » (cf.
chapitre 2, p. 49). Dans ce que vous avez dit ou fait, qu’est-ce qui ne vous a
pas satisfait ? Que souhaitez-vous améliorer ? Et, là aussi, je vous invite à
passer en revue vos fondamentaux.
Par exemple, vous avez conscience d’avoir prononcé pas mal de « euh ». Vous
ne vous êtes pas jugé en les disant, vous ne vous êtes pas laissé perturber
pendant que vous parliez. Mais vous aimeriez tout de même vous en
débarrasser ! Vous savez qu’ils ne vont pas disparaître du jour au lendemain.
Donc, vous allez redoubler de vigilance afin de les remplacer, petit à petit, par
des silences. Vous allez vous efforcer de les entendre au quotidien. Vous allez
faire des exercices autour de la gestion du silence (cf. chapitre 1 p. 25).

QUE FAIRE SI VOUS N’ARRIVEZ PAS À DONNER


UN RETOUR ?
C’est signe que vous devez développer votre « écoute » (cf. chapitre 2). Vous
devez vous entraîner à y allouer l’énergie nécessaire. Vous pouvez le faire.
C’est une question de pratique. Et toutes les occasions sont bonnes. En famille,
avec des amis, efforcez-vous, tout en parlant, de mettre votre « écoute » en
marche. Bien entendu, il est indispensable de le vouloir, de faire l’effort d’y
penser et d’y consacrer de l’énergie : votre écoute ne se mettra pas en route
toute seule ! Je vous rappelle qu’il ne s’agit pas de vous juger, mais d’être
conscient de ce que vous dites et faites.

LE RETOUR DES AUTRES


Les regards extérieurs sont précieux : même si nous avons une excellente
écoute, de l’extérieur, une personne au regard aiguisé va voir des « choses »,
parfois des détails, dont nous ne pouvons pas avoir conscience et regarder
nous-même. (Ce n’est pas pour rien si, au théâtre, les comédiens, qu’ils jouent
une pièce ou un « one-man-show », ont besoin d’un metteur en scène. Comme
son nom l’indique, ce dernier va les mettre en scène, mais régulièrement, après
la représentation, il va aussi leur donner ses retours. Et ce, afin de les aider à
ajuster leur jeu qui, en tant que « matière vivante », bouge d’un soir à l’autre.
Par exemple, le metteur en scène va aider les comédiens à rectifier ce qui s’est
déréglé et qui ne fonctionne plus, mais aussi à renforcer et mettre en place ce
qui a surgi au cours de la représentation – un déplacement, une mimique,
parfois un geste non prévu initialement pendant les répétitions – et qui
fonctionne très bien.)
Donc, n’hésitez pas à demander des retours. Dans la mesure où ils sont
bienveillants et constructifs, ils vous aideront à progresser. De plus, en les
confrontant à votre propre retour, vous en tirerez des enseignements précieux.

D’accord/pas d’accord
IL NE FAUT PAS TROP CONSIDÉRER LES AVIS DES AUTRES
Tout le monde a un avis et il y a autant d’avis que de gens qui écoutent. À trop écouter les autres, on
est influencé.

Mais le feed-back des gens permet aussi d’avancer et de progresser. Et on ne perd jamais son temps
à demander à quelqu’un en qui on a confiance de nous donner son avis.

ET APRÈS ? ENTRAÎNEZ-VOUS !
Fort de ces retours, vous allez, au quotidien, vous entraîner. Comment ? Voici
trois pistes possibles :
1. En observant autrui. Qu’est-ce qui fait – concrètement, de façon factuelle
– que vous trouvez tel orateur brillant et tel autre médiocre ?
2. En étant vigilant, en étant à votre « écoute », au jour le jour, lors de vos
conversations journalières professionnelles ou privées.
3. En préparant votre prochaine prise de parole. Vous ne progresserez qu’à
ce prix-là. Les fondamentaux de la prise de parole ne sont pas compliqués à
comprendre. En revanche, pour les intégrer, les assimiler, les incarner, vous ne
pouvez pas faire l’économie de la pratique et du fait de « les vivre ». En outre,
votre marge de progression sera fonction de votre degré de vigilance, de votre
capacité à « écouter ». « Écouter » les autres faire leurs prises de parole et
vous « écouter » faire les vôtres.

Exercice d’écoute et de maîtrise de soi


« LES TROIS SENTIMENTS »
Exercez-vous à faire passer un message en montrant successivement
trois sentiments contrastés (par exemple de la déception, de la colère,
puis de la joie). Utilisez, et soyez à l’écoute, aussi bien de votre verbal (les
mots employés), de votre non-verbal (gestes, mimiques, attitudes) que de
votre paraverbal (débit, vitesse, articulation, volume, sourire ou pas). Au
besoin, faites l’exercice devant des amis, des proches, sans leur dévoiler
à l’avance les sentiments que vous avez choisis. Puis, à la fin de votre
prestation, demandez-leur de vous citer les sentiments qu’ils ont perçus.

Et pourquoi changer ?
En ce qui vous concerne, une fois votre prise de parole terminée, vous vous
êtes donné comme règle de ne pas « chercher midi à quatorze heures ». Vous
avez fait de votre mieux, c’est l’essentiel. Vous n’avez pas d’avis. Quant à ce
que les gens en pensent... Vous préférez ne pas le savoir. Surtout que vous ne
vous faites pas d’illusion : les gens ne disent jamais ce qu’ils pensent. Soit ils
vous font des courbettes, pour bien se faire voir et être sûr d’être dans vos
petits papiers, soit ils se taisent, de peur que les compliments, qu’ils seraient
susceptibles de vous faire par inadvertance, ne leur écorchent la bouche. Leur
demander leur retour, vous en êtes persuadé, ne servirait qu’à vous embrouiller
les idées. Et puis les « feed-back », c’est bien joli, mais c’est un tantinet
chronophage. Vous ne pouvez pas vous payer ce luxe. Vous, vous avez des
piles de dossiers qui vous attendent sur votre bureau.

Essayez quand même


En matière de prise de parole, nos facultés rationnelles, cartésiennes nous sont
nécessaires, mais nous avons aussi besoin de notre imagination, notre
créativité et notre intuition... Il ne s’agit pas seulement de comprendre, mais de
mettre notre « cerveau droit » à contribution. « Lâcher prise ». Laisser advenir.
Faire. Expérimenter. Recommencer. Refaire, encore et toujours. Il s’agit aussi
de mettre notre corps en jeu.

LA NOTION DE JEU
Demandez à un enfant de quatre ans de vous faire le cri du lion. Il vous fera le
cri du lion. Demandez-le à un adulte, il vous questionnera : « Pourquoi faire le
cri du lion ? Et de quel lion d’abord ? Le lion de la savane ou celui du zoo ? »
L’enfant joue spontanément, l’adulte moins. L’enfant n’a pas besoin de
comprendre ni d’analyser pour galoper sur son cheval blanc, conduire sa
voiture de course rouge, voler dans les airs, faire des grimaces...
C’est d’ailleurs quand l’enfant cesse de jouer, de s’amuser à jouer, de prendre
du plaisir à jouer, qu’il entre dans l’adolescence et commence à se poser des
questions.
La majorité d’entre nous, adolescent, puis adulte, sollicitons avant tout notre
cerveau gauche. Et cela par la force des choses, parce que nous n’avons plus
beaucoup le temps de jouer et que nous devons penser à notre avenir, puis
réfléchir à comment joindre les deux bouts. Cela étant, dans certaines
circonstances – par exemple lorsque nous prenons la parole en public, ou
lorsque, en pleine réunion, notre supérieur hiérarchique nous pose une question
à laquelle nous ne nous attendions pas du tout – nous avons besoin aussi bien
de nos ressources cartésiennes, rationnelles, que de notre imagination, notre
créativité, notre intuition. Nous avons besoin aussi bien de notre cerveau
gauche que de notre cerveau droit. Nous avons besoin de toutes nos facultés
mentales, afin de réagir avec souplesse et nous adapter à la circonstance.
Mais dans la mesure où, comme nous venons de le voir, la majorité d’entre
nous développons surtout des facultés cartésiennes, notre cerveau droit est
« un peu rouillé ». Et en situation difficile, complexe, lorsque le rationnel seul ne
suffit pas – et que « ce qui n’est pas de l’ordre du rationnel » a du mal à
émerger – nous avons tendance à nous bloquer, à nous rigidifier, à foncer tout
droit dans une impasse, avec tous les voyants de « panique à bord » qui
passent et clignotent au rouge.
Pour faire face à de pareilles situations, il est important que nous apprenions et
nous exercions à lâcher prise, à laisser advenir, à laisser une place à notre
créativité, notre imagination, notre intuition. C’est en combinant nos facultés
cartésiennes et « les autres » que nous aurons le plus de chance de trouver
une réponse pertinente à une question difficile inattendue, une solution à un
problème complexe, ou une façon élégante de nous sortir d’affaire. (Si les
notions de cerveau gauche et de cerveau droit vous intéressent, vous trouverez
sur Internet une information abondante.)

Exercice du détour
« S’EXERCER AU LÂCHER PRISE »
Personnellement, j’envisage deux pistes.
Première piste : je vous invite à jouer avec des enfants, ou de « grands
enfants », à faire du sport, de la cuisine, du bricolage, de la couture, à
dessiner, peindre, chanter, écrire, faire du théâtre...
Seconde piste : dans des contextes et circonstances sans enjeu pour
vous, où vous ne courez aucun risque, où vos actes, faits et gestes ne
nuiront à personne, amusez-vous à faire ce que vous n’avez pas l’habitude
de faire. Exemples (liste non exhaustive) : engager une conversation avec
un inconnu à qui vous n’auriez jamais osé, ou eu envie, d’adresser la
parole ; libérer quelques heures dans votre agenda pour vous aérer la tête
(c’est votre boss qui va être content !) ; chanter une chanson ou entamer
une danse devant votre femme, vos enfants, vos amis, alors que vous
savez bien que vous chantez comme une casserole ou dansez comme un
pied ; aller au cinéma, ou vous faire une « expo », un matin en plein milieu
de la semaine un jour non férié (là aussi, votre boss va être ravi !) ; faire
des grimaces complètement ridicules devant la glace ; faire le singe,
l’éléphant, la tortue, seul dans votre chambre (au besoin, informez vos
proches !).

À ce sujet, histoire de vous rassurer, lisez l’Éloge de la folie12 d’Érasme. Et


histoire d’avoir des exemples d’exercices qui vous permettront de mettre votre
corps en « jeu », lisez Le Corps poétique, un enseignement de la création
théâtrale13 de Jacques Lecoq. Si la création théâtrale vous intéresse, je vous
conseille l’excellent livre d’Alain Knapp, A.K., une école de la création
théâtrale14.
Pro/perso
Vous venez de remporter une « victoire » dans votre vie privée ou
professionnelle. Top ! Champagne ! Une fois dégrisé, je vous invite à analyser
ce qui vous a conduit au succès et à capitaliser les « bonnes pratiques », celles
qui vous ont permis de réussir, afin de les reproduire ou de les adapter en cas
de besoin.
Vous avez essuyé un échec dans votre vie privée ou professionnelle... Dur. Ce
n’est pas facile à vivre. Rien de plus normal que d’être déçu. Une fois la
déception passée, ou gérée, je vous invite à réfléchir à ce qui s’est passé et à
en tirer tous les enseignements nécessaires, afin d’éviter de retomber dans les
mêmes pièges. Ensuite, un peu plus tard, souvenez-vous de la citation de
Churchill : « Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son
enthousiasme », ce que Nietzsche disait en ces termes : « Ce qui ne tue pas
rend plus fort. »

12. Érasme, Éloge de la folie, Flammarion, 1999.


13. Jacques Lecoq, Le Corps poétique, un enseignement de la création
théâtrale, Cahiers n° T10-11 Anrat, Actes Sud-Papiers, 1999.
14. Alain Knapp, A.K., une école de la création théâtrale, Cahiers n° 7 Anrat,
Actes Sud-Papiers, 1993.
Table des exercices

Exercice sur le regard


« Le miroir » 21
Exercice sur la gestion du regard et du silence
« Le mot lancé » 26
Exercice sur le « comment dire »
« Le DESC » 38
Exercice de vocalises
« Le ding dong, bing bong » 51
Exercice d’entraînement au « être là »
« La carafe » 59
Exercice sur le lâcher prise
« La marche aveugle » 61
Exercice sur l’écoute
« La phrase glissée » 69
Exercice de préparation mentale
« Dérouler le film » 73
Exercice d’écoute et de maîtrise de soi
« Les trois sentiments » 87
Exercice du détour
« S’exercer au lâcher prise » 90
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