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« Vous êtes un âne, on fait de telles choses, mais on ne les dit pas. »
C'est par ces paroles caractéristiques que suivant ses propres décla-
rations Ed. Bernstein, après la publication de son livre fameux :
Die Voraussetzungen des Socialismus and die Aufgabe der Sozial-
demohralie, s'entendit apostropher par le socialiste démocrate Auer,
un des membres du « gouvernement ». On sait peut-être que dans le
parti le Comité central (Parteivorstand) est désigné par ce mot. Cet
Auer est déjà un des vieux et nous pouvons bien présenter cet homme
que dans la cynique brutalité qu'il montre constamment — il est
Earce
avarois et on sait qu'ils sont connus pour leur grossièreté — il
possède une grande sincérité, de sorte qu'on peut dire avec assurance
qu'il dit ce que les autres pensent.
Et si nous relisons attentivement les débats sur ce livre et sur la
lettre de Bernstein au dernier congrès de la sociale-démocratie alle-
mande de Hanovre, qui s'est tenu du 9 au Hoctobre, nous verrons que
les paroles d'Auersont justifiées. On enparlabeaucoupcertes, énormé-
ment et au lieu d'un congrès de parti on aurait pu, avec plus de raison,
le nommer le congrès Bernstein,car on n'y parla presque pas d'autre
chose que de Bernstein.
Qu'est-ce que Bernstein?
Nous allons le présenter à nos lecteurs.
Bernstein était un des jeunes gens qui entreprirent à Berlin une
vive agitation avant la loi socialiste de 1678. 11 était alors très lié
avec Johann Most et penchait même un peu vers les théories anar-
chistes. 11 était un disciple du fameux privât docent Eugène Duhring
qui exerçait alors une si grande influence dans le parti, que Frédéric
Engels jugea nécessaire de détruire ses principes dans son ouvrage
intitulé : Eugen Duhring und die Umtoalzung der Wissenscliaft.
LA DEBACLE DU MARXISME 687
quelque parlement qui ne soit élu sur la base do ce qu'on appelle une hérésie
plus ou moins sérieuse contre les principes du parti? Le vieux Liebknecht
le savait très bien quand il disait: « celui qui pactise avec ses ennemis par-
lemente et celui qui parlemente trahit. » Et nous répétons — on ne peut
assez le faire — la parole d'or de Frédéric Engels qui devrait être écrite au-
dessus de tous les locaux de réunion et des journaux socialistes : « COMBIEN
AISÉMENTET DOUCEMENTONGLISSE, UNE FOIS SUR LA PENTE. ï
Il est et reste essentiel qu'on a toujours clopiné sur deux idées, et
on ne peut se dégager encore et dénouer le noeud, de sorte
qu'on devient alors ou un pur parti socialiste révolutionnaire ou
bien un parti de réforme social-démocratique.
Bernstein fait maintenant un effort pour venir sur un terrain net et
faire disparaître toute ambiguïté. Cela se rencontre chez Marx, qui
pouvait dire comme Faust se promor.ant le jour de Pâques hors des
murs de la ville :
« Deux âmes, hélas, habitent en mon sein et l'une tend constamment à se
séparer de l'autre. L'une, vive et passionnée, tient au monde et s'y cram-
ponne au moyen des organes du corps, l'autre, ennemie des ténèbres, aspire
aux demeures des aïeux. »
L'une de ses âme» glorifie les lois sur les fabriques comme si le pro-
létariat pouvait obtenir on suivant cette route lente tout ce dont il a be-
soin pour sa libération. Los réformateurs de la petite bourgeoisie qui
ont la tâche d'introduire une meilleure réglementation des systèmes de
production capitaliste reposant sur la propriété privée, se réclamentde
préférence de ce Marx. Et l'autre âme est celle qui s'attache au prin-
cipe idéal, qui ne demande pas des résultats pratiques palpables, mais
va droit à son but et tend vers l'évolution de la propriété capitaliste,
en propriété commune. D'une part donc la nécessité d'une meilleure
réglementation de la société capitaliste actuelle, de l'autre la con-
science de la ruine nécessaire de cette même Société. :
Nous trouvons cela également dans les deux programmes ; le pro-
gramme de principe et celui d'activité pratique.
Qu'on prenne en main ce dernier ot qu'on nous indique sérieuse-
ment lequel des dix articles peut s'appeler socialiste et lequel des
cinq qui y ont été encore ajoutés séparément pour la protection de la
classe ouvrière. On ne le sait pas parce qu'on ne le peut pas. Ainsi
on admet comme démocrate socialiste aux élections celui qui combat
avec un programme qui n'est pas socialiste mais simplement radical.
Oui, il y a des partis comme les nationalisateurs de la terre qui ont
dans leur programme beaucoup plus de socialisme que les social-
démocrates. C'est précisément ce jeu des deux programmes qui fait
ressembler le parti social démocrate à la tête de Janus qui laisse voir
tantôt le visage révolutionnaire, tantôt le visage réformiste.
Voici Bernstein qui vient et ne désire rien autre que nommer
l'enfant par son vrai nom et subitement on lui montre le visage révo-
lutionnaire. N'avons nous pas vu Auer et Heine défondre la politique
de compensation, c'est-à-dire qui entretient avec le gouvernement un
véritable commerce de marchandages éhontés, par exemple, en
satisfaisant aux désirs du gouvernement sur le domaine du militarisme,
à condition qu'il fasse en revanche des concessions dans l'intérêt des
travailleurs ? N'avons-nous pas entendu Bebel accédor à un emprunt
pour des uniformes noirs et appeler cette dépense la plus productive
de toutes ? Fini donc avec la vieille devise « Plus tin homme, x>lus
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un sou ! » Schippel n'a-t-il pas fait un pas en avant dans cette voie
dangereuse en se montrant disposé à accorder de l'argent pour de
nouveaux canons? Oui, on l'a, à ce sujet, fort attaqué et dès qu'il parla
à Hanovre il fut jeté par dessus bord et cependant nous ne voyons
pas la différence qu'il y a entre lui et Bebel, car si des uniformes noirs
protègent les militaires contre le tir de l'ennemi, de nouveaux canons
n'exposeront pas nos soldats au feu d'une meilleure artillerie dont la
portée est plus longue. On s'est déclaré on faveur de la participation
aux élections du Landtag prussien, de même qu'en Saxe, en Bavière
et à Bade, oui l'opportunisme a fait les mêmes progrès, si bien que
Vollmar a pu, aux applaudissements de la majorité du congrès, se
séparer avec hostilité de la Commune en déclarant que les combat-
tants de la Gommune de Paris auraient mieux fait d'aller se coucher !
Quelle différence y a-t-il maintenant dans la pratique entre Bernstein
d'une part et le parti allemand et ses chefs d'autre part? Bernstein a
commis la sottise de vouloir être honnête, c'est précisément pour cela
qu'il était un âne, car... on ne dit pas de ces choses-là, mais on les
fait!
A ce point de vue le parti offre le même spectacle en Allemagne
qu'en France. Après que Guesde, Vaillant et consorts ont pendant des
années intrigué de concert avec Millerand et Jaurès en faveur des
résultats pratiques, après qu'ils ont jeté le socialisme complètement
par dessus bord, ils deviennent subitement révolutionnaires, et Mil-
lerand et Jaurès n'ont plus maintenant qu'à s'en aller. Si la cause
populaire peut gagner en ayant dos députés dans la Chambre, nous ne
voyons aucun argumentlogique qui s'oppose à soutenir qu'ils ont inté-
rêt à être défendus par des ministres de cette tendance dans le Gouverne-
ment. Ils n'avaient pas le droit de dire de telles choses car ce sont eux
précisément qui se sont rendus coupables des fautes qu'il reprochent
à d'autres. On devrait se hâter de dire qu'ils n'agissent pas ainsi par
méchanceté, mais parce qu'ils n'étaient pas compris dans la combi-
naison.
Et au congrès qui sera bientôt tenu, il y aura bien un fabricant de
motion qui, dans une résolution longue d'une aune, égalisera tous les
points aigus, de telle sorte qu'à la fin, aux applaudissements de tous,
elle sera acceptée ad majorem gloriam de tout le parti social démo-
crate (1).
Nous certifions que la logique des faits doit conduire un parti où
il en est maintenant lorsqu'il prend ce chemin. C'est le premier pas
qui coûte. Mais quand il est fait, alors il cesse d'être une affaire de
principes, cela devient simplement une lutte pour une question de
forme.
La seule chose que fit Bernstein fut de mettre en système dans un
livre l'opportunisme social démocratique. Lorsqu'il eut terminé
cette tâche, il le présenta au parti et celui-ci s'effraya de sa propre
image. Peut-être cela plaide-t-il en sa faveur, mais alors qu'il rentre
sérieusement en lui-même et se demande si ce n'est pas là qu'il en
est venu après tous ses « escamotages » comme les nommait Bebel.
(1) Cet article a été écrit avant le Congrès français de décembre 1899. La pro
phétie a été réalisée. L'ange rédempteur, la motion pour tous a triomphé. L'atti-
tude de Millerand a été désapprouvée mais il osa rester au ministère.
LA DÉBÂCLE DU MARXISME 697
Il est méchant encore lorsqu'il dit : « Cela veut dire la même chose
que si le Marxisme a le cou tordu par un marxiste. »
Bernstein dit avec palliatif, que la découverte et le triomphe des
erreurs dans une théorie n'en est pas encore la déchéance ot qu'il
pourrait bien paraître en somme que c'est Marx qui combat contre
Marx, mais tout le monde avouera que lorsqu'on a décapité quelqu'un
et qu'on lui met une nouvelle tête, il est bien difficile de le faire passer
pour la même personne.
Nous allons examiner ce que Bernstein dit du marxisme.
Certainement Marx était un homme rigoureusement scientifique,
personne ne lui enlèvera cet honneur, mais s'il fut vraiment un homme
de génie qui eut des conceptions originales, c'est un point qui est mis
en doute. Et lorsqu'on entend émettre sous son nom des choses qui
ne sont pas de lui — et ses disciples firent cela en préconisant le
maître — alors on donne lieu à une folle idolâtrie, qui quelque jour
deviendra apparente.
Ainsi Engels écrit que Marx a découvert la conception matérialiste
de l'histoire. Et Bebel dit à un congrès « que les sources du dévelop-
pement social ont été découvertes par Marx », après qu'il eut déjà
raconté dans son livre sur la femme, que c'étaient les Allemands qui
avaient découvert la dynamique du développement de la société
moderne et les bases scientifiques du socialisme. Parmi ces Allemands
la première place revient à Marx et à Engels.
Malheureusement rien de tout cela n'est vrai.
Que les facteurs économiques aient fait sentir leur influence dans
l'histoire, ce qui n'est pas une découverte de Marx, nombre d'autres
le savaient déjà et l'avaient exprimé clairement dans leurs écrits.
Tcherkosoff dit tout à fait justement dans son ouvrage intitulé :
La démocratie sociale dam ses enseignements et dans les faits :
« La manière de production nous indique l'état de civilisation et de déve-
loppement de quelques sociétés dans quelques périodes historiques. Mais
cela était connu avant 1845 et même avant lo 28 novembre 1830, jour de
naissance d'Engels. Seulement on nommait cela lo rôle, l'influence des
facteurs économiques dans l'histoire. Mais l'ensemble des facteurs économi-
ques, en que nous nommons l'économismo n'est pas encore le matérialisme.
La manière do production n'est qu'un l'acteur ou plutôt un élément entre
beancoups d'autres qui servent aux généralisations révolutionnaires,connues
sous lo nom de théories matérialistes. La partie ne peut contenir le tout;
l'économisme ne constitue pas lu théorie matérialiste. »
Sans dire un mot de Tcherkesoff, Bernstein indique dans son cha-
pitre sur la conception matérialiste de l'histoire qu'il a pris connais-
sauce de ses explications si claires.
11 écrit :
« Knfin vient la question de savoir jusqu'à quel point la conception maté-
rialiste de l'histoire a encore quelque droit à son nom si on continue à la
détériorer par l'adjonction d'autres facteurs. Effectivement, suivant les
déclarations d'Engels (exprimées dans une lettre de celui-ci à Conrad
Schmidt en l'année 181)0), elle n'est pas purement matérialiste, elle reste
puremeni économique. Je ne nie pas que le nom et la chose ne soient pas
tout à tait analogues. Mais je no cherche pas le progrès dans l'effacement
mais dans la précision des idées, et comme en développant une théorie
Tiistorique il faut avant tout montrerqu'elle se différencie des autres, je ne
serais pas loin de tenir le litro do Bar.tli : Conception, de l'histoire ècono-
700 L HUMANITE NOUVELLE
vous verrez qu'ils ont fait de la propagande pour tout, excepté pour le
socialisme.Tous les démocrates socialistes qui sont dans les parlements
travaillent pour le socialisme d'Etat, et il ne peut pas on être
autrement, ils doivent nécessairement travailler dans cette direction.
Au lieu d'affaiblir l'Etat pour arriver tout doucement à le supprimer et
ù. le mettre dans un musée de curiosités,on tend à le renforcer,et l'Etat
n'a pas de plus fermes et de plus fidèles amis que les démocrates socia-
listes.
Bernstein indique comme limitation du socialisme « le mouvement
vers l'état de l'ordre social en communauté ».
Comme première condition de la réalisation du socialisme, il admet
un degré limité de développement capitaliste eteomme seconde l'exer-
cice de la domination politique par le parti de la classe ouvrière, la
démocratie sociale. La forme de l'exercice de cette puissance est
selon Marx, dans la période de transition, la dictature du proléta-
riat.
En ce qui concerne la première, Bernstein suppose que la centrali-
sation des professions est une condition nécessaire de la socialisation
de la production et de sa distribution.
Mais à celle-ci, se rattache la seconde, c'est-à-dire la conquête du
pouvoir politique par le prolétariat.
Tout s'emboîte clans ce système.
D'abord concentration de. la production pour la faire entreprendre
par l'Etat, après qu'on l'aura conquise.
Mais nous demandons à tous si ce n'est pas là du socialisme
d'Etat?
En véritable prestidigitateur Liebknecht escamote le nom de socia-
lisme d'Etat et le remplace par capitalisme d'Etat; il conclut alors que
le socialisme d'Etat est franchement oppose à la démocratie
sociale.
Mais nous pénétrons ce petit jeu et nous veillerons à1 avertir les
travailleurs de ne pas se débarasser d'un joug pour se soumettre immé-
diatement à un autre, etclene pas devenir d'esclaves,des patrons capi-
talistes, esclaves d'Etat, car alors il ne vaudrait, pas la peine d'avoir
pour un si mince résultat, engagé tant de combats.
Pourquoi toujours se parer d'une fausse étiquette ? Pourquoi ne pas
dire ouvertement qui l'on est et quel but on poursuit?
Ce que nous trouvons de mieux dans le livre de Bernstein, c'est
qu'il conseille à ses amis de ne plus se dire ce qu'ils ne sont pas.
La conquête du pouvoir peut se faire de deux façons différentes,
c'est-à-dire soit par la lutte parlementaire avec le billet de vote, par
l'usagede tous autres moyens légaux et aussi au moyen de la violence,
au moyen de la révolution.
Marx et Engels penchaient vers le dernier et encore beaucoup
des partisans de Marx le considèrent-ils comme inévitable.
Il nous semble toujours que la différence entre l'anarchie et la
démocratie sociale est plus profonde qu'on ne l'admet habituellement
et que la distinction entre les deux opinions réside surtout dans une
conception tout opposée de la Société.
Comment pourrait-on nommer socialisme la conquête du pouvoir
politique avec un Jaurès, un Rouanet?
Comment le congrès de Londres de 1896, aurait-il pu dire autrement
4» ANNÉE, XXXVI. 5
706 L'HUMANITÉNOUVELLE
de lui, on rejeta son budget, car on supposait qu'il serait bien alors
forcé de s'en aller.
Mais il n'en fit rien.
Il resta au gouvernement, appuyé par son ami, le roi de Prusse. Il
ne s'inquiéta nullement de sa mésaventure et gouverna tout simple-
ment sans budget.
La guerre germano-danoise éclata en 1864 et se termina par une
victoire sur le petit Danemark. Ensuite suivit, en 1866, la guerre
entre la Prusse et l'Autriche, et celle-ci aussi finit par un succès de la
Prusse. Le succès régit le monde. Et lorsque Bismark eut remporté
. tant de succès, il devint, lui l'homme le plus haï jadis, le plus popu-
laire de tous; et on a vu que tous ses anciens péchés lui furent
pardonnes, et qu'il rentra en grâce. Ou plutôt lui, le puissant, eut la
grande bonté d'accorder leur grâce aux membres du parti national
libéral, bien qu'à proprement parler il ne l'oublia jamais. La conces-
sion du suffrage universel à l'ancienne Confédération du Nord do
l'Allemagne ne fut rien autre qu'une vengeance de Bismark exercée
contre les nationaux libéraux. Et cela lui roussit parfaitement. Il a
par le suffrage universel anéanti les nationaux libéraux qui possé-
daient auparavant la majorité.
On put constater un cas semblable en Danemark où le ministre
Estrup resta avec l'aide du roi pendant plusieurs années au pouvoir,
bien que la majorité repoussât chaque année ses budgets.
(,)uel instrument de puissance possède lu pouvoir législatif pour
mater l'exécutif?
Pas un seul.
Lorsque le pouvoir exécutif, qui dispose de l'armée, envoie un
peloton de soldats à la Chambre pour la dissoudre par la violence,
que peut-on contre lui ?
C'est le pouvoir qui délibère et la puissance n'est pas dans les col-
lèges parlementaires, mais dans le pouvoir exécutif qui agit.
Lassalle a dit cela très bien dans sa magistrale conférence « l'ber
Yerfassungswesen :
« Les princes sont beaucoup mieux servis que le peuple I Les serviteurs
des princes ne sont pas des orateurs, comme le sont souvent les serviteurs
du peuple, mais des gens pratiques qui savent agir. C'est pour cela qu'on
désarma d'abord (en 1848) les citoyens. C'est ce qu'il y o. de plus intelligent,
à faire pour ne pas à tout moment renouveler la lutte. »
Voilà donc la situation réelle.
Le gouvernement est maintenant l'instrument dont la classi; possé-
dante se sert pour opprimer les non possédants, et peut-on s'ima-
giner que bénévolement il fera abandon de son pouvoir? Le pou-
voir législatif prend une mesure par laquelle il empiète sur les
droits de la classe possédante, par exemple il augmente de tant pour
cent les impôts de succession, disons annuellement de 4 0/0; dans
un espace de vingt-cinq ans, tous les capitaux reviendraient ainsi
entre les mains de l'Etat. Ne pense-t-on pas que la classe possé-
dante aurait recours à tous les moyens, même à une contre-révolution
pour empêcher cet état de choses?
Ou bien si on décide, à la majorité des voix, l'abolition de la
royauté, s'imagine-t-on que le roi dira, très calme : « Je vois que
vous ne voulez plus de mes services, je m'en vais! » Eh non! Celui
LA DEBACLEDU MARXISME 709
pays des moyens d'autorité et de force qui mettent entre leurs mains
l'armée, la police, la justice, c'est-à-dire les canons, les fusils, les
prisons, moyens qui mettent toute puissance et par là même tous
droits, non du côté des représentants du peuple, mais du leur.
Tout se rattache à cettequestion décisive: les intérêts économiques
régissent-ils tout, ot par conséquent aussi la politique, ou les intérêts
politiques régissent-ils les intérêts économiques?
Suivant la conception marxiste, c'est le premier cas, et suivant un
marxiste donc, c'est une hérésie de se conduire dans la pratique
comme le fait le parti démocrate socialiste allemand et celui do tous
les autres pays .à la suite, comme si sa seconde théorie était la
bonne.
Cette faute de logique doit avoir ses suites fatales et elle les a, car
théoriquement eettc doctrine ne peut être maintenue.
Le parlement reste à proprement parler, la machinerie légale delà
société bourgeoise reposant sur la propriété privée, et ne peut être
employé que dans ces sociétés et pour la classe bourgeoise qui y gou-
verne.
Nous nous laisserons guider par un témoin qui n'est pas suspect
pour voir comment dans le pays le plus démocratique du monde, aux
Etats-Unis, tout est soumis au pouvoir de l'argent. Nous voulons
parler d'un livre de l'Américain Lloyd.
Le trust est actuellement le pouvoir qui gouverne tout.
Celui qui veut le connaître, doit commencer par les chemins de fer.
Ils sont en Amérique la propriété de sociétés particulières et malgré
nombre de dispositions légales, elles font de leur propriété ce qu'elles
veulent. Celuiqui est propriétaire des grandes voies de communication,
celui là est maître de toutes les branches de l'industrie qui doivent
nécessairement transporter leurs produits par ces voies, j
Un rapport dit : Les Sociétés de chemins de fer ont effectivement en
mains,outre le transportées productions des mines et ont formé une
combinaison pour réglementer ces produits et en fixer le prix.
L'industrie du pétrole date de l'année 1860. Il y avait un libre mar-
ché pour l'huile,ot il est prospère clans certains districts; les salaires
étaient élevés. Vers 1872, la production annuelle atteignait 6 millions
détonnes.
Alors,sans qu'on sut comment, se produisit une panique.
Une commission d'enquête révéla qu'un petit groupe d'individus
possédant de grandes dispositions pour les affaires — ils étaient
treize en nombre—qui s'intitulaient la South Improvement Company,
(société ayant pour but d'améliorer la situation dans le Sud), s'était
uni en secret avec la société des chemins de fer pour s'assurer de
cette façon le monopole dû commerce du pétrole.
Il est bien vrai que l'opinion publique réclama et obtint la dissolu-
tion de cette «combinaison» mais elle reparut sous d'autres formes. De
ces treize individus, il y en eut plus tard dix qui firent partie du Stan-
dard Oit Trust. Et on eut beau créer les dispositions légales qu'on
voulut, rien n'y fit. Ils réussirent à supprimer toute concurrence.
En 1865, on commença à employer la canalisation par tuyaux, de
sorte que pour le transport on pouvait se passer des sociétés de che-
mins de fer. En 1894, il y avait 20 de ces lignes par tuyaux, mais les
sociétés de chemins de fer transportèrent pour la combinaison, à
•meilleur marché, que les meilleures lignes par tuyaux ne pouvaient le
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