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Les Cahiers de la Recherche

CLAREE
Centre Lillois d’Analyse et de Recherche sur l’Evolution des Entreprises
UPRESA CNRS 8020

ENTREPRENEURIAT ET STRATEGIE
ENTREPRENEURIALE : QUELS MODELES POUR LA
RECHERCHE ET L'ACTION

Par Thierry VERSTRAETE

Maître de Conférences, habilité


ADREG,
laboratoire de recherche en entrepreneuriat du CLAREE (upresa CNRS)
tverstraete@nordnet.fr
http://www.adreg.net

Responsable de la publication :
Alain DESREUMAUX
Professeur à l'Université
des Sciences et
Technologies de Lille

© CLAREE, IAE-USTL, 2001


Entrepreneuriat et stratégie entrepreneuriale : quels modèles pour la
recherche et l’action
Thierry Verstraete
Maître de conférences, Habilité, IAE Lille, USTL
Correspondance :
ADREG - CLAREE
104 avenue du peuple belge
59043 Lille cedex
Tél. 03 20 12 34 50 : Fax : 03 20 12 34 00
Email : tverstraete@nordnet.fr
http://www.adreg.net

Résumé :
la visée de ce cahier est double. Premièrement, il lie entrepreneuriat et
stratégies entrepreneuriales, mais en dénonçant les amalgames qui sont parfois
faits. Il tente ainsi de clarifier l’expression « stratégies entrepreneuriales ».
Deuxièmement, en prenant comme illustration la notion de facteurs clés de
succès, il montre que des conceptions anciennes d’analyse peuvent être
réhabilitées sous réserve de les faire évoluer. Certes, une part de dénaturation
colore forcément le propos. Mais dépasser l’acception réaliste qui prévalait lors de
l’apparition de la notion de FCS pour en proposer une conception intégrant la
dimension socio-cognitive ne devrait pas étonner, même si elle remet en cause
son utilisation comme base de la segmentation stratégique. Une grille de lecture
des FCS dans les contextes entrepreneuriaux conclut l’article.

1
Introduction

En stratégie, le terme « modèle » possède au moins deux sens. Le premier se


rapporte à la notion de modèles stratégiques, en référence aux grilles d’analyse
sur lesquelles la direction générale peut s’appuyer pour élaborer sa stratégie (ex :
matrices BCG, grille d’analyse sectorielle de M.E. Porter, etc.). Le second
concerne ce qu’il convient désormais commun d’appeler business model, traduit
ici par modèle d’affaires ou modèle économique (terminologie consacrée depuis
l’avènement du phénomène start-up, et se répandant au point de parfois
constater son emploi en lieu et place du mot stratégie).

Ces deux acceptions sont liées. Pour servir l’élaboration d’un modèle
économique, les modèles stratégiques se réfèrent aux contextes dans lesquels il
est envisagé d’engager des affaires. Les contextes évoluant, l'analyse ne peut
s'appuyer durablement sur un modèle stratégique présumé universel et a-
temporel. La pratique nous enseigne que les modèles d’affaires s’amendent dans
une logique où l’outil et le résultat de son utilisation interagissent. De plus, au
delà des singularités, le temps use les stratégies les mieux conçues (qualité
forcément exprimée a posteriori). En effet, lorsque celles-ci se trouvent
appropriées par une partie sensible des concurrents, tout avantage supposé
distinctif souffre inévitablement de l'homogénéisation des pratiques et des
référentiels. Comme illustration, force est de constater que depuis quelques
temps, les modèles selon lesquels une firme doit s'adapter à l'environnement et
parvenir au « fit », sont remis en cause. Les approches deviennent plus
ambitieuses en offrant des perspectives de façonnage du contexte d'évolution. Il
« suffirait » d’entreprendre… Le nouveau paysage de la compétition économique
[the competitive landscape de R.A. Bettis, M.A. Hitt, 1995] conduirait les firmes
vers un âge entrepreneurial, en ce sens qu’elles devraient recouvrer la motivation
de leur jeunesse et, ainsi, bénéficier d’une cure de jouvence pour développer des
stratégies entrepreneuriales et façonner leur structure en conséquence [ce qui
transparaît à la lecture de l’ouvrage de G.D. Meyer, K.A. Heppard, 2000]. Dans
cette perspective, la question du rapprochement du champ de la stratégie et de
l’entrepreneuriat apparaît d’une actualité aiguë.

Ce parallèle n’a rien de surprenant ou de subversif. En effet, en jouant sur la


polysémie du terme, l'essence de l'entreprise (l'entité) ne se fonde-t-elle sur pas
l'entreprise (acte d'entreprendre)? Une entreprise pourrait-elle se contenter d’être
« rentière » ? La réponse d’une part croissante de la littérature, principalement
anglo-saxonne, à cette seconde question apparaît négative. Selon les tenants de la
Resource Based View, la rente s’entretient. Pour cela, la meilleure stratégie est
d’entreprendre et la logique dominante [cf. C.K. Prahalad, R.A. Bettis, 1986 ;
R.A. Bettis, C.K. Prahalad, 1995] réside dans l’entrepreneuriat [G.D. Meyer, K.A.
Heppard, 2000]. Ces assertions pourraient paraître triviales et simplement
relever du bon sens si l’on acquiesce à l’idée que l’entreprise doit entreprendre.
Mais elles présentent deux avantages. D’une part, elles dénoncent l’inertie
bureaucratique dans laquelle s’enlise nombre de structures organisationnelles,
les rendant ainsi inaptes à l’initiative inhérente à l’entreprise. D’autres part,

2
elles rompent avec certains modèles d’analyse stratégique inadaptés aux
environnements compétitifs subissant la pression combinée de l’accroissement de
la vitesse d’échange d’informations et de la globalisation des marchés [R.A.
Bettis, M.A. Hitt, 1995 ; C.M. Ford, D.A. Gioia, 1995 ; T.D. Kuczmarski, 1996 ; C.
Carrier, 1997 ; M. A. Hitt, B.W. Keats, S.M. DeMarie, 1998 ; O. Torrès, 2000].

Face au paysage compétitif actuel, notre propos ne consiste pas à discuter


l'arsenal méthodologique sur lesquels les stratèges peuvent s'appuyer. Il n'a pas
davantage comme visée de reposer le débat "déterminisme vs volontarisme", dont
l’examen conduit souvent à des constat mitigés, en raison de la contingence
marquée de l’expression volontariste (par exemple certains créent, d’autres
imitent) face à des formes et des niveaux de déterminisme très variés (type
d’environnement, malléabilité, etc.). En prenant l'entrepreneuriat comme logique
dominante, la visée de cet article est double.

Premièrement, il lie entrepreneuriat et stratégies entrepreneuriales, mais en


dénonçant les amalgames qui sont parfois faits. Cette mise au point démarque
aussi, en partie, l’entrepreneuriat du management stratégique, dont le numéro
de janvier 2001 de The Academy of Management Review témoigne l’actualité1. Il
tente ainsi de clarifier l’expression « stratégie entrepreneuriale ». Deuxièmement,
en prenant comme illustration la notion de facteurs clés de succès (FCS dans la
suite du texte), il montre que des conceptions anciennes d’analyse peuvent être
réhabilitées sous réserve de les faire évoluer. Certes, une part de dénaturation
colore forcément le propos. Mais dépasser l’acception réaliste qui prévalait lors de
l’apparition de la notion de FCS pour en proposer une conception intégrant la
dimension socio-cognitive ne devrait pas étonner, même si elle remet en cause
son utilisation comme base de la segmentation stratégique. Une grille de lecture
des FCS dans les contextes nous intéressant conclut l’article.

1. De l’entrepreneuriat aux stratégies entrepreneuriales

Dans une première section, tout amalgame est écarté par la présentation d’une
conception de l’entrepreneuriat permettant de distinguer les champs. Il ne s’agit
aucunement d’exclusion, les domaines d’étude se recouvrent en partie. Le point
d’articulation pourrait résider dans l’analyse schumpéterienne de l’évolution
économique. La pensée de cet auteur conduit directement vers les stratégies
entrepreneuriales (seconde section). Pour déployer celles-ci, encore faut-il
disposer d’une ressource humaine relativement autonome et créative (troisième
section).

1.1. L’entrepreneuriat : phénomène plutôt que phase d’un cycle

Le terme entrepreneuriat, notamment dans sa forme adjective, fait l’objet


d’une utilisation variée (voire parfois surprenante). Parler d’entrepreneuriat en
stratégie renvoie souvent au travail de H. Mintzberg et J.A. Waters [1985]. Pour
ces auteurs, une stratégie entrepreneuriale découle de la vision d’un leader et

1
On se tournera aussi vers le numéro spécial sur l’entrepreneuriat d’automne 2001 de la revue Management International

3
présente a priori un caractère délibéré, sans que soit toutefois écarté le côté
émergent puisque les opportunités détectées par les membres de l’organisation
peuvent remonter jusqu’à lui. En général, ce type de stratégie conviendrait, selon
les auteurs, aux firmes positionnées sur une niche.
Outre cet article, on pense également aux travaux basés plus ou moins
franchement sur la métaphore biologique du cycle de vie. Ils usent du terme de
façon variée, il peut concerner :
- une des premières phases d’évolution d’une firme [L.E. Greiner, 1972 ; I.
Adizes, 1979, 1991]
- une phase d’un cycle récurrent dans lequel se succèdent des périodes de
maintenance alternées de périodes créatives ou entrepreneuriales et
revitalisantes [Aplin, Cosier, 1980 ; G. Vargas, 1984 ; D. Miller et P.H. Friesen,
1979]
- un choix fait parmi un ensemble de scénarios dont un seul autorise la
pérennité [M. Masuch, 1985],
- une alternative entre stades où la firme puise dans ses contacts avec
l'extérieur les moyens de sa propre évolution et stades où elle revient sur elle-
même de sorte à intégrer les apports des contacts, en agissant par exemple sur sa
structure [B.R. Scott, 1971 ; M. Basire, 1976 ; J.A. Murray, 1984].

Il reste que peu de ces recherches s’appuient sur la littérature en


entepreneuriat, et lorsqu’elles le font, c’est d’une façon extrêmement limitée.
Puisqu’il ne s’agit pas ici de procéder à un état de l’art sur l’entrepreneuriat, et
sans prétendre rendre compte d’une vision unitaire, nous tirons d’un travail plus
ancien une conception de l’entrepreneuriat pouvant exprimer sa spécificité [pour
détail voir T. Verstraete, 1999]. Le propos est en accord avec S. Alvarez et J.
Barney [2000], désignant le champ de l’entrepreneuriat comme directement
concerné par l’entrepreneur. Reste à désigner évidemment qui est entrepreneur
(nous verrons que c’est celui qui impulse le phénomène décrit plus bas). Sans
verser dans l’étymologie, on admet que le phénomène entrepreneurial est
impulsée par cet individu. Il est d’une proximité certaine avec le travail de W.B.
Gartner [1985]. Comme cet auteur, nous nous appuyons sur les travaux de K.
Weick [1979] pour comprendre l’émergence organisationnelle. Il s’associe
pleinement à la notion « d’entrepreneuriat persistant » de P. Davidsson [1991],
bien que cette expression relève en partie du pléonasme, en ce sens que
l’entrepreneuriat suppose qu’il y ait persistance dans l’entreprise.

De façon résumée, et Stricto sensu, l'entrepreneuriat concerne le phénomène


relevant d'une relation dialectique entre l'entrepreneur et l'organisation impulsée
par cet entrepreneur. On ne peut réduire l'entrepreneuriat ni à l'entrepreneur, ni
à l'organisation impulsée. L'étude du phénomène entrepreneurial suppose
d'intégrer ces deux niveaux d'analyse. Ceux-ci entretiennent une relation
dialectique à travers l'interaction de trois dimensions indissociables, mais
irréductibles les unes aux autres. La première est cognitive. Elle renvoie
principalement à la vision de l'entrepreneur, mais aussi à ses capacités réflexives
(cf. A. Giddens) et d'apprentissage, sans écarter l'influence de l'affect et des
émotions. La seconde peut être qualifiée de praxéologique. Elle pose les
problèmes non seulement du design de l'organisation impulsée, mais aussi ceux

4
relatifs aux multiples positionnements de l'entrepreneur et de son organisation
dans chaque espace dans lesquels ils s'insèrent. La troisième est structurale. Elle
correspond au contexte au sein duquel l'organisation va émerger et avec lequel
l'entrepreneur doit composer pour s’efforcer de rendre l'environnement congruent
à la représentation qu'il s'en fait. Les trois dimensions de ce modèle de
l'entrepreneuriat spécifient les enjeux liés à la vision sur laquelle l'entrepreneur
s'appuie, pour agir, de sorte à matérialiser et positionner "sa" structure au sein
de l'environnement. Elles pointent également les efforts qu'il doit déployer pour
convaincre durablement les parties prenantes d’adhérer au registre
conventionnel d’affaires qu’il propose. Dans cette approche, l'entrepreneur est vu
comme un créateur d'organisation, l'entrepreneuriat comme une dialectique entre
l'entrepreneur et l'organisation, le phénomène perdurant tant que l'impulsion
place ces deux niveaux d'analyse dans ce qu'on pourrait qualifier de relative
symbiose. Ce phénomène organisationnel donne lieu, à plus ou moins brève
échéance, à la naissance d'une ou plusieurs entités à finalité socio-économique.
En effet, l'apparition de cette entité ne met pas forcément fin à l’organisation
initiée par l’entrepreneur. L’apparition d’une entité dotée d’une structure
d’entreprise par exemple peut n’être qu’un jalon dans l’organisation impulsée,
laquelle peut donner lieu à la création de plusieurs entités. Sous certaines
conditions, l'entrepreneuriat peut être étendu au développement d'organisations
antérieurement impulsées (cas par exemple de la reprise d'entreprise). Il ne se
restreint aucunement à la création d’entreprise (d’autant plus que, certes
paradoxalement aux yeux de certains, toute création ne constitue pas un acte
entrepreneurial) et revêt des formes d’expression multiples [T. Verstraete, 2000].

Le terme impulsion a son importance dans l'entrepreneuriat. Il ne renvoie pas


seulement et forcément à la soudaineté et à la brièveté d’une force exerçant une
action en vue de modifier un état donné, mais concerne également le
développement, le dynamisme d’une activité, d’une entreprise. Aussi, à côté du
mouvement déclenché par l'entrepreneur, on n'oubliera pas que l'entrepreneuriat
suppose persistance dans cette impulsion. Lorsque cet aspect dynamique n'est
plus présent, la dialectique individu-organisation ne relève plus de
l'entrepreneuriat. Ainsi pourrait-on distinguer la dialectique dirigeant-
organisation de certaines PME non entreprenantes de la dialectique
entrepreneur-organisation. Ainsi, pourrait-on aussi distinguer l'entrepreneuriat
des stratégies entrepreneuriales. En effet, lorsque l’impulsion devient l’œuvre des
membres de l’organisation et non plus celle de l’individu l’ayant initié, on
basculerait d’un champ à l’autre. Mais sans doute est-ce là que réside le
recouvrement des champs. Parler tantôt de corporate entrepeneurship, tantôt de
stratégie entrepreneuriale, concerne davantage la dimension organisationnelle
du phénomène. L’association des termes est légitime. Ce n'est pas parce que la
relation dialectique entrepreneur-organisation n'existe plus, que l'entité née du
phénomène entrepreneurial ne sait relayer l'initiateur dans la poursuite de
l'impulsion. S'il ne faut pas confondre entrepreneuriat et stratégie
entrepreneuriale, on peut voir la seconde comme le désir marqué de l'entité ou de
ceux qui la gouvernent de déployer des attitudes relevant du comportement que
l'on prête aux entrepreneurs.

5
Une seconde articulation des champs trouve son origine dans le travail de J.A.
Schumpeter. La pensée de cet auteur est la plupart du temps réduite pour faire
de l’innovation la clé de la compétitivité et de l’entrepreneur le destructeur de
l’équilibre économique (le célèbre processus de destruction créatrice), ces deux
facteurs constituant les fondements de l’évolution économique. Sans qu’ils s’y
réfèrent toujours explicitement, cette approche guide les chercheurs en
management stratégique défendant la nécessité de déployer des stratégies
entrepreneuriales. En y ajoutant les discours sur la mobilisation du potentiel
humain de l’entreprise par la créativité et l’autonomie, on entre dans « l’âge
entrepreneurial » pour les uns [ex : G.D. Meyer, K.A. Heppard, 2000], dans « l’âge
de la créativité » pour les autres [ex : J. Kao, 1996].

1.2. Une acception schumpétérienne de l’entreprise

Avant de présenter succinctement les caractéristiques de l’entreprise et de


l’entrepreneur vues par J.A. Schumpeter2, il est utile de rappeler que son analyse
ne sert pas, a priori, la stratégie de l’entreprise, même s’il invite celle-ci à
développer des « intentions stratégiques » [1947, voir page 123 de la version
française de 1990], et même si dans l’étude des cycles d’affaires il tient ces
propos : « toute tentative de faire les choses différemment dans le domaine de la
vie économique devrait être considérée comme une innovation susceptible de
fournir un avantage temporaire, et des profits, à une firme » [1939, p.84].

Son œuvre s’inscrit dans une triple perspective (économique, historique et


sociologique) pour théoriser, entre autres, sur l’évolution du système capitaliste.
Dans la théorie de l’évolution économique [1935], au sein d’un chapitre consacré
aux fondements de cette évolution, J.A. Schumpeter livre sa conception de
l’entreprise et de l’entrepreneur :
- l’entreprise est l’exécution de nouvelles combinaisons et leurs réalisations
dans des exploitations ; ces nouvelles combinaisons ou réalisations correspondent
à de nouveaux objets de consommation (produits, services ou matières
premières), de nouvelles méthodes de production et de transport, de nouveaux
marchés ou de nouveaux types d’organisation industrielle ;
- l’entrepreneur est l’activateur de cette exécution, sans qu’il soit forcément ni
le propriétaire, en tout ou partie d’ailleurs, des moyens mis en œuvre, ni le
découvreur ou l’inventeur des nouvelles combinaisons, et sans que l’exécution soit
forcément réalisée au sein de ce qu’on appelle une firme.
Entrepreneur est une fonction, généralement temporaire. Celle-ci n’est risquée
que si l’individu engage ses deniers (il combine alors les fonctions distinctes
d’entrepreneur et de capitaliste). Elle n’est pas automatiquement reliée aux
nécessités de gestion. Schumpeter distingue ainsi l’entrepreneur du gestionnaire.
Le premier exécute de nouvelles combinaisons et perd son caractère
entrepreneurial lorsqu’il se contente de poursuivre l’exploitation de l’entreprise

2
Nous n’effectuerons pas de comparaison avec d’autres approches (Marx, Say, Cantillon, Sombart, Keynes, Knight,
Leibenstein). Pour une analyse historique, voir S. Boutillier, D. Uzunidis [1995, 1999]

6
créée. Là réside la distinction, reprise par P.F. Drucker [1964] et A.D. Chandler
[1994], entre fonction administrative et fonction entrepreneuriale3.

L’entrepreneur réalise : « quelque chose d’autre que ce qui est accompli par la
conduite habituelle » [1935, p.116]. Il possède « un coup d’œil » particulier et sait
agir en dehors « de la routine » ; il ne suit pas le chemin, il le construit ; il ne suit
pas un plan, il l’élabore. « Le nouveau est une image d’une image » [p.120].
Imposer cette nouveauté n’est pas sans difficulté.
Par exemple, l’entrepreneur ne dispose pas d’une information aussi complète
que s’il était resté dans les « voies habituelles ». Il doit « deviner ». Le passage
suivant est intéressant à cet égard : « les actions et les réactions de l’entreprise
projetée ne peuvent être saisies de manière à être entièrement connues et
épuisées … pour le succès tout dépend du coup d’œil, de la capacité de voir les
choses d’une manière que l’expérience confirme ensuite » [p.122].
Schumpeter relève une autre difficulté majeure. Elle concerne la conduite de
l’agent. Ce dernier se heurte au défi de faire du nouveau alors qu’il est plus aisé
de faire ce qui est accoutumé. Schumpeter appuie son argumentation sur
l’histoire des sciences pour démontrer les difficultés d’assimilation d’une nouvelle
conception scientifique, la pensée revenant toujours dans « la voie accoutumée ».
Dès lors, la volonté doit être de conquête et l’agent doit voir, dans l’élaboration de
nouvelles combinaisons, des possibilités réelles et non un rêve ou un jeu. « Cette
liberté d’esprit suppose une force qui dépasse de beaucoup les exigences de la vie
quotidienne, elle est par nature quelque chose de spécifique et de rare » [p.123].
Autrement dit, l’esprit d’entreprise et la capacité à se forger la vision associée
sont des ressources rares mises au service de réalisations spécifiques et
singulières sortant des cadres habituels. Conséquemment, le milieu social oppose
une réaction « à celui qui veut faire du nouveau en général ou spécialement en
matière économique » [p.123].

En extrapolant ces difficultés aux discours actuels, elles relèvent finalement la


nécessité d’une vision, d’une intention stratégique, d’un esprit d’entreprise et
d’une capacité à convaincre le milieu d’adhérer au registre conventionnel proposé
relativement aux affaires envisagées. La conception schumpétérienne de
l’entreprise permet de mettre en exergue la grande difficulté à convaincre4. La
perspective d’exécution de nouvelles combinaisons place les parties prenantes
face à l’inconnu. Mais l’exercice de conviction surmonté, l’exécution des nouvelles
combinaisons imprime un mouvement dynamique d’évolution en détruisant les
éléments vieillis pour les remplacer par des éléments neufs. C’est dans ce
mouvement que réside l’essence de la « destruction créatrice », processus de long
terme engagé par le système capitaliste. En ce sens, il importe moins d’étudier
comment le système gère les structures en place, que de saisir comment il crée
puis détruit ces structures [J.A. Schumpeter, 1947].

3
La conception de J.A. Schumpeter de la gestion est réduite à une fonction avant tout administrative. Cette assertion est
contestable et conduit à faire de l’entrepreneur un être mythique. H. Bouchikhi dénonce la dichotomie entrepreneur-
gestionnaire
4
ne présentant aucune validité scientifique.
Pour une utilisation de la théorie des conventions, articulée à la théorie des représentations sociales dans l’étude de
l’entrepreneuriat, voir T. Verstraete [1999].

7
Dans cette veine, pour une firme, grande ou petite, les stratégies
entrepreneuriales consistent à développer ses compétences dans l’élaboration de
nouvelles combinaisons (essence de l’entreprise) plus vite et mieux que les
concurrents [on rejoint les propos de G. Hamel et C.K. Prahalad]. Ainsi, en
s’inscrivant dans le processus de destruction créatrice, par l’innovation, une firme
prend un avantage en posant les règles du jeu de demain, en construisant le
chemin plutôt qu’en empruntant celui tracé par d’autres. Pour y parvenir, elle
doit apporter suffisamment de valeur aux parties prenantes pour que celles-ci
acceptent d’adhérer au registre conventionnel qu’elle propose. Encore faut-il que
les membres de l’organisation adoptent la vision de l’entrepreneur ou celle que la
direction générale cherche à faire partager.

1.3 Nécessité de ressources humaines motivées, créatives et


relativement autonomes

Pour tout projet de nature entrepreneuriale, l’entrepreneur doit posséder des


intentions et une vision claire, à transmettre au sein de l’organisation. Mais,
idéalement, pour que les membres de l’organisation empruntent avec
l’entrepreneur le chemin sortant de l’accoutumé, encore leur faut-il posséder
quelques aptitudes entrepreneuriales. Sans en faire résolument des
entrepreneurs, il n’est pas difficile d’admettre que leur capacité à participer à la
réalisation d’une stratégie entrepreneuriale sera optimisée par le développement
de leur volonté, de leur ténacité, de leur imagination, de leur attirance pour le
nouveau, etc. Il existe une certaine utopie à vouloir inculquer chez les salariés les
caractéristiques que l’on prête aux entrepreneurs. D’autant plus que, finalement,
la firme pourrait se retrouver à la tête d’une horde d’individus assoiffés
d’indépendance et désirant entreprendre pour eux-mêmes (passer de
l’intrapreneur à l’entrepreneur). Comme le précisent C. Beaucourt et P. Louart
[2000], il ne faut pas confondre les qualités d’entrepreneur et le substrat socio-
cognitif qui lui sert d’assise5.

Une insistance est généralement faite sur le critère de créativité, essentiel


dans une organisation préoccupée par l’innovation. Pour innover sur le marché, une
organisation doit elle-même savoir instaurer l’innovation en son sein. En la
matière, toute innovation commence par une incitation à la pensée créative [T.M.
Amabile, R. Conti, H. Coon, J. Lazenby, M. Herron, 1996]. Dans le contexte
organisationnel des affaires, la créativité est la production, par un individu ou un
groupe d’individus, d’idées nouvelles et utiles relatives aux produits, processus,
procédures, services, etc. ; l’innovation correspond à l’implémentation réussie de ces
idées au sein de l’organisation [T.M. Amabile, 1988].

Pour J. Kao [1996], ce serait « l'âge de la créativité » pour diverses raisons. Le


premier point qu'il mentionne concerne les technologies de l'information. Elles
étendent de façon spectaculaire l'espace de la pensée spéculative. Dans des marchés
se globalisant, elles servent la créativité en favorisant l'interaction entre individus
de cultures différentes et en exploitant leur diversité. Autre point : la créativité

5
On consultera avec beaucoup d’intérêt le chapitre de ces auteurs, posant des questions fondamentales s’agissant des bases
d’une GRH centrée la régulation et l’incitation à ce qu’ils appellent « l’entrepreneuriat salarial ».

8
permet d'entretenir, de rendre plus accessible et plus utilisable les connaissances et
les compétences des salariés. Elle est un outil de flexibilité, d'adaptabilité et l'on
s'accorde désormais pour reconnaître que le potentiel créatif est partout dans la
firme, du sommet de la hiérarchie à sa base [voir aussi A.F. Osborn, 1988 ; W.B.
Nilsson, 1994]. Enfin, les comportements des clients imposent de telles exigences
notamment en matière de nouveauté, qu'une firme ne sachant utiliser son potentiel
créatif ne saurait répondre aux enjeux du marché. Selon T.D. Kuczmarski [1996],
on peut repérer ce potentiel dans le discours des salariés. Lorsque l’esprit
d’innovation les gagne, leurs propos mettent en avant l'intérêt des clients, le leur
n’est pas la préoccupation première. Bref : "l'avenir est de plus en plus incertain, la
technologie se développe à un rythme effréné, les marchés éclatent et le client-roi
ne promet plus fidélité" [C. Carrier, 1997, p.1]. C. Carrier poursuit en insistant sur
le fait que le jeu complexe auquel se livrent les firmes les oblige à dépasser la pure
logique pour mobiliser l'imagination créatrice, force motrice du développement.

L’environnement est aussi un facteur important dans la promotion de la


créativité. Il influence notamment l'intensité du potentiel créatif et la fréquence de
sa sollicitation. L'accès à l'information, la motivation intrinsèque de l'individu et du
groupe, le type de tâches confiées au salarié, les mécanismes de mémorisation mis à
sa disposition pour se rappeler de la connaissance disponible, la possibilité de
transférer l'apprentissage issu de la résolution de problèmes antérieurement
survenus sont également des facteurs influençant la promotion de la créativité et de
l'innovation [O.E. Khalil, 1996]. Selon G. Oldham et A. Cummings [1996], la
créativité intrinsèque de l'individu s'exprime d'autant mieux que la tâche est
complexe, qu'il ne se sent pas contrôlé au sens péjoratif du terme et qu'il ressent le
soutien des autres (les deux derniers points jouant sur le désir de quitter
l'entreprise ou d'y rester). A ce titre, le soutien de la hiérarchie est un point
essentiel.

Ces différents points sont relevés dans le modèle proposé par T.M. Amabile.
Elle identifie deux familles de critères favorisant la créativité dans l’organisation.
La première concerne la créativité des individus, laquelle résulte de trois
dimensions : l’expertise (connaissances techniques, intellectuelles, etc.), la pensée
créative (capacité à résoudre les problèmes, à transformer les idées en nouvelles
combinaisons, etc.) et la motivation (extrinsèque ou intrinsèque). La motivation
extrinsèque est liée à une récompense attendue (ex : rémunération). La
motivation intrinsèque est plus forte, comme par exemple une passion animant
l’individu.
La deuxième famille de critères concerne l’environnement organisationnel au
sein duquel la créativité trouve à s’exprimer. Le type de management à
développer compose avec l’autonomie laissée au salarié, la clarté des projets
menés, les ressources mises à disposition pour les réaliser, l’aspect challenge, etc.
Pour favoriser la créativité, il faut lui offrir un environnement favorable [pour
une tentative d’opérationalisation du modèle, voir T.M. Amabile, R. Conti, H.
Coon, J. Lazenby, M. Herron, 1996].
On retrouve, ici, certains aspects des théories de la motivation, bien connues de
nos collègues de gestion des ressources humaines.

9
Evidemment, les chefs d’entreprise français ne sont pas bien à l’aise avec une
conception du management provoquant chez eux la crainte de perdre en contrôle.
Il faut avouer que peu d’entre eux basent ce contrôle consciemment sur le
triptyque finalisation-organisation-animation [P. Tabatoni, P. Jarniou, 1975].
Corrélativement à l’autonomie donnée, le leader doit développer une vision
claire dans laquelle les salariés vont trouver un guide pour l’action, et dans une
certaine mesure des valeurs à partager. J.C. Collins et W.C. Lazier [1992]
utilisent les expressions « Touch the Spirit » et « Touching People’s Spirit » pour
décrire l’élément indispensable pour qu’une vision soit partagée dans
l’organisation, en fait, pour qu’une vision, par essence idiosyncratique, devienne
un concept organisationnel guidant les membres de l’organisation. Cela rejoint la
notion de contrôle a priori par la culture d’entreprise et les théories de
l’apprentissage organisationnel.

Auparavant, on se souciait moins de développer la créativité et l’innovation


dans les organisations. Les cycles étaient plus longs qu’aujourd’hui. Lorsqu’une
innovation apparaissait, le temps qu’elle soit imitée ou qu’elle donne quelques
idées à la concurrence, l’initiateur bénéficiait de perspectives de rentabilisation.
Pour maximiser ces dernières, le mot d’ordre pouvait être de rationaliser tout ce
qui pouvait l’être, notamment en érigeant routines et procédures. Mais sous
l’action cumulée de la globalisation des marchés et de la rapidité croissante de
circulation de l’information, les choses s’accélèrent substantiellement et les
opportunités d’affaires sont vite repérées. Pour garder l’avantage tiré d’une
innovation, la meilleure protection ne consiste plus dans le dépôt de brevets.
Toute invention brevetée est imitée ou copiée très rapidement [J.L. Badaracco,
1991 ; E. Mansfield, M. Schwartz, S. Wagner 1981]. De ce fait, hormis dans le
secteur de la chimie et celui de la pharmacie, la protection par brevet est moins
utilisée car moins efficace [R.A. Bettis, M.A. Hitt, 1995]. Pour garder son
avantage, la firme innovante doit exploiter ses ressources les plus rares : sa
capacité à créer (trouver de nouvelles idées), à innover (transformer les idées en
nouvelles combinaisons) et à entreprendre (activer ces combinaisons). Un tel
avantage suppose de disposer des ressources humaines afférentes, de les avoir
développées en quelque chose de difficilement imitable (cf. l’approche Resource
Based View). Apprendre, et dans une certaine mesure désapprendre par une
remise en cause des schémas trop unificateurs, constitue à ce titre le premier
type d’investissement pour favoriser les opportunités de création. Alors que dans
la plupart des cas l’investissement immatériel suit l’investissement matériel, les
stratégies entrepreneuriales les placent au même niveau, voire inversent parfois
la tendance.

Dans ce contexte, nous nous sommes posé la question des modèles pouvant
servir l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie. Ce questionnement fut
provoqué par quelques lectures condamnant les modèles existants. Pour notre
part, nous avons convoqué une notion bien connue du stratège, celle de FCS, pour
la soumettre au cadre posé par les stratégies entrepreneuriales. La raison de ce
choix est double. D’une part, c’est une des plus anciennes et elle est à la base de
modèles dont tous les manuels rendent compte. Ainsi, en la réhabilitant, peut-
être quelques idées seront données pour une « nouvelle combinaison » de ces

10
modèles. D’autre part, tant dans la théorie que dans la pratique et
l’enseignement, elle nous séduit par son pragmatisme.

2. Passer d'une approche cartésienne à une approche systémique et


socio-cognitive de la notion de FCS

La notion de FCS est largement répandue, bien que moins employée


qu’auparavant dans les recherches, peut-être en raison d’une vulgarisation
nuisant à sa mobilisation académique, mais aussi sans doute par l’ambition de
paradigmes récents plus séduisants sur le plan intellectuel. Elle participe
pourtant au fondement du paradigme du contrôle d’entreprise [R.N. Anthony, J.
Dearden et R.F. Vancil, 1972 ; H. Bouquin, 1986, 1993, 1997 ; J.L. Ardoin, D.
Michel, J. Schmidt, 1986] dont les enseignants-chercheurs peuvent tester la
pertinence tant dans les pratiques que dans les enseignements. Certes, apparue
lors d’une phase de « scientifisation » de la pensée administrative, elle nécessite
un réexamen afin d’assouplir son caractère objectiviste. A cette condition, elle
reste d’une pertinente actualité.

Après un bref rappel de sa teneur originelle (première section), nous en


proposons une conception socio-cognitive (seconde section), pour finalement
démontrer de son utilité dans les réflexions mêlant stratégie et entrepreneuriat
(troisième section).

2.1. Origine et nécessaire évolution de la notion de FCS

La notion de FCS aurait comme origine la publication, en 1961 dans la


Harvard Business Review, d’une étude de R.D. Daniel [1961] portant sur l’i-
nadéquation du système d’information au management. Cet auteur constate
qu'après la seconde guerre mondiale, trois facteurs ont eu un impact significatif
sur les modes de structuration des entreprises : une forte croissance, une
diversification et une internationalisation des marchés (qui n'a cessé depuis).
Malgré ces tendances, les systèmes d'information étaient restés statiques.
Pourtant, les changements organisationnels ont fait apparaître de nouveaux
métiers, de nouvelles responsabilités, de nouvelles autorités décisionnelles
entraînant de nouveaux besoins en information aussi bien d’origine externe
(environnement politique, social, compétitif, …), qu'interne (permettant
d'analyser les forces et faiblesses de la firme). Outre les données de nature
quantitative, constituants essentiels du système d’information à l’époque, le
besoin d’informations sur des variables de nature plus qualitative s’est fait
sentir. À la firme d’identifier parmi ces deux types de variables les success
factors6. Pour Daniel, ils sont généralement de l'ordre de cinq à six. Le système
d'information, la planification et le contrôle doivent se focaliser sur la maîtrise de
ces facteurs7.

6
Daniel utilise ce terme, celui de Key Success Factor serait du cabinet AD Little. Mais les nombreux vocables employés
("signes vitaux", "facteurs stratégiques de l’industrie", etc.) témoignent d'un relatif flou, ce qui est dans le fond
symptomatique
7
d'une notion ne constituant pas véritablement un concept.
En pédagogie, nous prenons un exemple certes trivial, mais très parlant, de FCS : le délai de livraison pour une société de
livraison de pizzas à domicile.

11
Avec cette idée, la notion de FCS naissait. Le tableau placé en annexe livre
quelques définitions données par la littérature depuis maintenant près de trois
décennies.

Dans la droite ligne des recommandations de R.D. Daniel, J. F. Rockart [1979]


s'inspirent des travaux du MIT (Massachusetts Institute of Technology), pour
présenter une méthode destinée à déterminer les informations dont ont
réellement besoin les managers pour diriger. Il propose de relativiser la notion de
FCS à chaque manager. Ces derniers, d'une part, ne peuvent tout traiter ne
serait-ce qu'en raison de limites cognitives, d'autre part, n'ont pas besoin d'une
remontée exhaustive en information pour réaliser les tâches qui leur sont
confiées. Dès lors, l'auteur propose de filtrer et d'extraire d'une base de données
construite à cet effet, les informations vraiment utiles au manager8. Ainsi,
chaque manager, quel que soit son niveau hiérarchique, dispose d'une
information pertinente, pondérée et mesurée. Les informations s'agrègent au fur
et à mesure qu'on s'approche du sommet de l'entreprise et, inversement, se
déclinent plus on s'approche de la base opérationnelle. Cet aller-retour permet
d'assurer une certaine cohérence à l'ensemble tout en permettant la remontée de
facteurs que les acteurs en prise directe avec le terrain sont susceptibles de
relever. La stratégie devient l'affaire de tous, quelle que soit la taille de
l'entreprise, la maîtrise globale étant conditionnée par des contrôles locaux.

L'idée de maîtrise renvoie à un paradigme bien connu du contrôle, résumé par


R.N. Anthony, J. Dearden et R.F. Vancil, [1972]9 : « le système de contrôle doit
être adapté à l'industrie dans laquelle l'entreprise opère et aux stratégies
spécifiques qu'elle a adoptées ; il doit identifier les facteurs critiques de succès
qui devraient faire l'objet d'une attention constante et soignée pour que
l'entreprise soit efficace et éclairer la performance en regard de ces variables clés
à tous les niveaux de gestion ». La maîtrise des facteurs passe par leur traduction
en actions, ainsi s'établit le lien entre la stratégie et l'opérationnel. Chaque
activité doit être maîtrisée pour que les FCS le soient, ou tentent de l’être10. Il
peut en effet y avoir des FCS que l’entreprise ne peut maîtriser, faute de posséder
suffisamment de ressources (financières, compétences, …) nécessaires à la mise
en œuvre des activités afférentes et à leur coordination ou, plus simplement,
parce que ces facteurs ne peuvent être maîtrisés. Nous proposons d'appeler ce
type des « facteurs stratégiques de risque » (FSR dans la suite du texte)11.

8
Préfigurant ainsi ce que l'on dénomme à présent "EIS" (Executive Information Systems, ou Enterprise Information System
selon M. Gervais, 1997). Un EIS a comme fonction de fournir aux managers un accès facile à l’information [voir Watson,
Rainer & Koh, 1991]. Selon Gervais [1991] : Un EIS est un outil informatique qui met au point, filtre et organise
l’information du manager afin que ce dernier en tire le meilleur parti. Le dirigeant peut ainsi se concentrer sur l’information
qui l’intéresse réellement, sans se perdre dans des données secondaires foisonnantes.
9
S’agissant de cette acception du contrôle voir aussi Bouquin [1986, 1991, 1997], Ardoin, Michel & Schmidt [1986],
Anthony
10
[1965, 1988].
C’est dans ce principe aussi que se fonde la pertinence d’une comptabilité basée sur les activités puisque c’est le coût et la
valeur dégagée par les activités engagées pour la maîtrise des facteurs qu’il est pertinent de mesurer. Les auteurs travaillant
sur
11
ces questions fondent généralement leur développement sur la conception de M.E. Porter [1986] de la chaîne de valeur.
Notre acception est plus large que celle récemment proposée par H. Bouquin [1997], qui nous a inspiré pour le
développement de cette notion. H. Bouquin identifie deux FSR. Le premier résulte du caractère spéculatif de la stratégie et
doit conduire à la mise en place de procédures d’alerte. Le second concerne la déclinaison de la stratégie et plus
spécifiquement le "risque d’agence", lequel traduit la divergence des intérêts d'une hiérarchie avec ses subalternes. Ces deux
FSR s’intègre à notre proposition.

12
Un FSR se distingue d’un FCS parce qu’il n’est pas maîtrisable, soit
temporairement, soit définitivement. Ainsi, les conditions météorologiques
peuvent être qualifiées de FSR pour une entreprise agricole. Elles influencent
l’évolution de ses résultats. L’exploitant peut prévoir des parades (serres,
drainage, etc.) à certaines conditions défavorables, mais ne peut maîtriser les
aléas climatiques. Ainsi vu, un FSR serait une donnée exogène avec laquelle il
faut composer, notamment en prévoyant des parades à ses influences
éventuellement néfastes (car, après tout, les conditions météorologiques, ayant
servi ici d’illustration, peuvent être favorables). Mais on n'oubliera pas que les
facteurs a priori internes peuvent aussi être FSR. Au sein d'une firme, des
"désordres", par exemple certains conflits, peuvent contrarier l'atteinte du futur
désiré par la direction générale12. L'identification des facteurs susceptibles
d'influencer la trajectoire souhaitée est faussement simple et dépasse le cadre
rationnel ayant prévalu dans certains manuels présentant essentiellement les
modèles dits "d'adaptation". Attachée à ces modèles stratégiques, l'utilisation de
la notion de FCS s'est soit trouvée délaissée, soit, à l'opposé, relativisée à tout
type de projet (on entend parler des FCS de l'internationalisation, du passage en
norme ISO, du lancement de nouveaux produits, du management de projets, des
FCS de la création d'entreprise, etc., J-L. Chaix [1996] s'amusant à relever un
texte publicitaire parlant des FCS d'une cure d'amaigrissement…). La notion
s'est banalisée au point de faire oublier son caractère résolument stratégique et
fondamental. Elle s'est diluée et a perdu de son corps lors de l'évolution de la
pensée stratégique (sans doute est-ce le prix de la vulgarisation). Outre cet
aspect, il faut bien avouer que le contexte lors duquel elle est apparue n’incite pas
à son emploi.

En nous appuyant sur M. Audet et R. Déry [1996], on peut considérer


l’avènement de la notion de FCS lors de ce que ces auteurs appellent la phase de
« scientifisation » des sciences de l'administration13. Cette phase s'est exprimée
par une appropriation du discours scientiste à partir des années 1900, dont
l'organisation scientifique du travail de Taylor et les principes de direction de
Fayol sont devenus des modèles paradigmatiques. A cette époque, la science
relève d'une orthodoxie qu'on pourrait qualifier d'objective. Pour être science, la
gestion devait posséder une image unitaire et s'inscrire dans cette orthodoxie. Ce
n’est qu’à partir de 1970, que des perspectives historiographiques et sociologiques
s'intéressent davantage aux pratiques concrètes de production des connaissances
plutôt qu'aux conditions de leur validité formelle. Elles mettent à jour un
pluralisme épistémologique. Depuis 1980 environ, l'organisation et les acteurs
qui la composent sont reconnus comme producteurs de connaissances, comme
pensants, apprenants et susceptibles d'outrepasser les conditions qui leur sont
imposées, voire de construire ces conditions. L'approche cognitive de la stratégie
en est un probant exemple. Si la notion de FCS apparaît durant la phase de
scientifisation, sa mobilisation reste pertinente dès lors qu'on accepte de suivre

12
Nous proposons de distinguer trois types d’ordre dans l'organisation : le symbiotique, le commensal et le parasite.
Rappelons que le commensal vit sur son hôte en détournant une partie de la nourriture de ce dernier mais sans lui causer
préjudice, tandis que le parasite infecte son hôte et peut causer sa mort. À l’inverse, dans une relation symbiotique, les
protagonistes bénéficient réciproquement des apports des autres.
13
Nous considérons que les sciences de l’administation, terminologie québécoise, sont identiques aux sciences de gestion,
même si une étude épistémologique peut faire apparaître quelques différences.

13
l'évolution de la pensée stratégique, notamment en cessant de prendre
systématiquement ces facteurs comme des données exogènes et objectives. Mais
est-il possible de la faire évoluer pour la mettre au service des stratégies
entrepreneuriales ?

2.2. Pour une approche socio-cognitive des FCS

Dans les démarches stratégiques apparues lors de ce que Audet et Déry


appellent la phase de scientifisation, dont le modèle SWOT constitue l'archétype,
toute organisation devait se fixer des buts au regard, d'une part, des opportunités
et des menaces repérées dans l'environnement, d'autre part, de ses forces et de
ses faiblesses. Sans revenir sur les avantages et inconvénients de ce type
d'approches14, un point focal transcende les contextes stratégiques. Il réside dans
le désir de l'entrepreneur et/ou de l'organisation d'atteindre un futur, souvent
dénommé "but", et dont la réalisation suppose de passer par des "objectifs"
intermédiaires datés et chiffrés. Cette terminologie est controversée.
S'agissant des "objectifs", le terme lui-même trahit la quintessence cartésienne
de la phase de scientifisation de la pensée stratégique. S'agissant du "but", G.
Kœnig s'en est fait l'écho en ces termes : « les buts ne sont qu’une manière
commode de désigner le produit d’interactions complexes entre des projets (qu’il
ne faudrait tout de même pas évacuer), des phénomènes émergents et des
opportunités » [1990, p.15]. D'autres arguments soulignent le simplisme et
l’illusion du but : les jeux entre des acteurs défendant leurs propres intérêts ne
peuvent laisser croire en une conception unitaire du but de l'organisation (cf. les
théories socio-politiques des organisations) ; les buts se précisent et s'amendent
dans l'action (cf. la sociologie de l’action); les buts, sous réserve que les acteurs en
aient une idée claire, ne sont pas forcément avoués, etc. (on pourrait ici
convoquer les travaux de R.M. Cyert et J.G. March, 1963). Tout autant que la
réalité future qu'il voudrait décrire, le but est équivoque, c'est-à-dire qu'il conduit
à des interprétations multiples. Depuis les travaux de K.E. Weick [1979, 1995],
l'équivocité est reprise en gestion pour dépasser le caractère trop rationnel des
approches traditionnelles en conférant aux schémas d'interprétation et à l'action
les rênes de la conduite organisationnelle. Ce que la commodité conduit à appeler
but peut se retrouver dans les schèmes cognitifs des individus, notamment chez
l’entrepreneur [P. Cossette, 1989, 1994 ; T. Verstraete, 1997]. Pour comprendre
comment les représentations mentales de l'entrepreneur guident ses
agissements, il est nécessaire de mobiliser des notions, concepts et théories issus
principalement de la psychologie (notamment cognitive, voir A. Weil-Barais
[1993], R. Ghiglione et al. [1990], J.-F. Richard [1990]) et de la sociologie
(notamment de la sociologie de l'action, voir L. Quéré [1993]). Bien qu'il soit
essentiel d'appréhender les fondements légitimant une focalisation sur l'univers
cognitif de l'acteur agissant, nous n'allons pas nous y attarder en prenant
quelques raccourcis permettant de tirer d’un précédent travail [T. Verstraete,
1999] les éléments signifiants s'agissant du lien entre vision et action
stratégique.

14
Le lecteur se réfèrera par exemple à A. Desreumaux [1993], G. Kœnig [1996].

14
Dans la littérature en stratégie, le terme "vision" prend, plutôt, une dimension
organisationnelle alors que dans la littérature en entrepreneuriat elle reste
attachée aux représentations de l'entrepreneur. Nous nous bornerons ici à
restituer quelques éléments convergents des différentes conceptions, tout en
écartant les approches amalgamant vision et mission.

Le concept de vision fait référence à une représentation, plus ou moins


partagée, d'un futur désiré pour l'entrepreneur et/ou les membres de
l'organisation qu'il impulse. "Pour choisir une orientation, le dirigeant doit
d’abord s’être fait une image mentale d’un état futur possible et souhaitable de
l’organisation" [W. Bennis, B. Nanus , 1985, p.78]. Cette dénomination met en
avant la capacité d’anticipation de l'entrepreneur, sa faculté à penser un avenir
vers lequel il va chercher à tendre. L'entrepreneur est un « visionnaire », non pas
dans une acception divinatoire ou surnaturelle, mais dans une conception plus
prosaïque qui consiste à avoir une représentation relativement claire de
l'organisation qui va naître et de la place qu'elle va essayer d’occuper dans
l'environnement. En cela, ce dernier devrait également occuper bonne place dans
la vision de l’entrepreneur, qu’il s’agisse de s’insérer dans un marché existant ou
d’imaginer ce que peut devenir le marché (cf. Internet par exemple). Il ne s’agit
pas de tomber dans l’attrape-tout cognitif condamné par H. Laroche et J.-P.
Nioche [1994], mais force est de reconnaître que dans le cadre des jeunes et
petites entités, la stratégie, qui peut être définit comme "une configuration
voulue du futur de la firme" [M.-J. Avenier, 1988, p.123], est la plupart des cas
mentale et non formalisée. La vision stratégique serait ainsi "une dynamique de
construction mentale d’un futur souhaité et possible pour une entreprise" [J.B.
Carrière, 1991, p.304] ou, selon Filion [1991, 1995] : une image, projetée dans le
futur, de la place qu’on veut voir occupée par ses produits sur le marché, ainsi
que l’image du type d’organisation dont on a besoin pour y parvenir. Dans les
contextes entrepreneuriaux, la vision est relevée par nombre de recherches
comme un critère essentiel de performance [A. Van de Ven, R. Huston, D.M.
Schroeder, 1984 ; C.W. Ginn, D.L. Sexton, 1989 ; B. Bird ; J.B. Carrière, 1991 ; J.-
M. Nkongolo-Bakenka, G. d’Amboise, B. Garnier, 1994 ; L.J. Filion, 1991 ; T.
Verstraete, 1999]. Ces études démontrent l’incidence d’une vision claire et
diffusée sur la pérennité des entités.

La construction d'une vision se forge sur la base de différents éléments, dont


les principaux sont sans doute l'expérience de l'individu, ses relations, ses
aspirations et motivations, ainsi que le contexte économique, politique et social
dans lequel il évolue. En fait, elle relève d'éléments de nature « dispositionnelle »
et d'éléments de nature « situationnelle ».
Certes on rejoint, dans une certaine mesure, la dichotomie analyse interne (forces
et faiblesses de l'entrepreneur) - analyse externe (attentes des parties prenantes
de la situation). Mais cette distinction n'a qu'une visée analytique, il en est de
même pour l’organisation impulsée par l’entrepreneur. En effet, cette
organisation s'imbrique avec l'organisation socio-économique dans laquelle elle
émerge. La dichotomie interne-externe est floue. Les formes organisationnelles
résultant du phénomène entrepreneurial n'ont pas de frontière topologique. Plus
largement : "la réalité n’est pas celle d’organisations aux frontières parfaitement

15
définies, dans l’espace et le temps ; elle n’est pas non plus celle d’entités
complètement et immédiatement repérables et identifiables du point de vue
stratégique et/ou organisationnel" [J.-P. Bréchet, 1994]. La conception
systémique de l'organisation démontre que toute organisation s'imbrique à
d'autres organisations de type plus ou moins proche selon le découpage artificiel
auquel nous procédons pour rendre "notre" monde intelligible. Friedberg [1993]
parle d'interstructuration, processus transcendant les frontières d'organisations
pensées en termes d'entités cloisonnées : "la délimitation de l’organisation en tant
qu’objet d’étude ne peut plus se faire a priori à partir de critères formels tels que,
par exemple, l’appartenance ou la non-appartenance". Les frontières d’une entité
ou son degré d’ouverture ou de fermeture ne sont pas stables et varient selon les
circonstances, les problèmes, les enjeux, la capacité de ses membres à jouer de ses
frontières. Dès lors, il devient moins pertinent de procéder à un repérage des
facteurs internes/externes à l'organisation pour servir la stratégie de
l'entrepreneur que de relever les facteurs autour desquels il construit sa vision.

Selon K.E. Weick [1979], l’individu procède à une sélection de schèmes,


prenant la forme de cartes causales, plaqués à une situation pour lui donner du
sens15. Il retient de ce processus les schèmes lui offrant une intelligibilité de la
situation. Chaque acteur de l’organisation procède ainsi et possède une carte
cognitive de son univers organisationnel [K.E. Weick, M. Bougon, 1986]. Ce
dernier, dans son acception dynamique, est un processus de co-évolution
résultant de la perception, de la cognition et des actions des individus [K.E.
Weick, 1969, 1979]. Il appartient à l’entrepreneur ou à la direction générale de
déployer les méthodes adéquates pour que cette dynamique s’appuie sur une
même carte de base, c’est-à-dire une carte au sein de laquelle les concepts et liens
entre ces concepts font l’objet d’un partage [K.E. Weick, M. Bougon, 1990]16. Dans
la mesure où ces cartes résultent de l’expérience acquise dans l’action, les
théories de l’apprentissage organisationnel peuvent être convoquées. Sous
couvert d’une perspective managériale, K. Van der Heijden et C. Eden [1998]
considèrent que cet apprentissage est le fruit de négociations à la fois sociales et
psychologiques, et posent le débat afférent aux relations entre la cognition
idiosyncrasique et la cognition organisationnelle. Le véritable défi des entreprises
dans le paysage compétitif est d’apprendre plus vite que les autres, ce qui ne peut
se faire que s’il existe une vision partagée, sans tomber dans les travers d’une
homogénéisation de la pensée. En ce sens, la vision de chaque membre de
l’organisation doit se construire autour de la carte composite du système
entreprise. Dans la mesure où l’organisation impulsée n’est pas réduite à une
firme mais traduit plutôt un agencement structural dynamique et finalisé
étroitement lié à la vision que s’en fait l'entrepreneur, on peut discuter de
15
Ces cartes ne renvoient pas à une causalité au sens strict et étroit du terme. Les liens reliant les concepts d’une carte sont de
natures multiples, par exemple d’influences, de proximité, etc. [K.E. Weick, M. Bougon, 1986 ; A.S. Huff, V. Nappareddy,
K.E. Fletcher, 1990]
16
M. Bougon et Komocar [1994] parle de carte composite. Elle correspond à la superposition des cartes cognitives
idiosyncrasiques des acteurs du système. Par juxtaposition des facteurs, des liens et des boucles (celles-ci constituant les
primitives du changement), il serait possible de comprendre une organisation sociale. Les facteurs communs aux acteurs de
l’espace social, appelés « nœuds» par les auteurs, peuvent être assimilés à des interactions cognitives : « Les événements,
objets et concepts constituent les nœuds d’un système social... L’ensemble du système est créé et érigé à partir des nœuds de
chacun de ses membres » [p.63]16. Cette représentation de l’organisation sociale peut être, dans une certaine mesure,
rapprochée de celle qu’a Leibenstein [1979] de l’économie. Celle-ci y est vue comme formée de sentiers reliant des nœuds.
Le principal problème que cela pose dans le cadre entrepreneurial, est que la « toile » est, notamment dans les
environnements turbulents comme Internet, en perpétuelle recomposition.

16
l’insertion, dans ces membres, des autres parties prenantes (et non seulement des
salariés).
L’une des difficultés que rencontre le consultant ou le chercheur impliqué dans
une recherche action consiste à appréhender ce système complexe d’interactions
cognitives au centre duquel l’action joue un rôle crucial.

2.2. Quel outil pour relever les facteurs du changement ?

Sur le plan théorique, la combinaison de la notion de FCS, du concept de vision


stratégique et du modèle de "mise en scène" proposé par K.E. Weick [1979]
permet de comprendre comment l'entrepreneur, sur la base des facteurs qu'il
considère comme important pour la réalisation de son projet, s'efforce de rendre
l'organisation congruente à la représentation qu'il s'en fait. Elle offre également
les bases d’une articulation entre pensée individuelle et « pensée collective » (la
littérature fait également référence à la notion de paradigme collectif
terminologie nous semblant d’ailleurs plus appropriée puisque cette terminologie
traduit bien l'idée d'une adhésion à la "théorie" stratégique de l'entrepreneur). La
plupart des chercheurs s’investissant dans les problématiques posées par
l’ajustement des référentiels des acteurs de l’organisation mobilisent la
cartographie cognitive17 et en propose des utilisations pour guider le changement
stratégique.

Une investigation par la cartographie cognitive autorise la représentation


graphique des référentiels et l’identification des facteurs autour desquels se
construit la vision de l’individu. Elle fournit aussi un outil particulièrement riche
pour mettre au point cette vision [P. Cossette, 1989, 1994a, 1994b ; Verstraete,
1997a, 1997b]. Finalement, il nous semble que ce sont autour des FCS et FSR
que doivent s’articuler les visions des acteurs de l’organisation, sachant que
chacun, selon ses activités, décline la vision globale à sa situation locale. Nos
expériences de l’étude de telles cartes permettent quelques constats [1997, 1998].

La distinction interne-externe n'est qu'un résultat analytique18. La pensée de


l'entrepreneur est systémique et s'affranchit de la notion de frontière de la firme.
Explorer sa vision conforte l'idée selon laquelle l'organisation impulsée ne peut se
limiter aux frontières d'une entité strictement délimitée sur le plan physique, ou
même juridique.
L’étude des cartes confirme la difficulté à distinguer les facteurs stratégiques
des facteurs opérationnels. Conséquemment, il faut bien s'accorder aux propos
des spécialistes de la PME lorsqu'ils remarquent le caractère inadapté des outils
d'analyse stratégique développés à partir de l'étude des grandes, voire des très
grandes organisations. Mais, il s'agit moins de nier l'apport de ces modèles que de

17
Pour une large bibliographie, voir la page suivante http://www.banxia.com/dexplore/debiblio.html
Pour prendre connaissance de ce champ d’étude, consulter : H.P. Sims, D.A. Gioia [1986] ; A.S. Huff [1990] ; P. Cossette
[1994] ; C. Eden, J.-C. Spender [1998] ; ainsi que les numéros spéciaux des revues : Journal of Management Studies de mai
1992, Organization Science d'août 1994. Pour une utilisation de la cartographie cognitive dans un cadre collectif, on se
reportera au travail de F. Allard-Poesi [1997] ; dans un cadre entrepreneurial à T. Verstraete [1997].
18
Evidemment ces propos sont à pondérer sur la base de considérations juridiques. S’il n’existe pas de définition juridique de
l’entreprise [Supiot, 1994 ; Robé, 1999], le droit permet toutefois de tracer des frontières où physiquement il n'y en a pas. Ces
frontières "artificielles" permettent, outre une réponse aux principes de responsabilité et de propriété (donc aussi de
répartition du capital dans une perspective socio-économique), de fixer momentanément et partiellement le cadre d’action et
de contractualisation de l’organisation en lui donnant une relative stabilité.

17
souligner la pertinence des approches de nature heuristique dans le contexte qui
nous intéresse. A ce titre, la distinction court terme – long terme opérée à des fins
de planification stratégique peut certes être vue comme une instrumentation de
la planification cognitive19, mais la réflexivité (cf. Giddens) de l’entrepreneur
déjoue les tentatives de formalisation, principalement dans les environnements
fortement turbulents où le temps joue un rôle tout à fait particulier : « la très
grande rapidité des changements incite les entrepreneurs à percevoir l'urgence
de l'action comme facteur de réussite. Ce lien entre cognition et action conduit les
entrepreneurs à se soumettre à un rythme d'activité accéléré, lequel, en retour,
remet perpétuellement en question l'équation économique imaginée par
l'entrepreneur. Les entreprises gagnantes semblent être celles qui, grâce à leur
forte capacité d'improvisation, procèdent à une recombinaison fréquente des
ressources » [C. Benavent, T. Verstraete, 2000, p.90]. Cette recombinaison s’opère
sur deux plans, qui ne relèvent pas de l’interne pour l’un, de l’externe pour
l’autre, en raison du phénomène d’imbrication abordé précédemment. Le premier
concerne la configuration organisationnelle mise en place. Il s’agit de procéder à
des changements de design et de comportement organisationnel. Le second est
relatif aux relations avec les parties prenantes et le marché. Il relève donc du
positionnement vis-à-vis de chacune des parties prenantes et des parties
concurrentes. Les questions du design organisationnel et des multiples
positionnements sont éprouvées en gestion et constituent l’essence de l’activité
entrepreneuriale. Les FCS et FSR relèvent, en grande partie, de ces deux
dimensions irréductibles et indissociables. Dans la mesure où chacune des parties
prenantes et chaque concurrent tentent de rendre l’environnement congruent à la
représentation qu’ils s’en font, l’entrepreneur a deux possibilités. Soit il repère les
facteurs inhérents à la dynamique entrepreneuriale impulsée par d’autres
(comprendre la carte composite du système concurrentiel). Soit il s’efforce
d’imposer les facteurs autour desquels va se construire le succès (les stratégies
d’innovation en sont des exemples). Imposer ou, plus souplement, faire adhérer
les parties prenantes à une vision originale, renvoie à une lutte d’ordre
sociocognitif. Dans certains contextes, elle est même d’ordre idéologique, en
témoignent l’évolution de l’Internet (pouvant être vu comme une lutte entre
visions de ce que doit être le marché ; C. Benavent, T. Verstraete, 2000) ou encore
le discours élitiste de quelques gourous du management. Fondamentalement, ce
qui importe, c’est de maîtriser les moteurs (FCS) et freins potentiels (FSR) de
l’évolution.

3.1. Le point commun entre entrepreneuriat et stratégie


entrepreneuriale : maîtriser les facteurs constituant l’essence de
l’entreprise

La notion de maîtrise à laquelle nous adhérons renvoie à une acception du


contrôle consistant à organiser pour maîtriser les facteurs influençant la
trajectoire souhaitée. Cela rejoint le principe de déclinaison de la stratégie et
l’approche par les FCS [H. Bouquin, 1993]. En effet, dans le cadre de
l’entrepreneuriat, l’entrepreneur fonde sa réussite sur ce qu’il perçoit,

19
Le rapprochement de la planification stratégique avec ce que les psychologues appellent la planification cognitive paraîtra
évident au gestionnaire à la lecture de A. Nguyen-Xuan., J.-F. Richard, J.-M. Hoc [1990]

18
consciemment ou inconsciemment et par utilisation de méthodes stratégiques (de
type analytique ou heuristique) plus ou moins formelles, comme facteurs
d’évolution en engageant des actions permettant de concrétiser et de maîtriser
ces facteurs.

3.1. Découvrir ou provoquer des opportunités d’affaires ?

Pour S. Shane et S. Venkataraman [2000], les fondements de l’entrepreneuriat


résident dans l’émergence d’opportunités d’affaires, la capacité à les percevoir et
à engager les moyens de les exploiter. Indéniablement, identifier et exploiter des
opportunités d’affaires intéressent le champ. Mais comme l’indiquent les
critiques parues un an plus tard dans la même revue (Academy of Management
Review de janvier 2001), cela ne concerne-t-il pas tout autant le champ du
management stratégique. Le modèle SWOT n’incite-t-il pas à reconnaître les
opportunités du marché [S. Zahra, G.G. Dess, 2001] ?

Ces mêmes auteurs livrent une double explication de la propension à percevoir


des opportunités et à vouloir les exploiter. La première rejoint l’école behavioriste
en entrepreneuriat et concerne l’asymétrie des comportements. Il nous semble
hâtif de tirer des conclusions universelles de ce type de travail pour expliquer
pourquoi des individus entreprennent et d’autres pas. Il y a parfois plus de
différences entre deux entrepreneurs, qu’entre un entrepreneur et un non-
entrepreneur [W.B. Gartner, 1985 ; E.M. Hernandez, 1995]. Toutefois, la
ténacité, la créativité et le locus of control (qui peut être résumé comme étant une
volonté de maîtrise de sa propre destinée) sont des exemples de critères que la
littérature s’accorde à reconnaître comme caractéristiques d’un comportement
entrepreneurial. La deuxième asymétrie concerne l’information. Cette dernière
ne peut être complète, c’est-à-dire que toute nouvelle information ne conduirait
pas à un changement de comportement des acteurs [F.A. Hayek, 1949]. Il y a
forcément incomplétude et les partisans du déséquilibre y puisent l’idée
d’asymétrie de l’information. Par exemple, sur cette base, I. Kirzner [1973]
explique le rôle de l’entrepreneur (personnage ignoré chez les classiques). Ce
dernier possède la faculté de repérer les déséquilibres au sein d’un marché,
principalement s’agissant des prix en développant une vigilance toute
particulière dans leur ajustement. Dans ce type de littérature, conduisant
également aux notions de risque et d’incertitude [voir F.H. Knight, 1921], la
notion d’équivocité n’apparaît pas explicitement, du moins ne fait pas l’objet de
développement. Pourtant, à partir d’une même source d’informations, on sait que
les interprétations peuvent différer en raison du caractère inéluctablement
équivoque de la réalité. Dès lors, la volonté des individus va infléchir la réalité
pour que leurs conjectures s’affirment.

Enfin, pour clore les remarques adressées à S. Shane et S. Venkataraman,


leurs propos portent sur la « découverte » d’opportunités, comme si elles étaient
dans la nature et prêtes à s’offrir au premier aventurier les remarquant…
Finalement, c’est une posture plutôt positiviste, voire réaliste. Dans le fond, on
rejoint l’approche originelle des FCS. L’entrepreneuriat ne se marie-t-il pas
mieux avec une posture constructiviste ?

19
L’action entrepreneuriale crée les opportunités [C. Beaucourt, P. Louart,
2000]. Sans écarter l’idée que des opportunités puissent être découvertes, toutes
n’existent pas forcément, et évidemment, a priori. Elles résultent également,
d’une part, d’une mise en scène d’un entrepreneur tentant de rendre
l’environnement congruent à la représentation qu’il s’en fait, d’autre part, des
parties prenantes au projet qui, en y tirant la valeur satisfaisant suffisamment
leurs attentes, rendent le projet viable. Les facteurs explicatifs de la réussite
d’une affaire sont des construits socio-cognitifs, auxquels certes participent
grandement les clients. Finalement, pour les parties prenantes, il s’agit de parier
sur la vision de l’entrepreneur. Cette vision donne sens à l’opportunité rpérée ou
créée.

Lorsqu’elle est innovante, la vision de l’entrepreneur cadre peu, ou prou, à ce


que l’étude de la dynamique d’un secteur d’activité laisserait apparaître. Sa carte
cognitive se superposerait mal à la carte composite de l’organisation dans
laquelle il souhaite s’insérer. En effet, les facteurs sur lesquels il fonde sa
réussite ne sont pas forcément dans les esprits des acteurs du système. Dès lors,
dans ce qu’on appelle une innovation de rupture, il s’agit d’anticiper sur ce que
pourrait être la carte composite du système alors que les acteurs n’ont pas encore
conscience des facteurs autour desquels se construira la dynamique (par exemple
celle d’un secteur d’activité, bien que cette notion laisse encore croire à l’existence
de frontières qui tendent, là aussi, peut-être à disparaître).

Sur la base d’une approche par les FCS et FSR, une stratégie d’innovation
réussie par une entreprise aurait l’effet suivant sur ses concurrents.

Facteurs non Facteurs Facteurs non Facteurs


maîtrisables maîtrisables maîtrisables maîtrisables

FSR FCS FSR FCS

Champ
d’investigation

Le champ d’investigation, comme tout système ouvert, ne possède évidemment


pas les frontières strictes de la représentation graphique20. Le schéma de gauche
cerne les FSR et FCS avant l’innovation, celui de droite après l’innovation. Les
concurrents doivent entrer dans une nouvelle phase d’identification des FCS et
FSR. La première difficulté réside dans l’ambiguïté posée par l’innovation. La
réalité n’est pas normative et ne livre pas les facteurs à maîtriser. L’ambiguïté
conduit les protagonistes du jeu concurrentiel à interpréter cette réalité de
différentes façons, d’autant plus que chacun ne possède pas les mêmes
informations, les mêmes schémas de pensée, les mêmes comportements, les
mêmes intentions, etc.

20
Ainsi, tout secteur d’activité est ouvert sur d’autres secteurs. Ce que découvre actuellement la littérature en avançant des
exemples d’intrusions de nouveaux entrants provenant de secteurs a priori éloignés.

20
Pour une firme initiant ce type de turbulence dans l’environnement, il pourrait
sembler exister une sorte de cercle vicieux qui s’instaurerait à vouloir s’engager
perpétuellement dans la production de nouvelles combinaisons. Il ne faudrait pas
tomber dans le paradoxe d’Icare en suivant une trajectoire innovatrice aveuglant
la stratégie de rêves avant-gardistes mais utopiques [D. Miller, 1991]. Pourtant,
et sous certaines précautions, il peut s’agir d’une stratégie à part entière. Plus
qu’une compétence clé, cette attitude constitue le cœur de la culture de certaines
firmes, le changement y étant endémique [S.L. Brown, K.M. Eisenhardt, 1997].
K.M. Eisenhardt et S.L. Brown [1998] en livrent quelques exemples : Intel,
Cisco Systems, Netscape, Gillette, Sony, 3M, … Alors que souvent les compagnies
engagent des changements suite à la survenue d’évènements (event pacing)
susceptibles de modifier le jeu concurrentiel (demande des consommateurs,
disponibilité d’une nouvelle technologie, changement d’attitude d’un concurrent,
performance en baisse, etc.), les firmes suscitées s’imposent un programme
rythmé par un calendrier (time pacing) cadençant le changement (par exemple,
tous les 18 mois, Intel double la capacité des microprocesseurs mis sur le
marché). En résulte un certain degré d’urgence ayant comme impact, d’une part,
de focaliser les salariés autour d’un projet commun et, d’autre part, de conduire à
manager la transition. Il s’agit « d’orchestrer », ou de « chorégraphier » le
changement. L’autre défi posé aux managers est celui de synchroniser le rythme
des changements aux possibilités d’assimilation du marché et aux capacités de
l’organisation (on retrouve l’essence de l’activité entrepreneuriale, se positionner
et modeler la structure en conséquence). En fait, le rythme doit être
suffisamment soutenu pour que les évènements ne puissent à nouveaux dicter la
conduite stratégique de l’organisation (event pacing vs time pacing), mais doit
laisser la possibilité de développer et de capitaliser les compétences nécessaires.
Selon la vulgate, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, mais dans les
industries à forte vélocité, le changement perpétuel est crucial [L.J. Bourgeois,
K.M. Eisenhardt, 1988 ; K.M. Eisenhardt, 1989 ; R.A. D’Aveni, 1994].

3.2. Imposer les facteurs veut-il dire obligatoirement innover ?

Evidemment, tous les environnements ne souffrent pas d’un rythme effréné de


changements. Il existe des contextes plus « sages », au sein desquels on peut
prendre tout autant de plaisir à faire des affaires... L’innovation permanente
prônée par quelques gourous du management voulant faire de tous des
révolutionnaires, pour ne pas dire des anarchistes, ne saurait jeter d’un trait de
plume dans le néant les artisans, les petites et les moyennes entreprises dont les
parties prenantes, les consommateurs en tête, ont bien besoin.

La lecture du dernier ouvrage de G. Hamel [2000] est édifiante à de sujet. Le


discours est empreint d’une idéologie où l’entreprise doit viser la première place.
Cette idéologie élitiste, voire incantatoire, concerne-t-elle toutes les entreprises ?
Il est étonnant de constater à quel point les réalités de la très grande majorité de
nos entreprises, à savoir les petites et les moyennes, sont ignorées… De
nombreuses PME ne se retrouveraient pas dans les exemples généralement
citées. On préfèrera retourner dans ses écrits antérieurs, en co-écriture avec C.K.

21
Prahalad, basés sur une idée générique : il vaut mieux poser les règles du jeu que
les subir.

K.M Eisenhardt, S.L. Brown et H.M. Neck [2000] démontrent que cette faculté
n’est plus réservée aux grandes entreprises pour plusieurs raisons. Tout d’abord,
les PME gardent l’avantage d’une forte proximité avec les parties prenantes
(notamment avec leurs salariés) et avec le territoire. Ensuite, par le
développement des nouvelles technologies de l’information, elles entrent sur des
marchés internationaux qui leur étaient auparavant fermés faute d’obtenir des
informations.
Avec le B to B, les TIC facilitent aussi le fonctionnement en réseau et les
alliances participent largement à ce qu’on appelle les nouvelles formes
d’organisation21, elles permettent d’accroître le capital social.

Imposer les règles du jeu peut se faire selon différents degrés. Il ne s’agit pas
de révolutionner systématiquement le marché. Selon D.F. Kuratko et R.M.
Hodgetts [2001], quatre types d’innovation peuvent servir les stratégies
entrepreneuriales22 : l’invention, l’extension, la duplication et la synthèse.
L’innovation s’appuyant sur une invention constitue une rupture fondamentale
par la proposition d’une nouvelle combinaison ; l’extension consiste à trouver de
nouvelles applications à une combinaison déjà exploitée ; la duplication reproduit
une combinaison existante mais avec la « touche personnelle » de celui qui la met
en œuvre ; enfin, la synthèse utilise les concepts de différentes combinaisons pour
en trouver de nouvelles utilisations. A côté de ces attitudes plus ou moins
proactives, il reste possible de réagir en s’adaptant. Fondamentalement, cela
renvoie à deux comportements dans la résolution de problèmes : l’adaptation et
l’innovation [M. Kirton, 1976].

Tableau 1. Deux approches de la résolution de problèmes [M. Kirton, 1976]

Comportement d’adaptation Comportement d’innovation


Approche des problèmes de façon Approche des problèmes selon des
méthodique, précise et disciplinée angles inhabituels
Préoccupation tournée vers la Découverte des problèmes et
résolution des problèmes plutôt que par proposition de possibilités de résolution
leur mise à jour
Entretien des pratiques en cours Sceptique dans l’utilisation des
pratiques habituelles
Orientation vers les moyens plutôt Peu importe les moyens, les fins
que vers les finalités priment

21
Ces "nouvelles" formes sont au centre d'études avec comme questionnement fondamental : correspondent-elles à un
nouveau design organisationnel ou ne sont-elles que le fruit d'une interrelation entre d'autres types de forme ? Dans ce dernier
cas, l'importance actuelle des "nouvelles" formes ne s'expliquerait que par un recours grandissant des formes les plus
anciennes au fonctionnement d'essence réticulaire. La contraction du temps (notamment via les technologies de l'information)
et l'élargissement de l'espace (la globalisation par exemple) étant les principales contingences à ce recours [sur ce point voir
O. Torrès, 2000].
22
La littérature centrée sur l’innovation regorge de typologies. Nous avons retenu celle de ces auteurs car fondée sur les
travaux de M. Kirton, ayant fait l’objet d’une validation empirique dans un contexte entrepreneurial H.E. Buttner, N.
Gryskiewicz [1993].

22
Capacité à effectuer un travail très Peu de tolérance pour les routines
détaillé
Sensibilisation à la cohésion et à la N’attend pas le consensus
coopération au sein du groupe

Bien qu’un individu tend vers l’une ou l’autre des attitudes, il faut voir
l’adaptation et l’innovation comme des tendances, ou comme les extrêmes d’un
continuum entre lesquels oscillent, selon les situations et l’expérience, la
résolution effective du problème à résoudre. Alors que l’analyse semble mieux
servir l’adaptation, et l’heuristique l’innovation, la réflexion stratégique gagne à
combiner les démarches. Selon A. Desreumaux [1993] : « il est admis depuis
longtemps que la gestion stratégique est autant affaire d'intuition et de vision
que d'emploi de méthodes quantitatives plus ou moins sophistiquées ». Comme
M.-J. Avenier [1988], il invite à la combinaison des approches en précisant que
les méthodes analytiques sont précieuses dans la structuration des problèmes,
mais gagnent à bénéficier de l'intuition et du questionnement inhérent à la
créativité entrepreneuriale. Dès lors, l’identification des FCS et FSR doit
s’appuyer sur les deux types de démarche. J.K. Leidecker et A.V. Bruno [1984]
proposent des modes d’investigation prévoyant la consultation d’experts et l’étude
des intuitions et visions d’individus familiers à la firme. Ce type d’investigation
est déployé dans les études prospectives, dont la finalité est d’anticiper ce qui
peut advenir pour d’autant mieux s’y préparer [références]. M. Godet [1997] parle
de « préactivité » pour caractériser l’attitude consistant à se préparer aux
changements attendus. En s’inspirant des méthodes afférentes (par exemple celle
des scénarios), deux étapes sont essentielles : l’identification des variables clés et
l’appréhension des jeux d’acteurs [M. Godet, 1997]. Ainsi, résolument tournées
vers le futur, les méthodes prospectives n’en restent pas moins
fondamentalement attachées, d’une part, à l’identification de ce que nous
appelons FCS et FSR dans la littérature en stratégie et, d’autre part, au
caractère sociocognitif de leur évolution, comme en témoigne l’analyse des jeux
d’acteurs prévue par la méthode. Sur la base de ces investigations, le décideur
amende sa vision.

Conclusion : qu’est-ce qu’une vision entrepreneuriale des affaires ?

Une stratégie entrepreneuriale consiste à mettre en scène l’exploitation de


nouvelles combinaisons par une configuration organisationnelle capable
d’identifier, de se doter et de développer les compétences nécessaires au
développement durable de ces combinaisons. Une telle volonté rejoint l’essence de
l’acte entrepreneurial, ce que nous avons qualifié de dimension praxeologique
dans la section 1.1.
En effet, cette mise en scène suppose de composer avec des environnements
multiples constitués de parties prenantes ou concurrentes auprès desquelles
l’entrepreneur et l’organisation prennent position (et cela, même lorsque des
domaines en friches sont explorés ; adaptation et positionnement ne relèvent pas
du même plan). De nombreux acteurs participent à la construction de l’univers
des affaires. Conséquemment, les facteurs qu’il convient de maîtriser sont le
résultat d’un processus socio-cognitif. Une firme peut tenter d’imposer les

23
facteurs qu’elle perçoit comme base de sa réussite et provoquer du changement
[base de l’activité entrepreneuriale selon I. Ansoff, 1989]. Elle peut aussi
souscrire au changement posé par d’autres (ex : externalité de standard) ou
imiter, ou suivre. L’innovation n’est pas l’inéluctable voie de la réussite. Nombre
des firmes étudiées par J.C. Collins et J.I. Porras [1994] ne sont pas parties d’une
idée innovante et « géniale », l’entreprise elle-même est la plus grande des
créations, comme le confirment les propos d’un interview de D. Parckard mené en
1964, ayant donné lieu à un papier au titre évocateur : « Hewlett Packard
Chairman built Company by Design, calculators by chance » [Ibid. p.30]. Il ne
faut pas confondre innovation et entrepreneuriat, ou innovation et créativité.
Enfin, le comportement des acteurs varie entre l’adaptation et l’innovation, cette
dernière n’est pas forcément radicale ou de rupture. Quelle que soit l’attitude
adoptée, et sans que l’ambition soit de systématiquement construire une grande
entreprise, la construction d’une vision la plus claire possible semble le point de
départ d’une stratégie pouvant se décliner. Au risque de paraître normatif, sans
reprendre les détails de l’article, toute vision devrait se bâtir autour des pôles
interactifs suivants.

Un pôle « positionnements »23 : l’organisation et les produits qu’elle propose à


l’échange doivent se positionner vis-à-vis de multiples parties prenantes et
concurrentes. Ces positionnements ne signifient pas adaptation, puisque la
volonté peut être de changer de façon plus ou moins radicale le contexte
d’évolution, voire de le créer. Dans tous les cas, il faut convaincre les parties
prenantes d’adhérer au registre conventionnel d’affaires posé par l’entreprise.
Plus prosaïquement et avant l’émergence d’un tel registre, il faut convaincre les
partenaires financiers d’investir, les clients d’acheter, etc. Chacune des parties
ayant ses propres attentes, il convient de développer une véritable politique à son
égard (politique salariale, politique marketing, politique financière, etc. ; en fait,
les stratégies fonctionnelles). Le design organisationnel doit permettre de lui
apporter durablement de la valeur.

Le pôle « configuration à mettre en place » : concerne le design organisationnel.


Il convient de mettre en place une configuration organisationnelle afin d’exploiter
les nouvelles combinaisons et produire ce qui est attendu (ou ce que l'on croit
pouvoir être attendu...) par le marché. Les ressources (matières, compétences,
activités, informations, …) sont organisées pour fournir aux acteurs un produit
d'échange. Le terme produit est ici entendu comme l'élément apprécié de la partie
prenante concernée. Outre la conception des produits qui seront les fruits de
l'échange de valeur, la configuration relaie la direction générale dans le
positionnements des produits et de l’entreprise elle-même vis-à-vis des parties
prenantes.

Un pôle « performances » : la valeur à dégager renvoie directement à la


performance de l’entreprise, ou plutôt les performances puisqu’il s’agit de servir
et satisfaire des besoins attendus (ou à créer) par les parties prenantes. Tant que
23
Le pluriel est volontaire, pour marquer la multiplicités des positionnements. De plus, la notion de positionnements n'est
pas, dans cette approche, intimement liée à celle d'adaptation. Le terme peut parfaitement être utilisé dans le cadre d'une
stratégie entrepreneuriale, car, qu'il s'agisse de s'adapter ou de mettre en scène l'environnement, finalement, il y a toujours
positionnements.

24
celles-ci possèdent un intérêt dans le projet collectif, par la valeur qu’elles en
tirent, elles devraient être fidèles (finalement, la valeur se mesurerait a
posteriori par la fidélité de la partie prenante, qu’elle soit un client, un salarié, un
fournisseur, un acteur du développement économique, un actionnaire, etc.).
Sinon, lorsqu’une d’entre elles perçoit un intérêt plus grand à passer chez la
concurrence, l’entreprise ne récolte plus la valeur qu’elle attend elle-même en
retour de celle (principe d’échange) qu’elle distribue. Pour la direction générale,
la principale difficulté est de satisfaire des attentes éventuellement antinomiques
et de trouver un équilibre permettant de jouer, souvent de façon alternative, avec
la satisfaction des uns pendant la patience des autres.

Le pôle « caractéristiques intrinsèques », ou « compétences » : l’entrepreneuriat


fait largement référence à la motivation, la ténacité, la capacité à convaincre, etc.
de l’entrepreneur. Il s’agit d’apprécier ses forces pour les exploiter, ses faiblesses
pour les minimiser. Ce pôle concerne les « propres ressources », pour paraphraser
E.T. Penrose [1959, p.31], de l’organisation mis au service de la conception et la
vente de biens et service. Il constitue le point d’ancrage aux conceptions de
l’entreprise basées sur les ressources.

Le pôle « politique relationnelle » : il est essentiel pour l’acquisition de


ressources. Il concerne directement le « capital social » et l’insertion dans les
réseaux, les alliances et partenariats divers, le lobbying et toutes les activités
permettant d’utiliser les compétences et les ressources apportées par les parties
prenantes.

Le pôle « apprentissages » : dans les deux littératures (entrepreneuriat,


stratégie), l’apprentissage est relevé comme essentiel. Là encore nous avons
utilisé le pluriel pour insister sur la multiplicité des formes et des contenus
d’apprentissage. Le contexte managérial est d’une importance capitale pour le
développement des apprentissages. Pour aboutir à une organisation plus
entrepreneuriale, encore faut-il que la plupart des salariés ait quelques aptitudes
correspondantes. Sans en faire des entrepreneurs, la relative autonomie et la
responsabilisation (la réflexivité développant l’apprentissage) ainsi que la
créativité peuvent être considérées comme une finalité raisonnable. Mais la
question doit être posée de savoir si cette finalité est pertinente en tout contexte.
Nous ne prétendons aucunement pouvoir y apporter des réponses et laissons
cette problématique aux spécialistes du champs des ressources humaines.

Maîtriser l’organisation impulsée suppose l’intégration de ces six pôles dans la


vision du dirigeant. C’est en leur sein que s’identifient ou se construisent les FCS
(véritable moteur de l’entreprise) et les FSR susceptibles de freiner l’évolution
souhaitée. La démarche est mixe et intègre la « logique » des acteurs à celle des
facteurs [R.A. Thiétart, 1981 ; A.C. Martinet, 1984]. Elle est également a-
contextuelle. La déclinaison des pôles dans l’organisation devrait conduire à
l’identification locale des facteurs auxquels chaque membre de l’organisation, à
son niveau, doit être sensible. Dans une phase de diagnostic et de construction de
sens des réalités organisationnelles liées au projet collectif [C. Marmuse, 1999],
et selon les recommandations de J.K. Leidecker et A.V. Bruno [1984] insistant

25
sur la nécessité de relever les représentations des individus familiers à
l’organisation, la cartographie cognitive peut être un outil utile pour, d’une part,
repérer la présence des pôles dans la vision des individus, d’autre part, repérer
les facteurs d’évolution du système : les FCS et FSR [T. Verstraete, 1996, 1997].
Au système d’information de relayer cette phase afin de permettre des allers-
retours entre local et global. En suivant les recommandations de J.F. Rockart
[1979], l’idée maîtresse réside dans une prise en charge locale des facteurs à
maîtriser.

26
Annexe 1 : quelques définitions données par la littérature de la notion
de FCS

Tableau 1. Quelques définitions des FCS

Hofer C.W., Schendel D [1978] : les FCS sont ces variables grâce
auxquelles le management peut influencer, par ses décisions, de façon
significative la position de chaque firme d'une industrie. Ces facteurs varient
généralement d'une industrie à l'autre. Mais à l'intérieur d'une industrie
particulière ils dérivent de l'interaction de deux ensembles de variables, d'une
part les caractéristiques économiques et technologiques du secteur et d'autre part
les armes compétitives sur lesquelles les différentes firmes du secteur ont
construit leurs stratégies.
Boynton & Zmud [1984] : les FCS sont le petit nombre de choses qui
doivent bien marcher pour assurer le succès d’une organisation ou d’un manager,
les domaines auxquels il faut donner une attention spéciale et constante pour
obtenir une performance élevée.
Leidecker J.K., Bruno A.V. [1984] : les FCS sont ces caractéristiques,
conditions ou variables qui, lorsqu’elles sont correctement suivies, maintenues et
gérées, peuvent avoir un impact significatif sur le succès d'une firme dans un
secteur donné.
Bouquin H. [1991] : on appellera FCS les atouts sur lesquels l’entreprise
compte pour atteindre ses objectifs à long terme en résistant aux forces du
secteur investi (cf. les cinq forces de la typologie de M. Porter) pour être
compétitive dans son groupe stratégique et ne pas subir la concurrence des autres
groupes, ou au contraire, si c'est souhaitable, de préparer le passage dans un
autre groupe. Les FCS peuvent prendre deux formes : 1) des barrières qui
confèrent à l'entreprise un avantage concurrentiel 2) des performances critiques
qui, sans donner à l'entreprise un avantage distinctif, lui permettent de proposer
une offre génératrice de résultats conformes à ses objectifs ; performance dont, à
l'inverse, l'insuffisance ou la dégradation éliminerait la firme ou compromettrait
sa position....
Kœnig G. [1990] : éléments constitutifs de la réussite dans un secteur, pendant
une période de son histoire.
Atamer T., Calori R. [1993] : un FCS est un élément de l'offre qui a une valeur
pour les clients (utilisateurs, distributeurs, prescripteurs) et un savoir-faire et/ou
avantage de coût essentiel dans la chaîne de conception-production-distribution
du produit (ou du service) qui permet de créer un avantage concurrentiel.
Stratégor [1993] : Eléments sur lesquels se fondent en priorité la concurrence,
correspondant aux compétences qu'il est nécessaire de maîtriser pour être
performant.

27
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