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TEXTOS REVISADOS

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LES PERSONNES SELON SAINT BONAVENTURE

Laure Solignac

RESUME DE L’ARTICLE

Examinant la définition scolaire de la personne comme « substance individuée que distingue


une propriété », Bonaventure montre sa pertinence en matière théologique, angélologique et
anthropologique : il rappelle aux Latins que les personnes divines, pour désigner des
relations, n’en sont pas moins des individus, et découvre, d’une manière toute franciscaine,
dans la basse position de l’homme par rapport à l’ange la matière d’une éminente propriété
qui le consacre comme personne spécifiquement humaine.

MOTS CLEFS : ange – essence – homme – individu – noblesse – origine – personne –


propriété – Trinité

INTRODUCTION

Le concept de personne a donné lieu à des développements d’une grande acuité au Moyen
Âge. L’œuvre multiforme de Bonaventure en fournit un bon exemple : le Docteur séraphique
a élaboré sa réflexion sur la personne dans trois contextes spéculatifs différents, multipliant
ainsi les points de vue sur ce qui définit une personne comme telle : le contexte théologique,
puisque la Trinité est une communion de trois personnes divines, le contexte angélologique
et anthropologique, dans la mesure où la personne humaine et la personne angélique sont
définies l’une par rapport à l’autre, à l’image des personnes divines, et enfin le contexte
christologique, puisque le Christ est une personne possédant deux natures sans commune
mesure. Ces trois contextes correspondent aux trois premiers livres du Commentaire des
Sentences que Bonaventure a composé entre 1250 et 12521, et constituent le cadre conceptuel
de trois ensembles problématiques différents et se nourrissant les uns des autres.
Premièrement, bien que la doctrine trinitaire soit fixée depuis longtemps au moment où le
Frère mineur prend la parole, la querelle avec les Grecs est toujours vive ; la préoccupation
principale de Bonaventure n’est donc pas de répéter la doctrine trinitaire, mais de légitimer
l’usage latin du mot persona et l’usage grec du mot hypostasis (qui se traduit littéralement
par substance), ce qui lui permet d’opérer un dépassement de la prudente position
augustinienne, selon laquelle nous disons « trois personnes » pour ne pas rester sans rien
dire2. Deuxièmement, certaines créatures, à savoir les anges et les hommes, peuvent être
appelées « personnes » ; mais la doctrine, notamment au sujet du statut et de l’individualité
des anges, n’est pas encore fixée3, et ce qui confère à chacun, homme ou ange, sa dignité
propre, n’apparaît pas clairement ; or sur ce point, l’apport de Bonaventure s’avère aussi
minutieux que considérable et aboutit à la proclamation sans réserve de la pleine égalité, bien
que différenciée, de l’homme et de l’ange. La christologie n’a alors plus qu’à recueillir4 les
déterminations obtenues dans les deux livres précédents, qui permettent à Bonaventure de
réaffirmer la distinction de la personne et de sa nature ; en effet, il s’agit de montrer que si

1
L’examen du concept de personne en théologie a lieu aux distinctions 23, 25 et 34 du premier livre. L’étude
de la personalitas humaine et angélique se trouve dans le deuxième livre, distinctions 1, 3, 16, 17 et 18. Enfin,
la personne du Christ fait l’objet de toute la première partie du livre III, en particulier, pour ce qui concerne le
concept même de personne, dans les distinctions 5 à 10.
2
Voir par exemple De Trinitate, VII, 4, 7 : « pour parler de l’ineffable, il faut bien dire comme on peut ce qu’on
ne peut expliquer » (traduit par M. MELLET et Th. CAMELOT, Institut d’études augustiniennes, « Bibliothèque
augustinienne », 15, p. 527).
3
Il faudra attendre les condamnations de 1277 pour qu’une position officielle et donc contraignante apparaisse
au sujet de l’individualité des anges. Voir Roland HISSETTE, Enquête sur les 219 articles condamnés à Paris,
le 7 mars 1277, Louvain, Publications universitaires, « Philosophes médiévaux » n°22, 1977, en particulier les
articles 42 et 43, p. 82-83, ainsi que les articles 83 et 84, p. 147-148.
4
Il est admis que Bonaventure a « lu » le troisième livre des Sentences de Pierre Lombard en dernier lieu :
Ignatius BRADY, « The Edition of the Opera omnia of St. Bonaventure », Il Collegio S. Bonaventura di
Quaracchi, Grottaferrata, 1977, p. 133-134.
une personne a nécessairement une nature, en revanche elle n’a pas nécessairement une
nature5.

Dans tous les cas, le problème de la persona est essentiellement, aux yeux du Docteur
séraphique, celui de l’égalité différenciée : comment les personnes divines peuvent-elles être
d’égale dignité sans être identiques ? De même, comment concilier le fait que l’ange et
l’homme soient tous deux immédiatement ordonnés à Dieu (égalité), avec la structure
hiérarchique du monde (différence), qui semble impliquer la supériorité de l’ange ? Enfin,
comment le Christ lui-même peut-il être également homme et Dieu, sans qu’une nature
l’emporte sur l’autre ? Le risque encouru est double : à la négation des différences et de
l’ordre hiérarchique en faveur de l’égalité et finalement de la dissolution des personnes dans
les natures répond la promotion exclusive de la différence qui abolit l’unité : unité de Dieu,
unité du monde dont les hommes et les anges sont la tête, et unité du Christ. Dépassant
l’attitude d’équilibriste brillant dont il aurait pu se contenter pour traiter ce problème,
Bonaventure séduit ici par la force, la clarté et la rigueur de ses propositions.

I. LES PERSONNES DIVINES

1. Reprise bonaventurienne des traditions grecque et latine

Il n’est pas inutile de rappeler le contexte dans lequel apparaissent les questions relatives au
nom de « personne ». Les dix-huit premières « distinctions » du premier livre du
Commentaire des Sentences sont consacrées aux processions divines, c'est-à-dire à
l'engendrement éternel du Fils par le Père et à la spiration du Saint Esprit par le Père et le
Fils. Ensuite, à partir de la distinction 19 et jusqu'à la distinction 34, Bonaventure opère une
révision systématique de tous les concepts théologiques, dont celui de personne : il s’agit de
déterminer l'usage légitime du concept de personne au sujet de Dieu. Cette reprise constitue

5
Il ne sera pas ici directement question du Christ, dont la personne mériterait une étude à part entière.
l’intérêt majeur de la distinction 25, article 1 ; dans la deuxième question, en particulier,
Bonaventure rapporte plusieurs définitions du mot «personne»:

Il faut dire que Boèce définit la personne de cette manière : La personne est une
substance individuée de nature rationnelle (rationalis naturae individua
substantia), tandis que Richard la définit ainsi : La personne est une existence
incommunicable de nature intellectuelle (intellectualis naturae
incommunicabilis existentia). Celui-ci la définit encore d'une autre façon : La
personne est ce qui existe par soi seul, selon un certain mode singulier d'existence
rationnelle (existens per se solum iuxta singularem quemdam rationalis
existentiae modum), tandis que les maîtres la définissent ainsi : La personne est
une hypostase que distingue une propriété qui a trait à la noblesse (hypostasis
distincta proprietate ad nobilitatem pertinente)6.

Dans tous les cas, la définition se compose de deux éléments principaux : la notion de suppôt
et l’idée d’une nature supérieure. Mais les formulations demeurent assez différentes, puisque
le suppôt est appelé « substance individuée » (Boèce), « existence incommunicable »
(Richard), « ce qui existe par soi seul selon un certain mode singulier » (Richard) et
« hypostase » (les maîtres) ; quant à la notion de nature supérieure, elle est décrite comme
« rationnelle » (Boèce), « intellectuelle » ou « rationnelle » (Richard), puis non plus comme
une nature, mais comme une « propriété qui a trait à la noblesse », ce qui est beaucoup plus
général, et l’on verra Bonaventure s’engouffrer dans cette brèche qui laisse penser que la
nature rationnelle n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus excellent. Ces différentes définitions
du concept de personne sont donc très proches, mais laissent transparaître une diversité

6
Commentaire des Sentences I (I Sent.), d. 25, a. 1, q. 2, resp. ad arg. 4 (I, 441) (traduction modifiée) ; traduction
française partielle par Marc OZILOU, Les Sentences. Questions sur Dieu, Paris, PUF (« Épiméthée »), 2002. La
définition de Boèce se trouve dans La Personne et les deux natures du Christ, II (PL, 64, col. 1342) ; les deux
définitions du Victorin proviennent de son De Trinitate, IV, 22-23 et 24 (PL, 196, col. 945 ; SC, 63, 281). Quant
à la définition des « maîtres », elle provient de Pierre Lombard, au chapitre 3 de la même distinction ; en
revanche, on n’en trouve pas trace dans la Glossa d’Alexandre de Halès, maître de Bonaventure, bien que
l’emploi du mot hypostase soit fréquent chez le maître de l’École des mineurs. Quoiqu’il en soit, ce qui importe
est la volonté bonaventurienne de montrer qu’il existe un consensus au sujet du concept de personne, puisqu’il
en existe une définition scolaire.
lexicale difficile à démêler. En outre, Boèce et les maîtres définissent la personne en tant
qu'elle concerne à la fois Dieu et les créatures, précise ensuite Bonaventure7, alors que celles
de Richard se rapportent exclusivement à Dieu. Pour sa part, le Docteur séraphique se sert
presque systématiquement de la définition des maîtres, parce qu'elle est proche de celle de
Boèce et peut convenir aussi bien aux créatures qu'à Dieu, mais aussi parce que cette
définition tire profit de l'étymologie latine du mot persona qui, comme son équivalent grec,
prosopon, fait apparaître les notions d'excellence, de distinction et de dignité.

C'est précisément ce que montre la première question du premier article de la distinction 23


: dans sa réponse à la question: « convient-il d'appliquer à Dieu le nom de personne ? »,
Bonaventure reprend la définition efficace et commode des maîtres parisiens: « La personne
désigne, par définition, un suppôt que distingue une dignité », et remarque qu'elle correspond
à l'étymologie latine du mot:

Il faut dire que la personne désigne, par définition, un suppôt que distingue une
dignité. On le voit par son étymologie et dans le terme [grec] dont la signification
lui est équivalente. Par l'étymologie, car le nom de personne veut dire à peu près
être par-soi-un. Or on dit que ce qui est un par soi est proprement un, car il est
totalement distinct des autres et indécomposable en soi. De plus, le nom de
personne vient de « résonner », ce qui veut dire à peu près retentir de soi-même.
Or « retentir » se dit de ce qui surpasse les autres en sonorité. Pour cette raison,
la personne désigne un suppôt qui se distingue par sa dignité. C'est en raison de
cette dignité qu'on prononce le nom de personne en allongeant la pénultième,
alors qu'on devrait l'abréger en raison de la structure du mot. Pareillement, la
raison de cette signification vient du terme équivalent prosopon de la langue
grecque. Comme le rapporte Boèce, on appelait prosopon chez les Grecs le
personnage masqué qui, comme on le sait, se produisait dans les tragédies. Cela
avait lieu pour deux raisons : d'une part, pour représenter distinctement celui qui

7
Ibid.
discourait, d'autre part, pour mieux faire résonner ou retentir [la voix]. Ces deux
choses correspondent aux propriétés susdites. C'est pour cette raison que le nom
de personne qu'on trouve chez les Latins provient du nom prosopon qu'on trouve
chez les Grecs8.

L'étymologie latine fait apparaître les deux sens de la distinction personnelle, qui trouvent
leur correspondance dans le grec : la distinction numérique et substantielle, et la distinction
de dignité. La présence de ces deux éléments fondamentaux dans les deux langues permet à
Bonaventure de mettre en valeur l’unité de la foi trinitaire des Grecs et des Latins, en dépit
des malentendus qui découlent de la traduction latine (substantia) du mot « hypostase », que
les Grecs préfèrent à « prosopon »9. Sur la base de cet accord de principe, il est donc possible
d’appliquer le concept de personne à trois sortes d’objets:

Et parce qu'une haute dignité est attendue avant tout des membres du clergé, [le
nom personne] en vient à signifier en premier la dignité ecclésiastique. Ensuite,
parce que, parmi les créatures, l'individu de nature rationnelle se distingue des
autres par sa propre dignité, il en vient à signifier le suppôt de nature rationnelle.
Enfin, parce que, sous l’inspiration de l'Esprit saint, on découvre en Dieu un
suppôt qui se distingue par une propriété très noble, on applique ce nom à la
réalité divine qui est la plus propre à être définie par ce nom, bien qu'on impose
ce nom d'abord aux autres. Il faut donc concéder qu'on use proprement et
convenablement du nom de personne quand il s'agit de Dieu10.

La triple application du concept de personne à la dignité ecclésiastique, à la créature


rationnelle et à Dieu rend ainsi compte d’une certaine unité, à défaut d’une pleine et entière
univocité, du nom de personne – ce qui pourrait suffire, puisque la question est de savoir s’il

8
I Sent., op. cit., d. 23, a. 1, q. 1, resp. (I, 405-406) (traduction modifiée, p. 171-172).
9
Voir l’attitude magnanime d’Augustin à cet égard : il ne faut pas blâmer les Grecs de cette préférence, qui
complique un peu les choses pour les Latins, car de cette façon ils tiennent compte du génie de leur langue, De
Trinitate, op. cit., VII, 6, 11 (BA, 541).
10
I Sent., d. 23, a. 1, q. 1, resp. (I, 405-406) (p. 172 dans la traduction française).
convient d’employer ce mot au sujet de Dieu. Or le Docteur séraphique va bien plus loin en
affirmant que ce nom s’applique à Dieu « proprement », et mieux encore, que Dieu est la
réalité « la plus propre à être définie par ce nom ». La question est alors de savoir comment
le Frère mineur, en insistant autant sur le caractère plus qu’adéquat du concept de personne
appliqué à Dieu, parvient à démarquer sa thèse d’une position trithéiste, là où il conviendrait
au contraire de ne pas en exagérer le sens.

En outre, il ressort de ces différentes définitions et de ces divers usages qu'un lien existe entre
le concept de personne et celui de dignité – sans que la moralité soit directement impliquée
par cette dernière. La dignité désigne simplement une place d'honneur, et relève donc de la
problématique de l'ordre des choses et des êtres11. Par conséquent, il faut expliciter ce que
cela peut signifier en Dieu : le concept de personne, s’il doit être pleinement admis en Dieu,
et s’il s’y trouve en quelque sorte à son paroxysme, ne risque-t-il pas d’introduire une
hiérarchie et des différences trop marquées dans l'unité divine ? Sur ce point également
l’attitude de Bonaventure relève presque de l’audace, dans la mesure où bien loin de se
contenter d’une conciliation de l’unité essentielle avec la pluralité des personnes, il
s’applique à montrer que la pluralité des personnes est une conséquence nécessaire de la
simplicité divine.

2. Personne, substance et essence

11
Toutefois l’évocation de la dignité ecclésiastique fait songer à la réforme grégorienne du XI e siècle, dont le
XIIe et le XIIIe siècles ont largement bénéficié, et qui avait notamment pour but de remédier à la conduite
immorale d’une partie du clergé ainsi qu’à la dilution de la distinction entre laïcs et clercs – ce qui montre
bien que la place d’honneur contraint celui qui l’occupe à l’exemplarité morale. Ainsi, en rappelant cet usage
du mot persona (qui correspond un peu, dans ce contexte, à notre usage du mot « personnalité »),
Bonaventure se fait en son temps l’écho de la pertinence et peut-être de l’efficacité de la réforme grégorienne
dans le domaine de la sanctification de ceux qui possèdent une charge dans l’Église.
La résolution du premier problème passe par l’examen des concepts de substance, d'essence
et de personne – tâche à laquelle Bonaventure s'atèle dans la distinction 23, premier article,
troisième question. Il s'agit tout d’abord pour lui de réaffirmer la pleine réalité de la
distinction des personnes et la pleine réalité de l'unité et de la simplicité de leur essence:

C'est pourquoi il y a une quatrième position. La foi déclare que Dieu est trine et
un. En tant qu'elle dit qu'il est un, nous ne pouvons comprendre qu'il est un, sans
comprendre ce qui est un (quod est unum) et ce par quoi il est un (quo est unum).
Ce par quoi il est un signifie ce par quoi il est, et ce qui est un signifie ce qui est.
Le premier désigne l'essence, le deuxième désigne la substance. Si nous
comprenons qu'il est trine, nous devons comprendre celui qui est distingué et ce
par quoi il est distingué. La propriété est ce qui le distingue, mais celui qui est
distingué est toujours signifié comme distinct. Il peut être distinct de deux façons
: soit par une propriété quelconque, soit par une propriété d'excellence ou
remarquable. Dans le premier cas il est signifié par le nom de subsistence, qui
désigne la substance première – ce qui convient non seulement à l'individu
humain, mais aussi à l'âne. Dans le second cas il est signifié par le nom de
personne, qui implique une propriété d'excellence – ce qui ne convient qu'au
suppôt de la créature rationnelle12

La considération de l’unité divine elle-même implique la compréhension de ce qui est un et


de ce par quoi il est un : il s’agit bien d’une manière de dire qu’il n’y a pas de réelle
compréhension de l’unité divine sans la prise en compte de ce qui possède l’unique nature, à
savoir la personne. C’est là toute la différence entre quelqu’un et quelque chose : parler de
Dieu comme d’une simple essence13 revient à le réduire à « ce par quoi il est un », ce n’est
en aucun cas dire qui il est, c’est-à-dire qui possède cette unique nature. Par conséquent, la
considération de l’unité amène nécessairement à la considération de la personne. C’est

12
I Sent., d. 23, a. 1, q. 3, resp. (I, 410) (p. 179-180 de la traduction française).
13
Dans cet extrait, Bonaventure rappelle en effet au lecteur de langue latine que substance et essence ne sont
pas synonymes, à strictement parler, ce dont les Grecs ont tenu compte dans la formulation de leur théologie
trinitaire.
pourquoi Bonaventure passe à la considération des personnes en essayant de répondre à la
question « qui est un ? » ; une nouvelle distinction intervient cette fois entre celui qui est
distingué (telle substance) et ce par quoi il est distingué (telle propriété). Qui possède l’unique
et simple nature divine ? Une substance distinguée par une propriété, ou encore une
« substance individuée », comme le dit Boèce ; or le qui de la question désigne non seulement
un individu mais une personne. C’est pourquoi une précision supplémentaire est nécessaire ;
il existe deux sortes de propriétés distinctives : une propriété distinctive peut être quelconque,
et à ce titre, on peut dire que tel âne, individuel mais non personnel, est une subsistence,
c’est-à-dire une substance première, ou bien une propriété distinctive peut être remarquable,
et l’on parle alors d’une personne.

Par conséquent, il est possible de dire qu’il y a plusieurs substances en Dieu, si et seulement
si l’on entend par substance « ce qui est sujet d’une propriété »14. En revanche, on ne peut
pas dire qu’il y a plusieurs essences en Dieu. L’argumentation de Bonaventure repose donc
sur la différence entre le quoi et le qui, et non sur l’appréhension abstraite des concepts de
personne et de nature. Cette attitude seule permet de ne pas confondre une personne avec ce
qu’elle est:

Il faut dire qu'en toute substance, à laquelle appartiennent l'être et l'opération,


nous distinguons nécessairement la nature et ce qui possède la nature. Dans la
mesure où cela est en Dieu, nous distinguons en Dieu une nature et ce qui possède
la nature. Par la nature, nous désignons la substance ou l'essence. Par la personne,
nous désignons ce qui possède la nature. Par conséquent, puisqu'il est possible
que, dans la créature rationnelle, la personne détienne plusieurs natures, c'est-à-

14
Voir I Sent., d. 23, a. 2, q. 1, resp. (I, 412) (traduction modifiée, p. 182) : « Il faut dire que tant le nom de
substance que celui de subsistence s'entendent de deux manières en ce qui concerne Dieu [...]. Ainsi donc,
la substance peut signifier en quelque sorte ce qui se tient par soi, ou bien [ce qui se tient] comme le sujet
d'un autre, c'est-à-dire comme le sujet d'une propriété. Dans le premier cas, il n'y a qu'une seule substance,
ou sans rapport au nombre, car ce qui est un est ici ce qui est. Dans le second cas, selon qu'elle concerne
une propriété, elle se dénombre ou se multiplie. Dans le premier cas, elle a exclusivement le sens d'ousiosis,
et dans le second cas, elle a exclusivement le sens d'hypostasis. Et le nom de subsistence se distingue
absolument de la même façon ».
dire une nature corporelle et une nature spirituelle, de même, en ce qui concerne
Dieu, mais en sens inverse en raison de sa suprême simplicité, il est possible
qu'une seule nature appartienne à plusieurs, puisqu'elle peut être possédée de
diverses façons – ce qu'une seule personne ne peut pas réaliser. Par conséquent,
parce qu'il n'y a qu'une seule nature qui est possédée sans multiplication, on ne
parle que d'une seule substance et d'une seule essence. Mais parce qu'il y a
plusieurs possesseurs, il y a plusieurs personnes, sans absolument aucune
contradiction15.

La distinction de la personne avec la nature est quasiment visible dans le cas de l’homme,
puisqu’un être humain est une personne qui possède deux natures, la nature corporelle et la
nature spirituelle, mais elle est également perceptible dans le cas de Dieu, quoiqu’en « sens
inverse », puisqu’une seule et simple nature est possédée de diverses façons par plusieurs
possesseurs. Ajoutons un troisième cas, qui manifeste lui aussi la distinction entre la personne
et ce qu’elle est, entre le qui et le quoi : la personne du Christ possède l’unique nature divine
et la nature humaine, qui est elle-même le résultat de l’union de deux natures en une personne,
la nature corporelle et la nature spirituelle. Ainsi, s’il n’y a pas de personne sans être, ce n’est
toutefois pas l’être qui fait la personne.

Il reste maintenant à résoudre le second problème en de nouveaux termes : si une personne


est un suppôt que distingue une dignité, qu'est-ce qui peut bien distinguer les personnes
divines les unes des autres puisqu'elles possèdent une seule et même essence ?

3. La distinction personnelle comme distinction par l'origine

Dans la distinction 25, premier article, deuxième question, Bonaventure demande si la


définition boécienne de la personne (substance individuée de nature rationnelle) convient à
Dieu. Et il y a lieu de le demander, car le fait de considérer les personnnes divines comme

15
I Sent., d. 23, a. 2, q. 2, resp. (I, 413-414) (p. 185 de la traduction française).
des individus pose à nouveau le problème du trithéisme. Or peut-on être une personne sans
être un individu ? La réponse de Bonaventure passe par la distinction de deux modes
d’individuation:
Dans la créature, la spécification résulte d'une addition qui est un ajout et
l'individuation se produit par une addition, ou une apposition, restrictive. Pour
cette raison, lorsque l'on parle de substance individuée, l'individu s'ajoute
réellement à la substance, et c'est pourquoi la substance individuée s'ajoute à la
nature. Aussi, dans la créature, la personne est nécessairement composée. Mais
en Dieu, l'individuation ou la distinction a lieu par la seule origine. Et parce
qu'une personne trouve son origine en elle-même, il n'y a absolument pas
d'addition, mais une multiplication, et au moyen de cette multiplication, la
distinction et l'individuation. Pour cette raison, «individuée» ne s'ajoute pas à la
substance, ni «substance» ne s'ajoute à la nature. On parle donc en vérité [dans
cette définition de Boèce] et notre manière de comprendre reste vraie. Cette
formulation convient à la personne divine, sans signifier en elle une quelconque
composition16.

La distinction paradoxale de l’addition restrictive et de la simplicité multiplicative, qui


recoupe la distinction entre la créature et Dieu, repose d’une part sur la méthode néo-
platonicienne de la définition17 et d’autre part sur une interprétation trinitaire de la seizième
proposition du Liber de Causis, selon laquelle plus une puissance est une et simple, plus elle
est infinie. Dans le cas de la créature, l’individu est en effet le résultat d’une série d’additions
restrictives, c’est-à-dire particularisantes : à la catégorie de l’être est ajoutée la différence
générique, puis la différence spécifique, et enfin la différence individuelle. C’est pourquoi
Bonaventure décrit la personne créée comme une composition. En revanche, dans le cas des
personnes divines, « la distinction a lieu par la seule origine » ; cela signifie que, pour
comprendre un tant soit peu « qui » est Dieu, il ne faut pas se tourner vers l’étude de son

16
I Sent., d. 25, a. 1, q. 2, resp. ad arg. 1 (I, 440) (p. 218-219 de la traduction française).
17
Cette méthode de définition, tributaire de la diairèsis platonicienne et de sa reprise critique par Aristote, est
exposée dans l’Isagogè de Porphyre, célèbre commentaire des Catégories d’Aristote et source
incontournable de la querelle des universaux.
essence pour voir ensuite comment cette essence s’articule avec les personnes : il faut se
tourner vers la personne du Père.

En effet, une personne est l'origine absolue (le Père), mais cette origine absolue se
caractérisant par sa fécondité, elle n'est pas sans son Fils et sans leur Amour (l'Esprit). Chacun
a donc une origine différente qui détermine sa place et son ordre dans la Trinité18. Autrement
dit, dans le cas de la créature, la distinction personnelle est verticale, puisqu'elle est faite
d'additions et de compositions successives, alors que dans le cas de Dieu, elle est horizontale
: le Père engendrant le Fils produit avec lui l'Esprit saint, qui est le Don que chacun fait de
soi. Il y a donc multiplication dans la simplicité, et non pas addition à partir du commun.
Autrement dit, ils sont identiques en tout, sauf qu'ils ne sont pas interchangeables : le Père
n'est pas le Fils, l'Esprit saint n'est pas le Père. L'origine de chacun est la seule chose qu'il ne
peut pas communiquer aux autres personnes : le Père se donne tout entier au Fils, mais il ne
s'annihile pas en lui ; tout en donnant tout, et parce qu'il donne tout, il demeure le Père du
Fils, et le Fils demeure son Fils ; l'un ne peut pas devenir l'autre, l'altérité de la relation est
sauve.

C'est pourquoi on peut dire, comme le fait Bonaventure19 et comme il apparaît dans une
définition de Richard, que la personne désigne l'incommunicable : il y a une propriété
remarquable qui distingue chaque personne divine et qui est propre à chacune, et qu'aucune
d'elles ne peut communiquer (c'est-à-dire donner et avoir en commun) à une autre. Or cette
propriété remarquable consiste justement dans le fait d'être le Père, le fait d'être le Fils, le fait

18
Voir le texte étonnant des Collationes in Hexaëmeron, XI, 6 (V, 381) : « l’origine originante est plus parfaite
que l’origine non originante, et l’origine originant une autre origine est plus parfaite que celle qui n’origine pas
une origine. Par conséquent, si en Dieu se trouve une origine parfaite, il est nécessaire que le Père soit
producteur, que le Fils soit origine [originée et originante] et que l’Esprit soit originé » (Les Six jours de la
création, traduit par Marc OZILOU, Paris, Desclée-Cerf, 1991, p. 278-279). Toute personne divine est l’unique
origine, possédée de façon personnelle ; dire que le Père est plus « parfait » que le Fils et que le Fils est plus
« parfait que l’Esprit ne signifie pas que le Père soit davantage « Dieu » que les deux autres, puisque
« perfection » est dans le vocabulaire bonaventurien un synonyme de fécondité. Ainsi, dire que l’origine
originante, non originée (le Père) est plus « parfaite » que les deux autres, revient à dire qui est le Père, à savoir
le Père, le Fécond. Il y a donc bien une sorte de hiérarchie dans la Trinité, mais une hiérarchie horizontale fondé
sur un ordre d’origine.
19
I Sent., d. 25 a. 2 q. 1 et d. 34, q. 1, resp. (I, 443 et 587).
d'être le Don qu'ils font d'eux mêmes et qui est indissociable (si ce n'est par l'origine) de leur
personne : « la distinction par l’origine consiste en ceci : l’un produit, l’autre est produit ».
Ainsi aucun d'entre eux ne peut communiquer à l'autre la relation qui le lie à l'autre, ce qui
manifeste combien cette distinction par l’origine est une « vraie et réelle distinction » :

La distinction par la qualité se trouve chez les créatures et ne peut pas y être sans
addition, car cette distinction a son origine dans l'addition de la matière à la
forme. Or on parle de distinction par la qualité quand l'un est distingué de l'autre
par des propriétés absolues, par exemple quand l'un est blanc et l'autre noir. La
distinction par l'origine consiste en ceci : l'un produit, l'autre est produit. Et de
même que la distinction par la qualité est une vraie et réelle distinction, la
distinction par l'origine est véritablement une vraie distinction (distinctio per
veram originem vera est distinctio). En effet, de même que l'un ne peut être à la
fois blanc et noir, de même un seul ne peut produire le même soi-même. Donc
puisqu'on comprend qu'en Dieu il y a une vraie origine, on comprend que s'y
trouve une vraie distinction20.

Par conséquent, ce que Bonaventure appelle parfois, à la suite de Hugues de Saint-Victor, «


la hiérarchie supracéleste », est une hiérarchie horizontale, non seulement parce que les
personnes ne sont pas en-deçà de leur essence, comme des particuliers par rapport à leur
universel, mais aussi parce qu'elles sont parfaitement égales entre elles. C'est pourquoi
l'origine, la distinction et l'ordre des personnes divines, non seulement maintiennent, mais
confortent l'unité divine en la haussant au-delà de la simple unité numérique et commune.
C'est pourquoi également Bonaventure peut affirmer dans Les Six jours de la création : « Ces
trois personnes sont égales et également nobles, parce qu'il est d'une égale noblesse pour
l'Esprit saint de terminer les personnes divines, comme pour le Père d'être origine ou pour le
Fils de représenter toutes choses »21.

20
I Sent., d. 34, q. 1, resp. (I, 587). Sauf mention contraire, les extraits du Commentaire des Sentences ont été
traduits par nos soins.
21
Collationes in Hexaëmeron, op. cit., I, 12 (V, 331) (p. 107 de la traduction française).
Le contexte théologique du premier livre offre donc l’occasion d’une clarification
remarquable du concept de personne : premièrement, une clarification lexicale par la reprise
de l’intégralité de la tradition grecque et latine de l’Église, deuxièmement une clarification
de la distinction entre la nature et la personne, entre le quoi et le qui, par le moyen d’une
comparaison entre la créature rationnelle et Dieu, et enfin une clarification du concept de
relation, sous la forme beaucoup plus concrète de la distinction par l’origine. C’est d’ailleurs
cette dernière qui permet au Docteur séraphique d’affirmer non seulement que le concept de
personne convient à Dieu, mais qu’il lui est propre. En effet, la distinction par l'origine, qui
est réelle, effective et vraie, est aussi le minimum de la distinction en-deçà duquel il n'y a plus
de distinction, car elle est purement relationnelle (et non « absolue », comme la distinction
qualitative) : dans sa simplicité presque tautologique (le Père est le Père parce qu’il engendre
le Fils), la distinction relationnelle ne souffre aucune altération, alors que les distinctions
qualitatives des individus de même espèce, indéfiniment variables et changeantes, ne
permettent pas de discerner ce qui fait la personne ; ainsi, la distinction par l’origine apparaît
comme la distinction nécessaire et suffisante pour fonder la différence interpersonnelle. C'est
donc dans le creuset de la relation d’origine qu'est forgée la personne, sans que son caractère
substantiel, affirmé avec force, constitue une menace envers cette dépendance radicale,
puisqu’il en est au contraire le « support ». Reste que si cela peut apparaître dans une grande
clarté, dans le cas des personnes divines, il est plus difficile de saisir en quoi l’ange et
l’homme sont concernés par une telle définition de la personne à l’état pur.

II. LES PERSONNES CRÉÉES

Les personnes divines se distinguent uniquement et irrémédiablement par leur origine


incommunicable. Mais à première vue, il semble que dans le cas des personnes créées
(hommes et anges), cette distinction par l’origine ne soit ni nécessaire (les anges ont Dieu
pour origine unique et simultanée, et on ne voit pas en quoi cela les distingue) ni suffisante
(pères et fils, mères et filles, ne se distinguent pas seulement par les relations d’origine mais
par des caractéristiques corporelles et psychologiques différentes). Est-ce à dire que
l’individuation et la personnalisation proviennent de la corporéité ? Dans ce cas, les anges y
sont étrangers et ne peuvent être considérés comme des personnes. Or l’étude de la nature
angélique doit permettre de trancher ce problème : si l’individuation et la personnalisation
proviennent du corps, chez les créatures, alors les anges ne peuvent être des personnes,
puisque leur matière, s’ils en ont une, est incorporelle. En revanche, si elles ne proviennent
pas du corps, quelle peut bien être leur fondement ? La solution la plus évidente consisterait
à séparer résolument le cas angélique de celui de l’homme, mais alors c’est le concept de
personne lui-même qui perdrait en pertinence et sombrerait dans la plus stricte équivocité.
Telle n’est d’ailleurs pas la voie empruntée par le Docteur séraphique, qui a choisi au
contraire de traiter le problème de la personalitas humaine et angélique comme s’il s’agissait
d’un seul et même problème.

1. L'ange est une personne

Bonaventure examine cette question dans la troisième distinction du deuxième livre


de son Commentaire des Sentences et défend une position à laquelle s’opposera Thomas
d’Aquin22 :
[...] la raison de la distinction personnelle, quant à la vérité [i.e. en réalité, ndt],
provient des principes constituants et particularisants, et quant à la connaissance
[de notre point de vue], elle provient des qualités. On peut trouver les deux chez
les Anges, selon la diversité ; ils ont en effet des principes individuants divers et
diverses propriétés innées. En effet, de même que les hommes ont des visages

22
Selon Thomas, les anges sont identiques à leur raison spécifique, ce qui leur confère une forme relative de
non-finitude : ils ne sont pas intrinsèquement finis, mais extrinsèquement limités par le seul fait qu’ils sont des
créatures. Cette coïncidence avec leur propre nature fait des anges un modèle indépassable de subjectivité pour
l’homme, dont l’individuation est une imperfection – ce qui n’est absolument pas le cas chez Bonaventure, bien
au contraire. Sur la position de Thomas, voir les explications de Tiziana SUAREZ-NANI, Les Anges et la
philosophie, Paris, Vrin (« Études de philosophie médiévale »), 2002, p. 39-50. Dans ce contexte, il faudrait
nuancer le jugement d’Emmanuel FALQUE selon lequel Thomas d’Aquin serait, contrairement à Bonaventure,
le promoteur de la finitude humaine. Voir l’article « Limite théologique et finitude phénoménologique chez
Thomas d’’Aquin », paru en 2008 dans cette même revue (t. 92, juil.-sept. 2008, p. 527-556).
différents, de même ils ont un esprit (mens) et des propriétés mentales différents
; et c'est ainsi qu'il faut raisonner au sujet des anges, selon leur mode23.

Chez la créature, la distinction personnelle provient de « principes constituants et


particularisants », que nous appelons en général matière et forme, mais comme nous ignorons
comment se produit l'union de telle forme et de telle matière, nous sommes dans l'incapacité
pratique de dire ce qui constitue concrètement telle personne et la distingue réellement d'une
autre. En revanche, c'est un fait, nous distinguons les personnes entre elles au moyen de leurs
qualités ; les éditeurs de Quaracchi en fournissent une liste qui semble communément admise
par les maîtres : forme, figure, lieu, temps, souche, patrie, nom. Mais d'une part, les qualités
ne sont peut-être que les indices d'une distinction plus profonde, et d'autres part, beaucoup
d'entre elles font référence à la distinction d'origine (la souche, la patrie, le nom).

En tout cas, il est visible qu'aux yeux de Bonaventure, toute particularisation ne provient pas
de la matière corporelle : les anges, comme les hommes, sont singularisés par une immense
quantité d'éléments qui ne sont pas corporels (nom, forme, propriétés mentales, fonction, etc.)
D'où cette nouvelle question : est-ce que cette distinction personnelle, qu'on la considère dans
l'absolu ou seulement d'après ce que nous en percevons, est substantielle ou accidentelle ?
Par exemple, si l'on prend le cas d'un ange, n'est-ce pas un accident d'être un chérubin plutôt
qu'un séraphin, de jouer de la cithare plutôt que du tambourin, etc. ?

2. La distinction personnelle, substantielle et provisoire

La position de Bonaventure est claire : la distinction personnelle n’est pas accidentelle mais
substantielle ; en outre, il ne faut pas la confondre avec la distinction individuelle :

23
II Sent., d. 3, p. I, a. 2, q. 1, resp. ad arg. 4 (II, 104). Les éditeurs de Quaracchi fournissent une liste de
qualités : forme, figure, lieu, temps, souche, patrie, nom. Ils n’en donnent pas l’origine, mais certaines semblent
être tirées du Traité des catégories, VIII. ; en 10a 10, Aristote parle en effet de la forme et de la figure.
La distinction personnelle, même si elle semble désigner un accident, parce
qu'elle désigne sur le mode de l'accident, désigne cependant par principe quelque
chose de substantiel. Et si d'une certaine façon elle implique l'accident, c'est de
façon secondaire ; elle tient immédiatement son origine des principes
substantiels. – Et cela apparaît ainsi. La distinction personnelle s'ajoute à la
distinction individuelle ; or la distinction individuelle signifie deux choses, à
savoir l'individuation et par suite la distinction. L'individuation provient des
principes d'indivision et d'appropriation. En effet les principes d'une chose, quand
ils se conjuguent, s'approprient l'un l'autre et font l'individu. Or de cela suit l'être
discret ou l'être distinct d'un autre, et de cela surgit le nombre et ainsi les
propriétés accidentelles, qui suivent de la substance. – Et ainsi la distinction
individuelle désigne quelque chose d'accidentel et quelque chose de substantiel24.

Il est tentant de considérer les qualités de chacun comme de purs accidents ; mais cela revient
à vider le composé hylèmorphique, et donc la personne, de sa substance. C’est pourquoi
Bonaventure choisit de considérer les qualités25 comme des révélations de la substance
personnelle, et non pas comme un voile accidentel qui cacherait quelque chose ou quelqu’un
de fondamentalement inaccessible et inconnaissable. En d’autres termes, même si la
distinction personnelle est connue sur le mode de l’accident (le fait d’être né tel jour à telle
heure, dans telle ou telle famille, d’avoir telle ou telle fonction dans la hiérarchie céleste,
etc.), il faut maintenir qu’elle est substantielle et que ce qui nous semble accidentel en est
une modalité ou une manifestation secondaire, un peu comme la chaleur ou le lumen par

24
II Sent., d. 3, p. I, a. 2, q. 2, resp. (II, 106-107).
25
Qualités qu’il faut distinguer des affections passagères et des émotions, qui peuvent révéler quelque chose de
la personne, mais qui ne sont pas essentielles à la personne.
rapport à la flamme. Toutefois une telle thèse suppose que soit bien mis en évidence le
caractère substantiel de la personalitas, et le Docteur séraphique s’y emploie en revenant sur
le processus de l’individuation, qu’il conçoit, dans le cas de la créature, comme l’union ou la
conjonction de telle forme avec telle matière, qui forment ensemble une substance non
seulement apte à recevoir des accidents, mais à en faire « surgir » ; c’est pourquoi la
substance individuelle est susceptible d’être confondue avec ses accidents. Et il en va d’une
certaine façon de même avec la distinction personnelle :

[…] mais la distinction personnelle ajoute à la précédente la dignité de la


personnalité. Or la dignité désigne deux choses, à savoir la noblesse de la nature
rationnelle (nobilitatem rationalis naturae), qui est que la nature rationnelle
détient la primauté (principatum) parmi les natures créées ; c'est pourquoi elle ne
peut pas être ordonnée à une forme plus parfaite. Et cette noblesse, même si elle
peut être comprise selon le mode de la qualité, est cependant essentielle à la
nature rationnelle. – Cette noblesse désigne en outre l'éminence actuelle
(actualem eminentiam), de telle sorte que, dans le suppôt, il n'y a pas d'autre
nature principielle que la nature rationnelle (nulla sit alia natura ita principalis,
ut natura rationalis), en tant qu'elle est par soi sonnante. Et donc, parce que tel
n'est pas le cas dans le Christ, la nature rationnelle créée ne fait pas la
personnalité, et [en ce sens] elle est accidentelle. – Il faut donc dire que, de même
que la distinction individuelle provient de l'existence d'une forme naturelle dans
la matière, de même la distinction personnelle provient de l'existence d'une nature
noble et superéminente dans le suppôt (existentia naturae nobilis et
supereminentis in supposito). Et pour cette raison, bien que dans les deux cas soit
impliqué quelque chose de substantiel, et de même un conséquent accidentel – je
dis cela pour la créature – cependant n'est impliqué rien d'accidentel qui serait
causé par un accident ou y trouverait son origine, mais plutôt cela suit de la forme
dans la matière ou de la nature dans le suppôt26.

La personne s’ajoute à l’individu ; elle ne le remplace pas mais lui apporte au contraire
quelque chose dont il est dépourvu : « la dignité de la personnalité », « personnalité »
désignant ici le fait d’être une personne et non pas d’être telle ou telle personne. Cependant,
cette dignité peut elle-même être considérée comme une propriété substantielle ou comme
une qualité, tout aussi essentielle, mais provisoirement première. Dans les deux cas, la dignité
de la personnalité confère à l’individu-personne le statut de « premier » ; ce n’est donc pas
la nature rationnelle qui est éminente en tant que telle, mais le fait qu’elle donne à celui qui
la possède la primauté par rapport aux autres créatures, et qu’elle soit provisoirement la
nature la plus éminente. La dignité de la personne consiste ainsi dans la noblesse ou primauté
de sa nature rationnelle, mais selon deux modalités différentes : premièrement, elle désigne
sa primauté cosmologique dans l’ordre des créatures, et deuxièmement, elle désigne
l’éminence actuelle de cette nature rationnelle au sein de la personne, ce qui signifie que dans
le suppôt, il n'y a pas de nature plus éminente et plus excellente, pour l’instant, que la nature
rationnelle. Or, comme ce n'est pas le cas chez le Christ, uni à la nature divine, et que le
Christ est cependant vrai homme, comme l'affirme le Credo, cela signifie que cette éminence
de la nature rationnelle n'est pas essentielle mais accidentelle ; en effet, le fait que le Christ
soit un homme d’exception ne change rien au fait qu’il s’agisse de l’Homme par excellence,
duquel Bonaventure tire la véritable définition de l’homme.

26
II Sent., d. 3, p. I, a. 2, q. 2, resp. (II, 106-107).
Il suit de ce qui précède qu'il y a place, chez l'ange comme chez l'homme, pour une nature
plus élevée que la nature rationnelle. Et de quoi s'agit-il sinon de la participation à la nature
divine, que Bonaventure appelle déiformité27 ou assimilation à Dieu, et dont le Christ
demeure le meilleur exemple ? De la même façon, le saint, tout en étant un être humain,
possède une dignité (au sens second) supérieure à celle du pécheur : il est pleinement
incorporé à la dignité du Fils ; on peut donc le vénérer, contrairement au pécheur. Mais cette
situation est provisoire puisque le pécheur a lui aussi la possibilité de laisser place en lui à
une nature plus éminente que sa seule nature rationnelle. C'est donc au cœur de la dignité de
la créature rationnelle que la distinction relationnelle se manifeste à nouveau : l’excellence
personnelle et incommunicable est ultimement liée à la qualité de la relation avec Dieu et
plus précisément à l’accomplissement de la filiation adoptive qui lie la créature à la Trinité
et la fait entrer dans la circumincession.

2. La nature rationnelle, image de Dieu

La dignité personnelle se rapporte essentiellement (primauté cosmologique) mais


provisoirement (primauté actuelle) au fait de posséder une nature rationnelle. Encore faut-il
préciser en quoi consiste cette nature rationnelle, que l’on peut facilement confondre avec
l’intelligence, qui n’en est pourtant qu’une facette. Posséder la nature rationnelle, c'est être
l'image de Dieu ; cette propriété substantielle est donc relative à l’essence divine. Dans le
Commentaire des Sentences, Bonaventure consacre à cette thèse deux exposés : l'un dans la
troisième distinction du premier livre, où il est expliqué que les trois puissances de notre âme,
mémoire, intelligence et volonté, sont par leur origine, leur distinction et leur ordre l'image
de la Trinité, le libre arbitre étant la manifestation commune de ces puissances, et l'autre dans
le second livre, seizième distinction, qui est consacrée à l'étude de la nature humaine et à sa
place parmi les autres créatures.

27
Sur la déiformité selon Bonaventure, voir par exemple Breviloquium, II, 9 et V, 1, n. 2 (V, 227 et 252)
(traduction française collective, Paris, Éditions franciscaines, 1967, p. 101-109 et p. 29) et II Sent., d. 16, a.
2, q. 3, resp. ad arg. 2 (II, 405).
La troisième distinction du premier livre est divisée en deux exposés, l’un portant sur le
vestige et l’autre sur l’image. En effet, les lecteurs d’Augustin retiennent généralement de
leur lecture (et un peu à tort)28 la célèbre distinction entre le vestige et l'image, le vestige
désignant toute créature irrationnelle, et l'image toute créature rationnelle, qu'il s'agisse de
l'ange ou de l'homme. Mais Bonaventure souligne que l'ange et l'homme sont également des
vestiges. Le vestige se définit en effet comme l'expression de l'unité, de la vérité et de la
bonté de Dieu, ce qui est le cas de toute créature, visible ou invisible. Or certains vestiges
sont en outre des images, c'est-à-dire des « ressemblances expresses » de Dieu, où Dieu
manifeste son intériorité même, la mémoire étant l'image du Père, l'intelligence celle du Fils,
et la volonté celle de l'Esprit saint, et toutes trois sont les puissances d'une unique substance.
Sur ce point, Thomas d'Aquin est en désaccord avec Bonaventure : à ses yeux, les facultés
de l'âme doivent être considérées comme des accidents, certes inséparables, en pratique, de
la substance âme, tandis que pour Bonaventure, elles sont distinctes en tant que facultés, mais
une en tant que facultés diverses d'une même substance ; c'est pourquoi elles sont
consubstantielles à l'âme – ce qui souligne remarquablement leur ressemblance avec la
Trinité29.

Il reste toutefois à comprendre en quoi l’éminence actuelle et provisoire de la nature


rationnelle, qui fait droit à la possibilité d’une pleine assimilation à Dieu, suffit à fonder la
primauté de la créature rationnelle par rapport aux autres créatures. Or, dans la seizième
distinction du second livre, Bonaventure explique la fonction des êtres rationnels dans la
création. De fait, pourquoi Dieu ne s'est-il pas contenté de créer les êtres irrationnels, puisque
ces derniers lui ressemblent et l'expriment à leur façon ?

Dieu a créé l'univers pour lui-même, si bien que, comme il est la suprême
puissance et majesté, il a fait toutes choses pour sa louange ; comme il est la
suprême lumière, il a fait toutes choses pour sa manifestation ; comme il est la

28
Aux yeux d’Augustin, tous les vestiges ne sont pas corporels, et Bonaventure le suit sur ce point.
29
Sur ce point, voir les explications de John Francis QUINN, The Historical Constitution of St. Bonaventure’s
Philosophy, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval studies, 1973, chap. 2 « Essence and nature of the
human soul », p. 137-218.
suprême bonté, il a fait toutes choses pour sa communication. Or il n'y a pas de
louange parfaite sans la présence de quelqu'un qui approuve (nisi adsit qui
approbet) ; et il n'y a pas de parfaite manifestation sans la présence de quelqu'un
qui comprend (nisi adsit qui intelligat) ; et il n'y a pas de parfaite communication
des biens sans la présence de quelqu'un qui a la capacité de s'en servir (nisi adsit
qui eis uti valeat). Et puisque qu'approuver la louange, connaître la vérité et se
servir des dons ne peut relever que d'une créature rationnelle, les créatures
irrationnelles ne doivent pas être ordonnées immédiatement à Dieu mais par
l'intermédiaire de la créature rationnelle. Or cette créature rationnelle, parce
qu'elle est faite pour louer et connaître et assumer les autres choses dans la faculté
de la volonté, est naturellement et immédiatement ordonnée à Dieu. Et puisque
plus une chose est immédiatement ordonnée à une autre, plus elle convient avec
elle selon une convenance d'ordre, et que l'âme rationnelle et toute créature
rationnelle, par le fait qu' « elle est capable de Dieu et peut en être participante »30,
est immédiatement ordonnée à lui, elle convient au plus haut point avec lui selon
une convenance d'ordre. Et parce que plus grande est la convenance, plus
expresse est la ressemblance, de là vient que, selon ce genre de ressemblance, la
créature rationnelle est une ressemblance expresse, et est donc une image. – C'est
ce que dit Augustin dans La Trinité, au quatorzième livre : « l'âme est l'image de
Dieu en tant qu'elle est capable de lui et qu'elle peut en être participante ». En
effet, puisqu'elle lui est immédiatement ordonnée, elle est capable de lui et
inversement ; et parce qu'elle est capable de lui, elle est faite pour être configurée
à lui ; et à cause de cela elle porte en elle dès son origine la lumière du visage
divin31. Et pour cette raison, en ce qui concerne la ressemblance relative à la
convenance d'ordre, on l'appelle parfaitement image de Dieu, car en ce sens elle
lui est assimilée expressément32.

30
Augustin, De la Trinité, XIV, 8, 11.
31
Ps 4, 7.
32
II Sent., d. 16, a. 1, q. 1, resp. (II, 394-395).
La primauté de la créature rationnelle par rapport aux autres créatures se manifeste sous la
forme de trois œuvres, qui font apparaître la créature rationnelle non pas comme un souverain
qui règne sur le monde des créatures irrationnelles, mais comme une créature tournée vers
Dieu et achevant la reconduction du monde à son Créateur. En effet, les trois tâches qui
reviennent à l’homme et à l’ange, à savoir l’approbation de la louange, la connaissance de
la manifestation divine et l’utilisation des biens, sont des tâches de parachèvement ; l’homme
ne vient pas remplir de son activité un monde passif et inerte, puisque le monde loue,
manifeste, produit du fruit. Dans tous les cas, il s'agit seulement de « parfaire » ce qui existe
déjà : parfaire la louange, parfaire la manifestation et parfaire la communication des biens.
La créature rationnelle a donc pour fonction principale de parfaire le monde, de le porter à
son accomplissement, non pas en le régissant de l'extérieur, mais en se faisant en quelque
sorte le porte-parole de toutes les créatures, la créature capable de recevoir et de porter en
elle les autres créatures. C'est pour cette raison que les créatures non rationnelles sont
ordonnées à Dieu par l'intermédiaire de la créature rationnelle, qui a pour supérieur immédiat
Dieu seul et avec lequel elle se trouve, non pas dans une situation d’égalité, mais de
réciprocité, puisque parmi toutes les créatures, elle seule est capable de « répondre » à son
Créateur.

Or la suite de l’extrait le confirme : cette primauté cosmologique est fondée sur cette
réciprocité étonnante et sur le mouvement même d’assimilation de la créature rationnelle
avec Dieu. En effet, la deuxième partie du texte nous oriente vers cette disponibilité de la
créature rationnelle à recevoir une nature plus élevée que sa nature actuellement éminente.
C'est ce que Bonaventure, citant Augustin, appelle « être capable de Dieu ». Grâce à cette
capacité, la configuration à Dieu ou déiformité est possible ; elle consiste à se laisser rendre
semblable au Fils ; il s'agit, autrement dit, de participer à la dignité du Fils et de revêtir la
noblesse propre à cette Personne divine : être l'enfant du Père et tout recevoir de Lui.

Ainsi, il ne suffit pas de dire qu’une personne créée est un individu qui possède une nature
rationnelle ; il faut encore préciser que la dignité qui en découle entraîne le monde avec elle
et ne s’achève elle-même que dans une dignité qui n’est plus seulement cosmologique, mais
quasi divine. Or seules deux sortes de créatures correspondent à cette définition de la
personne créée : l'ange et l'homme. Mais est-ce au même titre ? Il semble que les anges soient
plus « premiers » que les hommes, que leur nature rationnelle soit plus parfaite, et leur
déiformité plus grande, puisqu’ils sont constamment en présence de Dieu. Bref, la dignité
angélique n'est-elle pas éminemment supérieure à celle de l'homme ? Et dans ce cas,
comment le Docteur séraphique peut-il maintenir, avec Augustin et contre le Pseudo-Denys,
qu’il n’y a pas d’intermédiaire entre Dieu et l’homme ?

III. LA NOBLESSE DE L’HOMME : TOMBER ET SE RELEVER

1. L'égalité et l'excès de noblesse

Il s'agit de savoir non seulement comment l'homme et l'ange se situent l'un par rapport à
l'autre, mais également comment on peut mesurer la dignité de l'un et de l'autre. Bonaventure
s'atèle à cette tâche dans la seizième distinction du deuxième livre :

Puisque l'expression d'image consiste dans la convenance d'ordre et de


proportion, l'intention de dignité de l'image est en fonction de l'intention de
convenance de proportion ou d'ordre. Or il faut remarquer que la convenance
d'ordre de la créature rationnelle avec Dieu, relève soit de l'être (esse) de l'image,
soit du fait d'être un bien (bene esse). L'être de l'image consiste dans le fait que
la créature est immédiatement ordonnée à Dieu ; mais le fait d'être un bien
consiste dans le fait que la créature, qui est image, est placée devant les autres,
qui ont la raison de vestige, et dans le fait que les autres sont ordonnés à elle en
tant que fin. Et ainsi il y a un ordre triple dans la créature rationnelle selon lequel
elle est conformée à Dieu. Selon le premier ordre, elle est immédiatement et
naturellement conjointe à Dieu ; cela est essentiel à l'image, et en cela l'Ange et
l'âme sont égaux, parce que chez tous deux “l'esprit est immédiatement formé par
la première vérité elle-même”33. – Le second ordre consiste dans la place
qu'occupe la créature, qui est une image [de Dieu], par rapport aux autres
créatures ; en cela les Anges sont supérieurs, car ils sont considérés comme les
gardiens (rectores), non seulement des bêtes, mais aussi des hommes, selon
l'Ecclésiastique, 17 [14] : “il a préposé des gardiens pour chacun”, et la Glose
“c'est-à-dire les Anges” ; et il s'agit de l'ordre selon lequel la créature irrationnelle
est régie par Dieu au moyen de la [créature] rationnelle. – Selon le troisième
ordre, les créatures irrationnelles sont ordonnées à la rationnelle en tant que fin à
cause de laquelle elles ont été faites, et par ce moyen, [elles atteignent] la fin
ultime et principielle [Dieu]34. Et selon cet ordre, l'homme convient plus avec
Dieu que l'Ange ; en effet, les choses corporelles et sensibles ont été faites
davantage pour l'homme que pour l'Ange. – Ainsi il est évident que la raison
d'image, en tant qu'elle concerne la convenance d'ordre, et pour ce qui est de l'être
(esse), se trouve également chez l'homme et chez l'Ange, car tous deux sont
ordonnés à Dieu immédiatement. Et pour ce qui est du fait d'être un bien (bene
esse), c'est-à-dire l'ordre entre les créatures, ils se comportent sur le mode de
l'excès mutuel (se habent per modum excedentis et excessi). En effet, l'Ange
convient davantage [avec Dieu] selon l'ordre de la régence, tandis que l'homme
[convient davantage avec Dieu] selon l'ordre de la fin. De la même façon, nous
trouvons l'égalité et l'excès mutuel dans l'expression de l'image (reperimus et
aequalitatem et mutuum excessum in expressione imaginis), en tant qu'elle
concerne la convenance de proportion, car il y a une convenance de disposition,
qui concerne l'être de l'image, et [une convenance] qui concerne le fait d'être un

33
Augustin, De Trinitate, XIV, 14, 20 ; De liberi arbitro, I, 10, 21.
34
Voir II Sent., d. 15, a. 2, q. 1 (II, 382-383).
bien. Celle qui concerne l'être consiste dans le rapport à ce qui est intrinsèque,
par exemple entre les puissances [de l'âme] ; et en cela, l'homme et l'Ange sont
égaux, car la distinction, l'origine, l'égalité et la consubstantialité entre les
puissances de l'âme, à savoir la mémoire, l'intelligence et la volonté s'y trouvent
aussi bien qu'entre les puissances de l'Ange. – Mais quant à la convenance de
disposition qui concerne le fait d'être un bien et qui consiste dans le rapport de la
créature avec quelque chose d'extrinsèque, par exemple le corps, qui lui est
inférieur, elle peut être plus expresse en deux sens : soit privativement, soit
positivement. Si c'est positivement, alors l'âme est une image plus expresse [que
l'ange] en cela qu'elle est conjointe à un corps, car par lui elle est le principe des
autres choses et par lui elle inhabite tout. Ainsi elle représente plus Dieu, qui est
le principe de toutes choses et qui est un en toutes choses. Mais si c'est
privativement, alors l'Ange représente davantage, puisque Dieu est un pur esprit,
totalement sans mélange et indépendant de toutes les créatures ; et cela l'esprit
angélique le représente, étant donné qu'il est séparé, en acte et en aptitude, du
corps. Et c'est pour cela que Grégoire dit qu'il est plus subtile et qu'en lui l'image
de Dieu est plus expresse. Et ainsi il est évident que, en ce qui concerne la
convenance de proportion, en tant qu'elle relève de l'essence de l'image, il puisse
y avoir égalité entre l'homme et l'Ange ; mais en ce qui concerne celle qui relève
du fait d'être un bien, ils sont dans un rapport d’excès mutuel (se habent sicut
excedentia et excessa)35.

Dans son intégralité, ce texte permet d’établir un tableau comparatif de la dignité de l’ange
et de la dignité de l’homme :

Selon la convenance d'ordre Selon la convenance de proportion


Selon l'esse : 1) la créature-image estSelon l'esse (rapport entre les éléments
immédiatement ordonnée à Dieu intrinsèques) : 1) le rapport entre les puissances

35
II Sent., d. 16, a. 2, q. 1, resp. (II, 401-402).
Selon la convenance d'ordre Selon la convenance de proportion
Selon le bene esse : 2) la créature-image estSelon le bene esse (rapport entre l'image et
placée devant les autres (vestiges). C'est l'ordre quelque chose d'extrinsèque, par ex. le corps) :
de régence. 2) expression positive de Dieu par l'homme
3) les autres créatures sont 3) expression privative de Dieu par l'ange
ordonnées à elle en tant que fin. C'est l'ordre de
fin.
1) ange = homme 1) ange = homme
2) ange > homme 2) ange < homme
3) ange < homme 3) ange > homme

Ce n’est pas ici le lieu de développer le thème bonaventurien des différents types de
convenances et de ressemblances36. Signalons simplement que ce que nous avons appelé
jusqu’ici la primauté cosmologique relève de la convenance d’ordre, alors que la convenance
de proportion correspond davantage à ce qui est connu sous le nom d’analogie stricto sensu,
c’est-à-dire égalité de deux rapports. Or, quelle que soit la convenance envisagée, force est
de constater que ce texte affirme l’égalité fondamentale de l’ange et de l’homme selon l’être :
tous deux sont immédiatement ordonnés à Dieu, tous deux, par le rapport de leurs puissances
spirituelles (mémoire, intelligence et volonté), expriment de façon égale la vie trinitaire ; de
même, selon le bene esse, il s’agit d’une égalité différenciée : l’ange est le régent du monde,
qu’il surplombe en quelque sorte, alors que l'homme en est la fin, l'achèvement ; en outre,
l’ange est un pur esprit, ce en quoi il représente Dieu privativement, alors que l’homme, en
ce qu’il est l'union d'une âme et d'un corps et en ce qu’il habite ainsi « toutes choses »,
représente le caractère principiel de Dieu ainsi que sa présence dans le monde. Cette
inhabitation doit d'ailleurs s'entendre en deux sens : l'homme habite le monde au sens où le
monde est sa maison, mais l'homme est aussi la maison du monde puisqu'il a vocation à
recueillir en son âme tout l'univers visible, par la connaissance37. C’est pourquoi Bonaventure

36
On trouvera quelques éléments d’explication dans le livre d’Étienne GILSON, La Philosophie de saint
Bonaventure, (1923), Paris, Vrin, 3éme édition corrigée 1953, « L’analogie universelle », p. 165-191.
37
Sur le thème du monde, maison de l’homme, voir par exemple Breviloquium, op. cit., II, 4, n. 5 (p. 75-77 de
la traduction française) : « Cette machine sensible des choses corporelles est donc comme une maison
n’hésite pas à dire que l'homme et l'ange sont l'un par rapport à l'autre dans une situation
d'excès mutuel. Ce dépassement mutuel vaut mieux qu'une égalité sans relief : Dieu s'y trouve
bien mieux manifesté, puisque brillent simultanément et de façon distincte divers aspects de
son essence, et cet excès mutuel est en outre l'indice d'une complémentarité entre l’homme
et l’ange qui nous met sur la voie de la dignité propre à l’homme.

2. Le corps suprême et l'esprit infime

L'enseignement principal du texte précédent, en ce qui concerne la personne humaine, est en


effet que la dignité particulière de l'homme réside dans l'union de son âme avec son corps.
De fait, qu'est-ce qui distingue, au sens fort du terme, l'homme de l'ange ? Qu'est-ce qui lui
confère une dignité particulière ? C'est le fait qu'il soit l'accomplissement de l'univers visible,
et cela par son corps38 . Donc le corps est à la fois la cause de notre infériorité et de notre
supériorité par rapport à l'ange : comme elle est faite pour un corps, notre âme est moins
puissante que l'esprit angélique ; parmi tous les esprits, l’esprit humain est le plus « infime »39
; en outre, par notre corps, nous dépendons de toutes les créatures, nous sommes vulnérables.
Mais c'est en vertu de ce même corps que nous pouvons vraiment habiter le monde, le porter
et le récapituler en nous. Ainsi la noblesse de la personne humaine réside en ce qu'elle a
facilement tendance à considérer comme une faiblesse : le fait d'être une âme profondément
et en un sens indissolublement unie à un corps. Par conséquent, la dignité de l'homme ne

(domus) fabriquée pour l'homme par le suprême artisan (a summo opifice), jusqu'à ce qu'il vienne dans “la
maison qui n'est pas faite de main d'homme et qui est dans les cieux” [2 Co 5, 1] » (traduction modifiée).
Sur l’idée selon laquelle l’homme est à son tour la maison du monde, voir par exemple II Sent., d. 16, a. 1,
q. 1, ad 5. (II, 395-396) : « comme “la créature rationnelle, ou l'intellect, est en quelque sorte toutes choses”
[De anima, III, 8], toutes choses sont destinées à y être inscrites, et les ressemblances de toutes choses à y
être imprimées et peintes (depingi). C'est pourquoi, de même que tout l'univers représente Dieu selon une
totalité sensible, de même la créature rationnelle le représente selon une totalité spirituelle ».
38
Voir par exemple II Sent., d. 1, p. II, a. 3, q. 2, resp. (II, 50) : « Ce pourquoi l'âme est unie au corps humain,
c'est-à-dire vivifier le corps humain, ne constitue pas un acte accidentel, ni un acte ignoble : non accidentel,
pour la bonne raison que l'âme est une forme substantielle ; ni ignoble, pour la bonne raison que l'âme est la
plus noble de toutes les formes, et que c'est dans l'âme que s'arrête (stat) le désir (appetitus) de toute la
nature. En effet, le corps humain est organisé et assemblé (complexionatum) de l'assemblement (complexio)
et de l'organisation les plus nobles qu'il y ait dans la nature ; par conséquent, il n'est achevé (completur) et
ne peut être achevé que par la forme ou la nature la plus noble ».
39
II Sent., d. 1, p. II, a. 1, q. 2, resp. (II, 42) : « bien que l'esprit le plus haut et le corps le plus bas soient très
éloignés, cependant le corps suprême et l'esprit infime possèdent une très grande proximité. »
consiste sûrement pas à ressembler à un ange. Bien plus, notre âme elle-même occupe la
position la plus basse dans l'ordre des esprits, alors que notre corps, lui, est ce qu'il y a de
plus excellent dans l'univers visible. Si donc nous sommes l'union d'un corps suprême et d'un
esprit infime40, la raison, notre motif d'orgueil, est ce qu'il y a de plus bas dans l'ordre spirituel
; et notre motif d'humilité est ce qu'il y a de plus beau et de plus digne dans l'univers visible.
Par conséquent l'homme n'est pas, aux yeux de Bonaventure, un être monstrueux et
discordant alliant tant bien que mal un esprit sublime et un corps lamentable, mais il est au
contraire l'union « admirable » d'un corps et d'une âme qui sont parfaitement faits l'un pour
l'autre41.

3. Le pouvoir de se relever

La comparaison de l’homme avec l’ange ne permet pas seulement au Docteur séraphique de


mettre en valeur la dignité du corps humain uni à l’âme humaine ; elle permet également de
mettre au jour une excellence humaine non pas ontologique mais morale, cette fois,
excellence à laquelle correspond une excellence angélique et qui accentue encore leur égalité
et leur « excès mutuel » :

[...] je dis qu'ils sont égaux (dico quod sunt pares). En effet, ils sont
immédiatement ordonnés à la même fin, à savoir la béatitude éternelle ; et la
mesure de l'homme est la même que celle de l'Ange, ni l'homme n'est à cause de
l'Ange, ni l'Ange à cause de l'homme. Cependant, de même que la loi de la charité
fait que, dans les membres corporels et les concitoyens de la cité, un membre
supplée à l'indigence de l'autre – par exemple, l'œil voit sa route et celle du pied,
et le pied se porte soi-même et porte l'œil, et chez les citoyens de la cité terrestre,
il en va de même – c'est de la même façon qu'il faut raisonner au sujet de l'homme
et de l'Ange, qui sont les citoyens de la cité d'en-haut. En effet, l'homme a la

40
Bonaventure emprunte cette expression au magnifique opuscule De Spiritu et Anima, attribué pendant
longtemps à Augustin (PL 40, col. 789).
41
II Sent., d. 1, p. II, a. 1, q. 2, resp. (II, 42) : « la proportion est parfaite et admirable l'union (mirabilis nexus) ».
possibilité de tomber fréquemment et la possibilité de se relever (homo habet
habilitatem ad labendum frequenter, et possibilitatem ad resurgendum), alors
que l'Ange, s'il tient bon, tient bon perpétuellement, et s'il chute, ne peut pas se
relever (Angelus vero stans perpetuitatem in stando, et cadens impossibilitatem
in resurgendo) ; c'est pourquoi l'Ange qui tient bon soutient l'homme et l'infirmité
humaine, et l'homme, en se relevant, répare la ruine angélique ; donc, d'une
certaine façon, l'Ange est en vue de l'homme, et l'homme en vue de l'Ange. Et
par conséquent, dans cet ordre, ils sont égaux42.

Fondamentalement égaux, concitoyens de la cité céleste, l’ange et l’homme ont chacun leur
misère et leur grandeur, leur indigence et leur richesse, qui viennent renforcer cette égalité
fondamentale, comme le bene esse par rapport à l’esse. En effet, la misère de l'un correspond
à la grandeur de l'autre. Or cette indigence et cette noblesse se révèlent dans l'exercice et dans
l'épreuve de la liberté : l'excellence de l'ange réside dans le fait que s'il passe l'épreuve de la
liberté sans « tomber », cette victoire est définitive et irrévocable, alors que son indigence
réside dans le fait que s'il tombe dans l'épreuve « il ne peut pas se relever », et cette chute est
tout aussi irrévocable que sa victoire. L’excellence de l’homme, à l’inverse, consiste dans «
la possibilité de tomber fréquemment et la possibilité de se relever ». Un autre texte ajoute la
possibilité fondamentale de « tenir bon »43, l'ange n'ayant quant à lui que la possibilité de
tenir bon ou de tomber. La chute est donc fatale à l’ange et il ne peut y en avoir qu’une, alors
que l’homme tombe fréquemment ; ses chutes ne sont pour autant ni inévitables (il peut
« tenir bon », comme le Christ et la Vierge Marie l'ont montré), ni sans gravité, mais elles ne
sont pas irréparables. L'excellence de l'homme, sa dignité particulière, réside donc dans cette
possibilité qu'il a de se relever ; il s'agit en quelque sorte d'une grandeur dans la faiblesse,
puisque pour pouvoir se relever, il faut être tombé ou en tout cas s'être identifié à celui qui
tombe, dans le cas du Christ. C'est précisément cette même idée de grandeur dans la faiblesse

42
II Sent., d. 1, p. II, a. 2, q. 2 (II, 46).
43
Par exemple II Sent., d. 1, p. II, a. 1, q. 2; ad 2. 3. (II, 42) : « comme est donné à l'âme humaine le libre arbitre
versible et réversible, c'est-à-dire le pouvoir de tenir, de tomber et de se relever, il est donné au corps de
pouvoir mourir, et de pouvoir ne pas mourir, et donc de pouvoir vivre éternellement ». La concrétude du
vocabulaire employé est remarquable.
que développe Bonaventure dans un autre passage du deuxième livre du Commentaire des
Sentences :

[...] l'homme devait être placé en bas, pour que par l'humilité de sa basse position
il monte (ut per humilitatem subiectionis ascenderet) là où l'ange était tombé par
la sublimité de la noblesse (unde angelus ceciderat per sublimitatem elationis) ;
et pour cela devait lui être donné un corps constitué de nature inférieure [= la
nature élémentaire, et non céleste, ndt] pour que, se sachant poussière, il se place
sous Dieu en toutes choses. C'est pourquoi l'Écriture aime bien dire qu'il a été
produit du limon de la terre, pour qu'à partir de cela l'homme avance et monte par
le mérite de l'humilité44.

La pointe extrême de notre dignité réside donc paradoxalement dans notre humilité, dans
notre limon : certes, nous avons notre « noblesse », un corps admirable, une âme à l'image
de la Trinité, et bientôt à la ressemblance du Fils, tous deux, corps et âme, assumant à leur
façon l'univers entier ; mais la fine pointe de notre excellence est notre « basse position »,
parce qu'elle constitue le levier qui nous permet de monter – l'essentiel, la grande affaire
d’une vie humaine étant l’apprentissage du relèvement et de l’ascensus. C'est pourquoi les
ouvrages spirituels de Bonaventure sont consacrés à cette tâche : comment, non pas malgré
mais avec notre nature peu performante, et particulièrement avec nos sens corporels, monter
vers Dieu.45

CONCLUSION

Le Commentaire des Sentences constitue sans aucun doute le lieu bonaventurien principal de
réflexion sur le concept de personne, comme en témoignent l’abondance et la précision

44
II Sent., d. 17, a. 2, q. 1, resp. (II, 420).
45
Voir par exemple La Triple voie, traduit par Jacques-Guy BOUGEROL, Paris, Éditions franciscaines, 1998 et
L’Arbre de vie, traduit par Jacques-Guy BOUGEROL, Paris, Éditions franciscaines, 1996. Au sujet de la
doctrine dite des « sens spirituels », nous renvoyons au chapitre qu’Emmanuel FALQUE a consacré à « la
conversion de la chair chez Bonaventure », dans Dieu, la chair et l’autre, d’Irénée à Duns Scot, Paris, PUF
(« Épiméthée »), 2008, p. 251-345, et plus particulièrement p. 318-328.
technique des textes portant sur ce thème. Est-ce à dire qu’après 1252 Bonaventure s’en soit
désintéressé ? En réalité, le Docteur séraphique développera jusqu’à la veille de sa mort, et
donc jusqu’aux Conférences sur les six jours de la création, la thèse, plus grecque que latine,
mais parfaitement recevable par un Latin, de la consistance individuelle des personnes
divines, notamment par le moyen de ses Questions disputées sur le Mystère de la Trinité, et
sur la science du Christ, ainsi que dans ses Conférences sur les sept dons de l’Esprit saint.
Cette fidélité aux thèses initiales n’est pas moins remarquable en ce qui concerne les
personnes créées, angéliques ou humaines, puisque son insistance sur l’éminence seulement
provisoire de la nature rationnelle en l’homme conduira Bonaventure à décrire l’itinéraire
qui conduit cette nature rationnelle de l’image à sa pleine assimilation et union avec Dieu.
En ce sens, une présentation complète de l’apport théologique et philosophique du Frère
mineur au thème de la personne humaine devrait inclure la description qu’il donne de ceux
qui tiennent bon, de ceux qui se sont « relevés » après être « tombés »46, et en montrer le
déploiement historique depuis Adam et Ève jusqu’au Jugement dernier. Dans le
Breviloquium, Bonaventure distingue les étapes qui permettent de retracer cette histoire :
l'état adamique (Breviloquium II), l'impact du péché originel sur la personne humaine
(Breviloquium III), l'Incarnation du Fils de Dieu, qui est venu relever le genre humain de sa
chute, qui a rendu manifeste son indignité par la mort sur la croix et qui préfigure son
relèvement dans la Résurrection (Breviloquium IV), la diffusion de la grâce et des sacrements
qui visent à aider les hommes à se relever petit à petit, au cours des siècles (Breviloquium V
et VI), et enfin le Jugement dernier et la résurrection des corps, qui ont pour objet la
restauration finale et définitive de la personne humaine (Breviloquium VII). Dans cette
histoire du salut de la personne, on peut distinguer quatre plans intimement liés ;
premièrement, le Docteur séraphique procède à chaque étape à un examen des déterminations
intrinsèques de la personne, à savoir son corps, son âme et la qualité de leur union
(désobéissance et obéissance, mortalité et immortalité, etc.) ; deuxièmement, cette relation
de la personne avec elle-même est l’expression même de sa relation avec les personnes
divines, et tout particulièrement avec le Fils, qui est directement offensé par la corruption du

46
C’est également en ce sens qu’il serait intéressant de relire les deux Legendae et les Sermons que Bonaventure
a consacrés à la figure de saint François d’Assise.
péché et qui, en restaurant la relation entre le corps et l’âme, répare la relation de l’homme
avec Dieu en l’amenant à la filiation divine ; troisièmement, la personne humaine est
examinée sous l’angle de sa relation avec autrui, relation dont les aléas correspondent
infailliblement au rythme de la corruption et de l’assimilation qui caractérisent les relations
précédentes ; il faut noter que la prédilection de Bonaventure, dans le Breviloquium, va à la
relation conjugale, dégradée elle aussi par la corruption du péché, puisqu’elle devait
exprimer, dit le Frère mineur, « l’union de Dieu et de l’âme »47, ce que le Sacrement du
mariage rend à nouveau possible. Enfin, la personne humaine est profondément liée au
monde, dont elle est, nous l’avons vu, l’illustre représentant ; or, de même que la corruption
du péché endommage les relations qui viennent d’être évoquées, de même elle dérègle la
relation de l’homme avec le monde, tandis que la glorification finale des êtres humains doit
être accompagnée d’une sorte de repos et de glorification de toutes les créatures, par
l’intermédiaire de leur héraut48. La personne est donc liée de toute part ; toute corruption de
ces liens entraîne sa déformation. On comprend donc pourquoi le modèle et la cheville-
ouvrière de cette anthropologie ne sont pas le sage autosuffisant, détaché de tout et de chacun,
ni l’ange qui coïncide avec soi, mais le Christ, lien par excellence de ce qui était désuni, lié
à la croix pour réconcilier l’homme avec Dieu, l’âme avec le corps, le frère avec le frère, et
le monde avec l’homme, inconcevable réconciliation que Bonaventure décrit admirablement
dans un passage de La Triple voie :

Le paradis désirable est manifesté par la croix : il est le faîte de toute gloire, le
spectacle de toute joie, la réserve de toute opulence, car Dieu, pour nous restituer
cette habitation, s'est fait homme vil, misérable et pauvre. En lui la hauteur
accepta l'abjection, la justice subit la condamnation, l'opulence assuma
l'indigence. Celui qui commande a accepté l'esclavage abject pour que nous
soyons sublimés dans la gloire ; le Juge très juste a subi la condamnation la plus

47
Breviloquium, op. cit., VI, 13 (V, 279).
48
Ibid.,VII, 4 (V, 284-286).
sévère pour que nous soyons justifiés de la faute ; le Seigneur très riche assuma
l'extrême pauvreté pour que nous soyons enrichis en abondance49.

La Docteur séraphique présente la croix comme cette machine à lier inventée par Dieu pour
transformer notre bassesse et notre indignité en noblesse et en excellence – transvaluation
des valeurs et des personnes à la fois scandaleuse et réjouissante, accomplie par le Christ
pour chacun.

**************

“… A TU IMAGEN Y SEMEJANZA,…”
TEOLOGÍA DE LA IMAGEN DESDE LA IMPRONTA BONAVENTURIANA50

“A nosotros, hechos a tu imagen y semejanza nos pusiste


en el paraíso” (1R XXIII,1)

Manuel Lázaro Pulido51

Ser creado es ser significado. Estar en el mundo es pensar el mundo y tener conciencia de él.
Esa es una reflexión que no podemos rehuir pues forma parte de lo que somos: seres con
conciencia. Pero el potente instrumento de la conciencia no se reduce a una razón, a la duda,
a la pregunta… es más amplia, lleva a la vida práctica, a aquella que apunta nuestra vida
moral y a algo más. Pues el hombre no está llamado sólo a la vida práctica manual o moral,
sino sobre todo vivir conlleva contemplar, relacionarse con el entorno y sí descubrir lo que

49
La Triple voie, op. cit., III, 4, p. 48-49.
50
Trabajo resultado de las investigaciones del Grupo de Investigación de la Universidad Complutense de
Madrid: Grupo de Investigación nº 970723 - Filosofía y teología en la Europa de la Edad Media: Atenas,
Córdoba, París.
51
Profesor e investigador de la Universidade Católica Portuguesa (Centro de Estudos de Filosofia y Faculdade
de Teologia), profesor de CEDEU (Universidad Rey Juan Carlos de Madrid); profesor-investigador de la
Universidad Bernardo O’Higgins; profesor del Instituto Teológico de Cáceres (Universidad Pontificia de
Salamanca).
está en el interior de nosotros mismos y del mundo que comparte nuestro destino y acompaña
nuestro ser. El hombre está llamado a adorar a Dios, porque él es y se define como lugar de
encuentro con Dios. Es imagen y semejanza divina, es EXPRESIÓN.

La teología ha intentado dar explicación de nuestra naturaleza humana que se refiere


constante y esencialmente a Dios bajo la denominación de teología de la imagen. La teología
de la imagen depende en su origen interpretativo de la exégesis del relato de la creación que
aparece, como es bien sabido, en el texto sacerdotal (Gn 1,26-27).

Que san Francisco utilice esta referencia (que encabeza el capítulo) no tiene nada de original,
pues la teología de la imagen es una conceptualización y elaboración teológica que tenía ya
una larga tradición desde el pensamiento judío, pasando por los Padres, en especial san
Agustín, hasta constituirse en una de las caracterizaciones antropológicas en la teología
medieval. No es de extrañar que el Santo de Asís –que no era precisamente un teólogo
profesional, aunque sí tuviera una gran profundidad teológica,– utilizara la cita del Génesis
para referirse al hombre creado. San Francisco además de ser intuitivo tenía una buena
cultural litúrgica (ritual y cultual), por lo que el hecho de que usara las palabras de “imagen
y semejanza” confirma que la teología de la imagen era un teologúmenon bien asentado en
la tradición cristiana. Ahora bien, como siempre, la frescura de intenciones de la mirada
franciscana aporta matices a la teología, en este caso a la definición por parte de Dios del
hombre como “imagen y semejanza”, que dice mucho tanto de la formulación teológica como
de la experiencia espiritual y sapiencial en la que vivía la comunidad minorítica.
1. El hombre imagen de Dios

El tema del paraíso, traído al plano antropológico por san Francisco, nos ha llevado a realizar
una mirada sobre la creación como vértice de realización del hombre, de su constitución
elemental. Allí es donde Dios ha querido manifestarse, una realidad epifenoménica que san
Francisco ha sabido ver de forma clarividente, y con él la Escuela franciscana. Y si eso es así
es porque las creaturas pueden propiciar ese encuentro divino. Alejados del paraíso por el
pecado, Dios no cierra la puerta, ni mucho menos, sigue proponiendo espacios de encuentro.
La máxima expresión es Cristo, que es siempre el horizonte último de comprensión teológica
y existencia cristiana. Pero desde el acontecimiento de la encarnación del Hijo de Dios como
hermenéutica y sentido de la creación, Dios se nos ha manifestado en múltiples ocasiones,
epifanías que han preparado el encuentro con el evento central de Cristo y que nacen en la
propia creación como primer momento de la mediación salvadora de Jesucristo entre Dios y
los hombres:

“”Considera, oh hombre, en cuan grande excelencia te ha puesto el Señor Dios,


porque te creó y formó a imagen de su amado Hijo según el cuerpo y a su
semejanza según el espíritu (cf. Gn 1,26)”.

El texto sacerdotal del Génesis nos recuerda que si bien el mundo es un paraíso perdido por
el pecado, no está todo perdido. Muy al contrario. Dios que sale siempre al encuentro del
hombre, nos ha dado en su mismo acto creador una oportunidad para poder encontrarle y
darle bendición: la propia creación. Y el sello de esta mostración sagrada, de esta suprema
expresión y encuentro, reside en nosotros mismos. El hombre, aún limitado por su condición,
es creación de Dios, y está “bien hecho”, de tal manera que está creado a “imagen suya, como
semejanza” (Gn 1,26).

G. von Rad ha señalado la idea del dominio del hombre sobre el resto de la creación como
un contexto exegético de singular importancia (Rad, 1988, pp. 68-69). En definitiva, se trata
de la constatación del mandato yahvista de cuidar el jardín del Edén, incidiendo en un
contexto más litúrgico y legal, es decir, más acuciado por el olvido del hombre de la
supremacía de Dios sobre todo lo creado. El encargo divino, sin embargo, no somete al
hombre. Al contrario es una tarea motivadora que brinda, como hemos dicho, la oportunidad
de ahondar en la bondad divina que posee. El hombre a diferencia de los seres que le
acompañan está dotado de una especial y única cualidad: la de ser expresión de vida y
bondad, que es lo que le confiere su íntima dignidad. Así lo corroboran las palabras de
Wolfhart Pannenberg (1996) cuando recuerda que el hombre en virtud de ser imagen y
semejanza de Dios hace extensible el mismo dominio de Dios a las creaturas y ello propicia
que sea “representante y precursor del señorío de Dios en el mundo” (p. 219) –toda vez que
en el Antiguo Oriente las imágenes hacían recordar de forma clara y con eficacia práctica a
la persona representada mediante la expresión de poder y dominio (Keel y Schroer, 2002).
La afirmación del teólogo de Stettin está en consonancia con lo que los hombres del tiempo
en el que el Génesis fue escrito entendían al oír la expresión “imagen”, sin negar la
innovación teo-lógica que añade la Palabra de Dios. Efectivamente, la experiencia
veterotestamentaria es, sin duda, religiosa; pero en su expresión literaria y contemplada desde
la antropología cultural podemos ver que la utilización de la “imagen” está en consonancia
con el momento histórico y cultural en la que se desarrolla. De hecho, en el Antiguo Oriente
las imágenes hacían recordar de forma clara y con eficacia práctica a la persona representada
mediante la expresión de poder y dominio. Lo que no podía conocer la cultura de la época
era la novedad de un Dios que se define por su poder amoroso y volcado a la relación que
trastorna las ideas de poder y dominio. Si la persona expresada es la divina y esta es amor, el
dominio no se puede expresar en términos de poder como nosotros lo entendemos. Y la
imagen tampoco se transforma en un instrumento cualquiera. La imagen se ve afectada, a su
vez, en su naturaleza. Así las cosas, la vocación humana intrínseca en su naturaleza es la de
ser representación y expresión, lo que le lleva a renovar su relación con Dios; ahora bien,
siempre desde la iniciativa divina, pues es el Creador quien determina el hecho de hacer al
hombre a su imagen y semejanza.

Ser imagen de Dios responde a la iniciativa divina, al hecho de que Él quiere relacionarse
con el hombre y, de nuevo, el escenario privilegiado para esta relación es la creación divina.
En el relato yahvista, el hombre tiene que aprender a ver en la creación, y lo hace de forma
analogada. Es una tarea difícil, pues el hombre definido como imagen de Dios, es también
una analogía (el hombre no es Dios por mucho que el Creador lo haya colocado en el vértice
de su creación). Hans Walter Wolff (1975) es taxativo al respecto, al vincular la analogía que
es el hombre, con su contacto con Dios, a través del mundo creado: “El hombre tiene que
vérselas siempre con las creaturas de Dios… la analogía implicada en la expresión «imagen
de Dios» consiste asimismo en que el hombre se las tiene que ver en el mundo con las mismas
cosas que Dios ha hecho” (p. 216). Y se trata del hombre en cuanto todo hombre –alma y
cuerpo–, en cuanto sexuado –hombre y mujer–, y en cuanto humanidad –el ser humano–.

El hombre que es imagen y semejanza de Dios –toda la humanidad, todos los hombres, toda
estructura personal– se hace fecundo porque le ha sido conferido el dominio. Y como
dominar ya no significa lo mismo que en el lenguaje de los hombres, sino que su significado
tiene su nuevo origen en el resultado de la acción divina, el dominio no es poder, sino
expresión. Es decir, el dominio se hace fecundo en su relación con Dios mediante la obra
creadora. El hombre fruto de la Palabra de Dios es expresión que comparte la capacidad de
palabra. S. Otto (1979) afirma sobre este asunto que “en la historia de la teología cristiana
ocupa un lugar central no solamente la doctrina, fundada en Gn 1,26, de que el hombre es
imagen de Dios, sino también la encerrada en el concepto de la analogia entis” (p. 749). Y
ciertamente el texto parece dejar asomar en la noción de imagen el carácter analogado del
hombre. Pero, sobre todo, aparece su capacidad interior de trascenderse en su relación
externa: mientras más se proyecta en su ser humano, más ser humano es. Analogía y
expresión se manifiestan como un matrimonio muy conveniente, en cuanto que posibilita que
el hombre desde sí mismo pueda escapar de la lectura inmanentista, algo que propició en
Feuerbach reducir a Dios como proyección del ser del hombre.

Para Feuerbach la semejanza entre Dios y el hombre no deja de manifestar sino un profundo
panteísmo, o mejor un profundo humanismo. Dios es expresión de la naturaleza humana y el
hombre es expresión de Dios proyectado. Mirar a Dios, según Feuerbach, nos indica mucho
de nosotros mismos. La unidad del proyecto del hombre está en sí mismo, en el encuentro de
sí mismo, o sea, en su reconocimiento como representación y representado:

“Donde está la conciencia de Dios, allí está también la esencia de Dios, es decir
en el hombre (…) Sólo así obtenemos una unidad verdadera, en sí misma
satisfactoria, de las esencias divina y humana; la unidad de la esencia humana
consigo misma sólo llegará si abandonamos la idea de una filosofía especial de
la religión o una teología diferente de la psicología o antropología” (Feuerbach,
1995, p. 53).

La crítica feuerbachiana pone el dedo en la llaga sobre los límites de la univocidad y de la


referencia esencial de la analogía del ser, cuando esta no es capaz de indicar el soporte del
ser. W. Pannenberg en Wissenschaftstheorie und Theologie advierte que el acceso a la idea
de Dios ya no sería dado inmediatamente a partir del mundo, sino solo a través del rodeo
(Umweg) de la concepción que el hombre tiene de sí mismo y de su relación con el mundo,
imposibilitando cualquier diálogo con los seres naturales desde la esclavitud del sensismo.
Brota de nuevo el problema del que ya hemos hablado con anterioridad sobre la
fundamentación de la metafísica, o el modo del acceso al ser. Pero ante la parálisis naturalista
y fisicalista o hiperrealista, la teología de la creación nos muestra un espacio de encuentro
con la creación, acrecentada por la vocación expresiva del ser humano que nos evita dar un
rodeo por el sujeto al que la estrecha concepción expresiva –formulada paradigmáticamente
por Feuerbach– nos había arrojado. El acceso a la idea de Dios ya no sería dado
inmediatamente a partir del mundo, sino solo a través del rodeo (Umweg) de la concepción
que el hombre tiene de sí mismo y de su relación con el mundo” (Pannenberg, 1987, p. 311).
La teología de la creación y la de la imagen del hombre proporcionan un arsenal intelectual
contra el subjetivismo al proponer la sinergia entre la interioridad estructural del hombre y el
encuentro con lo exterior a él: armonía con el mundo y en él con Dios como la realidad que
lo fundamenta.

Con los precedentes lejanos en el tiempo de la Escritura y con la posterior hermenéutica


bíblica y teológica, san Francisco nos aporta precisamente el vínculo que sustenta la acción
relacional del hombre, su vocación de encuentro y de camino místico a través del marco
armónico con la creación. El hermano Francisco recupera en la profundidad del ser humano
–imagen y semejanza– la fuente de la fraternidad y recuperación salvífica; trae para sí la
inocencia de la mirada de la vuelta al paraíso que recordara la teología paulina al que era
particularmente afecto por recordar la imagen por excelencia, paradigma de toda teología:
Cristo, imagen perfecta de Dios.
El Antiguo Testamento no utiliza en muchas ocasiones la figura de imagen y semejanza,
destacando la vinculación salvífica en Si 17,3-4 y la existencia de una referencia en Sb 2,23.
En el Nuevo Testamento tampoco aparecen muchas citas, y las que aparecen se explican
desde la teología paulina en un contexto cristológico en la renovación del compromiso de la
creación desde el acontecimiento pascual. Cristo es la imagen del Padre: “Él es imagen de
Dios invisible” (Col 1,15); y ello nos lleva a reeditar la labor de renovar mediante nuestra
palabra la Palabra de Dios:

“Y si todavía nuestro Evangelio está velado, lo está para los que se pierden, para
los incrédulos, cuyo entendimiento cegó el dios de este mundo para impedir que
vean brillar el resplandor del Evangelio de la gloria de Cristo, que es imagen de
Dios. No nos predicamos a nosotros mismos, sino a Cristo Jesús como Señor, y
a nosotros como siervos vuestros por Jesús” (2 Co 4,3-5).

Y es que en Cristo constituimos la nueva humanidad –el hombre nuevo (Ef 4,22-24)– y
nuestra tarea es la de recrear con Cristo, el nuevo Adán. El hombre en Cristo, imagen de su
Creador (Col 3,10), ha de despojarse del hombre viejo y revestirse del hombre nuevo (Col
3,9), y ese joven revestimiento es el amor. Se trata de profundizar la creación desde el
acontecimiento de la recreación de Cristo, revestirse del hombre nuevo nos posibilita para
recuperar de nuevo “la humanidad”. Si todo hombre está llamado a dominar la tierra, todo
hombre ya sea judío o griego, esclavo, libre… se dignifica en Dios, pues “Cristo es todo y en
todos” (Col 3,11). El trabajo del hombre consiste en profundizar lo que somos: ser imágenes
de Dios, quien nos hace ser santos y amados (Dios, el Santo, es Amor). Esta suprema
dignidad nos compromete a vivir en fraternidad desde el perdón en el amor. La tierra, de
nuevo, resulta ese paraíso donde reina la paz. Cristo, la imagen, el nuevo Adán, constituye la
nueva humanidad y nos muestra un nuevo hacer, ya que Él es la palabra creadora, y Él es el
medio de relación y de expresión.
Pero, como hemos señalado, san Francisco no recuperó a partir de cero la teología de la
imagen. Recibió la doctrina de la imagen después de un largo periplo de elaboración teológica
que incorporó muchos presupuestos filosóficos ajenos a la interpretación paulina, con
múltiples lecturas y formulaciones desde los santos Padres hasta su tiempo. De hecho, es en
los cinco primeros siglos de la Iglesia cuando se articula la antropología cristiana (Hamman,
1987), desarrollándose durante toda la Edad Media. En el siglo XII, centuria bautizada y
definida como el renacimiento medieval, se revitalizan los estudios antropológicos por medio
de los teólogos cistercienses y los primeros maestros parisinos (Javelet, 1967). Es un hecho
importante para el desarrollo de la teología de la imagen y la antropología teológica, pues
hay que tener en cuenta que para los teólogos medievales la antropología no es una disciplina
autónoma e independiente, sino una parte de la disciplina superior de la realidad

Conociera o no las elaboraciones teológicas, pues no citó explícitamente los textos


neotestamentarios a los que nos hemos referido, los temas presentes en la teología de la
creación y de la imagen aparecen de forma diáfana en el pensamiento sanfranciscano. La
experiencia diaria corrobora esta suposición. Forma parte de la cotidianeidad que oír hablar
de san Francisco de Asís inmediatamente nos lleva a pensar en la paz, en el cuidado sagrado
de la creación, en amor hecho vida santa, es como si le escucháramos en persona proclamar
la santidad de Dios. Es cierto que la topología teológica aplicada a su persona en las
biografías, en especial las escritas por san Buenaventura, tiene mucha culpa de ello, pero esta
explicación de la investigación teológica no desvirtúa, ni la personalidad franciscana, ni la
espiritualidad que transmiten los escritos del Santo de Asís.

La escolástica franciscana desarrolla la teología de la imagen de Dios conjugando la


explicación teológica heredada de su tiempo con la especial sensibilidad sobre la creación
del espíritu de la Orden. La teología del siglo XII había establecido una dualidad entre imagen
y semejanza de Dios que comportaba una gradación ontológica y significativa (Chenu, 1969,
p. 296). Cada uno se emparentaba con una realidad. La imagen lo hacía con la naturaleza
creada, por su parte, la semejanza encontraba su par en la gracia recibida por el don de la
salvación. Imagen y semejanza suponen, también, una progresión antropológica –tanto
ontológica como epistemológica– en la relación con Dios, donde el hombre parte de sus
facultades naturales (imagen) para alcanzar por orden sobrenatural (semejanza) la unión con
Dios. La progresión ontológica tiene un reflejo en el acceso experiencial del hombre. La
imagen divina nos acerca a su conocimiento noético y la semejanza a la unión amorosa. La
teología de la imagen en la época medieval, dependiente de la glosa al salmo 4, 7 de Pedro
Lombardo, está mediada por el hecho del pecado humano y la redención de la gracia de
Cristo. De esta forma, siguiendo la tematización de Alejandro de Hales, nos encontramos con
tres instantes existenciales en el hombre dentro de la significación de su imagen La similitud
(imago similitudinis) alude al modelo; la imagen (imago ad quam) en la que ha sido creado
el hombre, nos lleva a Dios mismo; y el término imagen de la recreación (imago
recreationis), en un tercer significado existencial, nos anuncia la reforma operada en la
imagen deformada por la acción distorsionadora del pecado, mediante la obra salvadora de
Cristo (Chavero, 1993, p. 107).

Amén de la dinámica salvífica de la imagen y semejanza divina, su vinculación con el hecho


creador supuso otra pregunta en el hombre medieval. Si el hombre es creado a imagen y
semejanza de Dios y, por lo tanto, está dotado interiormente, en su universalidad y no
accidentalmente, de la cualidad de imagen y semejanza, ¿puede y debe poseer el cetro sobre
el mundo? Si todo apunta que sí, desde la lectura de las Escrituras hasta la especulación
derivada de ellas, emerge la cuestión del porqué y el cómo. El problema filosófico-teológico
que se plantea es ¿por qué el hombre es capaz de ese dominio sobre la creación?

La solución pasa por responder a las cualidades o facultades propias y específicas del hombre,
aquellas que le permiten, por haber sido creados con ellas, ser imagen de Dios con capacidad
para la similitud con Él. La antropología y la psicología clásicas han afirmado que el hombre
está dotado de un alma con entendimiento y voluntad: es libre. En el siglo XX, E. Husserl,
en su obra Renovación del hombre y de la cultura, ratifica la importancia humana de estas
dos instancias, destacando la voluntad como una facultad que caracteriza al ser humano como
tal. La facultad de la volición hace posible que seamos capaces de escapar de la
generalización estereotipada de las conductas y los hábitos, convirtiendo la acción de “querer
algo de modo general”, en una búsqueda caracterizada por la referencia axiológica: “El
simple animal –afirma el padre de la fenomenología– actuará acaso del mismo modo una y
otra vez, dadas determinadas circunstancias por ejemplo, pero carece de voluntad en la forma
de generalidad. El animal desconoce lo que el hombre expresa en las palabras «quiero en
general actuar de este modo siempre que me encuentre en circunstancias de esta índole, dado
que tengo en general a los bienes de esta índole por valiosos»” (Husserl, 2002, p. 26). Es
decir, la voluntad introduce la idea del bien y del valor en la toma de decisiones que motivan
la actuación.

La libertad se nos presenta como el resultado de nuestra estructura humana; y es en la libertad


donde se muestra antropológicamente la imagen divina. El ejercicio de la libertad es el
escaparate de la realidad divina que hay en nosotros. Esta actividad libre tiene sus riesgos,
pues no hay realidad valiosa que carezca de un camino tortuoso y un desfiladero vertiginoso.
La tortuosidad de la libertad reside en la posibilidad que un uso no adecuado del mismo tiene
de alejarnos de Dios. Es la experiencia de pecado que nace de la libertad, como fruto de una
creación en la responsabilidad. Sin embargo, la libertad ejercida con justicia y en
responsabilidad muestra de forma privilegiada nuestra constitución como imágenes, pues es
en su puesta en práctica como realizamos el encuentro con Dios. La gracia de Dios da la
fuerza suficiente en el hombre para responder positivamente a la vocación de encuentro a la
que está convocado y, por lo tanto, a descubrir en su interioridad la presencia de la referencia
de la que es imagen.

En la Edad Media en general, y en la Escuela franciscana en particular, voluntad, conciencia,


libertad y ley entran en el debate sobre la naturaleza ontológica, antropológica y moral. Es
conocida la predilección de la voluntad en los maestros franciscanos, lo que como hemos
visto en el ejemplo de E. Husserl supone una posición más abierta al diálogo moderno y
contemporáneo. Ciertamente existen variaciones entre los maestros de la primera generación
que aquilataron y dibujaron teorías en el asentado agustinismo, y los que tuvieron que lidiar
con el aristotelismo y sus diversas tendencias, como es el caso del sutil Duns Escoto. Entre
las dos posiciones, aunque más cercano al agustinismo, de quien es un valedor y un pensador
acabado, san Buenaventura realiza una lectura positiva de la sindéresis de la que señala que
es una facultad de la parte afectiva que tiende y estimula al bien (Lázaro, 2008).

La sindéresis entra en una dinámica de mostración de lo que de Dios hay en el hombre. Y ahí
entra nuestra naturaleza icónica. Si el hombre tiene en sí una chispa (scintilla) de la llama divina
es debido a que ha sido creado a imagen y semejanza de Dios. Y lo divino no puede ser
encerrado en la conciencia o el entendimiento. Con esta preciosa y optimista concepción
humana, el Seráfico se separa de los dos grandes maestros de su época. Si con santo Tomás de
Aquino y Escoto la sindéresis se asigna más a la comprensión y el entendimiento, con san
Buenaventura apunta más a la voluntad o la afección (Heinrichs, 1974, p. 626). Lo que nos
presenta el maestro de Bagnoregio significa antropológicamente que la sindéresis al estar
situada en la voluntad hace viable que el ser humano, aunque limitado por el pecado, posea
una inclinación al bien. Efectivamente, siguiendo a san Buenaventura, la sindéresis es cima
del alma (apex mentis) que excede la misma razón superior llevando a la unión amativa que
es el último escalón de las tres vías clásicas de la mística medieval de gran trascendencia y
precedidas por la vía purificativa y la vía iluminativa. Por lo tanto, nos conduce directamente
a un estado de íntima comunión con Dios que es Bien. De este modo, el hombre está abierto
a superarse desde lo más íntimo, no sólo a conocerse en un recorrido filosófico (socrático),
sino a reconocerse, como hijo del Dios creador y como imagen de su Amor. Por ello el
conocimiento no nace tanto del intelecto o de la mera razón, cuanto del entendimiento completo
que se produce en lo profundo del alma mediante la sindéresis (1891b, c.1, n.4). Más tarde, en
las Collationes in Hexäemeron (1891a), nos propone esta cointuición desde el entendimiento
y el gustar de Dios mediante la potencia unitiva o amativa a la que nos acabamos de referir:

“Similiter operatio vel potentia divinda duplex est: una, quea se convertit ad
contuenda divina spectacula; alia, quae se convertit ad degustanda divina solatia.
Primum fit per intelligentiam, secundum per vim unitivam sive amativam, quae
secreta est, et de qua parum vel nihil noverunt” (col.5, n.24).
De este modo, el Seráfico nos va introduciendo en la centralidad del hombre, en su ser más
profundo e indicando qué es lo importante y definitorio de nuestro ser hombres. Nos hallamos
ante una estructura antropológica que está impregnada por el aroma del amor.

Nadie puede dudar de que el hombre es un ser dotado de razón (independientemente de lo


que entendamos por la facultad racional) y de que eso le diferencia del resto de los seres
creados. Pero ello no es suficiente, hay un paso más que dar, o quizás se podría decir mejor
una realidad ontológicamente previa. El alma humana, su mente, racionalidad y voluntad, en
fin las facultades que le definen y caracterizan apuntan siempre al encuentro amoroso
(Lázaro, 2007b, p. 208). San Buenaventura operó así una profundización en una de las
temáticas que es una de las aportaciones más enriquecedoras al entendimiento del hombre y
su quehacer intelectual y espiritual, una contribución que el filósofo francés É. Gilson
designó bajo la expresión de “socratismo cristiano”(Lázaro, 2006a; 2007a). San
Buenaventura refleja en su pensamiento sobre el hombre que el encuentro con el bien va más
allá de la aspiración epistemológica, por lo tanto, del mero conocimiento intelectual de la
idea del bien. El encuentro no se hace con una idea, sino con Dios. Estamos preparados para
poder recibir la huella impresa divina, pero con nuestras solas fuerzas no podemos conocer
a Dios, es una realidad tan inmensa que se nos escapa. Sin embargo, sí que estamos
preparados para recibir la gracia e iluminación divina y, por lo tanto, enriquecer el impulso
socrático desde la aportación de la experiencia vital cristiana y llegar a unas cotas de
humanidad y trascendencia desconocidas antes por la filosofía meramente racional. San
Buenaventura nos invita a propiciar dicho encuentro a partir de la mirada desde nuestro ser
creados como imagen con vocación de semejanza.

La búsqueda desde el interior del hombre de la significación de los seres, evitando una huida
tramposa hacia el subjetivismo y alejado de todo racionalismo, abre al hombre al
entendimiento y comprensión de los seres creados que se nos presentan como un libro en el
que leer, como una pintura y un espejo en el que Dios irradia su omnipotencia y
omnipresencia, tal y como Alain de Lille manifestara poéticamente recogiendo el sentir y la
sensibilidad del hombre medieval. Por extensión, el ser humano ve en su ser imagen la
posibilidad de tener una entidad expresiva. No se trata de renunciar al descubrimiento de la
importancia del yo de la filosofía moderna, más bien se trata de no caer en la trampa del
ocultamiento de la realidad del “en sí”. Una ocultación en la que se transforma la expresión,
cuando cae en las redes de la representación tal y como la capta el entendimiento fenoménico
kantiano. El ser imagen de Dios en el contexto del pensamiento de san Francisco desde la
interpretación de los maestros franciscanos, dependiente del neoplatonismo, nos lleva por
unos caminos de distensión entre una metafísica dependiente de los entes, que no tiene
dificultades a la hora de nutrir el ser, y una filosofía preventiva, que refleja el prejuicio
antirealista moderno conducente ocultar las cosas en sí.

El pensamiento franciscano parte del misterio, del numen, de lo nouménico. Pero un misterio
que lejos de estar oculto al ser humano se manifiesta como condición de posibilidad de
nuestro ser, incluso como interpelación primordial de la pregunta filosófica. Los fenómenos
expresan la realidad mistérica que contienen, que no es otra cosa que el ser que se revela
siempre en la palabra y como logos. Pero la dilucidación de la realidad llega al hombre desde
su ser humanidad, es decir en el hombre entero que trasciende su realidad desde algo más
que una metafísica lógica. La penetrante e insondable verdad resplandece cuando se ahonda
una metafísica fenomenológica dada en el tiempo y no agotada en él: una metafísica
expresiva.

La antropología de la imagen, justificada en una metafísica expresiva, posibilita la intrínseca


relación del hombre desde sí mismo a la referencia última de lo que es, superando su
inmanencia. La teología ensancha así el horizonte de la razón filosófica y aporta una luz sobre
la totalidad del entendimiento humano. En consecuencia lo libera de sus limitaciones
conceptuales y le proporciona una nuevas lentes a viejas dicotomías que han resultado
aporéticas y han escindido el discurso, imposibilitado el diálogo y fragmentado el logos. La
teología de la imagen reconstruye la imagen perdida del hombre, cuando este reconoce la
limitación y anulación de su capacidad de utilización plena de la razón desde la modernidad.
La teología de la imagen puede ayudar al discurso actual a liberar a la razón de la reducción
en la que ha caído. Una razón que sólo puede dar la cara en su expresión práctica. Al respecto
Benedicto XVI afirma que “Kant… ancló la fe exclusivamente en la razón práctica,
negándole el acceso a la realidad plena” (Benedicto XVI, 2006a).

El sujeto humano se vertebra a partir del convencimiento radical de que el acceso del hombre,
al referente del que es imagen, no comporta la restricción derivada del exclusivismo de la vía
ético-práctica, sino el reconocimiento íntimo, partiendo del sujeto y desde el encuentro con
el misterio –con la realidad en sí–. El sujeto humano se construye desde sí mismo, con lo que
es desde su auténtica epifanía: con la Persona que nos convoca como amor (cf. Benedicto
XVI, 2006b, n. 1). Como recuerda Benedicto XVI en el inicio de su encíclica Deus caritas
est (2006b):

“«Dios es amor, y quien permanece en el amor permanece en Dios y Dios en él»


(1 Jn 4, 16). Estas palabras de la Primera carta de Juan expresan con claridad
meridiana el corazón de la fe cristiana: la imagen cristiana de Dios y también la
consiguiente imagen del hombre y de su camino” (cf. n. 1).

La imagen del hombre encuentro en el amor es el camino que se propone para la similitud
plena y existencial, o en palabras de J. Ratzinger, el hombre es “semejante a Dios, en la
totalidad de su ser, tal como ha sido llamado a la existencia” (Ratzinger, 2005, p. 70). La
plenitud siempre se da en el amor que refleja la bondad de Dios. Por lo que la naturaleza
humana como imagen de Dios nos lleva a la semejanza en gratuidad. La meta del hombre,
de su naturaleza, le impulsa a desplegar sus capacidades de una forma orientada por su
esencia bondadosa. La libertad queda reforzada desde su concepción hasta su uso, pues el
bien compartido tutela el ejercicio de la libertad. El hombre realiza en libertad el encuentro
consigo mismo, con su ser imagen y, desde allí, puede propiciar el encuentro con Dios.
Asume la búsqueda interna de su alma en un ejercicio de su mente de comprensión intelectual
y se eleva en un deseo que impulsa su voluntad a la recepción del amor de Dios. Este
encuentro explícito se hace desde el propio sentimiento de creatura y aumenta auxiliado por
la gracia, hasta vivir la similitud con aquello que el hombre percibe de forma inequívoca de
la realidad en sí, de lo Santo: el Bien de Dios. El hombre tiene capacidad de Dios (capax Dei)
porque el bien se comunica al hombre. El propio san Buenaventura (1891c) –aceptando la
tradición cristiana del neoplatonismo– lo expresa con absoluta claridad:

“La forma beatificable es capaz de Dios por la memoria, el entendimiento y la


voluntad; y esto significa esta hecha a imagen de la Trinidad por la unidad de
esencia y trinidad de potencias, fue necesario que el alma entendiese a Dios y
todas las cosas, y por ello que estuviese sellada con la imagen de Dios” (p. 2, c.
9).

Francisco de Asís Chavero, de forma admirable, ha sabido sistematizar la tesis de san


Buenaventura sobre la implicación de la imagen de Dios como base de la definición
antropológica, subrayando la expresión bonaventuriana de la forma beatificable (forma
beatificabilis) en el contexto de la creación y la salvación. Aprovechamos sus palabras para
explicar cómo la forma beatificable expresa en el Breviloquium:

“la idea de una autocomunicación de Dios, que explica la acción creante de Dios
y el substantivo de todo el orden existente. La ratio ultimissima –continúa
afirmando– es la bondad fontal de Dios, que comunica su propia bienaventuranza
a la criatura. La ordenación no es algo accidental, sino constitutivo esencial de la
existencia concreta. Este orden que llamamos natural o de creación es un
momento interno del orden sobrenatural, que si por aquél no viene éste exigido,
sí es primero en cuanto es la real condición de posibilidad del segundo” (Chavero,
1993, pp. 134-135).

Recapitulando podemos afirmar que la semejanza nace en el hombre en el estado de


comunión con Dios, originado en el conocimiento y en el amor. El hombre ha sido creado a
imagen y semejanza de Dios con el fin de poder relacionarnos con Él y profundizar en la
misma mediante la comunión. Cuanto más ha rechazado el hombre esta relación, más la ha
profundizado Dios. El Dios creador se ha mostrado Padre amoroso, y la invitación a
relacionarnos con él y cuidar su obra se ha concretado en la generosa oferta de la comunión
y de ser palabra con Él que es palabra.

“Dios –dice el Santo Padre– quiere hablar al corazón de su pueblo y también a


cada uno de nosotros. «Te he creado a mi imagen y semejanza», nos dice. «Yo
mismo soy el amor, y tú eres mi imagen en la medida en que brilla en ti el
esplendor del amor, en la medida en que me respondes con amor»” (Benedicto
XVI, 2005, p. 946).

El amor se muestra como camino de acceso y de unión entre verdad y bondad. San Francisco
hace vida lo que Ricardo de San Víctor (1855, c. 13, col. 10a) hiciera exclamación: “Ubi
amor, ibi oculus”. San Buenaventura (1891b), en la explicación del camino místico desde la
experiencia franciscana, lo expresa con total claridad: “En esta consideración es donde
nuestra alma, a la vista del hombre formado a imagen de Dios, como si fuese el sexto día,
halla iluminación perfecta” (c. 6, n. 7). El Doctor Seráfico muestra a Francisco de Asís como
el modelo personal de imagen humana en su naturaleza y de semejanza con Dios dada por la
gracia, ejemplo vivo de la hermenéutica existencial y recapitulativa –vir hierarchicus (Hayes,
1988; Chavero, 2000)–. Y en la narración de la vida y el significado del Poverello, el maestro
franciscano muestra la fecundidad de la antropología de la semejanza que nace del encuentro
con el Crucificado y de la interpretación evangélica del hombre nuevo, así como de la
recreación del sentido de la dominación de la tierra:

“Clavado ya en cuerpo y alma a la cruz juntamente con Cristo, Francisco no sólo


ardía en el amor seráfico a Dios, sino que también, a una con Cristo crucificado,
estaba devorado por la sed de acrecentar el número de los que han de salvarse”
(Buenaventura, 2000, c. 14, n. 1, p. 468).

2. El hombre finito abierto al infinito: ruptura de la nihilidad en favor de la minoridad


La imagen de Dios que es el hombre, fundamenta su dignidad. La dignidad de hijo de Dios
es el mayor reconocimiento que se le haya podido ofrecer al hombre. Frente a ello la
inmortalidad sería realmente secundaria, si no fuera que va de suyo que la dignidad de hijo
de Dios, dada en gracia por el Padre en el Hijo, garantiza la victoria sobre la muerte, la
superación de la limitación y de la finitud humana desde la clave de lectura del pecado y de
la gracia. Subyace, a su vez, desde la perspectiva de la creación, considerar el hecho temporal
en el que el hombre desenvuelve su vida y está llamado a superar.

Desde aquí, y a partir del presupuesto formal a-sistemático en el que nos situamos, quisiera
elaborar una reflexión sobre la concepción del tiempo humano y del tiempo salvífico en
diálogo con una novedosa lectura que aparece en san Francisco y se desarrolla en san
Buenaventura sobre la ruptura del tiempo. Esta perspectiva liga la antropología con la historia
de la salvación.

La exégesis bíblica nos señala, como ya hemos visto, dos paradigmas de creación humana a
partir de sendos relatos: el sacerdotal y el yahvista en el Génesis. Ambas narraciones son
diferentes, no sólo porque se redactan en tiempos diversos, sino debido especialmente a que
sus necesidades narrativas responden a intereses dispares y ello influye en las lecturas
teológicas y exegéticas. G. von Rad (1988) lo expone con mucha precisión:

“El texto Gen 2s contiene una narración. No es (y en cualquier caso no lo es en


sentido directo) una doctrina, sino que se describe una historia, un tramo de
camino ya andado y que nunca podremos volver a recorrer…
Las concepciones cosmológicas de las que parte nuestro relato J de la creación
son, pues muy distintas de las que hemos encontrado en P, y tienen por tanto que
proceder de un marco vital y de unas tradiciones asimismo muy diferentes… En
este mundo [en J] considerado de forma totalmente antropocéntrica, el hombre
es la primera de las creaturas. «En el capítulo 1, el hombre es la cúspide de una
pirámide; en el capítulo 2 es el centro de un círculo» (Jac)” (p. 92).
Se nos presentan dos modelos antropológicos y, en consecuencia, dos concepciones
metafísicas y temporales, dependientes de que la naturaleza de sus fuentes sea la sacerdotal
o la yahvista. X. Pikaza, exento de disquisiciones metafísicas, muestra cómo el autor
sacerdotal introduce intencionadamente un “esquema objetivo-espacial de las obras de la
creación en el ritmo litúrgico-temporal de los días de la semana” (Pikaza, 2006, p. 31), que
se puede organizar utilizando dos diseños: uno circular y otro lineal.

El primero incide de forma especial en la armonía del conjunto, en un ritmo litúrgico donde
el espacio se configura como el templo en el que la creación está iluminada por la luz,
imbuido de un ambiente sagrado. El segundo profundiza el orden progresivo, en el cual, el
mundo creado es un templo para los hombres.

La creación entrelaza inexorablemente al hombre con el espacio y el tiempo, rememorando


nuestra naturaleza finita, pero no nos arroja a la nihilidad. Es verdad que el hombre es
resultado de una creación desde la nada (creatio ex nihilo) como plasma el texto bíblico (Gn
1,2), a partir de la imagen del caos que “desvirtualizado aparece como representación plástica
de la nada” (Renkens, 1960, p. 115). Circunstancia que se ve refrendada en la utilización del
verbo crear (bará) al no vincularse a la materia (G. von Rad, 1988, p. 58). Pero el uso literario
del recurso a la nada no implica su realidad originante, en cuanto a que se introduzca la
creación en el pozo de la nihilidad. La pretensión de las narraciones sobre el origen del
hombre y del mundo no nos conduce a afirmar que el hombre sea nada, sino que quieren
poner negro sobre blanco en el hecho de que el hombre depende totalmente de la palabra
creadora de Dios y no de la materia. Precisamente es la convergencia actual en una dimensión
del espacio-tiempo la que ha puesto a los científicos nacidos de la metodología científica
moderna en un atolladero de principios metodológicos sin igual. Pues el modelo clásico
(modelo estándar) de explicación de la evolución del universo nos sitúa en un origen espacio-
temporal desde una singularidad (teoría del Big-bang) de carácter especial que postula una
creación ex nihilo. Una encrucijada teórica que lleva a la reflexión, al menos filosófica, sobre
la plausibilidad e, incluso, oportunidad de recurrir a la causalidad metafísica y que provocó
la contrariada reacción de uno de los postuladores de dicha teoría, el científico Sir Arthur
Eddington (1933), que muy a pesar suyo tuvo que exclamar: “me siento casi indignado de
que haya quien crea en ella… salvo yo mismo” (p. 124).

La creación espacio-temporal del universo involucra un salto cualitativo. No se niega la


explicación evolucionista del origen del universo, ni tampoco se afirma. No se trata del
desarrollo físico de los acontecimientos cosmológicos. La inclusión de la categoría de la
temporalidad como factor en el que universo (como expresión física del mundo creado) se
desenvuelve dirige nuestros pasos a traspasar el umbral de las explicaciones meramente
mensurables y a introducirnos en el pórtico de la interacción del sujeto y el mundo. Entra en
la escena del mundo y su realidad la esfera de la metafísica y de la significación. La creación
espacio-temporal del universo provoca en la lectura humana una teología de la creación y la
expresión donde se supera el tiempo profundizando el concepto de historia.

La pregunta que se impone es ¿qué tipo de historia?, ¿cómo entender la historia en el hombre?
J. Moltmann, en un análisis sobre el tiempo desde la teología de la creación, en su obra Dios
en la creación (1987), señala cómo la categoría histórica del hombre asumida por la teología
tiene su “reverso oscuro” en el límite histórico-temporal. En un momento de la historia del
pensamiento y de la teología, frente a la visión antropocéntrica del mundo, la teología
moderna presenta la historia como paradigma que plantea en el antropocentrismo, donde el
hombre está situado en el vértice de la creación y el centro del mundo, un giro utilizando la
formulación de un teocentrismo cosmológico (p. 153). Imagen teológica que se plasma en la
secuencia de la creación en el horizonte del sábado señalado como “corona de la historia”.
El teólogo protestante, centrado en el protagonismo divino, se inscribe en una visión más
centrada y circular según la esquematización de X. Pikaza (2006, p. 33), en la que el sábado
se ofrece como elemento temporal litúrgico, frente a un sábado en el esquema lineal que
sugiere el inicio de un nuevo ciclo.

La unidad espacio-temporal en el hombre se explica en la propia narración de la experiencia


del acontecimiento creador: el hombre no es en sí naturaleza, ni es historia, no se reduce a
materia, ni se agota en el tiempo. El hombre creyente es creatura de Dios en el espacio y en
el tiempo, cuerpo finito dado en el tiempo que se transforma en historia y experiencia humana
de la llamada de Dios a colaborar en el acto creador desde su ser icono (imagen) de Dios52.
Dios invita ininterrumpidamente al hombre a surcar los caminos de la vida sin que por ello
el texto bíblico cuestione su radical inmanencia. Pero el hombre no se siente desvalido ni
olvidado, se sabe aliviado en su camino y custodiado en su aventura. A pesar de las vaivenes
irresponsables del hombre en el diálogo con Dios, este nunca lo ha roto, manteniéndose
siempre fiel. La relación que Dios edifica con los hombres es sólida y planificada, exigiendo
al hombre una construcción que incide sobre el tiempo histórico en el que desenvuelve su
vida (Segovia, 2006, p. 195). Dato histórico que el hombre, al ser convocado personalmente,
vive en acontecimiento, elevado a categoría infinita. “Creación –señala Olegario González
de Cardedal (2004)– no dice un mero inicio del ser en el tiempo sino la permanente
constitución en él para la vida como oferta de Dios e invitación a compartir su divinidad. El
Génesis no sólo no niega sino da por evidente que ser como Dios es la vocación humana” (p.
522). Y es que la creación no se refiere tanto al inicio temporal del ser, cuanto a la
constitución temporal del mismo. Dios ofrece y abre el ser a la existencia y a la vida como
una oportunidad e invitación a compartir la divinidad. La creación no nace de la nada, el
tiempo creado es la evidencia de que Dios propone el ser y que la plenitud de ser, que es el
propio Dios, es la vocación humana. No se trata de ser como Dios, sino de que el hombre
vaya construyendo plenamente su ser que responde al encuentro con Dios.

El dato concreto espacio-temporal lleva a la plenitud existencial y real. El pensamiento


moderno, desde Kant, elevó a universal el dato particular del acontecimiento haciendo que
la experiencia finita y mediata pudiera formar parte de la experiencia universal (Negt, 2003,
p. 205). El tiempo del hombre, experiencia de finitud humana, no nos conduce a una vivencia
en el instante. El hombre no tiene el ahora, sino que retiene el ahora y lo proyecta en el
espacio (articulada con el tiempo irremediablemente), y por ello en el infinito. La lectura de
la conjunción de elementos no se resuelve en términos dialécticos, sino sinérgicos. La visión

52
La utilización de la palabra icono está totalmente fuera de una carga semántica y responde más bien a
cuestiones de estilo, por no repetir la palabra imagen. Sobre la diferencia semántica (y ontológica) entre ambos
términos referidos a nuestro tema (Moingt, 2001, pp. 153-162).
de contraposiciones es más una cuestión de aristas que de planos contrapuestos. San Agustín
supo ver de forma clarividente la importancia de la pregunta temporal, de que inaugura la
tematización filosófica dentro del pensamiento medieval en la pregunta “¿qué es el tiempo?”
53
.

El problema que se plantea es relativo a la forma en la que se pueda armonizar la creación en


el tiempo desde la nada con la eternidad. Pero a nosotros no nos va a interesar tanto esta
disyuntiva, cuanto advertir que existe una vivencia antropológica del acontecimiento de la
historia en el hombre desde su ser personal creado. Vivencia que posibilita el trascender su
finitud espacio-temporal y en el que, a su vez, poder responder y vivenciar –en el hic et nunc–
la pregunta kantiana ¿qué me cabe esperar?

San Francisco viene al rescate de nuevo y se postula como luz viva desde su experiencia
existencial. Su vida es acontecimiento puro, pero no agotamiento en instantes acontecidos,
sino la esfera existencial donde se muestra el ser. Eso también es acontecimiento: lugar de
encuentro y, por lo tanto, tiempo de encuentro. Pues entrar en contacto con Dios exige
siempre un estar, una llamada y una respuesta. Es un único movimiento desarrollado en la
tiranía de la secuencia, pero comprendido en la libertad del sentido. Somos imagen y
semejanza (creación) por su voluntad, para desarrollarnos relacionalmente en lo que somos
(elección) y responder a su fidelidad y generosidad amorosa (alianza). San Francisco es el
santo consciente de su ser creatura, nadie como él alaba la creación con tanta hondura, con
semejante alegría, con divino respeto y en poesía hecha vida. Convocado por Dios en una
llamada personal y elegido por Dios como a Moisés, a Elías…, tal como señala San
Buenaventura al hablar de la vocación de Francisco, realizando explícitamente esta
comparación de personajes veterotestamentarios y neotestamentarios en la Leyenda Maior
(Uribe, 2005). Francisco de Asís siente la llamada de Dios en primera persona, así lo
manifiesta en su Testamento: “El Señor de esta manera me dio, a mí, Fray Francisco, el

53
“Quid enim est tempus? Quis hoc facile breviterque explicaverit? Quis hoc, ad verbum de illo proferendum,
vel cogitatione comprehenderit? Quid autem familiarius et notius in loquendo commemoramus quam tempus?
Et intelligimus utique cum id loquimur, intelligimus etiam cum alio loquente id audimus. Quid est ergo
tempus?” (Agustín de Hipona, 1841, lib. 11, c. 14, col. 816).
comenzar a hacer penitencia” (Francisco de Asís, 2003, p. 637). San Francisco se sabe en las
manos de Dios. Tiene plena conciencia de que es expresamente dirigido por Dios (“dedit”,
reitera en el Testamento) “dirigido” por Él54. Dios lo ha elegido, por eso no puede sino
alabarle por la gracia de ser creado: “En una obra cualquiera canta al Artífice de todas… se
goza en todas las obras de las manos del Señor” (Tomás de Celano, c. 124, n. 165, p. 325).
Podemos afirmar que su vida se entiende en el contacto directo con la palabra de Dios,
sellando una alianza con el Padre mediante su vida evangélica, en la configuración con Cristo
en el compromiso total espiritual y corporal con Él. Configuración que se hace visible en la
transformación de su cuerpo en la estigmatización tal como narra Buenaventura en la
Leyenda Mayor (2000):

“Conoció por divina inspiración que, abriendo el libro de los santos evangelios,
le manifestaría Cristo lo que fuera más acepto a Dios en su persona y en todas las
cosas. Después de una prolongada y fervorosa oración, hizo que su compañero,
varón devoto y santo, tomara del altar el libro sagrado de los evangelios y lo
abriera tres veces en nombre de la santa Trinidad. Y como en la triple apertura
apareciera siempre la pasión del Señor, comprendió el varón lleno de Dios que
como había imitado a Cristo en las acciones de su vida, así también debía
configurarse con Él en las aflicciones y dolores de la pasión antes de pasar de
este mundo” (c. 13, n. 2, 461-462).

La vida de Francisco es el itinerario de la historia que Dios tiene reservada al hombre. Una
historia personal que trasciende el tiempo y el espacio, los momentos, y que, paradójicamente
(que no dialécticamente), se dan en el acontecimiento de la vida del hombre, del mismo modo
que la historia de la salvación se ilumina y se cumple en el acontecimiento que se ha dado de
una vez para siempre: el acontecimiento pascual.
La experiencia del Juglar de Dios lleva a romper la barrera del tiempo de la naturaleza y
escapa a la naturaleza del tiempo. Cuestiones que interesan al cómo de la realidad, pero que

54
“DEDIT. repetidas veces recurre en el Test. éste o parecido giro. Francisco tiene plena consciencia de que es
expresamente dirigido por Dios”. (Francisco de Asís, 2003, p. 643).
no pueden entender el sentido de la misma. No se trata de relativizar el tiempo físico, como
hiciera Einstein. Tampoco de subjetivizar el tiempo en el contacto epistemológico, como
hiciera Kant. Se trata de dar respuesta al significado del tiempo en el hombre, que lo percibe
como formando parte de su ser corporal y personal. Podemos aventurar que el tiempo del
mundo creado por Dios es concéntrico y excéntrico, más que lineal y cíclico. El esquema
temporal se configura en espiral, por decirlo utilizando una imagen geométrica.

La incursión de nuevas estructuras espacio-temporales en el mundo del hombre fue


inteligentemente visualizada por san Buenaventura, lanzado a la pregunta por el tiempo
debido a la irrupción de la obra aristotélica y a la eternidad del mundo que cuestionaban sus
postulados teológicos. Esto provocó un revuelo en las aulas que no dejó indiferente al
entonces estudiante de teología, pues las razones que se esgrimían desde los nuevos
postulados filosóficos eran tan atrayentes como inquietantes. San Buenaventura narra, en una
de las pocas referencias autobiográficas que utiliza, cómo la escucha de las tesis aristotélicas
le llevaban a preguntarse sobre la posibilidad de tales afirmaciones55.

Para el Seráfico, el tiempo como realidad natural se define como medida con respecto a la
superación de las contraposiciones tiempo/eternidad y duración/instante (síntesis de los
momentos en cuanto esencia de la duración). Dichos contrastes presentes en el concepto de
tiempo trascienden la lectura física en una hermenéutica de la realidad que va más allá de un
único sentido interpretativo del tiempo bíblico puestos en relación con la realidad física. El
tiempo aparece en un esquema paradójico que se ha de superar: tiempo cíclico y tiempo lineal
se funden en el sentido metafísico e histórico. El tiempo es medida de lo creado, en una
historia de salvación que se funda en la eternidad divina del Creador a la que todo se reduce;
en un ahora ya cumplido y, a su vez, aún por realizar, es decir, en un tiempo escatológico
(anagogía) que culmina y orienta teleológicamente la historia (tiempo vivido y expresado
como espejo).

55
“Audivi, cum fui scholaris, de Aristote, quod posuit mundum aeternum; et cum audivi rationes et argumenta,
quae fiebant ad hoc, incepit concuti cor meum et incepit cogitare: quomodo postest hoc esse?” (Buenaventura,
1891, col. 2, n. 28, p. 515)
Recurrimos, de nuevo, al ejemplo de san Francisco. El santo fundador se proyecta en el
mundo como realidad y acontecimiento vital escatológico. Bellamente lo expresa K. Esser
(1980):

“Estando Francisco penetrado de una fe profunda en la obra salvífica total de


Dios y habiendo asimilado enteramente con plena sencillez el camino de Cristo,
se convirtió para los hombres de su tiempo en testimonio vivo de los tiempos
futuros. Lleno como estaba de sencillez impregnada de fe, las realidades
definitivas eran en él ya palpables” (p. 22).

San Buenaventura, quien ve en san Francisco la realización antropológica más completa,


entiende que nuestra naturaleza definida por ser imagen representa el desbordamiento de las
fronteras espaciales y temporales. San Francisco proyecta el tiempo escatológico en el
encuentro con Cristo y nos muestra el camino auténtico de la ruptura de las fronteras de la
temporalidad humana para adentrarnos en la historia humana en Dios. El tiempo se trasciende
en el amor, en el responder afirmativamente (con un sí) a nuestra naturaleza creada, en
reconocer su elección y el cumpliendo en fidelidad, es decir, en nuestro ser personas.

Lo que venimos diciendo no se queda en pura especulación teórica, sino que cimienta la
experiencia cotidiana, entendiendo por cotidiano lo que se puede alcanzar en una vida
desarrollada en una racionalidad, volición y afectividad normal. Quien haya amado alguna
vez puede entender –no de forma metafórica, sino realmente– lo que venimos diciendo, en
una intensidad que siendo mucho menor, no deja de ser suficiente. Cuando uno se siente
amado y ama tiene la certeza, no intelectual, sino anímica, psicológica y espiritual, de que la
persona amada está con él. Se estremece sabiendo que él está en esa persona, en un instante
diferente y en un lugar distinto, en un sólo espíritu. Las barreras espacio-temporales
desaparecen. En ese momento lleno de amor uno se sabe en el mundo, se sabe elegido, siente
su filiación y compromiso. No espera recompensas, ni piensa en la culminación de su amor,
pues entiende que ya está realizado, y que el tiempo no es sino el territorio donde encontrar
más momentos culminantes. El espacio en el que prolongar el don recibido y aún aumentarlo,
profundizar lo ya hecho y revitalizado día tras día. Expresando interiormente nuestro ser en
el amor, el tiempo no es el momento de la perfección, sino de la profundización y expansión
de lo ya hecho. Si prosigue, mejor; si se concluye, no supone el fin de todo, pues el amor no
tiene límites temporales. Pero no es repetición tampoco de lo realizado, pues la visión no es
estática sino expansiva. No se trata de la inquietud del compromiso angustiante de alcanzar
unas promesas o cumplir unos objetivos de los que depende el sentido; ni de una anodina
contemplación sin sentido. La cuestión es vivir y gustar lo que somos: expresión de amor y
relación. El tiempo queda trascendido, se hace historia de amor humano en Dios. El tiempo
en el hombre es así speculum historiale, referencia al mundo, a los hombres y a Dios (Lázaro,
2007c). Dios, que entra en contacto con el hombre creado en el espacio y en el tiempo, recrea
en el espacio y el tiempo. Tiempo y espacio se manifiestan como uno, y de la misma manera
que el espacio es renovado en el acontecimiento pascual, el tiempo creado supera la dialéctica
de un espacio apocalíptico y un eterno retorno de lo mismo, inaugurando el tiempo
escatológico.

La cruz, que san Francisco anhela como camino de amor y búsqueda de cumplimiento
evangélico en la similitud con Cristo, es la clave de comprensión de todo tiempo humano y,
por lo tanto, de sí mismo, marcado como está por el hecho de ser limitado en el tiempo. Así
Cristo es y se muestra como “medio” en la cruz. San Buenaventura profundizando el espíritu
del fundador conjuga el movimiento fenomenológico-existencial del tiempo, con la lectura
de la profundidad del Misterio cristiano:

“El centro perdido de un círculo se encuentra por medio de dos rectas que se
cruzan cortándose en ángulo recto, es decir, por medio de una cruz. Esto quiere
decir que Cristo, por su cruz ha resuelto definitivamente el problema geométrico
de la historia del mundo; ha restaurado así el movimiento de la vida individual
pero también, a continuación, la orientación y el sentido de la historia de la
humanidad en general” (Ratzinger, 2004, p. 216).

El ser humano nacido desde la nada no se queda en ella, ni vuelve a ella: en Dios el tiempo
no existe, la nada es superada. Lo hizo al crear desde ella, desdeñándola, anulándola, y lo
reiteró en su Hijo cuando eliminó para siempre la muerte. No la evitó, sino que la superó
desde su asunción (viviendo la experiencia de la muerte, la hace vida). El amor de Dios creó
desde la nada; y el amor de Dios en su Hijo recreó venciendo la muerte. El amor del Espíritu
supera constantemente “las nadas” de los hombres en el cuerpo eclesial del Hijo. La nada
filosófica es un concepto límite, porque necesitamos límites para crear conceptos y delimitar
la realidad del ser. Pero la realidad que es amor no conoce límites, sino expresión, es
teológicamente que la nada puede ser superada. Por eso no se trata tanto de sentirnos nada,
anularnos, cuanto de sentirnos menores, porque siendo menores hacemos al Otro y a los otros
mayores. Sintiéndonos menores nos descubrimos mayores, pues nos realizamos en la
referencia. Incluso nuestra inserción por el mundo de la nada relativa es ocasión de Dios para
trascender de nuevo y “ningunear” el nihil que representa el pecado, pues siempre ofrece
oportunidad de gracia:

“Es propio del cristiano saber distinguir que es Dios quien nos ha creado ex nihilo
y que en su acción recrea constantemente la creación ex tempore desde la gracia
salvífica. Los frutos del bien en el hombre son superación de cualquier
circularidad temporal, de cualquier vuelta a la nihilidad radical sin solución,
cualquier vaciamiento ontológico” (Lázaro, 2006b, p. 247).

Cuando somos menores Dios interviene, no nos deja arrojados a la nada, ya que es relativa,
y nos hace mayores: nos abre al infinito.

Creado, llamado y enviado, san Francisco ve en el amor la salida de la nada relativa en la


totalidad de la acción amorosa de Dios. No es que no esperemos la recompensa futura, es
que, como señala en su Testamento (2003), en la acción de la misericordia de Dios
prefiguramos esa recompensa y se justifica la propia vida: “como estaba en pecados, me
parecía extremadamente amargo el ver a los leprosos. (2.) Y el Señor mismo me condujo
entre ellos, e hice misericordia con ellos” (1-2, p. 637). El Señor eleva a san Francisco de su
condición de nada y lo introduce en la grandeza del menor. En los leprosos Dios le mostró la
misericordia, y en ella san Francisco reconoce en esos menores leprosos la imagen de Dios.
La ruptura del tiempo nos conduce a la negación de la nada y la constatación de la absoluta
dignidad.

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****************
APROXIMACIÓN A SAN BUENAVENTURA A PARTIR DE LA NOCIÓN DE
FILOSOFÍA COMO FORMA DE VIDA

Maximiliano Prada Dussán56

El título de este escrito muestra con claridad el objetivo que buscamos: nos acercaremos al
pensamiento de San Buenaventura desde la noción de filosofía como forma de vida.
Exploraremos, entonces, al autor desde una postura filosófica. En ella, no rastrearemos ni
será el eje de nuestra discusión la oposición entre filosofía y teología. En lugar de ello,
examinaremos al autor a partir de la distinción que se da al interior de la filosofía, entre
filosofía entendida como disciplina teórica o discursiva y filosofía como forma de vida.
Tomamos tal distinción de la historiografía filosófica contemporánea y, con ella, nos

56
Profesor Asociado de la Licenciatura en Filosofía de la Universidad Pedagógica Nacional. Grupo Filosofía y
Enseñanza de la Filosofía. aprada@pedagogica.edu.co
acercaremos a nuestro autor. Sin embargo, en nuestro ejercicio de examen queremos mostrar
que también se encuentra de modo explícito en San Buenaventura y que es posible rastrearla
en sus escritos para encontrar no solo su formulación explícita, sino el contenido y el modo
en que ella configura su propuesta. Queremos, pues, ampliar los modos de interpretación
sobre el pensamiento del Doctor Seráfico.

Para realizar nuestro ejercicio seguiremos los siguientes momentos: inicialmente nos
aproximaremos brevemente a la noción de filosofía como forma de vida. En un segundo
momento, nos acercaremos a la crítica de la filosofía hecha por San Buenaventura y,
finalmente, examinaremos el modo en que opera una noción de filosofía como forma de vida
en el autor. Este último ejercicio servirá, a su turno, para ampliar los modos de relación que
se plantean entre el pensamiento del autor y la filosofía.

Hemos de señalar, por último, que no examinaremos el conjunto de la obra del autor, sino
que tomaremos como hilo conductor el Itinerarium mentis in Deum.57 A partir de este
tenderemos algunos enlaces con otros textos del autor.
Filosofía como forma de vida

La noción de filosofía como forma de vida fue puesta de presente en la segunda mitad del
siglo XX en el seno mismo de la filosofía. En particular, ocupó un lugar central en los
estudios de Pierre Hadot (1998, 2006) y ha sido compartida y seguida por autores posteriores,
no sin matizarla y criticarla.58 El núcleo de la noción señalada está en que con ella se quiere
llamar la atención acerca de la íntima relación entre discurso filosófico y vida filosófica,
relación que, señala Hadot, se daba en la mayor parte de la filosofía antigua. La filosofía
antigua, señala, distinguía el discurso, por un lado, del modo de vida, por otro; sin embargo,
aunque se pudieran distinguir, “ningún discurso filosófico merece ser llamado filosófico si

57
Utilizaremos la versión española de esta y de las demás obras de San Buenaventura en la edición de la B.A.C.,
tal como se muestra en la bibliografía. Citaremos las obras por su abreviatura.
58
La bibliografía sobre los estudios de filosofía como forma de vida es extensa. Entre ella se puede resaltar los
estudios de Foucault, Sloterdijk, Nehamas, Lang, Gaztelu, Meléndez y Lozano, citados en la bibliografía de
este texto.
está disociado de la vida filosófica y no existe la vida filosófica, si no se vincula
estrechamente con el discurso filosófico” (2006, p. 192). En tal contexto de discusión, la
filosofía no consistiría solamente en el desarrollo y aprendizaje de un discurso o de una teoría;
sería también un estilo de vida asociado a ello. Los distintos asuntos teóricos o discursivos
implican la vida. Hadot muestra esto con claridad estudiando la escuela estoica: “Los estoicos
distinguían entre la filosofía, es decir, la práctica vivida de las virtudes que para ellos eran la
lógica, la física y la ética, y el discurso conforme a la filosofía, es decir, la enseñanza teórica
de la filosofía, dividida a su vez en teoría de la física, teoría de la lógica y teoría de la ética”
(1998, 190). Retomando la imagen clásica diremos que, en este orden de ideas, la filosofía
no esculpe estatuas inmóviles y pensantes; en su lugar, imprime vitalidad a quien filosofa.

A partir de esta noción es posible señalar que las distintas escuelas filosóficas en la
antigüedad no son meramente distintos modos de explicar y comprender el mundo o los
asuntos propios de la filosofía. Además de ello, las escuelas configuran modos de vida,
modos que se erigen enlazados con la reflexión en torno a los problemas filosóficos como la
verdad, la belleza, el placer, la muerte, el amor, la amistad, etc. Se trata de comunidades -en
ocasiones personas aisladas- en busca de una vida mejor. Ahora bien, en este marco vale la
pena resaltar el papel de la reflexión e insistir que no se trata de un modo de vida sin más,
sino de aquel que está siendo examinado por la reflexión, aquel que es criticado, justificado
y movido por el pensamiento. El discurso “justifica, motiva e influye en esta elección de
vida” (Hadot, 2006, p. 190), con el rigor que supone la reflexión filosófica.

Por los propósitos de este texto no resulta pertinente detenernos en los componentes
específicos de los modos de vida filosóficos que Hadot, entre otros autores, encuentran en
las escuelas filosóficas antiguas; tampoco en describir o caracterizar alguna de ellas en
particular. En lugar de ello, señalaremos dos ideas centrales de esta noción, las cuales servirán
como presupuestos para la siguiente sección, en donde nos aproximaremos al caso de San
Buenaventura.
La primera idea que queremos subrayar consiste en el aporte o, incluso, la crítica que esta
noción lanza frente a la filosofía misma. En efecto, a partir de aquí se hace una lectura del
modo actual de darse la filosofía, la cual se ofrece, en palabras de Nehamas, “mayormente
como disciplina teórica” (2005, 12). Al dar esta indicación no se busca señalar que la filosofía
actual haya perdido el sentido original del filosofar, que esté errada o que sea artificial. Por
el contrario, bajo la comprensión según la cual la filosofía es, también, un constructo histórico
y que, por ende, sus sentidos cambian con el paso del tiempo y según los espacios en los que
se desarrolle, se habla de filosofía como forma de vida como uno de los posibles sentidos de
la filosofía, como un carácter construido históricamente. Sin embargo, aunque no se
cuestione la pérdida de un sentido original sí se llama la atención sobre el hecho de que la
filosofía se ha alejado de la vida cotidiana, no en tanto ella no se ocupa discursivamente de
aspectos cotidianos –que, en efecto sí lo hace-, sino que lo hace sin la pretensión de afectar
la vida o la existencia de quien filosofa, quien aprende o quien se acerca a la filosofía. La
disciplina teórica actual, podemos decir, se practica mayoritariamente en tercera persona, no
en primera.

Este asunto se advierte fácilmente, por ejemplo, a través de una de las consecuencias que
tiene la separación entre discurso y vida: los géneros de escritura. En efecto, en contraste con
otras épocas, en las que la filosofía se escribió en diálogos, cartas, confesiones, meditaciones
u otros géneros configurados a partir de la primera persona, y que, en consecuencia, acudían
a narraciones, prácticas, contextos de quienes intervenían en la reflexión filosófica, la época
actual privilegia géneros que tienden a ser escritos en tercera persona, renunciando a
referencias particulares. Así ocurre con los trabajos de grado, artículos científicos o ensayos
académicos. En el ejercicio profesional del filósofo no suelen ser aceptados textos narrativos.
Con todo, la noción de filosofía como forma de vida se erige, a la vez, como reclamo, como
petición de que el filosofar afecte la vida de quien filosofa. En el ejemplo mencionado, se
llama la atención sobre el hecho de que la escritura es una vía para que esto ocurra.

La segunda idea se refiere a lo que podríamos denominar provisionalmente como enfoques


o líneas en las que se desarrolla ese vínculo entre filosofía y vida. Es necesario señalar que
no se trata de enfoques incomunicables o excluyentes entre sí, sino, más bien, de énfasis que
se dan en tal vínculo.

Así, encontramos inicialmente el enfoque que resalta las prácticas de la vida filosófica o lo
que Hadot llama ejercicios espirituales, entendidos estos como prácticas destinadas a operar
cambios radicales en el ser, no solo en el orden ético o político, sino en la totalidad de la
existencia (Hadot, 2006, p.11). En este orden de ideas, Hadot distingue entre ejercicios
intelectuales y ejercicios de hábito; los primeros ponen el énfasis en la reflexión, mientras
los segundos, en la actividad corporal. Meditación, examen de conciencia y ejercicios de
escritura hacen parte de los primeros; por su parte, la gimnasia, el abstenerse de los alimentos
o vestirse de cierta forma hacen parte de los segundos. La antigüedad tardía brinda numerosos
ejemplos de prácticas filosóficas. Este enfoque, pues, caracteriza o describe las prácticas que
llevan o que están asociadas a la reflexión filosófica. Pone de presente que las teorías se
apoyan en aquellas.

El otro enfoque es aquel en el que se privilegia que la filosofía opera un cambio de mirada
en quien filosofa. Puede ser descrito también como aquel en el cual la filosofía opera un
cambio en el modo de relación entre quien filosofa y su mundo circundante, sí mismo, los
demás, etc. La filosofía opera, en este sentido, una suerte de conversión, en un doble
movimiento: por un lado, como crítica a sí mismo alcanzando los fundamentos conceptuales
que sustentan la existencia, en lo que es también denominado como movimiento de retorno
al origen -ephisthrophe-; por otro, como el de asumir una posición existencial nueva o el de
un renacer -metanoia- (Hadot, 2006, 177ss). Este enfoque consiste en alcanzar los
fundamentos conceptuales con los que quien filosofa se enfrenta y construye el mundo. EL
examen conceptual no es un ejercicio teórico apartado de la vida y tampoco carece de
implicación en quien realiza el ejercicio. La filosofía plotiniana sería un ejemplo
paradigmático de este enfoque.
Al primero de los dos enfoques podemos denominarlo provisionalmente como enfoque
práctico o aquel en el que la relación entre filosofía y vida se da desde el exterior. Al segundo,
enfoque hermenéutico o desde el interior. Insistamos en que ellos son compatibles entre sí.

Antes de iniciar el estudio de San Buenaventura señalemos la relevancia de estudiar este


autor en la perspectiva que aquí proponemos. Al contrastar el modo actual de la filosofía, que
se da, como decíamos, “mayoritariamente como disciplina teórica” frente al modo antiguo
de la filosofía, que implicaba la relación con los modos de vida, emerge la pregunta por el
trayecto recorrido y las condiciones, presupuestos y momentos que operaron este cambio en
la idea de filosofía. Al respecto, Hadot señala que, luego de un movimiento gradual, el
cambio operó fundamentalmente en la Escolástica, cuando la mística y la moral cristianas
asumieron los ejercicios espirituales que hacían parte de la filosofía (2006, p. 56).

Sin embargo, los estudios sobre la noción de la filosofía como forma de vida han centrado su
atención mayoritariamente en estudiar el período antiguo y poca atención se ha puesto tanto
en reconstruir cómo operó aquella en la Edad Media y en el detalle de cómo se dio en la
Escolástica. Se requieren estudios en estas dos líneas en el proyecto de reconstruir una
historia de la filosofía en perspectiva de modo de vida y en el de fundamentar o rebatir la
idea de Hadot. El estudio de San Buenaventura se enmarca en estas dos cuestiones.
San Buenaventura y la filosofía

Una de las interpretaciones que salta a la vista a la hora de explorar la relación de San
Buenaventura con la filosofía es aquella que lo sitúa en medio de las disputas entre razón y
fe o entre la filosofía y la teología, propias del siglo XIII tras la llegada del averroísmo. En
este marco, encontramos a nuestro autor configurando la categoría historiográfica conocida
como “la cuestión bonaventuriana” (Lázaro, 2008, 108), esto es, la posición que lo identifica
con la resistencia antifilosófica del siglo XIII, expresada a través del celo antiaristotélico
(León Florido, 2010, p. 186), en aras de potenciar la sabiduría cristiana (Lázaro, 2008, p.
110). Ahora bien, aun cuando el Doctor Seráfico sea una de las puntas de lanza del
movimiento antifilosófico, intentaremos mostrar que, sin renunciar a esta posición, existen a
su turno numerosos elementos que lo unen a la filosofía.

De modo particular, el Doctor Seráfico denuncia los errores doctrinales o teóricos sostenidos
por el aristotelismo, denuncias que configuraron o sirvieron de soporte a condenas contra los
filósofos (León Florido, 2010, p. 189). Podríamos decir, se trata de la crítica dentro del
ámbito del discurso filosófico, tal como lo describimos en la sección anterior. Nos
acercaremos brevemente a esta idea, sin el ánimo de profundizar en el contenido filosófico
de sus tesis, dado que nuestro interés es mostrar las perspectivas que se abren a la hora de
considerar su pensamiento tras la noción de filosofía como forma de vida.

En Collationes in Hexaemeron el Doctor Seráfico expone algunas de las críticas más fuertes
a la filosofía de corte aristotélico: por un lado, en consonancia con las críticas al averroísmo,
denuncia la idea según la cual, en consideración de estos, el mundo fue creado desde la
eternidad, advirtiendo que esta idea parte de la equivocación de equiparar el arte eterno, desde
donde fueron producidas las creaturas, con el mundo (Hex. I. 15-16). Aristóteles y la
tradición aristotélica que le sigue, por otra parte, cometen un triple error tras la “negación de
la ejemplaridad,59 de la providencia y de la negación del mundo según los supuestos y la
ejemplaridad que la providencia imponen” (Valderrama, 1993, p. 38), en contraposición a
autores como Platón y Plotino, quienes, iluminados, enseñaron la doctrina de las ideas (Hex.
VII. 3); siguiendo, con estas valoraciones, el juicio y percepción que tuviera Agustín sobre
la filosofía antigua. A estos errores se suma el de la afirmación de que solo existe un intelecto,
con lo cual se negaría la salvación de las almas (León Florido, 2010, 186).

Las críticas brevemente enunciadas aquí son de corte doctrinal. Sin embargo, San
Buenaventura sostiene que estos errores tienen su origen último en que los filósofos “no
tuvieron la luz de la fe” (Hex. VII. 3), como sí la tuvo el cristianismo. En el orden del

59
San Buenaventura entiende por ideas ejemplares “copias propuestas a las almas todavía rudas y materiales
para que de las cosas sensibles que ven se trasladen a las cosas inteligibles como del signo a lo significado”
(Itin. II. 11). Dios es el origen, de lo ejemplar, el camino para que las almas lo encuentren.
conocimiento, el vacío de conocer la fe opera de modo tal que, como señala en Intinerarium
mentis in Deum, sin ella no es posible saber con certeza que las proposiciones que elabora la
filosofía son verdaderas. Para que se dé tal certeza se requiere que las proposiciones estén
fundadas en una verdad inmutable, pero, dado que esta verdad no puede ser alcanzada por
las propias fuerzas de la mente humana, por ser mudable, la fuente última de verdad es la
iluminación que da la fe (Itin. III. 3), en un acto de contemplación.

Así, implícita o a la base de las verdades de la filosofía y de las ciencias se encuentran las
verdades que emergen de la iluminación y que se expresan en la teología. Tras cada cosa
conocida estaría Dios latente (De red. 26) y, en el sentido inverso, todo conocimiento debe
concluir en el conocimiento de Dios en la Sagrada Escritura (De red. 7). Este es, pues, el
trasfondo que sustenta la idea de una reducción de la filosofía y de las ciencias a la teología:
en la clasificación hecha por San Buenaventura de la filosofía, correspondería tanto en la
rama de la filosofía discursiva –que busca la verdad de los discursos-, como la física –que
busca la verdad de las cosas- y moral –que busca la verdad de las costumbres- (De red. 15ss).

Enlazada con la necesidad de la fe se encuentra el modo de operar de la mente o el modo de


acceder a tales verdades. Alain de Libera, con acierto, señala que durante la Edad Media
filósofos y teólogos operaban con el uso de la razón, de modo tal que si por filosofar se
entendiera la práctica de la argumentación, tanto unos y otros eran filósofos (2000, p. 85). La
Universidad medieval era el lugar de la razón. San Buenaventura puede ser descrito bajo esta
idea. Su crítica a la filosofía no implica la renuncia al ejercicio minucioso del examen
racional, del estudio, de la argumentación. En efecto, la elevación que propone para alcanzar
las verdades últimas transita por el camino de la ciencia y la filosofía: tanto en el examen de
los vestigios del mundo material, como la mirada que hace el alma sobre sí misma para
descubrir sus potencias, que le muestran que ella misma es imagen de Dios uno y trino (Itin.
III. 6). En este sentido, siguiendo la indicación de De Libera, el Doctor Seráfico es también
un filósofo. Podemos decir que en la mayor parte de sus escritos opera filosóficamente, esto
es, buscando argumentar válidamente.
Ahora bien, el hecho de que la verdad de la filosofía descanse en la iluminación implica, a
su turno, una transformación en el camino de encuentro. San Buenaventura es conciente de
ello. En la misma estela de la mística plotiniana (Eneada V, 9), en los últimos parágrafos de
su itinerario así lo señala: si se quiere llegar a la contemplación final, “en ese tránsito, si es
perfecto, es necesario que se dejen todas las operaciones intelectuales, y que el ápice del
afecto se traslade todo a Dios y todo se transforme en Dios” (Itin. VI. 4). El encuentro con
la última iluminación es un exceso mental, desborda la facultad del entendimiento, la supera
(Itin. I, 3).

Esto lleva a señalar que, sin renunciar al ejercicio filosófico argumentativo que busca
explorar las causas últimas de las cosas, para que las verdades sean encontradas se requiere
el accesp último a la contemplación. Los errores de los filósofos que son tomados en
consideración parten, como decíamos, de no alcanzar este último peldaño, no de su
incapacidad racional o argumentativa. Por la misma razón, las disputas últimas se resuelven
en aquella verdad que está latente, oculta en la filosofía, pero que es externa a ella. La fe es
un presupuesto del cual parte San Buenaventura en su crítica a los filósofos.
Por ello, como señala el profesor Carlos Valderrama Andrade, en “la cuestión
bonaventuriana” las críticas elevadas por San Buenaventura no son de carácter destructivo,
sino constructivo, toda vez que pretenden “relievar los valores típicos de la cultura cristiana
en presencia de la tradición filosófica de la antigüedad” (1993, p. 37). Esto es, no se trata de
eliminar o desechar la filosofía o el ejercicio racional argumentativo. Se trata de extraer de
ella lo que está latente, llegar a su razón última, a la cual, en su fase última, no es posible
acceder a través de las operaciones intelectuales, sino de la contemplación. Tras la reducción
de la filosofía al conocimiento de la Sagrada Escritura se da por sentado que si la filosofía
busca las causas íntimas y ocultas de las cosas (De red. 4) este impulso lleva necesariamente
a la fe, pues solo allí se encuentra la causa última de lo creado y del conocimiento. Con ello,
como señala Valderrama, la tradición cristiana se eleva en presencia de la filosofía antigua.

Aceptado el que la fe sea el punto de llegada y de partida del conocimiento filosófico damos
pasos hacia la comprensión de una filosofía como forma de vida en San Buenaventura, cual
es el asunto que más interesa aquí. Era necesario mostrar el papel de la fe para abordar este
asunto. Veamos cómo ocurre esto tomando como referencia fundamental el Itinerarium
mentis in Deum.

Forma de vida y discurso

El encuentro con la verdad última no es solo un presupuesto epistemológico. Además de ello,


es el culmen del camino vital por conseguir la felicidad individual, que “no consiste en otra
cosa sino en la fruición del sumo bien” (Itin. II. 1). Se busca, pues, otro modo de relación con
el sumo bien: ya no solamente comprenderlo o establecer una relación intelectual para
encontrar fundamento al conocimiento, sino gustarlo, gozarse en él o, como suele
mencionarlo, saborearlo. Esta fruición permite alcanzar la paz del alma, cual es el propósito
que expresa San Buenaventura en el prólogo del Itinerarium mentis in Deum (Itin. I. 2-3). El
alma desea la paz, por eso emprende un cambio de búsqueda de Dios. El texto que acabamos
de mencionar narra el camino que el alma recorre para tal encuentro. Es una descripción
motivada por una intención existencial –por usar los términos en que plantea estos asuntos
Pierre Hadot-, sin por ello renunciar a los cuestionamientos teóricos propios del camino
analizado. Por ello, este texto es pertinente para rastrear las cuestiones que nos planteamos
en este estudio.

El camino de elevación, pues, inicia en el deseo de paz. Este deseo del alma se nutre dos
modos: a través de la oración y por el resplandor de la especulación (Itin. I. 4). Ahora bien,
es necesario señalar que el Doctor Seráfico plantea estos dos modos como complementarios,
no como antagónicos o dentro de una disyunción. Esto abre la puerta a que se considere que
aún cuando se busca la fe a través del ejercicio racional es necesario llevar constantemente
la práctica de la oración y disponer el alma para el encuentro. Leemos en el Itinerarium:

“Por eso primeramente invito al lector al gemido de la oración por medio de


Cristo crucificado, cuya sangre lava las manchas de los pecados, no sea que se
piense que le basta la lección sin la unción, la especulación sin la devoción, la
investigación sin la admiración, la circunspección sin la exultación, la industria
sin la piedad, la ciencia sin la caridad, la inteligencia sin la humildad, el estudio
sin la gracia, el espejo sin la humildad divinamente inspirada” (Itin. I. 4).

Así, desde el inicio del texto, San Buenaventura muestra el enlace entre discurso y modo de
vida. El inicio de este enlace es la unión entre conocimiento y afecto (Hex. V. 13). Es a esto
propiamente a lo que se denomina sabiduría (ibid). La sabiduría implica la vivencia del
agente, su experiencia, su deseo de aquello que conoce. La vivencia se da en forma de anhelo
de aquello mismo que se busca conocer. Así, inicialmente, dos grandes potencias requieren
conciliación en el camino de encuentro al sumo bien: la inteligencia y la potencia amativa;
esta última explorada poco por los filósofos (Hex. V. 24) y aun enferma en ellos al carecer
de la fe (Hex. VII. 12).

El anhelo imprime una dirección al alma que conoce. Hace que fije su mirada y se dirija hacia
allí. Le otorga una perspectiva distinta del mundo en el que se encuentra y de su ejercicio
racional. Al respecto, iniciemos señalando que el encuentro con la fe funda una nueva mirada
sobre el mundo circundante y, en consecuencia, un modo de relación distinto con él. Veamos.
Tanto en el terreno teórico como en el vital, el camino de encuentro con el “espiritualísimo
y eterno y superior a nosotros” (Itin. II. 2) transcurre atravesando tres grados ontológicos o
tres iluminaciones a saber, la materia, el alma y el arte eterno: la materia estudiada en cuanto
vestigio; el alma que se ve a sí misma como imagen de Dios uno y trino, y el arte eterno
como origen y reparación, el ser más allá de todo ser, primario, eterno simplicísimo,
actualísimo, perfectísimo y unicísimo (Itin. V. 5), que es posibilidad de las demás
iluminaciones. El alma, a su turno, tiene las potencias necesarias para recorrer ese camino:
sentido e imaginación, en el primer grado; razón y entendimiento, en el segundo; inteligencia
y ápice de la mente, en el tercero. El conocimiento racional se orienta, pues, al propósito de
encuentro con la verdad última, transitando por tales grados. No se especula racional y
filosóficamente por un interés curioso, sino con el fin de que ello sirva como preparación,
muestre el camino hacia Dios y brinde elementos para mantenerse en él. En efecto, ejercita
al alma para que poco a poco se desprenda de la materia, vuelva sobre sí misma y desde allí
transite hacia lo trascendente.

Sin embargo, el alma sin el auxilio divino no logra alcanzar la meta. Sus potencias no son
suficientes para ello debido a que han sido deformadas por la culpa, en el pecado original
(Itin. II. 7). Así, tales potencias, en cada uno de los grados, deben ser purificadas, ejercitadas
y perfeccionadas (Itin. I. 6) si se quiere que su ejercicio conduzca al encuentro último. Esto
es, el solo ejercicio racional no basta para encontrar la verdad última; el solo ejercicio de la
razón no opera la reducción del conocimiento a la teología. Para que ello ocurra se requiere
que el alma parta ya de ese presupuesto. Veamos cómo ocurre esto en el examen del mundo
material.

El mundo material funge como vestigio, esto es, elemento creado bajo principios divinos y,
por lo tanto, como espejo de Dios. En efecto, fue creado con peso, número y medida: “el peso
respecto al sitio a que se inclinan, el número por el que se distinguen y la medida por la que
se limitan” (Itin I. 11). El peso, señala a renglón seguido, lleva a considerar la potencia divina;
el número, la sabiduría y, finalmente, la medida lleva a la bondad. Así mismo el mundo
creado funciona como signo.60 Los vestigios son, a su turno, “ejemplares o, por mejor decir,
copias propuestas a las almas todavía rudas y materiales para que de las cosas sensibles que
ven se trasladen a las cosas inteligibles como del signo a lo significado” (Itin. II, 11). En
cuanto signo, significan las perfecciones invisibles de Dios (Itin. II, 12).61 El conocimiento,
pues, muestra este carácter del mundo creado.

Ahora bien, la noción de vestigio abre la puerta al alma para que desde él se alcance a Dios.
Considerarlo como tal hace que el mundo material se incluya dentro de una relación con la
trascendencia, superando así una mera relación del ser humano con tal mundo de mera

60
Aquí San Buenaventura difiere de Agustín, en quien la relación entre significado y significante es distinta a
la que se da entre vestigio y el principio que la origina. La primera es una relación contingente, mientras, la
segunda es necesaria. Para ahondar este asunto ver Prada, Maximiliano: “Música práctica en San Agustín:
vestigium y signnum”. Ver información en la bibliografía de este escrito.
61
En De red. 8ss. muestra el modo en que desde el conocimiento sensible se alcanza el verbo engendrado, la
norma de vivir y la unión de Dios y el alma.
dominación o gozo. Esto es, el vestigio no solo permite examinar racional o filosóficamente
el mundo, movido por una curiosidad inquisidora, sino que enlaza al alma con lo espiritual.
Tiende ya un puente hacia lo superior. Así, el vestigio se ve como tal si y solo si se ha asumido
la existencia de ese mundo superior. El vestigio emerge en la medida en que el mundo se ve
de cierta manera, implica ya cierta mirada sobre el mundo, un como. Esto no es otra cosa que
decir que, como señalábamos más arriba, el conocimiento filosófico se funda en la
iluminación divina inaugurando una manera de ver y relacionarse con el mundo.

Esto nos lleva, entonces, a considerar la visión del alma. El alma tiene una triple mirada: de
la carne, de la razón o de la contemplación. El alma, cuidadora del mundo, observa el mundo
exterior, el interior y el superior con ojos de la carne. En cuanto a la mirada, inicialmente se
ve el mundo desde los ojos de la carne. El primer cambio de mirada consiste en mirar desde
la razón, en lo cual primero el alma se ve a sí misma y luego las demás cosas. Finalmente, se
observa desde la contemplación: donde se contempla directamente el punto de llegada y
desde allí lo demás (Hex. V. 24; 33). El camino, pues, consiste en un cambio de mirada, una
transformación en el modo de comprensión del mundo y de relación con él.
Hemos de señalar también que la sabiduría se despliega en la forma de vida, ya no solo
entendida como manera de ver, sino también como prácticas o norma de acción. En efecto,
las ideas ejemplares se imprimen en el alma en la parte cognitiva, en la afectiva y en la
operativa (Hex. VI. 10). La norma de acción se introduce entre el conocimiento y el afecto a
partir de la elección del agente. Así, este conoce las ideas ejemplares, las ama y elige prácticas
coherentes con ellas. (Coll V, 13). Conocimiento, amor y operación distinguen al sabio.

En Collationes in Hexaemeron habla de disciplinas para distinguir entre el discurso y la


forma de vida: el primero, el discursivo, es denominado por el Doctor Seráfico como
disciplina escolástica y el segundo, disciplina monástica: “porque no oyendo solo sino
observando llega a ser el hombre sabio” (Hex. II. 15). Se observa la ley divina para ser sabio.
Así, en tanto los filósofos que critica San Buenaventura carecen de este principio cristiano,
también son puestos en cuestión: su modo de vida no los lleva a la paz deseada.
El conocimiento ejercita al alma (Itin I. 6) de modo que esté nuevamente dispuesta a la
quietud de la contemplación –disposición que se vio manchada con la caída. El ejercicio
implica continuidad, seguimiento, asiduidad, constante ejercicio. Es, además, un ejercicio
que opera como un “aguijón”, que “remuerde la conciencia” (Itin. II, 1). Pule la conciencia,
le quita sus manchas y la prepara para recibir la fe.

San Buenaventura, sin embargo, a diferencia de otros autores, no repara o se detiene a mostrar
con detalle en qué consisten los ejercicios o cuáles son las prácticas que ejercitan al alma.
Solo menciona algunas de ellas: quien busque la verdad requiere ciertas prácticas durante el
camino: la oración inflama el deseo; la meditación permite alcanzar los conocimientos
racionales; la práctica de las virtudes purifican el alma. Práctica de las virtudes, meditación
y oración son el camino para alcanzar la contemplación (Itin I. 8).

Con todo, la disciplina monástica es requerida para alcanzar la sabiduría y mantenerse en


ella. Son prácticas que, como un aguijón, invitan al alma a que abandone los cuidados del
mundo, en los cuales se encuentra distraída (Itin. IV. 1), y entre en su memoria donde se
encuentra como imagen. El sabio deja a un lado las prácticas cotidianas que no conducen a
Dios. Deja atrás los cuidados del mundo, las concupiscencias y los fantasmas de la
imaginación (Itin. VII. 6) y se centra en el silencio de la contemplación.

Ideas finales

Teniendo como texto base el Itinerarium mentis in Deum y apoyados en otros textos del
Doctor Seráfico, hemos realizado un primer acercamiento a San Buenaventura a partir de la
noción de filosofía como forma de vida. Hemos buscado aquí, solamente, iniciar un
acercamiento, un modo de lectura, previendo que el estudio de la obra completa del autor
amplíe la perspectiva aquí señalada. Por ello, con los elementos que tuvimos en cuenta, aquí
daremos algunas conclusiones provisionales, que están necesariamente en construcción.
Hemos de decir que aun cuando nuestro autor es identificado con el movimiento
antifilosófico, es posible encontrar algunos puentes de enlace entre sus planteamientos y la
filosofía. Si por filosofía se entiende un campo de conocimiento, que examina ciertos
problemas bajo métodos precisos y que de ellos se sustentan unas tesis, no podemos más que
ratificar la lectura en la que se muestra opuesto a la filosofía. Así mismo, si aceptamos que
los filósofos no alcanzan la norma de vida correcta, al no alcanzar la fe, a diferencia de los
teólogos que sí la alcanzan, no nos queda más que aceptar la misma conclusión, ahora
aceptando que el modo de vida de aquellos no lleva a la vida auténtica, a la paz del alma.

Sin embargo, es necesario reparar en la mirada amplia que consideramos en este escrito. En
efecto, nos acercamos aquí a San Buenaventura buscando rastros acerca de la diferencia entre
dos modos de comprender la filosofía: aquella que la considera meramente como discurso y
aquella que encuentra relación entre esto último y la forma de vida. A este respecto debemos
decir que, aun cuando San Buenaventura considere que los filósofos constituyen el camino
errado si no se orientan por la teología, asume que la filosofía es una forma de vida. De hecho,
sus críticas más fuertes a los filósofos se dan en este ámbito: los filósofos no encuentran paz.
La crítica a sus tesis se deriva de esta condición existencial: es necesario develar la falsedad
de sus ideas en razón a que con ellas no se puede llevar una vida feliz.

En San Buenaventura, pues, el ejercicio racional, académico, bien sea científico, filosófico o
teológico no está desvinculado de la vida de quien lo ejerce. El Itinerarium mentis in Deum
refleja esta perspectiva: narra el camino personal para encontrar la paz, camino que implica
o que se conduce por el ejercicio racional. Podríamos aventurarnos a decir, entonces, que San
Buenaventura, aunque critique a los filósofos y la filosofía de su tiempo, encarna el ideal de
los filósofos antiguos, en un doble sentido: por un lado, en tanto asume el saber reflexivo
como modos de comprender, justificar y mejorar sus vidas y, por otro, en tanto despliega
modos de vida en asocio o en constante examen por parte de la razón. Discurso y forma de
vida se encuentran enlazados en San Buenaventura.
En consecuencia, cuando se señala que San Buenaventura lidera el movimiento antifilosófico
debemos declarar o explicitar el sentido bajo el cual se comprende allí la filosofía, la tradición
en la cual la comprendemos. Su caso nos conduce a examinar de otro modo la filosofía. Nos
muestra las transformaciones que esta ha tenido y sus puentes con los campos
epistemológicos que se han ido constituyendo en las distintas épocas.

Bibliografía

De Libera, Alain (2000). Pensar en la Edad Media. Madrid, Anthropos.

Foucault, Michel (2008). La hermenéutica del sujeto. México, FCE.


-------------------- (2010). El gobierno de sí y de los otros. México, FCE.

Gaztelu, Teresa (2014). Una lectura del Theraváda desde la Philosophische Lebensberatung.
Tesis doctoral presentada para optar al título de doctor en filosofía. Facultad de Filosofía,
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Hadot, Pierre (1998). ¿Qué es la filosofía antigua? Traducción de Eliane Cazenave. Madrid:
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Lang, Berel (1983). Philosophy and the art of writing. Brucknell University Press.

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------------------------ (1945) Itinerarium mentis in Deum. En: Obras de San Buenaventura.
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Sloterdijk, Peter (2012). Has de cambiar tu vida. Traducido por: Pedro Madrigal. Valencia:
Pre-textos.

Valderrama Andrade, Carlos (1993). Filosofía ejemplarista: acercamiento al pensamiento


de San Buenaventura. Bogotá, Universidad San Buenaventura.
****************
Los tres ojos del conocimiento en San Buenaventura.
De la reductio bonaventuriana al pensamiento complejo de Edgard Morin y la
perspectiva cosmoteándrica de Raimon Panikkar

Victorino Pérez Prieto PhD


1. La actualidad del pensamiento de San Buenaventura

El pensamiento bonaventuriano62, heredero y profundamente impregnado del platonismo


agustiniano, fue quedando relegado a lo largo de la historia por el éxito de la escolástica
tomista, que se impuso con su racionalismo aristotélico. San Buenaventura fue considerado
durante siglos sobre todo por su pensamiento místico63, más que por su pensamiento
filosófico; la filosofía franciscana fue por antonomasia la de Duns Scoto y Guillermo de
Ockham. Pero parece que en las últimas décadas esta tónica ha ido cambiando; hasta el punto
de que si durante siglos Sto. Tomas “le ganó la partida” a S. Buenaventura, hoy parece que
va “ganando” éste último. El choque de perspectivas filosóficas que supuso la llega del
aristotelismo en el s. XIII se ha ido invirtiendo, al tiempo que ha ido evolucionado la mirada
contemporánea de la filosofía. M. Lázaro Pulido lo expresa bien:

“El siglo XIII exterioriza con la llegada del pensamiento aristotélico un choque
de perspectivas filosóficas que curiosamente han ido invirtiendo su modernidad,
al tiempo que ha evolucionado la mirada contemporánea de la filosofía. En el
siglo XIII lo moderno es encarnado por el Filósofo; supone una novedad, sobre
todo, a partir del terreno de la ciencia extensible al resto de parámetros
intelectuales y especulativos que afectan a los mismos cimientos de la razón y la
fe que la sustentaba. Pero no hemos de olvidar que este movimiento sísmico nace
en la ciencia y, por lo tanto, en la lectura que se realiza del método epistemológico
que se perfila en Aristóteles.

62
Entre la numerosa bibliografía al respecto, además del ya clásico estudio de M. Étienne Gilson La Philosophie
de Saint Bonaventure (París 19432; ed. española La filosofía de San Buenaventura, Bilbao, Desclée de Brouwer
1948), nos han resultado particularmente útiles para nuestro estudio los trabajos de J. Guy Bougerol,
Introducción a San Buenaventura, Madrid, BAC 1984 (original francés 1963) e Ilia Delio Cheminer avec Saint
Bonaventuree. Une introduction à sa vie, sa pensée et ses écrits, Paris, Éd. Franciscaines 2015 (original inglés
Simply Bonaventure: An Introduction to His Life, Thought, and Writings, 2001), a los que haremos
repetidamente referencia. Igualmente, ha sido muy grato encontrar una intuición semejante a la nuestra en el
excelente trabajo de M. Lázaro Pulido, “Sabiduría y Reducción en San Buenaventura: un modelo medieval de
comprensión frente a la complejidad”, Daimon. Revista de Filosofía, suplemento 2 (2008),
63
Para Étienne Gilson, la obra del Doctor Seráfico es “el punto culminante de la mística cristiana” y “la síntesis
más completa que se haya realizado”, op. cit. pp. 469-472.
El método aristotélico, su modelo explicativo, resultaba atractivo porque se
mostraba más claro y eficaz a la hora de abordar la realidad desde el análisis
lógico y en la lectura de los datos que alimentaban dicho análisis. Los fenómenos
naturales son explicados de una forma más compleja con la nueva ciencia; la
filosofía, por su parte, parece tener un camino más seguro. Al ya conocido
Aristóteles lógico, se le suma, así, un Aristóteles científico, naturalista, que basa
sus razonamientos en la demostración y la deducción”64.

En efecto, la reaparición del método aristotélico en la escolástica medieval, hizo que éste
resultara más atractivo que el platónico, que venía siendo el habitual en la filosofía y la
teología cristiana, porque parecía más eficaz a la hora de abordar “científicamente” la
realidad; este pensamiento dialéctico culminará en la metodología cartesiana, que se
impondrá en occidente durante siglos. Pero la realidad es mucho más compleja de lo que se
pensó entonces, como ha ido enseñando la nueva ciencia y sobre todo la nueva física en el
siglo XX. Así, la filosofía contemporánea se vuelve a S. Buenaventura, que resulta más
“actual” que Sto. Tomás. El pensamiento bonaventuriano se manifiesta como predecesor del
pensamiento complejo; y, como apunta también Pulido “se puede advertir en las dificultades
entre los dos paradigmas encontrados en el siglo XIII [platónico y aristotélico], un analogado
al reto de la complejidad”65. En efecto, como veremos luego, se puede hacer una lectura de
San Buenaventura desde el pensamiento complejo de Edgard Morin y la perspectiva
cosmoteándrica de Raimon Panikkar66. El horizonte del ser humano desde la perspectiva
explicativa lineal aristotélico/cartesiana se muestra ahora insuficiente para comprender la
totalidad “compleja” (complexus) de la realidad, que exige de nosotros un ejercicio de
búsqueda auténticamente sapiencial, integrador de enfoques multidisciplinares.

64
Lázaro Pulido, op. cit. p.318.
65
Ibid.
66
Ver a este respecto V. Pérez Prieto “La teoría de la complejidad y su relación con el pensamiento científico
de Raimon Panikkar”, Complessitá, Centro de Studi di Filosofia della Complessità “Edgar Morin”, Messina,
Ano VII, 1 (2012), pp. 6-33.
Frente a la fascinación del aristotelismo redescubierto en el tiempo del nacimiento de la
ciencia, en los albores de las Universidades -una fascinación que envolvió completamente a
gigantes de la filosofía y la teología occidental como santo Tomás- se mantiene y defiende
la tradición agustiniana-platónica, que utiliza métodos propios y tiene objetivos más extensos
que el mero desvelamiento de la realidad a partir de la naturaleza (fisis). Arquetipo acabado
de este pensar es san Buenaventura; éste propone la búsqueda de la sabiduría y la técnica de
la reductio como modelo medieval de comprensión frente a la complejidad de la realidad, en
un sentido más metafísico que dialéctico, desde la perspectiva de la integración (la sabiduría).
Como bien subraya también Lázaro Pulido:

“San Buenaventura propondrá un entendimiento de la realidad desde un esquema


integrador de realidades, que huya de las simplificaciones de una lectura de la
ciencia naturalista, que se mostraba efectiva en una descripción lineal de la
realidad y la naturaleza, pero totalmente limitada frustrada a cualquier ensayo
estructural de la realidad que naciera de un abordaje más amplio del ejercicio de
la razón y de la especulación. El horizonte del hombre desde la perspectiva
explicativa lineal se muestra insuficiente para comprender la total realidad, que
exige de nosotros un ejercicio de búsqueda auténticamente sapiencial (integrador
de enfoques multidisciplinares, que en la época son los naturales, filosófico-
metafísicos, éticos, espirituales y teológicos)”67.

San Buenaventura no concibe una serie de causas lineales explicativas como suficientes para
dar una respuesta adecuada a qué es la realidad, y considera que el abordaje más seguro pasa
por realizar una lectura de ésta en su complejidad y diversidad de planos; mediante una
técnica que sea capaz de implicar un movimiento que vaya de lo imperfecto a lo perfecto, de
la división a lo indivisible, de lo diverso a lo único: la reductio (síntesis, complejidad…).
Buenaventura propondrá un entendimiento de la realidad desde un esquema integrador, que
huya de las simplificaciones de la ciencia naturalista, que se mostraba efectiva en una

67
Lázaro Pulido, op. cit. p. 319.
descripción lineal de la realidad y la naturaleza, pero totalmente limitada a cualquier ensayo
estructural de la realidad que naciera de un abordaje más amplio del ejercicio de la razón y
de la especulación.

Esto queda manifestado especialmente en el Itinerarium y el Breviloquium, con su utilización


de los “tres ojos del conocimiento”, que toma de Hugo de San Víctor. Para el total
conocimiento de la Realidad, es necesario la apertura de los tres ojos: oculus carnis para ver
el mundo y lo que hay en él, oculus rationis para ver el alma y lo que hay en ella, y oculus
fidei para ver a Dios y lo que hay en Dios. De modo que “con el ojo de la carne el hombre
viera lo que hay fuera de él, con el ojo de la razón lo que hay dentro de él y con el ojo de la
contemplación lo que hay por encima de él”68.

2. La reductio bonaventuriana, un antecedente de la complejidad/relacionalidad

¿Dónde están los elementos más importantes de esta originalidad y esta actualidad del
pensamiento bonaventuriano? Pienso que fundamentalmente radican en su técnica de la
reductio para analizar la realidad, y en su perspectiva de los tres ojos del conocimiento, como
la triple ascensión de éste para llegar a su culmen, presentes en toda su obra.

M. D. Chenu, en su Introduction à l’étude de saint Thomas, ha estudiado, entre los diferentes


tipos de actividad discursiva, el que se sitúa en oposición con la demostración: la reductio69.
San Buenaventura, pues, no es el único que en su tiempo recurría a la técnica de la reductio;
“esta técnica la podemos ver en su vertiente argumentativa lógico-dialéctica, en las célebres
vías del Doctor Angélico” -como apunta también Lázaro Pulido-, pero vemos en el Seráfico
una preferencia por realizar un uso marcadamente metafísico, “de resonancias vitales y
místicas de dicha técnica; un uso que ilumina la posterior extensión conceptual y

68
San Buenaventura, Breviloquio II parte, cap. XII, 5. Utilizaremos aquí la edición de la BAC, Obras de San
Buenaventura, Madrid 1954, con traducción de Fray León Amorós et alii.
69
M. D. Chenu, Introduction à l’étude de saint Thomas d’Aquin, París 1854, pp.160-162; citado por Guy
Bougerol, Introducción a San Buenaventura, op. cit. p.172.
metodológica a los problemas éticos, físicos y epistemológicos, comprendidos la
clasificación que hace de las ciencias”70.

“Si en Santo Tomás la aplicación más notable del análisis reductible es la de las cinco vías,
¿sucede lo mismo con San Buenaventura? –se pregunta ese gran conocedor del pensamiento
bonaventuriano que es el franciscano Jacques Guy Bougerol-. Si para Santo Tomás la
resolutio o reductio es el alma y la técnica de la vuelta a Dios ¿es solamente eso para san
Buenaventura?”. El franciscano francés concluye:

“Esta cuestión ha sido poco estudiada hasta ahora, pero algunas investigaciones
han puesto de relieve la originalidad de Buenaventura. Es normal que Santo
Tomás, mucho más impregnado de Aristóteles, haga del método platónico un uso
bastante diferente del que hace san Buenaventura”71.

Pero ¿qué es la reductio? De nuevo acudimos a J. Guy Bougerol:

“La reductio es… una de las partes de la dialéctica; la que va de lo concreto a lo


abstracto, mientras la otra, la divisio, va de lo abstracto a lo concreto. La reductio
cumple dos funciones complementarias: lleva de lo imperfecto a lo perfecto, así
como de lo incompleto a lo completo”72.

La reductio de lo imperfecto a lo perfecto está en el intento del retorno de lo múltiple a lo


uno, lleva de lo posterior a lo anterior y de los dos extremos al medio. Del mismo modo, lleva
de lo incompleto a lo completo: de los principios y de los complementos de la substancia a
la substancia misma, de las operaciones y de las imágenes a la substancia… Como expresa

70
Lázaro Pulido, op. cit. p. 319-320.
71
Guy Bougerol, op. cit. p.172. Ver también su Lexique Saint Bonaventure, Paris, Ed. Franciscaines 1969. Una
de las escasas monografías acerca de la reductio bonaventuriana es la de H. Allard, “La tecnique de la reductio
chez Bonaventure”, en S. Bonaventura 1274-1974, Volumen commemorativum anni septies centenraii a morte
Bonaventurae Doctoris Seraphici, Roma, Grottaferrata 1973, pp. 395-416.
72
Guy Bougerol, ibid. p.173.
J. Guy: “La reductio sigue una dirección única, la que lleva de lo imperfecto e incompleto a
lo perfecto y completo” y “está presente hasta la ascensión mística”73.

De este modo, la reductio bonaventuriana nos sitúa, ya en el Medioevo, en una perspectiva


semejante a la de la complejidad, de la relacionalidad de todo (complexus= entrelazado). Por
eso, apunta acertadamente Lázaro Pulido (subrayado mío):

“La pregunta por la realidad exige una comprensión metafísica de la misma y un


acercamiento cognoscitivo e inteligible de su profunda radicalidad. En términos
reductivos significa que se exige un primer acercamiento lógico-dialéctico para
realizar una segunda profundización metafísica acorde con la anterior. La
propuesta que subyace es la inquietud filosófica sobre la comprensión de la
diversidad que manifiesta el mundo a los hombres, su aparente dispersión, y su
indigencia e
inconsistencia derivada de la falta de simplicidad, en fin, la complejidad
mostrada a nivel de dinamismo espaciotemporal, físico y ontológico. El Seráfico
no concibe una serie de causas lineales explicativas como suficientes para dar
respuesta adecuada y considera que el abordaje más seguro pasa por realizar una
lectura de la realidad en su complejidad y diversidad de planos mediante una
técnica que sea capaz de implicar un movimiento que vaya de lo imperfecto a lo
perfecto, de la división a lo indivisible, de lo diverso a lo único... A esa tarea
puede contribuir la técnica de la reductio”74.

Buenaventura habla de reductio para hablar del ascenso de toda la realidad a su principio
original: Dios trino y uno. El Maestro franciscano utiliza la reductio en general en toda su
obra, pero ésta se deja ver de modo especial en el Hexaemeron, en el Itinerarium mentis in
Deum y en el De reductione artium ad theologiam. Ya en la primera de las conferencias sobre

73
Ibid. pp. 175-176.
74
Lázaro Pulido, op. cit. p. 320.
el Hexaemeron, un año antes de su muerte –como nos recuerda Guy Bougerol75-, dice
Buenaventura ante los estudiantes de París: “He aquí toda nuestra metafísica: emanación,
ejemplaridad y consumación; es decir, iluminación, gracia por la iluminación del espíritu y
vuelta al Altísimo… Tal es el centro metafísico que reconduce a Dios y tal es toda nuestra
metafísica… es decir ser iluminado por los rayos espirituales y reconducido al Altísmo”76 a
través de Cristo como centro. La teóloga franciscana Ilia Delio escribe:

“Como si reuniese las piezas de un divino puzzle, Buenaventura manifiesta que


Dios, la humanidad y la creación están unidos en Jesucristo. Y porque Cristo es
la imagen y el modelo de la persona humana, el plan divino del amor instaurado
en el misterio de la creación está llamado a su perfección por parte del hombre.
Buenaventura es un realista que formula su teología con una clara consciencia
histórica. Si es consciente de que todo viene de Dios, es al mismo tiempo
consciente de que el dinamismo de la historia supone la vuelta de todo a Dios”77.

En el Hexaemeron78, Buenaventura distingue tres fases en el drama de la creación: a)


emanación (emanatio), b) ejemplaridad (exemplaritas) y c) consumación (consunmatio),
también llamada reducción (reductio). Ilia Delio explica el sentido de estas tres fases:

“El mundo es creado como un todo y todas las creaturas en este mundo tienen su
origen en Dios, del que proceden; habiendo sido creadas, reflejan a Dios, su
divino modelo y ejemplo; finalmente, retornan a Dios por quien han sido creadas
y es su fin último. Estas tres fases están íntimamente conectadas y forman una
línea continua o un proceso. Como esta línea vuelve al mismo punto en el que
comienza, forma un movimiento circular”79.

75
Cf. Guy Bougerol, op. cit. p. 186.
76
S. Buenaventura, In Hexaemeron, coll I, n. 17, V 332.
77
Ilia Delio, op. cit. p. 191.
78
Además de la cita de más arriba, cf. Hexaemeron coll. X, n. 12-14, V 378.
79
Ibid. p. 192.
En el Itinerarium aparece claramente la reductio como parte integrante del itinerario
espiritual que está en la base de la noción del ser humano como imago Dei: el ser humano
está orientado hacia Dios y no puede encontrar reposo más que en él; como el doctor Seráfico
aprendió bien de San Agustín: “Nos hiciste, Señor, para ti, y nuestro corazón está inquieto,
hasta que descanse en ti”80. Los humanos hemos sido creados para conocer y compartir con
Dios, pero el pecado deformó esta realidad original. A causa de pecado, el movimiento de la
reducción quedó trabado, atascado, la armonía de la creación quedó perturbada, fragmentada,
y la relación con Dios quedó deformada, profundamente dificultada, hasta que el ser humano
pueda abrir el ojo contemplativo (el “tercer ojo”, que veremos luego) que facilita esa
comunión. La reductio es posible porque, a pesar de todo, el ser humano es capaz de conocer
a Dios. Buenaventura nos propone siete escalones de ascenso y reducción a través de las
creaturas hasta la similitud del alma humana con Dios por medio de Jesucristo crucificado,
que reconduce la creación al Padre en un proceso siempre inacabado: la reducción hasta Dios
es posible sólo gracias al Verbo encarnado. Una ascensión hacia el éxtasis místico, superador
de cualquier comprensión meramente racionalista de un fenómeno que excede toda
comprensión simplista. En la segunda, la estructura reductiva anunciada en el título sigue el
método escolástico, en el que, una vez establecido que cada ciencia tiene su objeto particular
(divisio), se culmina afirmando su unificación, a través de la teología. Se muestra en estas
obras el desplazamiento que opera la reducción: supone ir de lo posterior a lo anterior, de lo
divisible a lo indivisible, de lo imperfecto a lo perfecto, de lo incompleto a lo completo.

La reductio opera en el entendimiento que posee el ser humano de que la naturaleza puede
ser superada en la gratuidad divina. La realidad plural se manifiesta de forma múltiple, su
lectura es sinfónica, de modo que el mundo es un libro, una partitura divina. Lo real se
muestra de forma física, pero también deiforme; por lo que la lectura del mundo exige no
sólo una ciencia física, sino una ciencia metafísica, teológica y mística. Estas lecturas
dependen de la misma complejidad de la realidad, que suma a su estructura física, una
estructura simbólica.

80
San Agustín, Confesiones I, 1, 1.
San Buenaventura rescata el neoplatonismo desde la lectura de Dionisio Areopagita a través
de la lectura que hace la escuela de San Víctor. El Areopagita entiende el mundo creado como
una teofanía; supera disyuntivas de las lecturas dialécticas y metafísicas, esencialistas y
simbólicas, incidiendo en la posibilidad de la conjunción entre la perspectiva de la ciencia y
de otras lecturas no racionalistas de la realidad. En Hugo de San Víctor, se profundiza en la
recuperación de la ordenación de la naturaleza a las creaturas, y la armonización del
microcosmos con el macrocosmos. Se rescata la percepción formal del mundo como modo
de descubrimiento de lo oculto más allá de lo visible. Así lo expresa Hugo de San Víctor al
definir el símbolo como expresión de la realidad invisible mostrando las creaturas también
como teofanía.

Esta lectura simbólica se hace patente en la segunda parte del Breviloquium, titulada “El
mundo creatura de Dios”. Los seres creados encuentran su significación de modo
paradigmático en Dios. La misma disposición del cosmos es un camino hacia Dios como
huella y sombra de la realidad fundante y ejemplarizante.

En fin, la reductio es un método que no ha de confundirse con una comprensión reductiva o


reduccionista de las cosas, sino que, al contrario, es un procedimiento resolutivo sobre las
realidades diversas: un modelo para pensar relacionalmente las cosas teológicas, metafísicas,
místicas, morales, físicas y epistemológicas. Nos encontramos ante una subida hacia la
unidad que no tiene como horizonte la ciencia, sino la sabiduría y la contemplación de Dios;
la sabiduría oculta que desvela la reductio ilumina el quehacer de la ciencia. El horizonte del
conocimiento humano no es la parcialidad del conocimiento natural o racional, sino la
sabiduría como conocimiento completo, como verdadero conocimiento.

3. Los “tres ojos del conocimiento” en Hugo de San Víctor


Los tres ojos del conocimiento que encontramos en la obra de San Buenaventura, tienen su
antecedente en la tradición cristiana en Hugo de San Víctor (1096-1141). Filósofo, teólogo y
escritor místico medieval, resulta hoy poco conocido y menos estudiado; por eso, es necesaria
aquí –si breve- una contextualización histórica de su persona, su obra y su pensamiento. Se
educó en la Orden de los Canónigos Regulares de San Agustín en su Sajonia natal. En 1115
dejó la escuela agustina por la escuela de San Víctor de París, o de “los Victorinos”, donde
llegó a ser prior. Enseñó allí a partir de 1125 hasta su muerte en 1141. La escuela de San
Víctor seguía la regla de San Agustín. Su filosofía se apoya sobre todo en las obras de Platón,
San Agustín, Escoto Eriúgena y el Pseudo Dionisio; la Biblia y los SS. Padres, o Auctoritates.

Hugo de San Víctor es una personalidad completa de filósofo humanista, teólogo y místico;
tres facetas que une armónicamente y que hacen de él uno de los hombres más universales
de su tiempo. Harnack lo llama “el teólogo más influyente del siglo XII” en su referente
Historia del Dogma. Se le ha llamado también “Hugo alter Augustinus”, por su familiaridad
con la obra de san Agustín. El obispo de Hipona pensaba que nuestra única tarea en esta vida
es “curar el ojo del corazón”, restaurar la salud del ojo del corazón que nos permite ver a
Dios. Para curar ese ojo es preciso entrenarlo hasta lograr ser competentes para alcanzar el
conocimiento.

Hugo de San Víctor fue el iniciador del misticismo de la escuela de San Víctor, dominante
en la segunda mitad del siglo XII, continuada sobre todo por su discípulo y gran teólogo
trinitario Ricardo de san Víctor. Su misticismo se encuentra vinculado a la espiritualidad
neoplatónica e idealista de Plotino. Los comentarios de Hugo de San Víctor sobre el libro de
Dionisio Areopagita Coelesti Hierarchia abundan en pensamientos y pasajes relacionados
con la concepción mística neoplatónica. Esta tradición hablaba de ta aisthêta, ta noêta, ta
mystika (lo sensible, lo mental y lo místico), como dimensiones fundamentales del ser
humano. Su sistema místico está bajo la influencia del pensamiento de la triple progresión en
el conocimiento de las cosas divinas, distinguiendo tres etapas:

a) Cogitatio, o concepción por medio de las nociones sensuales. La cogitatio


empírica es una búsqueda de los hechos del mundo material a través de ojo de la
carne.
b) Meditatio, o búsqueda del sentido escondido. Es una búsqueda de verdades
psíquicas (la imago Dei), usando el ojo de la mente, de la razón.
c) Contemplatio, o la percepción final en el interior de las cosas. Es el
conocimiento mediante el cual el psiquismo o alma se unifica instantáneamente
con la Divinidad de la intuición trascendente revelada a través del ojo de la
contemplación.

A estas etapas corresponden los tres objetos fundamentales (materia, alma, Dios) y los tres
ojos u órganos de percepción para el conocimiento: oculus carnis, el ojo físico; oculus
rationis, la razón especulativa; y oculus fidei, la visión contemplativa81. Hugo de San Víctor
dice que Dios ha creado al ser humano con esos tres ojos: el ojo corporal (ojo empírico, con
el que vemos la realidad sensible), el ojo racional (ojo de la mente, con el que percibimos la
realidad que me revela la razón) y un tercero, el ojo de la contemplación (ojo del espíritu u
ojo de la fe, que nos lleva a la visión religiosa y mística). Al salir el paraíso a causa del
pecado, quedó debilitado el primero, perturbado el segundo y ciego el tercero; si no se cultiva
el tercer ojo, éste permanecerá ciego. Estar fuera del paraíso es exactamente esto: no percibir
ya la Presencia, carecer del órgano capaz de experimentar, de “ver” a Dios. En definitiva,
percibirse separado de él. Ana María Schlüter lo expresa magnificamente:

“Si no se cultiva el tercer ojo, éste permanecerá ciego. Estar fuera del paraíso
es exactamente esto: no percibir ya la Presencia, carecer del órgano capaz de
experimentar, de ‘ver’ a Yahveh, al que-es, al que-está-con... La cultura
occidental, que ha desarrollado preponderantemente el ojo de la razón, sufre
ahora esta ceguera de un modo especial”82.

En conjunto, para Hugo de San Víctor lo teórico está subordinado a lo práctico y a lo místico.
La suma y complemento de la Física y la Filosofía es contemplar la naturaleza invisible de

81
La teoría de los tres ojos de Hugo de San Víctor ha sido puesta de actualidad con la obra de Ken Wilber Los
tres ojos del conocimiento, Barcelona, Kairós 1994.
82
A. María Schlüter, Introducción a La nube del no-saber, Madrid, Paulinas 1981, p. 10.
invisibles substancias y las causas invisibles de las cosas visibles. Lo cual, aunque pertenece
a la física, ni ésta, ni las matemáticas, ni la misma teología humana, pudieron alcanzar la
verdad, porque sus sabios carecieron del auxilio de la gracia. La razón, añade, no puede
penetrar o conocer por sí sola ciertas verdades superiores, aunque pertenezcan al orden
natural, si no es auxiliada por Dios.

4. Los “tres ojos del conocimiento” en el Breviloquium y en el Itinerarium

4.1. En el Breviloquium

San Buenaventura habla explícitamente de los “tres ojos del conocimiento”, que hemos visto
en Hugo de San Víctor, en su compendio de teología, el Breviloquium, II parte, cap. XII, 4-
583:

“(4)… En el estado de inocencia, cuando la imagen [humana] no estaba


completamente viciada, sino hecha deiforme por la gracia, bastaba al hombre el
libro de la creación para ejercitarse con él en la contuición84 de la luz de la
sabiduría divina, y así fuera sabio contemplando todas las cosas en sí mismo, en
su género propio o realidad externa y en el arte eterna, conforme al triple ser que
tienen las cosas; a saber: en la materia o naturaleza propia, en la inteligencia
creada y en el arte eterna; según la cual dice la Escritura: Dijo Dios, hágase, y
fue hecho.

“(5). Para esta triple visión el hombre recibió tres ojos, como dice Hugo de San
Víctor. A saber: el ojo de la carne, el de la razón y el de la contemplación; el ojo

83
San Buenaventura, Obras completas, op. cit, tm. I, pp. 285-287.
84
Otro concepto fundamental de S. Buenaventura. La contuitio es, con palabras de Guy Bougerol, “el
conocimiento mediato de la presencia del Ser infinito en el ser finito”, Lexique Saint Bonaventure, op. cit, p.
42.
de la carne para ver el mundo y lo que hay en él, el ojo de la razón para ver el
alma y lo que hay en ella, y el ojo de la contemplación para ver a Dios y lo que
hay en Dios. De modo que con el ojo de la carne el hombre viera lo que hay fuera
de él; con el ojo de la razón lo que hay dentro de él; y con el ojo de la
contemplación lo que por encima de él. Más el ojo de la contemplación no
ejercita perfectamente su acto sino con la gloria; la cual pierde con la culpa y
recupera por la gracia y la fe y por la inteligencia de las Escrituras, por medio de
las cuales la mente se purifica, se ilumina y se perfecciona para contemplar las
cosas celestiales, a las cuales no puede llegar el hombre caído sin reconocer
primeramente sus defectos y tinieblas; lo cual no puede hacer si no considera
atentamente la ruina de la naturaleza humana”.

Los tres ojos del conocimiento corresponden, pues, constitutivamente, al ser humano, animal
racional y religioso. Si no están en funcionamiento en él es, dicen Hugo de San Víctor y San
Buenaventura, por causa del pecado, la concupiscencia que llevó a Adán a la pérdida de su
armonía inicial que tenía en el mito adámico; a causa del pecado siente vergüenza de su carne
y, en su ceguera y oscuridad, ya no puede ver a Dios. En el mito del paraíso, el ser humano
vivía en armonía con todo: con la pareja, con el mundo y con Dios. Esta armonía consigo
mismo, con el mundo y con Dios, llevaba a Adamá (tierra) varón y hembra, a percibir la
presencia divina de modo natural: Dios bajaba cada tarde al paraíso a hablar con Adán, que
sentía su presencia como evidente, pues tenía el tercer ojo tan abierto como los otros dos ojos
(Gen 2). A partir de entonces tendrá que trabajar arduamente toda su vida para recuperar el
ojo racional y el contemplativo.
4.2. En el Itinerarium mentis in Deum

¿Cómo aparecen los tres ojos en el Itinerarium? En la más original y difundida de las obras
bonaventurianas, los tres ojos del conocimiento no aparecen siempre tan explícitamente
como en el Breviloquium; pero sí los encontramos mediante una lectura atenta, en
consonancia con todo el pensamiento de San Buenaventura y la propuesta que ofrece a lo
largo de toda su obra. El conocimiento es una ascensión desde lo más simple, los vestigia
Dei de la naturaleza, hasta lo más complejo, el Uno, Dios.

Buenaventura inicia su exposición en el Prólogo diciendo:

“En el principio invoco al primer Principio, de quien descienden todas las


iluminaciones como del Padre de las luces… a fin de que… tenga a bien iluminar
los ojos de nuestra mente para dirigir nuestros pasos por el camino de aquella
paz que sobrepuja a todo entendimiento…” (n.1)85.

E invita al lector al

“… gemido de la oración… no sea que piense que le baste la lección sin la


unción, la especulación sin la devoción, la investigación sin la admiración, la
circunspección sin la exultación, la industria sin la piedad, la ciencia sin la
caridad, la inteligencia sin la humildad, el estudio sin la gracia, el espejo sin la
sabiduría divinamente inspirada” (n.4)86.

En el Capítulo I (“Grados de la subida a Dios y especulación de Dios por sus vestigios en el


universo”) insiste desde el comienzo:

“Orando… somos iluminados para conocer los grados de la divina subida.


Porque, según el estado de nuestra naturaleza, como todo el conjunto de las
criaturas sea escala para subir a Dios… Es necesario pasar por el vestigio, que es
corporal, temporal y exterior a nosotros… Es necesario entrar en nuestra alma
[mente], que es imagen eviterna de Dios, espiritual e interior a nosotros… es
necesario, por fin, trascender al eterno espiritualísimo y superior a nosotros –y
esto es entrar en la verdad de Dios-; es necesario, por fin, trascender al eterno…

85
Obras, op. cit p. 557. Subrayados en el texto aquí y en lo sucesivo nuestros.
86
Ibid. p. 561.
y esto es alegrarse en el conocimiento de Dios y en la reverencia de la majestad”
(n.2)87.

Para hablar enseguida de la “triple iluminación” o “triple progresión” (nn.3-4), que el Doctor
Seráfico compara con una “caminata de tres jornadas de soledad”, que corresponde a “la
triple existencia de las cosas; esto es en la materia, en la inteligencia y en el arte eterna… la
corporal, la espiritual, la divina”:

a) Lo material, las “cosas corporales exteriores”, la “animalidad o


sensualidad”… es la escala corporal.
b) La inteligencia, la razón, las “cosas interiores”… es la escala espiritual.
c) El “arte eterna”; las “cosas superiores a sí misma”… es la escala de la mente,
divina. No la mente como inteligencia o razonamiento, sino la Conciencia.

Siguiendo el planteamiento de Hugo de San Víctor, que recogía en el Breviloquium, como


acabamos de ver, continúa Buenaventura en el n.7:

“Porque el hombre, según la primera institución de la naturaleza, fue creado hábil


para la quietud de la contemplación; y por eso lo puso Dios en el paraíso de las
delicias. Pero, apartándose de la verdadera luz al bien conmutable, encorvose él
mismo por la propia culpa, y todo el género humano por el pecado original.
Pecado que inficionó la humana naturaleza de dos modos; a saber: inficionando
la mente con la ignorancia y la carne con la concupiscencia; de suerte que el
hombre, cegado y encorvado yace en tinieblas y no ve la luz del cielo, si no le
socorre la gracia con la justicia y la ciencia con la sabiduría contra la ignorancia.
Todo lo cual se consigue por Jesucristo… que infundió la gracia de la caridad…
y enseñó la ciencia de la verdad conforme a los tres modos de teología:
‘simbólica, propia y mística’, para que por la simbólica usemos bien de las cosas

87
Ibid. pp. 564-567.
sensibles; por la propia, de las cosas inteligibles, y por la mística seamos
arrebatados a los excesos supermentales”88.

En el Capítulo II (“Especulación de Dios en los vestigios que hay de Él en este mundo


sensible”) descubrimos los vestigia Dei en la creación. A través de “los cinco sentidos como
cinco puertas (oculus carnis)… entra a nuestra alma el conocimiento de todas las cosas que
existen en el mundo sensible” (n.3)89. Después de esta “aprehensión y delectación” de la
realidad sensible, “fórmase el juicio” (n.6)90; la razón (oculus rationis) elabora la realidad
para formarse el “juicio de las cosas sensibles”: “el juicio es una operación que, depurando
y abstrayendo la especie sensible, sensiblemente recibida por los sentidos, la hace entrar en
la potencia intelectiva. Y así todo este mundo tiene entrada en el alma”91. De este modo,
“todas las cosas son vestigios donde podemos investigar a nuestro Dios” (n.7)92. Y así “el
juicio nos lleva a especular con más certeza la eterna verdad (aeterna veritas)” (n.9)93. De
este modo, “las perfecciones invisibles de Dios, desde la creación del mundo, se han hecho
intelectualmente visibles por las criaturas de este mundo”, y Dios mismo nos lleva, por medio
de N.S. Jesucristo, al tercer grado de conocimiento, a la apertura del tercer ojo (oculus fidei):
“nos trasladó de las tinieblas a su luz admirable, por cuanto estas luces que exteriormente nos
han dado, nos disponen para entrar en el espejo de nuestra alma, en el que relucen las
perfecciones divinas” (n.13)94.

En el Capítulo III (“Especulación de Dios por su imagen impresa en las potencias naturales”)
encontramos literalmente los dos ojos. Inicia el maestro franciscano con unas hermosas
palabras de recapitulación de lo que viene diciendo:

88
Ibid. p. 569.
89
Ibid. p. 579.
90
Ibid. p. 581.
91
Ibid. p. 583.
92
Ibid. p.583.
93
Ibid. p. 585.
94
Ibid. p. 589.
“Los dos grados predichos… nos llevaron de la mano hasta entrar en nosotros,
es decir, a nuestra mente, donde reluce la imagen divina; de ahí que llegados al
tercer grado… como si dejáramos el atrio del tabernáculo, en el santo, esto es,
en su parte interior es donde debemos procurar ver a Dios por espejo: allí donde,
a manera de candelabro, reluce la luz de la verdad en faz de nuestra mente, en la
cual resplandece la imagen de la beatísima Trinidad” (n.1)95.

Con el ojo de la carne, con el ojo de la razón vamos progresivamente viendo a Dios: “Nada
entendemos por la inteligencia que no esté presente en nuestra memoria, y con esto adviertes
ya, no con el ojo de la carne, sino con el ojo de la razón”. Pero solo “como por imagen; lo
cual es verlo como un espejo y bajo imágenes oscuras”96. Estos dos ojos no son suficientes
para alcanzar la vera sapientia, el pleno conocimiento de la Realidad y de Dios.
Necesitaremos progresivamente ir abriendo el ojo de la contemplación para verlo realmente;
es imprescindible la iluminación, la apertura del tercer ojo, como encontramos en el n. 3:

“Cosa clara es que nuestra inteligencia no llega, por análisis, al conocimiento


plenario… a no ser ayudada del conocimiento del ser purísimo… y absoluto, el
cual es el ser simpliciter y eterno…

Y entonces se dice, con toda verdad, que el entendimiento comprende el sentido


de las proposiciones cuando sabe con certeza que son verdaderas, y saber esto es
saber que no puede engañarse en tal comprensión. Sabe, en efecto, que tal verdad
no puede ser de otra manera, sabiendo como sabe que esa verdad es inmutable.
Pero, por ser mudable nuestra mente, no puede ver la verdad reluciendo tan
inmutablemente si no es en virtud de otra luz que brilla de modo inmutable del
todo, la cual es imposible sea criatura sujeta a mudanzas. Luego la conoce en
aquella luz que alumbra a todo hombre que viene a este mundo, la cual es la luz
verdadera (lux vera)...

95
Ibid. p. 591.
96
Id.
Por donde se ve a las claras cuán unido está nuestro entendimiento a la verdad
eterna (aeterna veritas), pues nada verdadero puede conocer sino enseñado por
ella”97.

Es muy importante, como dice el Doctor Seráfico en el mismo capítulo, saber que todas las
ciencias colaboran en el conocimiento de la Realidad y en la misma aproximación al Dios
Trinitario; cada una de modo específico (6-7):

“(6)… A esta especulación… la ayudan las luces de las ciencias, que la


perfeccionan e informan… Toda la filosofía o es natural, o racional, o moral. La
primera trata de la causa del existir, y por eso lleva a la potencia del Padre; la
segunda, de la razón del entender, y por eso lleva a la sabiduría del Verbo, y la
tercera, del orden del vivir, y por eso lleva a la bondad del Espíritu Santo.
Además, la primera -la filosofía natural- se divide en metafísica, matemática y
física. De las cuales la una versa sobre las esencias de las cosas, la otra sobre los
números y figuras, la tercera sobre las naturalezas, virtudes y operaciones
difusivas...
La segunda -la filosofía racional- se divide en gramática, que hace a los hombres
capaces para expresarse; la lógica, que los hace agudos para argüir, y en retórica,
que los hace valientes para mover o persuadir. Lo cual insinúa también el misterio
de la misma beatísima Trinidad.

La tercera -la filosofía moral- se divide en monástica doméstica y política. De ahí


que la primera insinúe la innascibilidad del primer Principio, la segunda la
familiaridad del Hijo y la tercera la liberalidad del Espíritu Santo” 98.

“(7) Todas estas ciencias tienen sus reglas ciertas e infalibles como luces y rayos
que descienden de la ley eterna a nuestra mente. Por eso nuestra mente, irradiada

97
Ibid. p. 595.
98
Ibid. p. 601.
y bañada en tantos esplendores, de no estar ciega, puede ser conducida por la
consideración de sí misma a la contemplación de aquella luz eterna” 99.

Pero es el alma iluminada con las tres virtudes teologales, la que llega a la iluminación final
(cap. IV, “Especulación del Dios en su imagen, reformada por los dones gratuitos”): “La
imagen de nuestra alma ha de revestirse con las tres virtudes teologales que la purifican,
iluminan y perfeccionan”, particularmente el “amor extático” (n.3)100. Esto se realiza por
medio de las operaciones jerárquicas del alma humana: purificación, iluminación y
perfección.

Finalmente, en el Capítulo V (“Especulación de la unidad de Dios por su nombre primario,


que es el Ser”: Contemplar a Dios), dice en el n.4:

“Así como el ojo [material], atento a las diferencias de varios colores, no ve la


luz en cuya virtud ve lo demás, y aun cuando la vea, no la advierte; así el ojo de
nuestra mente, aplicado a los seres universales y particulares, no advierte
tampoco el ser que está sobre todo género, aunque sea éste lo primero que a la
mente se ofrece y las demás cosas no se presentan a ella sino por ese mismo ser.
Por donde aparece con toda verdad que lo que el ojo del murciélago es comparado
a la luz, eso mismo es el ojo de nuestra mente comparado a las cosas muy
manifiestas de la naturaleza, y la razón es porque, acostumbrado a las tinieblas
de los seres y a los fantasmas de lo sensible, le parece no ver nada allí donde mira
la luz del ser sumo, no entendiendo que esa misma oscuridad es la iluminación
suprema de nuestra mente, no de otra suerte que al ojo que ve la luz pura parécele
no ver cosa alguna”101.

99
Id.
100
Ibid. p. 605.
101
Ibid. p. 615.
Podemos decir, entonces, que para S. Buenaventura existen tres formas de adquirir
conocimiento: el ojo de la carne, por medio del cual percibimos el mundo externo del
espacio, el tiempo y los objetos; el ojo de la razón, que nos permite alcanzar el conocimiento
de la filosofía, la lógica y de la mente; el ojo de la contemplación, mediante el cual tenemos
acceso a las realidades trascendentes, podemos ver a Dios.

El ojo de la carne crea y revela el mundo de experiencia sensorial. En el mundo externo,


encontramos un vestigium, “un vestigio de Dios” y el ojo de la carne percibe este vestigio
(que se manifiesta como una diversidad de objetos separados en el espacio y en el tiempo).
El ojo de la razón, participa del mundo de las ideas, de las imágenes, de la lógica, y de los
conceptos. El ojo de la contemplación es transracional, translógico y transmental.

Todo conocimiento es una illuminatio. Existe una iluminación exterior e inferior (lumen
exterius y lumen inferius), que nos permite iluminar el ojo de la carne y conocer los objetos
sensoriales; una lumen interius, que ilumina el ojo de la razón y nos proporciona el
conocimiento de las verdades filosóficas, y una lumen superius, la luz del Ser trascendente,
que ilumina el ojo de la contemplación y nos revela la verdad curativa, “la verdad que nos
ilumina”. En definitiva, como dirá Pascal: “Es el corazón el que siente a Dios y no la
razón”102.

De manera sencilla y esquemática, podemos presentar en un cuadro los “tres ojos” y las “tres
luces” que iluminan el conocimiento según San Buenaventura.

Ojo de la carne Ojo de la razón Ojo de la contemplación/fe


Oculus carnis Oculus rationis Oculus fidei

102
“C’est le coeur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi, Dieu sensible au coeur, non à la
raison”, B. Pascal, Pensées, Paris, Libr. Générale Française, 1972, Pensée 278, p.134. Una amplia exposición
de la experiencia de Pascal en Hans Küng, ¿Existe Dios?, Madrid, Herder 1979, pp. 75-140. Küng contrapone
Pascal y Descartes; Descartes es el hombre del método, y Pascal el hombre del pathos, de la experiencia
profunda y la pasión; por tanto, de una visón más global de la realidad: junto con el raisonnement, es necesario
tener en cuenta el sentiment, el corazón.
Lumen exterius Lumen interius Lumen superius
Objeto tangible, Objeto inteligible El Ser, Dios
vestigia Dei
Campo grosero: los Campo sutil: razón. Campo transcendente: el
hechos. Experiencia Ser.
Experiencia sensorial racional/lógica Experiencia transcendental

Ciencias empíricas Filosofía / teología (¿?) Espiritualidad / mística

Un texto de san Francisco de Asís, de quien San Buenaventura es fiel discípulo, apunta
también esta perspectiva:

“Omnipotente, eterno, justo y misericordioso Dios, danos a nosotros, miserables,


hacer por ti mismo lo que sabemos que tú quieres, y siempre querer lo que te
place, para que, interiormente purificados, interiormente iluminados y abrasados
por el fuego del Espíritu Santo, podamos seguir las huellas de tu amado Hijo,
nuestro Señor Jesucristo, y por sola tu gracia llegar a ti, Altísimo, que, en
Trinidad perfecta y en simple Unidad, vives y reinas y eres glorificado, Dios
omnipotente, por todos los siglos de los siglos. Amén”103.

5. El pensamiento complejo: toda la Realidad y todo el conocimiento de ella están


interrelacionados. Edgard Morin y Raimon Panikkar

5.1. Ciencia y filosofía de la complejidad

103
S. Francisco de Asís, Carta a toda la orden, 50-52. http://www.franciscanos.org/esfa/ctao.html .
La filosofía de la complejidad tiene como base y marco teórico la ciencia de la complejidad.
Esta ciencia, vinculada a la física cuántica, se presenta desde las primeras décadas del siglo
XX como una crítica y superación de la vieja ciencia mecanicista aristotélico-cartesiana de
Occidente a lo largo de siglos. La perspectiva de la complejidad de la realidad comporta una
seria ruptura con el enfoque reduccionista cartesiano de la física y la metafísica moderna.
Los problemas que suscitan los sistemas complejos no son sólo de índole especulativa
científica, sino que nos confrontan con algunas de las más acuciantes cuestiones prácticos
que deben que afrontar los seres humanos de hoy: bioética, ecología, informática, mercados,
ordenación del territorio. La complejidad nos abre vías para la reflexión metafísica, más allá
de los tópicos modernos de la “superación de la metafísica” o la “muerte de la filosofía”, y
lleva a buscar lecturas y relecturas en el marco de la filosofía actual, para un proyecto
intelectual en consonancia con las exigencias de nuestro tiempo. Estas vías nos remontan a
Spinoza para saltar luego a A.N. Whitehead, Edgard Morin y Raimon Panikkar104, entre
otros.

Trabajo pionero acerca de esta perspectiva de la complejidad, ya a mediados del siglo XX,
fue un artículo titulado “Science and Complexity”, que indica como los problemas de la
realidad (científicos, biológicos, sociales…) “son demasiado complejos para que se puedan
resolver con las antiguas técnicas del siglo XIX, pero no han de buscarse soluciones
complejas, sino que se pueden simplificar y exigen buscar esa simplicidad105. La complejidad
científica se extiende a la tecnología, pero también a la sociedad y sus procesos
comunicativos e implican a la filosofía en sus postulados epistemológicos y ontológicos, con
implicaciones antropológicas y éticas. Presupuestos fundamentales del pensamiento
complejo son el tratamiento interdisciplinario y pluriparadigmático y la búsqueda de la
simplicidad de la complejidad de la realidad que exige modelos epistémicos que respondan
a esta exigencia.

104
Cf. a este respecto, con abundantes referencias, mi trabajo citado al comienzo: “La teoría de la complejidad
y su relación con el pensamiento científico de Raimon Panikkar”.
105
Warren Weaver, “Science and Complexity”, American Scientist, 36 (1948), p. 541.
Los referentes fundamentales de la ciencia y la filosofía de la complejidad son el científico
Premio Nobel de química Ilya Prigogyne (padre de la teoría de las estructuras disipativas o
estructuras fuera de equilibrio) y el pensador Edgard Morin (padre del pensamiento
complejo). Para Ilya Prigogyne el mundo no sigue estrictamente el modelo de un reloj, con
una mecánica que lo hace funcionar de manera previsible y determinada, sino que la realidad
es una mezcla de orden y desorden; los procesos de la realidad dependen de un enorme
conjunto de interacciones y circunstancias inciertas, que determinan que cualquier pequeña
variación en un punto del planeta, genere un efecto considerable en el otro extremo de la
tierra106; el llamado “efecto mariposa”. Por eso, Edgar Morin llega a decir: “El universo
entero es un cocktail de orden, desorden y organización. Estamos en un universo del que no
podemos eliminar lo aleatorio y lo incierto”107. Con razón dice Prigogine que el llamado
paradigma de la complejidad es una verdadera revolución copernicana en la ciencia; y en el
lenguaje; quizás mejor, en las ciencias, pues afecta a la física, a la química y a la biología,
pero también al pensamiento y a los sistemas sociales y económicos:

“Es necesario recalcar la riqueza de la realidad, que sobrepasa todo posible


lenguaje, toda estructura lógica. Cada lenguaje puede expresar, si bien
satisfactoriamente, únicamente parte de ella. La música no se agota con ninguno
de sus estilos; el mundo del sonido es más rico que cualquier lenguaje
musical”108.

5.2. Edgar Morin: sparsa colligo

Edgard Morin (1921-), padre del pensamiento complejo, escribe en un texto autobiográfico:

“Me reconocí en la aspiración a la totalidad… a conectar las verdades dispersas


y las verdades antagónicas….

106
Cf. I. Prigogine, La nueva alianza. Metamorfosis de la ciencia, Madrid, Alianza Editorial 1990.
107
Cf. E. Morin, Introducción al pensamiento complejo, Barcelona, Gedisa 2001, p. 32.
108
Prigogine, op. cit. p. 78.
El pensamiento complejo tiene la tarea, no de substituir lo cierto por lo incierto,
lo separable por lo inseparable, la lógica deductivo-identitaria por la transgresión
de sus principios, sino de efectuar una dialógica cognoscitiva entre los cierto y
lo incierto, lo separable y lo inseparable, lo lógico de lo meta-lógico… es el
ejercicio de una dialógica incesante entre lo simple y lo complejo”109.

En su crítica de la investigación y el conocimiento contemporáneo especializado,


parcializado, opuesto a la concepción global, escolástica y humanista, Morin ve la necesidad
de conocer el mundo tal como es realmente: un todo indisociable. Así, escribe en El
Método110: “Todo neófito que entra en la Investigación ve como se le impone la mayor
renuncia al conocimiento. Se le convence de que es imposible construir una visión del
mundo... Se le integra en un equipo especializado... El investigador ve como se le ofrece la
posesión exclusiva de un fragmento del puzzle, cuya visión global debe escapar a todos y
cada uno”111.

Para Morin, la elección no está entre el saber particular, preciso limitado, y la idea general
abstracta, sino entre el reduccionismo y la búsqueda de un método “que pueda articular lo
que está separado y volver a unir lo que está desunido”. Por eso, propone abordar el
conocimiento de la realidad de manera multidisciplinar y multirreferenciada para la
construcción del pensamiento, abordando los fenómenos como una totalidad orgánica en
“relación de interdependencia”, y quebrando las “falsas claridades”, pues “la incertidumbre
deviene viático” para el camino.

El pensador francés desarrolló una investigación marcada por sus tesis de la


transdisciplinariedad. Morin no sólo busca un pensamiento en el que estén insertos los
intercambios interdisciplinares entre ciencias físicas, biológicas y humanas, sino que

109
Morin, Mis demonios, Barcelona, Kairós, 1995, pp. 203 y 213.
110
Como es sabido, esta es la obra fundamental de Morin, La Méthode, Paris, Le Seuil 1977-2004, 6 vols.: La
Nature de la nature (vol.1), 1977; La Vie de la vie (vol.2), 1980; La Connaissance de la connaissance (vol.3),
1986; Les Idées (vol. 4), 1996; L’Humanité de l’humanité (vol. 5), 2001; Éthique (vol. 6), 2004.
111
Morin, El Método, vol.1, La Naturaleza de la Naturaleza, Madrid, Cátedra 2008, p. 25.
favorezca y desarrolle un pensamiento verdaderamente transdisciplinar. “Hace falta
reaprender a aprender”112; pues cómo dijo Antonio Machado en un conocido verso que gusta
repetir: “Caminante no hay camino, se hace camino al andar”. En su origen, la palabra método
parece que significaba “caminar”, ir haciendo el camino en el incluso caminar, en una
búsqueda constante. Por eso, todo conocimiento tiene que ser consciente de su
provisionalidad, de su carga de incertidumbre.

Edgar Morin construye un método que intenta estar a la altura del desafío de la complejidad;
convencido de que estamos en la prehistoria del espíritu humano y sólo el pensamiento
complejo nos permitirá civilizar nuestro conocimiento. Por eso, el pensamiento complejo
debe reunir elementos de las ciencias, la historia, los mitos, los símbolos religiosos… A
partir de la auto-eco-organización (el todo está en el interior de la parte, que está en el interior
del todo, como las muñecas rusas), que va incluyendo todos los aspectos, el sujeto emerge al
tiempo con el mundo; y así, sujeto y objeto aparecen como dos emergencias inseparables de
la relación sistema autoorganizador-ecosistema. Al hacer de nuevo su entrada en la ciencia,
Morin ofrece las herramientas para ver esos fenómenos integrados, porque coloca el énfasis
ya no en substancias, sino en emergencias e interacciones, para superar la tragedia del
pensamiento (incerteza) con un metanivel.
Una expresión que resume su proyecto es sparsa colligo, reunir lo disperso en un proceso de
conocimiento interrelacionado. Con sus propias palabras:

“Mi singularidad estriba en haber querido vincular lo diverso, sparsa colligo, y


haber levantado mi obra sobre este principio... Mi rechazo de las verdades
aisladas suscitaron los principios de un pensamiento complejo; es decir, un
pensamiento que relaciona lo que, de orígenes diversos y múltiples, forma un
tejido único e inseparable: complexus [‘lo que se teje junto’]”113.

112
Morin, Mis demonios; cf. E. Morin, E. Roger, R. Motta, Educación en la vida planetaria, Gedisa, Barcelona
2003.
113
Morin, Mis demonios, op. cit. p. 273.
5.3. Raimon Panikkar: colligite fragmenta

Raimon Panikkar (1918-2010), teólogo, filósofo y científico, es un verdadero puente entre


oriente y occidente. Se le ha llegado a calificar como “uno de los pensadores paradigmáticos
de la Segunda Era Axial”, por su interdisciplinariedad, interculturalidad y pensamiento
innovador en filosofía y teología114. Además, tuvo una gran amistad y coincidencia en sus
planteamientos con Morin, tal como me han confesado ambos, aunque Panikkar nunca utiliza
la palabra “complejidad”.

De modo semejante a Morin, Panikkar buscó toda su vida la relación de todo con todo, más
allá de la substancia como realidad estática. Morin busca reunir lo esparcido (sparsa colligo),
pues “no sólo la parte está en el todo, sino que el todo, está en la parte” (principio
hologramático). Y Panikkar busca la integración del conjunto de toda la realidad en todas
sus dimensiones; y repite otra expresión latina muy querida para él: “colligite fragmenta”.
“Colligite quae superaverunt fragmenta, ne pereant” son palabras de Jesús de Nazaret con
las que Juan pone fin al relato de la multiplicación (Jn 6,12). Es la necesidad de recoger los
fragmentos esparcidos, hasta los más pequeños; que nada se pierda, para reconstruir el todo
armónico y conocer la interconexión de todo con todo. “Nada se desprecia, nada se deja de
lado. Todo está integrado, asumido, transfigurado... Pensar todos los fragmentos de nuestro
mundo actual para reunirlos en un conjunto armónico”115.

Una de las características más importantes de su pensamiento es esta obsesión por el todo;
por una armonía entre los diversos aspectos de la Realidad, los diversos puntos de vista que
componen la Realidad, siempre compleja: “No es cuestión de parte alguna. No es cuestión

114
E. Cousins, Christ of the 21st Century, Bloomsbury Academic, 1994; Ewert Cousins es, también, uno de los
más profundos conocedores del pensamiento de San Buenaventura; su libro más destacado al respecto es
Bonaventure and the Coincidence of Opposites. The Theology of Bonaventure, Chicago, Franciscan Herald
1978. Para conocer a R. Panikkar cf. mis libros: Más allá de la fragmentación de la teología, el saber y la vida:
Raimon Panikkar, Valencia, Tirant lo Blanch 2008; Dios, Hombre, Mundo. La Trinidad en Raimon Panikkar,
Barcelona, Herder, 2008; y Diccionario panikkariano (con J. L.Meza), Barcelona, Herder 2016.
115
R. Panikkar, La intuición cosmoteándrica. Las tres dimensiones de la realidad, Madrid, Trotta 1999, p.19.
de parcialidades... Es cuestión del todo”116. “Lo que cuenta es la realidad entera, la materia
tanto como el espíritu… la ciencia tanto como el misticismo, el alma tanto como el
cuerpo”117. Por eso, Panikkar hizo el triple doctorado en Ciencias, Filosofía y Teología.

“Todo está integrado, asumido, transfigurado... Nada se margina o se considera


irredimible; el cuerpo entero y toda la memoria humana incluidos. Es la intuición
totalmente integrada del tejido sin costuras de la realidad entera: la visión
cosmoteándrica… El conocimiento indiviso de la totalidad… Ignorar lo que no
puede eliminarse fácilmente, es una tentación universal, y el reduccionismo un
pecado filosófico habitual... En general, el enfoque y el discernimiento se han
logrado dejando fuera del cuadro partes integrantes de la realidad”118.

Del mismo modo que Morin habla del principio dialógico, llegando a decir “la vida es
ininteligible si no se apela a la dialógica”119, Panikkar habla del pensamiento dialógico,
distinto al dialéctico, de la dialéctica hegeliana y de la racionalización, En contraposición al
diálogo dialéctico, el diálogo dialógico o diálogo-dialogal es lo que está “abierto a otras
visiones filosóficas; y no sólo a la confrontación dialéctica y al diálogo racional”120. Por eso,
no pretende vencer ni siquiera convencer, sino buscar juntos la verdad desde diferentes
posiciones, para ir llegando a un entendimiento mutuo y a una verdad más completa.

“El diálogo-dialogal... es la búsqueda conjunta de lo común y lo diferente, es la


fecundación mutua con lo que cada uno aporta... es el reconocimiento implícito
y explícito que no somos autosuficientes”121.

116
R. Panikkar, Prólogo de El silencio del Buddha. Una introducción al ateismo religioso, Madrid, Siruela
1996, p. 19.
117
R. Panikkar, “La intuición cosmoteándrica”, en La nueva inocencia, Estella, Verbo Divino 1993, 53.
118
Panikkar, La intuición cosmoteándrica, op. cit, p. 19.
119
Morin, Mis demonios, op. cit. pp. 208, 215, 67.
120
R. Panikkar, Sobre el diálogo intercultural, Salamanca, San Esteban 1990, pp. 71-94.
121
R. Panikkar, “¿Mística comparada?”, en VVAA La mística en el siglo XXI, Madrid, Trotta 2002, p. 228.
La creación más original del pensamiento de Panikkar es la perspectiva cosmoteándrica. La
propuesta de Panikkar es vivir de tal modo abiertos a la triple dimensión de la realidad que
forma lo divino, lo humano y lo cósmico, abiertos a los demás, al mundo y al Misterio/Dios,
que podamos llegar a la comunión armónica con el Todo, con el Uno: la reconciliación
cosmoteándrica.

“No hay tres realidades: Dios, el Hombre y el Mundo; pero tampoco hay una, o
Dios, u Hombre o Mundo. La realidad es cosmoteándrica... Dios, Hombre y
Mundo están en una íntima y constitutiva colaboración para construir la
Realidad, para hacer avanzar la historia... Dios, Hombre y Mundo están
comprometidos en una única aventura y este compromiso constituye la verdadera
Realidad”122.

La intuición cosmoteándrica o teo-antropo-cósmica, manifiesta que es la relación lo que une


toda la realidad: divina, humana y cósmica. Ni lo divino, ni lo humano, ni lo cósmico están
solos, ni alejados: Un Dios sólo, totalmente trascendente, nos resultaría irrelevante; nosotros
somos conscientes de lo divino porque estamos constantemente en relación con Él-Ello; el
mismo Cosmos que experimentamos no puede ser sin la Consciencia humana y sin la
Divinidad: “La visión cosmoteándrica de la realidad equivale e una visión totalizante e
integral en la naturaleza de todo lo que existe”123. Para Panikkar, el conocimiento
cosmoteándrico es “la forma primordial de consciencia”, que ha aparecido desde los albores
de la humanidad como “el conocimiento indiviso de la totalidad” y es una constante en la
cultura humana, que hoy “vuelve a brillar como esperanza de un número cada vez mayor de
personas”, pues “el hombre nunca ha quedado satisfecho con verdades parciales y ahora
sospecha que muchas convicciones tradicionales quizá sólo sean parciales”124.

6. Conclusión: S. Buenaventura, E. Morin y R. Panikkar.

122
R. Panikkar, La Trinidad. Una experiencia humana primordial, Madrid, Siruela 1998, p. 93.
123
Panikkar, La nueva inocencia, op. cit p. 61.
124
Panikkar, “La intución cosmoteándrica”, op. cit. pp. 53-54.
¿Qué tienen en común, qué relaciona profundamente el pensamiento del doctor Seráfico, el
padre de la complejidad y el padre de la perspectiva cosmoteándrica? Con ser tan distintos
en muchas cosas, hay puntos muy importantes que unen su pensamiento y su actitud en la
vida. S. Buenaventura y R. Panikkar, aunque separados por siete siglos, fueron ambos
filósofos y teólogos con los conocimientos científicos de su época (Panikkar era doctor en
ciencias, en filosofía y en teología), personas profundamente religiosas e incluso místicas
(Panikkar ha publicado valiosos trabajos de teología y de mística). No es completamente el
caso de E. Morin, persona espiritual pero que no confiesa una tradición religiosa, y que, con
todo, ha dicho palabras como estas, que lo unen a Panikkar y el mismo Buenaventura:

“Creo en un profundo misterio. Nuestra mente, nuestra razón son limitadas. La


virtud de la buena racionalidad consiste en concebir los límites de dicha razón...
Existen, sin embargo, ámbitos – la poesía, la música– que nos hacen penetrar en
lo indecible. Aunque no creo en un designio inteligente, dejo abierto, en cambio,
el misterio de la vida y de la existencia. En este sentido me siento muy próximo
de la tradición apofática”125.

Como decía al comienzo del artículo, el horizonte del ser humano en la perspectiva
explicativa lineal aristotélico/cartesiana se muestra ahora insuficiente para comprender la
totalidad de la realidad, que nos exige un ejercicio de búsqueda auténticamente sapiencial y
espiritual, integrador de enfoques multidisciplinares. En este enfoque, la metafísica –
denostada en la modernidad- y la misma mística, tan importantes para San Buenaventura,
vuelven a tener ahora una gran importancia, superando los conflictos con la filosofía y las
ciencias empíricas126. Henry Bergson -filósofo espiritualista y crítico con el positivismo, pero

125
Entrevista de Frédéric Lenoir a Edgard Morin, Le Monde des religions, n. 80 (21/03/2012), online
http://www.lemondedesreligions.fr/culture/edgar-morin-il-est-inutile-de-tenter-de-se-debarrasser-des-dieux-
21-03-2012-2369_112.php.
126
Cf. Ken Wilber, Cuestiones cuánticas. Escritos místicos de los físicos más famosos del mundo, Barcelona,
Kairós, 1987. El volumen reúne escritos místicos de los científicos más eminentes de nuestra era, los padres
fundadores de la relatividad y de la física cuántica: Einstein, Planck, Heisenberg, Schroedinger, Jeans, Pauli y
Eddington; todos acabaron teniendo una concepción trascendente del mundo, donde la dualidad entre materia
profundo conocedor de las nuevas teorías físicas de su tiempo- llegó a decir en su libro más
importante: “La segunda ley de la termodinámica es la más metafísica de las leyes de la
física”127. Como es sabido, la segunda ley de la termodinámica, el principio de entropía, es
la base de la ciencia de la complejidad.

¿Cuáles son, en síntesis, esos puntos sumamente importantes que unen el pensamiento y la
actitud en la vida de Buenaventra, Panikkar y Morin?

El primero y más importante es la búsqueda de la relación de todo con todo, la interconexión


de todo con todo que existe en la Realidad: lo material y lo cósmico, lo humano y lo divino;
incluso los tres gustan de expresiones latinas que sintetizan su concepción de la Realidad.
Vimos que S. Buenaventura pretende llegar al conocimiento total por la relación y progresión
ascendente (reductio) desde lo más elemental y lo más bajo a lo más excelso; E. Morin busca
reunir lo esparcido (sparsa colligo), pues “no sólo la parte está en el todo, sino que el todo,
está en la parte” (principio hologramático); y R. Panikkar busca la integración del conjunto
de toda la realidad en todas sus dimensiones (colligite fragmenta), recoger los fragmentos
esparcidos para reconstruir el todo armónico, consciente -como ambos- de que “el todo está
en la parte” y la parte no se entiende sin el todo (pars pro toto, totum in parte). Quizá, la
perspectiva cosmoteándrica panikkariana es la intuición más ambiciosa a este respecto: estar
de tal modo abiertos a la triple dimensión de la realidad que forma lo divino, lo humano y lo
cósmico, que se pueda alcanzar la reconciliación y armonía cosmoteándrica.

Buenaventura y Panikkar proclaman repetidamente la necesaria relación entre ciencia,


filosofía, teología y mística, para llegar a conocer la profundidad de la Realidad y llegar a la
vera sapientia, el auténtico y completo Conocimiento. Estas perspectivas del conocimiento
no pueden desligarse ni excluirse. Hay una distinción formal y metodológica entre ciencias

y espíritu quedaba sobrepasada; y expresan su convicción de que la física y la mística son complementarias.
Del mismo autor y en la misma perspectiva Ciencia y religión. El matrimonio entre el alma y los sentidos,
Barcelona, Kairós 1998; y, sobre todo, Los tres ojos del conocimiento, que ya hemos citado.
127
H. Bergson, La evolución creadora, Madrid, Espasa Calpe 1973, p. 217.
empíricas, filosofía, teología y mística, pero todas ellas deben estar profundamente
interrelacionadas para alcanzar la verdadera sabiduría y conocimiento de la Realidad. San
Buenaventura -como expresa Étienne Gilson- “no niega la distinción formal entre la filosofía
y la teología, pero la niega como legítima… Constata que [la filosofía] está viciada por su
pretensión de existir aparte… conduciéndola hasta una gozosa consumación”128. Y Panikkar
cree que filosofía y teología, enfrentadas en la modernidad y que han discurrido desde
entonces por caminos separados, deben volver a unirse:

“La separación entre filosofía y teología es mortífera para ambas. Cabe


distinguirlas, pero no se pueden separar. Su relación no es dualista, sino a-
dualista, advaita”129.

“La teología está intrínsecamente impregnada de filosofía y la filosofía se


encuentra abocada a plantearse problemas teológicos… Una filosofía ateológica
se muestra incapaz de entender y gestar la condición humana. Y una teología
afilosófica pierde toda su credibilidad”130.

Panikkar habla de la distinción ontonómica de ambas, más allá de la relación dependiente


heterónoma y de la separación aisladora autónoma131.

En los dos pensadores también está muy presente la necesidad de abrir los tres ojos del
conocimiento, el primer ojo-sensible/científico, el segundo ojo-reflexivo/filosófico y el tercer
ojo-contemplativo/el de la fe, para llegar al conocimiento pleno de la Realidad/la Divinidad
en su múltiples dimensiones132. Para Panikkar el conocimiento científico, filosófico y místico
deben estar profundamente relacionados; la mística es, precisamente, “la experiencia plena

128
E. Gilson, op. cit., pp. 461-464.
129
R. Panikkar, Mort i resurrecció de la teología, Vic 2002, p. 15.
130
R. Panikkar, “¿Filosofía o teología?”, La experiencia filosófica de la India, Madrid, Trotta 1997, pp. 25-26.
Cf. mis libros Más allá de la fragmentación de la teología, el saber y la vida: Raimon Panikkar. op. cit. pp.
171-179 y Diccionario panikkariano, op. cit. pp. 137-140.
131
Cf. acerca de su rico concepto de ontonomía, mi Diccionario panikkariano, op. cit. pp. 211-215.
132
Cf. acerca del tercer ojo y los tres ojos del conocimiento Diccionario panikkariano, op. cit. pp. 288-294.
de la vida”133. El acto místico es un acto holístico. El mismo Morin dice en la entrevista
citada: “Los grandes místicos viven la experiencia profunda de la no-separación, de la no-
dualidad”.

En definitiva, es necesario relacionar íntimamente ciencia (oculus carnis), filosofía (oculus


rationis) y espiritualidad/mística (oculus fidei); pero incluso ir más allá de las primeras, para
conocer realmente la Realidad. Se trata de superar el conocimiento fragmentario y
reduccionista, para llegar al Conocimiento global, total, de modo transdisciplinar e
interrelacional. Se trata, en definitiva, de, más allá del ojo sensible y racional, llegar a abrir
el tercer ojo, para poder ver la Realidad en todas sus dimensiones y en toda su profundidad.
Poder ver que, en definitiva, somos Consciencia, Amor; por eso, la verdadera filosofía es
“sabiduría del amor”, más que “amor a la sabiduría”134.

Bibliografia utilizada

H. Allard, “La tecnique de la reductio chez Bonaventure”, en S. Bonaventura 1274-1974,


Volumen commemorativum anni septies centenraii a morte Bonaventurae Doctoris
Seraphici, Roma, Grottaferrata 1973.

H. Bergson, La evolución creadora, Madrid, Espasa Calpe 1973.

S. Buenaventura, Obras de San Buenaventura, Madrid, BAC 1954.

Ilia Delio Cheminer avec Saint Bonaventuree. Une introduction à sa vie, sa pensé et ses
ecrits, Paris, Éd. Franciscaines 2015.

M. Étienne Gilson, La filosofía de San Buenaventura, Bilbao, Desclée de Brouwer 1948.

133
Cf. R. Panikkar, De la mística. Experiencia plena de la vida, Barcelona. Herder 2005.
134
Cf. Diccionario panikkariano, op. cit. pp. 126-130.
J. Guy Bougerol, Introducción a San Buenaventura, Madrid, BAC 1984.
Lexique Saint Bonaventure, Paris, Ed. Franciscaines 1969.

M. Lázaro Pulido, “Sabiduría y Reducción en san Buenaventura: un modelo medieval de


comprensión frente a la complejidad”, Daimon. Revista de Filosofía, suplemento 2
(2008).

E. Morin, Introducción al pensamiento complejo, Barcelona, Gedisa 2001.


Mis demonios, Barcelona, Kairós, 1995.
El Método, vol.1, La Naturaleza de la Naturaleza, Madrid, Cátedra 2008.

E. Morin, E. Roger, R. Motta, Educación en la vida planetaria, Gedisa, Barcelona 2003.

R. Panikkar, La intuición cosmoteándrica. Las tres dimensiones de la realidad, Madrid,


Trotta 1999.
El silencio del Buddha. Una introducción al ateismo religioso, Madrid, Siruela 1996.
La nueva inocencia, Estella, Verbo Divino 1993.
Sobre el diálogo intercultural, Salamanca, San Esteban 1990.
La Trinidad. Una experiencia humana primordial, Madrid, Siruela 1998.
“¿Mística comparada?”, VVAA La mística en el siglo XXI, Madrid, Trotta 2002.
Mort i resurrecció de la teología, ICR,Vic 2002.
La experiencia filosófica de la India, Madrid, Trotta 1997
De la mística. Experiencia plena de la vida, Barcelona, Herder 2005.

B. Pascal, Pensées, Paris, Libr. Générale Française, 1972.

V. Pérez Prieto “La teoría de la complejidad y su relación con el pensamiento científico de


Raimon Panikkar”, Complessitá, Centro de Studi di Filosofia della Complessità
“Edgar Morin”, Messina, Ano VII, 1 (2012), pp. 6-33.
Más allá de la fragmentación de la teología, el saber y la vida: Raimon Panikkar,
Valencia, Tirant lo Blanch 2008.
Dios, Hombre, Mundo. La Trinidad en Raimon Panikkar, Barcelona, Herder, 2008.
Diccionario panikkariano (con J. L.Meza), Barcelona, Herder 2016.

I. Prigogine, La nueva alianza. Metamorfosis de la ciencia, Madrid, Alianza Editorial 1990.

A. María Schlüter, Introducción a La nube del no-saber, Madrid, Paulinas 1981.

W. Weaver, “Science and Complexity”, American Scientist, 36 (1948).

K. Wilber Los tres ojos del conocimiento, Barcelona, Kairós 1994.


Cuestiones cuánticas. Escritos místicos de los físicos más famosos del mundo,
Barcelona, Kairós, 1987.

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