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Moteurs piézoélectriques

par Bertrand NOGAREDE


Ingénieur de l’ENSEEIHT
Docteur de l’Institut national polytechnique de Toulouse
Chargé de recherche au CNRS
Laboratoire d’Électrotechnique et d’Électronique Industrielle

1. Généralités................................................................................................. D 3 765 - 2
1.1 Historique. Intérêt du moteur piézoélectrique .......................................... — 2
1.2 Phénomène de piézoélectricité................................................................... — 2
1.3 Équations de la piézoélectricité .................................................................. — 3
1.4 Modes de couplage élémentaires des céramiques PZT........................... — 3
1.5 Conversion d’énergie par effet piézoélectrique ........................................ — 5
1.5.1 Couplage électromécanique .............................................................. — 5
1.5.2 Pertes générées .................................................................................. — 5
2. Principales structures de piézomoteurs............................................ — 7
2.1 Principes généraux ...................................................................................... — 7
2.1.1 Élaboration d’un mouvement vibratoire d’entraînement ............... — 7
2.1.2 Entraînement par friction ................................................................... — 7
2.1.3 Critères de classification des différentes structures ........................ — 9
2.2 Structures à déformations composées...................................................... — 9
2.2.1 Principe................................................................................................ — 9
2.2.2 Moteurs à superposition de mode .................................................... — 9
2.2.3 Moteurs à conversion de mode......................................................... — 10
2.3 Structure à déformation glissante.............................................................. — 11
2.3.1 Principe................................................................................................ — 11
2.3.2 Moteurs à rotation de mode .............................................................. — 12
2.3.3 Moteurs à onde progressive.............................................................. — 13
3. Moteur annulaire à onde progressive ................................................ — 13
3.1 Constitution du moteur ............................................................................... — 13
3.1.1 Architecture mécanique ..................................................................... — 13
3.1.2 Structure de la céramique d’excitation............................................. — 14
3.2 Performances électromécaniques.............................................................. — 15
3.2.1 Couple développé............................................................................... — 15
3.2.2 Bilan de puissance.............................................................................. — 15
4. Alimentation et commande .................................................................. — 16
4.1 Modèle vu des bornes d’un transducteur piézoélectrique....................... — 16
4.1.1 Schéma électromécanique équivalent.............................................. — 16
4.1.2 Identification des paramètres ............................................................ — 17
4.2 Principes d’alimentation ............................................................................. — 18
4.3 Stratégies de commande ............................................................................ — 19
6 - 1996

Références bibliographiques ......................................................................... — 21

n marge des matériaux traditionnellement utilisés dans les machines élec-


E
D 3 765

triques, les matériaux actifs se caractérisent par leur aptitude à produire une
action mécanique issue de leur propre déformation sous l’effet d’un couplage
généralement réversible de type électroélastique (électrostriction, piézoélectri-
cité), magnétoélastique (magnétostriction, piézomagnétisme), voire thermo-
élastique (alliages à mémoire de forme). Les progrès récemment réalisés dans

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ce domaine ouvrent la voie à une nouvelle génération de moteurs électriques,


regroupés sous la dénomination de piézomoteurs. Le principe de fonctionne-
ment de ces actionneurs est fondé sur la déformation alternative d’une structure
élastique fixe à base de matériaux actifs, capable de communiquer par friction
un mouvement d’entraînement uniforme à une partie mobile. Si les moteurs à
base d’alliages métalliques magnétostrictifs, ou à mémoire de forme, appar-
tiennent encore au domaine de la recherche, les moteurs piézoélectriques consti-
tuent d’ores et déjà une alternative performante face à certaines applications.
Après quelques rappels sur la conversion électromécanique de l’énergie par
effet piézoélectrique, le présent article analyse les principes généraux sur lesquels
repose le fonctionnement des piézomoteurs et met, alors, en évidence les dif-
férentes familles de moteurs piézoélectriques. Le domaine considéré étant rela-
tivement nouveau et encore en pleine évolution, le panorama des structures les
plus représentatives qui est dressé (§ 2) ne saurait cependant se vouloir exhaustif.
La structure de référence que représente le moteur annulaire à onde progressive
est, ensuite, étudiée de manière plus détaillée (§ 3). Le problème spécifique de
l’alimentation et de la commande des moteurs piézoélectriques est enfin
traité (§ 4).

1. Généralités Cependant, un certain nombre de difficultés technologiques


freinent encore le développement industriel de ces moteurs.
Évoquons, en particulier, les problèmes liés au coût des céramiques
1.1 Historique. piézoélectriques ainsi qu’à leur collage au sein de la structure
vibrante, les difficultés inhérentes à la transmission par friction des
Intérêt du moteur piézoélectrique efforts d’entraînement et les contraintes introduites par l’alimenta-
tion à haute fréquence et haute tension d’une charge de nature plutôt
L’ancêtre du moteur piézoélectrique correspond peut-être au capacitive.
moteur de la montre à diapason, développée par Bulova Watch Co.
Ltd dans les années 60, dans laquelle la vibration d’un résonateur
en U, excité à l’aide de bobinages, est exploitée pour entraîner en
rotation une roue finement dentée. C’est en 1973 que H.V. Barth 1.2 Phénomène de piézoélectricité
décrit pour la première fois dans le IBM Technical Disclosure Bulletin
un moteur électrique fondé sur l’exploitation d’une vibration méca-
La piézoélectricité est la propriété que présentent certains
nique excitée par effet piézoélectrique. Les conditions de contact
corps de se polariser électriquement sous l’action d’une
relativement sévères mises en jeu dans ce moteur conduisent, alors,
contrainte mécanique (effet direct) et de se déformer lorsqu’ils
T. Sashida à proposer, en 1982, la structure à onde progressive qui
sont soumis à un champ électrique (effet inverse).
constitue à ce jour la solution la plus évoluée techniquement. Cette
motorisation est ainsi industrialisée par la firme Shinsei Co. Ltd à
la fin des années 80, tandis que Canon Co. Ltd commercialise, au La découverte de ce phénomène est attribuée à Pierre et Jacques
même moment, un objectif autofocus doté d’une motorisation du Curie qui, en 1880, mettent en évidence, grâce à une étude systéma-
même type et propose ensuite une nouvelle série de zooms équipée tique, l’effet direct dans certains cristaux naturels tels que le quartz
d’un moteur piézoélectrique de type différent. (SiO2) ou le sel de Seignette (NaKC4H4O6 . 4H2O). L’effet inverse, sug-
L’intérêt de ces nouveaux actionneurs, par rapport aux solutions géré par Lippman en 1881 grâce à des considérations thermo-
classiques, réside dans un certain nombre d’avantages qui dynamiques, est vérifié expérimentalement la même année par les
s’expriment, essentiellement, dans le domaine des moteurs de frères Curie. Le phénomène de piézoélectricité s’observe dans des
dimensions centimétriques, voire millimétriques, à forces ou couples cristaux non conducteurs, dont la maille élémentaire ne possède pas
élevés et vitesses lentes. Les moteurs piézoélectriques bénéficient, de centre de symétrie (sur 21 classes cristallines non centro-
en effet, d’efforts massiques élevés, pouvant être jusqu’à dix fois symétriques, 20 jouissent de l’effet piézoélectrique). Le caractère ani-
supérieurs à ceux mis en jeu dans des machines performantes à sotropique particulier de leur structure cristalline est, alors, à même
aimant permanent dans la même gamme de taille. Par ailleurs, une de privilégier un axe de polarisation électrique, de sorte que, sous
propriété inhérente au principe des piézomoteurs réside dans le ver- l’effet d’une action mécanique, un dipôle électrique apparaît dans
rouillage mécanique naturel de la partie mobile lorsque le stator chaque maille du matériau par déplacement des barycentres des
n’est pas alimenté. Cette fonctionnalité, associée aux caractéris- charges positives et négatives.
tiques fort couple – basse vitesse, confère à ces structures les avan- La mise en évidence, au cours des années 50, des propriétés
tages d’une fonction intégrée associant un moteur, un réducteur et remarquables des céramiques ferroélectriques de la famille cristal-
un frein d’immobilisation. Soulignons, en outre, que les moteurs line des pérovskite (ABO3) constitue un tournant dans l’histoire de
piézoélectriques jouissent, en plus de ces divers avantages, d’une la piézoélectricité. Dans ces composés frittés, l’application d’un
discrétion acoustique liée à la fréquence généralement ultrasonore champ électrique intense visant à aligner les polarisations des
des vibrations exploitées (justifiant la dénomination fréquente de microcristaux ferroélectriques élémentaires (opération de polarisa-
moteur à ultrasons ), de temps de réponse très brefs (quelques milli- tion) permet d’introduire l’anisotropie nécessaire à l’existence de la
secondes), d’une grande souplesse d’intégration dans le processus piézoélectricité. Ainsi, par frittage d’oxydes ou de sels de plomb,
motorisé, liée à la variété des structures exploitables.

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de zirconium et de titane, on réalise les composés de formule géné- autour de la polarisation rémanente P0 (à champ électrique et
rale Pb(Zr-Ti)O3 , qui marquent l’avènement de la famille très per- contrainte nuls) est définie en fonction de la partie variable du
formante des céramiques PZT. déplacement et du champ par :
D = ε0E + P (2)
Comparés au quartz, par exemple, ces composés font apparaître des
caractéristiques piézoélectriques dont l’ordre de grandeur est 100 fois avec ε 0 = permittivité du vide (8,85 · 10 –12 F· m–1).
supérieur en terme de quantité de charge apparue ramenée à l’effort
Les composantes S1 , S2 , S 3 et T 1 , T 2 , T 3 de S et T désignent
appliqué (constante exprimée en pC · N–1). En outre, ces matériaux
respectivement les déformations et contraintes de tension parallèles
présentent l’avantage d’avoir une température de Curie relativement
aux axes 1, 2 et 3, tandis que les composantes S4 , S 5 , S 6 et T 4 ,
élevée (300 à 350 oC).
T 5 , T 6 correspondent aux déformations et contraintes de cisaille-
Les céramiques PZT sont principalement exploitées dans le ment autour de ces mêmes axes (figure 1).
domaine des ultrasons [1], pour répondre à des applications aussi
variées que, dans le domaine des fortes puissances, le sonar, ou,
dans des domaines de plus faibles puissances, les transducteurs à 1.4 Modes de couplage élémentaires
usage médical, les allume-gaz... Leur aptitude à la conversion
d’énergie en fait naturellement, aujourd’hui, le matériau de référence des céramiques PZT
dans le domaine des moteurs piézoélectriques.
Les éléments de symétrie de la structure cristalline constituant le
matériau piézoélectrique induisent un certain nombre de consé-
quences remarquables au niveau des différents tenseurs caractéri-
1.3 Équations de la piézoélectricité sant les propriétés physiques du milieu. Il en résulte des propriétés
de symétrie au niveau des matrices s,  et d précédemment définies.
La caractérisation systématique des propriétés électromécaniques
Les céramiques PZT, plus particulièrement considérées ici, étant
des milieux piézoélectriques est fondée sur une représentation ten-
assimilables aux cristaux de la classe « 6 mm » du système hexa-
sorielle du couplage entre les systèmes électrique et mécanique [2].
gonal, ces matrices se présentent ainsi selon les formes particu-
Cette approche s’impose notamment du fait de l’anisotropie inhé-
lières données dans le tableau 1. (0)
rente à l’existence même de la piézoélectricité.
Les grandeurs locales macroscopiques, généralement choisies
comme variables mécaniques et électriques dans les milieux
continus, sont, respectivement, les tenseurs de déformation et de Tableau 1 – Formes particulières des matrices s,  et d
contrainte, de composantes Sik et Tik , et les vecteurs déplacement dans le cas des céramiques piézoélectriques
électrique D et champ électrique E. La représentation des propriétés
piézoélectriques de la matière conduit donc, en fonction du système  s s 12 s 13 0 0 0 
de variables indépendantes (S,D ), (T,E ), (T,D ) ou (S,E ) choisi, à la  11 
 0 

 
s 11 s 13 0 0
définition de quatre couples de relations fondamentales traduisant   ε 11 0 0
les effets direct et inverse. Dans le cadre des hypothèses classiques  s 33 0 0 0   =
s =   ε 11 0
de la théorie de l’élasticité, en supposant en particulier que les ampli-
 s 44 0 0 
tudes des déformations restent faibles, les propriétés de symétrie   ε 33
des tenseurs de déformation et de contrainte permettent de ramener  s 44 0 
les relations tensorielles initiales à des relations matricielles plus  
 s 66 
simples à manipuler (les tenseurs du second ordre Sik et Tik se rédui-
sent à des vecteurs à 6 composantes). Ainsi, en choisissant par exem- (matrices symétriques par rapport à leur diagonale principale)
ple les variables intensives (T,E ) comme couple de variables

 
indépendantes, les propriétés piézoélectriques de la matière se tra-
0 0 0 0 d 15 0
duisent par les relations (à température constante) :
d = 0 0 0 d 15 0 0
S = sE T + d tE  d 31 d 31 d 33 0 0 0
 (1)
D = dT +  T E 

avec S déformation relative


(vecteur colonne de dimension 6 × 1),
T (N · m–2) contrainte
(vecteur colonne de dimension 6 × 1),
D (C · m–2) variation du déplacement électrique
(vecteur colonne de dimension 3 × 1),
E (V · m–1) champ électrique
(vecteur colonne de dimension 3 × 1),
s E (m2 · N–1) souplesse à champ électrique constant
(matrice de dimension 6 × 6),
 T ( F ⋅ m –1 ) permittivité à contrainte constante
(matrice de dimension 3 × 3),
d (C · N–1) constante de charge
(matrice de dimension 3 × 6)
Figure 1 – Identification des directions relatives
(l’exposant t indique qu’il s’agit de la matrice transposée de d ). à la notation condensée
Ces relations se réfèrent à une identification des directions dans
le milieu considéré donnée sur la figure 1. Par convention, l’axe 3
est orienté suivant la polarisation du matériau dont la variation P

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Nota : l’analyse de la symétrie des cristaux conduit à définir 32 classes cristallines. Le plusieurs micromètres d’amplitude. Les faibles dimensions du
symbole « 6 mm » correspond à la classe des cristaux du système hexagonal possédant un
axe de symétrie d’ordre 6 et 6 plans de symétrie parallèles à l’axe principal.
dispositif, et plus précisément la distance interélectrode (pour le
moteur à onde progressive étudié au paragraphe 3.1, la distance
Les valeurs numériques des constantes relatives au matériau indus- interélectrode est de 0,6 mm), limitent en outre les tensions
triel P189, fabriqué par la société Quartz et Silice-Saint-Gobain sont ras- d’alimentation mises en jeu (généralement de l’ordre de la centaine
semblées à titre d’exemple dans le tableau 2. de volts pour les moteurs piézoélectriques). (0)
La matrice d des constantes de charge étant construite à partir
des seuls éléments non nuls d 33 , d 31 et d 15 , le couplage électro-
mécanique dans les céramiques piézoélectriques s’effectue selon
trois modes principaux dénommés, respectivement, mode longitu-
dinal, mode transversal et mode de cisaillement.
La figure 2 illustre ces trois modes de couplage élémentaires dans
le cas d’un barreau parallélépipédique. Si l’on considère, par
exemple, l’effet piézoélectrique inverse :
— le mode longitudinal (33) se traduit par une variation de lon-
gueur suivant l’axe 3 (figure 2a ), lorsqu’un champ électrique est
appliqué suivant ce même axe au moyen des électrodes placées
sur les faces perpendiculaires à cet axe ;
— le mode transversal (31) conduit, de même, à une variation de
longueur suivant l’axe 1 (figure 2b ) lorsqu’un champ électrique est
appliqué suivant l’axe 3 ;
— le mode de cisaillement (15) conduit à une déformation de
cisaillement autour de l’axe 2 lorsqu’un champ électrique est
appliqué suivant l’axe 1 (figure 2c ).
Le sens de ces déformations dépend du sens du champ élec-
trique appliqué et du signe du coefficient di λ mis en jeu. Notons,
en outre, que les modes longitudinal et transversal agissent de
manière conjointe dans le barreau, de telle sorte qu’un allonge-
ment en mode 33 s’accompagne naturellement d’une contraction
en épaisseur et en largeur liée au mode 31 (contraction négligeable
dans le cas d’un barreau long).
En jouant sur la forme de l’échantillon (plaque, tube...) et sur sa
polarisation (uniforme, radiale...), une grande variété de défor-
mations peut être exploitée, sachant que ces déformations globales
peuvent faire localement appel à une combinaison des trois modes
élémentaires de couplage piézoélectrique dans la céramique.
Sur le plan quantitatif, en dépit d’une limite en champ électrique
relativement élevée (limite de dépolarisation), les déformations
engendrées par les céramiques en régime statique sont faibles.
Dans le cas du matériau P189 par exemple, qui admet un champ
limite d’utilisation de 106 V · m–1, la déformation relative en mode lon-
gitudinal demeure inférieure à 300 parties par million (soit une variation
d’épaisseur de 0,3 µm pour une plaque de 1 mm d’épaisseur).
Le recours à une amplification mécanique, réalisée au moyen
d’une structure vibrante, le plus souvent excitée au voisinage d’une
de ses fréquences propre de résonance, permet d’augmenter
sensiblement les amplitudes de déformation obtenues. Malgré la
limitation en champ électrique imposée non plus par les perfor-
mances diélectriques du matériau mais plutôt par sa tenue méca- Figure 2 – Principaux modes de couplage électromécanique
nique, il est alors possible de générer, au moyen d’excitateurs dans les céramiques PZT
piézoélectriques de dimensions millimétriques, des vibrations de

Tableau 2 – Valeurs numériques des constantes caractérisant le matériau industriel P189


(Quartz et Silice - Saint-Gobain)
Souplesses à champ électrique constant Permittivités relatives Constantes de charge
(en 10–12 m2 · N–1) à contrainte constante (1) (en 10–12 C · N–1)
T T
E
s 11
E
s 12
E
s 13
E
s 33
E
s 44
E
s 66 ε 11  ε 0 ε 33  ε 0 d33 d31 d15
10,66 – 3,34 – 4,52 13,25 21,77 28,07 1 550 1 150 240 – 108 280
(1) ε0 = 8,854 · 10–12 F/m permittivité du vide

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1.5 Conversion d’énergie On définit, de la même manière, les coefficients de couplage intrin-
sèques en mode longitudinal et en mode de cisaillement.
par effet piézoélectrique
Exemple : les expressions et les valeurs numériques relatives au
1.5.1 Couplage électromécanique matériau P189 sont rassemblées dans le tableau 4.
Notons que, dans le cas général d’une structure et d’une déforma-
L’interaction linéaire assurée par la piézoélectricité entre les sys- tion quelconque, ces coefficients intrinsèques définissent la limite
tèmes mécanique et électrique constitue un moyen direct de conver- supérieure du coefficient de couplage effectif alors mis en jeu.
sion électromécanique de l’énergie, en ce sens que cette conversion
ne fait appel à aucune autre forme d’énergie intermédiaire (telle que
l’énergie magnétique mise en jeu dans les machines électro- 1.5.2 Pertes générées
magnétiques classiques par exemple).
■ Afin de mieux comprendre et de caractériser cette conversion, L’étude précédente suppose implicitement un rendement énergé-
considérons, à titre d’exemple, le fonctionnement d’un transduc- tique égal à 100 %, les transformations réversibles considérées
teur soumis au cycle décrit et analysé dans le tableau 3. L’élément s’effectuant sans pertes. Or, dans le cas d’un fonctionnement à fré-
de céramique considéré, travaillant purement en mode transversal quence élevée (20 à 500 kHz dans les moteurs piézoélectriques), les
(31), échange de l’énergie avec, d’une part, une source idéale de matériaux piézoélectriques dissipent une puissance non négligeable,
tension U imposant un champ électrique suivant l’axe 3 et, d’autre correspondant aux pertes, d’une part, d’origine diélectrique et,
part, une charge mécanique ramenant une contrainte dans l’axe 1. d’autre part, d’origine mécanique [3].
Les grandeurs électriques (excitation, champ) et mécanique (défor-
■ Rappelons simplement ici que les pertes diélectriques par unité
mation relative, contrainte) sont supposées uniforme dans tout le de volume (en W · m–3), dues à la conductance ohmique et à l’hysté-
volume du matériau.
résis champ-déplacement du diélectrique, sont données par une rela-
● Durant la première étape du cycle, la céramique, mécanique- tion de la forme :
ment libre, subit une contraction suivant l’axe 1 sous l’effet du champ
Pd = ω E 2 ε tan δ (4)
appliqué par la source de tension dans le sens de la polarisation
rémanente P0 de la céramique. Au cours de cette étape, le transduc- avec E (V · m–1) valeur efficace du champ électrique,
teur emmagasine une énergie W correspondant au travail fourni par
tan δ tangente de l’angle de pertes,
la source électrique.
● La déformation obtenue étant alors maintenue constante (céra-
ε (F · m–1) permittivité absolue (dans la direction du champ
mique encastrée), le champ électrique est ramené, pendant la appliqué),
deuxième étape, à sa valeur initiale nulle. Une partie de l’énergie ω (rad · s–1) pulsation associée à la tension d’alimentation
reçue au cours de l’étape précédente est ainsi restituée à la source alternative appliquée sur les électrodes de la
électrique, le reste étant stocké sous forme élastique dans le matériau céramique.
du transducteur.
■ En ce qui concerne les pertes mécaniques volumiques (en
● La céramique est enfin libérée durant la troisième étape, resti-
W · m–3), dues aux frottements internes dans le matériau et liées,
tuant l’énergie stockée sous la forme du travail mécanique W ’ dans le cas des céramiques, aux mouvements des parois de domaine
absorbé par la charge mécanique. sous l’action des déformations, elles peuvent être évaluées par une
■ L’évaluation du rapport de l’énergie transformée W ’ à l’énergie W relation du type :
initialement reçue par le transducteur est un bon moyen de caractéri- P = ρ S˙ 2
m m (5)
sation de l’aptitude du transducteur à convertir l’énergie. La racine
carrée de ce rapport, appelé coefficient de couplage électro- avec S˙ ( s –1 ) valeur efficace de la vitesse de déforma-
mécanique, dépend généralement de la structure du transducteur tion,
et de la façon dont il est exploité. Néanmoins, l’exemple idéal
ρm(kg · m–1 · s–1) résistivité mécanique.
considéré ici, qui suppose toutes les grandeurs uniformes ainsi qu’un
fonctionnement s’effectuant purement suivant l’un des trois modes Exemple : notons que les coefficients tan δ et ρm caractérisant le
de couplage élémentaire, permet de définir une grandeur ne dépen- matériau dépendent, en fait, de ses conditions d’utilisation. L’ordre de
dant que des caractéristiques du matériau. grandeur de ces coefficients et des pertes correspondantes, dans des
Le coefficient de couplage intrinsèque en mode transversal s’écrit : conditions représentatives du fonctionnement des moteurs piézo-
électriques, est précisé dans le tableau 5.
2
W′ d 31 (0)
k 31 = -------- = ---------------------
E T
(3)
W s 11 ε 33 (0)
(0)

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Tableau 3 – Exemple de cycle de conversion d’énergie électrique en énergie mécanique

Céramique à couplage Étape 1 (O → A) : Étape 2 (A → B) : Étape 3 (B → O) :


transversal application du champ électrique suppression du champ électrique retour à la position initiale
(une face encastrée) à contrainte nulle à déformation constante à champ électrique nul
(céramique semi-libre) (céramique encastrée) (électrodes en court-circuit)

Relations de définition : On impose : On impose : On impose :


E ∆E3 = E ; ∆T1 = 0 ∆E3 = – E ; ∆S1 = 0 d 31
S1 = s 11 T 1 + d 31 E 3
∆E3 = 0 ; ∆T 1 = – ----------
E
- E
T ce qui conduit à : ce qui conduit à : s 11
D 3 = d 31 T 1 + ε 33 E 3 T
∆D 3 = ε 33 E S
∆D 3 = – ε 33 E ce qui conduit à :
(d 31 < 0 pour la céramique) ∆S1 = d 31E
d 31 2
∆ T 1 = ----------
- E d 31
s 11
E
∆D 3 = – ----------
E
- E
s 11

∆S1 = – d31E

Énergie reçue sous forme de :


— travail électrique
W eBO = 0

 1 T
B 1 S
We OA = ----- ε 33 E 2 = W > 0 We AB = – ----- ε 33 E 2 = – W i < 0 2
We AB = E 3 dD 3 2 2 1 d 31 2
A - E = – W′<0
W mBO = – ----- ----------
2 sE
Wm AB = 0 11
— travail mécanique W mOA = 0

 (W ’ = W – W i )
B
Wm AB = T 1 dS 1
A
Énergie reçue sous forme Énergie restituée sous forme Énergie restituée sous forme
de travail électrique de travail électrique de travail mécanique

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■ Mouvement cyclique à hystérésis nulle


Tableau 4 – Coefficients de couplage intrinsèque relatifs ● Les trajets relatifs aux phases d’extension et de rétraction sont
aux trois modes principaux du matériau P189 ici confondus (figure 3a ). Si l’on suppose que l’entraînement dans le
sens souhaité s’effectue durant la phase d’extension, il est donc
2 E T
Mode longitudinal k 33 = d 33 s 33 ε 33 0,65 nécessaire d’introduire une dissymétrie entre les conditions de
contact mises en jeu durant chacun des deux trajets, de manière à ne
2 E T pas annuler au terme de la rétraction le déplacement communiqué
Mode transversal k 31 = d 31 s 11 ε 33 0,32
lors de l’extension.
2 E T
Le recours à une dissymétrie d’ordre géométrique, résultant, par
Mode de cisaillement k 15 = d 15 s 44 ε 11 0,51 exemple, de la forme particulière de dents d’entraînement
implantées à la surface de la partie vibrante, est ainsi à la base de
certains concepts de piézomoteurs tels que les moteurs à onde
stationnaire [4].
Tableau 5 – Coefficients caractéristiques ● Une autre solution, fondée sur un effet inertiel, consiste à intro-
et pertes par unité de volume du matériau P189 duire la dissymétrie nécessaire au niveau des vitesses d’extension et
(dans des conditions représentatives de rétraction (figure 3b ) : le mouvement d’entraînement est ainsi
du fonctionnement des moteurs piézoélectriques) communiqué durant une phase d’extension lente, tandis que l’inertie
de la partie mobile évite son retour lors de la phase de rétraction
Coefficients et pertes Conditions d’utilisation rapide. Ce principe, retenu dans quelques réalisations [5], introduit
néanmoins un certain nombre d’inconvénients inhérents à la mise en
tan δ ................................ 0,004 5 E 2 = 300 ⋅ 10 3 V ⋅ m –1 (1)
jeu, par principe, d’un glissement lors de la rétraction.
Pd ................... (kW · m–3) 520 f = 40 kHz
■ Mouvement cyclique à hystérésis non nulle :
ρm............. (kg · m–1 · s–1) 250 mouvement vibratoire elliptique
S˙ 2 = 150 s –1
Pm .................. (kW · m–3) 2 810 ● L’adoption d’un mouvement vibratoire faisant intervenir une
hystérésis dans le cycle de déplacement des points matériels de la
(1) Calcul effectué pour ε = ε T33 ε 0 surface active, afin d’assurer un débrayage de l’entraînement durant
la phase de rétraction, s’avère être une solution beaucoup plus
rationnelle que la solution précédente, et constitue, de ce fait, le prin-
2. Principales structures cipe d’entraînement le plus souvent préféré dans les piézomoteurs
(figure 3c ).
de piézomoteurs L’exploitation en régime quasi statique de certaines structures peut
conduire à la mise en jeu de trajectoires d’entraînement de formes
diverses, pouvant, par exemple, se rapprocher du cycle rectangulaire
2.1 Principes généraux dans le cas de certaines structures de type InchWorm [6].
● Néanmoins, afin notamment de maximiser l’amplitude des
Le principe de fonctionnement des piézomoteurs repose sur
l’exploitation de déformations mécaniques générées par effet piézo- déplacements particulaires, les trajectoires exploitées dans les piézo-
électrique (voire piézomagnétique), pour entraîner en translation ou moteurs découlent, généralement, de la mise en vibration quasi
en rotation une partie mobile. Le caractère uniforme du mouvement résonnante de la structure mécanique. Les déplacements obtenus
de translation ou de rotation recherché suppose, en fait, que la correspondent ainsi à des fonctions sinusoïdales du temps. Dès lors,
conversion d’énergie réalisée dans le moteur s’effectue en deux comme l’illustre l’exemple de la figure 3d, le mouvement cyclique à
temps. La conversion de type électromécanique assurée par le trans- hystérésis non nulle le plus naturel repose sur la trajectoire elliptique,
ducteur piézoélectrique à déformation alternative doit en effet être qui résulte de la superposition de deux mouvements sinusoïdaux de
assortie d’une conversion purement mécanique, visant à trans- directions perpendiculaires et déphasés dans le temps, en vertu de
former le mouvement vibratoire initial en un mouvement uniforme. la décomposition :
H x sin ( ω t )

L’amplitude micrométrique des vibrations mises en jeu n’autorisant
h (6)
pas le recours à des liaisons mécaniques articulées traditionnelles H y sin ( ω t + ϕ )
(système bielle-manivelle par exemple), cette transformation méca-
nique fait appel à une transmission par friction des efforts d’entraî- avec h vecteur déplacement associé à un point matériel
nement générés par le transducteur sous l’action d’une force d’appui de la surface vibrante,
assurant le maintien en contact des parties vibrante et mobile du
moteur. Hx (m) amplitude de la composante du déplacement
parallèle à la direction d’entraînement,
Hy (m) amplitude de la composante du déplacement
2.1.1 Élaboration d’un mouvement vibratoire perpendiculaire à la direction d’entraînement,
d’entraînement ω (rad · s–1) pulsation du mouvement vibratoire,
ϕ (rad) déphasage entre les deux déplacements.
La transformation du mouvement alternatif initial en un mouve-
ment uniforme est fondée sur la mise en jeu d’une trajectoire par-
ticulière des points matériels de la surface vibrante, susceptible de 2.1.2 Entraînement par friction
communiquer par frottement à la partie mobile une vitesse moyenne
non nulle. Le mouvement initial étant périodique, cette trajectoire
se définit, de manière générale, comme un cycle orienté, formé d’une Le mouvement particulaire généré à la surface de la partie fixe
phase AB d’extension et d’une phase BA de rétraction. Comme le du moteur est à même de communiquer à la partie mobile une
montre les figures 3, deux types de trajectoires sont a priori exploi- vitesse moyenne non nulle, par le biais des actions de contact
tables, selon que l’hystérésis du mouvement cyclique d’entraîne- s’exerçant sous l’effet de la force maintenant en appui les deux
ment est nulle ou non. éléments, produite le plus souvent au moyen d’un élément élastique
(figure 4). Notons que l’élément entraîné est supposé immobile dans
la direction perpendiculaire à son déplacement. Cette condition,

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Figure 3 – Différents types de mouvements vibratoires d’entraînement

naturellement assurée s’il existe un contact permanent entre les


parties vibrante et mobile (§ 2.3), est réalisée, dans le cas d’un
contact intermittent (§ 2.2), grâce à l’inertie de l’élément entraîné
face à la haute fréquence du mouvement vibratoire exploité.
■ Sur le plan cinématique, la détermination précise de la vitesse
communiquée à la partie mobile est une opération très délicate
compte tenu du glissement et des déformations locales mises en jeu
lors du contact. Néanmoins, si l’on suppose de manière idéale que
le contact est ponctuel (dans le plan contenant la trajectoire d’entraî-
nement) et s’effectue sans glissement, la vitesse maximale théo-
rique susceptible d’être communiquée se trouve être égale à la
vitesse d’un point matériel de la surface active, à l’instant de son
contact avec la partie mobile. Si l’on considère un entraînement par
mouvement elliptique (figure 3d ), la valeur algébrique V de cette
vitesse théorique, communiquée dans la direction Ox, est donnée
(en m · s–1) par :
V = ω Hx sin ϕ (7)
π π
avec – -----  ϕ  -----
2 2
Figure 4 – Entraînement par friction
et mouvement vibratoire elliptique La vitesse communiquée est ainsi maximale lorsque les déplace-
ments orthogonaux élémentaires sont en quadrature de phase. Le
signe de ϕ détermine le sens de la vitesse d’entraînement.

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Cette relation témoigne, en outre, de la démultiplication mécani- 2.1.3 Critères de classification


que qui s’opère entre la fréquence vibratoire et la vitesse des différentes structures
communiquée, dans un rapport déterminé par l’amplitude de la
vibration dans la direction d’entraînement, pour un déphasage ϕ La grande diversité des solutions développées, jusqu’à présent,
donné. en matière de piézomoteurs conduit à un ensemble d’architectures
Exemple : sachant que les déformations d’amplitude micro- électromécaniques très variées qu’il est a priori difficile de classer
métriques utilisées dans les moteurs piézoélectriques sont générées au de manière logique et générique.
voisinage de résonances mécaniques dont les fréquences s’éche- La mise en place d’une présentation ordonnée des différentes
lonnent, couramment, entre 20 et 100 kHz, les vitesses d’entraîne- structures en présence passe en outre par le choix d’un critère de
ment maximales classiquement obtenues sont de l’ordre de classification, tel que, de manière non exhaustive, le principe de fonc-
0,5 m · s–1, ce qui, ramené à un diamètre de 60 mm (qui est celui du tionnement, la constitution électromécanique, voire les fonction-
moteur considéré à titre d’exemple au paragraphe 3), correspond à une nalités des moteurs considérés. Parmi les différentes approches
fréquence de rotation de 160 tr · min–1. possibles [4], l’analyse, sur le plan cinématique, de la méthode
d’obtention du mouvement vibratoire d’entraînement constitue une
■ Sur le plan dynamique, les actions de contact qui s’exercent sur démarche relativement rationnelle. Cette analyse conduit alors à
la partie mobile peuvent être caractérisées, en première approxima- regrouper les différentes structures autour de deux principales
tion, par les lois de Coulomb sur le frottement solide (figure 4). La méthodes d’obtention du mouvement elliptique, consistant soit à
résultante F des efforts surfaciques s’exerçant sur la partie mobile se composer deux déformations élémentaires, soit à exploiter le glisse-
décompose ainsi en une composante normale Fn , calibrée par la ment d’une déformation le long d’une structure élastique.
compression de l’élément élastique, et en une composante tangen-
tielle F t , correspondant à l’effort d’entraînement, dont la valeur maxi-
male est définie à la limite du glissement par : 2.2 Structures à déformations composées
F t max = µ Fn (8)
2.2.1 Principe
avec F t max (N) norme de la force d’entraînement maximale,
µ coefficient de frottement cinétique (facteur corrigé En vertu de la possibilité de décomposer le mouvement d’entraîne-
dépendant des conditions de contact et inférieur ment précédemment défini en deux déplacements orthogonaux et
au coefficient de frottement statique), déphasés dans le temps (§ 2.1.1), la solution la plus naturelle pour
Fn (N) norme de l’effort normal exercé. générer ce mouvement consiste à composer deux déformations
Nota : le coefficient de frottement statique caractérise les phénomènes de contact en élémentaires, produites à l’aide de transducteurs piézoactifs
l’absence de glissement. Les conditions de contact complexes mises en jeu dans les piézo- convenablement agencés et alimentés.
moteurs conduisent à considérer une valeur corrigée empiriquement dénommée coefficient
de frottement cinétique. Cette correction, qui permet notamment de prendre en compte les La figure 5 illustre ce principe dans le cas particulier de la composi-
microglissements intervenant à l’interface stator-rotor, varie sensiblement en fonction du tion d’une déformation de tension parallèle à l’axe Oy, engendrant
type de moteur et du matériau de friction utilisé. la composante h y du déplacement h, avec une déformation de
Les conditions de contact mises en jeu, qui sont encore assez mal cisaillement autour d’un axe parallèle à Oz, engendrant la compo-
caractérisées [7] et varient beaucoup en fonction du type de moteur sante h x . La vitesse théorique d’entraînement de la partie mobile
considéré, imposent la mise en jeu d’une couche de friction déposée est alors définie par la relation (7).
sur l’une ou l’autre des surfaces en regard. La déformation locale La combinaison des différents types de déformation exploitables
de cette couche détermine en fait l’aire de la zone de contact. Dès (extensions longitudinales ou radiales, torsion...) permet, a priori,
lors, le choix des caractéristiques du matériau utilisé permet d’opti- d’envisager une grande variété de structures de piézomoteurs,
miser les performances du moteur, en recherchant un compromis assurant un entraînement en translation ou en rotation.
entre la force d’entraînement produite, favorisée par une aire de
contact importante, et la vitesse communiquée, maximale, à La classification de ces structures conduit à définir deux sous-
l’inverse, lors d’un contact ponctuel (localisé au niveau de l’apogée classes, liées au mode d’obtention des deux déformations mise en
de la trajectoire elliptique). Un bon compromis est généralement jeu :
obtenu à l’aide d’une couche à base de matériau polymère (couche — la première sous-classe correspond aux structures fondées sur
de 200 µm d’épaisseur de polyester chargé en Téflon, par exemple). la définition de deux modes de vibration, excités au moyen de deux
Ce type de revêtement conduit à un coefficient de frottement ciné- transducteurs distincts ;
tique compris entre 0,1 et 0,2, et assure en outre, dans des conditions — la deuxième sous-classe repose sur l’exploitation d’un effet de
de fonctionnement nominales, une durée de vie acceptable pour le conversion de mode, visant à induire la seconde vibration à partir
moteur (plusieurs milliers d’heures dans le cas des structures actuel- de l’excitation du premier mode, en n’utilisant ainsi qu’un seul trans-
lement les plus évoluées). ducteur.
La tenue en température du revêtement et sa résistance à l’abra-
sion conduisent cependant à limiter l’effort normal à des valeurs qui Notons que les structures à déformations composées
peuvent atteindre 300 N dans le cas des moteurs piézoélectriques présentent la propriété d’un contact intermittent entre les parties
de plus grande taille. vibrante et mobile.
Exemple : ces structures, dont le volume total demeure générale-
ment inférieur à 100 cm3, sont donc à même de produire des forces
d’entraînement de l’ordre de 30 N (ce qui, ramené à un diamètre de 2.2.2 Moteurs à superposition de mode
60 mm, équivaut à un couple de 0,9 N · m).
■ Le principe de ces moteurs, souvent dénommés moteurs
hybrides ou multimodes, repose sur la composition des déplace-
Les ordres de grandeur des vitesses et des forces susceptibles
ments vibratoires résultant de l’excitation de deux modes de vibra-
d’être générées dans les piézomoteurs font, ainsi, de ces struc-
tion différents d’une même structure déformable, en utilisant deux
tures une solution particulièrement attractive dans le domaine
transducteurs piézoélectriques synchronisés à partir d’une
des actionneurs de dimensions centimétriques, voire milli-
alimentation diphasée.
métriques, à forces ou couples élevés et vitesses lentes.

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Figure 5 – Principe de l’entraînement


par composition de déformations

L’exploitation de ce principe est à la base du développement de


nombreux moteurs linéaires, les plus répandus utilisant la combinai-
son de deux vibrations longitudinales excitées par des transducteurs
fonctionnant en mode piston et travaillant dans des directions ortho-
gonales [4].
■ En dépit du grand nombre de possibilités offertes par la variété des
modes de vibrations susceptibles d’être exploités, la structure la
plus représentative, à l’heure actuelle, de la classe des moteurs à
superposition de modes est fondée sur le couplage d’un mode longi-
tudinal et d’un mode de torsion.
Une structure d’actionneur rotatif fonctionnant suivant ce prin-
cipe est schématisée sur la figure 6. Le stator vibrant est constitué
d’une structure résonnante de type Langevin [4], utilisant deux Figure 6 – Moteur à superposition de modes longitudinal-torsionnel
éléments annulaires de céramiques PZT associés à deux masses au
moyen d’une vis de précontrainte. Le premier élément TT, polarisé
circulairement, correspond au transducteur torsionnel et fonctionne
suivant un mode de couplage piézoélectrique qui s’apparente au 2.2.3 Moteurs à conversion de mode
mode 15. Le deuxième élément TL, constituant le transducteur longi-
tudinal, travaille en mode 33. Ce type de moteur est fondé sur la combinaison de deux vibrations
Notons que chacun de ces éléments est souvent formé d’un empi- dont l’une, directement entretenue par transduction électro-
lement d’anneaux de céramique et d’électrodes intercalaires dont mécanique, est à même d’induire l’autre sous l’effet d’une architec-
le couplage en parallèle permet, pour un champ électrique donné, ture mécanique assurant la conversion du mode vibratoire initial.
de réduire le niveau des tensions d’alimentation mises en jeu. Ces moteurs bénéficient ainsi d’une alimentation monophasée.
L’effet de conversion de mode est, en pratique, réalisé de deux
■ Par ailleurs, l’obtention de déformations d’amplitude suffisante manières dans les piézomoteurs.
suppose un fonctionnement résonnant des transducteurs, ce qui
impose qu’un accord fréquentiel rigoureux soit réalisé entre les deux ■ La première solution consiste à utiliser les actions de contact
modes de vibration exploités. Cette difficulté de conception peut exercées par la partie mobile sur la partie vibrante pour produire
cependant être contournée en générant une des deux déformations la déformation qui n’est pas directement générée par le transducteur.
à l’aide d’un élément à base de céramiques piézoélectriques multi- Si l’on se réfère à la figure 3c, en admettant par exemple que la partie
couches permettant d’engendrer, hors résonance et sous des vibrante est constituée d’un doigt excité en vibration par un transduc-
niveaux de tension raisonnables, des déformations d’amplitude teur longitudinal suivant un axe oblique vis-à-vis de la direction
exploitable. d’entraînement, la réaction normale agissant lors de la phase de
Cette solution consiste, dans le cas de la structure présentée sur contact est à même d’exciter un mode de flexion dans le doigt,
la figure 6, à remplacer le transducteur longitudinal par un action- engendrant la composante transversale du déplacement recherché.
neur multicouche, tout en conservant la structure torsionnelle de Cette technique du doigt vibrant est également utilisée dans les
type Langevin. Le découplage réalisé entre les deux vibrations auto- moteurs à lamelles inclinées [8].
rise alors un contrôle indépendant très souple des deux compo- ■ Une seconde approche consiste à implanter, dans le stator, un
santes du mouvement d’entraînement. élément assurant un couplage vibratoire entre le mode directe-
ment entretenu et le mode induit. Le moteur à conversion de
Notons cependant que l’usage des céramiques multicouches mode longitudinal-torsionnel, schématisé sur la figure 7, illustre ce
demeure, pour l’instant, très limité, en raison de difficultés principe [9]. Le stator est constitué d’une structure de type Langevin
d’ordre technologique et de coûts prohibitifs. vibrant en mode longitudinal associée à un coupleur de torsion. La
vibration longitudinale excite, sous l’action des forces d’inertie, une
vibration de flexion dans l’épaisseur du disque rainuré que comporte
le coupleur. Une poutre implantée transversalement sur cet élément
subit alors un mouvement de torsion sous l’effet du décalage angu-
laire mis en jeu entre l’axe de la rainure et l’axe de la poutre.

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Figure 8 – Principe du réducteur de vitesse de type harmonic drive

Les nombres de dents étant élevés (100 à 600 dents) et légère-


ment différents, des rapports de réduction relativement grands (50
à 300) sont ainsi couramment obtenus.
Le remplacement du moyeu elliptique par un transducteur piézo-
actif, assurant la génération d’une déformation de flexion glissant
le long de la jante flexible, et la suppression de la denture au profit
d’une liaison par friction compte tenu des faibles amplitudes de
vibration mises en jeu conduisent ainsi à la définition de la famille
des piézomoteurs à déformation glissante.
■ Comme l’illustre la figure 9, dans le cas particulier d’une struc-
ture cylindrique, la propagation, le long d’une jante élastique
d’épaisseur non négligeable, d’une déformation de flexion
possédant un axe de symétrie d’ordre n conduit à la génération du
mouvement d’entraînement recherché. En effet, si l’on admet qu’il
existe une fibre moyenne c de la jante ne subissant que des dépla-
cements radiaux dont l’amplitude reste faible devant la longueur
Figure 7 – Moteur à conversion de mode longitudinal-torsionnel d’onde de la déformation, on montre que la rotation des sections
droites MP occasionnée par la propagation de la déformation induit
une trajectoire elliptique des points matériels de la surface vibrante
Il est à noter que le sens de ce décalage, de même que le sens définie par :
de l’inclinaison de l’axe d’attaque du doigt vibrant par rapport à la 2 2
hρ hθ
direction d’entraînement, détermine un sens de rotation unique -------- - = 1
- + -------------------- (10)
pour les structures considérées. A2 ( kAa ) 2
2π 2 πρ 0
avec k = --------- et λ = ----------------
λ n
2.3 Structure à déformation glissante
et A (m) amplitude de la vibration,
2.3.1 Principe a (m) demi-épaisseur de la jante,
hρ (m) composante radiale du déplacement du point P,
■ La deuxième solution cinématique utilisée dans les piézomoteurs
hθ (m) composante orthoradiale du déplacement du point P,
pour engendrer le mouvement cyclique recherché dérive du principe
utilisé dans les réducteurs de vitesse de type harmonic drive. k (m–1) nombre d’onde,
Comme l’illustre la figure 8, ce type de réducteur exploite la déforma- n ordre de l’axe de symétrie de la déformation (n = 2 dans
tion quasi elliptique d’une jante flexible dont la denture extérieure le cas de la déformation elliptique),
coopère avec la denture intérieure d’une couronne rigide. La jante
λ (m) longueur d’onde,
étant immobilisée en rotation, le système assure une démultiplica-
tion entre la vitesse du moyeu elliptique générant la déformation et ρ0 (m) rayon de courbure de la fibre moyenne au repos.
la vitesse communiquée en sens inverse à la couronne extérieure qui À la différence du principe fondé sur la composition de deux défor-
s’exprime par : mations pouvant éventuellement être contrôlées indépendamment,
NC – NJ les deux composantes orthogonales du déplacement elliptique sont
Ω = – ---------------------- Ω m ( N C > N J ) (9) ici forcément couplées, le rapport des longueurs des demi-axes de
NC
l’ellipse étant déterminé par les caractéristiques géométriques de la
avec NC nombre de dents de la couronne extérieure, structure. La vitesse tangentielle d’entraînement dépend ainsi direc-
tement de l’amplitude A de la composante radiale du déplacement
NJ nombre de dents de la jante déformable, particulaire.
Ω (rad · s–1) vitesse de rotation de la couronne extérieure,
Ω m (rad · s–1) vitesse de rotation du moyeu elliptique.

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Figure 9 – Cinématique de l’entraînement par déformation glissante

La vitesse théorique communiquée au rotor, dont le sens est


opposé au sens de propagation de la déformation, est ainsi définie
par :
kAa
Ω = – ---------------------- n Ω m (11)
( ρ0 + a )

Le nombre n pouvant être rapproché du nombre de paires de pôles


des machines électromagnétiques, la vitesse de rotation mécanique
Ω m de la déformation est associée à la pulsation électrique ω = n Ω m
relative aux grandeurs d’alimentation du transducteur générant la
vibration.
Figure 10 – Moteur à rotation de mode
Notons, par ailleurs, que les structures à déformation glissante utilisant la flexion d’un cylindre
bénéficient, par principe, de l’avantage d’un contact permanent
entre les parties vibrante et mobile, s’effectuant en un ou plu-
sieurs points d’appui. Dans le cas des structures rotatives, le 2.3.2 Moteurs à rotation de mode
contact peut intervenir, en fonction du type de déformation
exploitée, dans un plan perpendiculaire à l’axe de rotation
■ D’une manière analogue au principe de génération des champs
(contact axial) ou selon une génératrice de la structure (contact
tournants dans les machines électromagnétiques, l’excitation en
radial).
quadrature de phase de deux modes de résonance de forme
identique et relatifs à deux directions perpendiculaires conduit à la
■ La diversité des structures vibrantes utilisables et des modes de mise en rotation du mode excité autour de l’axe de symétrie de la
résonance associés conduit à l’existence d’une grande variété structure vibrante.
d’architectures de piézomoteurs, rotatifs ou linéaires selon que la Ce principe repose en fait sur la possibilité d’entretenir conjointe-
déformation mise en jeu glisse en rotation ou en translation. La ment dans certaines structures deux modes orthogonaux de même
conception et l’analyse de ces structures procédant en fait de deux forme résultant d’une dégénérescence de mode. Les modes de
approches complémentaires, l’une relevant de la théorie des modes, flexion ou d’extension radiale non axisymétriques d’un barreau
l’autre abordant plutôt le problème sous l’aspect ondulatoire, deux cylindrique ou d’un disque correspondent ainsi aux déformations le
sous-classes de piézomoteurs à déformation glissante peuvent être plus souvent utilisées dans les moteurs à rotation de mode [4].
définies. En dépit des recoupements inévitables qu’entraîne cette
subdivision, l’approche modale conduit ainsi à définir la famille des ■ La figure 10 présente l’ architecture électromécanique d’ un
moteurs utilisant la mise en rotation d’un des modes de résonance moteur à contact axial utilisant la rotation d’un mode de flexion
d’un cylindre ou d’un disque autour de son axe (§ 2.3.2), tandis que d’un cylindre autour de son axe. La déformation de flexion est pro-
découlent plus directement de l’approche ondulatoire les solutions duite par le biais d’anneaux de céramiques PZT subdivisés, par inver-
fondées sur l’exploitation du déplacement particulaire elliptique sion de la polarisation, en deux secteurs de 180o engendrant selon
engendré par la propagation d’une onde de surface le long d’un un couplage longitudinal des déformations en sens opposés. Un sys-
barreau ou d’un anneau (§ 2.3.3). tème formé de deux anneaux (ou d’un multiple de deux), décalés

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de 90 o et dont les électrodes sont alimentées en quadrature de


phase, assure la mise en rotation du mode de flexion. Le roulement
de cette déformation le long de l’interface du stator et du rotor
conduit à l’entraînement de ce dernier en sens inverse du sens de
rotation du mode.
Exemple : le recours à un élément d’amplification mécanique du
déplacement elliptique généré permet l’obtention de vitesses de rota-
tion relativement élevées (de l’ordre de 1 000 tr · min–1 pour un moteur
de 10 mm de diamètre et de 25 mm de long).

2.3.3 Moteurs à onde progressive


■ Le principe de ces moteurs repose sur l’exploitation du déplace-
ment particulaire elliptique engendré à la surface d’un milieu élas-
tique sous l’effet de la propagation d’ondes acoustiques.
Lorsque l’épaisseur de ce milieu, selon une direction perpendi-
culaire à la direction de propagation, est de l’ordre de la longueur
d’onde, la vibration obtenue, résultant d’un couplage entre deux
ondes de Rayleigh se propageant suivant les surfaces libres du
solide, correspond à une onde de Lamb. Selon un mode anti-
symétrique, cette onde de Lamb équivaut à la propagation d’une
déformation de flexion le long de la structure déformable et satisfait
ainsi directement au principe d’entraînement par déformation glis-
sante introduit au paragraphe 2.3.1 en considérant une structure
rotative.
■ La propagation d’une onde de Lamb le long d’un barreau de
longueur finie donne lieu au piézomoteur linéaire schématisé sur
la figure 11. L’onde progressive est générée par le biais de deux
transducteurs de type Langevin placés aux extrémités du barreau Figure 11 – Schéma de principe d’un moteur linéaire
formant le rail statorique. Le premier transducteur constitue la source à onde progressive
vibratoire tandis que le second absorbe l’énergie véhiculée par
l’onde progressive, afin d’éviter la création d’une onde réfléchie
susceptible de détruire l’onde incidente au profit d’une onde station-
naire ne possédant pas naturellement de propriété d’entraînement. 3. Moteur annulaire
Le transducteur T1 fonctionnant en émission est relié à la source
d’alimentation électrique, tandis que le transducteur T2 fonctionnant à onde progressive
en absorption est généralement connecté à un circuit constitué d’une
résistance et d’une inductance en parallèle, dont le rôle est d’adapter Parmi les différentes structures de piézomoteurs, le moteur à onde
l’impédance mécanique du transducteur à l’impédance caractéris- progressive à stator annulaire et contact axial constitue à ce jour
tique du guide d’onde que constitue le rail statorique [8]. Le sens la solution la plus avancée techniquement. Cette structure, qui a
d’entraînement de l’élément mobile maintenu en appui contre le rail, bénéficié d’un effort de recherche important au Japon, où elle fut
opposé au sens de propagation de l’onde, peut alors être sélectionné tout d’abord mise au point, et plus tard en France [10], a été préférée
en intervertissant les circuits auxquels les deux transducteurs sont dans la plupart des applications ayant débouché sur une industria-
connectés. lisation (cf. introduction).
La nécessité d’une double conversion électromécanique de
l’énergie, résultant du caractère discontinu du milieu de propagation,
dégrade sensiblement le rendement énergétique global du moteur
linéaire à onde progressive (quelques pour-cent), et cela même si
3.1 Constitution du moteur
l’on remplace le circuit d’adaptation dissipatif par un convertisseur
électronique assurant la récupération de l’énergie en bout de guide. 3.1.1 Architecture mécanique
L’adoption d’un guide d’onde refermé sur lui-même constitue une
La figure 12 présente une vue éclatée du moteur Shinsei USR 60
solution beaucoup plus satisfaisante sur le plan énergétique. L’uti-
(à stator de 60 mm de diamètre extérieur). La structure de ce moteur,
lisation d’un stator de forme annulaire conduit ainsi à la structure
dont le principe de fonctionnement est schématisé sur la figure 13,
rotative étudiée au paragraphe 3. Notons que le principe obtenu, qui
fait intervenir trois sous-ensembles principaux que sont le stator
revient à la propagation d’une onde de flexion autour de l’axe de
vibrant, le rotor associé à son arbre et le bâti recevant le capot de
symétrie de la structure, s’apparente alors largement au principe de
fermeture.
rotation de mode précédemment introduit (§ 2.3.2).

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■ Le stator consiste en un anneau de bronze béryllium à l’arrière


duquel est collé un anneau de céramiques PZT assurant la mise en
rotation d’un mode de flexion hors plan de rang n = 9. L’anneau est
pourvu de dents dont le rôle est d’augmenter l’épaisseur apparente
de la structure, sans pour autant réduire son élasticité, afin d’ampli-
fier la composante tangentielle du déplacement particulaire [relation
(10)] et d’augmenter par voie de conséquence la vitesse de rotation
du moteur. Une fonction annexe de l’encochage du stator consiste,
en outre, à piéger les particules résultant de l’usure de la couche de
friction. Par ailleurs, le raccordement de l’anneau vibrant à la partie
centrale fixée sur le bâti est réalisé par le biais d’un voile de décou-
plage.
■ Le rotor est constitué d’un disque en duralumin dont la jante
extérieure est revêtue d’une couche de matériau polymère (§ 2.1.2).
L’effort axial est calibré par la compression d’un ressort de type
parapluie rendu solidaire du disque d’appui de l’arbre par le jeu d’un
système à ergot. Une rondelle amortissante en caoutchouc, inter-
posée entre le disque rotorique et le ressort, assure la transmission
du couple. En ce qui concerne le pilotage de l’arbre, il est réalisé à
l’avant au moyen d’un roulement à bille et à l’arrière par le biais
d’une butée à bille transmettant l’effort axial.

3.1.2 Structure de la céramique d’excitation

La génération de l’onde progressive résulte, conformément au


principe de rotation de mode décrit au paragraphe 2.3.2, de l’excita-
tion en quadrature de phase de deux vibrations stationnaires rela-
tives à deux modes orthogonaux de même forme.
Comme le montre la figure 13, l’excitation de ces modes fait
appel à un couplage électromécanique essentiellement transversal,
dans la mesure où la céramique, polarisée axialement, se déforme
principalement selon une direction perpendiculaire. Le coefficient
de couplage effectif de la structure (§ 1.5.1) est donc par principe
peu élevé (de l’ordre de 15 %), en raison de la valeur relativement
faible du coefficient intrinsèque k 31 (tableau 4).

Figure 12 – Vue éclatée du moteur USR 60 ■ La sélection du rang de mode choisi (n = 9) s’opère par le biais
développé par Shinsei Co. Ltd d’une polarisation alternée de la céramique, qui conduit à la déforma-
tion en sens inverse de deux secteurs espacés d’une demi-longueur
d’onde soumis à une même tension. Cette solution autorise la mise
en jeu d’un plan de masse à l’interface céramique-métal.
■ La définition des deux phases d’excitation vibratoire peut
être obtenue soit à partir de l’imbrication de deux jeux d’électrodes
décalés d’un quart de longueur d’onde (figure 13), soit, selon une
disposition plus courante simplifiant les problèmes de connectique,
en regroupant les électrodes des deux phases suivant deux secteurs
métallisés disjoints (figure 14). Un intérêt supplémentaire de cette
dernière disposition réside dans la possibilité de loger, au niveau de
l’un des deux interstices laissés libres entre les deux phases d’ali-
mentation, une électrode auxiliaire fournissant, par effet piézo-
électrique direct, une tension image de la vibration utilisable pour sa
régulation (§ 4.3).
■ Notons qu’un problème technologique délicat réside dans
l’ assemblage de la structure bimorphe que constitue le stator
vibrant. Le joint de colle utilisé doit en effet, d’une part, établir le
contact électrique entre l’électrode arrière de la céramique et la
masse du stator et, d’autre part, assurer la transmission des défor-
mations générées, en introduisant un amortissement aussi faible que
Figure 13 – Principe de fonctionnement de la structure annulaire possible.
à onde progressive (céramiques à phases imbriquées)

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3.2.1 Couple développé

■ Le couple maximal que le moteur annulaire est théoriquement


capable de développer peut être évalué en intégrant le moment des
forces tangentielles élémentaires, caractérisées par la relation (8),
s’exerçant au niveau de la surface annulaire de contact. En supposant
que la pression locale résultant de l’effort normal appliqué se répartit
radialement de manière uniforme, on obtient la relation :
3 3
2 ρe – ρ i
Γ max = ----- -------------------- µ Fn (12)
3 ρ2 – ρ2
e i

avec Fn (N) norme de l’effort normal exercé,


Γmax (N · m) couple théorique maximal,
µ coefficient de frottement cinétique,
ρe (m) rayon externe de la piste de contact,
ρ i (m) rayon interne de la piste de contact.
Figure 14 – Structure de l’anneau d’excitation En terme de dimensionnement, cette relation signifie que le couple
du moteur Shinsei USR 60 (céramique à phases disjointes) maximal du moteur annulaire varie, à pression exercée par unité de
la surface d’appui donnée, comme le cube de son diamètre.
■ En ce qui concerne les caractéristiques couple-vitesse, à fré-
3.2 Performances électromécaniques quence et tension d’alimentation constantes, le tracé donné sur la
figure 15, relevé dans des conditions d’alimentation nominales, fait
apparaître une chute de vitesse d’environ 30 % entre la marche à vide
La supériorité du moteur à onde progressive par rapport aux autres et le point de fonctionnement nominal (défini au maximum de la
structures de piézomoteurs découle essentiellement du fait que cette puissance mécanique). Cette chute de vitesse, qui conduit au calage
solution allie simplicité de constitution et performances électro- du moteur (arrêt) lorsque le couple maximal est atteint, est essentiel-
mécaniques élevées, en terme de couple massique d’une part, lement due au patinage intervenant au niveau du roulement de
compte tenu de la légèreté de son stator annulaire comparé à un l’onde statorique sur la piste rotorique sous l’effet du couple de
transducteur de type Langevin par exemple, et en terme de rende- charge.
ment d’autre part, grâce notamment aux conditions de contact
relativement douces et peu dissipatives qu’offre l’entraînement par ■ La mise en jeu, en l’absence de vibration, d’un frottement s’exer-
déformation glissante. çant en régime statique au niveau d’une aire de contact maximisée
conduit par ailleurs à l’obtention d’un effort de verrouillage rela-
Exemple : les principales caractéristiques techniques du moteur tivement élevé (2 à 3 fois le couple nominal), susceptible de trouver
Shinsei USR 60 rassemblées dans le tableau 6 soulignent, en outre, une exploitation directe dans le domaine des moteurs de position-
l’intérêt du moteur piézoélectrique dans le domaine des actionneurs de nement.
dimensions centimétriques : un moteur pas à pas à aimant permanent
performant (Portescap) développant un couple du même ordre
(0,6 N · m), pèse environ 4 fois plus lourd (0,65 kg) et met en jeu un 3.2.2 Bilan de puissance
moment d’inertie légèrement supérieur (10 –5 kg · m2).
(0) La puissance dissipée sous forme de chaleur, dans les moteurs
piézoélectriques, résulte essentiellement de trois types de pertes :
Tableau 6 – Caractéristiques techniques du moteur les pertes d’origine diélectrique générées dans la céramique, les
Shinsei USR 60 (données du constructeur) pertes engendrées par la déformation des parties vibrantes et les
pertes résultant de la friction à l’interface stator-rotor.
Couple nominal ................................................... (N · m) 0,38
■ Les pertes diélectriques P d et les pertes par déformation
Vitesse nominale...........................................(tr · min–1) 100 P m , principalement localisées au stator dans la mesure où les défor-
Puissance mécanique nominale ............................. (W) 4 mations induites au rotor sont supposées négligeables, ont été évo-
quées précédemment (§ 1.5.2) et sont caractérisées, en première
Couple maximal ...............................................(N · m–1) 0,6 approximation, par les relations (4) et (5).
Couple de verrouillage (stator non alimenté)... (N · m) > 0,8 ■ Les pertes par friction générées à l’interface résultent du travail
Moment d’inertie du rotor............................... (kg · m 2) 7 · 10 –6 des actions tangentielles de contact, sous l’effet des glissements
locaux intervenant au niveau des zones de contact. Dans le cas du
Constante de temps mécanique ............................... (s) 10 –3 moteur à onde progressive, ces pertes correspondent :
Tension d’alimentation..............................................(V) 100 — d’une part, aux pertes P r engendrées par le roulement de l’onde
statorique sur la piste rotorique, les glissements locaux découlant
Fréquence d’alimentation........................................ (Hz) 40 · 10 3
ici de la pénétration partielle des crêtes de l’onde dans le matériau
Masse ........................................................................ (kg) 0,175 relativement mou de la couche de friction ;
— d’autre part, aux pertes P p produites par le patinage dû au
couple de charge.

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■ Bien que le rendement maximal de la conversion d’énergie réalisée


puisse paraître faible (inférieur à 30 %) comparé notamment, dans la
même gamme dimensionnelle, au rendement du moteur à aimant pré-
cédemment évoqué (45 %), il s’avère relativement élevé par rapport à
d’autres structures de piézomoteurs, telles que le moteur à conversion
de mode de type longitudinal-torsionnel (§ 2.2.3) dont le rendement
reste en général inférieur à 10 %. Notons, en outre, que ces valeurs
doivent être replacées dans le contexte d’une exploitation à caractère
fortement intermittent d’actionneurs de très faibles puissances.

4. Alimentation et commande
L’expérience acquise en matière d’alimentation des machines élec-
Figure 15 – Caractéristiques couple-vitesse à fréquence triques concerne, principalement, l’alimentation à basse fréquence
et tension d’alimentation constantes (moteur Shinsei USR 60, d’armatures de nature inductive. Or, les moteurs piézoélectriques
f = 40 kHz, U = 100 Vrms) jouissent, par principe, d’un comportement plutôt capacitif, et
requièrent, généralement, une alimentation à haute fréquence (20
à 500 kHz) et à haute tension (50 à 1 000 V). Le pilotage de ces moteurs
nécessite donc la définition de stratégies d’alimentation et de
commande spécifiques, fondées sur une caractérisation précise de la
charge électrique particulière qu’ils constituent.

4.1 Modèle vu des bornes


d’un transducteur piézoélectrique
4.1.1 Schéma électromécanique équivalent
Les relations constitutives de la piézoélectricité, écrites sous la forme
du couple d’équations (1), traduisent, à l’échelle locale, le couplage
linéaire existant entre les systèmes électriques et mécaniques dans
la matière. À l’échelle d’un transducteur donné, la détermination de
la répartition spatiale des différentes grandeurs locales permet
d’obtenir une forme intégrale de ces équations, reliant les variables
électriques (tension, courant ou charge) et mécaniques (force, dépla-
cement ou vitesse vibratoire) qui caractérisent le fonctionnement glo-
bal du transducteur. Ces équations conduisent à la définition d’un
schéma électromécanique équivalent dont une forme générale
correspond au schéma de Mason [2]. Dans le cas d’un transducteur
fonctionnant en mode transversal au voisinage d’une de ses fré-
quences propres de résonance, les relations définissant le couplage
électromécanique s’écrivent, en notation complexe (en choisissant les
variables intensives comme variables indépendantes) :

1 η 
V = Y 11 F + Y 12 U = ----------- F – ---------- U 
Figure 16 – Bilan de puissance du moteur Shinsei USR 60 Zm Zm 
dans des conditions nominales de fonctionnement  (13)
η η2 
I = Y 12
Zm  Zm 
F + Y 22 U = – ----------- F + Y 0 + ---------- U 

La vitesse de phase de l’onde variant très peu au voisinage du mode
de résonance exploité, les pertes par roulement dépendent principale- avec F (N) force exercée par le système extérieur,
ment et d’une manière quasi linéaire de l’effort normal appliqué. Les I (A) courant absorbé,
pertes par patinage varient approximativement avec le carré du couple
U (V) tension appliquée,
développé, si l’on admet que, sur une large plage, la chute de vitesse
évolue linéairement avec le couple (figure 15). V (m · s–1) vitesse vibratoire (v = dh/dt ),
Comme l’illustre le diagramme de la figure 16, les phénomènes de Y0 (s) admittance de l’élément encastré,
friction constituent la source principale de dissipation d’énergie, les Y11 (m · s–1 · N–1) admittance mécanique,
pertes par patinage sous l’action du couple demeurant relativement
Y12 (A · N–1) constante électromécanique,
faibles vis-à-vis des pertes par roulement, dissipées aussi bien à vide
qu’en charge. Y22 (s) admittance électrique,
Z m (N · m–1 · s) impédance mécanique de la branche
motionnelle,
η (N · V–1) rapport de transformation électroméca-
nique.

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Ces relations correspondent au schéma électromécanique


équivalent de la figure 17, se référant à une convention de type
récepteur électrique-récepteur mécanique :
— l’admittance Y 0 , correspondant à la branche statique du
schéma équivalent (R 0 et C 0 en parallèle), rend compte des pro-
priétés purement diélectriques du transducteur, C 0 désignant la
capacité de l’élément mécaniquement encastré (V = 0) et R 0 maté-
rialisant les pertes diélectriques ;
— la branche dynamique ( r,  , c ) , souvent appelée branche
motionnelle, traduit les propriétés mécaniques de l’élément vibrant,
 rendant compte de sa masse, c de son élasticité et r des pertes
par déformation.
La conversion d’énergie, matérialisée par le transformateur élec-
tromécanique de rapport η , est caractérisée au voisinage du mode
de résonance exploité par le coefficient de couplage effectif k eff ,
défini en régime quasi statique par (§ 1.5.1) :
2
Y 12 η2 c
k eff = lim -------------------- = ------------------------
- (14)
ω → 0 Y 11 Y 22 C0 + η 2 c

Dans le cas d’un transducteur assurant la conversion d’énergie Figure 17 – Schéma électromécanique équivalent d’un transducteur
électrique en énergie mécanique, ce coefficient s’identifie avec la piézoélectrique à couplage transversal au voisinage
limite à basse fréquence du rapport de la puissance réactive utile, d’un de ses modes de résonance
correspondant à l’énergie élastique stockée dans le transducteur, à
la puissance réactive totale fournie à la source d’alimentation et
tenant compte de l’énergie stockée sous forme électrique.
En admettant que l’adjonction d’une masse métallique vibrante
à l’élément piézoélectrique initial revienne simplement à modifier
la valeur des paramètres r,  , c et η , la modélisation d’un stator
de piézomoteur vibrant librement (rotor déposé) peut être effectuée
en refermant par un court-circuit la branche motionnelle du circuit
équivalent (F = 0). Notons que la prise en compte simultanée des
deux composantes h x et h y (ou h ρ et h θ ) du déplacement d’entraîne-
ment nécessite dans le cas général la mise en jeu de deux circuits
motionnels, électriquement couplés ou non selon que les deux
modes vibratoires utilisés le sont (moteurs à conversion de mode,
§ 2.2.3) ou ne le sont pas (moteurs à superposition de mode, § 2.2.2).
Dans le cas où les deux composantes du mouvement elliptique sont
cinématiquement liées (structure à déformation glissante, § 2.3), la
connaissance d’une de ces composantes suffit à la détermination
de l’autre. Le caractère symétrique des deux phases d’alimentation Figure 18 – Modèle vu des bornes
autorise alors, comme dans le cas des machines électromagnétiques du transducteur mécaniquement chargé
polyphasées, la définition d’un schéma monophasé équivalent
construit sur la base du schéma de la figure 17.
■ En vertu de l’analogie électromécanique mise en place, la modé- 4.1.2 Identification des paramètres
lisation du moteur complet conduit naturellement à prendre en
compte la puissance mécanique délivrée par le biais d’une source Le schéma équivalent du transducteur fait apparaître deux circuits
de tension, dont l’amplitude est proportionnelle au couple (ou à la oscillants, correspondant l’un au circuit série constitué par la branche
force) développé, tandis que l’amplitude du courant qui la traverse motionnelle, et l’autre au circuit parallèle formé par l’association de
est une image de la vitesse du moteur. Cependant, la représentation la branche statique et de la branche motionnelle. Les pulsations de
des mécanismes de contact mis en jeu (contact intermittent...) résonance correspondantes sont ainsi définies par :
conduit à introduire des circuits relativement complexes, le plus
souvent non linéaires, et dont la structure dépend étroitement du
1 
type de moteur considéré [11]. ω s = -------------- 
LC 
■ Dans le cadre d’une approche simplifiée, qui correspond aux 
hypothèses classiquement retenues pour l’étude des transducteurs
1
ω p = ------------------------------  (15)
CC 0 
électro-acoustiques, la charge mécanique peut être modélisée par le
L ------------------- 
biais d’une résistance supplémentaire r c placée en série dans la C + C0 
branche motionnelle. En ramenant les éléments de cette branche au 
primaire du transformateur électromécanique, le modèle électrique
avec ω p (rad · s–1) pulsation de résonance du circuit parallèle,
vu des bornes du transducteur correspond alors au schéma donné
sur la figure 18. ω s (rad · s–1) pulsation de résonance du circuit série.
Le tracé, dans le diagramme de Bode, de l’admittance Y du circuit
(figure 19a ) met en évidence les phénomènes de résonance et
d’antirésonance associés aux pulsations ω max (admittance maxi-
male) et ω min (admittance minimale) respectivement voisines des

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pulsations ω s et ω p . L’acuité de la résonance mécanique est


classiquement caractérisée par le facteur de qualité, ou coefficient
de surtension, du circuit série. Ce coefficient, généralement élevé
(Q > 50), s’exprime par :
Lω s ωs
Q = ------------------- = ----------------------- (16)
R + Rc ∆ ω – 3dB

avec ∆ ω – 3dB (rad · s–1)


bande passante à – 3dB.
Le tracé, dans le plan de Nyquist, de l’admittance constitue,
par ailleurs, une représentation très utile pour l’étude et la caracté-
risation des transducteurs piézoélectriques. En effet, l’admittance
de la branche motionnelle se ramène dans ce plan à un cercle de
diamètre 1/(R + Rc ). La prise en compte de la branche statique
conduit alors au diagramme de la figure 19b, le cercle initial étant
d’autant moins déformé que Q est grand.
Une méthode classique d’identification des paramètres du modèle
équivalent d’un transducteur à facteur de qualité élevé repose sur
l’exploitation des tracés expérimentaux des diagrammes d’admit-
tance selon les deux représentations considérées. La résistance R 0
étant préalablement mesurée à basse fréquence, la recherche dans
le diagramme de Nyquist du point associé au maximum de conduc-
tance détermine, d’une part, la pulsation ω s et, d’autre part, les
valeurs de (R + Rc) et de C 0 . La mesure de la bande passante dans
le diagramme de Bode permet alors, en associant les expressions
de ω s et Q, de déterminer L et C.
Les valeurs des paramètres relatifs au stator du moteur Shinsei
USR 60 (§ 3.1) sont données, à titre d’exemple, dans le tableau 7.
(0)
Tableau 7 – Valeurs numériques des paramètres
associées au modèle électrique d’un stator
de moteur Shinsei USR 60

R0 Q f s =  s 2 C0 R L C
(kΩ) (Hz) (nF) ( Ω) (mH) (nF) Figure 19 – Analyse fréquentielle de l’admittance
20 395 38 850 9 60 97 0,173

4.2 Principes d’alimentation

■ Bien que la nature d’un transducteur piézoélectrique puisse, dans


certaines conditions, se révéler apparemment inductive (possibilité
d’une inversion de signe de la susceptance entre la résonance et
l’antirésonance, figure 19b ), la charge électrique qu’il constitue
vis-à-vis de son alimentation peut être assimilée, hors résonance ou
au voisinage immédiat de la fréquence de résonance série (ω ≈ ω s),
à un circuit RC parallèle. L’originalité, et la difficulté, de l’alimentation
des moteurs piézoélectriques réside ainsi dans la mise en jeu d’une
charge fortement capacitive (quelques nanofards en parallèle avec
quelques kiloohms), alimentée à des fréquences ultrasonores et, qui
plus est, sous des tensions relativement élevées vis-à-vis des dimen-
sions centimétriques, voire millimétriques, de l’actionneur.
Figure 20 – Structure de l’onduleur de type push-pull parallèle
● Parmi les différentes structures d’onduleur susceptibles de
satisfaire à un tel cahier des charges [13], la structure de type
push-pull parallèle, schématisée sur la figure 20, constitue une le moteur. Ces deux approches induisent, en outre, une commande
solution très souvent exploitée. Cette structure présente en effet différente des interrupteurs K1 et K2, correspondant à une
l’intérêt de combiner les fonctions d’onduleur et d’adaptateur de commande jointe dans le premier cas et impulsionnelle dans le
tension grâce à la mise en jeu d’un transformateur HF. La présence second.
de ce transformateur résout par ailleurs les problèmes éventuels ● La figure 21 illustre le fonctionnement du montage dans cette
d’isolement, pouvant, par exemple, se poser dans le cas de l’alimen- deuxième configuration, qui revient à accorder sur la fréquence d’ali-
tation d’un moteur à partir du réseau redressé. En outre, cet élément mentation le circuit résonnant formé par la mise en parallèle de
inductif peut être mis à profit pour réaliser l’adaptation d’impédance l’inductance magnétisante du transformateur (vue du secondaire) et
requise entre la source de tension primaire et la charge capacitive de la capacité parallèle équivalente du moteur. L’injection d’énergie
que constitue le moteur. Deux approches touchant au dimensionne- réalisée à travers l’inductance de fuite pendant les phases de conduc-
ment du transformateur sont alors envisageables, selon que ses tion des interrupteurs conduit, durant leur blocage, à une oscillation
inductances de fuite (inductance série) ou son inductance magnéti- quasi sinusoïdale correspondant au régime libre du circuit oscillant.
sante sont utilisées pour compenser l’énergie réactive produite par

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Figure 21 – Formes d’ondes générées par l’onduleur push-pull


parallèle résonnant – accord par l’inductance magnétisante
(moteur Shinsei USR 60 )

En dépit d’une forme d’onde de courant relativement perturbée,


la tension se trouve efficacement lissée par la capacité parallèle.
Notons que, si la qualité des formes d’ondes n’apparaît pas a priori
comme un aspect critique dans la conception de l’électronique
d’alimentation des moteurs piézoélectriques, il faut cependant
veiller à ce que les harmoniques mis en jeu ne soient pas à même
d’exciter au sein de la structure vibrante un mode parasite vis-à-vis
du fonctionnement recherché.
■ Dans le cas des moteurs nécessitant une alimentation diphasée,
la solution généralement adoptée consiste à faire appel à deux ondu-
leurs monophasés, pilotés à partir de signaux de commande dépha-
sés. Évoquons, toutefois, le cas particulier des structures à
superposition de mode utilisant un excitateur dont un des deux
éléments fonctionne hors résonance (§ 2.2.2), pour lesquelles une
seule source d’alimentation est nécessaire. Ces structures béné-
ficient en effet d’une mise en quadrature naturelle des deux compo-
santes du mouvement d’entraînement dans la mesure où, à la
résonance (ω = ω s), le courant dans la branche motionnelle, image de
la vitesse vibratoire, est en phase avec la tension d’alimentation,
tandis que, hors résonance, ces deux grandeurs sont en quadrature
de phase.

4.3 Stratégies de commande

■ L’expression (7) définissant la vitesse théorique relative à un


entraînement par mouvement elliptique met en évidence les trois
paramètres internes de réglage de la vitesse d’un piézomoteur
que sont l’amplitude H x du mouvement vibratoire, sa pulsation ω et
le déphasage ϕ entre ses deux composantes.
● Le contrôle de l’amplitude de la vibration par variation de la
tension appliquée correspond à un premier moyen de réglage de la
vitesse du moteur.

Figure 22 – Modes élémentaires de réglage de la vitesse


(moteur Shinsei USR 60 )

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● En ce qui concerne l’action au niveau de la fréquence, sa marge absorbé afin de se caler en permanence sur la pulsation ω max
de variation est généralement très étroite (quelques centaines de (figure 19). Lorsque la céramique d’excitation est pourvue d’une
hertz), dans la mesure où la majeure partie des structures fonc- électrode auxiliaire jouant le rôle de capteur vibratoire (§ 3.1.2), la
tionnent au voisinage d’une résonance mécanique. Néanmoins, le stabilisation de la vibration peut être réalisée à partir de la régulation
contrôle de l’écart entre la fréquence d’alimentation et la fréquence de l’amplitude de la tension recueillie sur cette électrode. Le schéma
de résonance permet de jouer sur l’amplitude de la vibration et synoptique de la figure 23 présente ainsi une stratégie de
constitue, de ce fait, un second mode de réglage de la vitesse. commande très utilisée, résolvant simultanément les problèmes de
● Dans le cas des structures diphasées, le déphasage entre les stabilisation vibratoire et de commande en vitesse.
tensions appliquées correspond, enfin, à une troisième variable de
réglage, qui présente l’intérêt d’agir non seulement sur l’amplitude
mais aussi sur le sens de la vitesse de rotation de la machine. Notons La commande impulsionnelle diphasée des 4 interrupteurs de
que si cette dernière solution s’applique de manière parfaitement l’onduleur peut être réalisée simplement à partir d’un circuit
naturelle au cas des structures à superposition de mode, il n’en va compteur à décade (exemple HEF 4017 ), monté en diviseur
pas de même, a priori, dans le cas des structures à déformation glis- par 4, générant des créneaux de commande décalés et de
sante pour lesquelles le déphasage entre les deux composantes du rapport cyclique égal à 25 %. Cette solution suppose que
mouvement vibratoire est cinématiquement imposé et n’apparaît l’oscillateur commandé en tension VCO (par exemple LM 555 )
donc pas dans l’expression de la vitesse [relation (11)]. La variation fonctionne à une fréquence quadruple de la fréquence f d’ali-
de phase s’avère, cependant, exploitable en pratique au prix d’une mentation. (Le réseau RC calibre la fréquence de l’oscillateur.)
dégradation des caractéristiques de l’onde progressive initiale,
dégradation qui pourrait être rapprochée de la génération du champ ■ En ce qui concerne la commande en position des moteurs piézo-
elliptique mis en jeu dans les machines électromagnétiques poly- électriques, une approche classique consiste à adopter une structure
phasées fonctionnant en régime déséquilibré. en cascade visant à imbriquer la boucle de régulation de vitesse au
sein d’une boucle de position utilisant un capteur solidaire de l’arbre
du moteur. Notons que cette structure nécessite d’intégrer un dispo-
La figure 22 illustre ces trois modes de réglage élémentaires sitif non linéaire d’inversion de la phase relative des tensions
dans le cas du moteur annulaire à onde progressive. Si la varia- d’alimentation visant à commander le moteur dans les deux sens de
tion de tension se révèle peu intéressante de par la faible dyna- rotation.
mique de réglage qu’elle autorise, la variation de fréquence ou
de phase apparaissent comme les moyens de réglage privilégiés Une solution beaucoup plus évoluée consiste à utiliser simultané-
des moteurs piézoélectriques. ment les deux variables de réglage que sont la fréquence et le
déphasage entre les tensions d’alimentation, la détermination du
vecteur de commande en fonction des informations captées pouvant
■ Le contrôle de fréquence constitue par ailleurs un procédé éventuellement faire appel à la logique floue [13] [14].
assez incontournable dans les piézomoteurs à structure résonnante, Mentionnons, enfin, les recherches relatives à des principes
en raison de la nécessité d’assurer une poursuite de la fréquence de d’entraînement bénéficiant d’une commandabilité intrinsèque en
résonance ; celle-ci évolue en particulier avec la température (la position (sans capteur externe) qui, associées aux nombreuses
fréquence de résonance du stator du moteur Shinsei USR 60 diminue recherches menées à l’heure actuelle dans le domaine, ouvrent la
de 1,5 % lorsque la température passe de 20 à 80 oC). Une technique voie à de nouvelles structures de moteurs piézoélectriques.
envisageable consiste à piloter le moteur au maximum de courant

Figure 23 – Commande en vitesse par asservissement fréquentiel de l’amplitude de vibration

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 3 765 − 21

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