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DU SECTEUR AGRICOLE
La libéralisation des prix et du commerce des facteurs de production dans les secteurs de
l'agriculture et de l'élevage. (arrêt des subventions pour les engrais, semences, aliments pour le
bétail, machines agricoles, pétrole et eau ; et transfert au privé ou à des groupements producteurs
d’activités de production et de commercialisation des produits agricoles).
La libéralisation des prix et du commerce des produits agricoles (suppression des subvention de
certains produits alimentaires de base comme le lait depuis 1985, ou réduction des subventions).
Enfin, la libéralisation du commerce extérieur des produits agricoles, en éliminant les monopoles
(OCE) et le système de contingentement (substitution progressive des quotas d'importation par une
tarification douanière graduelle en fonction des produits agricoles à importer).
De fait, si le déficit de la balance alimentaire s'est creusé (3,5 millions de dirhams en 1997), le taux de
couverture des biens alimentaires essentiels n'a pas connu d'évolution significative. Il est de 47% pour
les céréales, 23% pour les huiles végétales, 45% pour le sucre, et 80% pour le lait et dérivés.
Les performances à l’exportation sont bonnes pour les nouveaux produits, mais elles sont
contrecarrées par la nature protectionniste du marché européen.
L'agriculture vivrière demeure encore sous l'emprise des fluctuations agro- climatiques et
nécessite une diversification des productions.
La libération des prix seule n’a pas entraîné une amélioration générale des performances, car
l'assise foncière et financière, et la nature des cultures pratiquées restent déterminantes,
Malgré les efforts en matière de sécurité alimentaire, des inégalités entre les régions et les
catégories d'agriculteurs demeurent (accès aux moyens de production et de commercialisation et
au marché pour les catégories les plus défavorisées de la population rurale).
Enfin, des potentialités appréciables existent mais elles sont soit insuffisamment exploitées, soit
tout simplement non explorées, ni à des fins d'accroissement de la sécurité alimentaire, ni dans
l’objectif de développement des exportations.
De nouvelles options de la politique agricole ont été retenues, à partir du début des années 1990, sur
impulsion du PNUD. Ce dernier, soulignant le niveau de développement humain particulièrement bas
dans le monde rural, avait en effet recommandé la nécessité d’une prise en compte de la durabilité et de
la globalité de la politique publique dans le processus du développement du monde rural.
Une réflexion fut alors engagée dans ce sens à partir de 1993. Elle a permis la formulation d'un
ensemble de stratégies sectorielles et transversales où chaque département se devait de fournir une
vision prospective prenant en compte les objectifs globaux de l’Etat. Plus tard, la volonté de mise en
cohérence de tous les plans et stratégies sectoriels ciblant le monde rural s’est traduite par l'institution
du Conseil Interministériel Permanent du Développement Rural et par l’esquisse d’une Stratégie de
Développement Rural finalisée en 1999.
La composante agricole de la stratégie de développement rural a retenu à son tour de nouvelles options.
La sécurité alimentaire est dorénavant privilégiée au détriment de celle de l'autosuffisance alimentaire.
La durabilité et l'intégration de l'activité agricole à son environnement économique sont les principes
directeurs de la nouvelle stratégie de développement agricole, qui s'articule autour de quatre orientations
principales:
1. • Contribuer à la garantie de la sécurité alimentaire, par la couverture de taux stratégiques
d'approvisionnement stable à partir de la production nationale d'efficience économique;
2. • Améliorer le revenu des agriculteurs à travers l'accroissement de la productivité en particulier
dans les zones favorables comme les zones irriguées;
3. • Protéger et conserver les ressources naturelles, l'exploitation de notre potentiel de production
devant s'inscrire dorénavant dans une perspective d'agriculture durable;
4. • Favoriser l'intégration de l'agriculture au marché national et international à travers d'une part,
la mise en œuvre d'une politique incitative et d'un cadre juridique adéquat permettant
l'organisation des circuits de commercialisation, de stockage, de conditionnement et de
transformation et d'autre part, l'adaptation permanente de notre production aux exigences des
marchés extérieurs sur les plans de la qualité et de la compétitivité.
La mise en œuvre de cette stratégie se heurte cependant à des obstacles liés à la non-hiérarchisation de
ses objectifs et parfois même à l'incompatibilité de certains d'entre eux. Ces difficultés sont à l'origine
du retard accusé dans le processus de libéralisation de certaines filières alimentaires sensibles tels que
celles du blé tendre, des huiles et du sucre.
Les pouvoirs publics donnent en effet l'impression de retarder les échéances à défaut d'une vision claire
du type d'agriculture à promouvoir, et d'une volonté politique pour concrétiser cette vision. En fait, les
pouvoirs publics n'arrivent toujours pas à se dégager de l'incohérence qui consiste à prôner la logique du
marché et la libéralisation des circuits et des prix, tout en maintenant certaines subventions, qui non
seulement favorisent l'inefficacité, mais qui de surcroît, créent des distorsions et des abus pouvant aller
jusqu’au détournement.
Cette approche prônait la restructuration des filières agricoles et leur intégration verticale, en
tenant compte de la carte de vocation des terres.
S'inspirant de ces principes, plusieurs plans sectoriels ont été élaborés et mis en œuvre dans le cadre du
plan quinquennal 2000-2004.
L'orientation de la politique agricole, soutenue par le code des investissements agricoles, était
déterminée par le souci des pouvoirs publics de couvrir au maximum la demande intérieure en
produits alimentaires dits stratégiques, justifiant les mesures de protection, de subvention, d’incitation
et de régulation des marchés.
Tout en reconnaissant la justesse des choix retenus au lendemain de l’indépendance, et sans nier les
percées notables du secteur agricole, on ne peut s’empêcher de mentionner certains effets pervers et
quelques échecs de ces politiques. La problématique actuelle du secteur agricole a plusieurs facettes
qui se déclinent comme suit :
une agriculture à deux vitesses. L'une moderne, compétitive et commerciale, l'autre familiale à
caractère social.
Les technologies à faible niveau de productivité prévalent pour les cultures pluviales de céréales et de
légumineuses, tandis que les technologies modernes produisent pour l’exportation.
Cet état de fait trouve son origine dans la concentration, pendant longtemps, des efforts
d’investissement de l’Etat sur les périmètres irrigués aux dépens des zones d’agriculture pluviale,
steppiques et de montagnes.
L’impact social de cette dualité a été aggravé par l’absence de ciblage des mesures incitatives, et le
biais dont a été victime le monde rural dans les plans de développement économique et social. Ainsi,
les politiques de sauvegarde du cheptel et de soutien des prix aussi bien à la production qu’à la
consommation n’ont bénéficié qu’à une minorité des destinataires présumés.
A titre d’exemple, il est connu que les prix garantis aux producteurs de blé tendre ne concernent
qu’une faible proportion de ruraux. La majorité d’entre eux étant totalement déconnectée du circuit
formel et n’a accès qu’au marché local où le niveau des prix pratiqués est largement déterminé par les
intermédiaires.
Au niveau de la consommation, seule la moitié des foyers ruraux semble s’approvisionner en farine
subventionnée dite «farine nationale», pour couvrir le tiers seulement de ses besoins et à des prix,
situés entre 266 et 304 Dh le quintal, bien plus élevés que les prix officiels.
L’accès des populations rurales aux services sociaux et aux infrastructures de base demeure limité,
alors que la pauvreté absolue concerne environ le tiers de ces populations, et a tendance à s’étendre
davantage durant les années de sécheresse.
Il convient donc de concevoir une politique volontariste qui met en place des mécanismes favorisant
une solidarité nationale entre les zones favorables et défavorables.
Il ne fait pas de doute qu'en absence de la notion d'Etat providence, désormais révolue, l'agriculture
marocaine se trouve aujourd'hui à un nouveau tournant de son histoire. Son environnement subit en
effet de profondes mutations structurelles.
D’une part, l’économie se libéralise, les marchés deviennent de plus en plus compétitifs, l’urbanisation
modifie les modèles de consommation, alors que les marchés à l'export sont de plus en plus exigeants
en terme de qualité.
D’autre part, l'ouverture des marchés agricoles risque de mettre en difficulté une grande partie des
exploitations agricoles, à dominante extensive, opérant notamment dans les zones bour défavorables.
L’avenir agricole sera déterminé par la capacité des pouvoirs publics à mette en place les conditions
favorisant l’établissement d'un certain nombre d'équilibres, notamment dans les domaines suivants :
• Ouverture vers l’extérieur et libéralisation du marché par rapport à la protection aux frontières
nécessaire à la consolidation de l'objectif de sécurité alimentaire et à la sécurisation des revenus
ruraux;
• Appui au secteur public par rapport à un désengagement en faveur du secteur privé en matière de
production, d’investissement et de prestations de services ;
• Allégement de la pauvreté à court terme par rapport aux mesures favorisant un développement
durable à long terme.
les secteurs agricoles les plus performants dépendent étroitement de l’étranger pour leur
approvisionnement en équipements, en intrants et en matières premières.
Cette situation pénalise doublement notre agriculture. D’une part, cette dernière ne draine qu’une
partie réduite de la plus value. D’autre part, elle est en permanence menacée par la hausse des cours
des facteurs de production, déjà plus onéreux que ceux appliqués à nos concurrents.
Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle mobilise des niveaux d’investissement
importants. A titre d’exemple, le seul secteur des primeurs dépense annuellement plus d’un milliard de
DH correspondant aux frais du plastique pour les serres et aux autres intrants nécessaires à la
production des primeurs destinés à l’exportation. L’aviculture et les autres filières agricoles réservent
des sommes encore plus importantes pour l’acquisition des matières premières et des intrants importés.
Notre agriculture gagnerait donc à renforcer progressivement son intégration verticale, notamment à
travers la promotion d’innovations en biotechnologies.
Outre les opportunités d’emploi, une pareille politique permettrait d’améliorer la compétitivité de
notre agriculture et consoliderait sa durabilité.
Mise à l'épreuve de la globalisation, l'agriculture marocaine subira une vive concurrence tant sur les
marchés extérieur qu'intérieur.
Dans ces conditions, l’amélioration de la compétitivité du secteur agricole passe obligatoirement par
son intégration à l’agro-industrie qui reste relativement peu développée au Maroc.
Ainsi, alors que la production agricole représente, en moyenne, 17% du PIB, l’agro-industrie ne
représente que 5%, bien en deçà des niveaux d’intégration relevés dans les pays avancés (plus de
15%.).
L’insuffisante intégration de l’agriculture à son environnement économique s’exprime aussi par les
difficultés rencontrées par les agriculteurs pour l’écoulement de leurs récoltes.
L’application uniforme des dispositions du régime des prêts de la Caisse Nationale de Crédit Agricole
ou du Fonds de Développement Agricole sans tenir compte des spécificités agro-écologiques des
régions, s’est traduite par une allocation inadéquate des ressources. Elle a été aussi à l’origine de
certaines distorsions dans les systèmes de production, favorisant par exemple l’extension des cultures
dans les zones forestières et pastorales et conduisant à leur désertification à long terme.
Par ailleurs, les plans de mise en valeur, les itinéraires techniques et les assolements jadis imposés aux
agriculteurs présentent parfois certaines incohérences voire des aberrations. Ainsi, les cultures
proposées parfois aux agriculteurs ne valorisent pas au mieux les potentialités agro-écologiques de la
zone où elles sont introduites.
A titre d’exemple, alors que la culture de coton ne consomme dans le périmètre du Tadla que 3.413 m3
d’eau par hectare, elle reçoit des quantités trois fois plus élevées atteignant 10.500 m3 d’eau par
hectare dans le Haouz. De la même manière, la culture de canne à sucre consomme au Loukkos, dans
les conditions coûteuses d’irrigation par aspersion, une quantité d’eau équivalente à 12.040 m3 par
hectare, alors que dans le Rharb, cette consommation n’est que de 10.000 m3/ha dans des conditions
d’irrigation par gravité moins efficiente.
Ces considérations, ajoutées aux disponibilités en eau de plus en plus rares dictent la nécessité de
cibler à l’avenir les incitations de manière à optimiser la valorisation des ressources en eau et favoriser
la prise en compte des aptitudes agro-écologiques des régions dans le choix des cultures.
Sur la base du diagnostic du secteur agricole, les grandes lignes du Plan Maroc Vert s'articulent
autour de six idées voulant faire de l'agriculture le principal moteur de croissance de l'économie
nationale sur les 10 à 15 prochaines années, avec des impacts colossaux en termes de croissance
du PIB, de création d'emplois, d'exportation et de lutte contre la pauvreté.
La deuxième idée considère que l'agriculture doit être pour tous sans exclusive au travers d'une
stratégie différenciée adaptée à chaque type d'acteurs, rompant avec la conception classique
distinguant entre agriculture moderne et agriculture sociale et prenant en considération la diversité
des acteurs et leurs contraintes intrinsèques et socio-économiques .
Concernant la 4ème idée à la base de la nouvelle stratégie agricole, elle porte sur la nécessité de
promouvoir l'investissement privé, accompagné si nécessaire de l'aide publique.
Dans cette perspective, la 5ème idée plaide pour l'adoption d'une approche transactionnelle
autour de la mise en oeuvre concrète sur le terrain de 1.500 projets définis sur la base d'un modèle
économique ciblé.
La sixième idée recommande qu'aucune filière de production n'est condamnée au Maroc et que
toutes les filières ont leur chance de réussite. Il s'agit de donner aux acteurs le maximum de
chance de réussir cette mutation.
Pour concrétiser ces principales idées, la stratégie agricole est axée sur une approche globale
destinée à tous les acteurs selon leurs objectifs, sur la base de deux piliers :
Le premier pilier porte sur le développement d'une agriculture moderne et à haute valeur
ajoutée/haute productivité répondant aux règles du marché en s'appuyant sur les investissements
privés, à travers le financement de 700 à 900 projets d'un coût total de 10 à 15 milliards de DH
annuellement.
Impact Attendu :
En termes d'impact, des retombées très importantes sur la croissance du PIB agricole et sur la lutte
contre la pauvreté à l'horizon 2015, sont attendues. En effet, si les moyens financiers,
institutionnels et managériaux sont actionnés et les réformes adéquates sont entreprises, les
estimations d'impact sont colossales :
Une amélioration notoire du PIB agricole, des exports et des investissements privés;
Une lutte contre la pauvreté efficace et à plus grande échelle à la fois dans les campagnes,
mais aussi dans le périurbain défavorisé;
Une nette amélioration du pouvoir d'achat et du rapport qualité/prix pour le consommateur
marocain sur le marché national.
Aussi, les enjeux de développement durable et de développement territorial seront mieux
raisonnés sur 15-20 ans grâce à une modernisation et une meilleure organisation du secteur. Ainsi,
les impacts chiffrés21 seront :
Pour le pilier I : 400 000 exploitations agricoles ciblées avec 110-115 Md Dhs
d'investissement pour 70-900 projets;
Pour le pilier II: 600-800 000 exploitations agricoles ciblées avec 15-20 Md Dhs
d'investissement pour 300-400 projets sociaux.
Le PMV est fondée également sur une meilleure intégration entre l'amont et l'aval de la chaine de
valeur agricole, avec un renforcement de l'investissement. Le Plan Maroc Vert ambitionne en effet
de générer une vague massive d'investissement agricole à hauteur de 10 milliards de dirhams par
an.
Ladite stratégie a adopté l'agrégation comme outil d'organisation privilégié dans le secteur
agricole. Il s'agit d'un partenariat gagnant- gagnant entre l'amont productif et l'aval commercial
et/ou industriel autour d'un objectif commun, axé sur l'amélioration de la productivité des filières
tout en bénéficiant de la marge de l'ensemble des chaînes de valeur.
Les considérations relatives à la sécurité alimentaire, aux changements climatiques et à la
préservation des ressources naturelles occupent une place de choix.
En effet, le PMV a identifié un certain nombre de mesures d'accompagnement afférents à
l'adéquation des conditions cadre du développement agricole et dont:
La mobilisation du foncier agricole.
L'amélioration de la gestion de l'eau d'irrigation.
La modernisation du marché intérieur.
La politique de promotion des échanges.
La politique fiscale et d'incitation.
La réforme des tissus des acteurs notamment la focalisation des services publics sur les missions
régaliennes et de régulation
La promotion des partenariats avec les opérateurs professionnels concernés par le secteur.
Dans le premier volet, le PMV a réservé une attention particulière à l'intensification technologique
à travers une amélioration de l'accès aux facteurs de production (engrais, semences sélectionnées,
plants certifiés, matériels agricoles, etc.).
Après 5 ans de mise en œuvre, le Plan Maroc Vert a changé l’agriculture marocaine et a posé les
fondements d’un nouvel ordre agraire selon Aziz Akhannouch, lors d’une réunion de
l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tenue le 27 février
2014 à Rome.
La superficie agricole productive au Maroc s’est améliorée de 11% durant la période 2008-2012, à
près de 8 millions d’hectares, et la production agricole de plus de 45%, à 42 millions de tonnes.
La disponibilité alimentaire par habitant a ainsi augmenté de 14% et le PIB agricole est passé de
74 à plus de 100 milliards de dirhams, créant l’équivalent de 77 000 emplois permanents.
En matière d’économie de l’eau, le Maroc a équipé plus de 370 000 hectares et réalisé des sauts
significatifs dans tous les facteurs de productivité. En gros, trois grands chantiers structurants pour
l’avenir de l’agriculture irriguée ont été ouverts. Le premier porte sur le Programme national
d’économie d’eau en irrigation (PNEEI) qui vise la modernisation des systèmes d’irrigation à
travers la reconversion à l’irrigation localisée d’une superficie de l’ordre de 550 000 ha. Ce
programme, inscrit dans «les priorités des stratégies gouvernementales de l’agriculture et du
secteur de l’eau, est une réponse justement aux défis de la raréfaction des ressources en eau et de
la valorisation de ces ressources de plus en plus rares», a-t-il souligné. Le second chantier a pour
objectif l’extension de l’irrigation sur une superficie de près de 155 000 ha. Ce programme,
associé aux barrages réalisés ou en cours de réalisation, permettra de valoriser près de 1 milliard
de m3 par an sous-valorisé. Il nécessitera un investissement de près de 2 milliards d’euros ou 22
milliards de DH.
Le troisième chantier porte, quant à lui, sur la promotion du partenariat public-privé (PPP) pour le
développement et la gestion de l’irrigation.
Le Maroc mène ainsi une démarche cohérente pour parer à l’impact de la raréfaction des
ressources en eau sur la sécurité alimentaire.
Agriculture au Maroc :"Nous voulons réduire le nombre d'intermédiaires", selon Soufiane Larguet
directeur de la stratégie et des statistiques au ministère de l'Agriculture et de la Pêche du Maroc.
- L'un des facteurs de succès est lié au circuit de distribution. Comment se passe l'interface
avec les grossistes au Maroc ?
Soufiane Larguet - L'intermédiation nous pose un réel problème pour la captation de la valeur
chez le fermier. Nous avons une vision assez claire sur certains marchés de gros que nous
souhaitons réformer. Nous voulons limiter le nombre d'intermédiaires qui varie en fonction des
filières. Celle de l'huile d'olive par exemple n'en a quasiment pas. Ce n'est pas le cas d'autres
filières. L'agrégation par exemple est un outil qui nous permet de supprimer l'intermédiation. Dans
ce système l'agrégateur traite directement avec la distribution ou le fermier.
A ce niveau, ledit avis se référant à la qualité de «Statut avancé» dont dispose le Maroc, rappelle
qu’en date du 17 avril 2013, la Commission a publié une proposition de décision du Conseil pour
le Plan d’action UE-Maroc d’exécution du statut avancé (2013-2017), qui dit clairement que la
première mesure de l’agriculture est la «modernisation-renforcement des capacités dans le secteur
agricole dans le cadre de la libéralisation des échanges et en cohérence avec les perspectives du
Plan Maroc Vert».
Le même avis précise que ce plan d’amélioration agricole, qu’envisage le Statut avancé, reçoit
déjà des fonds de l’UE qui vont directement et exclusivement à l’aide du IIe pilier du Plan vert
marocain et qu’ au cours des dix dernières années, le Maroc a reçu de l’UE, 1 milliard 330
millions d’euros de subventions en fonds de développement. .Et qu’entre 2011 et 2013, 565
millions d’euros supplémentaires ont été dégagés, dont 70 millions au titre du programme d’appui
à la politique sectorielle agricole (PAPSA), suivi d’un second programme doté de 60 millions
d’euros.
Cependant et malgré ce plan d’amélioration, ledit avis dresse deux constats assez significatifs.
D’une part, la difficulté du développement du IIe pilier du Plan vert, dans la mesure où seuls 12%
du territoire sont classés comme superficie agricole utile, avec un fort pourcentage de terres non
irriguées et ce au moment où les petites exploitations familiales de moins de 5 hectares dominent
toujours le paysage agricole (plus de 70% du total des exploitations marocaines occupent moins
d’un tiers de la superficie agricole).
D’autre part, le passage d’une agriculture céréalière à une agriculture intensive au Maroc accroît
le phénomène de salinisation.
Partant de là, «l’UE doit faire en sorte qu’un équilibre puisse être trouvé entre les deux piliers du
Plan vert et encourager une agriculture pour les petits propriétaires, désormais totalement
déséquilibrée du fait de l’agriculture d’exportation à laquelle la grande majorité des producteurs
marocains est étrangère», estiment des producteurs qui souhaitent aussi que le prochain
programme de projets pilotes pour le développement rural (ENPARD) au Maroc puisse également
leur ouvrir de nouvelles possibilités.
Près de dix ans après le lancement du PVM, les résultats seraient encourageants.
D’abord parce que cette stratégie est citée en exemple par différentes institutions internationales
comme l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) qui, en 2015,
a d’ailleurs primé le Maroc pour avoir atteint, deux ans avant l’échéance, le premier Objectif du
millénaire pour le développement (OMD) consistant à réduire l’extrême pauvreté et la faim et ce,
grâce au PMV.
Ensuite, le produit intérieur brut agricole (PIBA) aurait progressé de 74% entre 2008 et 2015, à
120 milliards de DH. Mais, du fait de la mauvaise campagne céréalière 2015-2016, le volume est
retombé à 108 milliards de DH. Malgré tout, le secteur serait moins exposé aux aléas climatiques
car les baisses de la production céréalière impacteraient de moins en moins l’évolution du PIB
agricole.
Au titre du Pilier I, 869 projets ont été concrétisés durant la période 2008-2016, soit 96,5% de
l’objectif 2020. Ces projets bénéficiant à 293000 agriculteurs agrégés couvrent une superficie de
503 387 ha. Pour le moment, 56 projets concernant 135000 producteurs ont obtenu une attestation
d’agrégation pour une superficie de 342 000 ha et 320 000 têtes du cheptel. L’investissement est
de 20 milliards de DH (voir filières pages suivantes).
A propos du Pilier II, 616 projets ont été lancés à fin 2016, soit assez largement au dessus de la
barre fixée. Le montant de l’investissement est de près de 15 milliards de DH. Environ 740 000
agriculteurs en bénéficient. La grande majorité des projets sont localisés dans les régions de
Tanger, Tétouan-Al Hoceima (17%), Fès-Meknès (14%), Marrakech Safi (12%), et l’Oriental
(11% des projets).
Toujours concernant ce pilier II, le projet d’agriculture solidaire et intégrée au Maroc (ASIMA)
destiné à mettre en place des mesures de conservation des sols et de préservation de la biodiversité
dans des zones marginales a profité à 8500 petits agriculteurs (dont 20% de femmes) de Rhamna,
Essaouira, Haouz, Agadir et Tiznit. Le coût total du projet, dont la Banque Mondiale est
l’administrateur, est de 41,98 millions de dollars (420 MDH)
Une attention particulière est aussi accordée aux produits du terroir considéré par le ministère de
l’agriculture comme une alternative pour le développement local, viable et durable de zones
difficiles d’accès. Selon l’Agence de développement agricole (ADA), 8 boutiques sont créées au
profit de 8 groupements représentant 60 coopératives constituées de 2600 agriculteurs et 10
filières de produits du terroir (argane, safran, dattes, huile d’olives, olive de table, miel, couscous,
lavandin et câpres). De nouvelles boutiques sont en cours de création pour 10 nouveaux
groupements, représentant 17 coopératives regroupant 373 agriculteurs et 6 filières de produits du
terroir (argane, miel, huile d’olive, figue de barbarie, PAM, épices). Sur le même registre, un
contrat programme «Agriculture biologique» a également été signé en 2011 entre l’Etat et
l’Association marocaine de la filière des productions biologiques (AMABIO). Les professionnels
se sont engagés à produire respectivement 400000 et 8500 tonnes de produits végétaux et animaux
et d’en exporter 60 000 tonnes d’ici à 2020.
Ces résultats découlent d’actions bien coordonnées. Sur le plan institutionnel, l’Agence de
développement agricole (ADA) et l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires
(ONSSA), ont été créés, de même qu’un Office national de conseil agricole (ONCA), interface
entre la formation et la recherche et la sensibilisation et le conseil des agriculteurs et des
organisations professionnelles.
Sur le terrain, un partenariat Public-Privé a été établi, scellé par des contrats programmes avec les
principales filières agricoles représentées par leur fédération. Depuis 2008, 19 contrats ont été
signés. Un cadre juridique régissant la création et le financement des interprofessions agricoles a
été mis en place en 2015 à travers la loi 03-12 relative aux interprofessions agricoles et
halieutiques adoptée en 2015. Déjà, neuf interprofessions ont obtenu leur sésame.
l’Etat a mis à la disposition des investisseurs privés suffisamment de foncier (pilier I) pour une
durée de location assez longue. Ainsi, 100 000 ha ont été alloués par appel d’offres à fin 2016.
Les investissements engagés s’élèvent à près de 14 milliards de DH sur un objectif de 15,2
milliards, soit un taux de réalisation de 92%. Ces investissements concernent en particulier la
production végétale, l’élevage et les unités de valorisation, en plus des actions transverses
relatives à la mise à niveau des exploitations concernées, entre autres, les aménagements hydro-
agricoles et fonciers.
C’est dans le même souci de faciliter l’investissement par la mise à disposition des terres que
l’agrégation a été promue. Ce système organisationnel consistant à fédérer des agriculteurs autour
d’acteurs privés, qu’ils soient une personne physique ou morale ou toute organisation
professionnelle (Coopérative, Association ou Groupement d’intérêt économique), permet de
surmonter le morcellement en vue d’améliorer les rendements à travers le transfert de technologie.
Inciter les agriculteurs à produire, c’est aussi les rassurer en cas de coup dur. A ce titre, a été créé
un système d’assurance qui couvre à présent plus d’un million réparti entre les céréales, les
légumineuses, l’oléagineux et l’arboriculture. L’accent a aussi été mis sur une gestion plus
efficace de l’eau. Près de 500 000 hectares ont été équipés pour la reconversion vers le goutte-à-
goutte sur un objectif de 550 000 hectares, soit un taux de réalisation de 90%.
Afin d’articuler l’aval et l’amont agricole par une logistique performante deux agropoles (Berkane
et Meknès) sont déjà opérationnels. Cinq autres sont programmés.
Point par point, à l’appui des chiffres livrés par l’Office des changes, le HCP
et le ministère, LE DESK a pu démontrer que le Plan Maroc Vert échoue
jusqu’à présent sur tous les plans ou presque, aussi bien sur son pilier 1
dédié à l’agriculture dite moderne que sur le second pilier ciblant
l’agriculture solidaire.
ECHEC I
Aucun impact « considérable »
sur la croissance
Si le PIB agricole a progressé à 118 milliards de dirhams, son impact sur la croissance reste très faible. MAP
Dans ses objectifs, le PMV table pour 2020 sur « UNE AMÉLIORATION NOTOIRE »du
PIB agricole, pour « UN IMPACT CONSIDÉRABLE SUR LA CROISSANCE ». En chiffres, il
prévoit le renforcement de la part de l’agriculture dans le PIB de 70 à 100
milliards de dirhams. Cet objectif est en fait atteint dès 2010, deux ans
après le lancement du Plan. En 2015, le PIB agricole atteint 118 milliards
de dirhams. Ce renforcement au lancement de la stratégie est permis par
les investissements déjà engagés dans l’agriculture moderne orientée vers
l’export, qui n’a pas besoin de main d’oeuvres. Dès 2009, la pluviométrie
est de nouveau favorable au remplissage des barrages, qui alimentent ce
secteur, après une terrible année 2008 de sécheresse.