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C .

D EBU S S Y: Q uatuor en s ol mineur en quatre mouvements


Animé et très décidé - As s ez vif et bien rythmé - Andantino doucement
expres s if -
  Très modéré puis Très mouvementé et avec pas s ion
«   M ai s e n f i n , M o n s i e ur De b us s y , e n t e n de z - v o us ??!
- Oui , M o n s i e ur, j ’ e n t e n ds m o n h arm o n i e m ai s p as l a v ô t re !   »
De b us s y à C é s ar Fran c k , s o n p ro f e s s e ur d’ h arm o n i e au C o n s e rv at o i re de Pari s

P eu d'œ uvres dans l'his toire peuvent s e prévaloir d'avoir fait bas culer s on
cours , au point qu'on es t s ais i devant elles d'une s orte de vertige. Le Q uatuor de
Claude D ebus s y en fait partie et apparaît comme le joyau d'un compos iteur
révolutionnaire. Ce n'es t pas un has ard s i s on écriture date de 1892. D ans le XIXe
s iècle finis s ant, c'es t une véritable prés cience d'une période qui s e termine qui habite
le compos iteur et s on œ uvre es t comme un tremplin qui, partant des cons tructions
des s iècles précédents , fait entrer de plain-pied dans le s iècle s uivant. Il y a quelque
chos e de particulièrement évocateur à cons tater combien la compos ition dans s on
ens emble - mis e à part peut être la paus e extraordinaire que représ ente le thème du
mouvement lent ( et encore …) - es t travers ée par une s orte de tempête qui balaye
tout s ur s on pas s age, et s urtout les s cories pous s iéreus es de vieux s ys tèmes qui
parais s ent tout d'un coup incroyablement dépas s és . Les indications de la partition
s ont édifiantes à ce s ujet: tr ès décidé, tr ès m ouvem enté… U tilis ant tout au long des
quatre mouvements les s onorités rugueus es de modes anciens ( le s ol mineur
phrygien de la première mes ure donne le ton!), et abus ant s ans vergogne de
tumultueux accents rythmiques , D ebus s y par ce quatuor, marque de s on empreinte
l'enfantement rageur de la mus ique de notre temps .
Le premier mouvement plonge littéralement l'auditeur dans un monde de
s onorités âpres s ans lui lais s er la moindre fraction de s econde de repos . Le premier
thème lancé au vol par le premier violon s ous la très forte pres s ion des trois autres
ins truments s e calme très rapidement pour s 'enchaîner s ur un deuxième thème, s orte
de plainte magique du violon au des s us d'un tapis bouillonnant, rejoint bientôt par
l'alto qui l'amène dans une grande montée à s on paroxys me. Après un long arrêt, le
violoncelle enchaîne alors par une nouvelle évocation du premier thème interrompue
deux fois par de timides interventions plus lentes du premier violon, mais qui finira
par s 'impos er dans un immens e cres cendo et accelerando jus qu'à un véritable
effondrement vers un tapis grondant à la bas s e s ur lequel les trois autres ins truments
grincent le premier thème. Le mouvement s 'accélère alors cons tamment , à part un
court répit apporté par le s econd violon et l'alto, jus qu'à l'unis s on final.
Le deuxième mouvement es t un éblouis s ant s cherzo qui emploie à outrance les
pizzicati s ous un os tinato s auvage de l'alto. Le thème, toujours en pizzicati, es t
repris au s econd violon avant que le violoncelle ne s 'empare de l'os tinato et fas s e
conduit vers un thème rêveur du premier violon qui s e conclut par une ritournelle
aux accents de flamenco. Le thème pas s e alors au violoncelle. P uis , s ur un nouveau
tapis , un élément thématique violent es t énoncé au premier violon dans les graves ,
puis c'es t le retour du rêve bruquement interrompu par un point d'arrêt en s us pens .
Et le thème de l'os tinato, explos é d'une manière hallucinante dans une s ucces s ion de
pizzicati, va amener le dernier s urs aut dont l'onde de choc en s e calmant conclut le
mouvement.
D ans une atmos phère irréelle, le s econd violon amorce le thème du
mouvement lent, interrompu par quelques pizzicati égrénés par le violoncelle, repris
par l'alto qui le trans met au premier violon puis au violoncelle. La douceur de cette
page d'une fragilité étincelante prend une profondeur harmonique vertigineus e.
Après un long point d'orgue, l'alto énonce une s orte d'improvis ation, interrompue par
deux fois , puis trans mis e aux deux violons dans une phras e s inueus e qui conduit à
un thème de l'alto, repris par le violoncelle lui même rejoint par le s econd violon. Ce
thème s 'exas père dans une grande montée jus qu'à s on expos ition déchirante au
premier violon au des s us d'un bras ier qui s 'éteint peu à peu et s e conclut par un
nouvel énoncé du thème improvis é au premier violon et à l'alto, puis au violoncelle
s eul qui fait la trans ition avec le retour du thème initial. Celui-ci, dépouillé comme
jamais , perd peu à peu contact avec toute réalité jus qu'à s e terminer, "le plus
doucement pos s ible" (écrit en toutes lettres dans la partition), dans une atmos phère
immatérielle où le temps a été aboli.
Enfin, un thème lent et s évère du violoncelle repris au premier violon ramène
s ur terre. P uis dans un grand fugato qui s 'enflamme le thème du dernier mouvement,
tourmenté et agité es t énoncé à l'alto. Ce dernier mouvement es t une s orte de
réminis cence des deux premiers mouvements , multipliant les quintes dans une s orte
de dans e haletante parfois interrompue par quelques interventions plus tendres du
premier violon. H és itant jus qu'au bout entre majeur et mineur, au point de faire
éclater une référence tonale nette, ce joyeux bouillonnement conclut avec exaltation
le monument qu'es t cette œ uvre.

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