DéfinitionUn espace vectoriel (réel) est un ensemble E dont
les éléments sont appelés vecteurs, muni d’une addition
associative et commutative, d’un vecteur nul 0 neutre pour l’addition, et d’une multiplication scalaire qui associe à tout scalaire λ ∈ R et à tout vecteur u ∈ E, un vecteur λ·u ∈ E, en satisfaisant les propriétés suivantes : tout vecteur u admet un opposé −u tel que u + (−u) = 0 ; la multiplication scalaire est distributive par rapport à l'addition dans R et par rapport à l'addition dans E : pour tout (λ, μ, u, v) ∈ R2 × E2, on a (λ + μ)·u = λ·u + μ·u et λ·(u + v) = λ·u + λ·v ; la multiplication scalaire est compatible avec la multiplication dans R : pour tout (λ, μ, u) ∈ R2 × E, on a (λ × μ)·u = λ·(μ·u) et 1·u = u. Le singleton {0} est un espace vectoriel appelé espace vectoriel nul. Pour tout n ∈ N∗, l’ensemble Rn est un espace vectoriel. Pour tout (m, n) ∈ (N∗)2, l’ensemble ℳn,m(R) des matrices à n lignes et m colonnes est un espace vectoriel. L’ensemble C est un espace vectoriel réel. Si A est un ensemble non vide quelconque et E un espace vectoriel, l'ensemble (A, E) des applications de A dans E est un espace vectoriel pour l’addition des valeurs et la multiplication scalaire des valeurs. En particulier, l’ensemble ℱ(R, R) des fonctions de R dans R et l’ensemble RN des suites réelles sont aussi des espaces vectoriels. L’ensemble des variables aléatoires (discrètes ou à densité) qui admettent une espérance est un espace vectoriel. PropriétéPour tout u ∈ E, on a 0·u = 0 et (−1)·u = −u. Démonstration On a 1·u + 0·u = (1 + 0)·u = 1·u donc par soutraction on trouve bien 0·u = 0. Ensuite, on a u + (−1)·u = 1·u + (−1)·u = (1 + (−1))·u = 0·u = 0. PropriétéSi E et F sont deux espaces vectoriels alors le produit cartésien E × F est aussi un espace vectoriel pour l'addition (u, v) + (u′, v′) = (u + u′, v + v′) et pour la multiplication scalaire λ·(u, v) = (λ·u, λ·v). Plus généralement, pour tout p ∈ N*, l'ensemble Ep des listes de p éléments de E est un espace vectoriel pour l'addition terme à terme et la multiplication scalaire sur chaque composante. Sous-espace vectoriel DéfinitionSoit E un espace vectoriel. On appelle sous- espace vectoriel de E toute partie F non vide et stable par addition et par multiplication scalaire. En particulier, tout sous-espace vectoriel contient le vecteur nul. L'espace vectoriel nul est un sous-espace vectoriel de tout espace vectoriel. Tout espace vectoriel est un sous-espace vectoriel de lui- même. Les droites R et Ri sont des sous-espaces vectoriels réels de C. L'ensemble 𝓒0(I, R) des fonctions réelles continues sur un intervalle réel I non vide, forme un sous-espace vectoriel de 𝓕(I, R). L'ensemble 𝓓1(I, R) des fonctions réelles dérivables sur I est lui-même un sous-espace vectoriel de 𝓒0(I, R). L'ensemble des suites réelles convergentes forme un sous- espace vectoriel de l'ensemble RN des suites réelles. Pour tout n ∈ N, l'ensemble Rn[x] des fonctions polynômes de degré inférieur ou égal à n forme un sous-espace vectoriel de l'ensemble des fonctions polynômes. En pratique, pour démontrer qu'un ensemble constitue un espace vectoriel, on se contente d’utiliser la propriété suivante. PropriétéSoit E un espace vectoriel. Soit F une partie non vide de E. Si pour tout (λ, u, v) ∈ R × F2 on a λ·u + v ∈ F, alors F est un sous-espace vectoriel de E. Démonstration Comme F est non vide, elle contient un vecteur x donc elle contient (−1)·x + x = 0. Par conséquent, pour tout (λ, u) ∈ R × E elle contient λ.u + 0 = λ.u. Et pour tout (u, v) ∈ F2 on a u + v = 1.u + v ∈ F. Finalement, l'ensemble F est bien un sous-espace vectoriel de E. Si G est un sous-espace vectoriel de F qui est un sous- espace vectoriel d'un espace vectoriel E, alors G est un sous-espace vectoriel de E. Si F et G sont deux sous-espaces vectoriels d'un même espace vectoriel E, alors leur intersection F ∩ G est encore un sous-espace vectoriel de E. Plus généralement, si (Fi) est une famille de sous-espaces vectoriels de E alors leur intersection F = ⋂i Fi est encore un sous-espace vectoriel de E. On applique le critère donné ci-dessus. Tout sous-espace vectoriel contient le vecteur nul donc 0 ∈ F donc F est non vide. Soit (λ, u, v) ∈ K × F2. En particulier, pour tout i, on a u ∈ Fi et v ∈ Fi donc λ.u + v ∈ Fi. Finalement, λ.u + v ∈ ⋂i Fi = F. En revanche, l'union de deux sous-espaces vectoriels n'est presque jamais un sous-espace vectoriel, sauf si l'un est inclus dans l'autre. Application linéaire DéfinitionSoient E et F deux espaces vectoriels. Soit φ : E → F. On dit que φ est linéaire si elle vérifie pour tout (λ, u, v) ∈ R × E2, φ(u + v) = φ(u) + φ(v) et φ(λ·u) = λ·φ(u). On note L(E, F) l’ensemble des applications linéaires de E vers F. En pratique, on vérifie directement la relation φ(λ·u + v) = λ·φ(u) + φ(v). Soient E et F deux espaces vectoriels. L’application nulle x ↦ 0 est linéaire. Pour tout ensemble D ⊂ R, pour tout a ∈ D, l’application d’évaluation f ↦ f(a) est linéaire de ℱ(D, R) vers R. La dérivation est une application linéaire de 𝒟1(I, R) vers ℱ(R, R). Pour tout (a, b) ∈ R2 tel que a < b, l’intégration f ↦ ∫ab f(t) dt est une application linéaire de 𝒞0([a, b], R) vers R. Si I et J sont deux intervalles de R et si u est une fonction de I vers J, la composition à droite f ↦ f ∘ u définit une application linéaire de ℱ(J, R) vers ℱ(I, R). L’opérateur de limite est une application linéaire de l’ensemble des suites réelles convergentes vers R. L’application transposition M ↦ MT est linéaire de ℳn,p(R) vers ℳp,n(R). L’espérance est linéaire de l’espace des variables aléatoires qui en admettent une vers R. PropriétéL’ensemble L(E, F) est lui-même un espace vectoriel. PropriétéLa restriction d’une application linéaire à un sous-espace vectoriel de son espace de départ est encore une application linéaire. On retrouve aussi toutes les propriétés démontrées pour les applications linéaires entre espaces de vecteurs à composantes réelles. PropriétéLa composée de deux applications linéaires est linéaire. PropriétéSoit φ ∈ L(E, F). Pour tout sous-espace vectoriel G ⊂ E, l’image φ(G) = {φ(x), x ∈ G} est un sous-espace vectoriel de F. Pour tout sous-espace vectoriel H ⊂ F, la préimage φ−1(H) = {x ∈ E : φ(x) ∈ H} est un sous-espace vectoriel de E. En particulier, l’image Im(φ) = φ(E) et le noyau Ker(φ) = φ−1({0}) sont des sous-espaces vectoriels. PropriétéUne application linéaire est injective si et seulement si son noyau est nul. DéfinitionUn isomorphisme (d’espaces vectoriels) est une application linéaire bijective. Soit F un sous-espace vectoriel non nul de Rn. Soit ℬ = (e1, … , ep) une base de F. L’application qui à tout vecteur de F associe ses coordonnées dans la base ℬ définit un isomorphisme entre F et Rp. L’application qui à toute application linéaire de Rm vers Rn associe sa matrice représentative définit un isomorphisme entre L(Rm, Rn) et ℳn,m(R). PropriétéLa composée de deux isomorphismes est encore un isomorphisme. PropriétéL’application réciproque d’un isomorphisme est aussi un isomorphisme. DéfinitionDeux espaces vectoriels E et F sont dits isomorphes s’il existe un isomorphisme entre E et F. PropriétéTout espace vectoriel est isomorphe à lui-même. Deux espaces vectoriels isomorphes à un même troisième sont isomorphes entre eux. Famille de vecteurs DéfinitionsSoit E un espace vectoriel et p ∈ N∗. Soit (x1, … , xp) ∈ Ep et (λ1, … , λp) ∈ Rp. La combinaison linéaire sur les vecteurs x1, … , xp avec les coefficients λ1, … , λp s’écrit ∑k=1p λkxk. La famille (x1, … , xp) est dite libre si la seule combinaison linéaire nulle sur ces vecteurs est celle avec des coefficients nuls. Elle est dite liée dans le cas contraire. La famille (x1, … , xp) est dite génératrice de E si E est l’ensemble des combinaisons linéaires sur ces vecteurs et dans ce cas on note E = Vect(x1, … , xp). Une base de E est une famille à la fois libre et génératrice. L’espace ℳn,p(R) admet pour base la famille des matrices élémentaires (Ei,j) avec 1≤i≤n et 1≤j≤p. L’espace C admet pour base le couple (1, i). PropriétéUne famille de vecteurs (x1, … , xp) ∈ Ep est une base si et seulement si pour tout vecteur y ∈ E il existe une unique famille de coefficients (λ1, … , λp) ∈ Rp telle que ∑k=1p λkxk = y. DémonstrationOn procède comme pour la caractérisation des bases dans Rn. Théorème de la base incomplète Soit E un espace vectoriel admettant une famille libre ℱ et une famille génératrice 𝒢 (éventuellement vides). Il existe alors une base de E constituée des vecteurs de ℱ et de certains des vecteurs de 𝒢. DémonstrationOn procède comme pour la démonstration du théorème dans Rn. PropriétéSoit E et F deux espaces vectoriels. Soit (e1, … , en) une base de E. Pour tout (y1, … , yn) ∈ Fn il existe une unique application linéaire φ ∈ L(E, F) telle que pour tout i ∈ ⟦1 ; n⟧ on ait φ(ei) = yi. Image d'une base par une application linéaire Soient E et F deux espaces vectoriels. Soit (e1, …, en) une base de E et φ ∈ L(E, F). On a les équivalences suivantes. L'application φ est injective si et seulement si la famille (φ(e1), …, φ(en)) est libre. L'application φ est surjective si et seulement si la famille (φ(e1), …, φ(en)) est génératrice dans F. L'application φ est bijective si et seulement si la famille (φ(e1), …, φ(en)) est une base de F. DémonstrationOn procède par double implication dans chacun des deux premiers cas. Le troisième cas combine les deux premiers. Supposons que l'application φ est injective. Soit (λ1, …, λk) ∈ Rk tel que ∑i=1k λi.φ(ei) = 0. Alors on trouve φ(∑i=1k λi.ei) = 0 donc ∑i=1k λi.ei = 0 donc pour tout i, λi = 0. Donc la famille (φ(e1), …, φ(ek)) est libre. Réciproquement, supposons que la famille (φ(e1), …, φ(ek)) est libre. Soit x ∈ Ker(φ). Il existe (λ1, …, λk) ∈ Rk tel que x = ∑i=1k λi.ei donc 0 = φ(x) = ∑i=1k λi.φ(ei) donc pour tout i, λi = 0 donc x = 0. Donc φ est injective. Supposons que l'application φ est surjective. Soit y ∈ F. Il existe x ∈ E tel que φ(x) = y et il existe (λ1, …, λk) ∈ Rk tel que x = ∑i=1k λi.ei donc y = φ(x) = ∑i=1k λi.φ(ei). Donc la famille (φ(e1), …, φ(ek)) est génératrice. Réciproquement, supposons que la famille (φ(e1), …, φ(ek)) est génératrice dans F. Soit y ∈ F. Il existe (λ1, …, λk) ∈ Rk tel que y = ∑i=1k λi.φ(ei) = φ(∑i=1k λi.ei) ∈ Im(φ). Donc φ est surjective. PropriétéSi E est muni d'une base (e1, …, ek). L'application (λ1, … , λk) ↦ ∑i=1k λi.ei constitue un isomorphisme entre Rk et E. DémonstrationLa base (e1, … , ek) est l’image par φ de la base canonique de Rk donc φ est bijective. PropriétéSoit φ un isomorphisme entre deux espaces vectoriels E et F. Une famille de vecteurs (x1, … , xp) ∈ Ep est libre (resp. génératrice de E, resp. une base de E) si et seulement si la famille (φ(x1), … , φ(xp)) est libre (resp. génératrice de F, resp. une base de F). Dimension finie DéfinitionUn espace vectoriel (réel) E est dit de dimension finie s’il est nul ou s’il admet une famille génératrice finie. PropriétéUn espace vectoriel E est de dimension finie si et seulement s’il existe un entier n ∈ N et un isomorphisme φ : Rn → E. Dans ce cas, toutes les bases de E sont constituées de n vecteurs. DémonstrationSi E admet une famille génératrice alors par théorème de la base incomplète, il admet une base ℬ, donc il existe une application linéaire φ ∈ L(Rn, E) qui associe aux vecteurs de la base canonique de Rn ceux de la base ℬ, donc φ est un isomorphisme. Réciproquement, s’il existe un isomorphisme φ ∈ L(Rn, E) alors les images des vecteurs de la base canonique de Rn constituent une base de E. En outre, l’isomorphisme φ−1 envoie chaque base de E sur une base de Rn donc toutes les bases de E sont constituées de n vecteurs. DéfinitionOn appelle dimension d’un espace vectoriel E le nombre de vecteurs dans chacune de ses bases et on la note dim(E). L’ensemble C est un espace vectoriel réel de dimension 2. Pour tout (n, p) ∈ (N∗)2 on a dim(ℳn,p(R)) = n × p. Pour tout n ∈ N∗ on retrouve dim(Rn) = n. Pour tout n ∈ N, on a dim(Rn[x]) = n + 1. L’isomorphisme assure aussi que toutes les propriétés énoncées sur les familles de vecteurs dans Rn s’étendent aux espaces vectoriels de dimension n : toute famille libre est constituée d’au plus n vecteurs, toute famille génératrice est constituée d’au moins n vecteurs, toute famille libre ou génératrice et constituée d’exactement n vecteurs est une base. PropriétéDeux espaces vectoriels de dimension finie sont isomorphes si et seulement s’ils ont la même dimension. PropriétéSi E et F sont deux espaces vectoriels de dimension finie, alors E × F aussi et on a dim(E × F) = dim(E) + dim(F). PropriétéSi E et F sont deux espaces vectoriels de dimension finie, alors L(E, F) aussi et on a dim(L(E, F)) = dim(E) × dim(F). PropriétéSoit E un espace vectoriel de dimension finie. Tout sous-espace vectoriel de E est aussi de dimension finie, inférieure à celle de E. Le seul sous-espace vectoriel de E qui a la même dimension est E lui-même. Rang DéfinitionsLe rang d’une famille de vecteurs est la dimension de l’espace vectoriel engendré. Le rang d’une application linéaire φ est la dimension de son image, si elle existe. On la note alors rg(φ). Théorème du rang Soit E et F deux espaces vectoriels et φ ∈ L(E, F). Si E est de dimension finie alors Im(φ) aussi et on a dim(E) = dim(Ker(φ)) + rg(φ). DémonstrationOn procède comme dans le cas des applications matricielles. PropriétéSi φ ∈ L(E, F) est une application linéaire injective, tout sous-espace vectoriel de E a la même dimension que son image. DémonstrationSoit G un sous-espace vectoriel de E. L’application induite ~φ ∈ L(G, φ(G)) est un isomorphisme donc dim(G) = dim(φ(G)). Endomorphisme DéfinitionSoient E un espace vectoriel. Un endomorphisme de E est une application linéaire de E dans E. On note L(E) l’ensemble des endomorphismes de E. L’identité x ↦ x est un endomorphisme sur n’importe quel espace vectoriel E. La dérivation définit un endomorphisme sur l’espace des polynômes. L’application de renversement, qui à toute fonction f : R → R associe la fonction x ↦ f(−x) est un endomorphisme de ℱ(R, R). Pour tout ensemble D ⊂ R non vide, pour toute fonction g : D → R, la multiplication f ↦ f × g est un endomorphisme de ℱ(D, R). L’application de décalage, qui à toute suite (un)n∈N associe la suite (un+1)n∈N est un endomorphisme de RN. La sommation, qui à toute suite (un)n∈N associe la suite des sommes partielles (∑k=0nuk)n∈N est un endomorphisme de RN. PropriétéSoit E un espace vectoriel. La composition définit une opération associative mais en général non commutative sur L(E), distributive par rapport à l’addition et admettant l’identité pour neutre. Pour tout u ∈ L(E), on note u0 = idE et pour tout k ∈ N, on note uk+1 = u ∘ uk. Cette notation ne doit pas être confondue avec la puissance comme répétition de multiplication. C. Boilley, lycée Châtelet de Douai